La télédiffusion directe par satellite et les perspectives d`une offre

Transcription

La télédiffusion directe par satellite et les perspectives d`une offre
La télédiffusion directe par satellite
et les perspectives d’une offre accrue
de contenu étranger
en langue française au Québec
Rapport présenté au ministère de la Culture et des
Communications du Québec
Damien Lefebvre
Fernand Amesse
Marc Ménard
Veille concurrentielle sur les médias
HEC, Montréal
Juillet 1998
Étude produite par la Direction des médias
et des télécommunications
Avis : Les opinions exprimées dans cette étude sont celles des auteurs et ne reflètent pas
nécessairement celles du gouvernement.
Édition : Direction des relations publiques
du ministère de la Culture et des Communications
Dépôt légal : 1999
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN : 2-550-34064-7
 Gouvernement du Québec, 1999
Table des matières
Introduction ............................................................................................................................1
Chapitre 1 Les technologies de télédiffusion au Canada ..........................3
1.1
Les technologies micro-ondes : un substitut au câble.....................................................5
1.1.1
STML ..................................................................................................................5
1.1.2
SDM ..................................................................................................................11
1.2
La technologie LNPA (lignes numériques à paires asymétriques)..............................15
1.3
Les câblodistributeurs et la technologie HFC (« Hybrid Fiber Coax »).....................19
1.4
Les services de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD) .................23
1.5
Perspectives offertes par les développements technologiques aux services
télévisuels ..........................................................................................................................30
Chapitre 2 Les grands groupes industriels et leur rôle dans la
télévision directe par satellite.........................................................33
2.1
Time Warner ....................................................................................................................35
2.2
News Corp.........................................................................................................................37
2.3
Canal Plus .........................................................................................................................38
2.4
Kirch Gruppe ...................................................................................................................39
2.5
Quelques perspectives tirées des stratégies des grands groupes de l’industrie des
médias
...........................................................................................................................41
Chapitre 3 L'effet de la réglementation nationale et internationale
sur l’offre de services étrangers de télédiffusion ...............45
3.1
Les exigences américaines ...............................................................................................45
3.2
Le nouveau cadre réglementaire multilatéral ...............................................................46
3.3
3.4
3.5
La situation européenne ..................................................................................................47
3.3.1
Le cas des câblodistributeurs français et allemands ..........................................48
3.3.2
Le cas des autres pays membres de l’Union européenne ..................................52
3.3.3
Le cas des pays d’Europe de l’Est .....................................................................54
La situation canadienne...................................................................................................56
3.4.1
La propriété et le contrôle..................................................................................56
3.4.2
Le contenu canadien à la télévision...................................................................57
3.4.3
Le parrainage d'émissions étrangères ................................................................59
Perspectives en matière de cadre réglementaire ...........................................................60
Chapitre 4 La télédiffusion directe par satellite et l’offre de
nouveaux services étrangers en langue française au
Québec ..........................................................................................................63
4.1
La télédiffusion directe par satellite : une technologie parmi d’autres ......................63
4.2
Un déploiement comme les autres technologies de distribution ..................................64
4.3
Une technologie de distribution à la recherche des meilleures occasions d’affaires..65
4.4
Trois scénarios d’offre de signaux étrangers en langue française au Québec............65
Annexe
Communiqué de presse du CRTC du 17 décembre 1996……………….…71
Introduction
De nature prospective, la présente étude a été préparée à la demande du ministère de la Culture et
des Communications. Son objectif principal est de déterminer les faits nouveaux prévisibles qui,
dans le domaine de la télédiffusion par satellite, pourraient influencer le paysage télévisuel
québécois au cours des trois à cinq prochaines années. Il nous a été demandé précisément
d’évaluer les effets éventuels d’une offre de nouveaux services étrangers en langue française sur
le territoire québécois. Trois dimensions structurantes de la problématique ont fait l’objet d’une
analyse et servi de base à la prospective.
La technologie
Étant donné que les nouveaux services en langue française qui pourraient être offerts au Québec
sont largement conditionnés par l’évolution de la technologie de diffusion, le premier chapitre de
l’étude consiste en un examen systématique des nouvelles technologies, notamment celles du
satellite. Il nous a semblé important d’étendre l’examen à l’ensemble des technologies nouvelles
susceptibles de modifier le paysage télévisuel plutôt que de nous en tenir strictement aux progrès
de la technologie de diffusion par satellite, dont les perspectives ne sont plus aujourd’hui celles
qu’on prophétisait il y a trois ou quatre ans.
