la resistance dans les camps de concentration et d
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la resistance dans les camps de concentration et d
LA RESISTANCE DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION ET D’EXTERMINATION Il ne faut pas mourir (…) chaque mort est une victoire du SS. ” Robert Antelme 81 474 Buchenwald Dans tous les camps, y compris les centres de mise à mort, il y eut une résistance. Celle-ci prit des formes diverses, allant jusqu’à la lutte armée au moment de la libération du camp, comme ce fut le cas à Buchenwald. Cette résistance peut être individuelle, c’est un moyen de survivre en luttant contre la déshumanisation. Il s’agit alors d’une résistance passive, qui préserve la dignité humaine, ou active par le sabotage ou des actes de solidarité. Il existe aussi une résistance collective. Elle est faite de groupes organisés selon des affinités nationales, politiques ou philosophiques. Sa mise en place est difficile en raison de la mixité des origines qui peut parfois générer des conflits. Elle est défensive lorsqu’elle consiste à protéger certains, ou certains groupes. Elle est offensive lorsqu’il s’agit de faire passer des informations sur le camp à l’extérieur, de perpétrer des sabotages ou des actions militaires. Préambule : les camps de concentration et d’extermination Les premiers internés sont allemands opposants au régime nazi et les premiers déportés sont autrichiens et tchèques. Les premiers camps sont appelés les « camps sauvages » car ils sont improvisés. Mais, à partir de juillet 1934 est créé une inspection générale des camps de concentration qui définit un modèle standard de camp de concentration selon le modèle de Dachau et le règlement intérieur fondé sur la perte d’identité et l’humiliation des détenus. Ce sont les détenus qui sont forcés de construire ces camps, les victimes travaillant dans des conditions inhumaines, y laissant souvent leur vie. Les camps d’extermination nazis étaient des centres de mise à mort à grande échelle, où les victimes, essentiellement des Juifs, étaient assassinées par gazage. Maillon essentiel de la Shoah, ils prirent le relais des fusillades de masse pratiquées par les Einsatzgruppen. Sur les six centres de mise à mort, quatre étaient uniquement destinés au gazage des déportés et deux combinaient cette fonction avec celle de camp de concentration. Qui est interné ? Les premiers détenus sont majoritairement des antinazis et des communistes. A partir de 1936, de nouvelles catégories sont internées : les délinquants, les réfractaires au travail, les asociaux, les homosexuels, les témoins de Jéhovah, les tsiganes, les juifs… Et enfin à compter de 1938, les premiers déportés autrichiens et tchèques. Ces différentes populations carcérales rend difficile les formes de cohésion en d’entraide au sein des camps. Au fur et à mesure des annexions ou des conquêtes militaires, l'origine des détenus s'élargit pour atteindre 22 nationalités différentes, y compris des républicains espagnols réfugiés en France après la victoire de Franco. À l'exception des Tziganes, et au contraire de l'extermination des Juifs, les déportés ne sont pas internés en raison de leur prétendue race ou de leur nationalité, mais pour leur dangerosité réelle ou supposée pour la société allemande ou le régime nazi. Selon Olga Wormser-Migot, au total, entre 2 000 000 et 2 500 000 auront été internées pour un temps plus ou moins long dans les camps. Quelles sont les différentes catégories d’internés ? Les nazis ont développé un système de symboles afin de différencier les individus emprisonnés selon la raison de leur incarcération : en fonction de leur étiquetage, ils subissaient un traitement différent. Marquage nazi pour les juifs. Marquage nazi pour les tsiganes. Marquage nazi pour les homosexuels allemands. Marquage nazi pour les criminels de droit commun. Marquage nazi pour les prisonniers politiques allemands, les résistants et les autres prisonniers politiques. La première lettre du nom