La gestion du changement, un facteur clé du succès de l`intégration

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La gestion du changement, un facteur clé du succès de l`intégration
La gestion du changement, un facteur clé du
succès de l’intégration dans les projets en
systèmes d’information
Adel BELDI
Chercheur- Enseignant, Université Paris Sud, Faculté Jean Monnet, PESOR
54 Bld Desgranges Sceaux
[email protected]
Christophe GENTHIAL
Directeur de mission au sein d’ERNST & YOUNG Entrepreneurs Conseil
Tour Ernst & Young, Faubourg de l'Arche
92037 Paris - La Défense cedex
[email protected]
Mots-clès : projet, intégration, changement, gestion du changement
RESUME
Notre article a pour objet de montrer la pertinence d’établir des relations entre les notions
de projet, d’intégration et de conduite du changement. Pour saisir la nature et
l’importance de ces relations, un éclairage de ces trois notions est nécessaire. Ainsi,
nous distinguons trois types de projets : projet informatique, projet SI et projet
d’entreprise, associés respectivement à trois niveaux d’intégration : intégration
informatique, intégration informationnelle et organisationnelle, et intégration politicostratégique. En raison des enjeux et impacts plus ou moins importants de ces projets et
par conséquent de l’intégration, des modes de conduite et de gestion du changement
différents et appropriés sont nécessaires. Ainsi, la nature du changement et sa gestion
constituent le lien assurant la bonne cohérence du projet et l’atteinte des résultats
escomptés.
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Introduction
L’intégration est souvent considérée comme un concept positif, car contribuant implicitement
à l’amélioration des performances de l’entreprise. Toutefois, les types de contributions et
liaisons entre TI, SI et performance ne sont pas souvent précisées ni démontrées. Cet
« angélisme » sur le caractère positif et favorable de l’intégration des SI de l’entreprise n’est
pas partagé par l’ensemble des chercheurs et praticiens.
L’intégration couvre un ensemble large de domaines et de champs opérationnels. Le plus
critique concerne l’intégration d’acteurs qui ne partagent que peu de standards opérationnels
de travail et ayant des systèmes de valeurs et des objectifs différents. Ce type d’intégration
constitue un défi majeur pour l’organisation et notamment pour ses dirigeants. Ces derniers
sont responsables du développement et du maintien d’une cohérence d’ensemble afin de
garantir la pérennité et la rentabilité de l’entreprise. Face à un environnement incertain et
turbulent dans lequel l’information représente un facteur essentiel de compétitivité, le
système d’information de gestion pris dans son ensemble, serait-il le système véhiculant et
facilitant cette intégration tant recherchée ?
Le système d’information est souvent peu utilisé au maximum de ses capacités. Les
principales raisons de cette sous- utilisation sont liées en grande partie au mode de
management de projet1.
L’objectif de cet article est de proposer un cadre conceptuel, appuyé par une étude de cas et
montrant les liens et relations entre les concepts de projet, de conduite ou
d’accompagnement du changement et d’intégration. La compréhension de ces interactions
dynamiques permettrait de mieux réussir les projets en SI.
Notre ambition est d’impulser une réflexion sur les modes de management des projets en
système d’information qui ne constituent pas seulement un changement d’applicatifs
informatiques, mais des composantes essentielles des projets d’entreprises.
Une première partie sera consacrée à la définition et à la différenciation entre les différents
types de projets, de changement et d’intégration. Ceci nous permettra de concevoir notre
modèle conceptuel reliant ces trois notions. La deuxième partie illustre par une étude de cas
pratique, la pertinence de la prise en compte des relations entre projet et intégration afin de
déterminer les efforts du changement nécessaires pour la réussite du projet.
1
Une étude, menée par Ernest & Young en mars 2004, montre que ce phénomène est dû
essentiellement à un déficit d’accompagnement (61%), une formation insuffisante (56%) et un déficit
de communication (52%). Ces résultats montrent le rôle central que joue le management de projet
dans l’atteinte des objectifs liés à la mise en œuvre et l’exploitation des SI.
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1. Définition des concepts et cadre conceptuel
Une première étape de définition et de qualification des notions que nous allons utiliser par la
suite s’impose. En effet, les notions de projet et d’intégration sont souvent utilisées pour
signifier des phénomènes différents couvrant des champs disciplinaires variés. Nous tentons
en premier de définir et de qualifier la notion de projet. Dans une deuxième section, nous
présentons les différents types de changement. En troisième section, nous distinguons entre
les différents types d’intégration. Nous concluons par la proposition d’un modèle conceptuel
reliant ces trois notions.
1.1. Le concept de projet : origine et contenu
L’AFITEP-AFNOR définit le projet comme « une démarche spécifique qui permet de
structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir (…) un projet est défini et
mis en œuvre pour répondre au besoin d’un client (…) et implique un objectif et des besoins
à entreprendre avec des ressources données ».2
Cette définition du projet présente des impacts quant à la temporalité de l’équipe. La
structure est par définition provisoire ; le projet qui est à l’origine de l’équipe, la place dans
un cadre temporel, historique par opposition aux activités opérationnelles fondées sur la
répétition. Cette équipe présente aussi un caractère évolutif en fonction de l’évolution du
projet.
Pour les chercheurs en SI, le projet est défini par sa date de début qui se traduit par la prise
en compte d’un besoin et se terminant par la mise en place du logiciel. Par contre, pour la
plupart des chercheurs en génie logiciel, le projet débute au moment où l’on conçoit
l’application et se termine par sa programmation. Brière (cité par Rivard, 2002) remarque
que dans la littérature des SI, le logiciel doit être élaboré pour répondre aux besoins des
utilisateurs, alors que la littérature de génie logiciel voit le logiciel comme une réponse aux
spécifications obtenues lors d’activités externes au projet. Cependant, en système
d’information on ne se préoccupe que très peu des aspects relatifs à la programmation,
celle-ci est omniprésente dans la littérature de génie logiciel. Elle est souvent perçue comme
étant la clé de la réussite d’un projet. Tout projet est unique et ne peut être traité par un
dispositif standard. Il nécessite une prise en compte de ses caractéristiques propres. Tout
projet est par nature temporaire, il est destiné à s’achever à un horizon visible. Ainsi, les
ressources sont affectées pour une durée limitée (Morley, 2000).