La stratégie des grands acteurs
Sur la scène internationale et en particulier aux États-Unis et en Europe, les grands acteurs du
monde des médias observent avec beaucoup d’attention l’évolution technologique, les
phénomènes de convergence entre industries autrefois cloisonnées et la déréglementation des
marchés qui créent de multiples occasions d’affaires. Toute prospective se doit donc de tenir
compte de la position de ces groupes sur l’échiquier mondial et des mouvements stratégiques les
plus significatifs qu’ils opèrent. C’est en effet de ces groupes que l’offre de nouveaux services
étrangers est le plus susceptible de provenir. Dans le second chapitre de l’étude, nous analyserons
donc quatre de ces groupes mondiaux.
1
Les changements de la réglementation
Dans l’étude des possibilités d’offre de nouveaux services étrangers en langue française, il y a
lieu d’analyser l’état de la réglementation et surtout son évolution récente, soit parce que cette
réglementation devient désuète et inefficace face aux possibilités des nouvelles technologies, soit
parce qu’elle s’inscrit dans une évolution porteuse de changements. Dans le cadre du troisième
chapitre, nous examinerons donc la réglementation nationale, en particulier au Canada mais
également la réglementation qui transparaît de plus en plus dans les accords commerciaux
internationaux (ALÉNA, CEE) et la réglementation multilatérale qui se fait par l’entremise de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Accord multilatéral sur l’investissement
(AMI) en cours de négociation. Qu’elle vise les contenus, les droits de diffuser ou les droits de
propriété, la réglementation pèse fortement sur la prospective qu’on peut dégager de l’actualité.
Au terme de l’analyse des trois dimensions structurantes susmentionnées, nous tenterons de
cerner les perspectives de l’offre de services étrangers en langue française sur le territoire
québécois.
2
Chapitre 1
Les technologies de télédiffusion au Canada
Pour ce qui est de leur fonction de base, les télédiffuseurs, et plus particulièrement les
câblodistributeurs, ont et auront à affronter plusieurs nouveaux concurrents tels que : les
entreprises de télédiffusion par satellite (SRD) (StarChoice et ExpressVu qui diffusent depuis
1997); les entreprises de transmission par micro-ondes à large bande (STML) auxquelles
Industrie Canada a accordé trois licences (MaxLink, WIC Connexus, Vision Régionale) pour
l’instant, et qui devraient entrer en activité au cours de l’année 1998-1999; les entreprises de
transmission par micro-ondes à bande étroite (SDM) auxquelles le CRTC a accordé trois licences
(LookCommunications, PowerTel, SkyCable).
Milieu concurrentiel de la câblodistribution
ExpressVu
MaxLink
StarChoice
Connexus (WIC)
Echostar
SATELLITE
(SRD)
Primestar
CABLE
SANS FIL
(STML)
USSB
RegionalVision
(WIC/Cancom)
CÂBLODISTRIBUTEURS
AU QUEBEC
CÂBLE
SANS FIL
(SDM)
TELCOS
(LNPA/HFC)
Compagnies de
téléphone :
Bell Canada…
LookCommunications
(Ontario et Québec)…
Source : Damien Lefebvre, 1997.
3
Pour concurrencer les nouveaux arrivants capables d’offrir plus de 200 canaux (50 chaînes et sept
ou huit services à la carte), les câblodistributeurs sont forcés d’améliorer les performances de
leurs réseaux. Il est difficile de tracer le portrait du marché de la distribution au Canada en l’an
2005 (voir schéma ci-dessous), mais de nombreuses études laissent voir une baisse sensible de la
part de la câblodistribution dans le marché de la distribution. Celle-ci passerait de 96 % en 1998 à
72 % en 2005.
M a rc h é d e la d is trib u tio n a u C a n a d a e n 2 0 0 5
9%
= D is trib u tio n p a r s a te llite
= D is trib u tio n p a r S T M L (1 )
6%
6%
3%
= R é s e a u x p ro p re s d e s
c o m p a g n ie s d e té lé p h o n e
= D is ttrib u tio n p a r In te rn e t
4%
72%
= D is trib u tio n p a r S D M (2 )
= C â b lo d is trib u te u rs
Source: Lefebvre, en coopération avec Ménard et Amesse (estimation réalisée à partir de plusieurs données de
diverses sources).
