André Bélisle Cinquante ans de caricatures en environnement

Transcription

André Bélisle Cinquante ans de caricatures en environnement
André Bélisle, ancien monteur de lignes électriques et travailleur forestier à ses
heures, a fondé l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
(AQLPA) en 1982 avec d'autres militant.e.s. Premier groupe écologiste voué à
l’éducation populaire, l’AQLPA a gagné bien des batailles et est devenue depuis
une force politique incontournable. André Bélisle vit à Frampton, en Beauce, avec
sa compagne dans la vie comme au travail, Jocelyne Lachapelle.
25 $ / 19 €
Cinquante ans de caricatures en environnement
André Bélisle, président et cofondateur de l’Association québécoise de lutte contre la pollution
atmosphérique (AQLPA), est de toutes les luttes
environnementales depuis une trentaine d'années, des pluies acides aux gaz de schiste, en
passant par la centrale du Suroît et le programme
d’inspection des vieux véhicules. Dans une volonté
de transmettre l'histoire de ces luttes et d'expliquer
les défis qu'il nous reste encore à relever, le militant
écologiste a rassemblé ici quelque 130 caricatures traitant de la question environnementale qui ont été publiées au
cours des 50 dernières années dans différents journaux québécois
et canadiens.
Cette revue humoristique de l’actualité environnementale, fruit d'une collaboration avec le Musée McCord, illustre merveilleusement l’évolution de la société
québécoise à cet égard. La pollution atmosphérique, l'incendie des barils de BPC
à Saint-Basile-le-Grand, le déluge du Saguenay, le grand verglas, l'exploitation
forestière, mais aussi le réchauffement climatique, la saga du mont Orford, le
développement éolien ou les inondations de la rivière Richelieu : rien n'échappe à
l'œil (et au crayon) aiguisé des caricaturistes !
Dans cet ouvrage, revoyez les œuvres des Aislin (The Gazette), Bado (Le Droit),
Beaudet et Pier (Le Journal de Montréal), Chapleau (Le Devoir et La Presse), Fleg
(Le Soleil et Yahoo! Québec), Garnotte (Le Devoir), Godin (Voir et Sympatico) et
d'autres. Regroupées par thématique environnementale, elles sont accompagnées
d'un texte présentant le contexte historique et les principaux enjeux du dossier. Elles
sont aussi commentées par André Bélisle qui, page après page, révèle des anecdotes liées à son expérience de militant dans les coulisses du pouvoir. Un témoignage
unique qui éclaire avec un humour mordant l'histoire des luttes environnementales
d'ici et d'ailleurs.
À l'heure où la crise écologique fait craindre le pire pour l'avenir de notre planète,
prenons le temps de rire « en vert et contre tout »...
André Bélisle
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André Bélisle
Cinquante ans de caricatures
en environnement
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Cinquante ans de caricatures
en environnement
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André Bélisle
de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
Cinquante ans de caricatures
en environnement
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CoordinAtion éditoriAle : Barbara Caretta-debays
Aide à lA reCherChe et rédACtion : Gabrielle tremblay et Jasmine Gaudreau
trAduCtion : Geneviève Boulanger
GrAphisme : louise-Andrée lauzière
© les éditions écosociété, 2015
dépôt légal: 2e trimestre 2015
isBn : 978-2-89719-201-3
Ce livre est disponible en format numérique.
les éditions tiennent à remercier l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQlpA), innergex, sanimax et recyclage ecosolutions
pour leur soutien financier dans la réalisation de cet ouvrage.
CAtAloGAGe AvAnt puBliCAtion de BiBliothèQue et ArChives nAtionAles du QuéBeC
BiBliothèQue et ArChives CAnAdA
et
Bélisle, André, 1954Cinquante ans de caricatures en environnement
Comprend du texte en anglais.
isBn 978-2-89719-201-3
1. environnementalisme - Québec (province) - Caricatures et dessins
humoristiques. 2. environnementalisme - Québec (province) - histoire. 3.
humour par l'image québécois. i. titre.
