Le pape James Brown s`est éteint

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Le pape James Brown s`est éteint
Assemblée Martinique Web
Le pape James Brown s'est éteint
26-12-2006
James Brown le Godfather de la Soul, est mort le jour de Noël 2006.
James Brown soul est son âme
James Brown était ainsi : hâbleur, outrancier, enragé. Sur scène d'abord, où, à soixante balais révolus, il ridiculisait
encore les jeunes pousses du funk sophistiqué (Prince, Michael Jackson, Rick James même, son disciple le plus
déjanté) ; dans la vie ensuite, où son comportement faisait passer celui d'un Elvis Presley (comme ceux des autres
rockers pionniers) pour une copie à peine démonstrative de l'existence paisible d'un Arthur Rubinstein.
Ramasseur de coton devenu boxeur professionnel
Sa naissance, déjà, prête à contestation. Aussi bien le lieu (Caroline-du-Sud ? Géorgie ?) que la date précise : entre
1928 et 1933. Lui tendra, bien sûr, à se rajeunir, affirmant avoir vu le jour le 3 mai 1933 à Augusta, Géorgie. Précisant,
pour désamorcer toute polémique éventuelle : «James Brown est universel. Il se sent partout chez lui. A New York, à
Los Angeles, à Chicago, à Mexico...» Néanmoins, les musicologues sont formels : le jour où sa famille a choisi de
s'installer à Augusta, James Brown était déjà un garçonnet qui gagnait quelques piécettes en cirant les chaussures près de
la gare centrale ou ramassait le coton dans les plantations des riches propriétaires du coin. Plus tard, il s'essaiera aux
claquettes et fera même office, du moins il le prétendra ensuite, de rabatteur pour des prostituées. «Je faisais ça pour
aider mes parents à payer leur loyer, parce qu'ils avaient vraiment des boulots pourris.»
Ce qui est sûr en tout cas, c'est que, dès l'âge de seize ans, James Brown a eu maille à partir avec la justice. Ce qui n'a
rien d'exceptionnel, à l'époque, pour un adolescent noir dans le Sud ségrégationniste. Un temps boxeur professionnel,
ce qui lui permet de canaliser son énergie, il finit par lâcher les gants pour se consacrer à la musique. «Parce que, avouerat-il, un boxeur ne fait hurler les filles que quand il se fait massacrer sur le ring», et que surtout, gamin, il a assisté à un
medicine show, l'un de ces spectacles itinérants, en vogue aux Etats-Unis. «J'étais tout gosse à ce moment-là, mais j'ai
immédiatement réalisé que c'était un truc pour moi. J'étais profondément convaincu que je pouvais bien mieux
chanter que les gens que j'entendais.»
Un règne sans partage
Contrairement à nombre de ses contemporains chanteurs sudistes, c'est en prison, et non à l'église, que sa carrière
musicale va prendre forme. Derrière les barreaux, James Brown fait en effet la connaissance de Bobby Byrd, un
excellent organiste porté sur le gospel. En sa compagnie, Brown, libéré, forme The Starlighters, première mouture d'un
groupe appelé à devenir The Famous Flames et promis à un certain succès local. Une des chansons dudit groupe, Please
Please Please, parvient jusqu'aux oreilles d'un responsable du label de race records (on ne parle pas encore de
«musique noire»), King, qui lui signe illico un contrat d'enregistrement. Le succès du disque est foudroyant. Please
Please Please, pourtant pur morceau gospel, se hisse d'emblée au sommet des charts rhythm'n'blues. «C'est la volonté
divine, expliquera le chanteur quand on l'interrogera sur ce paradoxe, j'ai amené Dieu dans ma musique et c'est ainsi
qu'il m'a remercié.»
Devenu l'une des attractions majeures du chitlin' circuit (clubs plus ou moins crapoteux réservés aux artistes noirs),
James Brown va mettre deux ans à sortir du ghetto afin de conquérir New York où, en 1958, il enregistre Try Me, ballade
agonisante qui réunit déjà toutes les qualités vocales du futur «Mr. Dynamite». Onze hits vont suivre, entre 1959 et
1961, dont trois, I'll Go Crazy, Think et Night Train, connaîtront une renommée universelle. En Angleterre notamment, où
Brown devient une figure référentielle pour la scène naissante du british blues boom, mais dans l'Hexagone également,
où certains pourfendeurs du mouvement yé-yé (Ronnie Bird, par exemple) l'adapteront en français.
En 1962, James Brown enregistre son chef-d'oeuvre : Live at the Apollo, «le meilleur live de l'histoire de la musique»,
dixit son signataire. Un double album qui dégage, il est vrai, une énergie jamais égalée depuis. Quatre ans plus tard,
James Brown met le feu à la scène de l'Olympia, devant un parterre de vedettes locales (Eddy Mitchell, Johnny
Hallyday...) qui sortent démoralisées. James Brown est alors au sommet de son art. «Soul Brother Number One» pour
les uns, «Godfather of Soul» pour les autres, il règne sans partage sur la musique populaire des années 60, accumulant
les standards instantanés : Papa's Got a Brand New Bag, I Got You, It's a Man's Man's Man's World ou encore Get Up
(I Feel Like Being a) Sex Machine.
Dégringolade et délits
En 1968, alors que la planète s'embrase et que les Etats-Unis vivent un grave conflit interne aggravé par la guerre du
Vietnam, il prend une nouvelle dimension, d'ordre social cette fois, en commercialisant Say It Loud (I'm Black and I'm
Proud), qui deviendra l'hymne de la communauté noire. «A force d'être constamment insultés, les Noirs avaient honte,
se justifiera-t-il, j'ai donc transformé tout ce qui était négatif en positif et j'ai écrit une chanson sur la fierté.»
L'Amérique ne va pas lui pardonner cette prise de position jugée «extrémiste». Et c'est avec une évidente satisfaction
mesquine qu'elle verra la vague disco le balayer. Début pour James Brown d'une dégringolade professionnelle se
traduisant dans sa vie privée par une quantité de délits (arrestations en état d'ivresse ou drogué, détention illégale
d'armes, violences conjugales aggravées, etc.) qui lui vaudront diverses cures de désintoxication et quelques années
de pénitencier. Provoquant même, à l'en croire, une intervention de François Mitterrand auprès du président Bush, en
1988 : «Il lui a dit que, si les Etats-Unis ne voulaient plus de moi, il était prêt à m'accueillir à Paris.»
Depuis 1991, James Brown, à la fois pillé et relancé par le mouvement rap, dont il constitue l'un des héros majeurs, avait
renoué avec la scène, multipliant les prestations, moins physiques qu'avant sans doute, mais toujours aussi
convaincantes musicalement. Ainsi avait-il prévu de se produire à New York dans la nuit du 31 décembre. Hospitalisé
dimanche soir à l'hôpital Emory Crawford Long d'Atlanta souffrant d'une pneumonie, il s'est éteint hier matin à cause d'une
insuffisance cardiaque congestive ; lui qui refusait toujours d'évoquer la mort, car, insistait-il : «James Brown ne parle
que de la vie.» Serge Loupien, Libération
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