2
AFITEP-AFNOR, Dictionnaire de management de projet, AFNOR, Paris, deuxième édition, 1992.
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Dépassant le périmètre d’une application informatique ou SI, la notion de projet est
pertinente pour la compréhension des actions d’une collectivité de personnes. Ces dernières
trouvent leur essence dans un projet fédérateur et commun. En effet, pour réussir ce projet,
la collectivité doit produire des règles qui favorisent à la fois la compétition entre les
éléments composant le système et la régulation des conflits résultat de cette concurrence.
La théorie des organisations a largement manifesté son intérêt pour la question de la
coopération, considérée comme un problème de conciliation ou de convergence de buts
disparates des membres d’une organisation. La hiérarchie a souvent été considérée comme
le moyen privilégié d’assurer cette convergence. En fait, on peut considérer qu’une véritable
coopération repose sur un engagement volontaire. Toutefois, l’adhésion à un projet, sa
compréhension et son acceptation par tous les participants, sont censées favoriser la
coopération entre les différents groupes et communautés de travail. Certes le projet peut unir
des acteurs dans un collectif, participer au développement de la confiance et favoriser la
coopération et la coordination. Toutefois l’engagement dans un projet ne signifie pour autant
la perte de pouvoir.
La notion de projet peut concerner plus d’un objet. Dans ce qui nous concerne, nous
pensons qu’il est pertinent de différencier entre trois types de projet selon leur niveau
d’impact sur l’entreprise et le niveau d’engagement en termes d’allocation de ressources
humaines et matérielles pour le réussir. La figure 1 ci-dessous positionne les trois types de
projet selon deux axes ; le niveau d’allocation de moyens nécessaires pour la réussite du
projet et l’étendue du changement attendu ou à réaliser de la mise en œuvre du projet.
Figure 1 : Distinction entre les trois types de projets
Elevé
Projet
d’entreprise
Etendu du
changeme
nt
Projet SI
Projet
informatique
Faible
Allocation de
moyens
Elevé
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Pour caractériser le projet, nous retiendrons trois critères : l’importance stratégique, le degré
de réversibilité et le degré de familiarité des compétences nécessaires pour le
développement du projet.
Pour le premier critère, un projet est d’autant plus stratégique :
•
qu’il est de nature à remettre en cause la pérennité de l’entreprise en cas d’échec ;
•
qu’il engage des ressources financières, techniques et humaines importantes.
Pour le deuxième critère « degré de réversibilité », il est directement corrélé à l’importance
stratégique. Ainsi, un projet stratégique apparaît moins réversible qu’un projet mineur, dans
la mesure où les impacts financiers et les conséquences sur les compétences de l’entreprise
peuvent être importants. Le degré de réversibilité peut être divisé en réversibilité technique
ou opératoire et une autre managériale et stratégique.
Pour le troisième critère «l e degré de familiarité des compétences » nécessitées par le
développement du projet est directement liée à la nouveauté du projet et à la capacité
interne de l’entreprise à fournir les compétences requises. En effet, plus un projet requiert le
développement ou la mobilisation de compétences éloignées de celles requises par le
déploiement habituel d’autres projets anciens, plus il risque de perturber l’entreprise. De
manière générale, on dira qu’un projet est d’autant plus éloigné du métier de l’entreprise qu’il
détruit ses compétences techniques et commerciales.
1.2. Les niveaux de l’intégration
L’intégration constitue pour les entreprises une réponse organisationnelle et technique au
besoin de flexibilité, de réactivité et d’innovation. L’efficience des entreprises au regard des
exigences de leur environnement concurrentiel et technologique est, en effet, déterminée de
manière concomitante par la maîtrise des flux physiques et informationnels en termes de
coût, délais, qualité et variété. Cette maîtrise peut être réalisée moyennant l’intégration.
Toutefois, l’intégration globale peut parfois sembler absurde. Ainsi « l’idée qu’une entreprise
puisse demander à un expert ou à un groupe d’experts de lui concevoir un super système
unique et complètement intégré pour l’aider à piloter dans tous les domaines de son activité,
est absurde ». (J.Dearden, « MIS is a mirage », in Markus et Tanis, 2000, p.173).
De nombreux chercheurs et praticiens se sont intéressés à l’intégration informationnelle,
considérée comme le pilier de toute intégration globale visant l’amélioration de la
performance de l’entreprise. Par intégration informationnelle, il faut entendre « une action sur
les flux d’informations entre les éléments du système ainsi que les interactions entre les
différents niveaux hiérarchiques composant le système » (Cohendet, Krasa et Llerena, 1988,
p.66). Cette intégration peut être réalisée par des modalités de coordination technique, se
référant à l’utilisation des TIC pour faciliter la coordination entre les éléments du système,
aussi bien la coordination intra organisationnelle que la coordination inter organisationnelle.
Toutefois, l’intégration informationnelle ne garantit pas l’efficacité relationnelle et l’émergence
de nouvelles formes organisationnelles. Dans plusieurs cas, elle peut se greffer dans une
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organisation peu modifiée en termes de modes de fonctionnement et de coordination. Ainsi,
l’intégration informationnelle ne permet pas nécessairement de modifier la communication et
peut donc se résumer à une simple circulation des données au sein des systèmes
informatisés. Dans ce cas on peut la décrire comme plutôt une intégration informatique ou
technique.
Les TIC permettent aux entreprises de répondre à leurs besoins de circulation de
l’information générés par la complexification et la variabilité de leur environnement. Ces
technologies tendent à améliorer la cohérence du pilotage des flux. Elles permettent
d’assurer le cheminement de l’information et d’éviter les ruptures qui sont sources de coûts
et de délais. Dans ce cas, les TIC (groupeware, base de données réparties) constituent un
outil privilégié d’intégration fonctionnelle, c’est-à-dire des modalités d’interactivité entre les
éléments du système. L’intégration informationnelle permet de traiter de l’information en
temps réel avec des acteurs différents dans des lieux différents. Elle constitue un vecteur de
différenciation entre les formes nouvelles d’organisation.
