L`idéothèque - Profil Alternatif – Recruteur de passions

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L`idéothèque - Profil Alternatif – Recruteur de passions
L’idéothèque
Faire des passionnés
les salariés (modèles) de demain
La passion
comme axe de
recrutement
Christophe Lo Giudice
L
Vraies passions,
vrais talents. Et si les
passionnés étaient
les salariés modèles
Clément Finet
Editions Manitoba/
Les Belles Lettres,
205 pages, 23 euros
ISBN 978-2-251-89019-7
72 | N° 11 |
es chantres de la passion sont nombreux :
ministres, dirigeants d’entreprise, grands
gourous et consultants éclairés. Dans
l’introduction à ce livre qui se lit tel un roman,
Clément Finet cite Thierry Breton, ancien ministre
français redevenu grand patron - « La croissance
de demain, c’est surtout la passion qui est en vous »
- ou Alain-Dominique Perrin, mythique patron de
Cartier, - « N’oubliez jamais que ce sera la passion
qui devra guider votre vie ». Des propos qu’il juge
rien d’autre qu’incantatoires. « Comment se fait-il
que, quand le ministre ou le dirigeant parle du rôle
et de la valeur de la passion dans le cadre du travail, tout le monde acquiesce et applaudit, et que,
quand un quidam parle de cette même passion,
tout le monde détourne le regard, l’air embarrassé,
en faisant mine de ne comprendre ni le sens, ni la
pertinence de son propos ? »
Fondateur du cabinet de recrutement Profil
Alternatif, qui travaille spécifiquement ce nouvel axe de recrutement qu’est la passion, l’auteur
invite à ne pas être dupe. « Quand je parle de
passion, on me demande de me montrer raisonnable, pragmatique ou tout simplement ‘réaliste’.
Et quand viendra votre tour de parler, de vendre
votre passion aux entreprises, on ne vous demandera jamais rien de moins. Faites le test, allez voir
les DRH de ces mêmes grands patrons, allez leur
exposer votre passion… Sans surprise, les RH n’accorderont que très peu de crédit à vos déclarations
relatives à la valeur supposée de votre passion
dans le cadre de votre future activité professionnelle. Comme chacun le sait, ce qu’attendent les
entreprises, c’est du concret. »
Clément Finet ne jette pas la pierre aux RH,
une partie de l’explication tenant à une forme de
méconnaissance de leur part. Mais interpelle : les
entreprises et les recruteurs sont-ils prêts à accorder à la passion une quelconque reconnaissance
professionnelle ? « Si le mot ‘passion’ fait partie du
champ lexical de l’entreprise aujourd’hui, le terme
à la mode en matière de recrutement n’est pas encore le mot ‘passion’, mais le mot ‘talent’ », pointet-il. Et, quand on demande aux RH de le définir,
c’est l’embarras. Après avoir observé une population hétéroclite de personnes auxquelles tout le
> Clément Finet,
« Les passionnés, dans le cadre du travail,
et surtout dans l’entreprise, sont le plus
souvent perçus comme des atypiques.
Il faut donc une nouvelle vision et de
nouveaux outils pour les détecter. »
© D.R.
monde est prêt à reconnaître une forme évidente
de talent, une piste lui saute aux yeux : « Aucun des
interviewés ne manque jamais de souligner ce lien
indéfectible qui, chez eux, lie les notions de travail
et de passion. »
La passion est tout sauf monolithique, raison
pour laquelle l’auteur s’est attaché à bâtir une
Nomenclature de la passion professionnelle, devant permettre de recenser toutes les formes de
passion que l’on peut rencontrer dans l’univers
professionnel et de juger de la pertinence et de
l’intérêt de celles-ci du point de vue de l’entreprise. Il isole ainsi passion feinte, passion-loisir, passion égoïste, passion équilibrée, passion
maîtrisée, passion émérite et passion aliénante,
certaines pouvant se recouvrir. Si l’on rencontre
potentiellement neuf formes distinctes de passion
dans l’univers professionnel, seules quatre d’entre
elles constitueront un possible axe de recrutement, dit-il.
Mais gare au travers des recruteurs de chercher moins des talents que des évidences : « Or,
les passionnés, dans le cadre du travail, et surtout dans l’entreprise, sont le plus souvent perçus
comme des atypiques. » Il faut donc une nouvelle
vision et de nouveaux outils. Et il faut que les RH
se montrent capables de s’extraire de leurs procédures. Ainsi, s’il considère le CV comme un
outil indispensable, Clément Finet conteste par
exemple vigoureusement la légitimité de la lettre
de motivation, qu’il propose de remplacer par le
CVA, le « CV alternatif ». Celui-ci a pour vocation
de faire apparaître des qualités, des compétences,
des connaissances qui, à n’en pas douter, ont leur
place dans le cadre de l’entreprise, et qui pourtant
n’en ont aucune sur un CV classique ou dans une
lettre de motivation. Une sorte de « programme
libre » pour le candidat… I
à l’adresse www.hrsquare.be/fr/bibliotheque
ID
IDEES
Apparence(s)
L’apparence, une affaire à laquelle le DRH
doit s’intéresser ? Assurément, à lire ces 60
questions étonnantes sur la beauté. Au départ
d’études scientifiques récentes menées par
des psychologues, Gaëlle Bustin interpelle, sur
le ton de l’humour, sur les risques de discrimination lors des recrutements, ainsi qu’autour
d’autres sujets RH : le talent des belles personnes est-il reconnu à sa juste valeur ? Cela
paie-t-il d’être « beau gosse » ? Beaux et belles
n’ont-ils vraiment pas de cervelle ? Le stress
rend-il moche ? Etc.