Ge199.C3B44 2015 333.7209714
C2015-940549-1
nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication. nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos
activités d’édition.
nous remercions le gouvernement du Québec de son soutien financier par
l’entremise du programme de crédits d’impôt pour l’édition de livres (gestion
sodeC) et la sodeC pour son soutien financier.
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Table des matières
Mot de l'éditrice – Que de chemin parcouru..., par Barbara Caretta-debays.................... 9
Préface – La caricature au service de l'environnement, par Christian vachon .................. 11
introduction – Il faut bien rire un peu, par André Bélisle.................................................. 13
1 – les années 1960............................................................................................................. 15
2 – la pollution atmosphérique et les pluies acides .................................................. 21
3 – l'incendie des BPc ....................................................................................................... 41
4 – les années 1990 ............................................................................................................ 45
5 – le déluge du Saguenay ................................................................................................ 59
6 – le grand verglas............................................................................................................ 63
7 – l'exploitation forestière .............................................................................................. 71
8 – le réchauffement climatique.................................................................................... 83
9 – la saga du mont orford............................................................................................. 113
10 – le développement éolien ......................................................................................... 119
11 – la poursuite-bâillon contre l'aQlPa .................................................................... 125
12 – la crise des algues bleu-vert ................................................................................... 129
13 – la bataille du gaz de schiste .................................................................................... 137
14 – les inondations de la rivière richelieu................................................................ 161
15 – la marée noire de BP ................................................................................................ 167
référenceS ........................................................................................................................... 173
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MoT de l’édiTriCe
Que de chemin parcouru...
les éditions éCosoCiété ont ACCueilli avec
enthousiasme le projet de livre rassemblant 50
ans de caricatures en environnement que nous
ont proposé Jocelyne lachapelle et André Bélisle,
de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQlpA). pour une maison
d'édition spécialisée dans l'essai, il s'agissait d'un
projet totalement original, hors norme, qui correspondait en même temps parfaitement à notre
mission éditoriale de « témoigner des luttes d'ici
et d'ailleurs » en matière d'écologie.
la collection de caricatures du musée mcCord
est d'une richesse inestimable. Art de la transgression, la caricature relève les travers et bouscule les convenances de la société qu'elle met en
scène, mais avec humour. C'est une œuvre qui se
suffit à elle-même : quelques coups de crayon
crayon et le message passe ! on rit, on grince des
dents, on réfléchit. sélectionner et agencer une
série de caricatures traitant de la question environnementale a donc été un extraordinaire révélateur de l'histoire des luttes que les militant.e.s
écologistes d'ici ont menées au cours des 50 dernières années.
André Bélisle, président et cofondateur de
l'AQlpA, est certainement une figure de proue
de ce mouvement écologiste qui, depuis des
années, se bat avec ardeur et conviction pour
éveiller les consciences et faire évoluer la société
vers un plus grand respect de la nature. nous en
avons bien besoin. et si les caricatures auraient
pu se suffire à elles-mêmes, le livre que vous
tenez entre vos mains n'aurait pas la même
teneur sans l'apport exceptionnel d'André. sa
vaste expérience de militant écologiste, sa connaissance approfondie des dossiers environnementaux, son impressionnante mémoire des
événements de même que son regard aiguisé et
humoristique constituent la trame même du récit
qui accompagne, page après page, les caricatures
de cet ouvrage.
la production de ce livre a été en elle-même
une belle aventure, et je me sens privilégiée d'avoir
pu passer de nombreuses heures avec André à
l'écouter parler des différents enjeux environnementaux, certes, mais aussi raconter les anecdotes qui ont émaillé ses nombreuses batailles
politiques. Que de chemin parcouru... dans cet
ouvrage, les caricatures sont présentées par thématique environnementale et, dans la mesure du
possible, en ordre chronologique. un texte de facture plus journalistique expose d'abord les enjeux
et rappelle les grands événements qui sont liés à
chacune d'entre elles. suivent les caricatures
elles-mêmes, éclairées de commentaires à saveur
plus éditoriale d'André qui ont été rédigés sur la
base de ses écrits et d'entretiens.