Selon Rowe (1995), l’intégration informationnelle fournit des gains de productivité dans la
capacité qu’elle donne aux acteurs de se coordonner pour traiter la variété et la variabilité.
D’un point de vue théorique, les modalités de coordination technique s’analysent en termes
de centralisation/décentralisation. Or, si le mode de coordination centralisé a été souvent
dénoncé comme allant à l’encontre de la réactivité, car il ne permet pas une gestion efficace
des aléas face à un environnement instable, l’intégration informationnelle supportée par les
TIC semble remettre en cause cette proposition.
Il n’est pas en effet certain qu’un environnement turbulent impose une structure d’information
décentralisée. C’est la réactivité qui est en jeu, elle peut se construire au sein d’une structure
d’information centralisée grâce aux apports des TIC qui recèlent des potentialités de
réactivité en termes de performances en délais et puissance de traitement des informations.
A ce titre, l’intégration informationnelle rompt avec les théories classiques du clivage
environnement stable/mode de coordination centralisée, environnement instable/mode de
coordination décentralisée. La réactivité peut être atteinte à la fois par des modalités de
coordination technique, ou des modalités de coordination structurelle qui combinent à la fois
une structure d’information centralisée et une coordination du travail décentralisée.
En effet, la structure d’information centralisée sous-tendue par l’usage des TIC permet de
servir l’objectif de réactivité alors que la coordination par ajustement mutuel permet de faire
face aux aléas. D’un autre coté, la coordination par feed-back est mieux adaptée à un
environnement complexe et dynamique. En effet, plus l’incertitude augmente, plus le volume
de communications augmente en raison du besoin accru de coordination, ce qui génère par
conséquent une accroissement de l’interdépendance entre les individus et les structures.
L’intégration informationnelle sous-tendue par les TIC constitue un outil privilégié
d’intégration fonctionnelle et d’interactivité en permettant une interconnexion poussée des
sous-ensembles du système de production, elle peut constituer une composante d’une
évolution organisationnelle plus radicale. La métamorphose des organisations ne saurait se
limiter aux seules modalités de coordination technique par lesquelles se réalise l’intégration
informationnelle. Dans un tel cas, il est plus pertinent de parler d’évolution.
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1.2.1. Les dimensions de l’intégration
La problématique de l’intégration est par définition multidimensionnelle, cependant le
processus d’intégration dans la pratique demeure essentiellement informatique et technique.
Dans ce sens « l ‘intégration consiste à assembler les éléments préalablement validés en
interconnectant leurs interfaces, à vérifier la conformité des interactions sur les connexions
et à valider l’assemblage » (Meinadier, 2002, p.512).
1.2.1.1. L’intégration informatique :
Dans le domaine des SI, il y a intégration d’applications lorsqu’il y a partage illimité
d’informations entre deux ou plusieurs applications de l’entreprise (Linthicium, 1999). Dans
ce cas on peut parler d’intégration d’applicatifs ou informatique. Cette notion d’intégration
informatique trouve ses origines dans le domaine du génie logiciel. « Nous appellerons
intégration ou processus d’intégration les interventions de type génie logiciel et génie
informatique sur le SI visant à mettre en relation les applications fonctionnelles et les bases
de données où sont saisies, distribuées et actualisées les informations. Il s’agit d’une
opération dépassant la simple interconnexion des applications puisqu’elle induit une mise en
commun des ressources » (Lesuisse, 2002).
L’AFNOR Z 67-130 (1997)3 présente l’intégration comme l’une des 9 étapes (7 majeures + 2
marginales) du cycle de vie simplifié du logiciel. Toutefois, l’intégration, en imposant un
partage en temps réel des ressources, pose la question de la cohérence et de la pérennité
de la base de données unique. Quel que soit le degré de cohérence de l’architecture du
système d’information de l’organisation, l’intégration des applications est une démarche
continue qui s’impose au système d’information tout au long de son cycle de vie. En effet,
sans interconnexion ni interfaçage des applications à l’intérieur du système d’information de
l’entreprise, la notion même de « système » d’information disparaît au profil d’une simple
juxtaposition d’applications hétérogènes constituant autant de sous systèmes indépendants.
1.2.1.2. L’intégration informationnelle et organisationnelle :
Evoluant dans un contexte turbulent et difficile, une intégration informatique, sans une
exploitation optimale des possibilités techniques de traitement de données et une utilisation
opportune des informations au bon moment, s’avère insuffisante pour affronter les risques et
3
Sommairement : Dossier de Spécification des Besoins (DSB), Spécification, Description, Dossier de
Conception Préliminaire (DCP), Codage, Tests, Intégration, Validation, Exploitation.
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les menaces de l’environnement interne et externe. Ainsi, d’autres types d’intégration sont
nécessaires pour l’entreprise. La première est une intégration informationnelle et
organisationnelle dans laquelle l’information joue son rôle comme un élément indispensable,
à la fois du processus de production des produits et services fournis par l’entreprise et un
input important pour la prise de décision au niveau opérationnel et stratégique. Dans ce
sens, la notion d’intégration peut être désignée, à la fois comme la mise en cohérence
globale (Rowe, 1999) et la simplification (Reix, 1999) du système d’information de gestion
(SIG) avec deux caractéristiques majeures : l’unicité du référentiel et l’homogénéité des
processus.
Le SIG repose fondamentalement sur l’interconnexion des différentes applications
informatiques le constituant ainsi que l’échange continu des informations entre les unités
d’une même entreprise. Il s’agit dans ce cas d’un système d’information organisationnel. Si
on est en présence des flux d’information circulant entre plusieurs entités appartenant à des
entreprises différentes, et dans ce cas nous le qualifions de système d’information interorganisationnelle.
