Le Ministère est au parfum - all-in-web

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Le Ministère est au parfum - all-in-web
Le Ministère
est au parfum
Exposition consacrée aux créateurs de parfums et à leur savoir-faire
du 23 janvier au 18 mars 2012
vitrines du ministère de la Culture et de la Communication,
péristyle et galerie de Valois, Paris 1er
3, rue de Valois Paris 1er
http://www.culturecommunication.gouv.fr
Le Ministère est au parfum
Exposition consacrée aux créateurs de parfums et à leur savoir-faire
du 23 janvier au 18 mars 2012
vitrines du ministère de la Culture et de la Communication,
péristyle et galerie de Valois, Paris 1er
« De grandes passions peuvent être évoquées par une odeur d’encaustique,
et des paysages de neige par un œillet voyageur (…) Non, le parfum n’est
ni snob, ni pitoyable, ni prévisible », écrit Françoise Sagan dans Il est des
parfums. L’idiome volatile des fluides olfactifs construit aussi une mémoire
du corps personnel et social, comme nous l’aura montré notamment Alain
Corbin dans Le miasme et la jonquille. Certaines fragrances sont entrées
pour toujours dans l’histoire, celle de Marie-Antoinette créée par JeanLouis Fargeon, l’eau de Cologne, ou encore « l’essence de Guerlain dans
les cheveux » de Brigitte Bardot que chante Gainsbourg. Des essences qui
colorent nos imaginaires, évoquent les souvenirs et retracent les voyages,
convoquent les absents, les arbres, les paysages, les êtres et les lieux
auxquels on les associe.
Pour la première fois, le ministère de la Culture et de la Communication
invite les parfumeurs à venir exposer leur art, où se croisent la tradition
et la création, la science et le savoir-faire, afin de mettre en valeur un
patrimoine culturel qui fascine d’autant plus qu’il reste souvent secret.
Je me réjouis particulièrement de cet événement qui met à l’honneur la
grande tradition française de la parfumerie ; à travers lui, ce sont ces
créateurs et artisans des essences que j’entends valoriser.
Je tiens à saluer le travail remarquable d’Annick Le Guérer, éminente
historienne du parfum qui a assuré le commissariat de cette exposition au
service d’un art qui porte tous les récits du monde.
Frédéric Mitterrand
Ministre de la Culture et de la Communication.
La parfumerie française, précieux patrimoine culturel
Dès le XIXe siècle, le travail du parfumeur est fortement revendiqué
comme artistique. Septimus Piesse établit des liens entre le
musicien et le compositeur de parfums qui travaille sur son
« orgue » et qui cherche des « notes », des « accords ». Harmonie
musicale et olfactive se répondent. L’écrivain Huysmans étend
l’analogie à la peinture : « Il n’était pas en somme, plus anormal
qu’un art existât, en dégageant d’odorants fluides, que d’autres, en
détachant des ondes sonores, ou en frappant de rayons diversement
colorés la rétine d’un œil ». Pourtant, les parfumeurs-compositeurs,
cachés derrière les marques et ne bénéficiant pas de la protection
intellectuelle et artistique, sont dans leur grande majorité encore
peu connus du grand public.
Cette exposition se propose de leur rendre hommage et de vous
introduire dans leur univers secret.
Annick Le Guérer
La révolution de la synthèse
Avec l’essor de la chimie organique, la fin du XIXe siècle marque un
tournant décisif. Le parfum se libère de ses origines naturelles en
associant des odeurs artificielles aux matières odorantes traditionnelles
et en développant des fragrances inédites.
À la même époque, l’écrivain Huysmans célèbre dans son roman À
Rebours l’avènement du parfumeur moderne qui se risque à s’écarter des
sentiers battus et devient ainsi un véritable créateur : « L’artiste qui oserait
emprunter à la seule nature ses éléments ne produirait qu’une oeuvre
bâtarde, sans vérité, sans style… dans la parfumerie, l’artiste achève
l’odeur initiale de la nature dont il taille la senteur, et il la montre ainsi
qu’un joaillier épure l’eau d’une pierre et la fait valoir ».
Le principe odorant de la fève Tonka, la coumarine, est obtenu par voie
synthétique, en 1868, par le chimiste William Henry Perkin. Ce produit
évoquant l’odeur douce du foin coupé, encore très utilisé aujourd’hui,
entrera, pour la première fois, en 1882, dans la fameuse Fougère Royale
créée par Paul Parquet pour Houbigant.
En 1874, Tiemann et Reimer, fabriquent industriellement le principe
olfactif de la gousse de vanille, la vanilline. Aimé Guerlain s’en servira une
quinzaine d’années après pour créer le toujours célèbre Jicky.
Au début du XXe siècle, le chimiste Darzens met au point de nouvelles
molécules odorantes longtemps inexploitées par les parfumeurs à cause
de leur violence et de leur manque de stabilité : les aldéhydes. En 1912,
Robert Bienaimé,
l’assistant de Paul Parquet les utilise en petite quantité dans Quelques
Fleurs d’Houbigant. Mais c’est Ernest Beaux qui prendra le risque d’y faire
pleinement appel dans le N°5 de Chanel, paru en 1921. Une réussite qui a
donné naissance à toute une lignée de créations.
Ernest Beaux
Né à Moscou, le 8 décembre 1881, de père français, Ernest Beaux
appartient à cette génération de parfumeurs qui va savoir tirer parti de la
révolution de la synthèse. En 1898, date de son entrée dans la parfumerie,
tout l’art consistait encore essentiellement à préparer et à mélanger un
nombre assez restreint de produits. « Jusqu’à la création industrielle de
la vanilline, de l’héliotropine, de la coumarine, du musc de Baur… les
formules étaient très simples et paraîtraient à un parfumeur d’aujourd’hui
naïves et surtout peu variées. L’on y voyait revenir : rose, géranium, bois de
rose, patchouli, girofle, bergamote, citron, néroli, petitgrain, lavande, etc. ».
