Sclérose en plaques

Transcription

Sclérose en plaques
PARCOURS DE SOINS
DR
Dossier coordonné par Brigitte Némirovsky
Conseillère scientifique
Pr Catherine Lubetzki
([email protected])
Département des maladies
du système nerveux
Groupe hospitalier
La Pitié-Salpêtrière, Paris
Sclérose en plaques
Adapter le parcours de soins à l’hétérogénéité des chemins
1
étape
étape
000. Diagnostic précoce : l’IRM, examen clé.
Dr Anne-Caroline Papeix
000. Comment annoncer la maladie. Pr Thibault Moreau
étape
cliniques
3
2
000. Le médecin du travail face au risque de désinsertion
professionnelle. Pr Sophie Fantoni-Quentin
000. Choix des traitements spécifiques : décision
complexe, souvent collégiale. Pr Bruno Stankoff
000. Rééducation et réadaptation : maintenir qualité
de vie et vie sociale. Dr Michèle Mane, Dr Lucie Gagneur,
000. Prendre en charge les symptômes dès le début
de la maladie. Dr Hélène Zéphir
000. Éducation thérapeutique : « mieux vivre
avec la maladie ». Marie-Hélène Colpaert
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Pr Philippe Thoumie
{
000. Troubles cognitifs : possibles dès les stades
initiaux. Pr Bruno Brochet, Dr Aurélie Ruet
000. Accompagnement psycho-médico-social :
l’indispensable trait d’union. Entretien avec Laetitia Capelli
000. Répondre à la forte demande d’autonomisation
des patients. Entretien avec Bernard Gentric
000. Bilan de la maladie: évolutivité, handicap, facteurs
du pronostic. Pr Jean Pelletier
000. Troubles vésico-sphinctériens : importante
de l’évaluation de première ligne. Pr Gérard Amarenco
000. Nouveaux traitements de fond : impact
sur l’organisation des soins. Dr Élisabeth Maillart
000. Dix-sept réseaux, un objectif majeur : l’approche
globale de la maladie. Dr Véronique de Burghgraeve
000. Une clinique rennaise spécialisée, inspirée du
modèle canadien. Pr Gilles Edan, Dr Emmanuelle Le Page
000. Le design du parcours de soins reste imposé par
l’évolutivité de la maladie. Entretien avec le Pr Michel Clanet
LE CONCOURS MéDICAL | 1
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PARCOURS DE SOINS
étape
1
Sclérose en plaques
Diagnostic précoce : l’IRM, examen clé
Dr Anne-Caroline Papeix ([email protected]), département des maladies du système nerveux, groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, Paris
La sclérose en plaques (SEP) est la deuxième cause de handicap acquis de l’adulte jeune. Les avancées
récentes de la recherche médicale ont considérablement modifié sa prise en charge. Ainsi, les progrès
de l’imagerie permettent désormais un diagnostic dès les stades précoces de la maladie, et les grandes
avancées ces dernières années dans le domaine de la recherche en immunologie ont permis la mise au
point de plusieurs traitements efficaces pour la prévention des rechutes de la maladie dès ses premières
manifestations. Cependant, le bénéfice de ces traitements reste modeste sur le handicap à long terme, et
une prise en charge multidisciplinaire reste indispensable.
L
es premières manifestations de la maladie ne
sont pas toujours évidentes à reconnaître. La
grande diversité des symptômes puis leur disparition spontanée en quelques jours rendent leur
identification souvent difficile.
Les premiers symptômes : souvent difficiles
à identifier
Les premiers symptômes peuvent être très
gênants ou à l’inverse discrets, n’incitant pas toujours
à consulter un médecin. Il n’est pas rare non plus qu’ils
soient interprétés à tort comme des manifestations
non neurologiques. Des fuites urinaires sont ainsi
bien souvent mises sur le compte de précédentes
grossesses, et des vertiges sur un dysfonctionnement
de l’oreille interne alors que ces signes peuvent être
une des premières manifestations de la maladie.
Si les premiers symptômes de la SEP sont parfois
discrets et transitoires n’incitant pas toujours de ce
fait à consulter un médecin, dans certains cas, ils
Symptômes les plus fréquents
de la sclérose en plaques
• Flou visuel d’un œil
• Fourmillements d’un
membre
• Lourdeur d’un membre
• Troubles de l’équilibre
• Boiterie
• Vertiges
• Surdité
2 | LE CONCOURS MéDICAL • Besoins urgents
d’uriner
• Différents symptômes
peuvent être associés.
Il peut également s’y
associer une fatigue
inhabituelle
ou des troubles
de la concentration
peuvent d’emblée être très gênants et associés à une
fatigue inhabituelle ou à des troubles de concentration. Ainsi, une baisse d’acuité visuelle douloureuse,
des troubles sensitivomoteurs des quatre membres,
des difficultés de marche et de l’équilibre peuvent
inaugurer la maladie. Une diplopie ou une paralysie
faciale s’observent plus rarement (encadré).
Ces premiers symptômes s’installent en quelques jours, et peuvent disparaître spontanément
ou après des perfusions de corticoïdes ; c’est le cas
des formes évoluant par poussées. Dans les formes
évoluant sur un mode progressif, les symptômes
s’installent de façon plus insidieuse et s’aggravent
lentement de façon irréversible.
Une grande variabilité individuelle
et interindividuelle
La SEP est une maladie neurologique chronique multifocale. Ses signes sont très variés chez
un même individu et très variables d’un sujet à
l’autre. Cette diversité de symptômes s’explique
par la dissémination des plaques de démyélinisation qui sont distribuées au hasard de l’inflammation. Les plaques peuvent ainsi être localisées
au niveau du nerf optique, de l’encéphale, de la
moelle épinière et du cervelet.
Une névrite optique se manifeste généralement
par un flou visuel ou une tache opaque au centre
du champ de vision associé souvent à une douleur localisée autour de l’œil, et dont l’intensité
augmente lors des mouvements de l’œil.
D’autres manifestations visuelles sont possibles, comme une diplopie en rapport avec une
paralysie de la sixième paire crânienne.
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
Des paresthésies des membres, du torse ou de
la face, un fauchage ou un steppage limitant le
périmètre de marche, durant quelques jours ou
quelques semaines, orientent vers une atteinte
des voies sensitivomotrices sur leur trajet médullaire ou cérébrale. Le signe de Lhermitte (sensation de décharge électrique dans les membres à la
flexion du cou) est le plus souvent le signe d’une
myélite cervicale. Des réflexes vifs, diffusés, polycinétiques, un signe de Babinski, une abolition
des réflexes cutanés abdominaux sont les signes
d’examens témoins d’une irritation pyramidale,
spécifique d’une atteinte du système nerveux
central.
Une marche instable, avec des embardées,
avec élargissement du polygone de sustentation,
des gestes maladroits imprécis, une écriture
brouillonne sont les témoins d’une plaque sur les
voies cérébelleuses.
Le besoin impérieux d’uriner est un des premiers
symptômes fréquents de la maladie. Il s’associe
à des envies d’uriner répétées suivies d’émission
de petite quantité d’urine. À l’inverse, une dysu-
1
2
3
rie peut être observée, nécessitant une pression
pelvienne manuelle pour chaque miction. Ces
symptômes très fréquents sont le signe d’une
dyssynergie vésico-sphinctérienne secondaire à
une plaque médullaire.
Le diagnostic repose sur
un faisceau d’arguments
Dans les formes évoluant par poussées, ces
symptômes et signes cliniques s’installent généralement en quelques jours pour être au maximum en deux à trois semaines, puis s’atténuent
en quatre à six semaines. Dans 40 % des cas, des
séquelles plus ou moins invalidantes persistent.
La réalisation de perfusion de méthylprednisolone en intraveineux au rythme d’une perfusion
de 1 g trois à cinq jours de suite accélère le délai
de récupération sans pour autant modifier le pronostic à moyen terme.
IRM cérébrale en coupe axiale
(Séquence FLAIR - séquence T1 après injection de gadolinium)
tome 137 | n° 3 | mars 2015 LE CONCOURS MéDICAL | 3
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
En cas de suspicion, comment aller vers
la confirmation du diagnostic ?
Si l’identification de l’origine neurologique de
ces symptômes constitue une première étape
indispensable pour établir le diagnostic, la réalisation d’examens d’imagerie et de tests biologiques
est une deuxième étape nécessaire pour avancer
vers un diagnostic plus précis.
L’IRM permet de visualiser les lésions responsables des symptômes. Leur taille, leur localisation, l’intensité de leur signal renseignent sur leur
nature. Dans la SEP, l’IRM révèle sur les séquences pondérées en T2 des hypersignaux de forme
ovoïde, de taille supérieure à 3 mm, disséminés
dans la substance blanche (illustration p. X). Au
niveau encéphalique, leur disposition est le plus
souvent perpendiculaire à l’axe des ventricules.
Au niveau médullaire, les hypersignaux sont
surtout observés à l’étage cervico-dorsal et le
plus souvent de localisation postérieure. Sur les
séquences pondérées en T1, les plaques les plus
Tableau 1. Diagnostic de SEP selon les critères de McDonald(2) révisés (2010)
Dissémination spatiale
Dissémination temporelle
≥ une lésion T2 dans au moins deux des quatre territoires du système nerveux central considérés comme
caractéristiques de SEP
• juxta-cortical
• périventriculaire
• sous-tentoriel
• médullaire*
Une nouvelle lésion T2 et/ou une lésion prenant
le gadolinium sur une IRM de suivi quel que soit le
moment de l’IRM initiale
La présence simultanée de lésions asymptomatiques
rehaussées ou non par le gadolinium à n’importe
quel moment
*En cas de syndrome médullaire ou du tronc cérébral, les lésions
symptomatiques sont exclues des critères diagnostiques et ne
participent pas au compte des lésions.
Tableau 2. Immunomodulateurs et premier événement neurologique
Présentation clinique
du SCI
Traitement
CHAMPS5
Avonex
30 µg/semaine
Mono-symptomatique
2 HS T2 (dont
1 ovalaire ou
périventriculaire)
44 %
ETOMS4
Rebif
22 µg/semaine
Mono- (39 %) et
polysymptomatiques
4 HS T2
35 %
BENEFIT3
Bêtaféron
8 MUI/2 jours
Mono- (53 %) et
polysymptomatiques
2 HS T2 (> 3 mm)
50 %
PRECISE6
Copaxone
20 mg/j
Monosymptomatique
2HS T2 (> 6 mm)
45 %
TOPIC7
Tériflunomide
14 mg/j
Mono- et
polysymptomatiques
2 HS T2 (> 3 mm)
43 %
SCI :syndrome clinique isolé
4 | LE CONCOURS MéDICAL IRM
% de réduction
de 2e événement/
placebo
Étude
anciennes apparaissent en hyposignal. L’injection
de produit de contraste permet d’identifier les
plaques les plus récentes.
Ainsi l’IRM encéphalique renseigne sur le siège,
le nombre et l’âge des plaques. Dans certaines
situations, les informations apportées par l’IRM
manquent de spécificité, et d’autres examens sont
nécessaires pour préciser la nature des lésions.
La ponction lombaire apportera des informations sur la composition en cellules, en sucre et
protéines du liquide céphalo-rachidien (LCR). La
recherche de protéines spécifiques de l’inflammation dans le LCR renseigne sur l’état inflammatoire du cerveau, des nerfs optiques et de la
moelle épinière. Si le taux de certaines protéines,
comme les immunoglobulines, est augmenté dans
le LCR, alors qu’il est normal dans le sang, cette
synthèse intrathécale d’immunoglobulines est le
signe qu’il existe une inflammation au sein du
système nerveux central.
Les potentiels évoqués renseignent sur le fonctionnement des nerfs et en particulier sur la
vitesse de conduction de l’influx électrique. Ces
examens électrophysiologiques peuvent donner
des informations sur la vitesse de conduction des
voies motrices, sensitives ou visuelles.
Les prélèvements sanguins sont surtout utiles
pour éliminer des diagnostics de maladies qui
miment la SEP, notamment des maladies inflammatoires générales qui affectent le système nerveux central mais aussi d’autres organes (sarcoïdose, maladie de Behçet, lupus ou le syndrome
de Goujerot-Sjögren). Certaines maladies infectieuses vont aussi être recherchées, telles que la
maladie de Lyme.
Aucun test clinique, radiologique ou biologique ne permet à lui seul d’établir le diagnostic de
SEP. Le diagnostic repose donc sur un faisceau
d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques. Des critères tenant compte de tous ces éléments permettent, s’ils sont remplis, de porter le
diagnostic : différents critères ont été proposés,
ayant tous pour objectif de faire la preuve que
la maladie est une affection chronique, démyélinisante et inflammatoire du système nerveux
central. Longtemps, les critères de Poser(1) ont
prévalu. Ils ont ensuite été supplantés par les
critères de McDonald(2) qui donnent une place
plus importante à l’IRM. Ces critères révisés en
2010 (tableau 1) permettent un diagnostic précoce de la maladie.
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
1
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3
Un diagnostic précoce est-il possible
et nécessaire ?
Les avancées récentes de la recherche médicale ont révolutionné la prise en charge de la SEP.
Ainsi, les progrès de l’imagerie ont permis un diagnostic dès les stades précoces de la maladie, et
les grandes avancées ces dernières années dans
le domaine de la recherche en immunologie ont
permis la mise au point de plusieurs traitements
efficaces pour la prévention des rechutes de la
maladie. Certains d’entre eux comme les interférons bêta 1a ou 1b, l’acétate de glatiramère,
sont utilisés depuis une dizaine d’années dès les
stades précoces de la maladie. Récemment, des
traitements par voie orale (tériflunomide, diméthylfumarate) peuvent être prescrits dès que le
diagnostic de SEP est porté selon les critères
de McDonald 2010 (2), soit dès le premier événement clinique. Ces autorisations d’utilisation
ont été délivrées à la suite de plusieurs études
de phase III(3-7) qui avaient révélé leur efficacité
en prévention des poussées dès le premier événement clinique (tableau 2) sauf pour le diméthylfumarate, qui n’a pas fait l’objet d’une étude
spécifique après un premier événement clinique
isolé. Bien que ces études n’aient montré qu’un
effet modeste sur le handicap à long terme, plusieurs études apportent des arguments en faveur
d’un traitement précoce dans les formes de la
maladie évoluant par poussées. Ainsi Scarfali et
al.(8) ont montré que le nombre élevé de poussées
durant les deux premières années était corrélé à
la sévérité du handicap à long terme. Weinshenker
et al.(9) se sont intéressés à la corrélation entre le
délai séparant les deux premières poussées et le
handicap à long terme : plus celui-ci était court
plus le handicap à long terme était sévère. Enfin,
des études d’imagerie ont révélé que l’atrophie
cérébrale, témoin d’une perte neuronale, apparaissait très précocement dans l’évolution de la
maladie, dès les premiers signes cliniques(10). Plus
celle-ci était importante plus l’évolution clinique
était péjorative, notamment marquée par l’apparition précoce de troubles cognitifs(11) et par la
survenue d’un handicap à long terme(12). Les traitements immunomodulateurs ayant un effet sur
la prévention des poussées après un premier événement neurologique et ayant un effet bénéfique
sur le volume cérébral à cinq ans(13) pourraient
modifier le pronostic à long terme.
tome 137 | n° 3 | mars 2015 La SEP est une maladie neurologique chronique
invalidante dont les manifestations cliniques sont
polymorphes. Grâce aux progrès de l’imagerie, son
diagnostic est désormais possible dès le stade de
début. Sa prise en charge repose sur l’instauration précoce de traitements immunomodulateurs
modifiant l’évolution de la maladie et sur les soins
d’une équipe pluridisciplinaire impliquée dans l’information et l’éducation thérapeutique. •
La ponction lombaire
recherche une
synthèse intrathécale
d’immunoglobulines
L’auteure déclare…
1. Poser CM, P aty DW, Scheinberg L, et al. New diagnostic criteria
for multiple sclerosis: guidelines for research protocols. Ann Neurol
1983;13(3):227-31.
2. Polman CH, Reingold SC, Banwell B, et al. Diagnostic criteria for
multiple sclerosis: 2010 revisions to the McDonald criteria. Ann Neurol
2011;69(2):292-302.
3. Kappos L, Polman C, Freedman MS, et al. Treatment with interferon
beat 1b delays conversion IFN beta 1-b delays conversion to clinically
definite and Mac Donald MS in patients with clinically isolated syndromes.
Neurology 2006;67:1242-9.
4. Filippi M, Rovaris M, Inglese M, et al. Interferon beta-1a for brain tissue
loss in patients at presentation with syndromes suggestive of multiple
sclerosis: a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet.
2004;364(9444):1489-96.
5. Jacobs LD, Beck RW, Simon JH, et al. Intramuscular interferon beta 1a
therapy initiated during a first demyelinating event in multiple sclerosis. N
Engl J Med 2000;343:898-904.
6. Comi G, Martinelli V, Rodegher M, et al. Effects of early treatment with
glatiramer acetate in patients with clinically isolated syndrome. Mult Scler
2013;19(8):1074-83.
7. Miller AE, Wolinsky JS, Kappos L, et al; TOPIC Study Group. Oral
teriflunomide for patients with a first clinical episode suggestive of multiple
sclerosis (TOPIC): a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3
trial. Lancet Neurol 2014;13(10):977-86.
8. Scalfari A, Neuhaus A, Degenhardt A, et al. The natural history of
multiple sclerosis: a geographically based study 10: relapses and long-term
disability. Brain 2010;133(Pt 7):1914-29.
9. Weinshenker BG, Rice GP, Noseworthy JH, et al. The natural history of
multiple sclerosis: a geographically based study. 4. Applications to planning
and interpretation of clinical therapeutic trials. Brain 1991;114:1057-67.
10. Fisher E, Lee JC, Nakamura K, et al. Gray matter atrophy in multiple
sclerosis: a longitudinal study. Ann Neurol 2008;64(3):255-65.
11. Deloire MS, Ruet A, Hamel D, et al. MRI predictors of cognitive outcome
in early multiple sclerosis. Neurology 2011;76(13):1161-7.
12. Fisher E, Rudick RA, Simon JH, et al. Eight-year follow-up study of brain
atrophy in patients with MS. Neurology 2002;59(9):1412-20.
13. Khan O1, Bao F, Shah M, et al. Effect of disease-modifying therapies on
brain volume in relapsing-remitting multiple sclerosis: results of a five-year
brain MRI study. J Neurol Sci 2012;312(1-2):7-12.
LE CONCOURS MéDICAL | 5
{
PARCOURS DE SOINS
étape
1
Sclérose en plaques
Comment annoncer la maladie
Pr Thibault Moreau ([email protected]), service de neurologie, CHU de Dijon
L’annonce du diagnostic de sclérose en plaques (SEP) constitue une étape inoubliable pour le malade.
La seule prononciation des mots « sclérose en plaques » fige le malade dans un état de brutale sidération
émotionnelle. Ainsi, très vite, une surdité émotionnelle accompagne la poursuite du discours du neurologue.
Plusieurs « guidelines », pour une « bonne annonce », ont été proposés, associant des recommandations
logistiques, de comportement et d’accompagnement dépendant des cultures mais plus souvent adaptées à
un groupe de malades qu’à un individu seul face à un neurologue(1, 2).
L’
anxiété, la peur, la dépression surviennent fréquemment lors de la période d’annonce, mais d’autres réactions sont aussi
observées, comme le déni, la culpabilité, la colère,
l’anéantissement, le repli, l’acceptation. L’expression mais aussi la durée ou la succession de ces
étapes sont variables d’un patient à l’autre, et pas
facilement prévisibles. Cela peut surprendre, voire
dérouter les soignants qui connaissent l’enjeu capital de cette annonce diagnostique.
Trois étapes successives
Sur un plan juridique, l’annonce diagnostique
doit permettre de respecter la liberté de choix de
la personne et sa dignité, et favoriser sa capacité
à organiser sa vie. Sur un plan déontologique, le
médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il
soigne ou qu’il conseille une information loyale,
claire et appropriée sur son état, les investigations
et les soins qu’il lui propose (article 35 du code
de déontologie médicale).
Trois grandes étapes doivent se succéder pour
une « bonne annonce » : le processus de l’annonce, le contenu de l’annonce, les dispositions
à prendre après l’annonce (tableau).
̶ Pour le processus de l’annonce, il est recommandé que le médecin spécialiste qui a établi le
diagnostic l’annonce de façon explicite dans un
lieu approprié permettant un entretien singulier
et une écoute facilitée.
̶ Concernant le contenu de l’annonce, le discours doit être clair et simple, en établissant un
plan opérationnel de prise en charge globale.
̶ Après l’annonce, le médecin doit être disponible pour reprendre ou enrichir les informations
déjà données lors d’une consultation rapprochée.
Parfois, mais pas obligatoirement, une équipe
composée d’une infirmière, d’un psychologue et
d’un psychiatre peut aider le neurologue annonceur qui reste néanmoins – et doit rester – responsable de la cruelle étape. De plus, l’équipe
soignante appréciera l’apport, le moment d’intervention possible d’un aidant, selon les désirs et le
choix du patient(3).
L’approche des stratégies de « coping »,
une base utile en pratique
L’annonce du diagnostic
de SEP fige le malade dans
un état de brutale sidération
6 | LE CONCOURS MéDICAL En fait, les recommandations, le bon sens et
l’expérience ne suffisent généralement pas pour
une bonne annonce diagnostique. Un savoir-faire,
un partage d’expérience sont bien souvent nécessaires. L’approche des stratégies de « coping »,
sûrement un peu théorique, illustre pour le neurologue la complexité de l’attitude du malade face
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
Tableau. Annonce diagnostique de la sclérose en plaques*
Processus de l’annonce
Contenu de l’annonce
Disposition après l’annonce
Le neurologue qui a établi le diagnostic annonce le
diagnostic de façon explicite
• Consultation longue et dédiée
• Processus d’annonce adapté au rythme d’appropriation
du patient
• Rendez-vous de consultation ultérieure à prévoir
• À la demande du patient, l’annonce est partagée avec une
personne de son choix
• Lieu d’annonce approprié à une écoute facilitée
• Neurologue disponible sans sollicitation extérieure
Rappeler les informations déjà connues du patient énoncées
lors de la démarche diagnostique (IRM, ponction lombaire…)
• Parler clair, concis, loyal sans éluder le mot « sclérose en
plaques »
• Être à l’écoute du malade, en le laissant réagir et exprimer ses
émotions
• Évaluer son niveau de compréhension et répondre à ses
questions
• Points positifs à aborder :
- mise en avant des capacités préservées du patient
- proposition d’une stratégie thérapeutique
- évocation d’évolution favorable
- maintien des projets de vie (même si parfois adaptés) :
grossesse, travail, loisirs, voyages, sport
• Toute cette démarche se fera le plus souvent en
plusieurs consultations successives avec retour sur
certaines étapes mal comprises ou nécessitant plus
d’informations
• Toute la démarche du contenu de l’annonce sera
incluse dans le compte-rendu au médecin traitant
• Le patient et la famille doivent pouvoir être revus
rapidement par le neurologue annonceur ou par un
membre de son équipe (psychologue, infirmière)
• Les dispositifs d’éducation thérapeutique, de soutien
psychologique de prise en charge médico-sociale
multidisciplinaire doivent être proposés au patient, sans
les imposer
• Des documents ou des références de sites web validés
seront donnés au malade
* Dérivé de « Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : annonce et accompagnement du diagnostic. La recommandation de bonne pratique ». HAS 2009.