Les ERP, considéré comme un système d’information intégré, est souvent cité comme un
progiciel facilitant l’intégration informationnelle et organisationnelle. Il est a la fois un
ensemble d’applications informatiques puisant leurs données souvent d’une seule base de
données, et un ensemble de processus fonctionnels traitant des activités du « back-office »
(comptabilité, finance, gestion de la production etc.), ou des activités du « front-office »
(gestion de la relation client). Ces outils, semblent les mieux adaptés pour assurer une
flexibilité et une gestion en temps réel des informations. Toutefois, la mise en place d’un
ERP ne signifie pas une intégration imposée et globale. L’intégration est plutôt un choix fait
par les dirigeants de l’entreprise en fonction des objectifs et des capacités de l’organisation.
Le degré d’intégration informationnelle et organisationnelle dépend par conséquent de la
volonté des dirigeants de changer la stratégie de l’entreprise et les comportements des
acteurs. A ce niveau, nous pouvons qualifier l’intégration de « politico- stratégique », selon
laquelle les dimensions politiques et stratégiques sont clairement précisées et
communiquées à l’ensemble des acteurs. Ce type d’intégration est déterminé par la nature
du projet véhiculé par les managers de l’entreprise. Ainsi, face à un projet stratégique d’une
grande ampleur, une intégration « politico- stratégique » est nécessaire. Celle-ci va influer
sur les deux autres types d’intégration. En effet, elle ne peut pas être réalisée efficacement
sans une intégration informationnelle et organisationnelle, qui à son tour ne peut se faire en
l'absence d’une intégration informatique.
1.3. La nature des changements
Les facteurs temps et espace sont fondamentaux pour interpréter la signification du
changement technologique, organisationnel ou stratégique. Par exemple, la vitesse d’un
changement technologique est souvent plus élevée que celle par laquelle les structures
organisationnelles changement. Ainsi, des compréhensions différentes de ces vitesses
conduisent à une variété d’interprétations concernant l’impact de la technologie sur les
structures.
De nombreux chercheurs ont montré, que des changements dans les technologies utilisées,
induisent des changements dans les autres éléments de l’organisation, et une
implémentation réussie des SI nécessite une intégration des aspects techniques et
organisationnels. Ainsi, les impacts des SI sont diffusés par la structure organisationnelle, les
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compétences et l’habilité au changement. Venkatraman (1994) remarque que les managers
de l’entreprise doivent déterminer le niveau de transformation le plus approprié en fonction
des objectifs fixés et des contraintes économiques, technologiques et organisationnelles.
Ainsi, toute entreprise doit choisir son niveau de transformation ou de changement, en tenant
compte, à la fois de ses compétences et capacités organisationnelles, et des aptitudes des
individus au changement.
Cet auteur distingue cinq niveaux de changement :
• l’exploitation locale,
• l’intégration interne,
• la reconfiguration des processus de gestion,
• la redéfinition du réseau d’affaires,
• la redéfinition du champ d’activités.
La figure 2, ci-dessous, schématise ces niveaux de la transformation organisationnelle.
L e s n iv e a u x d e la t r a n s fo r m a tio n
É le v é
R e d é fin itio n d u c h a m p d ’a c tiv ité
R e c o n fi g u ra tio n d u ré s e a u
d ’ a ff a ire s
N iv e a u d e
tra n s fo rm a tio n
B PR
In té g ra tio n in te rn e
C h an g e m en t b ru ta l
É v o lu tio n
in c ré m e n ta le
E x p lo ita tio n lo c a le
F a ib le
É te n d u d e s b é n é fic e s p o te ntie l s
É le v é e
Figure 2 : Les niveaux de transformation selon Venkatraman (1994)
Ces cinq niveaux de transformation peuvent être regroupés en trois types de changement :
Le changement technologique concerne le remplacement d’une ancienne application
informatique/ technologie par une autre ou l’introduction d’une nouvelle sans la mise en
œuvre d’autres changements au niveau de l’organisation ou de la stratégie de l’entreprise.
Le changement organisationnel est centré sur les structures, les compétences des individus,
les processus de gestion selon l’approche BPR et les modes de management. Il peut être
associé ou non à la mise en œuvre d’une nouvelle TI ou système d’information.
Le changement stratégique et culturel consiste dans une évolution ou une transformation
radicale du champ d’activités de l’entreprise, de ses orientations stratégiques et de sa
culture. Ces changements sont nécessaires pour s’adapter aux évolutions de
l’environnement externe ou un changement de la direction. Ils peuvent être précédés par des
changements au niveau du SI et de l’organisation.
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Projet
Type
du changement
Intégration
Projet informatique
Projet SI
Changement
technologique
Changement
organisationne l
Informatique
technique
Informationne lle
organisationne lle
Projet d’entreprise
Changement stratégique
Intégration
Politico-stratégique
Figure 3 : Les mécanismes d’interaction entre projet, changement et intégration
Le changement, sous ses différents angles, représente une réalité dans la vie des
entreprises. Sa bonne gestion est essentielle pour réussir tout projet qu’il soit stratégique
« d’entreprise », SI ou informatique. En effet chacun de ces projets nécessite une intégration
spécifique et par conséquent des actions et une approche du gestion de changement qui lui
sont appropriées. La figure 3 ci-dessous représente le cadre conceptuel reliant ces trois
concepts selon trois niveaux d’analyse.
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2. Présentation et analyse du cas
L’objet de cette partie est de présenter une étude de cas empirique illustrant le modèle
conceptuel présenté ci-dessus. Notre objectif est de montrer la nécessité d’intégrer une
approche appropriée de gestion du changement en fonction de la nature du projet lancé et
de type d’intégration retenu.
2.1. Présentation du cas
2.1.1. Présentation du contexte de l’entreprise :
L’entreprise, objet de notre étude de cas, est une EPIC française oeuvrant dans la secteur
tertiaire. Ses activités couvrent les champs du consulting, de la formation et de la recherche.
Elle emploie près de 600 salariés permanents et presque autant de vacataires. Répartie sur
quatre établissements, en France, elle allie ces trois métiers avec un fonctionnement très
autonome des « business units » au niveau opérationnel. Certaines de ces unités d’affaires
sont régulièrement mises en concurrence. Le statut d’EPIC de cette organisation est
intéressant pour notre analyse car il représente le cas d’une entreprise dont la culture est
historiquement très conservatrice, oeuvrant moyennant des processus administratifs
marqués par la rigueur et la rigidité du droit public, et notamment du code des marchés
publics. Cette organisation se trouve confrontée à un environnement concurrentiel à l’échelle
européenne, impliquant des remises en cause majeures des approches marketing et
commerciales, et une autre évaluation de la performance et de la rentabilité.