En 1898, il est engagé chez Rallet, une importante société française de
parfumerie installée en Russie qui possède les méthodes et les matériels
de fabrication les plus modernes et fournit les tsars, les grandes cours
d’Europe et exporte aux confins de l’Asie occidentale et orientale l’Eau
de Cologne Russe, conditionnée dans un flacon à vodka. C’est par
l’intermédiaire du grand duc Dimitri Pavlovitch, cousin germain du tsar
Nicolas II, que Gabrielle Chanel le rencontre.
Ce n’est qu’en 1924 qu’il entre chez Chanel. Il deviendra le directeur
technique des parfums de la Maison qui lui doit outre le N°5, d’autres
créations célèbres comme le N°22 (1922), Cuir de Russie (1924), Gardénia
(1925), Bois des Iles (1926).
Les créateurs des maisons de composition
Rares sont les marques qui fabriquent elles-mêmes leurs fragrances, la plupart
confient cette tâche à des maisons de composition – Givaudan, IFF, Takasago,
Robertet, Charabot, Mane… Aujourd’hui, l’immense majorité des produits
parfumés se fait dans ces sociétés spécialisées qui attirent les compositeurs
par leurs collections très importantes de matières premières. Souvent cotées
en bourse, elles fabriquent aussi bien des parfums de luxe que de supermarché.
Michel Almeirac
Daniela Andrier
Calice Becker
Pierre Bourdon
Françoise Caron
Germaine Cellier
Il dirige l’équipe créative de
Robertet, leader mondial dans
le domaine des ingrédients
naturels. Partisan des formules
ultra-courtes et spécialiste des
orientaux, il est très reconnu
dans la profession. Ce Grassois
a créé de grands succès comme
Casmir, Chopard, Chloé, Coty
ou L’eau de Parfum, Bottega
Venetta et formé beaucoup
de professionnels importants
comme Annick Menardo, Anne
Flipo, Christine Nagel.
« Dans une société où tout est
image, le parfum, affirme-t-elle,
reste du domaine de l’invisible,
tout en étant très présent. Il a
ce pouvoir mystérieux de nous
relier à notre passé et de mettre
dans notre vie de la poésie ».
Ce parfumeur de Givaudan qui
a perdu à l’âge de 13 ans un
être cher a bien compris les
liens privilégiés qu’il entretient
avec la mémoire. « Le parfum
n’est pas superflu. Il participe
à ce raffinement civilisé qui
nous pousse à nous parer de
belles odeurs pour enchanter
autrui et laisser derrière nous,
après notre mort, un souvenir
odorant ».
Les créations dont elle est le
plus fière : Emporio She, Armani,
Envy for men, Gucci, Prada
Amber for men, Prada, Infusion
d’Iris, Prada, Infusion d’Homme,
Prada, Candy, Prada, Le monde
est beau, Kenzo.
Ce « nez », aujourd’hui chez
Givaudan, utilise une palette de
250 produits. Sa signature est
plutôt fleurie/boisée/fruitée/
crémeuse/verte. Calice évoque
avec nostalgie l’époque où tous
les parfums étaient des œuvres
d’art et où on ne leur demandait
pas d’être immédiatement
accessibles. Elle aime les beaux
ingrédients et a réalisé des
best sellers comme Tommy Girl,
Tommy Hilfiger, J’Adore, Dior,
Beyond Paradise, Estee lauder.
Sa collaboration avec Kilian
Hennessy qui depuis 2006
cherche à rendre au parfum
ses lettres de noblesse et dont
elle est « la plume » la sort des
contraintes du marché et lui
permet de créer dans la joie et
la liberté.
Ce parfumeur qui a été le
PDG de la filiale française de
Fragrance Resources et qui a
créé Cool Water de Davidoff, un
jalon novateur dans l’histoire
de la parfumerie masculine, se
définit comme un franc-tireur
de la profession. Il a prôné le
risque et l’inventivité, espérant
que les marques s’apercevraient
qu’il valait mieux lancer des
produits audacieux que des
senteurs répondant aux pseudo
tendances du moment.
Une des premières femmes
parfumeurs. Elle est passée par
l’école Roure et Takasago.
Très à l’aise dans le maniement
des fleurs blanches (son
père avait des plantations
de jasmin), elle a composé
beaucoup de floraux comme
Michèle de Balenciaga (1978),
une opulente tubéreuse. Son
Eau d’orange verte (1979), à
base de bergamote, petit grain
citronnier, mandarine, orange,
créée pour Hermès, est toujours
un grand succès.
Pour la liberté laissée aux
parfumeurs, elle aime beaucoup
travailler pour les « niches ».
La créatrice de Fracas, Robert
Piguet, entre, en 1930, chez
Roure. Cette bordelaise qui a fait
des études de chimie saura bien
utiliser les produits de synthèse.
En 1944, elle crée pour Robert
Piguet, Bandit, un chypre cuiré,
fauve, sensuel où elle a le culot
d’introduire 1% d’iso-butylquinoléine. Belle, très élégante,
libre de mœurs, elle fréquente
André Derain, Jean Cocteau et,
en véritable artiste, révolutionne
la parfumerie. Ses formules sont
concises et audacieuses. En 1945,
elle n’hésite pas à mettre dans Vent
Vert réalisé pour Pierre Balmain,
8% de galbanum. Pour ce couturier
qui l’habille, elle fait aussi Élysées
63.84, un parfum porteur du numéro
de téléphone de la maison de
couture puis, Jolie Madame (1953)
et Monsieur Balmain (1964), un
petit chef-d’œuvre en dix produits.
Une Eau d’herbes pour Hermès et
de nombreuses fragrances pour
Elizabeth Arden font partie de ses
compositions les plus connues.
Albert Delamour
Albert Delamour
Olivier Cresp
Anne Flipo
Aurélien Guichard
Antoine Lie
Nathalie Lorson
Antoine Maisondieu
Né à Grasse dans une famille
d’exploitants qui depuis le XVIIe
siècle est intimement liée à la
rose de mai et au jasmin, Olivier
Cresp, Maître parfumeur chez
Firmenich, a vécu « dans une
bulle d’odeurs ».
