91 boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris
Transcription
91 boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris
Jérémie et Clémence Gestionnaire de chantiers de reconstruction/Comptable et chargée de recherche de fonds – HAITI Date : Novembre 2014 91 boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris - France Tél.: +33 (0)1 58 10 74 80 Courriel : [email protected] www.fidesco.fr Isit la se premye etap nou nan lavi ayisyen (Voici Nos premier pas dans la vie haïtienne) Nous tenons avant tout à remercier tous ceux qui nous permettent d’être ici, c’est-à-dire vous nos parrains. Votre soutien nous touche beaucoup, et il nous montre que nous ne sommes pas seuls pour cette mission si riche en rencontre, partage et découvertes. Nos remerciements vont également à tous nos parrains spirituels, qui nous soutiennent par leur prière, car en dehors de notre service pour les autres, cette mission nous rend service et nous fait grandir. Alors comme l’on dit ici « Mési Ampil », et nous espérons pouvoir vous partager une partie de ce que nous vivons grâce à ces rapports Dimanche 14 Septembre 2014 : Avant même de poser le pied sur le sol Haïtien, nous étions déjà en mission, car notre chauffeur de taxi nous emmenant à Orly était Haïtien. La providence fait bien les choses. Après tous les récits d’anciens volontaires, on s’attendait aux pires imprévus (comme ne pas avoir de valise à notre arrivée), mais rien de tout cela, notre arrivée a été couronnée de succès. Nous avions peur de notre découverte de la ville, peur de voir la pauvreté en face, or le choc n’a pas été si brutale, certes la pauvreté est omniprésente, ce pays souffre terriblement, il suffit d’un regard pour s’en rendre compte, mais cela ne nous a pas troublé, nous nous étions bien préparés. La première chose qui vous frappe quand on circule dans la ville c’est l’omniprésence de la religion. Sur les transports publics (Tap Tap) vous pouvez voir des « Merci Jésus », « Gloire à l’éternel », « Paix », « Amour », etc. Mais il n’y a pas que les chauffeurs qui partagent cet avis, tous les commerçants ont sur leur enseigne une petite place pour le même type de phrase. On prend une leçon quant à la façon de vivre sa foi. Nous en tant qu’Européens c’est un sujet sensible, et il est délicat de l’aborder, alors qu’ici cela fait partie de leur vie quotidienne à tous. On a été assez étonné dès nos premières sorties dans la rue, car tous les Haïtiens connaissaient déjà notre nom de famille… On entend tous le temps « Blanc blanc blanc », ça nous fais sourire. On en rigole mais c’est tout de même pesant. Ki jan ou jete mon Blanc (Ou habites-tu jeune étranger) Comme nous vous l’avons présenté Port-au-Prince est une ville pauvre mais très active, tout le monde essaye de gagner sa vie par n’importe quel moyen. Il y a par exemple des cireurs de chaussures tout le long des grandes artères, ou bien toutes sortes de vendeurs en tous genres. Notre quartier, Canapé Vert, en est une parfaite illustration. Le cœur du quartier est la place canapé vert, là où les tap-tap et les taxis moto règnent en maître. D’ailleurs en parlant de Tap Tap, on va vous donner un petit cours pour le prendre. 1 étape : Se tenir sur le bord de la route ère 2 ème étape : Faire un signe vers le bas si on veut aller à Kanapévé 3 ème étape : Demander au chauffeur « Ou ap aller Kanapévé ? » (Tu vas à canapé vert ?) 4 étape : Lorsqu’on veut descendre il suffit de crier fort « Mési Chauffeur », ou bien de taper quelque part. ème Maintenant que nous sommes arrivé à destination il faut marcher un peu, car nous n’habitons pas sur la place même, il faut monter, monter et monter… En fait on domine toute la ville, du coup la vue est imprenable, en revanche on mérite la vue, car l’ascension est vraiment dure ! Dans les rapports de mission des anciens volontaires, tous font mention de cette montée, mais on ne peut s’en rendre compte qu’en l’empruntant par 30°. Notre rue est très calme et on commence à nous connaitre dans le quartier (en même temps on ne passe pas tellement inaperçu). Les seules nuisances sonores que l’on peut avoir la nuit sont les chiens, les cochons ou les chèvres, donc rien de bien traumatisant. Ici il faut bien faire attention à l’eau, on a dû prendre des petits automatismes, par exemple il faut mettre en route la pompe à eau électrique tous les jours afin que le château d’eau se remplisse. Mais l’opération est possible que si il y a de l’électricité (c'est-à-dire que ce ne sont pas nos générateurs qui marchent mais l’EDH qui nous fournis en électricité), le problème est de savoir quand est-ce qu’il y a du courant. Au début on essayait de l’allumer toutes les 10 minutes par peur de manquer et maintenant on arrive à détecter le bon moment (quand le ventilateur souffle plus fort). Misyon de Monsieur Jérémie Dès mon arrivée j’ai été mis tout de suite dans le bain, sachant que le volontaire précédent était partit miaout, et moi arrivé mi-septembre. Cela a fait beaucoup