allemand du pays d'origine était ajoutée. Marquage nazi pour les prisonniers politiques français. Marquage nazi pour les prisonniers politiques espagnols. Marquage nazi pour les prisonniers politiques juifs. Marquage nazi pour les juifs « honte de la race »1. Marquage nazi pour les émigrés juifs. Marquage nazi pour les juifs asociaux. Marquage nazi pour les prisonniers « asociaux », dont les lesbiennes. Marquage nazi pour les Témoins de Jéhovah . Marquage nazi pour les émigrés. Marquage nazi pour les prisonniers politiques de la compagnie disciplinaire. Marquage nazi pour les prisonniers formés au travail. Elle se traduit par la mise en place d’organisation clandestine qui est facilitée par le fait que majoritairement les détenus parlent tous allemands et étant pour la plus part des détenus politiques, ils ont gardés cette culture d’organisation et de solidarité héritée de leur militantisme. I. La résistance dans les camps de concentration et d’extermination de 1940 à 1945 Tout est fait pour déshumaniser le déporté. Travail, nourriture, hygiène, sanctions, tout est calculé pour enlever aux déportés leur force physique et ainsi les conduire à une mort certaine. Le lever a lieu à 4 heures du matin. Les appels durent des heures dans le froid, deux fois par jour. La journée de travail atteint parfois 12 heures. Les rations alimentaires sont réduites au minimum. Voici par exemple la ration d’un détenu au Struthof en 1944. À partir de cette date ces rations deviennent théoriques compte tenu de la pénurie croissante et de l’augmentation de la masse des détenus. Pain Viande et charcuterie 350 g par jour 185 g par semaine 80 g par semaine 160 g par semaine 100 g par semaine 1000 g par jour Sucre Graisse Marmelade Légumes I D’après O. Wormser-Migot, Le système concentrationnaire nazi, Paris, PUF, 1968 Dan cet enfer, et envers contre tout, des hommes, des femmes, des enfants vont résister. Cette résistance se traduit par la mise en place d’organisation clandestine qui est facilitée par le fait que majoritairement les détenus parlent tous allemands et étant pour la plus part des détenus politiques, ils ont gardés cette culture d’organisation et de solidarité héritée de leur militantisme. A) La résistance première : … survivre L'objectif des S.S était de faire mourir les déportés par tous les moyens. Il était donc très difficile de survivre dans les camps de concentration. Le premier combat d'un prisonnier était de s'empêcher de mourir malgré le froid, la faim, la fatigue et le travail insupportable. a) Se nourrir Pour combattre la faim, certains déportés volent ou troquent de la nourriture. Mais c’est surtout la solidarité qui sera un des piliers essentiels au ravitaillement. Elle revêtira plusieurs formes : prélèvement d’une petite part de leur ration pour les plus faibles « Chaque jour, le responsable de la ‘‘ solidarité’’ recueillait les bouchées de pain, les petites bouchées, 1 ou 2 centimètres cubes, que nous prélevions sur nos maigres rations, et les répartissait entre les plus déficients d’entre nous. J’en ai bénéficié moi-même et c’est peut-être à ces quelques grammes de pain que je dois d’avoir survécu, que beaucoup François Faure, déporté au camp du Struthof-Natzwiller : Le livre Les Françaises à Ravensbrück : « au hasard des équipes de travail, chacune s’ingéniait à rapporter ce qu’elle pouvait, bravant les fouilles, les coups, les punitions […] Les amies qui avaient la chance de travailler dans ces équipes où l’on distribuait un léger supplément de nourriture appelé Zulage, le partageaient avec des amies moins favorisées […] Il y a milles façons de venir en aide aux camarades. Dans les blocks, les détenues de droit commun qui sont généralement préposées à l’entretien du feu, se font payer en nature pour faire cuire les pommes de terre dans la cendre, en s’en réservant la moitié. Mais au block des N.N., Charlie fait cuire celles des malades sans rien demander et s’ingénie à leur faire parvenir encore chaudes. » « Pendant les 18 derniers