Le choix de cas se justifie pour expliciter notre argumentation théorique en raison des
caractéristiques suivantes :
•
La complexité : le cas concerne à la fois une refonte en profondeur de la stratégie, de
l’organisation et de la culture d’une organisation, illustrant par conséquent le changement
stratégique et organisationnel.
•
L’étendue : le cas présente une mise en œuvre de projets informatiques qui vont du plus
simple au plus complexe, illustrant ainsi le changement technologique.
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Le fait initiateur du cas « projet » est la diffusion d’un plan stratégique sur 5 ans par la
direction générale. Ce plan remet en cause de nombreux aspects de la vie de l’entreprise,
autant dans son organisation et sa culture (notamment fusion de certaines activités, et
développement d’une transversalité de fonctionnement) que dans son « business model »
(forts objectifs de croissance, plus forte responsabilisation des managers). En effet, malgré
l’existence d’une structure ‘holding’, il n’existait pas jusqu’à présent de culture de groupe,
mais de fortes cultures d’établissement. Ainsi chaque établissement a développé sa propre
notoriété au niveau national.
2.1.2. Présentation du projet
Le projet concerne la production d’un schéma directeur informatique (SDI) détaillé devant
conduire à prendre des décisions concernant :
Le type de solution à mettre en œuvre (choix entre solution(s) progicielle(s) ou
développement(s) interne(s)).
Les domaines fonctionnels à inclure dans le SDI, avec les processus clés à intégrer et leur
priorisation.
La détermination des limites et des moyens à attribuer à ce SDI.
Ce projet, qualifié au début d’informatique, intègre des éléments du plan stratégique. Ce
volet, comme les autres, comporte sa part de gestion du changement. Ce changement se
traduit par d’importantes remises en cause de l’organisation et de la culture de la fonction
informatique. Celles-ci se caractérisaient par :
Une forte autonomie des services informatiques des établissements, qui développaient et
maintenaient jusqu’à présent leurs propres solutions.
Une forte culture du spécifique : très peu de progiciels.
Des écarts importants de ‘dynamisme’ entre les services informatiques des établissements.
La résistance à ce changement s’est manifestée par une position très méfiante des
informaticiens vis à vis du projet. Ces derniers redoutent une réduction d’effectifs
(notamment s’il s’avérait qu’il fallait remplacer les développements internes par des
progiciels), une prééminence du service informatique d’un établissement sur un autre et une
centralisation excessive par une direction informatique ‘groupe’.
La méfiance des directeurs informatiques étaient partagées et relayées par les directions
générales des établissements, qui eux mêmes abordaient le projet avec beaucoup de
réticence et d’opposition. Tous ces éléments et d’autres ont fait que la production du schéma
directeur, initialement prévue en six mois, aura demandé une année de travail. Ce retard
s’explique presque exclusivement par les efforts permanents d’implication et d’explication
des équipes internes qui ont du être menés.
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2.2. L’approche de la gestion du changement
Le cas est réellement un projet d’entreprise, même dans son aspect ‘système d’information’
dans la mesure où le SDI dans sa définition et sa mise en œuvre est l’un des piliers de la
réussite du plan stratégique. En effet, le système d’information devra permettre l’adaptation
des métiers de l’entreprise à l’évolution de l’environnement (ouverture d’un portail clients,
knowledge management, partage d’outils entre établissements parfois en concurrence). Le
volet informatique devra s’assurer de l’appropriation d’une nouvelle organisation par tous
ceux qui la composent, et notamment les services informatiques, en central comme dans les
établissements. Cette appropriation ne peut se réaliser que par une compréhension des
finalités et des gains attendus malgré des bouleversements importants (essentiellement par
un développement de la transversalité). Les outils informatiques devront aider au
développement d’une nouvelle culture de gestion, en générant des gains de fonctionnement
significatifs par un meilleur pilotage. Principalement grâce au déploiement d’outils de pilotage
et d’indicateurs d’aide à la décision.
Ces effets de la mise en ouvre du SDI sont représentés dans la figure 4 ci-dessous.
Anticiper
l’évolution de
l’environnement
Faciliter
l’appropriation de
la nouvelle
organisation
Elaboration du
SDI
Générer des
gains de
fonctionnement
Moderniser les
outils
informatiques
Figure 4 : Les effets du SDI
Le projet relève à la fois d’une approche volontaire et progressiste des trois types de
changement :
•
Entreprise / culture / stratégie.
•
Système d’information / organisation.
•
Informatique / technologie.
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2.2.1. L’intégration des trois ‘types de changement’ :
Le changement stratégique étant – ici – chronologiquement le premier déclencheur des
autres changements (organisationnel et technologique), ces trois changements se sont
rapidement retrouvés profondément intégrés. Chacun des trois types de changement est en
jeu, et aucun ne peut être un succès sans la réussite des deux autres. Il y a une réelle interdépendance entre ces trois types de changement.
La mise en relief de cette inter- dépendance s’est manifesté suite à un changement
d’orientation stratégique. En effet, l’entreprise souhaite développer une de ses activités pour
lui donner une taille critique à l’échelle européenne et ainsi répondre à une évolution de la
concurrence d’un niveau régional / national à un niveau international. Ceci se traduit par la
participation à des appels d’offres et projets de plus en plus européens, financés par des
subventions européennes et nécessitant des alliances avec des partenaires européens,
pour répondre à des projets de grande envergure. Cette démarche est réellement innovante.
En effet les projets ayant toujours été bâtis et menés jusqu’à présent au niveau de chaque
établissement, principalement auprès de clients régionaux ou nationaux.
Cette nouvelle orientation implique un changement stratégique et culturel. Ainsi, le
positionnement même du groupe est à redéfinir. Ceci nécessite la création d’une image de
groupe, fédérant les énergies des collaborateurs des établissements. Cette image doit être
transmise et partagée à la fois par les tiers – notamment les prospects et les clients, mais
aussi les entreprises partenaires sur les gros projets et les collaborateurs internes.