d’informations à assimiler d’un seul coup, mais tout s’est très bien passé grâce aux informations que j’ai reçues de la part d’Olivier (Ancien volontaire), ainsi que d’Anne mon Binôme de travail. J’ai eu l’impression d’être très attendu, ce qui fait vraiment plaisir, on a la sensation de se sentir utile dans ce genre de cas. L’intitulé qu’on m’en a donné est « gestion financière et suivi de chantier de reconstruction ainsi que de la recherche de fond. » Mais en soit qu’est-ce que cela veut dire (c’est ce que je me suis demandé avant de venir). Dans les faits, les Sœurs de Saint Joseph de Cluny sont installées en Haïti depuis 150 ans (elles ont fêtée l’anniversaire cette année). La congrégation possède une quinzaine d’écoles éparpillées dans tout le pays, avec près de 10000 élèves, donc autant dire qu’elles sont indispensables ici pour le secteur de l’éducation. De plus elles ont trois dispensaires. Tout ceci est mis en place par seulement 64 sœurs, dirigées de façon exemplaire par Sœur Christiane (The Big Boss). Pour ma part plusieurs projets sont en cours et bien avancés, toutefois il y a encore un gros besoin de fond, c’est donc là que j’interviens. Le projet le plus important est l’internat sainte Madeleine, voici le résumé de l’histoire associée à cette école : Cet internat créé en 1893 a accueilli pendant plus de 100 ans des jeunes filles orphelines ou dont les parents ne pouvaient pas s'occuper. L’internat était alors dans le bas de la ville de Port-au-Prince. En 2001, il a dû déménager (suite à une expropriation) et fermer le temps de construire de nouveaux locaux à Bourdon; la rentrée était prévue en septembre 2010 mais le séisme a démoli les locaux tout neufs. Quelques jours après mon arrivée Anne nous avait prévu une visite du chantier ! J’ai pu constater à ma grande surprise que les travaux étaient très bien avancés, c'est-à-dire que les bâtiments liés à la structure scolaire sont achevés, ainsi que la cuisine et la buanderie. Tout est prêt pour recevoir des élèves, or il manque un point important : Les sœurs doivent pouvoir loger sur place afin d’en assurer la direction. Je dois donc trouver des fonds pour construire ce logement, ce n’est pas une affaire facile, car peu de bailleurs de fonds souhaitent financer un logement pour les sœurs, il faut donc trouver des astuces afin de maquiller l’utilité du bâtiment. (Par exemple l’on dit qu’il s’agit du « staff quarter » et non de la maison des sœurs, c’est plus accrocheur). Il y a d’autres travaux sur ce lieu à faire financer, tel que le système d’eau. Et nous avons bien avancé, car nous avons trouvé un bailleur pour creuser un puit et installer une pompe manuelle. Je me rends compte que la recherche de fonds est complexe car je fais énormément de demandes et j’ai très peu de retour, la patience est donc de rigueur. Je pense que je vais avoir plus de faciliter pour les mois à venir car grâce à la sœur de sœur Christiane (La mère supérieure) j’ai récupéré un livre listant tous les bailleurs de fonds de projets catholiques. Sachant que j’ai une formation comptable à l’origine je peux également me rendre utile pour les sœurs afin de leur donner des conseils sur la gestion de la comptabilité, ou bien faire des points sur l’état de leurs comptes. Je suis maintenant un habitué du dispensaire de la providence, où je prête main-forte à Sœur Marie. En dehors de ce projet j’ai eu l’occasion de me reconvertir en professeur, car j’ai donné un cours de comptabilité à toutes les sœurs directrices d’école des départements du sud et de l’ouest. J’ai donc mis tout mon cœur dans l’élaboration de ce cours. J’espère qu’il portera ses fruits, seul l’avenir pourra me le dire. Je donne un deuxième cours en Novembre pour les sœurs des régions du Nord. Comme une mission en appel une autre, tous les matins sauf le mercredi avec Anne (ma binôme) on apprend des chants catholiques de la communauté de l’Emmanuel aux élèves des deux écoles à côté de notre travail (Mère Louise et Rosalie, appartenant aux sœurs de Cluny), et pour cela je suis accompagné de mon inséparable guitare. En fait on anime après la prière du matin et la levée du drapeau avec l’hymne national. Et à la fin de l’hymne on a le droit à un « Bonjour Mme Anne et Mr. Jérémie », en chœur par 400 petites filles. Misyon de Madame Clémence Dès notre premier jour d’arrivée, nous avons visité ma mission puis celle de Jérémie. Concernant la mienne, elle m’a tout de suite emballée. Le faite de gérer une école me plaisait. J’ai tout de suite été présenté aux élèves comme la nouvelle gestionnaire. Voici le contexte dans lequel je travaille : l’école professionnel Saint Joseph artisan a été construite en 2012 grâce à un travail de collaboration entre les équipes FIDESCO précédentes et une ONG belge (ACTEC). Le projet initial a émergé de constats simples : en période de reconstruction après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, la demande de main d’œuvre technique qualifiée a explosé. Le programme de