Sa parfumerie figurative,
concrète, « minimaliste » est
jalonnée de grands succès
comme Angel, Thierry Mugler,
Excess, Paco Rabane, Noa,
Cacharel, L’Eau par Kenzo,
Kenzo, Nina, Nina Ricci,
Cocorico, Jean-Paul Gautier.
Sa passion des odeurs de la
nature s’est éveillée très tôt,
loin du sérail grassois, dans
l’immense jardin de sa famille,
en Picardie, où elle a appris à
sentir avec les saisons.
Parmi ses nombreuses créations
chez IFF où elle est depuis 2004
figurent : La Fleur d’oranger,
L’Artisan Parfumeur, Lady
Million, Paco Rabanne, un
parfum plus puissant autour
de la fleur d’oranger, fait en
collaboration avec Dominique
Ropion et Béatrice Piguet, Tresor
Midnignt Rose, Lancôme, un
accord rose turque et framboise.
Créer un parfum, c’est créer
une émotion et cela demande,
outre de la technique, de la
sensibilité et de l’intuition.
« Nous ne sommes pas de
simples exécutants mais
des créateurs », déclare ce
compositeur qui vient d’une
famille grassoise impliquée
dans la parfumerie depuis six
générations. Son talent s’est
exprimé notamment dans Diane,
Diane Von Furstenberg, Gucci
Guilty pour Femme, Gucci Guilty
pour Homme, Madly Kenzo,
Play, Comme des Garçons,
font partie de ses nombreuses
créations.
Enfant, il a fait preuve très
tôt d’une grande sensibilité
olfactive. Il distinguait les
odeurs des jouets, des lieux,
des vêtements et sentait les
aliments avant de les porter à
sa bouche.
Aujourd’hui chez Takasago,
il aime travailler pour des
marques qui prennent des
risques. « Pour durer dans le
temps, le parfum doit être signé,
créatif, plutôt que d’être choisi à
partir des tests consommateurs
comme un shampoing ». La
parfumerie de niche a, selon lui,
le mérite de chasser un peu les
parfums transparents, faciles,
accessibles immédiatement.
En réaction à cette tendance
« hygiénique », il a composé
Sécrétions Animales (sueur,
sperme, salive, sang, lait), pour
État libre d’Orange.
Grâce à son père chimiste chez
Roure à Grasse, elle a eu tout
de suite un contact avec la
parfumerie. Depuis 2000, elle se
trouve chez Firmenich.
« Les marques dans cette
période difficile sont frileuses,
observe-t-elle. Il y a peu de
créations véritables même
si les marques de niche se
développent. Beaucoup ne
prennent pas assez de risques ».
Parmi ses créations préférées :
La Pureté de Zadig et Voltaire,
un produit marquant qui a une
vraie identité avec sa note
boisée lactée. Encre Noire de
Lalique où le vétiver est travaillé
en privilégiant son côté fumé,
boisé, plutôt que sa fraîcheur.
Ce créateur grassois vient d’une
famille qui connaissait bien les
matières premières naturelles
puisque son grand père avant
d’être le directeur de Charabot,
avait commencé chez Chiris.
Aujourd’hui où la technique, la
rentabilité, sont survalorisées
et où la distribution a de plus en
plus d’influence sur la création,
ce compositeur très sensible,
petit-fils de l’écrivain
Albert Camus, revendique
l’émotionnel : « Le nez est le
côté technique du travail du
parfumeur. C’est avec le cœur
que je fais mes parfums ».
Il a notamment à son actif :
Burberry Brit For Men, Eau de
Jade, Armani Prive, Armani
Code Masculin, Eau de Gucci,
Feerie, Van Cleef & Arpel.
Albert Delamour
Alberto Morillas
Christine Nagel
Dominique Ropion
Maître Parfumeur chez
Firmenich, il écrit ses formules
à la main pour garder intacte
son émotion et ne conçoit pas
d’élaborer un parfum sans
produits naturels mais mélangés
toujours à de belles molécules
de synthèse qu’il emprunte à
la riche gamme de sa Maison
de composition. Il est l’auteur
de très grands succès comme
Must, Cartier, CK One, Calvin
Klein, Kenzo Flower, Kenzo,
Acqua Di Gio, n°1 mondial pour
la parfumerie masculine qui
comprend des notes agrumes
et marines.
Ce compositeur, aujourd’hui
chez Mane, se définit comme
« un instrument olfactif au
service de la création. »
Lorsqu’elle rencontre des
créateurs de mode, elle
s’immerge dans leur univers,
s’en nourrit et en devient
l’expression. « Le parfum que
je leur élabore est le premier
objet de luxe de leur marque
auquel le grand public peut
avoir accès. Tout le monde n’a
pas les moyens de s’offrir une
de leurs robes. Mais lorsqu’on
achète leurs parfums, on achète
un bout de leur monde ».
À son actif figurent de
nombreuses fragrances
remarquées : Les Larmes
Sacrées de Thèbes, Eau de
Cartier et Cartier Intense,
Cartier, For her, Narciso
Rodriguez, Ambre Soie, Giorgio
Armani…
Ses connaissances
encyclopédiques des matières
premières aromatiques et sa
parfaite technique des accords
lui permettent de donner
libre cours à une inventivité
toujours maîtrisée. À la façon
d’un horloger qui démonte
et remonte les rouages d’un
mécanisme, ce parfumeur
d’IFF, soucieux du détail, est
capable d’isoler les composants
d’un produit odorant pour les
organiser ensuite à sa manière.
Il a créé notamment : Alien,
Thierry Mugler, Amaridge,
Givenchy, Very Irresistible,
Givenchy, Jungle Elephant,
Kenzo, Portrait of a Lady,
Éditions Frédéric Malle, Vetiver
Extraordinaire, Éditions Frédéric
Malle.
Maurice Roucel
Ce créateur a un parcours
atypique et complet. En 1973,
il est engagé comme chimiste
chez Chanel pour monter un
laboratoire de chromatographie.