à la mauvaise nouvelle, si difficile à prévoir ou à
apprécier(4, 5) (encadré).
Des échelles peuvent évaluer les stratégies de
« coping » utilisées par le patient dès l’annonce
diagnostique, ce qui peut aider à comprendre
certains comportements, à adapter des prises
en charge et à établir des projets adaptés à chaque un patient. Par exemple, il a été montré que
l’anxiété face à l’annonce diagnostique était atténuée par une information loyale et complète sur
la maladie, même chez les malades utilisant un
« coping » fondé sur l’émotion(7). Oser parler de
la maladie dès son annonce est donc en fait plus
rassurant que générateur d’angoisse, même chez
les malades les plus vulnérables.
Humanité et partage d’expérience : appui
fondamental des avancées médicales
La démarche diagnostique, dans la SEP, s’est
considérablement modifiée cette dernière décennie : le diagnostic est aujourd’hui établi très vite
grâce aux critères standardisés en cours, parfois sans signes cliniques ou symptômes permanents ; une stratégie thérapeutique est disponible
dès le premier épisode unique, même avec des
médicaments par voie orale peu contraignants,
et une information complète, voire débordante,
est aujourd’hui proposée au malade sur Internet. Malgré toutes ces avancées, le neurologue
expérimenté sait que cette annonce diagnostique
reste une étape cruelle qui va changer la vie du
patient, souvent jeune, en face de lui, qu’il va fissurer ses projets de vie, blesser son environnement et
tome 137 | n° 3 | mars 2015 À propos des stratégies de « coping »
Les stratégies de « coping » correspondent aux efforts spécifiques à la fois comportementaux et psychologiques que la personne fait pour mieux tolérer et minimiser les
événements stressants.
Deux stratégies principales ont été d’abord identifiées : le coping sur l’émotion, où
l’anxiété, la mauvaise qualité de vie sont habituelles ; le coping sur la tâche, plus opérationnel, avec des stratégies actives de compensation accompagnées d’une meilleure
qualité de vie, fréquemment rencontré chez les hommes. Puis le coping fondé sur la
recherche de soutien social et celui sur l’évitement ont été individualisés(6).
introduire la peur du lendemain. Nos fantastiques
progrès diagnostiques, de prise en charge et thérapeutiques ne doivent pas balayer l’humilité, la
nécessité de partager avec d’autres professionnels
l’humanité indispensable à cette étape d’annonce
diagnostique. •
L’auteur déclare…
1. Clanet M, Gayot Pigois C. Annonce du diagnostic et information des
patients atteints de SEP. Rev Neurol 2001;157(8-9):1153-6.
2. Ford HL, Johnson MH. Telling your patient he/she has Multiple Sclerosis.
Postgrad Med J 1995;71:449-52.
3. Moreau T. L’annonce du diagnostic. La Lettre du neurologue 2014; vol
XVIII, n° 6.
4. Lazarus RS, Launier R. 1978. Stress-related transactions between
person and environment. In Perspectives in lnteractional Psychology, ed. L.
A. Pervin, M. Lewis, 287-327. New York: Plenum.
5. McCabe MP, McKern S, McDonald E. Coping and psychological
adjustment among people with multiple sclerosis. J Psychosom Res
2004;56(3):355-61.
6. Endler, Norman S, Parker, James DA. Assessment of multidimensional
coping: Task, emotion, and avoidance strategies. Psychological Assessment
1994;6:50-60.
7. Moreau T, Schmidt N, Joyeux O, et al. Coping strategy and anxiety
evolution in multiple sclerosis patients initiating interferon-beta treatment.
Eur Neurol 2009;62(2):79-85.
LE CONCOURS MéDICAL | 7
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
étape
2
Sclérose en plaques
Bilan de la maladie : évolutivité,
handicap, facteurs du pronostic
Pr Jean Pelletier ([email protected]), AP-HM, hôpital de La Timone, pôle de neurosciences cliniques, service de neurologie, CHU La Timone, Marseille
La sclérose en plaques (SEP) est actuellement considérée comme une seule entité, représentée par une
atteinte inflammatoire démyélinisante du système nerveux central. Toutefois, les mécanismes impliqués
dans sa physiopathologie apparaissent multiples (inflammation, démyélinisation, perte axonale). De la même
façon, l’expression phénotypique peut être variée, représentée par une grande hétérogénéité à la fois inter- et
intra-individuelle. À ce jour, il n’existe aucun marqueur tant au niveau clinique que biologique et radiologique
qui permette de prédire son évolution à l’échelle individuelle(1, 2). Toutefois, les connaissances issues du
suivi de grandes cohortes de patients apportent des informations pertinentes sur l’évolution naturelle de la
maladie, mais ces données ne sont pas toujours applicables au suivi des patients à un échelon individuel.
Dans le cadre de la mise en place d’un programme personnalisé de soins adapté à chaque patient, il est
donc indispensable de pouvoir s’appuyer sur des profils évolutifs bien définis, des échelles de handicap
reproductibles et des facteurs prédictifs sensibles à l’évolution de la maladie. Ce n’est qu’en tenant compte
de ces différents paramètres que la prise en charge pourra être optimisée et synonyme d’une prise en charge
de qualité au niveau individuel.
L’
L’échelle EDSS évalue
essentiellement le handicap
en termes de troubles
de la marche
8 | LE CONCOURS MéDICAL évolutivité de la maladie est définie par la
classification de Lublin et Reingold(3), qui
individualise trois formes évolutives : la
forme rémittente-récurrente, la forme secondairement progressive, et la forme progressive primaire
(figure 1).
• La forme rémittente-récurrente (RR) est
représentée par la survenue de poussées disséminées dans le temps et dans l’espace, qui reflètent
la présence d’un processus inflammatoire focal.
Elle représente le mode évolutif inaugural le plus
fréquent dans la maladie (85 %). Une poussée est
définie par l’apparition de nouveaux symptômes
ou la réapparition ou l’aggravation de symptômes
antérieurement connus, d’une durée supérieure à
24 heures, en dehors de tout contexte fébrile. Ces
poussées surviennent de façon aléatoire mais peuvent être favorisées par des facteurs déclenchants
ou favorisants (infections, stress). Elles peuvent ou
non être responsables de séquelles synonymes de
l’installation ou de l’aggravation d’un handicap.
• La forme secondairement progressive (SP)
correspond à l’évolution naturelle d’une forme RR
vers une forme progressive. La progression secondaire est représentée par une accumulation progressive du handicap, soit de façon linéaire dans
le temps, soit grevée de poussées surajoutées. La
progression est définie par une aggravation continue des symptômes neurologiques sur une période
minimale de six mois. Les données de la littérature
font état d’un délai moyen de passage à la forme SP
15 à 20 ans après le début de la maladie.
• La forme progressive primaire (PP) correspond à une évolution d’emblée progressive, dès
le début de la maladie, responsable de la constitution d’un handicap qui s’installe et s’aggrave
de façon continue, parfois associé à des poussées
surajoutées. La progression continue ne pourra
donc être affirmée qu’après un recul suffisant (au
moins un an). Cette forme évolutive reste rare, ne
représentant que 15 % des patients.
Intérêt et limites de la classification
en formes évolutives
Cette classification a un impact majeur sur le
versant diagnostique de la maladie (signes neurologiques disséminés dans le temps et dans l’espace
concernant la forme RR, progression continue du
handicap dans les formes SP et PP) et surtout
sur les modalités de prise en charge thérapeutique. En effet, si les poussées traduisent la composante inflammatoire du processus pathologique,
argumentée par l’apparition de nouvelles lésions
à l’IRM, la phase rémittente de la maladie sera
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
sensible aux traitements immunomodulateurs et
immunosuppresseurs. En revanche, ces mêmes
traitements n’auront pas d’impact sur la phase
progressive, liée à une perte axonale chronique qui
reflète un processus de neurodégénérescence. La
relation exacte entre ces deux aspects physiopathologiques (inflammation et neurogénérescence)
reste toutefois débattue, notamment concernant
l’impact de l’inflammation dans la constitution de
l’évolution progressive dans les formes SP.
Cette classification comporte toutefois un certain nombre de limites, concernant notamment les
formes progressives, et son application à l’individu
reste parfois difficile. Tout d’abord, il est indispensable de bénéficier d’un recul suffisant (au moins un
an) pour affirmer que la forme est progressive. En
effet, la constitution d’un handicap irréversible et
son aggravation progressive nécessitent d’éliminer
formellement des facteurs d’aggravation ponctuelle
qui pourrait participer à accentuer le handicap fonctionnel. Par ailleurs, l’évolution sur un fond progressif
de la maladie peut être émaillée de poussées surajoutées, rendant difficile l’appréciation du mode évolutif
entre une forme rémittente avec séquelles et une
forme progressive avec poussées. Un délai de six mois
pour considérer que le handicap est irréversible est
nécessaire, permettant notamment d’être à distance
suffisante d’une poussée (et de sa récupération).
L’évaluation du handicap repose
sur une démarche pluridisciplinaire
L’approche du handicap fonctionnel d’un
patient atteint de SEP nécessite de pouvoir évaluer toutes les fonctions potentiellement atteintes
par la maladie. Un certain nombre d’entre elles
pourront être évaluées de façon objective par
l’examen clinique : motricité, sensibilité, oculomotricité et fonction cérébelleuse. D’autres, en
revanche, telles que la fatigue, les troubles cognitifs, les perturbations visuelles et les troubles urinaires et intestinaux, devront faire appel à des
explorations paracliniques et/ou à des échelles et
des tests ou des échelles spécifiques.
L’échelle d’évaluation du handicap qui reste la référence dans la SEP est l’Expanded Disability Status
Scale (EDSS)[4] (tableau 1, p. X).
Cette échelle permet effectivement d’évaluer
les grandes perturbations fonctionnelles engendrées par la maladie. Il s’agit d’une échelle ordinale qui est toutefois principalement centrée sur
la capacité du patient à déambuler, et elle évalue
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Clasification des formes évolutives de SEP
Les trois formes pricipales
Les formes progressives détaillées
Forme rémittente-récurente
Forme secondairement progressive sans poussée
Forme secondairement progressive
Forme secondairement progressive avec poussées
Forme progressive primaire sans poussée
Forme progressive primaire
Forme progressive primaire avec poussées
donc essentiellement le handicap en termes de
troubles de la marche. En particulier, elle reflète
plus précisément le niveau de handicap et son
aggravation à partir du score EDSS 4 (apparition de la limitation du périmètre de marche).
D’autre part, un même score global peut à la
fois traduire un handicap lié à une perturbation
d’une seule fonction (motrice) ou à l’association
de plusieurs déficits, rendant la cotation du score
global très variable en fonction de l’examinateur.
Enfin, il existe avec cette échelle une variabilité
intra-individuelle très importante qui peut être
en rapport avec des événements influençant le
niveau de handicap (poussées, épisodes d’infection, fatigue, fortes chaleurs). La valeur du
score global en termes de handicap irréversible
(EDSS confirmé) ne peut donc être retenue que
si celui-ci est confirmé après un délai qui permet
de limiter l’impact des fluctuations (notamment
motrices et sensitives) et de la récupération dans
les suites d’une poussée. Un délai de six mois est
habituellement considéré comme pertinent. Les
modifications du score EDSS global seront donc
principalement en rapport avec les poussées et
les éventuelles séquelles qui leur sont secondaires
jusqu’au niveau d’EDSS 4 (limitation du périmètre
de marche). En revanche, l’aggravation du score
EDSS à partir du niveau EDSS 4 permettra plus
particulièrement de quantifier l’aggravation pro-
LE CONCOURS MéDICAL | 9
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Tableau 1. Échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale) - Échelle de cotation du handicap
0.0 Examen neurologique normal (tous les paramètres fonctionnels [PF] à 0 ; le niveau
du PF mental peut être coté à 1)
1.0 Pas de handicap, signes minimes d’un des PF (c’est-à-dire niveau 1 sauf PF mental)
1.5 Pas de handicap, signes minimes dans plus d’un des PF (plus d’un niveau 1
à l’exclusion du PF mental)
2.0 Handicap minime d’un des PF (un niveau 2, les autres niveaux 0 ou 1)
2.5 Handicap minime dans deux PF (deux niveaux 2, les autres niveaux 0 ou 1)
3.0 Handicap modéré d’un PF sans problème de déambulation (un PF à 3, les autres
à 0 ou 1 ; ou 3 ou 4 PF à 2, les autres à 0 ou 1)
3.5 Handicap modéré dans un PF sans problème de déambulation (1 PF à 3 et 1 ou
2 PF à 2 ; ou 2 PF à 3 ; ou 5 PF à 2)
4.0 Indépendant, debout 12 heures par jour en dépit d’un handicap relativement sévère
consistant en un PF à 4 (les autres à 0 ou 1), ou l’association de niveaux inférieurs dépassant
les limites des degrés précédents. Capable de marcher 500 m sans aide et sans repos
4.5 Déambulation sans aide, debout la plupart du temps durant la journée, capable de
travailler une journée entière, peut cependant avoir une limitation dans une activité
complète ou réclamer une assistance minimale ; handicap relativement sévère,
habituellement caractérisé par un PF à 4 (les autres à 0 ou 1) ou l’association de
niveaux inférieurs dépassant les limites des grades précédents. Capable de marcher
300 m sans aide et sans repos
5.0 Déambulation sans aide ou repos sur une distance d’environ 200 m ; handicap
suffisamment sévère pour altérer les activités de tous les jours (habituellement, un PF est à 5,
les autres à 0 ou 1 ; ou association de niveaux plus faibles dépassant ceux du grade
4.0)
5.5 Déambulation sans aide ou repos sur une distance d’environ 100 m ; handicap
suffisant pour exclure toute activité complète au cours de la journée
6.0 Aide unilatérale (canne, canne anglaise, béquille), constante ou intermittente,
nécessaire pour parcourir environ 100 m avec ou sans repos intermédiaire
6.5 Aide permanente et bilatérale (cannes, cannes anglaises, béquilles) nécessaire
pour marcher 20 m sans s’arrêter
7.0 Ne peut marcher plus de 5 m avec aide ; essentiellement confiné au fauteuil
roulant ; fait avancer lui-même son fauteuil et effectue le transfert ; est au fauteuil
roulant au moins 12 h par jour
7.5 Incapable de faire quelques pas ; strictement confiné au fauteuil roulant ; a parfois
besoin d’une aide pour le transfert ; peut faire avancer lui-même son fauteuil ;
ne peut y rester toute la journée ; peut avoir besoin d’un fauteuil électrique
8.0 Essentiellement confiné au lit ou au fauteuil, ou promené en fauteuil par une autre
personne ; peut rester hors du lit la majeure partie de la journée ; conserve la
plupart des fonctions élémentaires ; conserve en général l’usage effectif des bras
8.5 Confiné au lit la majeure partie de la journée, garde un usage partiel des bras ;
conserve quelques fonctions élémentaires
9.0 Patient grabataire ; peut communiquer et manger
9.5 Patient totalement impotent, ne peut plus manger ou avaler ni communiquer
10.0 Décès lié à la SEP
10 | LE CONCOURS MéDICAL Détail de la cotation des paramètres fonctionnels de l’échelle EDSS
• Fonction pyramidale
0. Normale
1. Perturbée sans handicap
2. Handicap minimal
3. Paraparésie ou hémiparésie faible/modérée ;
monoparésie sévère
4. Paraparésie ou hémiparésie marquée ;
quadriparésie modérée ; ou monoplégie
5. Paraplégie, hémiplégie ou quadriparésie
marquée
6. Quadriplégie
V. Inconnue
• Fonction cérébelleuse
0. Normale
1. Perturbée sans handicap
2. Ataxie débutante
3. Ataxie du tronc ou d’un membre modérée
4. Ataxie sévère touchant tous les membres
5. L’ataxie ne permet plus la réalisation de
mouvements coordonnés
V. Inconnue
• Fonction du tronc cérébral
0. Normale
1. Examen anormal, pas de gêne fonctionnelle
2. Nystagmus modéré ou autre handicap modéré
3. Nystagmus sévère, faiblesse extra-oculaire,
handicap modéré d’autres nerfs crâniens
4. Dysarthrie ou autre handicap marqué
5. Dans l’impossibilité d’avaler ou de parler
V. Inconnue
• Fonction sensitive
0. Normale
1. Perception des vibrations ou reconnaissance
de figures dessinées sur la peau seulement
diminuée
2. Légère diminution de la sensibilité au toucher,
à la douleur ou du sens de la position, et/
ou diminution modérée de la perception des
vibrations (ou de figures dessinées) dans 3 ou
4 membres
3. Diminution modérée de la sensibilité au
toucher, à la douleur ou du sens de la
position, et/ou perte de la perception
des vibrations dans 1 ou 2 membres ;
ou diminution légère de la sensibilité au
toucher ou à la douleur dans tous les tests
proprioceptifs dans 3 ou 4 membres
4. Diminution marquée de la sensibilité au
toucher ou à la douleur ou perte de la
perception proprioceptive, isolées ou associées,
dans 1 ou 2 membres ; ou diminution modérée
de la sensibilité au toucher ou à la douleur
et/ou diminution sévère de la perception
proprioceptive dans plus de 2 membres
5. Perte de la sensibilité dans 1 ou 2 membres ;
ou diminution modérée de la sensibilité au
toucher ou à la douleur et/ou perte de la
sensibilité proprioceptive sur la plus grande
partie du corps en dessous de la tête
6. Perte de la sensibilité en dessous de la tête
V. Inconnue
• Transit intestinal et fonction urinaire
0. Normal
1. Rétention urinaire légère ou rares mictions
impérieuses
2. Rétention urinaire modérée et mictions
impérieuses fréquentes ou incontinence
urinaire rare ; constipation ou épisodes
diarrhéiques
3. Incontinence urinaire fréquente
4. Nécessité d’une cathétérisation pratiquement
constante
5. Incontinence urinaire
6. Incontinence urinaire et fécale
V. Inconnue
• Fonction visuelle
0. Normale
1. Scotome et/ou acuité visuelle supérieure
à 0,7
2. Œil atteint avec scotome ; acuité visuelle
comprise entre 0,4 et 0,7
3. Œil atteint avec large scotome, ou diminution
modérée du champ visuel mais avec une
acuité visuelle maximale (avec correction) de
0,2 ou 0,3
4. Œil le plus atteint avec diminution marquée du
champ visuel et acuité visuelle maximale (avec
correction) de 0,1 à 0,2 ; ou niveau 3 et acuité
maximale de l’autre œil de 0,3 ou moins
5. Œil le plus atteint avec acuité visuelle
maximale (correction) inférieure à 0,1 ; ou
niveau 4 et acuité visuelle maximale de
l’autre œil de 0,3 ou moins
6. Niveau 5 plus acuité visuelle maximale du
meilleur œil de 0,3 ou moins
V. Inconnue
• Fonction cérébrale (ou mentale)
0. Normale
1. Altération isolée de l’humeur (n’interfère pas
avec le score EDSS)
2. Diminution légère de l’idéation
3. Diminution modérée de l’idéation
4. Diminution marquée de l’idéation (« chronic
brain syndrome » modéré)
5. Démence ou « chronic brain syndrome »
sévère
V. Inconnue
• Autres fonctions
0. Pas d’altération
1. Toute autre perturbation neurologique
attribuable à la SEP (à spécifier)
V. Inconnue
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
gressive de la maladie. En particulier, les scores
EDSS 6 (nécessité de recourir à une aide unilatérale à la marche) et EDSS 6,5 (aide permanente
et bilatérale à la marche) puis EDSS 7 (recours
au fauteuil roulant) représentent des niveaux de
handicap irréversible correspondant à des étapes
charnières dans la progression de la maladie.
Les limites de l’échelle EDSS reposent surtout
sur la prise en compte insuffisante de certains
symptômes qui participent de façon importante
à la constitution du handicap dans cette affection. En particulier les troubles cognitifs, qui sont
fréquemment et précocement rencontrés dans la
maladie (prévalence de 40 à 60 % selon les études), nécessitent d’être évalués. Le retentissement
de ces perturbations sur les conditions de vie du
patient, notamment socio-professionnelles, et
leur impact en termes de handicap doivent être
appréhendés(5).
Un certain nombre de batteries standardisées
(Brief Repeatable Battery for Neuropsychological
Tests, BCcogSEP) permettent d’évaluer les perturbations neuropsychologiques le plus fréquemment
rencontrées et qui prédominent sur la mémoire de
travail, les capacités attentionnelles, les fonctions
exécutives, le raisonnement abstrait, la perception visuo-spatiale et la vitesse de traitement de
l’information(6, 7). Elles nécessitent toutefois d’être
effectuées par des psychologues et sont assujetties à des temps de passation importants. Pour
pallier les limites de l’EDSS concernant notamment la prise en compte des troubles cognitifs,
une échelle composite d’évaluation du handicap
a été proposée (Multiple Sclerosis Functional
Composite [MSFC])[8-10]. Cette échelle comporte
la mesure du temps de marche sur une distance
de 8 m, la mesure du temps pour effectuer un test
de dextérité manuelle, et un test cognitif centré
sur la mémoire de travail et l’attention.
De la même façon, les troubles sphinctériens, en
particulier urinaires (voir article p. X), sont fréquents (prévalence de 40 à 90 % selon les études)
et précoces dans cette affection(11). Ils participent
à altérer le confort et la qualité de vie des patients
et ils peuvent entraîner des complications infectieuses, elles-mêmes responsables de poussées ou
d’aggravation de la maladie. Ils sont responsables
d’un véritable « handicap social ». Le recours à
des questionnaires détaillés, à un calendrier mictionnel et à la mesure du résidu post-mictionnel
permet une première évaluation des troubles
tome 137 | n° 3 | mars 2015 1
2
3
(pollakiurie, dysurie, incontinence, rétention). Un
bilan échographique vésical et rénal ainsi que la
réalisation d’un bilan urodynamique sont souvent
indispensables afin d’appréhender plus précisément les perturbations et de proposer une prise
en charge adaptée de ces troubles.
Par ailleurs, il est indispensable de tenir compte
des troubles dépressifs, anxieux et émotionnels qui
s’avèrent très fréquents (prévalence supérieure à
50 %) quel que soit le stade évolutif de la maladie
mais particulièrement à la phase précoce et dans
L’EDSS doit être associée à d’autres
échelles
la phase progressive(12, 13). L’impact de ces troubles sur la vie quotidienne des patients et de leur
famille justifie leur recherche systématique afin
d’assurer une prise en charge adaptée.