mois de notre captivité, tous les samedis nous nous privions de notre cassecroûte pour le remettre le Dimanche à nos camarades français malades. Nous étions obligés de prendre certaines précautions pour faire ce travail car nous risquions de nous faire repérer et de voir démolir ainsi notre organisation ». René Cherrier Qui est-il ? Robert Carrière, déporté à Buchenwald et Dora depuis Toulouse, raconte qu’en janvier 1945, ses camarades et lui apprennent qu’un convoi de femmes vient d’arriver d’Auschwitz. Parmi elles, se trouvent trois Françaises. Ils décident donc de préparer un petit colis de nourriture et obtiennent du S.S. qui surveille ces femmes de le donner à l’une d’entre elles. Il s’agit de Simone Veil. des déportés affectés au cuisine, prendront le risque d’être punis, voir exécutés, en faisant sortir de la nourriture Marc Klein à Auschwitz « La différence entre les kommandos reposait non seulement sur la dureté du travail et sur le traitement que les kapos infligeaient aux détenus, mais aussi sur les possibilités plus ou moins grandes « d'organiser » la nourriture supplémentaire. Une source d'alimentation se trouvait dans les vols plus ou moins importants que les détenus pratiquaient avec l'approbation de tous leurs camarades, mais aux risques et périls de leur vie dans les dépôts des « Canadas » et dans les immenses greniers alimentaires des troupes SS. D'un petit larcin individuel, ces vols pouvaient parfois atteindre jusqu'à plusieurs centaines de boîtes de conserves subtilisées lors du déchargement d'un wagon. Les sources de revenus variaient selon le savoir-faire de chacun, tout était bon et permis pour se procurer un supplément de nourriture, à condition toutefois que cette opération ne lésât aucun co-détenu, sans quoi elle devenait purement et simplement un crime. » certains déportés partageront leurs colis installation de cuisine clandestine dans un coin du block voler la nourriture aux allemands « Souffrant de la faim, j’ai réussi à me faufiler dans la baraque des chiens. Ceux-ci étant dans l’enclos grillagé, j’ai pris plein les mains et les poches tout ce que je pouvais, des biscuits fabriqués spécialement pour eux, avec paraît-il des déchets de toute sorte. Mais que c’était bon ! Avec quelques camarades nous les avons vraiment appréciés » d’après René THALMANN b) Lutter contre le froid “ C'est l'appel. Tous les blocks rendent leurs ombres. Avec des mouvements gourds de froid et de fatigue une foule titube vers la Lagerstrasse (allée principale du camp). La foule s'ordonne par rangs de cinq dans une confusion de cris et de coups. Il faut longtemps pour que se rangent toutes ces ombres qui perdent pied dans le verglas, dans la boue ou dans la neige, toutes ces ombres qui se cherchent et se rapprochent pour être au vent glacé de moindre prise possible. Charlotte Delbo 31 661 Auschwitz II – Birkenau [Kommando Wattenstedt – Usines Goering] Le froid. Nous sommes peu habillées et très mal chaussée. Le pays est humide, le camp boueux et exposé à tous les vents. Le block est chauffé avec le seul bois que nous volons à l’usine. (1945) Rose Desserin c) Résister au travail Certaines fonctions ou certains commandos peuvent fournir une bien meilleure chance de survie : les personnels de l'infirmerie, de la cuisine, ceux qui sont utilisés dans les services annexes (ainsi Primo Levi dans son emploi de chimiste à Monowitz) ; dans les commandos extérieurs au camp, il est rare que le travail en entreprise ne permette pas d'obtenir quelque aide d'un travailleur local compatissant. Ceux chargés de porter la soupe aux commandos peuvent s'attribuer les rares morceaux de viande s'y trouvant. En dehors des emplois très spécialisés, pour survivre il faut avoir les faveurs du doyen ou du Kapo, se débrouiller, « organiser », et c'est le plus souvent aux dépens des autres. La prostitution est fréquente, tant féminine que masculine (et non le fait des homosexuels) avec des SS, des auxiliaires locaux des doyens ou Kapos, ou des déportés « privilégiés ». Dans les commandos à la mortalité la plus élevée sont envoyés en priorité les Juifs et les homosexuels, catégories les plus haïes des SS. Certains de ces commandos sont réputés pour leur mortalité comme le commando de la carrière de Mauthause, les « tunnels » de Dora, le commando « Königsgraben » de Birkenau, le « Schwarzkommando » de Sachsenhausen… Les Françaises ont mauvaise réputation : elles ne veulent pas aller plus vite - leurs machines se détraquent avec une facilité étonnante et sont toujours en panne Rose Desserin « j’avais la fièvre, en arrivant à Ravensbrück et je ne connus pas les premiers jours d’usine. […] Pendant plus d’une semaine, je prolongeai ma fièvre par de longues stations, dévêtue, dans le lavabo glacé et, bien entendu, je n’absorbai point les cachets qui me furent distribués… » Bluette Morat réussira à échapper au travail en se cachant de block en block, dans ce qu’elle appellera le « maquis de Ravensbrück » B) La résistance invisible a). La religion “ Melk (Kommando du camp de Mauthausen), chaque dimanche matin, l’abbé Varnoux disait la messe devant quelques fidèles pendant qu’à la porte du baraquement des militants communistes faisaient le guet. La messe terminée, au même endroit, se tenait la réunion des responsables du parti communiste clandestin du camp, sous la garde des catholiques qui venaient de prier. ” Raymond Hallery 62 521 Mauthausen b). Connaitre l’allemand « À Buchenwald, un jour, un appel a duré 17 heures ! Il manquait quelqu’un. Les S.S. ne l’ont pas trouvé. C’était un Belge qui a réussi, avec un autre camarade, à passer entre les mailles. Il parlait couramment l’allemand et a pu s’en tirer. Guy se souvient… c). Le chant, dessin, la musique Le Chant des Marais, devenu hymne européen de la déportation, est une œuvre collective créée en juillet-août 1933 dans le camp de concentration nazi de Börgermor. Chant de détresse, mais aussi chant de résistance, de dignité et d'espérance, le Chant des Marais fut inspiré par une coutume militaire en vigueur chez les SS de ce camp : les détenus étaient obligés de chanter sur le chemin qui menait à un marais qu'ils devaient assécher à l'aide de simples pelles Dans ses Mémoires, Rudi Goguel raconte : « Les seize chanteurs, pour la plupart membres de l'association ouvrière de chant de Solingen, défilaient bêche à l'épaule dans leurs uniformes de police verts (nos vêtements de prisonnier de cette époque-là). Je menais la marche, en survêtement bleu, avec un manche de bêche brisé en guise de baguette de chef d'orchestre. Nous chantions, et déjà à la deuxième strophe, presque tous les mille prisonniers commençaient à entonner en chœur le refrain. De strophe en strophe, le refrain revenait de plus belle et, à la dernière, les SS, qui étaient apparus avec leurs commandants, chantaient aussi, en accord avec nous, apparemment parce qu'ils se sentaient interpellés eux aussi comme “soldats de marécage”. Aux mots “Alors n'envoyez plus les soldats du marécage bêcher dans les marécages”, les seize chanteurs plantèrent leur bêche dans le sable et quittèrent l'arène, laissant les bêches derrière eux. Celles-ci donnaient alors l'impression de croix tombales. » d). Le moral Elles ont eu l’idée d’une petite fête de Noël préparée bien à l’avance. A l’usine, avec du caoutchouc « organisé », elles ont confectionné des cadeaux, souvent fort jolis : étuis à peignes, couvre-livres, ceintures, pochettes, etc., etc. D’autres ont préparé des « bons » pour des cadeaux futurs … après le retour (j’ai eu ainsi un bon pour un saucisson). Pendant plusieurs jours, elles ont mis de côté quelques parcelles de pain, de margarine, de marmelade avec lesquelles elles ont fabriqué des « gâteaux » et une « bûche de Noël ». Les poètes ont médité… Et le jour de Noël, l’après-midi, il y a eu fête…Les souris fêtaient de leur côté, nous étions tranquilles. Il y eut des poèmes, composés pour la circonstance, et qui, tous, parlaient de retour … des chants, des danses. Une de nos compagnes était