Il a 23 ans et s’initie au métier.
Il perfectionne sa technique
pendant six autres années chez
IFF. Chez Quest où il reste douze
ans, il démarre la création puis
passe encore sept ans chez
Dragoco avant d’arriver chez
Symrise. Un long chemin…
Tocade, Révillon, 24 Faubourg,
Hermès, Envy, Gucci, Iris Sylver
Mist, Shiseido, Lalique pour
Homme, Lalique, L’instant de
Guerlain, Guerlain, font partie
de ses créations les plus
célèbres.
Yves Tanguy
Pierre Wargnye
Yves Tanguy est entré chez
Chanel en 1966 et a travaillé
avec le grand compositeur
Henri Robert. Il avait
auparavant longuement étudié
les matières premières
et les compositions aromatiques
à Grasse, à une époque
où cette ville était encore la
capitale du parfum. Il a élaboré
bon nombre de senteurs
comme : New West for Her,
Aramis, le premier aquatique,
Rykiel Homme, Sonia Rykiel,
Escape, Calvin Klein,
Orange Spice, Creed.
Après le succès considérable
de Drakkar Noir, Guy Laroche
(1982), une fougère aromatique
qui fait appel au bois, ce
créateur d’IFF est devenu
l’un des grands spécialistes
des boisés. Boss Classic,
Baldessarini, Hugo par Hugo
Boss, Pleasures For Men, Estee
Lauder, Contradiction For Men,
Calvin Klein, font partie de ses
créations masculines.
Admirateur des découvertes
de Braja Mookerjee qui captait
l’odeur de plantes rares,
difficiles d’accès, avec son head
space, un appareil qui permet
sans couper ni même froisser
le végétal de saisir sa senteur
et de l’analyser, il continue
de recourir à des fragrances
inédites recueillies par les
successeurs de ce chercheur
indien.
Les parfumeurs intégrés
Les parfumeurs maison sont aujourd’hui devenus rares. Jusqu’en 2004, Jacques
Polge chez Chanel, Jean-Michel Duriez chez Patou et Richard Fraysse chez
Caron pouvaient apparaître comme les derniers représentants d’une espèce en
voie d’extinction. Même s’il est encore prématuré de parler d’une inversion de
tendance, on relève pourtant les signes d’un retour à cette très ancienne tradition.
François Demachy
En 2006, François Demachy est
engagé par Dior comme parfumeur
intégré. Hormis un père,
pharmacien, qui fabriquait
lui-même son eau de Cologne
impériale, ce Grassois, n’avait
pas véritablement d’ancrage
dans la parfumerie. Mais dans
son enfance, il était en contact
permanent avec les senteurs du
pays et croisait les camions de
jasmin et de rose qui circulaient
dans la ville. Après avoir fait l’école
Charabot, il entre, en 1978, en
même temps que Jacques Polge,
chez Chanel et travaille 28 ans
dans cette Maison.
Depuis 2006, date de son entrée
chez Dior, il cherche à redonner
aux parfums l’excellence d’il
y a cinquante ans en mettant
dans les formules beaucoup de
produits naturels. Directeur olfactif
du groupe LVMH et parfumeurcréateur de la Maison Dior, il se
compare à un chef cuisinier qui
fait son marché pour choisir des
ingrédients de première qualité.
Aujourd’hui où tout est parfumé
et où le monde perd ses odeurs
authentiques, avoir une véritable
culture olfactive pour garder
de bons repères, lui semble
indispensable.
François Demachy qui a connu de
très grands compositeurs grassois
rappelle que ceux-ci, avec leur
approche mi rationnelle, mi
empirique, étaient détenteurs
d’un véritable savoir-faire qui a
donné naissance à la parfumerie
moderne.
La collection Escale lancée en 2008
et élaborée avec des essences
naturelles de qualité, sélectionnées
lors de ses voyages, Ambre Nuit,
Fahrenheit Absolute, le nouveau
Miss Dior,J’adore l’Or, , font partie
de ses nombreuses réalisations.
Jean-Michel Duriez
Jean-Claude Ellena
Richard Fraysse
Parfumeur maison de Patou depuis
1997, il a en charge la création
et le contrôle de la fabrication
des fragrances. Une autre de ses
fonctions consiste à sélectionner et
à acheter les matières premières
qui entrent dans les formules,
une activité très importante pour
continuer à produire à l’identique
des parfums comme Joy, très riche
en produits naturels.
Un souci d’ouverture polysensorielle
caractérise la démarche de
Jean-Michel. Passionné de
photographie et de cuisine, il cultive
cette « infidélité programmée
constructive » pour créer. Ainsi, Sira
des Indes (2006) fait appel à des
épices et à des fruits qui entrent
dans la gastronomie.
Depuis le rachat de Rochas, en
2009, par Procter & Gamble, JeanMichel Duriez est devenu aussi le
parfumeur intégré de cette Maison
fondée par Marcel Rochas.
Né à Grasse dans une famille de
parfumeurs, Jean-Claude Ellena
s’initie, sur le terrain, au métier
dès l’âge de 17 ans. Il a travaillé
chez Chiris, Roure, Créations
Aromatiques, Symrise et est
chez Hermès depuis juin 2004.
Sa réflexion sur l’« écriture » du
parfumeur conduit l’auteur
d’Un Jardin en Méditerranée,
Hermès, à affirmer que le parfum
n’est pas seulement l’expression
d’un savoir-faire mais une création
de l’esprit exécutée par un artiste.
La collection Hermessence, les
Parfums-Jardins, les Colognes,
Terre d’Hermès, font partie de ses
créations pour une Maison qui lui
permet de s’exprimer librement.