Enfin, l’échelle EDSS ne tient pas compte de la
fatigue fréquemment rencontrée dans cette affection
(prévalence de 50 à 90 % selon les études), facteur
de handicap souvent mis en avant par les patients
atteints de SEP. La quantification du degré de fatigue et son retentissement sur les performances
fonctionnelles des patients, tant physiques que
cognitives, doit être intégrée à l’évaluation globale
du niveau de handicap. Celle-ci est réalisée par
l’intermédiaire d’échelles adaptées à la pathologie
(Modified Fatigue Impact Scale [MFIS])[14, 15].
L’ensemble de ces troubles est responsable d’un
retentissement majeur sur la qualité de vie des
patients atteints de SEP. Celle-ci peut être appréhendée par des échelles de qualité de vie (SEP-59,
MSQOL-54, MusiQol) qui peuvent apporter des
renseignements pertinents sur les conséquences
socio-professionnelles de la maladie(16-19).
L’évaluation du handicap doit donc reposer sur
une démarche pluridisciplinaire associant neurologue, médecin de médecine physique et de réadaptation, urologue, psychiatre et psychologue. Il faut
par ailleurs tenir compte de facteurs influençant
le niveau de handicap, soit transitoires, telles que
les fluctuations motrices ou sensitives, soit permanentes, telles que les séquelles liées aux poussées
et l’évolution progressive de la maladie.
LE CONCOURS MéDICAL | 11
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Tableau 2. Facteurs pronostiques
Facteurs de bon pronostic
Facteurs de mauvais pronostic
➽ âge de début précoce
➽ 1re poussée monosymptomatique
➽ Neuropathie optique inaugurale
➽ Récupération complète de l’épisode
inaugural
➽ Long intervalle entre les 2 premières
poussées
➽ âge de début tardif
➽ 1re poussée polysymptomatique
➽ A tteinte inaugurale du tronc cérébral et du cervelet
➽ Séquelles après l’épisode inaugural
➽ Court intervalle entre les 2 premières poussées
➽ F réquence élevée des poussées dans les 2 premières années
➽ S ynthèse intrathécale en IgM à la ponction lombaire
➽ A ctivité inflammatoire importante à l’IRM initiale
(T1 gadolinium)
➽ C harge lésionnelle T1 et T2 importante sur l’IRM initiale
➽ Atrophie cérébrale sur l’IRM initiale
➽ A ugmentation de la charge lésionnelle en T1, T2
et de l’atrophie cérébrale lors des 5 premières années
Facteurs du pronostic global et facteurs
pronostiques de l’évolution à long terme
L’étude de grandes cohortes de patients atteints
de SEP suivis de façon longitudinale a permis
d’apporter des informations précises concernant
le pronostic global à moyen et long termes et les
facteurs qui peuvent l’influencer(20-23).
L’évolution individuelle reste difficile
à prédire
Tout d’abord, l’espérance de vie des patients
atteints de SEP ne semble pas être influencée
de façon importante par la maladie. Toutefois,
l’espérance de vie des patients reste globalement
inférieure à celle de la population générale, et
semble être grandement influencée par le niveau
de handicap. Les patients lourdement handicapés
(EDDS > 8) présentent en effet un taux de mortalité 10 fois supérieur à la population générale.
D’autres facteurs pourraient avoir un effet délétère sur la survie : sexe masculin, forme de début
progressive primaire, première poussée polysymptomatique et fréquence élevée des poussées lors
des deux premières années d’évolution.
L’évaluation du handicap repose dans la très
grande majorité de ces études observationnelles
sur l’EDSS. Les principaux repères qui peuvent
être utilisés correspondent aux niveaux de handicap liés aux troubles de la marche(24). Ainsi, le délai
12 | LE CONCOURS MéDICAL moyen d’atteinte dans la forme RR de l’EDSS 4
(limitation du périmètre de marche) est de huit
ans, de l’EDSS 6 (aide à la marche avec une aide
unilatérale) de vingt ans et de l’EDSS 7 (recours
au fauteuil roulant) de trente ans. Le délai de
survenue de l’EDSS 6 est de sept ans dans les
formes PP. Ces délais moyens pourraient toutefois
être modifiés dans les années à venir, en rapport
avec l’utilisation précoce des traitements de fond
qui sont prescrits depuis maintenant vingt ans
dans la forme RR et qui ont vraisemblablement
un impact en termes de retard de l’apparition et
de l’aggravation du handicap. Il faut par ailleurs
encore une fois tenir compte du fait que l’échelle
EDSS évalue essentiellement la marche. Le pronostic de la maladie ne se limite pas aux troubles de la marche mais doit considérer d’autres
paramètres : troubles cognitifs, troubles visuels et
atteinte des membres supérieurs, ou bien encore
troubles génito-sphinctériens, responsables de
conséquences importantes sur les activités professionnelles et la qualité de vie des patients. De
plus, et du fait de la variabilité intra-individuelle
du niveau de handicap, il est indispensable que
le niveau du score EDSS soit confirmé sur une
période de suivi de six mois (en particulier après
une poussée) afin que celui-ci puisse traduire de
façon précise le degré de handicap irréversible.
Des facteurs pronostiques de l’évolution de la
maladie en termes de valeur prédictive du handicap à long terme ont été décrits de façon reproductible et fiable à l’échelle du groupe mais restent difficiles à appliquer à l’individu(25). L’âge de
début de la maladie, les symptômes inauguraux, la
charge lésionnelle sur l’IRM initiale, la fréquence
des poussées et l’augmentation de la charge
lésionnelle dans les premières années d’évolution sont des éléments pertinents à prendre en
compte dans l’évaluation des facteurs prédictifs
du handicap (tableau 2). Toutefois, et malgré la
valeur prédictive de ces facteurs identifiés dans
de grandes cohortes, aucun de ces marqueurs ne
peut prédire de façon certaine l’évolution de la
maladie à l’échelle individuelle.
L’évaluation multidisciplinaire : prérequis
pour un programme personnalisé de soins
La SEP reste une affection caractérisée par
une grande hétérogénéité, tant concernant son
mode d’expression clinique que son évolution.
La mise en place d’un programme personnalisé
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
de soins adapté à chaque patient nécessite de
prendre en compte des éléments spécifiques à
un patient donné mais surtout de mettre en place
une évaluation multidisciplinaire permettant d’approcher les différents facteurs responsables de
l’apparition et de l’aggravation du handicap dont
étape
2
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BCcogSEP : une batterie courte d’évaluation
des fonctions cognitives destinées aux patients
la prévention doit rester l’objectif prioritaire de la
prise en charge au niveau individuel. •
L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (essais cliniques,
travaux scientifiques et conférence) pour Novartis Pharma, Biogen Idec, Teva, Merck Serono, Sanofi,
Genzyme, et avoir été pris en charge (transport, hôtel, repas) à l’occasion de déplacement pour
congrès par Novartis Pharma, Biogen Idec, Teva, Merck Serono, Sanofi, Genzyme.
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Choix des traitements spécifiques :
décision complexe, souvent collégiale
Pr Bruno Stankoff ([email protected]), AP-HP, hôpital Saint-Antoine, Paris
Le paysage thérapeutique de la sclérose en plaques (SEP) a considérablement évolué ces vingt dernières années,
pour actuellement représenter l’un des champs les plus actifs de la neurologie clinique. La totalité des traitements
spécifiques non symptomatiques cible la composante inflammatoire de la maladie. Nous disposons actuellement
de multiples molécules dont l’intensité d’action varie en puissance, mais dont certaines conduisent à des effets
secondaires parfois graves. La décision thérapeutique doit prendre en compte la sévérité de la forme clinique à
traiter, l’efficacité démontrée de la thérapeutique, le libellé de l’AMM et le risque potentiel pour le sujet.
L
es choix thérapeutiques complexes justifient
souvent le recours à des avis d’experts en réunion collégiale. Des discussions sont encore
vives concernant le choix d’une stratégie thérapeutique d’induction, où un traitement initial puissant
permettrait d’obtenir une rémission durable, et une
stratégie d’escalade, où l’intensité de la thérapeutique
tome 137 | n° 3 | mars 2015 est adaptée à l’évolution clinique sous un premier
traitement. Mais les recommandations actuelles favorisent encore la prudence face au risque
iatrogène, et après avoir abordé le traitement des
poussées, nous adopterons ici une dichotomie non
exclusive séparant les traitements de première ligne
de ceux de « recours en seconde ligne ou plus ».
LE CONCOURS MéDICAL | 13
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Le syndrome grippal
est l’effet secondaire
le plus fréquent
des interférons bêta.
Le traitement des poussées cliniques
Il repose sur l’administration de hautes doses de
méthylprednisolone, classiquement réalisée par voie
intraveineuse, à raison de 1 g/j, le plus souvent sur 3
jours consécutifs. Mais les doses peuvent exceptionnellement aller jusqu’à 5 ou 10 g au total en fonction de la sévérité de la poussée. Les perfusions de
méthylprednisolone sont en général effectuées dans
un cadre hospitalier, mais, lorsque cela est possible
localement, l’existence d’un réseau de soins (voir
articke p. X) permet de les réaliser à domicile.
Parfois, une corticothérapie orale rapidement
dégressive sur 15 jours est prescrite dans les suites
des perfusions. Dans un avenir proche, l’administration par voie orale d’une dose identique (1 g/j)
de méthylprednisolone pourrait remplacer le traitement actuel, des études récentes ayant démontré
une non-infériorité de cette modalité sans risque
supplémentaire.
En cas de poussée sévère faisant suspecter un
risque de séquelles, le traitement peut être complété par la réalisation d’échanges plasmatiques (de
5 à 7 au total) en unité de soins intensifs.
Les traitements dits de « première ligne »
Les interférons bêta
Plusieurs molécules sont disponibles (Avonex,
Rebif, Betaferon, Extavia), toutes par voie injectable, les autres voies d’administration n’ayant pas été
démontrées actives. Leur efficacité est globalement
similaire, la voie IM étant associée à une action plus
lente. Les différences résident principalement dans
le mode et le rythme d’administration.
Les interférons bêta réduisent la fréquence des
poussées d’environ 30 % dans les formes rémittentes certaines. Ils sont également indiqués après un
syndrome cliniquement isolé, correspondant à la
14 | LE CONCOURS MéDICAL première poussée de la maladie si les critères diagnostiques actualisés sont validés. Les interférons
injectés par voie sous-cutanée sont aussi indiqués
dans les formes secondairement progressives avec
poussées surajoutées.
L’effet secondaire principal est le syndrome
pseudogrippal, qui nécessite le plus souvent une
prémédication par traitement antalgique et antipyrétique. Surviennent aussi des complications locales
cutanées, le plus souvent bénignes mais possiblement dysesthétiques et exceptionnellement graves,
avec des nécroses cutanées. Des modifications de
l’humeur ont été décrites (bien qu’il ne s’agisse pas
en général de syndromes dépressifs caractérisés)
ainsi qu’un risque rare de majoration des épilepsies
non équilibrées. Exceptionnellement, des cas de
microangiopathie thrombotique grave avec risque
d’hypertension sévère et d’insuffisance rénale ont
été rapportés. Un suivi biologique (NFS et dosage
des enzymes hépatiques) est recommandé.
L’acétate de glatiramère (Copaxone)
Ce médicament est administré par voie sous-cutanée (20 mg par injection) quotidiennement dans les
formes rémittentes de SEP. Son efficacité est identique à celle des interférons, et il possède les mêmes
indications dans les syndromes cliniquement isolés
et les formes rémittentes. Ce traitement, comme les
interférons, n’a pas fait la preuve indiscutable de son
efficacité sur la progression du handicap.
Les effets secondaires sont de plusieurs types :
1) une réaction au site d’injection, fréquente
(érythème, douleur, prurit, induration sous-cutanée, lipodystrophie) ; 2) une rare réaction immédiate systémique après certaines injections (réaction transitoire associant vasodilatation, dyspnée,
oppression thoracique, palpitations ou tachycardie) ; cette réaction systémique ne se reproduit
en général pas lors des injections suivantes, et ne
conduit en règle pas à l’arrêt du traitement. Des
réactions allergiques sont possibles mais rares.
Le tériflunomide (Aubagio)
Disponible en France depuis peu (médicament
d’exception), ce médicament a obtenu l’AMM dans
les formes rémittentes de SEP. Il inhibe de façon
réversible une enzyme clé impliquée dans la synthèse des bases pyrimidiques utiles à la réplication
de l’ADN lymphocytaire, et réduit ainsi l’activation
et la prolifération des lymphocytes T et B. À la
dose de 14 mg/j (une prise), il diminue le risque
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
annualisé de poussées d’environ 30 % et réduit l’accumulation de handicap par rapport au placebo.
Les principaux effets secondaires sont des infections en règle peu sévères, une cytolyse hépatique,
une alopécie modérée, une légère élévation de la pression artérielle. Des effets tératogènes ont été décrits
chez l’animal, et la demi-vie très prolongée (possible
persistance dans l’organisme plus d’un an) justifie
la pratique d’une procédure d’élimination à base de
cholestyramine ou de charbon en cas de grossesse,
d’effet indésirable, ou de nécessité d’arrêt rapide. Une
contraception efficace est indispensable.
L’acide diméthylfumarique (BG-12, Tecfidera)
Ce médicament active la voie Nrf2, favorisant
une réduction de la production des radicaux libres.
Il réduirait le taux des cytokines pro-inflammatoires (TNF-alpha, IL-1 bêta et IL-6), favoriserait la
différenciation TH2 et réduirait l’activation de la
microglie. En phase 3, il diminue le taux annualisé de
poussées de 45 à 53 % et a permis de réduire le handicap dans un essai sur deux. Il a obtenu récemment
une AMM dans les formes rémittentes de SEP.
Les principaux effets secondaires sont des épisodes de bouffées congestives après les prises, des
troubles digestifs parfois pénibles avec douleurs,
nausée, diarrhée, des épisodes infectieux. Des cas
de lymphopénies parfois sévères et prolongées ont
été rapportés, et un cas de leucoencéphalopathie
multifocale progressive (LEMP) est récemment
survenu chez un patient lymphopénique, justifiant
1
2
3
une surveillance de la numération. Actuellement, ce
traitement est disponible en rétrocession hospitalière
impliquant de justifier de l’absence d’alternative à
son utilisation.
Les traitements dits de « seconde ligne »
Plusieurs traitements ont démontré une efficacité supérieure aux traitements de première ligne
dans la prévention des poussées. Cependant,
certains risques et effets secondaires parfois graves
restreignent leur indication aux formes très actives
de SEP, et justifient une surveillance étroite.
La mitoxantrone (Elsep) est le premier traitement
à avoir été approuvé en deuxième intention. Il s’agit
d’une molécule antinéoplasique de la famille des
anthracyclines qui inhibe la topoisomérase de type II,
utilisée comme agent immunosuppresseur. Plusieurs
études ont montré qu’elle réduisait le nombre de
poussées, l’apparition de nouvelles lésions rehaussées par le gadolinium et la progression du handicap.
L’efficacité de la mitoxantrone se maintient plusieurs
mois après l’arrêt du traitement.
Les effets secondaires (leucémie et insuffisance
cardiaque), bien que rares, peuvent survenir également après l’arrêt du traitement et doivent être
dépistés de façon systématique pendant cinq ans.
Le natalizumab (Tysabri) est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’intégrine alpha 4
(VLA4), exprimée à la surface des lymphocytes
activés et des monocytes. Cette molécule bloque l’interaction VLA4/VCAM, empêchant ainsi le passage
Tableau 1. Traitements de « première ligne »
Traitement
Interférons bêta (Rebif,
Extavia, Betaferon [SC],
Avonex [IM])
Mécanisme d’action
Indication
Efficacité en phase III
Principales
contre-indications
Risques sérieux à considérer
Immuno-modulation :
réduction de l’activation
lymphocytaire Th1 et du
passage de la barrière
hémato-encéphalique
SEP d’évolution rémittente ;
Dès la première poussée ;
Formes secondairement
progressives avec poussées
surajoutées
Réduction d’environ
30 % de la fréquence des
poussées
Dépression sévère au
moment de l’initiation
Hypersensibilité
Acétate de glatiramère
(Copaxone [SC])
Immuno-modulation : switch
lymphocytaire Th1-Th2
SEP d’évolution rémittente,
Dès la première poussée
Réduction d’environ
30 % de la fréquence des
poussées
Hypersensibilité
Tériflunomide
(Aubagio, 14 mg)
[voie orale]
Immuno-modulation :
Réduit la prolifération des
lymphocytes activés
SEP rémittente
Dès le diagnostic
Réduction d’environ
30 % de la fréquence des
poussées
Grossesse, allaitement,
immunodépression
Cytolyse hépatique
Effet tératogène chez l’animal
Diméthylfumarate, BG-12
(Tecfidera)
[voie orale]
Active la voie du stress
oxydatif nrf2 : effet
immunomodulateur en voie
de démembrement
SEP rémittente
Dès le diagnostic
Réduction d’environ
40-50 % de la fréquence
des poussées
Hypersensibilité
LEMP (exceptionnel) si
lymphopénie chronique
sévère
Inf-B1a (IM et SC)
Exceptionnelles
microangiopathies
thrombotiques
Inf-B1b (SC)
tome 137 | n° 3 | mars 2015 LE CONCOURS MéDICAL | 15
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Tableau 2. Traitements de « seconde ligne »
Traitement
Mécanisme d’action
Indication
Efficacité en phase III
Principales
contre-indications
Risques sérieux à considérer
Natalizumab
(Tysabri)
Anticorps monoclonal anti
a4-integrine;
Bloque le passage de
la barrière hématoencéphalique
Immunosuppresseur ciblé
SEP rémittente active
malgré un traitement
immunomodulateur bien
conduit
En première ligne de SEP
rémittente sévère
> 60 % de réduction de la
fréquence des poussées
Immuno-dépression
hypersensibilité
LEMP : stratification du
risque nécessaire
Hypersensibilité
Fingolimod
(Gilenya)
Agoniste inverse des
récepteurs S1P ;
Séquestre les lymphocytes
(sauf T effecteur mémoire
dans les organes lymphoïdes
secondaires
Immunosuppresseur ciblé
SEP rémittente active
malgré un traitement
immunomodulateur bien
conduit
En première ligne de SEP
rémittente sévère
Environ 50 % de réduction
de la fréquence des
poussées
Immunodépression
Hypersensibilité
Hépathopathie sévère
Bradycardie avec BAV à
l’introduction
Œdème maculaire
Cytolyse
Mitoxantrone
(Elsep)
Immunosuppresseur dérivé
des anthracyclines
SEP agressive avec
séquelles, rémittente ou
secondairement progressive
Jusqu’à 80 % de réduction
de la fréquence des
poussées
Cardiopathies
immunodépression
hémopathies
Atteinte myocardique,
Infections, Leucémie différée
Alemtuzumab
(Lemtrada)
Anticorps monoclonal
anti-CD52
immunosuppresseur
SEP rémittente active
> 50 % de réduction de la
fréquence des poussées
(comparateur actif)
Immunodépression
Thyroïdites (> 20 %)
Purpura thrombopénique
Néphropathies auto-immune
L’auteur déclare participer ou avoir participé
à des essais cliniques pour Biogen, Genzyme,
Sanofi, Teva, Novartis ; à des activités de conseil
et des conférences pour Novartis, Teva, Genzyme,
Sanofi, Biogen, Merck ; il déclare un soutien à la
recherche par Genzyme, Merck ; et avoir été pris
en charge (transport, hôtel, repas) à l’occasion
de déplacement pour congrès par Teva, Novartis,
Biogen, Genzyme.
1. O’Connor PW, Oh J. Diseasemodifying agents in multiple
sclerosis. Handb Clin Neurol.
2014;122:465-501. doi: 10.1016/
B978-0-444-52001-2.00021-2.
2. Cross AH, Naismith RT
Established and novel diseasemodifying treatments in multiple
sclerosis. J Intern Med. 2014
Apr;275(4):350-63.
16 | LE CONCOURS MéDICAL des cellules immunocompétentes à travers la barrière
hémato-encéphalique. L’administration intraveineuse
de natalizumab diminue la fréquence annualisée des
poussées d’environ 60 %. Les résultats des essais
thérapeutiques ont objectivé, par rapport au placebo,
une diminution d’environ 40 % du risque d’aggravation du handicap neurologique à deux ans.
Cependant, des cas de LEMP ont été rapportés.
Le risque global est d’environ 3/1 000 et se majore
en fonction des facteurs de risque identifiés, de 0,1/1
000 en l’absence de facteur à plus de 1/100 en cas de
traitement prolongé plus de 2 ans, d’immunosuppression antérieure et de sérologie JC positive. L’AMM
permet l’utilisation du natalizumab en deuxième ligne
pour les formes très actives de la maladie malgré un
traitement par interféron bêta, et en première ligne
pour les formes sévères et d’évolution rapide.
Le fingolimod (Gilenya), avec une AMM identique à celle du natalizumab, constitue actuellement
une alternative thérapeutique de seconde ligne.
Cet immunosuppresseur sélectif est un ligand des
récepteurs sphingosine-1-phosphate et permet une
séquestration des lymphocytes dans les organes lymphoïdes, à l’origine d’une lymphopénie périphérique
et d’une diminution du nombre de lymphocytes pénétrant dans le système nerveux central. Ce traitement
oral (1 comprimé de 0,5 mg/j) diminue la fréquence
annualisée des poussées d’environ 55 %, et réduit
l’accumulation de handicap associé aux poussées.
Les principaux effets secondaires – survenue
d’une bradycardie ou plus rarement d’un bloc
auriculo-ventriculaire lors de l’instauration du
traitement – nécessitent un monitoring cardiaque
en milieu hospitalier lors de la première prise du
médicament. La survenue potentielle de complications infectieuses, notamment la réactivation de
virus du groupe Herpes, justifie un suivi régulier.
Le fingolimod peut également être responsable de
la survenue d’un œdème maculaire en général au
premier trimestre, d’une cytolyse hépatique ou
d’une HTA.
L’alemtuzumab (Lemtrada) est un anticorps
monoclonal humanisé anti-CD52, induisant une
déplétion très profonde et prolongée des lymphocytes B et T. Dans les formes rémittentes, il
diminue la fréquence des poussées de 55 % par
rapport à un comparateur actif, l’interféron bêta.
Chez les patients rémittents en échec d’un immunomodulateur, il a aussi démontré une réduction
de la progression du handicap comparativement
à Rebif. Il a obtenu une AMM européenne dans
les formes actives de SEP rémittentes, mais son
utilisation actuelle est restreinte à la réalisation
de protocoles de phase IV ou à des demandes
d’importation.