Ce repositionnement vis à vis de l’extérieur (essentiel car garant du développement du
chiffre d’affaires des revenus), n’est réalisable que par un engagement et un soutien en
interne puisque chaque collaborateur est le meilleur ‘vendeur’ de l’entreprise, notamment en
raison des activités de prestation de services.
Au niveau culturel, de nombreux changements allaient devoir être expliqués et
communiqués. Parmi lesquels, les deux majeurs sont :
•
Développer la transversalité et la coordination inter- établissements et interdépartements. Ceci peut se manifester d’une part par la mise à disposition des contacts
d’un manager à tous les managers des autres établissements, et d’autre part par la non
concurrence entre établissements. Ainsi un client prospect ne pourrait plus être approché
par deux établissements du groupe mis en concurrence. Il est contacté une seule fois, au
nom du groupe, représenté par un ou plusieurs établissement.
•
Conduire le changement organisationnel qui se traduit par :
Une adaptation des organigrammes, avec dans certains cas la fusion de
directions opérationnelles présentes précédemment dans plusieurs
établissements.
Le changement en profondeur de la fonction informatique. Celui-ci peut se faire
par : une fédération des services informatiques des établissements dans une
fonction informatique groupe, une optimisation des SI par le lancement régulier de
projets parallèles gérés et optimisés en fonction des attentes du groupe et non
plus des établissements.
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La révision de certains processus de gestion ou de fonctionnement pour
permettre la mise en œuvre des changements stratégiques et culturels (la
composition du comité de direction, la mise en place de réunions de suivi
budgétaire et des reporting nécessaires, la refonte de la comptabilité analytique
pour permettre une alimentation correcte des états de reporting et d’analyse de
gestion)
•
Réaliser le changement technologique : C’est l’ensemble du système d’information qui
doit être revu, pour permettre le fonctionnement de cette nouvelle organisation. Dans sa
globalité, par l’intégration sur des plate-formes communes de solutions partagées (CRM,
comptabilité), ou de manière ponctuelle par la diffusion d’outils opérationnels (logiciels de
gestion de projet). Dans ce cadre, certaines nouvelles technologies ont aussi pu être
intégrées, comme le déploiement d’un annuaire LDAP pour l’ensemble du groupe, ou la
formation à certains langages de développement (comme l’ABAP, pour les
administrateurs de SAP).
2.2.2. La gestion du changement :
Nous observons habituellement qu’en fonction de la taille du projet et de l’entreprise, la
gestion du changement est le plus souvent :
•
Dans les grandes structures, le changement est systématiquement traité comme un volet
à part entière du projet. La dimension du projet et les ressources disponibles permettent
et justifient un tel investissement.
•
Dans les PME / PMI, le coût de l’effort à fournir pour cette gestion du changement
démotive souvent le dirigeant.
•
Dans notre projet, et en raison de la taille intermédiaire de l’organisation, mais aussi de
sa culture d‘établissement public, la tendance spontanée aurait été de ne pas prêter
attention à la gestion du changement, pour se concentrer sur la maîtrise d’œuvre du
projet.
•
La direction du groupe a toutefois perçu le risque majeur qu’il y aurait à ne pas traiter des
résistances bien identifiées :
•
Collectivement, peur de cette réorganisation et des effets du changement de culture
imposé par le plan stratégique.
•
Au sein du comité de direction : reflet des craintes des établissements, rééquilibrage des
rôles et pouvoirs de chacun.
•
Compréhension inégale, par les membres du comité de direction, des enjeux du plan
stratégique… et particulièrement au niveau de son volet système d’information.
•
Craintes des équipes informatiques, décrites précédemment.
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Face à ces résistances pressenties, la direction du groupe a décidé de recourir à un cabinet
extérieur pour ‘accompagner le changement’, tout en apportant un regard extérieur et expert.
2.2.3. La mise en œuvre de la gestion du changement :
La méthodologie retenue pour le projet prend en compte les deux enjeux majeurs du projet :
•
Un enjeu technique : l’élaboration du schéma directeur informatique.
•
Un enjeu humain et organisationnel : la gestion du changement.
En ce qui concerne l’enjeu technique, une approche classique a été appliquée. Elle peut se
résumer en une simple adaptation à la marge d’une méthodologie ‘standard’, pratiquée dans
les projets de développement informatique. Par contre, en ce que concerne l’enjeu humain et
organisationnel, une approche adaptée et spécifique est nécessaire.
Cette approche doit être centrée sur les éléments suivants :
•
L’implication et l’adhésion de l’ensemble des collaborateurs, qui témoignent du caractère
« projet d’entreprise » des travaux à mener et des actions à entreprendre.
•
Le respect de la culture d’autonomie des établissements.
•
La consultation de collaborateurs opérationnels afin qu’ils expriment leurs besoins et leur
connaissance de l’existant.
•
L’implication et l’adhésion d’un comité de direction « fortement réticent » pour certains
directeurs, mais indispensables en tant que décideurs, et sponsors du projet.
2.2.3.1. L’implication et l’adhésion de l’ensemble de l’organisation au projet :
Pour réussir à relever ces défis, une approche cherchant à s’assurer de l’implication et de
l’adhésion de l’ensemble de l’organisation est nécessaire. En effet, au delà de l’équipe
projet, il était nécessaire d’obtenir l’adhésion de tous les collaborateurs du groupe, quelles
que soient leurs fonctions. La difficulté réside dans une absence de participation concrète au
projet de la part des collaborateurs, qui par ailleurs partagent les mêmes craintes par rapport
aux conséquences du projet. Le levier principal résidait dans la mise en place d’actions de
communication, de l’équipe projet vers l’ensemble de l’organisation. Des actions qui ont été
gérées sur la longueur pour éviter – autant que possible – qu’une rupture ne se produise,
entre l’équipe projet et le reste de la structure.