Richard Fraysse descend comme
Jean-Paul Guerlain d’une lignée
de parfumeurs. En 1998, il
devient parfumeur intégré de la
Maison Caron. Très tôt il avait été
sensibilisé aux odeurs, d’abord
par son grand père, fondateur, en
1895, à Genève des Laboratoires
Fraysse et créateur, en 1902, de
l’Eau de Cologne Yardley à la
lavande, puis par son père, auteur
du fameux Arpège. Le jeudi,
lorsqu’il n’y avait pas école, celui-ci
l’amenait avec lui à l’usine de
Nanterre et lui apprenait le métier
en lui demandant de distinguer
un lavandin d’une lavande ou
un jasmin grassois, d’un jasmin
marocain ou italien. L’enfant
trouvait l’exercice amusant, mais
le jeu était formateur et il était
mis sur la voie sans s’en douter et
sans formation extérieure. Il voyait
défiler chez lui de grands « nez »
et écoutait son père raconter
ses débuts artisanaux chez
Jeanne Lanvin dans un tout petit
laboratoire situé sous la boutique,
rue Saint-Honoré. Pour composer
Arpège, André Fraysse faisait
appel à des produits si onéreux
que la célèbre couturière lui avait
proposé d’acheter un coffre-fort
pour les mettre à l’abri. Il fabriquait
le parfum presque à l’unité pour
chaque client. Les flacons étaient
ensuite livrés par un coursier.
« C’était le tout début de la
parfumerie. Chez moi, on baignait
dedans ».
Mathilde Laurent
Jacques Polge
En février 2005, Mathilde Laurent
a rejoint Cartier comme parfumeur
intégré.
En plus de fragrances sur mesure,
s’adressant à une clientèle
très fortunée, elle a créé Inde
Mystérieuse, Roadster, Cartier de
Lune, Baiser Volé et Les Heures
Folles, en écho à la haute joaillerie
de la Maison.
Pour elle, l’audace est le secret de
la création. Utiliser un maximum
d’odeurs, même celles d’essence,
de crottin de cheval ou de « neuf »,
va dans le sens de l’inventivité et
de la parfumerie du XXIe siècle.
« On peut être créatif avec peu de
moyens mais le must, c’est d’être
créatif et d’avoir de très beaux
moyens ».
À une époque où le métier n’était
pratiquement connu que des
Grassois et où l’on était « nez »
de père en fils, Jacques Polge est
venu à la parfumerie par hasard et
non par tradition familiale. Tenté
par les propositions de Roure qui
recherche des parfumeurs pour sa
filiale américaine, il part travailler
à New York, après avoir suivi
des études de lettres à Aix-enProvence et reçu une formation de
parfumeur à Grasse dans l’école de
Jean Carles. De retour en France,
il entre chez Chanel en 1978, et
succède à Henri Robert.
À la direction du laboratoire des
parfums, il élabore les nouvelles
fragrances, sélectionne et contrôle
les matières premières entrant
Chanel-Jean-Marie del Moral
Chanel
Zhenya Minkovich- Cartier
Jean Kerléo
À la demande de Jean de Moüy,
qui avait pris la présidence de
Patou, en 1980, Jean Kerléo
s’était d’abord engagé dans
la reconstitution de 12 grands
parfums anciens de la marque,
jadis mis au point par Henri
Alméras et Henri Giboulet.
La démarche n’était pas évidente
car, même en disposant des
formules originales, encore fallait-il
rechercher des matières premières,
des bases ou spécialités d’origine,
parfois disparues. Elle réussit
cependant.
Cette attention passionnée aux
formules anciennes trouvera
une expression institutionnelle
et pérenne avec la fondation de
l’Osmothèque.
Parmi ses créations les plus
célèbres pour Jean Patou dont il a
été le parfumeur intégré pendant
plus de quarante ans : 1000, L’eau
de Patou, Ma Liberté, Sublime,
Voyageur.
dans la fabrication des essences
créées par ses prédécesseurs.
À ses yeux, le parfumeur est au
service de l’esprit d’une Maison et
se doit d’en réinterpréter le style.
Avec Chanel, cela s’est imposé à
lui comme une évidence.
Ses réalisations les plus connues
sont Anteus (1981), Coco (1984),
L’Eau de Parfum N°5 (1986),
Égoïste (1990), Égoïste Platinum
(1993), Allure (1996), Coco
Mademoiselle (1998), Allure pour
Homme (1999), Chance (2002),
les Exclusifs, l’Eau Première (2008),
Cristalle Eau Verte (2009).
Christopher Sheldrake
Thierry Wasser
Depuis 2005, il crée chez Chanel
aux côtés de Jacques Polge. Il est
né en Inde, à Madras. De son père,
spécialisé dans l’extraction des
matières premières naturelles, lui
vient son intérêt pour les senteurs.
Abandonnant son projet de devenir
architecte, il travaille chez Robertet
et passe ensuite trois ans chez
Chanel auprès de Jacques Polge
et François Demachy. En 1984,
Christopher Sheldrake entre chez
Quest, à Ashford, près de Londres,
où sont élaborées des molécules
de synthèse. Il voyage beaucoup
et découvre au Maroc l’odeur du
cèdre de l’Atlas. Cette attirance, il
la partagera plus tard avec Serge
Lutens qui l’a élu comme sa « main
d’or ». Dans son partenariat avec ce
créateur, il pratique des overdoses
de produits naturels : « Je fais
appel à la nature pour allumer mes
créations, mettre des étincelles
de vie ».
Né loin de Grasse, rien ne le
prédestinait à la parfumerie
excepté une passion pour
la botanique. Une rencontre
avec le Directeur de l’école de
Givaudan décide de son entrée
dans cette profession. Parfumeur
Maison de Guerlain, il est non
seulement responsable de la
création mais aussi de la sélection
des ingrédients et de leur
approvisionnement. Sans cesse
à la recherche de belles matières
premières, il voyage beaucoup.
« Le rythme des saisons fait partie
de la vie des parfumeurs, déclare-til ». Et quand le santal blanc indien
devient introuvable, il n’hésite pas
à en faire replanter en Asie.
Guerlain Homme, Idylle, Shalimar
parfum initial, Jasminora qui
fait appel au jasmin de Calabre
très vert et hespéridé et
Paris-Tokyo qui contient des
notes thé vert, fleuries, jasminées,
sont des senteurs dont il est
particulièrement fier.