Des effets secondaires parfois graves (purpura
thombopénique, thyroïdites fréquentes, syndrome
de Goodpasture) ont été signalés. •
tome 137 | n° 3 | mars 2015
étape
2
Sclérose en plaques
1
2
3
Prendre en charge les symptômes
dès le début de la maladie
Dr Hélène Zéphir ([email protected]), université de Lille, clinique neurologique, hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille
La prise en charge symptomatique est primordiale dès le début de la sclérose en plaques (SEP). Si le
traitement de fond a pour but de limiter l’accumulation des lésions et donc de limiter le handicap, les
séquelles acquises dès les premières manifestations de la maladie doivent être entendues, recherchées et
dans la mesure du possible expliquées, soulagées et accompagnées. Il faut souligner qu’avant de considérer
l’aggravation d’un symptôme préexistant comme une possible poussée de la maladie, il convient de
rechercher toute « épine irritative » à cette aggravation (constipation, infection virale ou bactérienne,
et notamment infection urinaire, escarre, déshydratation, hyperthermie, etc.).
L
e recours à une équipe pluridisciplinaire formée à la prise en charge de la SEP et à son
handicap permettra une meilleure organisation
des soins : kinésithérapeute, médecin rééducateur
fonctionnel, urologue, psychologue, neuropsychologue, orthophoniste. Nous n’aborderons pas ici les
troubles neuro-urologiques ni les troubles cognitifs
traités ailleurs dans ce dossier (voir pp. XX).
Spasticité : kinésithérapie,
antispasmodiques, voire chirurgie
Par définition, la spasticité s’exprime sur les
muscles antigravidiques (extenseurs aux membres inférieurs et fléchisseurs aux membres
supérieurs) et s’exacerbe avec la répétition du
mouvement. Elle est responsable de raideur, de
spasmes et de douleurs. La kinésithérapie est la
clé de la prise en charge via un travail d’étirement
nécessairement régulier qui peut être quotidien
pour les patients les plus invalidés.
Les antispastiques oraux (dantrolène,
baclofène) doivent être instaurés progressivement
pour mieux définir la dose efficace antispastique
en évitant l’hypotonie et le risque de chute. Le
traitement permet surtout de réduire les spasmes. L’association des antispastiques n´a jamais
démontré sa supériorité par rapport à l’utilisation
d’une seule molécule. La pompe à baclofène posée
en intrathécal est discutée lorsque la spasticité
difficilement réductible est douloureuse, qu’elle
empêche les soins et entrave le confort du patient.
Les benzodiazépines peuvent être proposées en
raison de leur propriété myorelaxante, mais certaines sont sédatives.
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Les injections intramusculaires de toxine botulinique n’ont d’intérêt que lorsque la spasticité est focalisée
par exemple sur un muscle adducteur ou un triceps
sural, l’indication est posée par un médecin de rééducation fonctionnelle, en général en add-on therapy. Il
peut exister un échappement thérapeutique.
Les dérivés du cannabis (Sativex) en spray oral
seront proposés à une minorité de patients (les
plus invalidés) et en add-on therapy, avec une
période initiale de titration (encadré 1).
Dans les cas extrêmes de spasticité irréductible
avec parfois rétraction tendineuse, il peut être proposé une intervention chirurgicale pour ténotomie.
Troubles de la marche : rééducation,
fampridine
Plus que la marche, le déplacement doit être considéré dans sa globalité. La marche intègre à la fois des
1. Dérivés du cannabis et SEP
Sativex a pour composants le delta-9-tétrahydro-cannabidiol (THC) et le cannabidiol
(CBD). Les outils de mesure objective de la spasticité, tels que l’échelle d’Ashworth
utilisée par la première étude randomisée contrôlée vs placebo et en double aveugle
testant Sativex dans la SEP, n’ont pas permis de montrer un effet bénéfique à court terme
mais seulement significatif à partir de 27 semaines de traitement(1). Les résultats positifs
des études de phase III sur la spasticité sont modestes et portent essentiellement sur
l’auto-appréciation subjective du patient(2,3). Rappelons que l’étude évaluant Sativex dans
la prise en charge de la douleur est négative(4), et que son intérêt dans la prise en charge
de l’incontinence urinaire dans la SEP reste incertaine(5). Déjà disponible dans certains
pays d’Europe, ce médicament est attendu en France pour 2015, mais ne sera proposé
vraisemblablement qu’en add-on therapy à d’autres antispastiques. Une période d’essai
et d’évaluation sur quatre semaines avec titration sera nécessaire avant de poursuivre
ou non le traitement. Les effets indésirables portent essentiellement sur l’effet sédatif,
les fonctions cognitives et les difficultés de concentration.
LE CONCOURS MéDICAL | 17
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
La marche est un des
paramètres majeurs de
l’évaluation de la SEP
dimensions de motricité pure mais aussi d’équilibre
et de capacités sensitives, notamment proprioceptives. La marche est l’un des paramètres majeurs
d’évaluation physique dans la maladie. Son altération
passe par la réduction du périmètre de marche et/
ou la nécessité d’une aide au déplacement (canne,
béquilles, aide humaine, déambulateur). Il est souvent
difficile psychologiquement pour le patient d’accéder
à l’ensemble des outillages qui peut lui permettre un
meilleur déplacement et donc une meilleure autonomie sans y voir forcément une progression dans la
maladie. La problématique du déplacement peut être
facilitée grâce à l’approche fonctionnelle des équipes
de rééducation.
La fampridine (4-aminopyridine) agit sur les
canaux potassiques voltage-dépendants (potassium-bloqueurs), ce qui permet de prolonger le
potentiel d’action moteur musculaire. Il s’agit d’un
traitement symptomatique oral qui a démontré
son efficacité pour améliorer la marche dans deux
études de phase III(6,7) [encadré 2].
Constipation : petits moyens, parfois
moyens extrêmes
Il s’agit d’un symptôme fréquent qui peut être
aggravé par l’immobilité des patients les plus invalidés.
2. Fampridine et troubles de la marche dans la SEP
Les études rapportent chez les répondeurs (40 % des patients quelle que soit la forme
avec un score EDSS entre 4 et 7), une amélioration de la vitesse de marche de 25 à 30 %
(test des 25 pieds, soit environ 8 m). Cependant, ce traitement symptomatique n’empêche
en aucun cas l’évolution de la maladie et donc du handicap. Il doit être prescrit par un
neurologue, et une évaluation de son efficacité sur la vitesse de marche est nécessaire
pour le poursuivre au-delà de 15 jours.
La fampridine est contre-indiquée dans les troubles du rythme cardiaque, en cas d’insuffisance rénale et en cas de comitialité. Par ailleurs, quelques interactions médicamenteuses sont possibles, notamment avec la cimétidine, l’amantadine et les bêtabloquants.
18 | LE CONCOURS MéDICAL Le fécalome est une éventualité classique dans la
prise en charge de la maladie. Les conseils pour
une alimentation fibreuse et une hydratation suffisante sont primordiaux mais pas toujours faciles
à mettre en œuvre chez des patients qui craignent
de voir favoriser leurs troubles urinaires.
Les laxatifs osmotiques sont de prise orale régulière aisée. Lorsque la constipation est opiniâtre, il
peut être proposé un système de lavement colique
à l’eau tiède (Peristeen ; prescription par un gastroentérologue ou par un médecin de rééducation
fonctionnelle). Dans les cas extrêmes, un mitrofanoff peut être proposé (pour des lavements coliques hauts réguliers), ou parfois une colostomie
définitive.
La rétention fécale peut s’accompagner d’impériosités anales et de fuites fécales. Outre des
laxatifs osmotiques, il peut être conseillé d’utiliser des suppositoires d’Eductyl ou des lavements
intrarectaux pour favoriser la vidange rectale et
prévenir les fuites. Si les fuites fécales sont rebelles et liquidiennes, il est possible de proposer de la
cholestyramine (Questran) pour mouler les selles.
Il faut se méfier des diarrhées appelées « fausses
diarrhées de constipation », dues à la liquéfaction
du bout distal du fécalome et qui doivent amener
à mieux gérer la constipation et non à donner des
antidiarrhéiques.
Fatigue : aucun médicament n’a fait
la preuve de son efficacité
Il s’agit d’une des principales plaintes des
patients (90 % d’entre eux) dès le début de la
maladie, mais les mécanismes ne sont pas vraiment éclaircis. L’évaluation n’est pas aisée, et
il faut prendre en compte et gérer les facteurs
confondants que sont la dépression, l’anxiété et
les facteurs iatrogènes ainsi que l’ensemble des
« épines irritatives » qui peuvent l’aggraver. La
fatigue physique peut être associée à un déconditionnement, et la prise en charge kinésithérapique
peut être bénéfique, associée à un reconditionnement à l’effort pour les patients les plus valides.
De nombreuses molécules ont été testées
(amantadine, aspirine, 3,4-aminopyridine, modafinil), mais aucune n’est validée efficace (8-11).
Certains patients peuvent être particulièrement
sensibles à l’hyperthermie (infection, chaleur,
déshydratation : c’est le phénomène d’Uhthoff).
La gestion de la cause du phénomène permet
l’amélioration clinique du patient.
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
Troubles sensitifs : instauration progressive
de divers traitements antalgiques
Ils sont particulièrement fréquents (50 à 70 %
des patients selon les séries) et peuvent se présenter sous la forme de troubles proprioceptifs
(sensation d’étau, d’eau qui coule…) ou de troubles plus rarement nociceptifs (brûlures, piqûres).
Là encore, leur exacerbation doit faire rechercher
et gérer « l’épine irritative ».
La prise en charge de ces sensations (paresthésies,
dysesthésies) n’est pas différente de celle des douleurs dites neuropathiques. Il est classique d’utiliser
les molécules antiépileptiques comme la gabapentine,
la prégabaline. Certains antidépresseurs (amitriptyline, duloxétine) sont également proposés dans les
douleurs chroniques. Les phénomènes douloureux
paroxystiques peuvent justifier de benzodiazépines.
L’instauration de ces différents antalgiques doit être
progressive, et les patients doivent être prévenus des
effets indésirables notamment sédatifs.
Les névralgies du trijumeau sont traitées de la
même façon que la névralgie essentielle du trijumeau, le traitement de fond de première intention
étant la carbamazépine. Lorsque la prise en charge
médicamenteuse de cette névralgie n’est pas suffisante, une thermocoagulation neurochirurgicale
du noyau du V peut être proposée(12). Si le premier
épisode de névralgie du V peut être considéré
comme une poussée de la maladie, cette névralgie
évolue ensuite indépendamment, et la prise en
charge est donc centrée sur l’antalgie.
Dépression : soutien psychothérapeutique,
voire antidépresseurs
Plus fréquente que dans d’autres pathologies
neurologiques chroniques, la dépression est décrite
chez 50 à 70 % des patients, avec un taux de suicide
2,3 fois plus élevé que dans la population générale.
La dépression dans la SEP survient en général sur
un mode anxieux et retentit sur la qualité de vie,
les interactions sociales et professionnelles.
Si la dépression n’est pas décrite en relation avec
le handicap ou la charge lésionnelle, deux moments
difficiles sont décrits en rapport avec la maladie :
le diagnostic et la mise en route du traitement.
Ces deux moments n’en font souvent plus qu’un
en raison des moyens plus rapides de diagnostic
mais aussi de la nécessité d’un traitement précoce,
parfois dès le premier événement. Un soutien psychothérapique peut s’avérer nécessaire ainsi que
tome 137 | n° 3 | mars 2015 l’introduction d’antidépresseurs (habituellement,
des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine).
Enfin, les interférons bêta ne créent pas la
dépression et ils ne sont pas contre-indiqués chez
un patient aux antécédents de mélancolie ou de
tentatives de suicide, mais il est préconisé de les
introduire dans une situation « thymiquement »
favorable et stable.
Syndrome cérébelleux : kinésithérapie,
ergothérapie, neurostimulation parfois
Outre l’ataxie et l’hypotonie, la gêne présentée par le patient concerne la dysmétrie dans les
gestes avec parfois des tremblements volitionnels
empêchant toute préhension. Aucun médicament
n’a montré son efficacité pour gérer ces difficultés
physiques. La seule approche initiale est une prise
en charge kinésithérapique et rééducationnelle
ergothérapique pour améliorer le geste, contrer
l’hypotonie axiale et prévenir la chute.
Lorsque le tremblement volitionnel des membres
supérieurs est particulièrement invalidant, l’intérêt
d’une neurostimulation des noyaux thalamiques(13)
peut être discuté avec le neurochirurgien. Ce
geste, dont l’efficacité reste encore débattue, ne
sera décidé qu’en fonction de la charge lésionnelle
du patient, de l’hypotonie sous-jacente.
Troubles de la déglutition : rééducation
orthophonique puis stomie
Ils peuvent être d’origine bulbaire ou pseudobulbaire et sont en rapport direct avec le pronostic
vital de la maladie. Leur approche doit être abordée
suffisamment précocement pour prévenir le risque
de dénutrition, de pneumopathie d’inhalation et de
mort subite. Initialement, une rééducation orthophonique peut être proposée afin de préciser et renforcer les postures en situation de prise alimentaire ou
de boissons mais aussi de conseiller sur les textures
alimentaires. Lorsque la situation est associée aux
complications sus-citées, il faut aborder l’intérêt de
la jéjunostomie ou de la gastrostomie garantissant
aisément les apports journaliers caloriques et hydriques mais aussi médicamenteux. Le geste est réalisé
de façon chirurgicale et n’empêche pas la poursuite
d’une alimentation orale appelée « plaisir » dont le
patient et l’entourage doivent comprendre le caractère nécessairement restreint. •
L’auteure déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour l’entreprise Bayer,
Biogenidec, Novartis, Merck, Sanofi, Genzyme, Teva et avoir été prise en charge (transport, hôtel,
repas), à l’occasion de déplacement pour congrès, par ces mêmes entreprises.
1. Zajicek JP, Sanders HP, Wright
DE, et al. Cannabinoids in multiple
sclerosis (CAMS) study: safety and
efficacy data for 12 months follow
up. J Neurol Neurosurg Psychiatry
2005;76(12):1664-9.
2. Collin C, Davies P, Mutiboko
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MS Study Group. Randomized
controlled trial of cannabis-based
medicine in spasticity caused by
multiple sclerosis. Eur J Neurol
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3. Novotna A, Mares J, Ratcliffe S, et
al. Sativex Spasticity Study Group. A
randomized, double-blind, placebocontrolled, parallel-group, enricheddesign study of nabiximols*
(Sativex(®)), as add-on therapy, in
subjects with refractory spasticity
caused by multiple sclerosis. Eur J
Neurol 2011;18(9):1122-31.
4. Langford RM, Mares J, Novotna
A, et al. A double-blind, randomized,
placebo-controlled, parallel-group
study of THC/CBD oromucosal spray
in combination with the existing
treatment regimen, in the relief of
central neuropathic pain in patients
with multiple sclerosis. J Neurol
2013;260(4):984-97.
5. Freeman RM, Adekanmi O,
Waterfield MR, et al. The effect of
cannabis on urge incontinence in
patients with multiple sclerosis: a
multicentre, randomised placebocontrolled trial (CAMS-LUTS). Int
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6. Goodman AD, Brown TR, Krupp
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oral fampridine in multiple
sclerosis: a randomised, doubleblind, controlled trial. Lancet
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7. Goodman AD, Brown TR, Edwards
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release oral dalfampridine in
multiple sclerosis. Ann Neurol
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8. Rosenberg GA, Appenzeller
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multiple sclerosis. Arch Neurol
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9. Sheean GL, Murray NM, Rothwell
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and electrophysiological study of 3,4
diaminopyridine in the treatment of
fatigue in multiple sclerosis. Brain
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10. Weinshenker BG, Penman
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randomized, crossover trial of
pemoline in fatigue associated with
multiple sclerosis.
Neurology 1992;42(8):1468-71.
11. Stankoff B, Waubant E,
Confavreux C, et al. Modafinil
for fatigue in MS: a randomized
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study. Neurology 2005;64(7):113943.
12. Berk C, Constantoyannis
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with multiple sclerosis using
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defective cerebellocortical inhibition
in multiple sclerosis tremor. Mov
Disord 2009;24(3):467-9.
LE CONCOURS MéDICAL | 19
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
étape
2
Sclérose en plaques
Troubles vésico-sphinctériens :
importance de l’évaluation de 1re ligne
Pr Gérard Amarenco ([email protected]), AP-HP, service de neuro-urologie, hôpital Tenon, Paris
Les troubles vésico-sphinctériens sont fréquents au cours de la sclérose en plaques (SEP), atteignant près de
80 % des patients. Révélateurs de la maladie dans 6 % des cas, ils engagent toujours le pronostic fonctionnel
et majorent le handicap social et/ou psychologique déjà souvent important. Plus rarement, le pronostic vital
est en jeu en raison du risque potentiel de dégradation uronéphrologique. Si la compréhension exacte de leur
mécanisme physiopathologique repose sur les explorations urodynamiques, souvent une simple évaluation
de première ligne permet d’éliminer des conditions qui nécessiteraient un avis spécialisé et d’instaurer un
traitement améliorant, dans la majorité des cas, la qualité de vie des patients.
L
es troubles vésico-sphinctériens au cours de
la SEP sont d’un extrême polymorphisme en
raison du caractère multifocal des lésions de
démyélinisation et de l’évolution par poussées successives, de l’existence conjointe ou secondaire
d’une atteinte urologique, et enfin de l’existence
possible « d’épines irritatives » (escarres, fécalome,
lithiase vésicale ou rénale).
Détrusor hyperactif le plus souvent
Les troubles urinaires sont d’autant plus prononcés que le syndrome pyramidal des membres
inférieurs est important. Les signes irritatifs à
type d’hyperactivité vésicale dominent la symptomatologie (80 % des cas) : impériosité, pollakiurie, incontinence par impériosité, nycturie.
Algorithme FLUE-MS permettant une évaluation et un traitement de première ligne au cours de la sclérose en plaques
V1
Dépistage drapeaux rouges
UTI ≥ 3/an ou fébrile
Douleurs lombaires
per-mictionnelles
Chimiothérapie, EDSS ≥ 6
Homme ≥ 55 ans
Écho anormale :
lithiase / diverticules vessie /
dilatation haut appareil /
RPM ≥ 100 mL
Prescription écho VR
Évaluation gène urinaire
V2
Gènes impériosté et dysurie < 1
Écho normale et RPM < 100 mL
Gène impériosté ≥ 1
Suivi
à 6 mois
Gène dysurie ≥ 1
Traitement a-bloquant (3 mois)
Gène dysurie ≥ 1
V3
Traitement anticholinergique (3 mois)
Écho PM
Gène impériosté
Gène dysurie < 1
Écho PM ≥ 100
Gène impériosté < 1
Écho PM < 100
Gène ≥ 1
Consultation spécialisée de neuro-urologie avec recueil sur 3 jours (horaire des mictions et fuites éventuelles/urée, créatinine)
V1 : première consultation ; V2 : deuxième consultation ; V3 : troisième consultation ; écho VR : échographie vésico-rénale ; UTI : infections urinaires ;
RPM : résidu post-mictionnel
20 | LE CONCOURS MéDICAL tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
Ces signes sont le plus souvent secondaires à un
détrusor hyperactif. La dysurie et la rétention
sont moins fréquentes (20 %) et sont le fait d’une
hypoactivité détrusorienne ou d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne. Ces divers signes peuvent être associés entre eux et s’accompagner
de troubles anorectaux (dyschésie, incontinence
fécale) et génito-sexuels (hypo-érection, troubles
de l’éjaculation, hypo-orgasmie) en raison de la
proximité anatomique des centres de contrôle
neurologique de ces différentes fonctions.
Les explorations urodynamiques permettent
de préciser le mécanisme physiopathologique des
troubles. La cystomanométrie met le plus souvent
en évidence (50 à 80 % des cas) une hyperactivité
détrusorienne, le détrusor n’étant hypoactif que
dans 20 % des observations. Cette hyperactivité
vésicale est souvent corrélée à l’existence d’un
syndrome pyramidal bilatéral.
Une dyssynergie est mise en évidence dans
50 à 80 % des vessies hyperactives et dans près
de 100 % des cas de dysurie-rétention. Cette
dyssynergie, dont la présence est bien corrélée à
l’existence d’une spasticité périnéale et/ou d’un
signe de Babinski, constitue un facteur de risque
potentiel de dégradation vésicale, voire du haut
appareil (reflux vésico-rénal, diverticules, infections hautes ou basses).
Stratégie de première ligne au cours
des troubles urinaires de la SEP : bien
codifiée
Cette stratégie de première ligne (FLUE MS) a
fait l’objet très récemment d’un travail collaboratif
et d’une validation (figure).
La première étape consiste à éliminer des
conditions qui doivent impérativement faire
référer le patient dans un service spécialisé en
raison de la complexité et de la spécificité de
l’évaluation et de la prise en charge : infections
urinaires fréquentes ou fébriles, douleurs lombaires per-mictionnelles, chimiothérapie, score EDSS
> 6, homme de plus de 55 ans. La prescription
de l’échographie vésico-rénale est indispensable
permettant d’éliminer résidu post-mictionnel ou
altérations vésico-rénales, conduisant là encore
à référer le patient.
Si ces conditions ne sont pas présentes et si
la gêne évaluée très simplement par l’UBQMS
(encadré) est significative, un traitement
d’épreuve par anticholinergique est recommandé
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Évaluation de la gêne par le questionnaire UBQMS au cours
de la sclérose en plaques
1. Gène concernant l’hyperactivité vésicale
2. Gène concernant la dysurie
Êtes-vous gêné dans votre vie quotidienne par des besoins urgents d’uriner
ou par des fuites d’urines précédées
d’un besoin impérieux d’uriner ?
0 : pas du tout
1 : un peu
2 : beaucoup
3 : énormément
Êtes-vous gêné dans votre vie quotidienne par la nécessité de pousser pour
uriner, par le sentiment de mal vider la
vessie ou par le temps trop long que vous
mettez à vider la vessie ?
0 : pas du tout
1 : un peu
2 : beaucoup
3 : énormément
en cas d’hyperactivité vésicale et un traitement
alphabloquant en cas de dysurie.
En cas de persistance des troubles, le patient
est alors référé en centre spécialisé pour discussion d’injection de toxine botulique intradétrusorienne ou de neuromodulation par électrostimulation du nerf tibial en cas d’hyperactivité vésicale
et d’instauration d’autosondages en cas de dysurie
avec rétention. L’utilisation de desmopressine est
aussi possible en cas de nycturie par son action
de diminution de la diurèse. En cas d’échec se
discutent ensuite des techniques chirurgicales
(entérocystoplastie d’agrandissement, neuromodulation S3).
Les troubles urinaires participent au multi-handicap de la SEP. Leur prise en charge est désormais devenue très efficace dans la majorité des
cas. Un traitement de première ligne est toujours
possible après une simple évaluation. •
L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour l’entreprise
Astellas, Rotapharm, Pfizer et avoir été pris en charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de
déplacement pour congrès par Wellspect, Coloplast, Allergan.
1. Amarenco G, Chartier-Kastler E, Denys P, et al. First-line urological
evaluation in multiple sclerosis: validation of a specific decision-making
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2. Andersen J, Bradley W. Abnormalities of detrusor and sphincter function
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6. Summers J. Neurogenic bladder in the women with multiple sclerosis. J
Urol 1978;120:555-6.