Ce travail n'aurait pas été possible sans la
contribution de plusieurs personnes et organismes
que nous tenons ici à remercier chaleureusement :
les caricaturistes eux-mêmes, bien sûr, sans qui
cet ouvrage n'aurait pas pu exister, mais aussi
Christian vachon et le musée mcCord qui ont si
généreusement mis leurs œuvres à notre disposition ; toute l'équipe de l'AQlpA, en particulier
Jocelyne lachapelle et André Bélisle avec qui j'ai
eu beaucoup de plaisir à travailler ; Jasmine
Gaudreau et Gabrielle tremblay, les deux « fées »
qui m'ont été d'un précieux secours à la recherche
et la rédaction ; Geneviève Boulanger, pour la
traduction ; louise-Andrée lauzière, pour sa créativité graphique sans cesse renouvelée et ses
réflexions judicieuses ; michel vézina, pour la correction d'épreuves ; toute l'équipe d'écosociété,
mes complices du quotidien ; ainsi que nos commanditaires, innergex, sanimax et recyclage écosolutions, qui ont mis de la couleur dans ce projet.
maintenant, rions un peu ! « parce que rire est une
si jolie façon de montrer les dents », comme disent
les Zapartistes...
BArBArA CArettA-deBAys
mot de l’éditriCe – Q u e
d e C he m in pArC o u ru ...
9
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PréFACe
la caricature au service de l’environnement
lA Question de l’environnement commence
à occuper un certain espace médiatique dès
que s’impose l’idée de sa dégradation, au cours
des années 1960. la caricature éditoriale alimente à sa manière cette prise de conscience
croissante des enjeux environnementaux.
médium graphique d’une grande efficacité
communicationnelle, la caricature en dit souvent plus long qu’un éditorial sur les conséquences d’un désastre écologique. l’image
parle d’abord aux sens et aux émotions, et cela
beaucoup plus rapidement qu’un texte. l’instantanéité de sa perception en décuple l’impact
et favorise sa mémorisation. en commentant
l’actualité avec humour et sarcasme, le caricaturiste provoque aussi la discussion, attise la
controverse et suscite une réflexion sur les
situations qu’il dénonce. Au cours des récentes
décennies, la sensibilisation de la population à
la protection de l’environnement devient, fort
heureusement, un sujet de prédilection pour le
dessin de presse canadien. vous le constaterez
ici.
le musée mcCord est heureux de contribuer au débat entourant la préservation de
l'environnement naturel du Québec par le
biais de sa riche collection de caricatures éditoriales. Fort de sa politique de développement durable, il était tout naturel que
l’institution souligne le 30e anniversaire de
l’AQlpA en mettant ses archives à sa disposition. musée d’histoire sociale établi à montréal
en 1921, le mcCord préserve une collection de
dessins satiriques couvrant plus de deux siècles et demi d’histoire canadienne. Composée
d’environ 35 000 caricatures originales, cette
collection permet d’illustrer l’évolution de la
société québécoise ainsi que de l’opinion
publique. elle représente une ressource appréciable pour les chercheurs et les historiens
dans le domaine des sciences humaines et
sociales.
de par la nature plutôt locale de la collection, la majeure partie des caricatures retenues dans cet ouvrage ont été publiées dans les
quotidiens montréalais La Presse, Le Devoir,
Le Journal de Montréal et The Gazette. elles
sont l’œuvre des Chapleau, Garnotte, pier et
Aislin, des vétérans caricaturistes qui égaient
l’actualité depuis déjà une quarantaine d’années. la sélection comprend ensuite des dessins provenant de la région de Québec.
mentionnons Fleg, qui œuvra simultanément
au quotidien Le Soleil et pour la version québécoise du site Yahoo!. on retrouve des caricatures publiées dans les journaux ontariens
Le Droit, The Globe and Mail et le Toronto
Star. Ces dessins sont signés respectivement
par Bado, Anthony Jenkins et le regretté
duncan macpherson, autant de caricaturistes
éditorialistes aguerris qui ont marqué l’histoire de la caricature canadienne moderne.