Les créateurs indépendants
Marc-Antoine Corticchiato
François Coty (1874-1934)
Très sensible aux parfums comme
son illustre compatriote Napoléon
qui reconnaissait son île à ses
odeurs, Marc-Antoine Corticchiato
a approfondi son intérêt pour les
senteurs par la préparation d’une
thèse universitaire. Le processus
même de formation du parfum au
cœur du végétal, point de départ
de ses études d’analyse chimique,
le conduira quelques années plus
tard, à la parfumerie. La mise au
point d’une nouvelle technique
d’analyse des extraits de plantes par
Résonance Magnétique Nucléaire du
carbone 13 l’amène à « disséquer »
les matières premières naturelles.
Par ce procédé, complémentaire
de la chromatographie et de la
spectométrie de masse, il en acquiert
une connaissance très fine et peut
vérifier, lorsqu’il les achète, si elles
ont été coupées ou non avec d’autres
ingrédients. Il développe sa passion
des belles matières naturelles à
travers Parfum d’Empire, l’une des
dernières parfumeries artisanales.
L’histoire du créateur du Chypre
est celle d’un homme aussi
ambitieux qu’inventif qui connut
la plus extraordinaire réussite
avant de sombrer dans une ruine
retentissante. François Coty naît
en 1874 dans une vieille famille
d’Ajaccio. Il perd ses parents très
tôt et ses débuts dans la vie sont
difficiles. C’est en 1900, année
de l’Exposition Universelle qui se
tient au Grand Palais et qui offre
un large panorama de l’industrie et
du commerce de la parfumerie qu’il
arrive à Paris. Le jeune homme
n’est pas emballé par les parfums
exposés qu’il trouve, à quelques
exceptions près, plutôt décevants
et mal présentés.
Mais la fréquentation d’un ami
pharmacien qui confectionne sa
propre eau de Cologne, lui fait
prendre conscience de ses dons
olfactifs. Venu à Paris pour faire
de la politique, il se prend soudain
pour la parfumerie d’une passion
qui ne le quittera plus. Proposer
une parfumerie industrielle mais
cependant artistique fut son défi.
Il a été aussi le premier, en
adoptant des tarifs abordables, à la
démocratiser. « Toute femme quelle
que soit sa condition, doit pouvoir
se parfumer », répète-til. Attentif à
son époque et pressentant certains
besoins, il comprend l’intérêt de
la publicité, de la présentation et
du rapport qualité prix. « Donnez
à une femme le meilleur produit
que vous puissiez préparer,
présentez-le dans un flacon parfait,
d’une belle simplicité mais d’un
goût impeccable, faites-le payer
un prix raisonnable et ce sera
la naissance d’un commerce tel
que le monde n’en a jamais vu ».
Visionnaire et talentueux, François
Coty a su mener la parfumerie sur
des voies nouvelles. Mais la crise
des années 30 et surtout trois
passions coûteuses : la politique,
le journalisme et la bourse, sans
compter un divorce ruineux, auront
raison de lui.
Ernest Daltroff (1867-1941)
Bertrand Duchaufour
Cet homme doté d’une sensibilité
olfactive exceptionnelle est
l’auteur des nombreux chefs
d’œuvre de la Maison Caron. Créé
en 1919, son Tabac Blond continue
d’être une source d’inspiration
pour les parfumeurs. Son odeur
de cuir, due à l’isobutyl quinoléine,
évoque ce tabac de Virginie
introduit en Europe par les soldats
américains. Elle séduit tout de
suite les femmes qui revendiquent
de nouvelles libertés et fument la
cigarette.
À la fois parfumeur indépendant et
intégré chez L’Artisan Parfumeur,
Bertrand Duchaufour est l’auteur
de nombreux succès de cette
Maison.
Méchant Loup, une note
gourmande pour les hommes,
est son premier parfum pour la
marque. Patchouli Patch, Poivre
Piquant, Piment Brûlant, Timbuktu,
Fleur de Liane, Al Oudh, Nuit De
Tubéreuse, Vanille Absolument …
suivront.
Cuirée, fleurie, fruitée, sucrée, et
épicée, sa Traversée du Bosphore
nous plonge dans l’atmosphère
d’Istanbul. Son intérêt pour les
notes cuirées l’a poussé à en
mettre aussi dans Oud Shamach,
Oud for Love, Different Compagny,
dans Pleine Lune, Ann Gérard
et dans un oud très animalisé
spécialement conçu pour le marché
arabe, By Killian.
Créer aujourd’hui sans être bridé
par des contraintes de prix, de
temps, « ne plus avoir affaire à
des jeunes gens pressés qui ne
connaissent rien aux produits ni
aux vertus de la macération », lui
permet de réaliser ses rêves les
plus profonds.
Antoine de Parseval
Isabelle Doyen
Olivia Giacobetti
La rencontre d’Isabelle Doyen,
en 1985, avec Annick Goutal
a été décisive pour cette
compositrice. Elle inaugure une
longue collaboration. Ce Soir Ou
Jamais, un floral à tendance rose,
est le parfum auquel Isabelle
est le plus attachée, car c’est le
dernier parfum qu’elles ont réalisé
ensemble. Dans sa petite structure,
Aromatic Majeur, Isabelle met
aussi au point des senteurs pour
d’autres marques. Pour Les Nez,
elle vient de créer : L’antimatière et
Le Turtle Vétiver.
Olivia Giacobetti n’a pas fait
d’école spécialisée. Elle a 17 ans
quand Annick Goutal lui ouvre
les portes de la société Robertet
où elle reçoit une formation et
commence à travailler comme
assistante parfumeur. Alors qu’elle
n’a que vingt-cinq ans, elle décide
de voler de ses propres ailes et
fonde sa société Iskia. Son goût de
l’indépendance et de l’originalité
l’a conduite à travailler sur des
projets que l’on ne fait pas dans
l’urgence et qui ne sont pas
prisonniers des tendances.