LE CONCOURS MéDICAL | 21
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
étape
2
Sclérose en plaques
Troubles cognitifs : possibles
dès les stades initiaux
Pr Bruno Brochet ([email protected]), Dr Aurélie Ruet, service de neurologie, CHU de Bordeaux
L’atteinte cognitive est fréquente dans la sclérose en plaques (SEP)[1]. Elle peut être présente dès les stades
initiaux de la maladie, syndrome radiologiquement isolé(2), syndrome cliniquement isolé (SCI)[3], formes
rémittentes débutantes et formes progressives primaires. Globalement, sa fréquence est estimée selon les
stades entre 25 et 80 %, selon les définitions retenues (figure). Elle est plus fréquente et sévère dans les
formes progressives primaires que dans les formes rémittentes(4), avec une fréquence maximale dans les
formes progressives secondaires(5). Elle concerne plusieurs domaines cognitifs(1).
L’
atteinte la plus fréquente est celle de la
vitesse de traitement de l’information
qui prédomine largement dans les stades
précoces et dont le ralentissement peut avoir des
conséquences sur les performances dans certains
domaines spécifiques, comme la mémoire épisodique, l’attention et les fonctions exécutives.
Plus la maladie est évoluée plus des atteintes
spécifiques sont observées pour la mémoire épisodique verbale et visuo-spatiale, la mémoire de
travail et les fonctions exécutives(1, 4). L’atteinte
spécifique de l’attention semble en revanche plus
rare(4, 6).
Fréquence de l’atteinte cognitive pour au moins un, deux ou trois domaines
cognitifs dans un échantillon de 98 patients atteints de SEP comparés à 416 sujets
sains appariés en fonction de l’âge, du sexe et du niveau d’éducation.
Méthodologie détaillée in (4)
80 %
% (n = 98)
70 %
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
Un niveau éducatif plus élevé ou un entraînement cognitif régulier peut contribuer à limiter
les troubles cognitifs par la constitution d’une
réserve cognitive(7, 8).
La précocité des troubles a une valeur
pronostique péjorative certaine
Les troubles cognitifs ont un retentissement
notable sur la vie quotidienne (6). Dès les stades précoces de la maladie, ils retentissent sur
la qualité de vie liée à la santé, indépendamment des troubles moteurs(9). En particulier, le
ralentissement de la vitesse de traitement de
l’information est responsable de difficultés professionnelles et parfois de perte d’emploi, indépendamment des troubles moteurs, dès le début
de la maladie(9, 10).
Plus que la charge lésionnelle et l’atrophie cérébrale, la présence de troubles cognitifs au début
de la maladie reflète l’existence d’une atteinte tissulaire diffuse extralésionnelle cérébrale(11, 12). À
un stade plus avancé, ils sont corrélés à l’atrophie
cérébrale corticale et profonde(13, 14). Cette corrélation avec le dommage tissulaire diffus explique
probablement la valeur pronostique péjorative
de la présence d’un déficit cognitif précoce. En
effet, au début de la forme rémittente, il est prédictif d’une aggravation motrice dans les années
à venir(15).
L’évaluation doit être précoce et fondée
sur des tests neuropsychologiques
0
au moins 1 domaine
22 | LE CONCOURS MéDICAL au moins 2 domaines
au moins 3 domaines
Repérer les déficits cognitifs est important
dès le début de la maladie dans le cadre de
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
l’évaluation du pronostic de la maladie et pour
proposer des prises en charge afin d’en limiter
les conséquences.
La plainte cognitive du patient ou les autoquestionnaires de symptômes cognitifs(16, 17) ne
sont pas fiables pour dépister une atteinte cognitive. Les plaintes cognitives sont mieux corrélées
aux scores de dépression qu’aux résultats des
tests cognitifs. L’évaluation cognitive doit reposer sur la réalisation de tests neuropsychologiques. Plusieurs batteries de tests cognitifs ont
été proposées.
La Brief Repeatable Battery (BRB)[6] et la Minimal Assessment of Cognitive Function in Multiple
Sclerosis (MACFIMS)[18] évaluent la vitesse de
traitement de l’information, la mémoire épisodique, la mémoire de travail et plus ou moins
les fonctions exécutives. Elles requièrent entre
30 minutes et une heure d’administration par un
neuropsychologue.
Une batterie d’évaluation courte, la Brief International Cognitive Assessment for Multiple Sclerosis (BICAMS)[19], d’une durée de 15 minutes, a
été proposée pour
réaliser une évaluation minimale de la
vitesse de traitement
et de la mémoire,
réalisable plus facilement en routine.
La BICAMS comprend le Symbol
Digit Modalities
Test (SDMT), test
de vitesse de traitement, les 5 premiers essais
du California Verbal Learning test-II, test d’apprentissage verbal, et les 3 premiers essais du
Brief Visual Memory Test-revised (BVMT-R).
Le SDMT est le test le plus fréquemment perturbé dans la plupart des études, et il a été proposé comme tests de screening(17) car il permet
de repérer plus de 80 % des patients atteints de
troubles cognitifs. Une évaluation ne peut cependant se résumer à un test. La plupart des tests
ont un important effet de pratique (test-retest)
qui en rend l’utilisation répétée parfois difficile.
Pour limiter cette difficulté, un test informatisé
de vitesse de traitement proche du SDMT mais
avec moins d’effet d’apprentissage a été validé
en français, le Computerized Speed Cognitive
Test (CSCT)[20].
tome 137 | n° 3 | mars 2015 1
2
3
L’espoir de la rééducation cognitive
Il existe quelques données montrant que certains traitements de fond comme l’interféron et
le natalizumab ont un effet positif pour limiter
les troubles cognitifs(21). En revanche, à ce jour,
aucun traitement symptomatique n’a montré son
efficacité sur le long terme(21).
La rééducation cognitive est un domaine en
plein essor dans la SEP. Après un certain nombre d’études de méthodologie insuffisante(22), des
études bien conduites sont réalisées, montrant
un effet sur l’activation cérébrale en imagerie
fonctionnelle(23) ou un effet clinique notamment
sur la mémoire(24). D’autres études prometteuses
sont en cours. •
Les auteurs déclarent…
1. Brochet B. Prevalence, profile and functional impact
of cognitive impairment in multiple sclerosis. In
Cognitive Impairment in Multiple Sclerosis, Amato MP
(Elsevier) Milano, 2011; pp. 1-8.
2. Lebrun C, Blanc F, Brassat D, et al. CFSEP. Cognitive
function in radiologically isolated syndrome. Mult Scler
2010;16:919-25.
3. Reuter F, Zaaraoui W, Crespy L, et al. Frequency of
cognitive impairment dramatically increases during the
first 5 years of multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg
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4. Ruet A, Deloire M, Charré-Morin J, et al. Cognitive
impairment differs between primary progressive and
relapsing-remitting MS. Neurology 2013;80:1501-8.
5. Huijbregts SC, Kalkers NF, de Sonneville LM, et
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dysfunction in multiple sclerosis. I. Frequency, patterns,
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longitudinal study. J Neurol 2013;260:776-84.
10. Morrow SA, Drake A, Zivadinov R, et al. Predicting
loss of employment over three years in multiple
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Neuropsychol 2010;24:1131-45.
11. Deloire MS, Salort E, Bonnet M, et al. Cognitive
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12. Deloire MS, Ruet A, Hamel D, et al. MRI predictors
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LE CONCOURS MéDICAL | 23
{
PARCOURS DE SOINS
étape
2
Sclérose en plaques
Éducation thérapeutique :
« mieux vivre avec la maladie »
Marie-Hélène Colpaert ([email protected]), cadre de soins, département des maladies du système nerveux,
groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, Paris
Maladie chronique du système nerveux, touchant le plus souvent des sujets jeunes, la sclérose en plaques
(SEP) est l’une des pathologies dans lesquelles l’éducation thérapeutique (ETP) a une place essentielle, en
tant qu’aide pour mieux vivre avec la maladie. Initialement, cette démarche permet au patient de commencer
à « apprivoiser » sa maladie car, dans les phases précoces, il est tout aussi important pour lui de pouvoir
communiquer sur sa maladie que d’acquérir des connaissances.
P
ar la suite, en optimisant les connaissances
sur la SEP, qu’il s’agisse des symptômes de la
maladie, des différentes modalités évolutives,
des traitements…, l’ETP a pour objectif de rendre
le patient acteur de sa prise en charge.
S’approprier la maladie et son traitement
L’ETP permet ainsi de répondre aux très nombreuses interrogations du patient et de ses proches
(par exemple : « Qu’est-ce qu’une poussée ? ;
dois-je consulter en urgence en cas de poussée,
à qui m’adresser ? Que dire à mes proches, à
mon entourage professionnel ? Quelles sont les
options thérapeutiques ? »). Cette appropriation
de la maladie par le patient permet souvent de faciliter la vie quotidienne, notamment les relations avec
l’environnement socio-professionnel et familial, et
ainsi de préserver ou d’améliorer la qualité de vie.
La prescription d’un traitement de fond, injectable ou non, est parfois difficile pour les patients, le
plus souvent encore très autonomes lors de cette
initiation, et qui peuvent vivre cette proposition
thérapeutique comme un signe d’aggravation. La
première étape est donc l’acceptation du principe
du traitement, suivie (et associée) au choix de
celui-ci. L’objectif est de favoriser l’adhésion au traitement, en sachant qu’une rupture d’observance
Le patient doit pouvoir
choisir parmi les
traitements proposé par le
neurologue
24 | LE CONCOURS MéDICAL des traitements de fond survient en moyenne dans
20 à 45 % des cas dans les deux ans qui suivent le
début de celui-ci. Il ne s’agit donc pas simplement
de former le patient à l’auto-injection, car il est
démontré qu’un patient formé, informé et éduqué
est plus observant que celui qui n’aurait pas pu
bénéficier de ce type de prise en charge.
Pour ce faire, il est impératif de favoriser l’écoute
et la formulation tant des émotions que des questionnements divers et variés ; le patient n’étant pas
considéré comme un élève à qui l’on donne une liste
de recommandations et d’interdits. Placé en condition d’acteur actif et grâce aux connaissances qu’il
acquiert, le patient prend le pouvoir de décider de
commencer son traitement et souvent de le choisir
parmi ceux proposés par son neurologue référent
afin de l’inclure dans sa vie socioprofessionnelle.
Le programme MOTIV SEP de la clinique
de la sclérose en plaques de La Salpêtrière
Environ 6 000 patients atteints de SEP sont suivis
dans le département des maladies du système nerveux (environ un tiers des patients viennent pour
un second avis et seront ensuite suivis par une autre
équipe de neurologie, et deux tiers des patients sont
suivis régulièrement dans le service). Ces patients
sont soit des « première fois », avec la problématique
de l’annonce diagnostique (voir article p. X) ; soit des
« initiations ou des changements de traitements »,
soit des suivis (habituellement semestriels).
Description du programme MOTIV SEP
Le programme d’information et d’ETP a vu le
jour en 2005. Il a été construit sur un modèle utilisé alors pour les patients atteints d’une infection
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Initialement ciblé sur les initiations de traitement
(chaque année, environ 400 patients sont mis sous
traitement de fond de première intention), il s’est
rapidement élargi avec l’objectif d’une approche
globale de la pathologie. Ainsi, le programme intègre les composantes cognitives, émotionnelles,
comportementales et sociales qui permettent une
approche centrée sur la personne afin de favoriser
le « mieux-vivre avec la maladie , d’anticiper et de
réduire les obstacles de l’observance.
Validé par l’ARS, le programme MOTIV SEP est
proposé dans le département MSN pour tout patient
non hospitalisé débutant un traitement de fond ou
désireux de se familiariser avec la maladie.
La prise en charge proposée s’appuie sur des
concepts fondamentaux de l’ETP, les textes et définitions de l’OMS ainsi que les textes règlementaires
régissant la profession infirmière. Le programme
répond aux directives de la circulaire DHOS/E2/F/
MT2A/2008/236 du 16 juillet 2008 relative au
financement de la mission d’intérêt général (MIG)
« Actions de prévention et d’éducation thérapeutique relatives aux maladies chroniques » et portant
sur la mise en place d’un suivi de l’activité d’ETP
dans les établissements de santé.
Le programme est coordonné par un cadre de
soins ayant bénéficié d’une formation en ETP de
40 heures au minimum et animé par une équipe
pluridisciplinaire. Il est prolongé par un suivi paramédical par le biais de rendez-vous en consultation ou d’un suivi téléphonique.
Structuré en sessions successives (encadré),
et organisé en séances collectives ou individuelles, MOTIV SEP se déroule sur trois jours : deux
jours consécutifs, puis une journée environ six
semaines plus tard. Les groupes sont constitués
de 8 patients et sont ouverts aux proches (nous
conseillons aux patients de venir avec une personne de leur entourage quotidien, familial ou amical). L’équipe d’ETP est constituée de 5 personnes
: une infirmière cadre de soins (coordinatrice), une
infirmière référente, une neurologue, une psychologue, une assistante sociale. Chaque session du
programme est coanimée par le cadre de santé et
l’un des intervenants médical ou paramédical.
Après la fin du programme, un suivi paramédical
est mis en place, avec appel téléphonique systématique ou rendez-vous à 1 mois, 3 mois, 6 mois et
1 an. Nous remettons aussi aux patients l’adresse
courriel du cadre de santé et de l’infirmière.
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Modalités d’accès des patients
Le plus souvent, c’est le neurologue référent du patient qui lui
parle de la possibilité d’être pris en
charge dans le programme d’ETP.
Cette proposition est généralement
(mais pas toujours) faite lors d’une
décision d’initiation d’un traitement
de fond. À la fin de sa consultation,
le neurologue dirige le patient vers le
cadre de santé qui le reçoit en entretien, immédiatement ou dans les
plus brefs délais pour un entretien
motivationnel d’environ 30 minutes.
Cet entretien comprend plusieurs
étapes : une présentation du programme des trois jours ; le remplissage de la fiche de renseignement
individuelle et du dossier éducatif
individuel ; un moment d’écoute, de
réconfort et de réponses aux questions déjà très nombreuses.
Le patient repart en ayant ou
non donné son accord pour participer aux réunions. En effet, très souvent, l’annonce de débuter un traitement le bouleverse ; il pense que
sa maladie évolue, il est sous le choc
de la nouvelle et a parfois besoin de
réfléchir. Il dispose des numéros de
téléphone qui lui permettront d’appeler pour donner son accord dès
qu’il aura pris sa décision.
Nouvelles compétences,
nouvelles relations
Sessions du programme MOTIV SEP
MOTIV SEP/J1
14H00 – 15H30 avec les IDE
9H30 - 10H45 avec les IDE
– Présentation croisée
– Attentes des participant(e)s en
tour de table
– Présentation du programme
– Test de connaissances
11H – 13H
– Exposé par un médecin du service :
La Sclérose en Plaques + questions
des participant(e)s
13H – 14H Déjeuner
– Connaître les symptômes de la
SEP (avec outils pédagogiques)
– Connaître les différents
intervenants auxquels le patient
peut faire appel (liste des contacts
remise)
– Connaître la définition d’une
poussée et savoir quoi faire et à
qui s’adresser
15H30 – 16H avec kes IDE
– Évaluation de la journée en tour de
table / Présentation de la journée
suivante
MOTIV SEP/J2
9H30 - 13H avec les IDE
– Présentation par les infirmières de
tous les matériels d’injection
* manipulation par les participant(e)s des
différents « stylos » injecteurs
– Débat-discussion en groupe
– Anticiper les obstacles à la prise
de traitement
– Réaliser un planning thérapeutique
individualisé
– Savoir quoi faire pour réduire les
effets secondaires du traitement
14H – 15H
– Exploration de degré d’adhésion
au traitement (reprise des échelles
remplies à la main)
15H – 16H30 avec
la psychologue
– Identifier le degré de soutien
de l’entourage
– Comment parler de la maladie
et des symptômes ?
Avec outils pédagogiques
MOTIV SEP/J3
13H30 – 15H30
9H30 - 10H45
– « Depuis que je prends mon
traitement, qu’est-ce qui se passe ? » ;
vécu de l’injection
– « De quoi ai-je besoin ? »
– Impact du traitement dans la vie
quotidienne. Vécu de l’injection
10H – 12H30
– Vivre avec la fatigue
– Réduction du stress
– Confort eet qualité de vie
12H30 – 13H30 Déjeuner
Les journées du programme MOTIV SEP, riches
en émotion et en apprentissage pour tous, soignants
et soignés, permettent aux patients et à leurs proches de mieux connaître leur pathologie mais aussi
de débuter en confiance le traitement. Pour preuve,
quelques mots des patients : « J’avais un sac à
dos qui pesait une tonne ; à l’issue de ces trois
jours, il est très léger. Face au début de traitement, je m’en faisais une montagne, ces trois
jours ont fait de cette montagne un chemin plat
tout tracé ». Pour les soignants, ce sont de nouvelles compétences et de nouvelles relations centrées
sur le patient et ses besoins d’information qui sont
développées. •
– Questions Sociales :
* Préparation des questions par
les participants
* Débat-discussion avec
une assistante sociale
15H30 – 16H
– Ma vie, mes projets : J’ai ma
maladie, mais j’ai ausi une vie,
des valeurs, des projets
16H – 16H30
– Test de connaissance
– Évaluation des jounées par
les patients(e)s
L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
LE CONCOURS MéDICAL | 25
{
PARCOURS DE SOINS
étape
3
Sclérose en plaques
Nouveaux traitements de fond :
impact sur l’organisation des soins
Dr Élisabeth Maillart ([email protected]), département des maladies du système nerveux, groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière,
médecin coordinateur du parcours de soins dans la SEP, IHU-A-ICM, Paris
La prise en charge de la sclérose en plaques (SEP) s’est complexifiée ces dernières années du fait de la mise
sur le marché de nouveaux traitements de fond ayant permis d’élargir l’arsenal thérapeutique, au prix d’effets
secondaires parfois graves. Depuis 2007, avec la commercialisation du natalizumab (Tysabri), l’utilisation
de ces traitements, dont l’efficacité et surtout la tolérance doivent être évaluées rigoureusement, a modifié
l’articulation de la prise en charge entre ville et hôpital. Cette collaboration à différentes étapes de la prise
en charge doit s’inscrire dans le cadre plus large d’un parcours de soins impliquant de multiples acteurs en
ville et à l’hôpital, avec au centre le patient atteint d’une SEP.
E
n cas de situation clinique complexe, le
neurologue référent peut solliciter un avis
dès l’entrée dans le parcours de soins pour
discuter des options thérapeutiques au sein d’une
réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)
[encadré]. Mais notre propos concerne l’étape
suivante du parcours de soins : l’évaluation et
l’efficacité de la tolérance des traitements sur les
premiers mois puis l’organisation du suivi neurologique sur le moyen et le long terme selon la
forme évolutive de la maladie en précisant les
modalités de la collaboration ville-hôpital lorsque
celle-ci s’impose.
SEP et RCP
Les modalités des RCP
sont précisées par la
Haute Autorité de santé
(rapport actualisé de la
HAS, avril 2014). Ces
réunions regroupent,
habituellement au sein
d’une unité hospitalière
spécialisée, plusieurs
neurologues et neuroradiologues experts de
la SEP. À partir des informations fournies par le
neurologue référent, un
avis diagnostique et/ou
une décision thérapeutique collégiale sont
rendus.
26 | LE CONCOURS MéDICAL Suivi de l’efficacité et de la tolérance
des traitements au cours des premiers mois
L’efficacité et la tolérance des traitements instaurés chez les patients SEP seront surveillées
par le neurologue traitant (libéral ou hospitalier). Il est nécessaire que le médecin traitant
soit informé des effets indésirables potentiels de
ces traitements de manière à les dépister précocement et à adresser le patient au neurologue le
cas échéant.
Le profil de tolérance et les axes de surveillance
dépendent de la situation clinique et de la molécule utilisée (tableau 1). La mise en œuvre d’un
programme d’éducation thérapeutique permet –
avec l’aide d’une infirmière référente – de former
le patient sur ses traitements, ce qui facilite la
transmission d’informations vers d’autres professionnels amenés à intervenir dans son parcours
de soins.
Traitement de fond pour un patient suivi pour
une SEP de forme rémittente (tableau 2)
• Prescription initiale, délivrance et surveillance
possibles en ville
Les traitements de première ligne immunomodulateurs injectables (interféron bêta-1a/Avonex
et Rebif, interféron bêta-1b/Betaferon et Extavia,
acétate de glatiramère/Copaxone) et oraux (tériflunomide/Aubagio, diméthyl-fumarate/Tecfidera)
peuvent être prescrits en ville, sans implication
directe de l’hôpital. L’efficacité est évaluée par
le neurologue référent grâce à un suivi régulier,
avec la possibilité de consulter rapidement en cas
d’apparition de nouveaux symptômes. L’évaluation de la tolérance repose sur un interrogatoire
dirigé et sur la réalisation régulière d’examens
biologiques.
• Traitements nécessitant une collaboration entre
ville et hôpital
Traitement de première ligne : nouveaux
immunomodulateurs oraux
Depuis mars 2014, le diméthyl-fumarate est
disponible en France, pour le moment en rétrocession hospitalière, avec une délivrance mensuelle du traitement. Une délivrance en officine
est attendue dans les mois à venir.
Traitement de deuxième ligne
− Le fingolimod (Gilenya) est un immunosuppresseur oral dont la première prise doit impérativement avoir lieu en hospitalisation de jour avec
un monitorage continu du rythme cardiaque pendant au minimum six heures du fait du risque de
bradycardie sévère. La prescription initiale puis le
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
renouvellement semestriel sont effectués par un
service de neurologie hospitalier. Dans l’intervalle,
le fingolimod peut être prescrit par un neurologue
libéral. Ce traitement doit être pris consciencieusement, à raison d’un comprimé par jour. Tout oubli
pendant les deux premières semaines nécessite une
nouvelle introduction en hospitalisation de jour. Le
lien avec le pharmacien d’officine est indispensable
le jour de l’introduction pour que le fingolimod soit
disponible en officine dès le soir même. Le médecin
traitant doit être informé des risques d’effets secondaires, en particulier de la lymphopénie parfois
rapide (baisse de 20 à 30 %). Il existe par ailleurs
des risques de diminution d’efficacité du fingolimod
en cas d’association avec des inducteurs enzymatiques (comme la carbamazépine). Une carte et un
livret d’information sont remis au patient le jour de
l’introduction, et il lui est conseillé de les présenter
à son pharmacien et à son médecin traitant, en cas
de prescription d’un nouveau traitement.
− Le natalizumab (Tysabri) est réservé à l’usage
hospitalier uniquement et administré en perfusion
intraveineuse en hôpital de jour toutes les quatre
semaines. Une carte et un livret d’information sont
remis au patient le jour de l’introduction.
Une complication rare et grave est liée à la
réactivation du virus JC au niveau encéphalique à
l’origine d’une leuco-encéphalopathie multifocale
progressive (LEMP), contre laquelle il n’existe pas
de traitement efficace. Un dépistage précoce est
indispensable pour tenter d’éviter des séquelles
neurologiques sévères, voire le décès du patient.