même drapée d’une écharpe tricolore ! Où avaient-elles trouvé le papier, les morceaux de tissus ? […] Le soir, nous étions toutes excitées, remontées et pleines d’espoir de revoir bientôt nos chéris et notre France… ou du moins, voulant nous en persuader… Rose Desserin Sources : « Mémoires de Rose » C) La résistance active a)/ Organisation clandestine Le "Comité de Résistance Française" né en mars 1943 deviendra en 1944 le "Comité des Intérêts Français" (CIF), dont la tâche sera triple : - détecter parmi les nouveaux convois de déportés qui sont les Résistants français; - sauver, dans le cadre des règles de la solidarité internationale antinazie la communauté française. - organiser le sabotage dans les usines nazies, préparer et participer, le moment venu, à la libération du camp. Buchenwald « Dès les premières semaines de l'été 1944, un gros effort fut tenté par les groupes communistes pour convaincre, dans chaque collectif national, les non-communistes de s'organiser, écrit Michel de Bouard, acteur de cette résistance. Les premiers, je crois, les Français répondirent à cet appel; à la demande de trois dirigeants du groupe communiste français, je constituai un comité de direction élargi, comprenant Georges Savourey, le docteur Fichez, moi-même et Jean Guillon qui devait assurer la liaison avec l'organisation communiste. Les Autrichiens, les Tchèques formèrent, dans les mois qui suivirent, des comités analogues. Chez les Autrichiens, les dirigeants en étaient, avec Hans Marsalek, le docteur Soswinsky et le colonel Codré. Grâce à une active collaboration entre ces divers organismes, poursuit-il, une efficace action de solidarité put être menée. Des vêtements furent sortis en cachette du magasin d'habillement, des vivres, des médicaments de l'infirmerie des SS; ainsi furent sauvées bien des vies et préservées des forces en vue de l'éventuel combat final. Le mouvement de résistance des Häftlinge réussit même à prendre contact avec deux détenus du Bunker et savoir ce qui se passait à l'intérieur de cette redoutable prison.» Olga Wormser - « dans la proximité physique et morale la plus horrible, lorsque la privation d'un morceau de pain pouvait causer mort d'homme, lorsqu'une conversation, un rassemblement pouvaient ouvrir le chemin du crématoire, lorsque la foi religieuse était proscrite, lorsque la fidélité à des convictions politiques était un crime, il s'est trouvé des hommes et des femmes pour organiser la solidarité, pour sauver des vies, pour s'opposer à la volonté de mort des SS et de leurs séides ; des prêtres ont donné la communion, des groupes d'hommes ont organisé la Résistance » b)/ Le sabotage Il se fait dans les kommandos de travail, et surtout dans les usines d’armement. Malgré la surveillance étroite des S.S., des déportés s’emploient à travailler le plus mal et le plus lentement possible. Leur but est surtout d’endommager, de cacher et de rendre inutilisable le matériel pour ralentir la production nazie. Pour cela, on desserre un écrou, on règle avec un léger décalage une pièce, on détraque une machine, etc. Ces actes sont aussi bien individuels que groupés. Au camp de Sachsenhausen, des détenus ont enfoui des plaques d’acier destinés aux chars sous des gravats. À Ravensbrück, des déportées sont chargées de fabriquer des chaussures qu’elles font trop étroites pour les soldats allemands sur le front. Ah ! Parce qu'on faisait de la résistance aussi : on crachait dans les cartouches et vous savez quand il y a de l'eau, quand c'est mouillé, ça ne pète pas ! Alors il y a tout un convoi qui est parti, qui est revenu. Alors un jour, ils [les SS] se sont amenés, On a dit : "- Ca y est, notre heure est arrivée ! " On a dit : "- Ca y est, cette fois on est bousillé! " Alors le directeur [ de l'usine ], il nous a calmées. Je ne sais pas ce qu'il a fait pour les convaincre, Faut croire qu'il avait l'expérience." Emma Bruchard Et puis ils [ les SS ] nous ont emmenées en camion à Schlieben qui dépendait de Buchenwald. Mais alors, on