Suggérer sans imposer, user de
raccourcis, aller à l’essentiel,
avoir une écriture compréhensible
pour susciter l’émotion, sont les
préoccupations d’Olivia Giacobetti
qui conclut : « c’est un acte profond
que de faire un parfum ».
La renaissance de la boutique Iunx
est pour elle une promesse de
liberté, de poésie et de modernité.
Bousculer les codes, remplacer le
marketing par l’instinct, faire appel
à la technologie pour redonner du
souffle à la créativité et renouer
avec l’appel magique du parfum
est l’objectif affiché.
Parmi ses nombreuses
compositions, elle aime tout
particulièrement : Premier Figuier
pour l’Artisan Parfumeur et
Philosykos pour Diptyque. Dzing
de l’Artisan Parfumeur, Hiris pour
Hermès, L’ether de Iunx.
Pierre Guillaume
Sylvie Jourdet
Rien ne prédestinait Pierre
Guillaume, né à Clermont-Ferrand
d’un père chimiste à devenir
parfumeur-créateur. Après des
études de chimie, il entre comme
formulateur industriel dans
l’entreprise familiale. Par le plus
grand des hasards, un exercice
de formulation qui prend pour
thème la cave à cigares de son
père va changer son destin. Il en
reconstitue l’odeur avec un accord
boisé, patchouli, ester d’acides
gras de chanvre indien, infusion de
gousse de vanille, muscade, cacao,
arômes alimentaires. Internet la
porte aux nues et Cozé devient
un best seller… Pierre Guillaume
qui avait envisagé une toute autre
activité a l’impression d’avoir été
choisi par le parfum.
Dans son magasin Haramens,
à Clermont-Ferrand, et ses 142
points de vente dans le monde,
sont vendues les 50 créations de
sa Parfumerie Générale.
Comme beaucoup de parfumeurs
indépendants, Sylvie Jourdet, née
loin de Grasse et sans relations
dans la parfumerie, a un parcours
atypique. Attirée par la formulation
cosmétique, elle commence
des études de pharmacie et fait
l’ISIP. Mais dans cette école, elle
se passionne pour le parfum, et
change de cap. Conseiller olfactif
auprès des entreprises, elle
découvre qu’il y a peu de structures
qui accueillent de jeunes artistes
sortant des sentiers battus. En
2000, elle monte son propre
laboratoire de parfumerie haut de
gamme Créassence. Il accueille
beaucoup de projets refusés
par les grandes Maisons de
compositions car présentant peu
de volume au départ et de grandes
contraintes techniques et créatives.
« Créer du sur-mesure pour de
modestes commandes. Répondre
à l’écoute de petits clients, est
mon principe ». Les signatures
olfactives de sociétés, de banques,
d’entreprises, sont aussi une
de ses spécialités. « Le parfum
véhicule l’image de la marque, ses
valeurs, son savoir-faire. De façon
créative, il traduit tout cela. »
Francis Kurkjian
À vingt-cinq ans, il crée pour
Jean-Paul Gautier, Le Mâle, une
fougère orientale qui le fait tout de
suite connaître. Plus tard, poussé
par l’envie d’exercer son métier
différemment, ce compositeur
de chez Takasago ouvre une
boutique à Paris, où sont en vente
des compositions comme Acqua
Universalis, un accord pivoine,
muguet, seringa, bergamote,
cédrat, et où il conçoit aussi des
parfums sur mesure. Travailler pour
des marques qui visent la plus
grande diffusion à travers le monde
est une facette de son métier,
élaborer un parfum unique pour
une seule personne en est une
autre. « L’esthétique des parfums
contemporains est radicalement
étrangère à celle d’il y a quinze,
vingt ans. Cette évolution ne
correspond pas au goût de tout
le monde. Ce que j’offre, c’est
une vision moderne du luxe en
parfumerie avec la qualité héritée
de la tradition ».
Femmes et hommes d’affaires
internationaux, têtes couronnées
et actrices composent l’essentiel
de sa clientèle. Francis Kurkdjan
est aujourd’hui présent dans 150
points de vente dans le monde.
Patricia de Nicolaï
C’est pour protéger le précieux
patrimoine de la parfumerie
française que Patricia de Nicolaï a
accepté depuis le départ de Jean
Kerléo, en 2007, la présidence de
l’Osmothèque de Versailles. Une
collection de plus de deux mille
parfums qu’il faut constamment
classer, réévaluer. Un conservatoire
vivant toujours en expansion, un
incontournable objet culturel qui
montre bien que la parfumerie fine
est un art. Descendante de Pierre
Guerlain, elle est née le nez dans
les grands parfums de la famille.
Souvenir de cette époque
glorieuse : Maharadjah, le best
seller de Patricia de Nicolaï, est
une évocation d’un pot pourri (un
accord patchouli, cannelle, girofle,
santal, lavande, vanille) que sa
mère offrait à ses invités.
Patricia de Nicolaï fait partie
des très rares parfumeurs
indépendants qui créent et
fabriquent leurs parfums. Elle a
aujourd’hui six boutiques à Paris
et une à Londres. Son atelier de
production se trouve près d’Orléans
dans la Cosmetic Valley. Sa petite
unité ne fait ni publicité ni de
coûteuses études marketing avant
de lancer un produit et tout l’argent
va dans les « jus ».
Ses créations préférées : Patchouli
Intense, Sacrebleu, New York,
L’Eau Mixte et l’Eau Chic.
Fabrice Olivieri
Edmond Roudnitska
L’envie de créer est venue petit à
petit au contact des parfumeurs.
En 2001, il entre chez IFF en tant
qu’assistant parfumeur, pèse les
formules, apprend le métier.
Puis, en 2002, il devient chez Quest
l’assistant de Christopher Sheldrake.
Travailler avec lui pour Serge Lutens
est riche d’enseignement.