Une information du patient, de son entourage et
des professionnels de santé impliqués dans le parcours de soins est primordiale (kinésithérapeute,
orthophoniste, infirmière, médecin traitant, neuroradiologue…). Ainsi, tout symptôme neurologique
nouveau chez un patient à risque doit être signalé
en urgence au neurologue. De même, toute nouvelle lésion sur l’IRM d’un patient à risque doit être
considérée comme une suspicion de LEMP : l’IRM
doit être complétée par des séquences particulières
et le neurologue doit être informé en urgence.
Sur le plan pratique, le statut sérologique du
virus JC peut être nécessaire pour la stratification
du risque de LEMP et la décision thérapeutique
en cas de prescription de natalizumab. Le prélèvement sanguin ne peut avoir lieu que dans un
établissement de santé privé ou public.
− La mitoxantrone (Elsep) est un immunosuppresseur non spécifique indiqué dans les formes
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Tableau 1. Récapitulatif des bilans recommandés pour la surveillance des
traitements dans la sclérose en plaques
COURT TERME
(1-6m)
interféron bêta
NFS plaquettes, TA
m1, m2, m3
MOYEN TERME
(6-12m)
LONG TERME
(> 12m)
NFS plaquettes, TA régulièrement*
urée, créatinine, BU régulièrement*
acétate de glatiramère
pas de surveillance particulière
tériflunomide
NFS plaquettes régulièrement*
TA/2 semaines
TA/2 mois*
PA régulièrement
diméthyl-fumarate
fingolimod
NFS, plaquettes m6
NFS, plaquettes m12
NFS, plaquettes 1 à
2/an*
TA, urée, créatinine, BU
m3 et m6
TA, urée, créatinine,
BU m12
TA, urée, créatinine, BU
1 à 2/an*
NFS, plaquettes, TA m1,
m3 et m6
NFS, plaquettes, TA m9
et m12
NFS, plaquettes, TA
1 à 2/an*
PA régulièrement
OCT à m3-m4
natalizumab
bilan immunologique tous les 3 m**
sérologie virus JC tous les 6 m,
si sérologie précédente négative
mitoxantrone
NFS, plaquettes 2/m
NFS, plaquettes 1/3 m
jusqu’à 5 ans après l’arrêt
ETT à m6
ETT 1/an jusqu’à 5 ans
après l’arrêt
fampridine
urée, créatinine au
moins 1/an
Tableau réalisé à partir des données du Vidal et de l’ANSM (des bilans plus fréquents peuvent être demandés en fonction des habitudes
des équipes médicales).
* Plus fréquemment en fonction des signes cliniques. ** Si initial anormal.
Légende : BU : bandelette urinaire ; ETT : échographie cardiaque transthoracique, m : mois ; NFS : numération formule sanguine ;
OCT : optical coherence tomography, pour dépister un œdème maculaire ; PA : pression artérielle ; TA : transaminases.
Tableau 2. Modes de prescription des traitements dans la SEP
Neurologue libéral
Neurologue hospitalier
Interféron bêta, acétate de
glatiramère
Prescription
I, R
I, R
Teriflunomide
I, R
I, R
I, R
I, R
+/- R
I, R
Diméthylfumarate*
Fingolimod
Natalizumab
I, R
Mitoxantrone
I, R
Fampridine
I, R
I, R
Légende : I : prescription Initiale, R : Renouvellement de prescription, * rétrocession hospitalière en cours.
agressives de SEP dont l’utilisation a diminué depuis
l’arrivée du natalizumab. La prescription, la délivrance
et l’administration sont obligatoirement hospitalières,
réservées aux neurologues des services spécialisés,
LE CONCOURS MéDICAL | 27
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Schéma de l’organisation des soins chez le patient SEP
NEUROLOGUE HOSPITALIER
NEUROLOGUE
LIBÉRAL
Aide à la décision thérapeutique (RCP)
Efficacité et tolérence
des traitements (1re et 2e ligne)
Protocoles thérapeutiques
Consultation multi-disciplinaire
Éducation thérapeutique
Efficacité et tolérance
des traitements
de 1re ligne
PARAMÉDICAUX
Kinésithérapeute
Orthophoniste
Inifirmière
Centre expert SEP
Plan maladies
neurodégénérataives
Pharmacien
HOSPITALIER
Médicaments réservés
à l’usage hospitalier
Rétrocession
PATIENT
PHARMACIEN D’OFFICINE
Prévention de la rupture du
traitement
MÉDECIN TRAITANT
Tolérence des traitements
Tableau 3. Suivi neurologique proposé aux patients SEP en fonction
de leur forme évolutive
Traitement
Forme rémittente
1re ligne
Neurologue libéral
Neurologue hospitalier
1/6 mois
Recours
ou en binôme, 1/6 mois
2e ligne
Forme progressive
si besoin
1/6 mois
1/6 mois
voire 1/9-12 mois si stabilité
Recours
Essai thérapeutique
avec une hospitalisation de jour tous les mois pendant
six mois. Le neurologue doit informer le patient des
effets attendus et des éventuels effets secondaires à
court, à moyen et à long terme (cardiotoxicité, risque de leucémie aiguë estimé à 1/600 environ, risque
d’aménorrhée parfois définitive chez les femmes de
plus de 35 ans). Une surveillance est indispensable
à moyen et à long terme : échographie cardiaque
tous les ans pendant cinq ans, et la numération tous
les trois mois pendant cinq ans afin de dépister ces
complications tardives.
Traitement de fond pour un patient suivi pour
une SEP de forme progressive
L’auteure déclare participer ou avoir
participé à des interventions ponctuelles :
essais cliniques et travaux scientifiques
(laboratoires Novartis, Biogen, Roche), des
activités de conseil (Board médico-scientifique
pour le laboratoire Novartis), conférences
pour le laboratoire Teva, et avoir été prise en
charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de
déplacement pour congrès, par les laboratoires
Teva, Biogen et Novartis.
28 | LE CONCOURS MéDICAL À l’heure actuelle, il n’y a pas de traitement de
fond validé pour les formes progressives de SEP, à
l’exception de la mitoxantrone, dans certains cas
précis. Ces dernières années, des essais thérapeutiques de phase III se sont multipliés pour tester
de nouvelles molécules, parfois efficaces dans les
formes rémittentes. Les patients intéressés pour
participer à des essais thérapeutiques peuvent être
adressés par le neurologue libéral aux centres d’investigations cliniques des centres hospitaliers.
Traitement symptomatique
La fampridine (Fampyra) est un traitement symptomatique, qui permet d’améliorer la capacité de
marche des patients SEP présentant une fatigabilité
à l’effort. La prescription initiale est rédigée par un
neurologue pour quatorze jours, après un test de
marche chronométré. Le traitement sera reconduit
par un neurologue après quatorze jours s’il permet
une amélioration du temps de marche et que la tolérance est correcte.
Un contrôle annuel de la clairance de la créatinine est nécessaire. Les risques d’interactions
médicamenteuses doivent être connus du médecin traitant : contre-indication de la cimétidine
(Tagamet), prudence recommandée en cas d’association avec le propranolol (parfois prescrit en
cas de tremblement sévère).
Collaboration neurologue/médecin traitant,
collaboration ville/hôpital
Une collaboration étroite entre le neurologue et le
médecin traitant est indispensable pour le bon déroulement du parcours de soins du patient SEP. L’efficacité des traitements est évaluée par le neurologue,
ainsi que leur surveillance. Cependant, la multiplication des traitements employés, les effets secondaires,
qui peuvent nécessiter une prise en charge en urgence
ou qui peuvent survenir à long terme, rendent nécessaires l’implication du médecin traitant et du patient
(séminaires d’éducation thérapeutique).
Le centre hospitalier est impliqué à différentes
étapes de la prise en charge, notamment pour le
suivi neurologique partagé des patients selon la
forme évolutive de la maladie (tableau 3). En cas
de situation complexe, quelle que soit la forme
évolutive, il peut être proposé au patient une prise
en charge globale de la pathologie et du handicap
engendré : consultation multidisciplinaire au sein
des centres hospitaliers, inclusion dans un réseau
de soins dédié à la SEP…
Dans un avenir proche, la mise en place du Plan
maladies neurodégénératives 2014-2019 (dont la
SEP fait partie) permettra notamment de renforcer
la coordination entre le médecin traitant et le neurologue et d’augmenter l’accès à l’expertise avec la
création de centres experts dédiés à la SEP. •
tome 137 | n° 3 | mars 2015
étape
3
Sclérose en plaques
1
2
3
Accompagnement psycho-médico-social :
l’indispensable trait d’union
Propos recueillis par Brigitte Némirovsky
«L
orsqu’un patient intègre le
réseau, l’infirmière, la psychologue ou moi-même évaluons
sa situation dans sa globalité afin de
déterminer ses besoins et ses attentes.
Mon rôle consiste ensuite à informer la
personne sur ses droits sociaux et à l’accompagner de manière ponctuelle afin
qu’elle puisse bénéficier des aides prévues », précise Laetitia Capelli.
La problématique de l’emploi
et les questions de budget
En premier lieu, il convient de vérifier si
la prise en charge des soins au titre de
l’affection de longue durée (ALD) est bien
en place. « La question du maintien dans
l’emploi est aussi primordiale tout particulièrement dans le cadre de cette maladie
invalidante qui touche des personnes jeunes, pointe-t-elle. J’informe la personne sur
ses droits (réduction du temps de travail,
mi-temps thérapeutique, pension d’invalidité, etc.) et je m’appuie soit sur la maison
départementale des personnes handicapées (MDPH), soit sur le service social de
la caisse régionale d’assurance maladie
d’Île-de-France (CRAMIF) qui accompagne
les patients, ainsi que les services d’appui
au maintien dans l’emploi des travailleurs
handicapés (SAMETH). En cas de problématique particulière, nous pouvons être
amenés à contacter le médecin du travail,
mais habituellement la situation est gérée
en amont. »
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Vérifier l’équilibre financier de la personne et
de son foyer est impératif : en cas de difficultés du fait de la maladie, l’assistante de service social alerte éventuellement un autre
service social en vue d’un accompagnement
adapté. « Mon rôle consiste aussi à évoquer
la question de la protection juridique en cas
de troubles cognitifs importants du patient
qui, par exemple, peuvent le mettre en difficulté financière, signale Laetitia Capelli. De
même, la question de l’assurabilité se pose
fréquemment et, si nécessaire, j’oriente les
patients vers un service juridique. »
Les aides pour l’adaptation
du logement
« Dans le même temps, nous évaluons le
bien-être de la personne dans son lieu
de vie (accessibilité…). Il m’arrive parfois
d’adresser un courrier pour argumenter
la demande de relogement de
l’intéressé au bailleur social si la
personne est en grande difficulté
pour sortir de son domicile et qu’il
n’y a pas d’ascenseur, par exemple. Nous listons tout ce qui peut
poser des problèmes au quotidien
en fonction de l’évolution de la maladie.
Concernant l’aménagement du domicile,
le patient, s’il est éligible, peut bénéficier
de la prestation de compensation du handicap (PCH) pour aménager son domicile
(via la MDPH). Je travaille en relation avec
le service social de la CRAMIF, les MDPH,
les services communaux d’action sociale et,
DR
La sclérose en plaques est l’archétype de maladie chronique où la prise
en charge des patients doit être pensée et organisée de façon globale,
à la fois au plan médical, psychologique et social, les professionnels de
ces trois champs devant travailler en synergie. C’est ce que propose aux
patients le réseau SINDEFI (www.sindefi.org/) comme l’explique Laetitia
Capelli, assistante de service social au sein de ce réseau depuis 2007.
pour les patients de plus de 60 ans, avec
le centre local d’information et de coordination (CLIC) pour l’attribution éventuelle de
l’allocation personnalisée pour l’autonomie
(APA) », explique Laetitia Capelli.
Aides humaines : une résistance
psychologique n’est pas rare
Faire venir une aide extérieure (auxiliaire
de vie, services de soins infirmiers à domicile [SSIAD]…), c’est faire entrer la maladie
chez soi, et ce n’est pas facile à accepter,
aussi bien pour la personne malade que
pour le(s) proche(s), surtout quand il faut se
rendre à beaucoup de consultations, car le
domicile « reste un des seuls endroits où on
peut oublier la maladie ». De fait, les aides
humaines proposées aux personnes qui ne
sont plus en capacité d’accomplir seules les
gestes essentiels de la vie quotidienne sont
souvent difficilement acceptées
par celles-ci : si un conjoint ou un
proche est aidant au quotidien
depuis un certain temps, « il est
très délicat de briser cette relation ». Le risque est que l’aidant
familial s’épuise, ce qui va avoir
un impact relationnel et altérer le moral de
la personne malade et de l’aidant. « Il faut
trouver le bon consensus avec la famille
et le patient, s’ils ne suivent pas nos préconisations ; même si c’est difficile, il faut
respecter ce décalage entre ce que nous
jugeons utile et le souhait des personnes à
qui revient la décision. »
LE CONCOURS MéDICAL | 29
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
étape
3
Ainsi, pour mettre en place les aides à
domicile, « je m’appuie beaucoup sur
mes collègues psychologues (besoin
d’un accompagnement psychologique
ponctuel) et parfois aussi sur l’infirmière
qui met en évidence avec eux le lien
entre les difficultés liées à la maladie et
les aides qui peuvent leur être apportées
(matérielles, humaines) en réexpliquant
au besoin la maladie. Nous travaillons
donc en réseau interne dans un premier
temps et ensuite, en accord avec la personne malade, nous orientons celle-ci
vers les partenaires adéquats pour un
suivi de proximité. Nous travaillons aussi
en partenariat avec les services hospitaliers, pour les retours à domicile, sans
toutefois nous substituer à eux ».
Des problématiques majeures parfois
sans réponse
Inversement, si du fait de l’évolution de la
SEP une prise en charge en maison d’accueil spécialisée s’avère nécessaire, « mon
rôle consiste à trouver un établissement ;
nous disposons pour cela d’un annuaire
ressource. Mais le manque de structures
et le refus de certaines d’entre elles d’accueillir des personnes de moins de 60 ans
peut déboucher sur des impasses »,
déplore Laetitia Capelli. Autre problème
majeur non résolu : « les formes rémittentes ne sont pas “assez handicapantes”
pour remplir les critères d’éligibilité de la
PCH, mais celles-ci provoquent néanmoins
des symptômes invalidants (fatigue, fatigabilité, troubles cognitifs…) ; il faut alors
se tourner vers d’autres organismes tels
que les mutuelles, par exemple, pour une
demande de secours exceptionnel. Mais
ces aides ne sont généralement ni pérennes ni suffisantes… ». •
Laetitia Capelli ([email protected]) déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
Répondre à la forte demande d’autonomisation
des patients
C
e besoin de formation thérapeutique, les patients l’expriment
pour eux-mêmes et pour leurs
proches. En effet, « malgré les efforts,
un déficit d’information persiste vers le
grand public, les patients et les aidants
», déplore Bernard Gentric. « Or
l’autonomisation des patients
dans la gestion de leur maladie
est essentielle en tant que vecteur de confiance et d’estime
de soi, ce qui est “vital” pour les
maladies dont le diagnostic s’accompagne d’un vrai choc, comme c’est le cas
de la SEP », affirme-t-il.
Si les plans d’organisation des parcours de
soins élaborés depuis une vingtaine d’années pour un ensemble de maladies dans
un domaine donné prenaient insuffisamment en compte les spécificités propres
30 | LE CONCOURS MéDICAL à chacune de ces maladies, « le dernier
Plan maladies neurodégénératives 20142019 comble cette lacune, reprenant un
axe prôné depuis quelques années par
la Fondation ARSEP : la création de centres experts régionaux ou inter-régionaux
labellisés SEP. Un progrès considérable aura été accompli à la
condition que ces centres s’orientent vers une véritable prise en
charge globale du patient, à la fois
concrète et de proximité, depuis
le diagnostic précoce et son corollaire,
le temps d’annonce et l’esquisse du parcours de soins en présence des proches,
jusqu’à la prise en charge des soins spécialisés et le suivi personnalisé », selon le
vice-président de l’ARSEP.
In fine, associer les patients à la structuration
des parcours de soins est une orientation
DR
Lors des manifestations sportives régulièrement organisées depuis
cinq ans au profit de la Fondation ARSEP (http://www.arsep.org/),
les nombreux retours d’expérience recueillis auprès des malades et de
leur entourage font apparaître la nécessité de développer les dispositifs
visant à autonomiser les patients atteints de sclérose en plaques (SEP),
souligne Bernard Gentric, vice-président de la Fondation ARSEP.
Vice-président de la Fondation ARSEP,
Bernard Gentric ([email protected])
a travaillé au ministère de la Santé pendant trois ans
et a été membre du CA de l’Association de gestion
du fonds pour l’insertion des personnes handicapées
(Agefiph) pendant dix ans. Il est lui-même atteint de
sclérose en plaques.
fondamentale, figurant dans le Plan maladies
neurodégénératives 2014-2019 : « Croiser
l’expérience empirique du patient avec celle
du neurologue est essentiel d’autant plus
qu’il s’agit de maladies complexes comme
la SEP », insiste-t-il. •
Bernard Gentric déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
tome 137 | n° 3 | mars 2015
étape
3
Sclérose en plaques
Le médecin du travail face au risque
de désinsertion professionnelle
Pr Sophie Fantoni-Quinton ([email protected]), CHRU Lille, UF pathologies professionnelles et maintien dans l’emploi-employabilité, université Lille-2,
Centre de droit et perspectives du droit, EA 4487
En raison de l’âge jeune des patients, de son caractère chronique et récidivant, des atteintes multifocales, de
l’évolution vers une forme progressive dans la moitié des cas, la sclérose en plaques (SEP) a des conséquences
socioprofessionnelles variables. Ces conséquences sont fonction de multiples facteurs et notamment du stade
de la maladie, des troubles associés, des traitements et de la façon dont ils sont supportés, des comorbidités, de
la formation initiale, du type et des conditions d’emploi occupé, etc. La sévérité de l’incapacité et des troubles
cognitifs est souvent prédictive de la perte d’emploi. Si tous les domaines d’activité sont a priori ouverts aux
patients porteurs d’une SEP, certains métiers peuvent parfois être ou devenir difficiles à occuper pour ces
patients. À ceci, il faut ajouter que le monde du travail est de plus en plus exigeant et on y attend des qualités de
polyvalence, de productivité, de performance ainsi que des capacités d’adaptation toujours plus grandes.
L’
actuel marché du travail, très déprimé,
achève de compliquer la situation en rendant plus difficile l’insertion ou la réinsertion professionnelle en cas de perte d’emploi. C’est
pourquoi le maintien en emploi a une importance
capitale quand on est titulaire d’un emploi. Pourtant,
et même si les chiffres diffèrent beaucoup d’une étude
à l’autre, et malgré les évolutions thérapeutiques, la
désinsertion professionnelle atteint rapidement des
taux importants, avec la moitié des patients perdant
leur emploi entre neuf et quinze ans après le début
de la SEP, et ce, parfois indépendamment d’une réelle
perte de capacité de travail. Cela invite à préciser le
rôle central du médecin du travail et de son équipe
pluridisciplinaire dans la prévention de la désinsertion professionnelle, en coopération avec les autres
professionnels de santé et de maintien en emploi.
les contraintes du poste, en tenant compte des vulnérabilités particulières du salarié, et se positionne
sur l’avis d’(in)aptitude. Étant le conseiller du salarié, le médecin du travail va prescrire la périodicité
d’un suivi de santé adapté, de façon à accompagner
le plus précocement possible les évolutions de la
maladie. Le salarié peut par ailleurs voir le médecin
du travail quand il le souhaite, qu’il soit en arrêt de
travail ou pas. Si la pathologie survient ou s’aggrave
Le médecin du travail : mobilisable tout
au long de la vie professionnelle
alors que le contrat est déjà en cours de réalisation,
il est alors plus aisé d’obtenir une adaptation du
poste de travail par l’intermédiaire du médecin du
travail (art. L4624-1 du code du travail). En effet, à
ce moment, la rupture d’un contrat de travail devra
alors s’appuyer sur un motif réel et sérieux que ne
constitue pas, en soi, une altération de la santé.
En dehors du suivi de santé qu’il peut faire en
collaboration avec des infirmiers de santé au travail, le médecin du travail a également une action
en milieu de travail avec son équipe pluridisciplinaire. Ceci notamment pour évaluer les exigences,
La réforme de la santé au travail de 2011 a renforcé la mission de maintien en emploi des services
de santé, des médecins du travail et de leurs équipes
pluridisciplinaires. Il existe en ce domaine un véritable
enjeu d’efficacité et de précocité de prise en charge.
Le médecin intervient à plusieurs moments de la
vie du salarié, et il est le seul habilité à pouvoir émettre un avis d’(in)aptitude au poste de travail. Il s’assure, à l’embauche, et lors de chaque visite médicale,
de l’adéquation de l’état de santé du travailleur avec
tome 137 | n° 3 | mars 2015 Un patient sur deux perd son emploi
neuf à quinze ans après le début de
la SEP
LE CONCOURS MéDICAL | 31
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Le cas
particulier des
fonctionnaires
Les fonctionnaires des
fonctions publiques
d’État, hospitalières
et territoriales ont des
statuts particuliers et
ne répondent pas aux
règles des salariés
du privé, ni pour leur
contrat de travail, ni
pour les questions d’aptitude ou d’inaptitude,
ni pour leurs droits à
congés, ni pour les risques de licenciement.
À leur entrée dans la
fonction publique, les
futurs fonctionnaires
doivent être déclarés
aptes à la fonction par
un médecin agréé, et
même s’ils présentent
une pathologie, dès lors
que celle-ci est compatible avec l’exercice de la
fonction, elle n’est pas
forcément incompatible avec une aptitude.
En cours d’exercice,
leur statut leur permet de se voir octroyer
des congés spéciaux
par l’intermédiaire du
comité médical.
Si les droits statutaires
aux congés des fonctionnaires sont spécifiques par rapport
aux salariés du privé,
en revanche le rôle du
médecin du travail ou
de prévention reste,
dans ses grandes
lignes, identique.
32 | LE CONCOURS MéDICAL la pénibilité des postes, des horaires de travail, et
il peut proposer, sur la base de sa connaissance
du milieu de travail, un aménagement physique
ou organisationnel du poste ou d’autres mesures
permettant le maintien dans l’emploi.
En cas de dégradation de l’état de santé, et après
que l’on ait étudié au fur et à mesure toutes les possibilités d’aménagement du poste de travail, si le salarié ne peut plus occuper son poste antérieur, une
décision d’inaptitude peut être prise avec le médecin du travail. L’employeur aura alors un mois pour
rechercher activement une solution de reclassement
(en lien avec le médecin du travail), et à défaut il
licenciera le salarié avec des indemnités au prorata
de son ancienneté. Le salarié qui serait licencié en cas
d’impossibilité de reclassement peut s’inscrire à Pôleemploi s’il est encore en capacité de travailler.