est arrivé dans un camp, c'était le Sahara ! Il n'y avait pas d'herbe, il n'y avait rien du tout, c'était un truc tout neuf qui venait d'être fait. C'était un grand camp de 3000 juifs, et nous 200 femmes avec eux. Mais il y avait des barbelés entre eux et nous. En fait c'était une poudrière, parce qu'ils faisaient les dernières armes, pour … pour gagner la guerre. Et alors, un jour, les juifs, ils ont fait sauter la poudrière. Ça pétait de partout. J'étais avec Olga, une amie (...) Les juifs ont défoncé les portes, et on est parti. On est descendu en ville, on est parti partout. Mais où voulez-vous qu'on aille avec nos costumes rayés ? Le soir ils nous ont tous repris. Emma Bruchard c)/ Les évasions Les évasions du camp principal ont été extrêmement difficiles. Les tentatives ont été plus nombreuses dans les kommandos et les camps extérieurs et quelques-unes ont réussi, surtout vers la fin de la guerre. « Au début de février 1945, dans la nuit du 2 au 3, la révolte du Block 20 nous prouva qu'une action de force pouvait être efficace. Quelques jours plus tôt était arrivé dans cet enfer un groupe d'officiers soviétiques repris après une évasion. Ayant très vite compris qu'ils étaient voués à une mort très prochaine, ils décidèrent de tenter la gageure d'une évasion. En pleine nuit, à la date fixée, un commandement retentit: Alles raus ! Il arrivait souvent qu'un SS survint et fit sortir tout le monde dans la cour du Block pour une séance de brimades brutales. Nul ne s'étonna donc. En un clin d'œil, les conjurés étranglèrent le chef de Block et ses acolytes. Deux groupes attaquaient alors les deux miradors, aveuglant les sentinelles avec le jet d'extincteurs à mousse et s'emparaient des mitrailleuses. Pendant ce temps, d'autres jetaient des couvertures sur les barbelés électrifiés et, grâce à cet isolant, commençaient à franchir la redoutable clôture. Immédiatement, les autres miradors avaient ouvert le feu; nous fûmes éveillés par le crépitement des armes automatiques, le sifflement des balles qui rasaient le toit de nos Blocks et les cris des SS. Quatorze seulement des insurgés, sur quatre cents environ, furent tués au cours de l'opération. Les autres se dispersèrent dans la campagne où, pour se procurer des armes, ils attaquèrent un poste de défense antiaérienne. Aussitôt commença la chasse à l'homme. Tous les SS furent lancés, et tous les chiens, à travers la région. Le lendemain, les kommandos de travail ne purent sortir du camp intérieur, faute de sentinelles pour les accompagner. Pendant deux jours, nous vîmes ramener des cadavres défigurés; souvent, ils étaient traînés au bout d'une corde attachée aux pieds. Nous en comptâmes plus de trois cents. Mais il semble que quelques-uns des évadés aient pu gagner la montagne. Les hommes demeurés au Block 20 furent exterminés le lendemain matin et le Block désaffecté. » d) Les révoltes Les cas connus sont essentiellement le fait de déportés du Sonderkommando qui savent que leurs jours sont comptés. Ces révoltes interviennent peu de temps avant la fin des gazages dans chacun de ces camps : 2 août 1943, Treblinka : Un groupe de détenus pressentant la fin du camp (qui signifiait l'exécution de tous les prisonniers) décident d'organiser une insurrection. Cette révolte éclate le 2 août 1943. Des déportés parviennent à s’emparer d’armes et participèrent à l’insurrection Sur le millier de prisonniers qui se trouvaient dans le camp, 600 s'évadèrent mais, un an plus tard, à l'arrivée de l'Armée rouge, il ne restait qu'une cinquantaine de survivants 7. Les autres avaient été tués le jour de la révolte ou dans les mois qui suivirent par les paysans polonais, les bandes fascistes ukrainiennes, les déserteurs de la Wehrmacht, la Gestapo et les unités spéciales de l'armée allemande 14 octobre 1943, Sobibor : Le 23 septembre arrive un convoi de Juifs biélorusses tous affectés à la construction de bâtiments ; avec Léon Feldhendler comme chef, secondé par Alexander Petcherski, un prisonnier de guerre russe