La création, en 2005, de Trendslab
lui permet de s’installer comme
parfumeur indépendant. Dans
son atelier parisien, il met au
point ses formules. Il les transmet
ensuite au centre de production
à Grasse qui livre ses clients. Sa
démarche créative est très liée à la
sensorialité. Avec le parfum dédié
au célèbre cabaret parisien Le
Moulin Rouge, il entend évoquer :
« une odeur de velours cramoisi,
de poudre de riz virevoletante,
d’absinthe et de champagne ». Sa
parfumerie s’adresse à des marques
qui se lancent et fait appel au
naturel haut de gamme, au produits
biologiques, achetés souvent à
la source.
En 1949, il s’installe avec sa
société dans les Alpes Maritimes,
à Cabris. Dans ce décor sauvage,
face à la mer, il formulera ses
principes esthétiques sans cesser
de composer. Pour la société
Dior, Edmond Roudnitska fera
Diorama (1949), l’Eau Fraîche (1955),
Diorissimo (1956), la célèbre Eau
Sauvage (1966), Diorella (1972), Dior
Dior (1976).
Durant toute sa vie, à travers livres
et articles, il va revaloriser l’activité
du parfumeur en en faisant un art
abstrait. Le parfumeur ne compose
pas seulement avec son nez mais
avec son cerveau, affirme-t-il. De
même que Beethoven, devenu
sourd, avait donné naissance à la
Neuvième Symphonie, le créateur
qui perd l’odorat doit pouvoir
continuer de créer. Une raison
supplémentaire de revendiquer
pour ses pairs la protection du droit
d’auteur.
La Société Française des Parfumeurs, la plus grande dans
le monde puisqu’elle regroupe plus de 800 membres, a son siège 36 rue
du Parc de Clagny à Versailles. Cofondatrice de l’Osmothèque, elle a pour
but de regrouper les professionnels de l’industrie de la parfumerie en vue
de favoriser l’étude de toute question d’ordre artistique, scientifique, technique, pédagogique, historique. Promouvoir la qualité du parfum français,
défendre la créativité des parfumeurs, obtenir surtout la reconnaissance
artistique de leur statut, est sa mission.
Devant l’accès à la société de consommation de la Chine, de l’Inde, de l’Indonésie et autres pays émergents, il lui semble indispensable d’affirmer
le savoir-faire de la parfumerie française, d’encourager son renouveau et
d’anticiper les défis inédits des nouveaux marchés. Qu’elle soit remerciée
pour son aide à la réalisation de cet évènement.
L’Osmothèque de Versailles
Conservatoire des parfums unique au monde, cette banque de
données olfactives sans équivalent permet d’appréhender le
travail des créateurs et l’univers des fragrances. C’est en 1987
que l’aventure commence lorsque Jean Kerléo reconstitue
le fameux Crêpe De Chine de Millot, créé en 1925 par Jean
Desprez. L’Osmothèque est fondée en 1990 avec un groupe de
compositeurs convaincus de l’intérêt de sauver de l’oubli les
anciens chefs-d’œuvre.
L’entreprise bénéficie du soutien de trois cofondateurs : l’exComité français du Parfum, la Chambre de Commerce et de
l’Industrie de Versailles et la Société Française des Parfumeurs
qui a pour but de promouvoir la qualité du parfum français et de
mettre en valeur la créativité des compositeurs. L’Osmothèque
(du grec osme = odeur et theke = rangement) a pour vocation non
seulement de recenser et rassembler les senteurs existantes ou à
venir mais aussi de retrouver la trace des grands classiques et de
les faire renaître. Elle est présidée depuis 2009 par le parfumeurcompositeur Patricia de Nicolaï qui ambitionne d’en faire une «
Maison de la culture du parfum ».
Commissariat scientifique : Annick Le Guérer
Scénographie : Arielle Picaud, Garde-Temps
Direction technique : Michel Le Louarn
Dessins réalisés par Gwénaëlle Deredec-Sasaki
Bibliographie
Annick Le Guérer
Les Pouvoirs de l’odeur (1988), Paris, Odile Jacob, 3e édition, 2002.
Le Parfum des origines à nos jours, Paris, Odile Jacob, 2005.
Histoire en parfums (en collaboration,
parfums Jean-Claude Ellena), Garde Temps, 1999
Sur les routes de l’encens (parfums Dominique Ropion), Garde Temps, 2002
Quand le parfum portait remède (parfums Dominique Ropion/
Daniela Andrier), Garde Temps, 2009
Si le parfum m’était conté, Garde Temps/Osmothèque de Versailles, 2010
100 000 ans de beauté (en collaboration), Gallimard, 2011
GARDe-TeMPS
© Garde-Temps, 2012 - www.garde-temps-odorama.com
Imprimé en France. Janvier 2012
Cette exposition a été réalisée avec le concours de
la Société française des Parfumeurs et l’énergie positive de Patrick Saint-Yves
Givaudan, qui a bien voulu nous aider à reconstituer une paillasse de parfumeur
L’Osmothèque de Versailles et particulièrement
Jean Kerléo qui a recréé les parfums qui embaumeront l’exposition
Eau de Cologne Napoléon (1820), Moment suprême, Patou (1931),
La Rose Jacqueminot, Coty (1904), Un Air Embaumé, Rigaud (1912)
drom fragrances qui nous a offert des bougies parfumées par Alexandra Monet
ainsi que Annick Goutal, Aramis, Caron, Cartier, Chanel, Marc-Antoine Corticchiato,
Davidoff, Christian Dior, Coty, Editions de parfums Frédéric Malle, Givenchy, Guerlain,
Guy Laroche, Hermès, Lanvin, Parfums Lubin, Jo Malone, Thierry Mugler, Calvin Klein,
Nina Ricci, Parfum d’Empire, Prada, Symrise, Thierry Mugler.
Le Ministère
est au parfum
Exposition consacrée aux créateurs de parfums et à leur savoir-faire
du 23 janvier au 18 mars 2012
vitrines du ministère de la Culture et de la Communication,
péristyle et galerie de Valois, Paris 1er
3, rue de Valois Paris 1er
http://www.culturecommunication.gouv.fr