Dans tous les cas, la reconnaissance de travailleur
handicapé est cruciale car celle-ci permet de mobiliser des aides financières et matérielles pour que le
salarié soit maintenu en emploi (grâce notamment
aux cellules de maintien dans l’emploi) ou aidé dans
sa démarche de réinsertion.
Le médecin du travail est aussi le conseiller de l’employeur, dans le respect du secret médical : il établit une
relation de confiance avec le salarié et il pourra ainsi
mieux faire accepter les absences et autres nécessités
d’adaptation du travail. Il réexamine régulièrement les
ambiances de travail, les contraintes des postes.
Intérêt des coopérations avec les autres
acteurs de maintien en emploi
Tout au long de l’évolution de la maladie, il est
évident que si des difficultés en lien avec celle-ci
surviennent au travail, des échanges dans le respect
des règles déontologiques, entre les différents professionnels de santé qui prennent en charge le salarié,
sont très utiles.
L’équipe soignante qui suit le patient sera ainsi en
mesure de préciser le pronostic, les capacités fonctionnelles et cognitives du salarié, données nécessaires pour la mobilisation des aides adéquates pour le
maintien en emploi.
En cas d’arrêt de travail prolongé ou répété,
les coopérations avec le médecin-conseil, la mise
en place des visites de préreprise afin d’anticiper
le retour au travail paraissent fondamentales, de
même qu’une articulation précoce avec les personnes ressources du maintien en emploi, internes et
externes au service de santé au travail, et au besoin
les services sociaux. Cette visite de préreprise est
désormais systématique au-delà de trois mois d’arrêt et pourra être demandée auprès du médecin
du travail par le médecin-conseil de l’Assurance
maladie, le médecin traitant ou le salarié lui-même,
directement auprès du service de santé au travail.
À l’issue d’un arrêt de travail, mais désormais aussi
(depuis la loi de financement de la Sécurité sociale
pour 2012) sans arrêt de travail à temps complet
en cas d’affection de longue durée, un temps partiel
thérapeutique (TPT) peut être prescrit par le médecin traitant, à condition que l’employeur l’accepte (à
noter que la Caisse d’assurance maladie ne notifie
plus l’acceptation). Ce TPT est modulable en fonction
de l’état de santé du salarié et a pour vocation une
réadaptation progressive au travail, ce qui explique
qu’il est limité dans le temps. Le médecin du travail
préconisera son organisation, et l’Assurance maladie
versera une indemnité journalière pour le temps non
travaillé.
Par ailleurs, si un salarié se trouve dans l’incapacité
totale ou partielle de travailler, il peut prétendre à
une pension d’invalidité de l’Assurance maladie, sous
réserve de présenter une incapacité de travail d’au
moins les deux tiers (et d’autres conditions administratives). Cette pension est attribuable indépendamment d’un arrêt de travail, et si elle n’est pas limitée
dans le temps, elle est cependant révisable.
Nécessité d’anticipation
et d’interdisciplinarité avec l’accord
du patient/salarié
Plusieurs constats s’imposent : au-delà des situations où la personne atteinte de SEP ne peut pas
ou plus travailler, il existe de nombreuses difficultés
d’insertion et de maintien dans l’emploi, même en
présence d’une forme de SEP compatible avec le
travail. Ceci en raison notamment des craintes des
employeurs, des collègues, du manque de soutien de
l’entourage professionnel, du regard et des représentations des autres qui ont parfois du mal à comprendre une telle pathologie et l’asthénie qu’elle génère.
Il existe par ailleurs une méconnaissance des
outils, des acteurs et des droits de chacun qui pourraient aider à un meilleur maintien en emploi.
Il faut surtout retenir qu’il y a une vraie nécessité
d’anticipation, d’évaluation et d’échanges interdisciplinaires et de coopération (neurologue, psychologue, médecin traitant et médecin du travail) avec
l’accord du patient/salarié pour prévenir la désinsertion professionnelle. •
tome 137 | n° 3 | mars 2015
étape
3
Sclérose en plaques
Rééducation et réadaptation :
maintenir qualité de vie et vie sociale
Dr Michèle Mane ([email protected]), Dr Lucie Gagneur, Pr Philippe Thoumie, service de rééducation neuro-orthopédique,
hôpital Rothschild, Paris
Jusqu’à il y a quelques années, la prise en charge en médecine physique et de réadaptation n’était pas proposée
aux patients atteints de sclérose en plaques (SEP). Actuellement, elle est devenue indispensable, complémentaire
des prises en charge neurologiques, quel qu’en soit le stade. Les facettes d’expression de la SEP étant multiples, la
prise en charge en rééducation revêtira des modalités de réalisation très différentes selon les formes ou les stades,
et malheureusement quelquefois des limites laissant la place à la réadaptation exclusive avec parfois utilisation de la
domotique. La SEP affectant la qualité de vie physique, psychologique et sociale des patients, l’objectif est de réduire
les incapacités et le handicap et de maintenir le plus longtemps possible l’autonomie dans la vie quotidienne.
L
es techniques utilisées ne sont pas spécifiques
de cette pathologie, utilisant la composante
multidisciplinaire commune aux différentes
pathologies neurologiques mais avec des adaptations liées aux caractéristiques de la SEP, notamment la fatigabilité et le caractère évolutif.
Quand et comment proposer la prise en
charge ?
• Il n’y a pas de limites temporelles à la mise
en œuvre de la rééducation, laquelle doit de toute
façon être précoce et adaptée aux objectifs qui
sont fonction de l’Expanded Disability Status
Scale (EDSS) (encadré 1), du profil évolutif et
du mode de vie.
D’après les recommandations de la HAS(1), la rééducation doit être mise en œuvre, y compris pour
des EDSS bas, dès qu’apparaît une gêne quelle qu’en
soit l’expression, et tout au long de son évolution.
La prise en charge a sa place à chaque stade évolutif
de la maladie, lors des poussées et en dehors des
poussées, à la fois pour prévenir les complications
et entretenir les acquis.
• Il n’y a pas de spécificité dans les limites par
rapport aux autres pathologies neurologiques. Mais
la motivation est le critère primordial garant d’une
efficacité des programmes de rééducation. Des syndromes dépressifs sévères peuvent être des facteurs
limitants. C’est pourquoi une évaluation est indispensable, avec élaboration d’un projet de soins cohérent,
par rapport à des objectifs réalistes auxquels le patient
adhère, sans le laisser imaginer des résultats autres
que ceux définis. Un contrat d’objectifs clairement
énoncé permet d’éviter des déceptions après des
tome 137 | n° 3 | mars 2015 prises en charge que les patients ont idéalisées. Les
troubles cognitifs sévères, en particulier les atteintes
mnésiques avec atteinte des capacités d’apprentissage, sont une limite aux programmes d’éducation
thérapeutique et aux séjours de rééducation.
• Le programme proposé doit être en adéquation
avec un contrat d’objectif qui va s’adapter dans le
temps(2).
1) Lors d’une poussée, la prise en charge est
réduite et limitée à des séances de kinésithérapie
d’entretien. L’objectif est surtout de limiter les complications neuro-orthopédiques de type rétractions
et de lutter contre la spasticité. La prise en charge
fait appel à des techniques passives de mobilisation
musculaire et articulaire. La fatigue et le déconditionnement qu’elle entraîne sont au premier plan.
2) Après une poussée, la prise en charge
s’oriente vers un travail de récupération ou bien de
compensation.
3) Entre les poussées, l’objectif est à la fois de
maintenir un état fonctionnel optimal et de prévenir
les complications.
4) À distance, devant des séquelles ou lors des
formes à évolution progressive, l’objectif est de préserver les différentes fonctions (de type préhension,
déambulation, transferts) en optimisant l’ensemble
des capacités résiduelles, en visant une marche sécurisée le plus longtemps possible avec évaluation des
besoins d’aides techniques et diminution du risque
de chute.
• La prise en charge par un kinésithérapeute de
ville est la base de départ et sera le fil conducteur
alternant avec l’ensemble des autres programmes
proposés. L’objectif est que la kinésithérapie soit
LE CONCOURS MéDICAL | 33
1
2
3
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
1. Adaptation de la rééducations selon l’EDSS
EDSS entre 1 et 4
C’est souvent la fatigue qui est au
premier plan, avec une boiterie qui
se démasque au-delà d’un périmètre
de marche propre au patient. Cette
fatigue et le déconditionnement
qu’elle entraîne sont une des premières cibles de la prise en charge en
médecine physique et des programmes d’éducation thérapeutique. Le
renforcement musculaire contribue
à la gestion de la fatigue, et la pratique d’une activité physique régulière
aérobie est nécessaire au maintien
des acquis. Les patients doivent
apprendre à reconnaître les signes
avant-coureurs de cette fatigue,
spécifiques à chacun mais souvent
reproductibles, avec mise en place de
stratégies. L’activité physique régulière prend toute sa place dans les
programmes de reconditionnement.
EDSS entre 4 et 6
Le tableau classique associe un
trouble de la marche et de l’équilibre, une hypertonie spastique et
une réduction du périmètre de marche. La prise en charge est axée sur
l’auto-entretien avec les auto-étirements, les exercices musculaires et
le travail de l’équilibre. Un traitement
complémentaire de la spasticité doit
être proposé (traitements oraux ou
injections de toxine botulique). L’objectif est d’optimiser la marche avec
des orthèses de type releveur ou une
canne pour augmenter le périmètre
de déplacement. La fatigue est gérée
par le fractionnement. L’objectif est
d’offrir une marche sécurisée le plus
longtemps possible et de déterminer
les besoins d’aides techniques.
EDSS entre 6,5 et 7
Il s’agit classiquement des formes
paraparétiques, sensitive ou cérébelleuse. La marche n’est possible
que sur quelques pas, le fauteuil
roulant manuel est indispensable.
L’objectif de la prise en charge est
la lutte contre la spasticité, source
de douleur et d’attitudes vicieuses,
l’entretien musculaire des chefs restant, le travail de l’équilibre debout
mais aussi assis et, surtout, le travail du relevé de chute, de la préhension et de la marche. C’est la gestion
au quotidien de la fatigue chez ces
patients qui fait se poser la question de l’aide technique à la marche,
voire du fauteuil roulant. Le refus
fréquent du patient est le reflet de
sa crainte devant l’aggravation neurologique. L’image négative de ces
différentes aides à la déambulation
doit être dédramatisée en insistant
sur l’épargne énergétique qu’elles
représentent, afin d’en faire « plus,
plus longtemps ». Les entretiens doivent être multipliés et parfois élargis à la présence de la famille pour
en expliquer l’intérêt. L’objectif est
d’éviter la désocialisation, et c’est
souvent le fauteuil roulant manuel
ou électrique qui va permettre de
associée à des exercices d’auto-prise en charge, qui
sont la base à toute éducation thérapeutique(3). Afin
d’intensifier les programmes et de faire apparaître
l’aspect multidisciplinaire, des séjours de rééducation peuvent être proposés. Ces séjours sont de règle
lorsque la pluridisciplinarité est requise, notamment
s’il y a besoin d’intervention des ergothérapeutes,
profession peu disponible en libéral. D’autre part, l’association à la kinésithérapie des autres rééducateurs
que sont les orthophonistes, les psychologues et bien
sûr les ergothérapeutes requiert des déplacements
multiples pour suivre les programmes de rééducation et entraîne des difficultés d’organisation dans le
temps et dans l’espace. Les structures de médecine
physique regroupant ces différents thérapeutes permettent de simplifier la prise en charge Cette unité
de lieu est souvent le premier motif de ces séjours.
Le choix s’oriente soit vers des séjours en hospitalisation de jour, soit en hospitalisation complète ou de
semaine (encadré 2, p. X).
• L’évaluation de l’environnement, le conseil et
la mise en place des aides techniques, l’éventuelle
visite à domicile par les ergothérapeutes et l’évaluation médico-sociale complètent la prise en charge
34 | LE CONCOURS MéDICAL refaire sortir un patient. Le fauteuil
électrique ou scooter peut parfois
être envisagé précocement pour
éviter la fatigue liée à la sollicitation
des membres supérieurs.
EDSS supérieur à 7,5
Ce sont les formes tétraparétiques
ou cérébelleuse sévères, au stade
de la perte de la marche, et c’est
l’indication permanente du fauteuil
manuel, voire électrique. Le travail
de l’équilibre assis en kinésithérapie
reste indiqué avec la prévention des
complications. L’objectif est le maintien des possibilités de déplacement,
incluant les transferts lit-fauteuil. Le
rôle des ergothérapeutes est primordial à ce stade avec l’évaluation
environnementale, l’adaptation de
la commande du joystick du fauteuil
roulant électrique, avec nécessité
parfois de déplacer la commande en
mentonnière ou têtière. C’est également parfois la place de la domotique
et du contrôle de l’environnement.
rééducative classique, afin de permettre le maintien
au domicile de ces patients dépendants.
Principes et techniques spécifiques
de rééducation
Les principes sont les mêmes que pour d’autres
pathologies neurologiques, associant la prise en
charge de la spasticité, du déficit moteur, des troubles de l’équilibre et le travail de la marche et de la
préhension.
Prise en charge du contrôle moteur
Le déficit moteur est accessible à un renforcement
sans aggravation de la spasticité ni de la fatigue(5). Des
exercices d’éveil moteur ont pour objectif de stimuler la plasticité cérébrale. Le contrôle du tonus est
fondamental, et l’objectif est de maintenir l’équilibre
des actions agonistes et antagonistes. Dans les cas où
la commande analytique reste de bonne qualité, le
travail d’amélioration de la force permet d’enchaîner
par le travail de l’endurance(6). Les exercices de base
sont réalisés à la fois lors de la prise en charge avec
le kinésithérapeute ou l’ergothérapeute mais doivent
idéalement être renouvelés en dehors des séances
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
pour être auto-entretenus. Il n’y a pas d’exercices spécifiques de la SEP, mais il existe des indications particulières, comme le renforcement des ischio-jambiers
pour lutter contre un recurvatum. Ce renforcement
musculaire fait appel à des mobilisations actives en
utilisant l’actif aidé analytique, pour initier les séances,
p uis s’orientant secondairement sur le travail en position de fonction, équilibre, marche, préhension etc.
L’utilisation du travail avec assistance robotisée, que
ce soit du membre supérieur ou bien de la marche,
fait partie des nouvelles technologies(7, 8).
Prise en charge de la spasticité
Pour l’inhibition de l’hypertonie spastique, les
étirements musculaires passifs à vitesse lente sont
à la base de tout programme. La prise en charge
s’oriente vers l’inhibition de cette hypertonie spastique, lorsqu’elle existe car elle va gêner les mouvements volontaires, et le renforcement musculaire.
Ces étirements doivent être réalisés par le kinésithérapeute ou l’ergothérapeute mais également par
le patient en dehors des séances sur la base d’autoétirement. Ces étirements doivent être maintenus
même en cas de traitement médicamenteux par voie
générale type baclofène ou de traitement focaux de
type injection de toxine botulique. Dans ce dernier
cas, les muscles injectés doivent d’autant plus être
étirés pour une potentialisation des effets.
Prise en charge des syndromes cérébelleux
Elle est axée à la fois sur le travail de la coordination avec un travail debout, pour corriger l’attitude
cérébelleuse, et un travail assis sur plan instable.
L’objectif est le travail des synergies, la récupération d’une stratégie de hanche, des exercices de
relaxation et un travail de l’image de soi. L’utilisation
d’aides techniques, type déambulateur lesté, voire
lestage des membres supérieurs, apporte quelques
résultats mais souvent décevants.
Prise en charge des déficiences neurosensorielles
Après un bilan détaillé, le travail s’oriente vers la
prise de conscience initiale du trouble pour en stimuler les sensibilités restantes et augmenter la vigilance
sensitive, développer les compensations sensorielles
avec simulation sensitive et proprioceptive.
Prise en charge du trouble de la marche et du
trouble de l’équilibre
L’origine de ce trouble est multifactorielle (sensorielle, visuelle, proprioceptive ou vestibulaire),
tome 137 | n° 3 | mars 2015 liée à l’atteinte motrice et aux complications
orthopédiques. Sa prise en charge est donc
multisensorielle, faisant appel à des techniques
complémentaires de stimulation des afférences
visuelles et proprioceptives, associées à des exercices classiques de travail de l’équilibre statique
et dynamique avec renforcement et endurance,
afin de réduire le risque de chutes(9). Le trouble
de la marche est la résultante d’anomalies intriquées : atteinte spastique, paralytique, ataxique,
(proprioceptive visuelle ou vestibulaire) et/ou
cérébelleuse. La prise en charge sera axée sur
ces différentes déficiences avec en complément
un travail fonctionnel de la marche avec ou sans
l’aide technique adéquat (cannes, orthèses releveurs ou anti–recurvatum, etc.).
Évaluation et prise en charge de la fatigue
et du déconditionnement
La fatigue est fréquente et précoce, et parfois
une plainte isolée dans des formes modérées à
EDSS bas. Liée à la maladie elle-même, elle est
majorée par le déconditionnement qui en résulte.
Elle n’est pas une limite à la rééducation et, au
contraire, l’apprentissage de sa gestion fait partie
des programmes d’éducation thérapeutique avec
de bons résultats(10-12). Certaines conditions doivent être néanmoins respectées lors des séances
de rééducation, avec une montée en intensité très
progressive et alternance de temps de repos, ce
qui pose le problème de la durée des séances en
kinésithérapie de ville. L’activité doit être fractionnée en deçà du seuil de fatigue et les aides techniques doivent être proposées lorsqu’elles facilitent la réduction de la dépense énergétique. Ce
fractionnement est un frein aux prises en charge
libérales isolées dans les programmes de reconditionnement à l’effort et doit impérativement être
complété par des exercices d’auto-prise en charge
rendant le patient autonome dans sa rééducation
à l’effort. Cette fatigue, très précoce, ne disparaît pas pour autant au cours de l’évolution et va
concerner aussi les formes très évoluées même
chez les patients dépendants. C’est le temps de
maintien au fauteuil, la réalisation des transferts
qui sont concernés. Le fractionnement peut se
décliner de la même façon avec des exercices
de verticalisation progressifs, du renforcement
relayé par du travail passif ou des exercices de
type entraînement assistés passifs ou actifs aidés
ou robotisés.
LE CONCOURS MéDICAL | 35
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
2. Hospitalisation de jour vs hospitalisation complète
ou de semaine
À EDSS équivalent, il n’y a pas de différences dans les résultats de ces deux types
de prise en charge (4).
• L’hospitalisation de jour permet d’éviter les ruptures avec le milieu familial et social.
Néanmoins, la rupture avec le milieu professionnel est souvent nécessaire car, même
si ces programmes ne sont pas quotidiens, la fatigabilité de ce mode de prise en
charge impose des temps de repos lors des journées d’inactivité. C’est d’ailleurs cette
fatigabilité qui est à l’origine des limites à ce type d’intervention chez certains patients,
faisant plutôt s’orienter vers l’hospitalisation complète ou de semaine.
• La durée médiane des séjours en hospitalisation est de l’ordre de trois à quatre
semaines avec ou sans retour au domicile le week-end. Ce choix est plutôt fait lorsque
le périmètre de marche est inférieur à 100 m, lorsque les chutes sont fréquentes,
avec des difficultés lors des transferts. L’hospitalisation complète s’impose pour les
EDSS élevés supérieurs à 7 avec dégradation fonctionnelle récente ou si l’éloignement
géographique rend les trajets incompatibles avec une prise en charge ambulatoire.
La réadaptation à l’effort va comprendre des
exercices à visée cardiorespiratoire, musculaire
et fonctionnelle, s’inspirant des programmes d’entraînement de sportifs. Par exemple, marche sur
tapis pour optimiser les capacités neuromusculaires à un moindre coût énergétique(13).
Réadaptation et domotique
Les auteurs déclarent…
La médecine physique et de réadaptation comprend également l’adoption de moyens de compensation humains et matériels, pour compenser
la perte d’autonomie, maintenir l’accessibilité
du logement, de l’environnement, des véhicules,
l’adaptation de la scolarité dans les formes très
précoces ou, lorsqu’il est souhaité, le maintien
d’une activité professionnelle. L’utilisation de la
canne comme première aide technique fait partie
de la première étape dans la réadaptation. Les
aménagements horaires, l’adaptation du poste de
1. Conférence de consensus. La sclérose
en plaques. Jeudi 7 et vendredi 8 juin 2001
Amphithéâtre Charcot, hôpital de La PitiéSalpêtrière, Paris. www.has-sante.fr
2. Octaviat JR, Coninx K. Adaptive
personalized training games for individual
and collaborative rehabilitation of people
with multiple sclerosis. BioMed Research
International 2014 (2014), article ID 345728,
22 pages.
3. Mayo NE, Bayley M, et al. The rôle of
exercise in modifying outcomes for people
with multiple sclerosis a randomized trial.
BMC Neurol 2013;13:69.
4. Aydin T, Sariyidiz A, Guler M, et al.
Evaluation of the effectiveness of home
based or hospital based calisthenic
36 | LE CONCOURS MéDICAL exercises in patients with multiple
sclerosis. Eur Rev Med Pharmacol Sci
2014;18(8):1189-98.
5. Ickman K, Simoens F, Nijs J, et al.
Recovery of peripheral muscle function from
fatiguing exercise and daily physical activity
level in patients with multiple sclerosis: a
case control study. Clin Neurol Neurosurg
2014;122:97-105.
6. Heine M, Hoogervorst EL, Hacking HG,
et al. Validity of maximal exercise testing
in people with multiple sclerosis and low
to moderate levels of disability. Phys Ther
2014;94:1168-75.
7. Bastiaens H, Alders G, Feys P, et al.
Facilitating robot-assisted training in MS
patients with arm paresis: a procedure to
travail ou du domicile, l’aide aux transports ne sont
pas spécifiques et se conjuguent de la même façon
dans l’ensemble des pathologies neurologiques
entraînant un handicap. C’est également la place
de la domotique, avec le contrôle environnemental
du domicile, comme la commande des portes ou
volets, la gestion de la lumière, etc. Une des limites de ces adaptations est l’obstacle financier. Les
assistantes sociales ont donc un rôle fondamental,
et le travail se fait en lien avec les maisons départementales du handicap (voir article p. X).
Le travail en réseau, fondement
d’un parcours de soins cohérent
C’est depuis un peu moins de quinze ans que
l’on a vu la médecine physique s’intéresser plus
spécifiquement à la SEP. La prise en charge de cette
pathologie s’est, en peu de temps, considérablement
modifiée, avec à la fois l’essor des thérapeutiques
médicamenteuses et, en parallèle, des programmes
de rééducation dans des structures spécialisées
en médecine physique. C’est d’ailleurs le travail en
réseau entre médecin traitant, neurologue, médecin
de médecine physique et rééducateurs libéraux qui
est la base fondamentale du parcours de soins cohérent pour le bénéfice du patient. Néanmoins, en
complément des différentes techniques (renforcement, stimulation proprioceptive ou réentraînement
à l’effort), la reprise d’une activité physique adaptée
régulière (ou au moins des exercices d’auto-prise en
charge simples) doit être intégrée par les patients
après une éducation thérapeutique. Le caractère
évolutif de cette maladie doit aussi faire aborder la
notion d’aide technique par le patient et sa famille
afin de la dédramatiser et la faire accepter. L’objectif principal et de maintenir une qualité de vie à
l’intérieur du domicile et d’en permettre la sortie
pour le maintien d’une vie sociale. •
individually determine gravity compensation.