Cette revue humoristique de l’actualité
environnementale du Québec illustre la plupart des luttes majeures menées par l’AQlpA
au cours de son existence. pour faciliter leur
préFACe – l A
C AriC Atu re Au s e rviC e d e l ’ e n viro n n e m e n t
11
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S. CHAPLEAU, 7 JOURS, 1993,
M996.10.197 © MUSÉE MCCORD
compréhension, les dessins sont contextualisés par le président et cofondateur André
Bélisle. si la caricature fait d’abord rire, elle
possède également le pouvoir de faire réagir et
de faire réfléchir. le caricaturiste politique est
bien entendu un illustrateur doublé d’un
humoriste, mais il est également un journaliste doublé d’un satiriste. ses commentaires
et ses critiques, mis en images, nous informent
sur les travers de l’actualité. de sorte que son
art peut constituer un outil d’éducation de
masse en matière de protection de l’environnement. la compilation exclusive des caricatures présentées dans ce recueil en témoigne
certainement. Au-delà du rire et de la moquerie, l’image satirique ne laisse jamais personne
indifférent.
ChristiAn vAChon
Conservateur,
Peintures, estampes et dessins
Musée McCord
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C in Q u An te
An s d e C AriC Atu re s e n e n viro n n e m e n t
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iNTrodUCTioN
il faut bien rire un peu...
C’est
AveC BeAuCoup de plAisir que j’ai
accepté de participer au projet de recueil de
caricatures que Jocelyne lachapelle, ma
blonde et compagne de lutte à l’AQlpA depuis
27 ans, m'a proposé de faire.
militante chevronnée, Jocelyne a été témoin
d’une multitude de situations rocambolesques
et absurdes en matière d'environnement. son
idée de commenter l’évolution de la question
environnementale par le biais de caricatures
permet de revisiter ces dossiers avec humour,
dans le but d’alléger l’atmosphère et d’en
mesurer à l’occasion le ridicule. elle n'a pas eu
de difficulté à me convaincre... il fallait toutefois bien plus que mes souvenirs de « vieux de
la vieille » pour réaliser ce livre.
Jocelyne, lorraine lachapelle et France
houle – autres militantes de longue date pour
la protection de l’environnement œuvrant à
l’AQlpA – ont alors découvert les nombreux
trésors que compte la collection de caricatures
du musée mcCord. Ces dessins sont d’une
valeur incalculable et je tiens à remercier chaleureusement Christian vachon, conservateur
pour les peintures, estampes et dessins du
musée mcCord, qui a collaboré à cet ouvrage.
Jocelyne a également su transmettre cette
envie de rire à l'équipe d’écosociété, notamment à élodie Comtois et à Barbara Carettadebays, avec qui je me suis bien amusé à
revivre ces « époques opaques », comme disait
richard desjardins. Ce fut donc une aventure
tordante que de revoir et de commenter les
différents dossiers qui ont marqué l’histoire
environnementale du Québec.
en terminant, je remercie aussi les caricaturistes qui travaillent d’arrache-pied à éveiller nos consciences, soit Aislin, Bado, Beaudet,
Chapleau, Collins, Fleg, Garnotte, Godin,
Jenkins, macpherson, métyvié, pier, roy,
ainsi que les médias qui leur ouvrent leurs
portes; nos chers commanditaires, innergex,
sanimax et écosolutions, qui ont rendu possible cette aventure humoristique; les éditions
écosociété, en particulier Barbara Carettadebays pour sa patience, sa grande écoute et
son apport exceptionnel à la rédaction; et finalement toute l’équipe de l’AQlpA, qui nous
soutient depuis le début de cette aventure.