juif surnommé Sacha, le 14 octobre 1943, la révolte éclate dans le camp. Les révoltés réussissent à désarmer des gardiens, à en tuer une douzaine et à ouvrir une brèche dans les barbelés. Plus de 300 déportés réussissent effectivement à sortir du camp, mais seulement 47 survivent à leur fuite. Des dizaines d'entre eux trouvent la mort dans le champ de mines entourant le camp. À l'occasion de cette émeute, neuf membres de la SS et deux gardiens trawnikis, des Volksdeutsche, périssent également. Par la suite, les SS assassinent presque tous les prisonniers du camp qui n'avaient pas pu s'enfuir ou même qui n'avaient en rien participé à la résistance, soit plusieurs centaines de personnes. Seuls quelques-uns sont conduits dans d'autres camps. En tout et pour tout, seulement 50 prisonniers survivent à la guerre. 7 octobre 1944 à Auschwitz-Birkenau. On l’a dit, plusieurs groupes de résistance existaient à Auschwitz, mais c’est bien celui des déportés juifs qui mènent cette insurrection. La révolte est préparée pendant plusieurs mois mais les deux premières tentatives échouent. Les hommes du Sonderkommando parviennent finalement à entrer en contact avec des déportés du camp, des hommes de Birkenau affectés à l’usine de l’Union Werke. Ces derniers sont en liaison avec quatre femmes travaillant à l’atelier de munitions et de poudre de l’usine. Ce sont elles qui volent puis fournissent les explosifs utilisés lors de l’insurrection “ Un homme qui veut vivre… Un homme qui veut vivre, pour lui rien n’est difficile. Quand j’ai vu que dans ces camps, dans ces conditions, ça n’était plus vivre, je me suis dit : Je n’ai plus rien à perdre. Tout vaut mieux, essayer n’importe quoi, plus que d’être dans ces conditions de non-vie (…) Nous avions fixé l’heure de la révolte dans l’ensemble du camp pour le 14 octobre, à seize heures (…) Le plan était de tuer les seize allemands qui se trouvaient dans le camp (…) ” Yehuda Lerner Survivante de Sobibor e) témoigner « Il fallait être armé d’une volonté sans faille, d’une volonté d’acier et continuer à se battre pour vivre (et quelle vie !). Conserver l’espoir insensé de survivre, comment cela a-t-il été possible dans un tel enfer ? Surtout, ne pas renoncer. Les épreuves m’ont donné la force de ne pas lâcher prise, car je m’étais persuadé que, si je disparaissais, il n’y aurait plus aucun témoignage.» Michel Pachter L’exemple d’Auschwitz : Des tracts sont rédigés par le Groupe de combat pour lutter contre l'antisémitisme et le nationalisme. Préserver la vie de tant d'êtres humains menacés par une mort immédiate est fondamental. Mais, face à la machine SS, les moyens paraissent dérisoires. Toutefois la Résistance réussit à informer les Alliés des crimes commis à Auschwitz et signale en particulier l'ampleur de l'extermination des Juifs. Elle leur transmet des plans, des rapports, des photos dérobées aux SS ou prises clandestinement, des témoignages dont certains sont diffusés à la BBC ou publiés à Londres sous la forme de brochures. Elle les appelle à bombarder les voies ferrées et les chambres à gaz. Pendant ce temps, les SS entreprennent de faire disparaître les traces de leurs crimes. Le 26 novembre, Himmler ordonne la destruction de l'ensemble des installations de mise à mort. Un seul Krématorium reste en service pour brûler les cadavres des détenus - sa chambre à gaz restant intacte - jusqu'au dynamitage tardif de l'ensemble des Krématorium le 25 janvier 1945. Les fosses sont camouflées sous des plantations d'arbres. Les archives sont brûlées. Certaines sont sauvées par des résistants travaillant dans l'administration et qui les enterrent. C'est ainsi que plus de 700 photos d'immatriculation de détenus arrêtés et déportés de France par mesure de répression ont pu être conservées et retrouvées. L’exemple de Birkenau Les « chroniqueurs de Birkenau ». C’est le nom donné à un groupe d’hommes du Sonderkommando qui ont décidé de tout consigner. Lettres, testaments, cahiers, notes et autres documents manuscrits ont