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Cette communication s’est faite de la manière suivante :
Des communications ponctuelles : Une réunion de lancement (de 1 à 2 heures) qui
comprend une introduction par le directeur de l’établissement / du groupe, pour un affichage
clair de l’importance des enjeux liés au projet, une présentation du projet (méthode, objectifs,
équipes) par le chef de projet interne et des débats, parfois virulents, entre la direction et les
participants.
Ces réunions s’adressaient à l’équipe projet au sens ‘large’, c’est à dire à un ensemble de
personnes retenues pour leur compétence ou leur investissement dans les travaux à venir.
En général, nous préférons proposer des réunions ‘plénières’ ouvertes à tous – participants
ou non au projet – (tenue à l’heure du déjeuner, possibilité de tenir deux réunions). Cette
option n’avait pas été acceptée par le client de ce projet.
Ces réunions plénières (1 par établissement) avaient bénéficié d’une implication peu
courante du management interne, permettant à Ernst & Young, en tant que cabinet assistant
maître d’ouvrage, de conserver une place extérieure. Le positionnement de maîtrise
d’ouvrage du management prenait tout son sens. Nous n’intervenions, au cours de ces
réunions, que de manières ponctuelles, principalement pour intervenir au cours des débats
de fin de réunion.
Le contenu de ces lancements de projet a été relayé dans le reste de l’organisation dans la
première lettre de projet.
•
Des réunions d’avancement : Peu nombreuses (3 sur l’ensemble du projet), ces réunions
fonctionnaient sur le même principe que la réunion de lancement, avec une intervention
accrue des équipes du cabinet Ernst & Young. Justifiée par l’approche plus technique
des problématiques présentées. Le cabinet de conseil peut à ces occasions jouer son
rôle de soutien de la direction et de l’équipe projet, vis à vis de l’organisation.
•
Un journal du projet : Avec 3 numéros sur l’ensemble des 12 mois de projet, le ton
adopté sur cette page A4 recto verso, était volontairement didactique. La première
approche développait une approche très imagée du schéma directeur informatique par
une description de l’urbanisme du système d’information. L’objectif était de toucher la
totalité de la population de l’organisation en transmettant une vision de l’enjeu du projet.
•
La mise en ligne des livrables du projet : Tous les comptes rendus et documents du
projet étaient mis à disposition en temps réel sur des serveurs de fichiers accessibles par
tous, établissements comme entité groupe. Ce point est important, essentiellement d’un
point de vue symbolique. Les livrables mis en ligne ont peu été lus, mais leur diffusion
démontrait la transparence dont faisait preuve l’équipe projet, crédibilisant toutes les
communications ultérieures qui ont pu être faite. Cette action présente aussi l’avantage
de faire reposer sur l’utilisateur final l’éventuelle carence en implication. Un utilisateur mal
informé est un utilisateur qui n’a pas fait l’effort de consulter les documents à sa
disposition. L’utilisation combinée de ces moyens de communication ont permis de
conserver un échange de qualité avec la totalité de la structure pendant tout le projet.
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Cette approche présente néanmoins des limites, qui sont les suivantes :
•
Ces actions sont toutes relativement univoques, ne permettant une communication que
de la direction de projet vers les collaborateurs, et non l’inverse.
•
Ces actions ne sont pas suffisantes pour résorber toutes les ‘craintes’ des collaborateurs
internes.
•
Avec le rallongement constaté du projet (de 6 mois à 1 an), le rythme de communication
s’est trouvé sous dimensionné. Comme pour de nombreux projet, le calendrier initial
prévoyait un achèvement des travaux avant les congés d’été… l’impact de la coupure
estivale a fait beaucoup dans ‘l’oubli’ du projet par les utilisateurs, puisqu’elle était
combinée avec un rallongement significatif des délais.
•
La combinaison des effets des trois points précédents peut conduire les équipes internes
à percevoir les messages délivrés comme une ‘langue de bois’ finalement peu crédible,
distillée par une direction intéressée.
Pour pallier à ces difficultés, deux grands types d’actions sont menés :
•
Des contacts réguliers entre les consultants Ernst & Young et des ‘relais’ identifiés qui
remontent des points de situation sur le moral et le niveau d’adhésion des équipes
internes.
•
La grande disponibilité des consultants Ernst & Young, y compris du manager de la
mission, qui permet au cas par cas d’aller échanger avec des collaborateurs pour
lesquels nous sentions qu’un effort supplémentaire était nécessaire. Cela peut parfois se
traduire par des réunions de travail ‘factices’ dont le seul objet est de permettre à un
collaborateur ou un service de ‘rentrer’ à nouveau dans le projet.
2.2.3.2. Le respect de la culture d’autonomie des établissements
L’enjeu même du projet est l’évolution de la culture de l’entreprise, de l’autonomie vers la
transversalité. Pour gérer cette évolution, deux grandes approches sont possibles :
• L’enjeu étant la ‘transversalisation’ des activités, il est nécessaire de fonctionner de
manière centralisée : toutes les réunions ne se tiennent qu’une fois, en convoquant des
représentants de chaque entité. Le nombre de participants par réunion étant restreint à
10 pour des raisons d’efficacité, cela limitait de fait le nombre de participant impliqué par
établissement.
•
La culture du groupe repose sur un fonctionnement très autonome des établissements,
les réunions doivent se tenir dans ces derniers. Ainsi, autant de réunions que
d’établissements sont nécessaires.
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L’approche retenue a finalement été la combinaison des deux précédentes :
•
Toutes les réunions d’expression de besoins et de description de l’existant, ainsi que la
réunion de lancement, se sont tenues dans les établissements.
•
Toutes les réunions suivantes sur la conception de la cible et des plans d’actions
correspondants, se sont tenues sur Paris.
Cette méthode permettait de démontrer le respect de l’autonomie jusqu’à présent pratiquée,
le souhait de consulter autant de personnes que possible et la volonté de recenser les
attentes et remarques de tous les établissements en leur accordant à chacun la même
importance.
•
La consultation de collaborateurs opérationnels
Lorsqu’il a été nécessaire de constituer l’équipe projet du client, et plus particulièrement la
composition des groupes de travail, nous avons du défendre l’approche qui semblait
‘optimale’ à Ernst &Young, consistant à réunir dans ces réunions toutes les personnes
susceptibles d’apporter par sa connaissance ou son ancienneté des éléments qui
intéresseraient le projet.