Ce fut un réel plaisir de produire ce recueil
de caricatures. et ce n’est qu’un début, car il
faut bien rire un peu…
André Bélisle
Président de l'Association québécoise
de lutte contre la pollution atmosphérique
(AQLPA)
introduCtion – i l
F Au t Bie n rire u n pe u ...
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les années 1960
l'être
humAin s'interroGe depuis toujours
sur son environnement. Ainsi le philosophe
Aristote et son élève théophraste, dès le
ive siècle avant Jésus-Christ, s'intéressaient
aux animaux et à leurs relations avec l'environnement. on peut aussi retracer une forme
de conscience écologiste, surtout liée à l'idée
de simplicité volontaire, au sein de certains
courants chrétiens. il faut cependant attendre
la seconde moitié du XiXe siècle pour que
l'écologie apparaisse en tant que science. le
terme, qui vient du grec ancien oikos (« maison », « habitat ») et logos (« science », «
connaissance »), a été inventé par le biologiste
allemand ernst haeckel, en 1866, dans son
ouvrage Morphologie générale des organismes. la rapide et profonde transformation
du monde qu'entraîne la révolution industrielle inspire également une réflexion politique
et économique de l'écologie, principalement
dans le mouvement anarchiste de la fin du
XiXe siècle. Ainsi, le géographe libertaire élisée
reclus écrit, dans Du Sentiment de la nature
dans les sociétés modernes, en 1866 :
la question de savoir ce qui, dans l’œuvre de l’homme, sert à embellir ou bien
contribue à dégrader la nature extérieure peut sembler futile à des esprits
soi-disant positifs : elle n’en a pas moins
une importance de premier ordre. les
développements de l’humanité se lient
de la manière la plus intime avec la
nature environnante. une harmonie
secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés
imprudentes se permettent de porter la
main sur ce qui fait la beauté de leur
domaine, elles finissent toujours par
s’en repentir. là où le sol s’est enlaidi, là
où toute poésie a disparu du paysage, les
imaginations s’éteignent, les esprits
s’appauvrissent, la routine et la servilité
s’emparent des âmes et les disposent à
la torpeur et à la mort. parmi les causes
qui, dans l’histoire de l’humanité, ont
déjà fait disparaître tant de civilisations
successives, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec
laquelle la plupart des nations traitaient
la terre nourricière. ils abattaient les
forêts, laissaient tarir les sources et
déborder les fleuves, détérioraient les
climats, entouraient les cités de zones
marécageuses et pestilentielles ; puis,
quand la nature profanée par eux leur
était devenue hostile, ils la prenaient en
haine et, ne pouvant se retremper comme
le sauvage dans la vie des forêts, ils se
laissaient de plus en plus abrutir par le
despotisme des prêtres et des rois.
Après les deux grandes guerres mondiales
du XXe siècle, l'écologie politique va s'attarder,
au-delà de son étude des rapports entre les êtres
vivants et leur milieu naturel, à remettre en
question la société de consommation et à souligner les limites de l'anthropocentrisme, notamment grâce aux travaux du philosophe Günther
Anders. la pensée écologiste s'inscrit alors dans
les divers mouvements politiques (ouvrier,
féministe, tiers-mondiste, autogestionnaire...)
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qui éclosent au début des années 1970, dans
la foulée de mai 68 en France et du premier
choc pétrolier de 1973, avec des penseurs tels
que André Gorz, serge moscovici, ivan illich
ou murray Bookchin. en 1972, la publication
du fameux rapport du Club de rome, Les
limites à la croissance, marque également un
tournant dans la conscience écologiste : il ne
peut pas y avoir de croissance économique
infinie dans un monde fini, sous peine d'effondrement.