été regroupés et cachés dans des bidons de lait, des boîtes de conserve puis enterrés près des crématoires dans l’espoir qu’ils soient retrouvés plus tard (et ce fut le cas). Leur objectif est de décrire les étapes de la « solution finale » mais aussi de rendre leur humanité à ces millions de victimes anonymes. Grâce à ces documents très précieux, beaucoup de survivants et de familles ont pu comprendre ce que furent les derniers instants des leurs et ainsi faire leur deuil. « La vie a eu le dernier mot puisque quelqu’un revient et parle ». Charlotte Delbo II. Les valeurs véhiculées par la résistance des déportés Les valeurs véhiculées par la résistance des déportés sont nombreuses. Malgré l’horreur des camps, les hommes et les femmes n’ont pas baissé les armes. Ils ont coute que coute gardé une humanité qui leur a permis de se soutenir. Ils ont fait échouer, par leur comportement, le système concentrationnaire construit pour les avaliser, leur retirer toute dignité, toute humanité et tout sentiment. A. Solidarité-amitié-partage La solidarité entre déportés est déterminante dans la résistance au camp. Sans l’aide de leurs camarades, beaucoup de déportés disent qu’ils ne seraient pas revenus. Conchita se souvient… « Cette fraternité se traduisait surtout par l’entraide morale car nous n’avions rien. À l’usine, on chantait pendant le travail pour se donner du courage mais certaines chansons faisaient pleurer quelques unes de nos compagnes. Elles leur rappelaient leur vie, leur famille. Alors, on s’est dit : c’est fini, on ne chante plus de chansons populaires. Il faut trouver entre chose. Alors on récitait les fables de La Fontaine, des poésies […] Notre fraternité, c’était ça, car nous n’avions rien d’autre » Emma Bruchard parle de l'appel : " Alors le matin, l'appel, c'était à trois heures du matin, et on était debout pendant trois heures consécutives. Et celles qui s'écroulaient, on les relevait parce que sinon, ils les emmenaient au "Revier". Le Revier, c'était l'infirmerie, et elles mouraient. Alors on essayait de les remonter tant qu'on pouvait. Et les autres qui nous comptaient, qui nous comptaient, et elles se trompaient toujours ces bourriques là. " " Si j’ai survécu je le dois à coup sûr au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin à la coalition de l’amitié, car j’avais perdu le désir viscéral de vivre...... "Le groupe donnait à chacun une infime protection (manger son pain sans qu’on vous l’arrache, retrouver la nuit le même coin de grabat), mais il donnait aussi une sollicitude amicale indispensable à la survie. " Sans elle, il ne restait que le désespoir, c’est à dire la mort." Germaine TILLON 24 588 RAVENSBRÜCK B. Courage-sacrifice-oubli de soi Des déportés se sacrifieront pour la survie de leurs camarades. Ils et elles donneront leur vie pour que cessent l’insoutenable : - Les 6 et 7 octobre, des membres du Sonderkommando se soulèvent anticipant l'insurrection générale programmée, en apprenant qu'ils vont être liquidés. Ils font sauter le Krematorium-IV grâce à la poudre soustraite dans l'entreprise d'armement « Union » par quatre détenues juives polonaises. Elles seront par la suite pendues devant leurs camarades d'usine. Aucun des quelque 465 insurgés ne survit mais trois SS sont tués et douze blessés, le Krematorium-IV est inutilisable. Auschwitz - L’évasion des officiers soviétiques à Mauthausen (février 1945) : Faits prisonniers de guerre, ces officiers ont le même statut que les autres détenus au camp. Déportés à Mauthausen, ces officiers élaborent un plan d’évasion. Une partie d’entre eux se sacrifie en se jetant sur les barbelés qui disjonctent. Les autres peuvent alors franchir la clôture et s’enfuir. Comment conclure face à ce courage d’hommes et de femmes ? Nous terminerons notre exposé par cette citation de ce résistant et déporté autrichien, mort récemment « Même dans une situation limite, l’Humanité est plus forte que l’inhumanité ; c’est pourquoi il faut résister». Hermann Langbein (1912-1995)