formation s’est donc concentré sur des métiers techniques : plomberie, électricité et informatique. La formation commence en janvier et dure 10 mois. Je ne suis pas la seule française : le directeur de l’école est français volontaire FIDESCO, les professeurs d’informatique et d’électricité sont belges et volontaires FIDESCO. Le professeur de plomberie et le censeur sont eux Haïtiens. DIRECTEUR Patrick ANDRIER CENSEUR Hervé JOLIBOIS (Haitien) PROFESSEUR DE PLOMBERIE Wisly ALLY (Haitien) GESTIONNAIRE Clémence LEBLANC PROFESSEUR D'ELECTRICITE Jonathan WILLEMS PROFESSEUR D'INFORMATIQUE Sarah WILLEMS PROFESSEUR D'ETHIQUE Chantal ANDRIER Comment marche la comptabilité en Haïti ? C’est loin, très loin du fonctionnement français. Le logiciel de trésorerie est très simple : ENTREES – SORTIES. Je me suis donc familiarisée avec ce logiciel et cette logique. Il y a deux choses à retenir en Haïti au niveau comptable : Ce qui est le plus difficile est d’obtenir des justificatifs par rapport aux dépenses (les entreprises ne font généralement pas de facture donc il faut en faire à leur place) Ne jamais payé quelqu’un avant qu’il ne nous ait fait le travail. Avant que j’arrive, ma prédécesseur avait payé un monsieur pour nous installer un panneau publicitaire, il ne l’a jamais fait. La rentrée est prévue pour le 7 janvier 2015. Je suis arrivée en fin d’année donc je ne connais pas les élèves. Ma mission consiste aussi à organiser cette rentrée. Je dois m’occuper des inscriptions, organiser les examens pour connaitre le niveau des élèves qui seront en décembre, mettre à jour le règlement intérieur, imprimer les bulletins scolaires, promouvoir l’école par divers moyens, tel que passer des annonces à la radio, ou bien confectionner une grande banderole pour mettre dans la rue, réaménager le site internet, etc. Je dois aussi gérer toute l’organisation de l’établissement : Ce sont des petites choses très simples auxquelles il faut penser, décorer la chapelle, organiser l’emploi du temps des élèves, effectuer les achats courants et payer les factures. Nous recevons toutes les factures à l’école mais aucun paiement ne se fait en ligne ou par prélèvement : il faut se déplacer, faire la queue et être PATIENT !!! Le mois dernier, je suis allée à la DGI (direction générale des impôts) pour payer les impôts liés aux salaires des professeurs. Il faut d’abord se mettre dans une première file. Arrivé au bout de cette file, une dame vous donne un papier, il faut après faire une deuxième queue dans un autre bâtiment pour avoir la fiche de paiement et il faut ensuite en faire une troisième pour aller payer. Et c’est à ce moment-là qu’il faut prendre son mal en patience. Il y a tellement de monde qui attend que la file commence dehors, sous un soleil de plomb !!! J’ai donc attendu pendant longtemps. En 40min, j’ai dû faire 5 mètres. Je pense que je devais faire de la peine car un Monsieur de la sécurité m’a fait passer devant tout le monde. Je suis alors rentrée dans la salle pour payer et là, tous les Haïtiens se sont mis à crier car certains passaient devant tout le monde. Je ne me suis pas sentie très à l’aise mais je me suis dit « c’est soit ça, soit j’en ai pour la journée ! ». Après 3h d’expéditions, je pouvais enfin rentrer. Le directeur de l’école, Patrick, et sa femme Chantal ont accueillis un ami prêtre pendant une semaine à l’école. Lors de sa visite, le couple a voulu leur montrer une école gérée par des sœurs colombiennes, située à la croix des bouquets (à une heure en voiture de PAP). J’ai donc sauté sur l’occasion et je suis allée avec eux. C’est là que j’ai pu toucher de plus près à la détresse d’Haïti, car les enfants de cette école sont très pauvres, de plus les sœurs ont mis en place une classe pour des enfants portant des handicaps, ce qui est vraiment bien pour ces pauvres enfants, car il n’y aucune structure en Haïti pour ce genre de « Ti Moun » (enfants). Heureusement que de nombreuses congrégations sont là pour subvenir aux besoins des plus démunis. Mon rôle en tant que missionnaire n’est certes pas auprès de cette population, mais il faut se dire que ce pays a besoin de tout, et donc aider les enfants n’est pas l’unique besoin, c’est pourquoi je vois dans ma mission un intérêt pour l’avenir. Ce pays a besoin de main d’œuvre et je suis heureuse de pouvoir y contribuer. Conclusion Nous savons que cette mission sera faites de hauts de bas, car ici rien n’est prévisible, et c’est maintenant que nous comprenons le sens du passage d’évangile que nous avons choisi pour notre messe de mariage. (Mt 6,34) « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiètera de luimême. A chaque jour suffit sa peine ». Vivre dans un pays pauvre permet de vivre les paroles que l’on reçoit chaque Dimanche au quotidien. Nous commençons tout juste à voir apparaître les fruits de notre engagement, et ce n’est que le début, nous comptons bien évidemment sur vos prières et votre amitié pour nous soutenir dans ce temps qui nous est donné.