Ce qui conduisait à réunir des chefs de services, parfois des directeurs, avec leurs
collaborateurs. Dans un environnement ou la hiérarchie a un poids significatif dans le mode
de fonctionnement de l’organisation, cette approche a semblé illusoire et inopérante : jamais
un employé ne s’exprimerait librement si son directeur était présent. Le directeur pourrait lui
aussi se sentir mal à l’aise le cas échéant.
Le bon déroulement de ces réunions, à condition que le consultant animateur maîtrise en
profondeur les processus ‘métier’ de son client, permet d’aborder en une dizaine de réunions
la totalité des processus, analysant l’existant et décrivant la cible. Le niveau de détail obtenu
est celui qui permet de rédiger un cahier des charges détaillé à des éditeurs dans le cadre
d’une recherche de solution progicielle.
Le consultant animateur doit posséder un vrai talent d’animation et de résolution des conflits.
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2.2.3.3. L’implication et l’adhésion du comité de direction :
Le comité de direction représente le ‘projet d’entreprise’, il initie et conduit le ‘changement
stratégique et culturel’. Il est aussi l’entité qui décide en dernier ressort. Il fixe le cadre dans
lequel les conclusions du projet pourront être arrêtées. Le comité de direction est constitué
de membres qui peuvent être soit :
•
Un décideur leader car avec une prédominance au sein du comité.
•
Un décideur ‘expert’ sur un domaine fonctionnel ou opérationnel.
•
Un décideur ‘client’ car futur utilisateur direct ou indirect de la solution.
•
Un décideur ‘auditeur libre’ car étranger au projet. Mais néanmoins potentiellement
mobilisable par d’autres décideurs impliqués.
Le comité doit être à la fois : un sponsor, un initiateur, un décideur et un réalisateur. Le
comité est pourtant composé de membres qui souffrent, autant que les autres collaborateurs
de l’entreprise, de craintes vis à vis des bouleversements pressentis à l’occasion de la mise
en œuvre du projet.
Compte tenu des résistances pressenties de ce comité, il a été élaboré avant le lancement
du projet, une approche spécifique pour intégrer le comité dans le projet, contenir et limiter
ses résistances au changement. Toutefois, la grande difficulté de cet exercice réside dans le
caractère exogène de certains éléments qui freinent le projet (calendrier d’activité,
nominations, mutations de personnels, actions opérationnelles ponctuelles comme le
lancement d’une nouvelle offre ou d’importantes manifestations marketing).
Ces évènements, inévitables, seront toujours prioritaires par rapport aux travaux du projet.
Ils le seront d’autant plus que le comité de direction, et l’ensemble des managers les utilisent
pour retarder le projet et justifier leur manque d’implication. Une redistribution des priorités
par la direction générale peut permettre dans ce type de situation de conserver le rythme
initial du projet, quitte à prendre des mesures adaptées (report systématique des congés de
certains collaborateurs, demande d’une implication plus importante à l’équipe projet, pendant
une période de temps limitée et avec une contre- partie annoncée et négociée par exemple
des congés supplémentaires ou des primes, l’embauche ponctuelle de salariés intérimaires,
le report de certaines décisions, actions ou projets).
Au-delà de son rôle de décideur et d’arbitre, le comité de direction a été mobilisé pour
produire le ‘cadre de référence’ du projet. Le cadre de référence est un outil méthodologique.
Un cadre est fixé, dans lequel le projet doit être contenu par lequel le projet est considéré
comme viable tant qu’il reste géré dans un cadre dont les côtés sont : les contraintes
internes, les contraintes externes, les valeurs de l’organisation et les objectifs fixés
initialement au projet.
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L’expérience montre que ces quatre côtés du cadre ne sont jamais explicitement exprimés
en début de projet. Une part importante du travail des consultants a été de conduire le
comité de direction à élaborer et valider ce cadre.
Ce travail n’a été fait qu’une fois les utilisateurs rencontrés pour collecter leurs attentes et
leur vision de l’existant. Il a été mené au moyen de deux réunions d’une journée chacune,
dans les locaux du cabinet Ernst & Young. Ces travaux ont débuté par la remise des
livrables complets issus des rencontres utilisateurs.
Progressivement, dans un second temps, le comité de direction a été amené à qualifier
chacun des ‘frontières du cadre’. La méthode d’animation avait été particulièrement
perfectionnée par les consultants, alliant interactivité entre les directeurs, ainsi qu’entre eux
et les consultants. Aucune question n’a été ignorée, jusqu’aux plus sensibles. Point
important, le compte-rendu était tapé en temps réel et projeté, validé au fur et à mesure par
l’ensemble des participants. Aucun d’entre eux n’a eu ainsi la possibilité d’en remettre en
cause ultérieurement le contenu.
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Conclusion
L’étude de cas a démontré l’importance, au travers d’un exemple réel, de la gestion du
changement pour la réussite d’un projet. Cette réussite dépasse le volet technique d’un
projet informatique, pour couvrir l’ensemble d’un projet d’entreprise, au sens le plus large du
terme. Ce point illustre l’importance de la gestion du changement, dés lors qu’un projet
incorpore dans ses enjeux plusieurs niveaux d’intervention : de la mise en œuvre d’un
système informatique à la refonte de l’organisation d’une entreprise en passant par une
optimisation de son système d’information. Tous ces niveaux sont reliés à une réorientation
majeure des priorités stratégiques de l’entreprise impliquant une intégration plus globale au
niveau « politico- stratégique », informationnelle et organisationnelle et enfin informatique. Le
modèle conceptuel exposé en première partie trouve ainsi une application empirique
justifiant des inter- relations entre les trois concepts de projet, intégration et changement.
Ce cas illustre aussi ce qui est désormais admis pour une majorité de managers, que la
gestion du changement n’est pas qu’un simple antidote à la résistance à l’avancement du
projet. La gestion du changement doit être productive, en ce sens qu’elle doit permettre une
meilleure définition et appropriation de la future solution. Facteur clé de succès d’un progrès
régulier d’une organisation.
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