60 questions étonnantes sur la
beauté
Gaëlle Bustin
Éditions Mardaga, 144 pages, 14,90 euros
ISBN 978-2-8047-0316-5
Friends ?
Les médias sociaux ont envahi le lieu de
travail. Ils ne font pas (encore ?) l’objet d’une
réglementation spécifique, mais diverses
normes juridiques s’y appliquent. Cet ouvrage rédigé par Sabine Cornelis, avocate au
barreau de Liège et enseignante en droit social auprès de l’IFAPME, vise à permettre aux
responsables RH de répondre aux questions
pratiques pouvant se poser en matière d’utilisation et de consultation des réseaux sociaux
tout au long de la relation de travail.
Médias sociaux et droit du
Sabine Cornelis
Wolters Kluwer, 94 pages, 137 euros
Empowerment
Peurs
L’empowerment, qui peut se traduire
par le pouvoir d’agir, est un concept né
au début du XXe siècle aux Etats-Unis
dans un contexte de lutte sociale. On
l’utilise aujourd’hui principalement
dans les politiques de développement
ou dans les politiques sociales et de la
ville. Dans le cadre de l’entreprise, l’empowerment, c’est un peu plus que le management participatif et un peu moins
qu’une autonomie complète des collaborateurs, expliquent Philippe Liger,
ancien cadre dirigeant RH du groupe
Accor, et la consultante Gaëlle Rohou.
Il s’agit d’une habilitation, quelquefois
prédéfinie ou délimitée, permettant
à un collaborateur ou à une équipe
auxquels on en donne les moyens, de
prendre des initiatives et des décisions
dans leur périmètre d’actions et possiblement en-dehors de leurs descriptions de postes. » Se place immanquablement en face l’idée d’accountability,
la responsabilité. « On ne peut mettre
en oeuvre cette nouvelle forme de pouvoir donnée aux salariés sans que ces
derniers se sentent responsables, engagés et partants. » Les auteurs montrent
notamment que la confiance et le droit
à l’erreur sont indispensables à la mise
en oeuvre de l’empowerment. Et en quoi
celui-ci est un levier d’intelligence collective. Pour eux, la notion est porteuse
d’un certain nombre d’enjeux dans l’entreprise : un enjeu de qualité de service,
un enjeu d’attractivité et de fidélisation,
un enjeu de motivation, d’engagement
et de sens du travail, un enjeu de qualité de vie au travail et d’épanouissement
professionnel, et un enjeu de performance globale de l’organisation.
Le monde du travail n’est pas
exempt de peurs : peur de perdre
son job, peur de mal faire, peur
d’être jugé, peur de son supérieur
ou de collègues, peur de l’avenir,
peur de ne pas être (assez) performant… Ce sont toutes ces peurs
que cherche à décoder ce livre collectif dirigé par Alain Max Guénette,
professeur à la Haute école de
gestion Arc et chercheur-associé
au Centre de gestion scientifique
de l’École des Mines ParisTech, et
Sophie Le Garrec, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Fribourg.
Simultanément à ces peurs, le
plus souvent combinées entre elles et
faisant système, des maux comme la
fatigue, l’usure, le burn out, le stress,
le mobbing, etc., sont exprimés par
nombre de salariés et sont de plus
en plus associés à certains modèles
de gestion du travail récemment
implantés au sein des organisations,
tant privées que publiques. Un lien
de cause à effet entre ce nouveau
management, ces maux et ces peurs
au travail, peut-il être établi ?
« Comprendre les peurs au cœur
des sphères professionnelles nous
a semblé pertinent pour sérier et
analyser plus précisément les processus qui les activent, tant sur le
plan structurel qu’individuel, expliquent-ils. La spécificité de ce microcosme peut être un révélateur
du fonctionnement plus général
de nos sociétés paradoxales de plus
en plus sécurisées et en santé, mais
qui ne cessent d’exprimer et d’activer peurs et mal-être généralisés. »
L’empowerment Donner aux salariés le
pouvoir d’initiative
Philippe Liger & Gaëlle Rouhou
Editions Dunod, 192 pages,
ISBN 978-2-10-074168-7
Les peurs au travail
Alain Max Guénette & Sophie
Le Garrec
Éditions Octarès, 247 pages,
23 euros
ISBN 978-2-36630-053-6
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