Rehabilitation Robotics (ICORR) 2011 IEEE Int
Conf Rehabil:june 29-july 1;2011
8. Ruiz J, Labas MP, Triche EW, et al.
Combination of robot-assisted and
conventional body-weight-supported treadmill
training improves gait in persons with
multiple sclerosis: a pilot study. J Neurol phys
Ther 2013;37(4):187-93.
9. Nilsagard YE, Von Koch LC, Nilsson M, et
al. Balance exercise program reduced falls in
people with multiple sclerosis- a single group
pretest posttest trial. Arch Phys Med Rehabil
2014;95:2428-34.
10- Miho A, Finlayson ML. Meta-analysis of
three different types of fatigue management
interventions for people with multiple
sclerosis; exercise, education and medication.
Mult scler int.volume 2014 (2014), Article
ID262350, 13 pages
11. Pilutti LA, Greenlee TA, Moti RW, et
al. Effects of exercises training on fatigue
in multiple sclerosis: a meta-analysis.
Psychosom Med 2013;75(6):575-80.
12. Brichetto G, Rinaldi S, Spallarossa P, et
al. Efficacy of physical therapy in multiple
sclerosis as measured with the modified
fatigue impact scale and ambulation index:
a retrospective study. Neurorehabilitation
2013;33(1):107-12.
13. Gallien P, Nicolas B, Robineau S, et
al L’entrainement physique et la sclérose
en plaques. Ann Readapt Med Phys
2007;50(6):373-6,369-72.
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
Dix-sept réseaux, un objectif majeur :
l’approche globale de la maladie
Dr Véronique de Burghgraeve ([email protected]), directrice Réseau SEP-Bretagne
Les réseaux SEP ont pour objectif de favoriser et de coordonner
l’accès aux soins du patient, de le rendre acteur et partenaire
dans la prise en charge de sa maladie, de développer une approche
globale à la fois médicale et psychosociale des conséquences au
quotidien de la sclérose en plaques (SEP).
D
ix-sept réseaux sont repartis sur le territoire
français (voir carte), regroupant les professionnels de santé mais aussi ceux du secteur
psychosocial ; ils collaborent également avec les
associations de patients et ils sont, pour la plupart,
reconnus par les tutelles de santé.
L’organisation de ces structures diffère selon
les régions : certains réseaux disposent d’équipes
mobiles se déplaçant au domicile des patients,
d’autres ont plutôt renforcé la prise en charge
de proximité en créant un maillage de professionnels impliqués et formés à la prise en charge
de la SEP.
Ces actions vers les professionnels sont centrées sur l’homogénéisation des pratiques, le
développement de la formation, de la recherche,
la mise en place de filières de soins qui permettent d’avoir accès, en fonction des besoins, aux
neurologues, aux médecins de médecine physique
et de réadaptation mais aussi aux centres experts,
et aux consultations multidisciplinaires.
Les actions destinées aux professionnels
Elles proposent :
– des réunions de concertation pour discuter des
dossiers de patients, le recours si nécessaire aux
consultations d’expertise ;
– des procédures et protocoles (protocole de corticoïdes, procédure d’IRM, procédure de réentraînement à l’effort…) ;
– des formations destinées aux professionnels
médicaux et paramédicaux ;
– un accès facilité aux essais thérapeutiques ; les
réseaux peuvent même fournir le terreau pour leur
mise en place (ainsi, le réseau SEP-Bretagne a montré la non-infériorité de l’administration per os de
tome 137 | n° 3 | mars 2015 méthylprednisolone pour
le traitement des poussées de SEP*) ;
– une participation au
recueil des données des
patients selon une base
spécifique EDMUS (voir
encadré p. X) qui permet
des études fondamentales
pour comprendre l’évolution de la maladie.
Les actions destinées
aux patients
Elles sont multiples :
– séances d’éducation thérapeutique fondées sur des programmes validés
par les ARS, pour la mise en place des traitements
de fond (apprentissage des auto-injections), des
auto-sondages, pour la connaissance et la gestion
des différents symptômes de la maladie ;
– réunions d’information et d’échange avec les
patients et leurs accompagnements ;
– mise en place de soutien psychologique, groupe
de parole, accompagnement pour le maintien dans
l’emploi en proposant une rencontre avec une
assistante sociale, des consultations multidisciplinaires ;
– des séjours de répit pour soulager les accompagnants en cas de handicap sévère. •
L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
* Le Page E, Veillard D, Laplaud VD, et al. Efficacy and safety of oral versus
intravenous high-dose methylprednisolone in multiple sclerosis relapses,
a randomized double blind trial (COPOUSEP). Presented at: 2014 Joint
ACTRIMSECTRIMS Meeting; September 2014; Boston, MA. PS9.3
LE CONCOURS MéDICAL | 37
{
PARCOURS DE SOINS
Sclérose en plaques
Une clinique rennaise spécialisée,
inspirée du modèle canadien
Pr Gilles Edan ([email protected]), Dr Emmanuelle Le Page, service de neurologie, CHU Rennes
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie complexe, lourde de conséquences d’un point de vue social,
familial, professionnel. Elle s’exprime cliniquement de façon hétérogène, et devant la diversité des atteintes
le neurologue seul est souvent démuni. Ne pas prendre en charge uniquement la maladie mais le malade dans
sa globalité et rassembler autour de lui les compétences nécessaires pour répondre au mieux à ses besoins,
tel est le concept que nous avons essayé de développer à Rennes en créant, en novembre 1996, la première
clinique de la SEP en France dont la conception s’inspire fortement des « MS clinics » canadiennes.
P
1. Recrutement
essentiellement
régional des
patients dans
l’ouest
de la France
• Département d’Illeet-Vilaine : environ
30 %
• Région GrandOuest (Bretagne,
Basse-Normandie,
Mayenne, Sarthe,
Pays de la Loire,
Vendée) : 60 %
• Autres
départements : 10 %
• 80 % des patients
sont adressés par
leur neurologue, les
autres venant à la
demande de leur
médecin traitant
38 | LE CONCOURS MéDICAL lusieurs circonstances ont conduit à développer au CHU de Rennes une prise en charge
spécifique de cette affection au sein d’une
« clinique de la SEP» dont le recrutement est essentiellement régional (encadré 1) :
– une raison « historique » : depuis sa création,
le service de neurologie du CHU de Rennes a été
reconnu comme un centre spécialisé pour la prise
en charge de la SEP ;
– une demande des patients et de leurs médecins
traitants : cette maladie complexe aux conséquences multiples nécessite une approche multidisciplinaire. Ce type d’approche a été validé dans
les pays anglo-saxons, notamment au Canada, où
des cliniques se sont développées sur l’ensemble
du territoire ;
– participer à la recherche : recueillir des données
parfaitement fiables, ce que permet l’organisation
en clinique spécialisée.
Une complémentarité avec le réseau
de soins habituel du patient
La clinique fonctionne tous les mardis de 8 h
45 à 18 h. Les patients venant pour la première
fois doivent être adressés par leur neurologue
et/ou leur médecin traitant de façon à disposer
de toutes les informations nécessaires à l’analyse
de leur situation (courriers, résultats d’examens
complémentaires, IRM) et à inscrire clairement
cette consultation dans un réseau de soins dans
lequel le neurologue habituel et le généraliste
gardent une place essentielle.
Lorsque les patients sont suivis par un neurologue, c’est lui qui prend les décisions médicales et
assure le suivi. Nous lui demandons de nous tenir
informés de l’évolution de la maladie et des décisions prises. Les patients peuvent être revus à la
clinique de la SEP une fois par an avec l’accord de
leurs correspondants médicaux, cette structure
proposant une aide à la décision thérapeutique et
une prise en charge pluridisciplinaire lorsque la
situation du patient le justifie.
Analyse collégiale au terme
de toute demi-journée de consultation
Lors de la prise de rendez-vous, le patient reçoit
certaines explications concernant le déroulement de
la consultation : présence et rôle de chaque intervenant, consultation avec le neurologue d’une durée
d’une heure et à la suite de celle-ci programmation
possible d’une consultation avec un autre spécialiste. La durée de présence à la clinique peut
donc varier d’une à plusieurs heures. Un patient
qui voit plusieurs spécialistes dans la journée est
accueilli en hôpital de jour, un repas étant prévu
le midi. Lorsque l’attente doit se prolonger, un lit
est gardé en hôpital de jour pour les patients le
plus lourdement handicapés.
Chaque demi-journée se termine par une réunion de l’ensemble de l’équipe pour permettre
une analyse collégiale de la situation de chaque
patient.
L’équipe pluridisciplinaire réunit dix corps
de métier
Huit neurologues (exerçant au CHU, en secteur
libéral, en centres hospitaliers généraux) assurent
une consultation d’une heure. Dans le cas d’un
premier contact, le neurologue retrace l’histoire de
la maladie, puis pratique un examen neurologique.
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
Il discute ensuite avec le patient et sa famille. Le
médecin interroge le patient sur divers problèmes
pouvant interférer dans sa vie quotidienne : fatigue, moral, douleurs, troubles urinaires et sexuels.
Le patient peut ainsi exprimer ses difficultés, le
neurologue évaluant la situation et orientant le
patient vers un autre intervenant si besoin.
Souvent, les patients viennent pour un avis
thérapeutique, le neurologue propose et discute
les différents traitements adaptés au cas par cas,
mais c’est le neurologue traitant qui prescrira le
traitement et en assurera le suivi.
Dix rééducateurs (travaillant à la clinique de la SEP,
venant du CHU de Rennes, des centres de rééducation mutualiste de Bretagne et d’un hôpital général)
assurent la consultation de rééducation fonctionnelle. L’objectif est de faire le point sur les différentes
techniques permettant de restaurer une fonction, de
développer des systèmes de compensation et d’apprendre à vivre avec un handicap. Spécialisés dans la
prise en charge des patients atteints de SEP, ils prennent également en charge les troubles sphinctériens
et sexuels liés à la maladie. Lors de la consultation,
le médecin évalue la situation, élabore un projet de
rééducation et adresse le patient au rééducateur le
plus proche de son domicile. Les rééducateurs de la
clinique de la SEP ont mis en place un réseau avec
leurs collègues du Grand-Ouest, ce qui assure une
prise en charge continue et optimale des patients.
Le neuro-ophtalmologiste examine tout primo-consultant afin d’apprécier l’importance d’éventuels
troubles visuels ou l’existence d’atteintes oculaires infracliniques. Cet examen servira d’examen de
référence. Si besoin, l’ophtalmologiste voit aussi les
patients à la suite de la consultation avec le neurologue. Il s’agit d’examens ophtalmologiques simples,
avec parfois la réalisation d’un champ visuel.
Les psychiatres assurent une consultation permettant au patient d’exprimer ses difficultés, voire
sa souffrance, de faire le point avec le médecin
qui conseillera une éventuelle orientation thérapeutique (prise en charge par un psychiatre, un
psychologue, prescription médicamenteuse).
L’assistante sociale répond aux questions
concernant la prise en charge des soins, les droits
au travail, l’éventuelle réorientation professionnelle ainsi que les aides et prestations diverses
dont le patient peut bénéficier à domicile. Cette
consultation est surtout un temps d’écoute et
d’analyse des besoins dans le but d’une meilleure
information et orientation.
tome 137 | n° 3 | mars 2015 La diététicienne analyse les habitudes alimentaires du patient et répond aux questions pour
parvenir à une alimentation équilibrée ; la consultation dure une heure.
La généticienne travaille sur un ou deux programmes nationaux de recherche sur la susceptibilité génétique de la SEP auxquels la clinique
de la SEP participe. Les patients répondant aux
critères de l’une ou l’autre de ces études sont vus
en consultation. Le médecin explique l’intérêt et
le déroulement de ces recherches, les bénéfices
attendus et les contraintes, en précisant que la
participation à ces recherches est volontaire.
L’épidémiologiste supervise le recueil des données
médicales grâce au dossier informatisé European
Databse for MUltiple Sclerosis (EDMUS, encadré
2) spécifique à la SEP. Deux secrétaires centralisent
les demandes, planifient les consultations, envoient
les rendez-vous et les informations et préparent les
dossiers pour la consultation. Elles recueillent les
données administratives et planifient les rendezvous à partir d’un parcours proposé par le neurologue responsable de la clinique de la SEP. Les jours
suivants, elles envoient les comptes rendus aux
différents correspondants médicaux.
Quatre infirmières attachées de recherche clinique s’occupent plus particulièrement de l’information au patient concernant les essais thérapeutiques et de l’organisation de la clinique.
Elles accueillent tous les consultants avant la
visite avec le neurologue. Ce temps d’écoute et
de parole est essentiel pour le patient. Il permet
de déceler des problèmes pas toujours évoqués
dans le dossier médical, de faire une première
évaluation, de transmettre l’information au neurologue et éventuellement d’orienter le patient
vers un autre intervenant.
La clinique de la SEP fonctionne depuis maintenant dix-huit ans. Vingt patients y viennent
chaque semaine (environ 800 patients par an).
Cette structure s’inscrit de plus dans une démarche régionale de réseaux de soins (voir article
p. X) mais reste fragile du fait de l’absence de
dotation financière spécifique attribuée au CHU
de Rennes. Le Plan national maladies neurodégénératives 2014-2019 pourrait lui assurer la
pérennité, attendue par l’ensemble de l’équipe
et des patients et peut-être diffuser son mode de
fonctionnement vers chacun des grands centres
experts qui prendront en charge la SEP. •
2. À propos
de l’EDMUS
Le dossier EDMUS utilisé dans plusieurs pays
européens permet de
centraliser des données
standardisées au niveau
de l’Europe et est un
outil indispensable pour
toute activité d’évaluation et toute recherche
collaborative. Actuellement, plus de 5 000
patients ont un dossier
EDMUS. La validation
de chacun de ces dossiers est assurée par un
technicien de recherche
clinique supervisé par
un épidémiologiste qui
analyse l’ensemble des
données.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêt.
LE CONCOURS MéDICAL | 39
PARCOURS DE SOINS
{
entretien
Sclérose en plaques
Le design du parcours de soins reste
imposé par l’évolutivité de la maladie
Propos recueillis par Brigitte Némirovsky
Depuis les années 1994-1995, avec la mise à disposition des premiers traitements de la SEP, des progrès
importants dans la prise en charge sanitaire et médicosociale des patients ont été accomplis. Cependant,
dans sa forme progressive, la SEP reste « une maladie orpheline de traitement », selon le Pr Michel Clanet
(unité de neurologie générale et maladies inflammatoires du système nerveux, pôle neurosciences, hôpital
Pierre-Paul-Riquet, CHU de Toulouse), président du comité de suivi du Plan maladies neurodégénératives
2014-2019. L’organisation des parcours de soins doit intégrer cette logique chronologique.
DR
L
Pr Michel Clanet
es progrès thérapeutiques ne doivent pas être
uniquement lus au nombre de médicaments
car « la problématique d’une maladie neurodégénérative demeure pour la SEP avec deux phases d’évolution », explique le Pr Clanet. Au début
de la maladie et dans la période présymptomatique, une phase inflammatoire avec des poussées,
liées à des mécanismes inflammatoires d’origine
immunologique contre lesquels les traitements ont
un impact. « Mais malgré ces traitements il n’est
pas possible de manière absolument certaine de
transformer l’évolution de la maladie et en particulier d’éviter la deuxième phase de la maladie,
la phase progressive », déplore-t-il. La situation
correspond alors à celle d’une maladie orpheline de traitement, avec, comme dans les autres
maladies neurodégénératives, des restrictions,
des incapacités et un handicap plus ou moins
progressif. « L’accompagnement psychologique
et médicosocial, le soin symptomatique sont alors
des moments clé au cours desquels l’ensemble
du réseau des professionnels concernés doit être
à la fois compétent et coordonné. »
Aucun traitement disponible dans la forme
progressive
Effectivement, poursuit le Pr Clanet, « il y a eu
des progrès thérapeutiques mais ceux-ci n’empêchent toujours pas cette évolution vers une forme
progressive. Aucun épidémiologiste sérieux n’est
aujourd’hui capable de dire que l’on a changé grâce
à nos traitements l’histoire naturelle de la SEP.
Dans la phase progressive, aucun des traitements
n’est pour l’heure efficace ». C’est pourquoi une
alliance internationale (International progressive
MS alliance [www//.progressivemsallaince.org/])
40 | LE CONCOURS MéDICAL vient de se créer autour de la forme progressive de
la SEP à des fins de recherche thérapeutique.
Le parcours de soins du patient se décline dans
cette logique chronologique car même si tous les
patients ne deviennent pas progressifs ils sont
encore beaucoup trop nombreux : « Certains étant
non répondeurs à la thérapeutique, même aux traitements de plus en plus lourds et agressifs, avec
des risques thérapeutiques élevés (alemtuzumab,
natalizumab, mitoxantrone, etc.) qui permettent
d’obtenir des rémissions sans toutefois empêcher
la maladie de progresser », regrette le Pr Clanet, en
faisant référence à un article paru très récemment
dans Lancet Neurology*. Ce travail qui retrace la
neuropathologie de la SEP, « une maladie dégénérative dès le début de l’évolution », présente les
deux hypothèses physiopathologiques actuellement retenues : « Même si le concept qui prévaut
aujourd’hui considère l’inflammation comme la
cause de la dégénérescence nerveuse (hypothèse
“outside in”), selon laquelle en agissant sur l’inflammation on prévient la dégénérescence, l’autre
hypothèse reste encore en débat (“hypothèse
Inside out”) ; selon cette dernière, l’inflammation
accompagnerait les phénomènes de dégénérescence au niveau des cellules nerveuses mais ne
serait pas le mécanisme initial de la maladie ».
Des traitements immunologiques
au médicament protecteur de l’axone
L’industrie du médicament continue à développer
des traitements immunologiques, soit immunomodulateurs, soit immunosuppresseurs, avec plus
de sélectivité, mais l’offre pharmacologique reste
dans le registre de traitements immunologiques
qui n’ont aucun effet lors de la phase progressive
tome 137 | n° 3 | mars 2015
Sclérose en plaques
de la maladie. Celle-ci apparaît après dix à quinze
ans d’évolution (comme l’a montré l’équipe du Pr
Christian Confavreux), à partir d’un certain niveau
de handicap (EDSS 4), dès lors que les patients
commencent à avoir des troubles de la marche. « La
maladie, qu’elle soit primaire progressive ou secondairement progressive, quel que soit le nombre de
poussées antérieures, évolue alors de la même
façon, inexorablement vers une évolution progressive », précise le Pr Clanet. « L’objectif qui doit être
poursuivi par la recherche est d’empêcher cette
évolution par une approche thérapeutique le plus
tôt possible et la plus forte possible pour contrer
les effets de l’inflammation… mais il faudra aussi
réussir à prévenir la phase progressive en protégeant l’axone. Cette vision pragmatique permet de
savoir où doit aller l’innovation thérapeutique dans
cette maladie », assure-t-il.
Réunir les moyens d’une alliance thérapeutique
et d’un accompagnement global évolutif
L’entrée dans le parcours de soins, au moment du
diagnostic, ne se situe en général pas au début de
la maladie (60 à 70 % des patients ayant déjà plusieurs lésions sur l’IRM). « Ce moment-là doit s’attacher à créer au plus vite l’alliance thérapeutique en
réunissant les moyens de l’annonce diagnostique,
les outils d’éducation thérapeutique qui permettent au patient de s’autonomiser dans la prise en
charge puisque les traitements sont compliqués.
Il faut donc pouvoir mobiliser
les ressources humaines pour
l’éducation thérapeutique et
l’accompagnement psychologique. » Pour les étapes suivantes du parcours, une prise
en charge spécialisée doit être
prévue pour adapter le traitement en fonction de l’évolution et suivant l’éventualité
d’événements neurologiques
générant des restrictions ou
des incapacités. « L’objectif est alors de s’appuyer
sur les professionnels à même d’apporter un soin
purement symptomatique adapté aux événements
considérés », insiste le Pr Clanet, avant de poursuivre : « La SEP n’est pas seulement une maladie au
seul sens sanitaire du terme, elle retentit aussi sur
la personne, sur sa vie professionnelle, familiale,
avec des situations de rupture qu’il faut s’efforcer
de prévenir par un accompagnement et une aide
tome 137 | n° 3 | mars 2015 puisés dans l’environnement du patient (le territoire, selon le terme administratif) ».
Ainsi, pour les nombreux patients qui entrent dans
la phase progressive avec des restrictions d’autonomie de plus en plus importantes (polyhandicap
avec des troubles cognitifs, moteurs, sensoriels,
vésico-sphinctériens), un accompagnement multidisciplinaire est nécessaire, par des personnes
compétentes en réadaptation, en aides techniques
et en accompagnement médicosocial. « La nécessité
d’une coordination de parcours de soins complexes
pour éviter les ruptures s’impose, avec pour objectif le maintien des patients dans leur environnement. Cela sous-entend, au-delà du binôme neurologue-médecin généraliste, pivot de l’ensemble,
d’organiser le tissu environnemental sanitaire et
médico-social pour mobiliser les ressources humaines nécessaires (infirmières, aides à domicile…) et
aussi de prévoir des secteurs d’hébergement temporaire de répit et d’accompagnement, ce qui est une
déclinaison commune à l’ensemble des maladies
neurodégénératives. »
Bientôt une vingtaine de centres experts
labellisés SEP
« Pour optimiser le parcours de soins de la SEP, il
faut créer des pôles de ressources régionaux pour
apporter la compétence pluriprofessionnelle dans
les territoires. Ce type d’organisation permet d’exporter l’expertise vers l’environnement proche des
patients ».
Le Plan maladies neurodégénératives 2014-2019
tient compte de tous ces impératifs avec une
volonté d’intégration sanitaire et médicosociale.
Mais sur le terrain, cette volonté se heurte à beaucoup d’obstacles : millefeuilles médicosociaux
dans les organisations, divers types d’intervenants,
coordinations pas toujours optimales, difficultés de
communication entre les différents intervenants. «
C’est tout cela qu’il faut développer pour aller vers
les conditions d’accompagnement sanitaires et
médicosociales souhaitables. Comme cela a été
fait pour la maladie d’Alzheimer (avec les centres
mémoire de ressources et de recherche, CM2R) et
pour la maladie de Parkinson, le plan prévoit de
labelliser une vingtaine de centres experts SEP qui
seront les centres de recours autour desquels s’organisera au niveau régional le parcours de soins
de la personne atteinte de SEP. » •
Michel Clanet ([email protected]) déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
* Mahad DH, Trapp BD, Lassmann
H, et al. Pathological mechanisms
in progressive multiple sclerosis.
Lancet Neurology 2015;14:183-93.
LE CONCOURS MéDICAL | 41