en Amérique du nord, la naissance du mouvement écologiste moderne est généralement
liée aux travaux de la biologiste rachel Carson,
en particulier à Silent Spring, un ouvrage publié
en 1962 qui dénonce de façon très documentée
les dangers du ddt. C’est dans les années 1960
que la population doit apprendre à composer
avec la pollution : les paysages se transforment,
les voitures se multiplient, l'eau se souille et l'air
devient irrespirable. Au Québec, ce sont surtout
les médias écrits qui vont contribuer à mettre
en relief cette problématique. selon le service
de l'information du ministère des Affaires
municipales du Québec, le nombre d'articles
consacrés à la pollution et aux grands projets
d'assainissement des eaux passe de 408, en
1968, à 587 l'année suivante. à cette époque, les
grands quotidiens commencent à se doter de
journalistes spécialisés en environnement :
François mailhot (Le Soleil), norman pascoe
(Montreal Star) et maurice Giroux (La Presse)
sont des précurseurs dans le domaine.
Bien qu'ils soient alors de plus en plus présents dans les discours des scientifiques, les
concepts d'écologie et d'environnement peinent cependant à s'imposer dans les universités québécoises. C'est d'ailleurs aux états-unis,
où il enseignera de 1950 à 1955, puis de 1961 à
1967, que l'écologue québécois pierre
dansereau peaufinera son approche philosophique et humaniste de l'environnement. il est
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reconnu aujourd'hui comme l'un des pionniers
de l'écologie contemporaine.
sur le plan politique, le gouvernement
dépend de l'expertise des scientifiques. Créé
en 1970, le Conseil québécois de l'environnement, formé de scientifiques comme michel
maldague, paul Bouchard et tony le sauteur,
cherche à répondre à ce besoin. Ce groupe de
pression sera aussi associé à la première revue
scientifique consacrée exclusivement à l'écologie, De toute urgence, fondée elle aussi en
1970.
enfin, l'organisation de certains événements
permet de mobiliser les citoyens. la Fédération
québécoise de la faune organise en novembre
1968, à montréal, le colloque « eau claire,
année zéro ». C'est l'une des premières fois que
la population peut s'exprimer sur les problématiques environnementales. en réponse aux
préoccupations de la population, l’Assemblée
nationale adopte la Loi sur la qualité de l’environnement (lQe) en 1972. désormais, la
construction d’une infrastructure pouvant causer des dommages environnementaux doit
obtenir au préalable une autorisation gouvernementale.
Air toxique/Eau empoisonnée/C'est une formule qu'on appelle « le progrès »
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JOHN COLLINS, THE GAZETTE, 1966, M965.199.1431 © MUSÉE MCCORD
Dans les années 1960-1970, le progrès, c’était la chimie, et il n’y avait aucune limite. Je me
souviens, quand j’étais à l’école, il y avait des fascicules qui s’appelaient tout connaître et qui
nous disaient, entre autres, qu’il n’y avait pas de limite à l’exploitation forestière. On croyait que
la chimie et l’industrialisation rendraient le monde riche, heureux et fort… sauf qu’on ne savait
pas de quoi on parlait et on expérimentait n’importe quoi. J’apprenais moi-même, il y a quelques
jours, que la gomme à mâcher est fabriquée à partir de dérivés de pétrole. Eh oui, ça va jusquelà ! Mais aujourd’hui, les conséquences du pétrole nous rattrapent. Dans cette première
caricature, on parle de progrès et on mélange tous les produits chimiques. Mais déjà, à ce
moment-là, des gens un peu partout dans le monde lançaient des cris d’alarme pour dire que la
chimie pouvait causer des problèmes. Et ces précurseurs, ils faisaient pas mal rire d’eux autres...
Moi, cette caricature me rappelle le drôle de film de Stanley Kubrick avec Peter Sellers, docteur
Folamour. Ici, quant à moi, c’est plutôt Docteur Folavenir qu’on voit apparaître sur ce dessin.
les
An n é e s
1960
17
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JOHN COLLINS, THE GAZETTE, 1968, M965.199.6595 © MUSÉE MCCORD
Les personnes plus âgées – et ça m’est arrivé, personnellement – rappellent souvent combien
les milieux naturels étaient plus beaux dans leur temps. Depuis, l’industrialisation a gagné du
terrain.
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