(1) STML (LMDS) = technologie de transmission par micro-ondes à large bande (sans fil).
(2) SDM (MMDS) = technologie de transmission par micro-ondes à bande étroite (sans fil).
Comme ce scénario nous permet de le constater, chaque technologie se taille une part du marché
des abonnés à des services de distribution en fonction des avantages relatifs des technologies
utilisées. Voyons maintenant les possibilités offertes par ces technologies.
4
1.1 Les technologies micro-ondes : un substitut au câble
Les technologies micro-ondes sont déjà présentes au Canada, mais elles le sont de façon limitée.
Les systèmes de distribution multipoint (SDM) distribuent des services de télévision à canaux
multiples en direct au moyen de fréquences micro-ondes dans la bande des 2596 à 2686 MHz.
Cependant, cette bande passante ne permet la transmission que de 15 canaux analogiques. Les
licences accordées jusqu’en 1995 ne permettaient pas la concurrence avec les réseaux câblés,
mais visaient uniquement à les compléter pour assurer l’offre en milieu rural.
La numérisation des réseaux et la déréglementation amènent des bouleversements qui modifient
le contexte de la radiodiffusion comme, d’ailleurs des télécommunications au Canada. Les
technologies micro-ondes, au nombre de deux pour l’instant (STML1 et SDM2) permettent dans
une certaine mesure de fournir des services de câblodistribution et de télécommunications.
Par conséquent, elles font partie intégrante de cette nouvelle stratégie qui vise une plus grande
concurrence au Canada. Si elles peuvent livrer des services de câblodistribution et de
télécommunications à des coûts raisonnables, de nouveaux acteurs pourraient souhaiter les
employer et venir se tailler une place sur des marchés de la câblodistribution et de la téléphonie
locale résidentielle.
1.1.1 STML
Les systèmes de télécommunications multipoints locaux (STML) relèvent d’une technologie sans
fil qui se veut, selon ses promoteurs, une solution de remplacement à la câblodistribution, mais la
technologie STML permettra également de proposer des services comme le téléphone, Internet et
d'autres services à valeur ajoutée tels que la vidéoconférence et la transmission de données.
1
2
STML (LMCS) : Systèmes de télécommunications multipoints locaux.
SDM (MMDS) : Systèmes de distribution multipoints.
5
Déjà connue ailleurs dans le monde sous le vocable contradictoire de « câblodistribution sans
fil », la technologie de transmission par micro-ondes est donc remplie de promesses.
Le STML est un système de distribution sans fil qui utilise le spectre dans une bande différente de
celle du SDM et une technologie à émetteurs multiples semblable à celle de la téléphonie
cellulaire. Les utilisateurs finaux ont besoin d’une petite antenne extérieure afin de recevoir les
signaux des émetteurs STML et d’une boîte équipée d’un convertisseur numérique-analogique.
Les cellules couvrent environ 5 km². Industrie Canada réserve aux STML la bande du spectre
entre 25,35 et 28,35 GHz3, divisée en six blocs de fréquence de 500 MHz. Industrie Canada a
accordé en octobre 1996 trois licences sous la Loi sur la radiocommunication parmi 14 demandes.
Chaque licence donne le droit d’utiliser 1 GHz de spectre (blocs A et B) dans des territoires
distincts. Aux États-Unis, des entreprises utilisent déjà le STML pour la câblodistribution.
Au Canada, on veut aller plus loin en introduisant la notion de bidirectionnalité, pour permettre la
communication dans les deux sens, comme pour la téléphonie. La bidirectionnalité est une
composante essentielle sur un marché de plus en plus interactif. Les STML permettront ainsi
d'acheminer numériquement jusqu'à une centaine de canaux de télévision conventionnelle,
d'accéder à Internet à haute vitesse et de pousser la téléphonie jusqu'à la vidéoconférence.
Étant donné la largeur de spectre allouée au Canada, les exploitants STML pourront fournir 150
canaux vidéo numériques de haute qualité en plus de services de télécommunications tels l’accès
à Internet à haute vitesse, des services de soutien pour les exploitants de réseaux SCP et
cellulaires, la vidéotéléconférence et les liens T1 (on entend par lien T1 une vitesse de transfert de
1,54 Mgbps) point à point. Les experts estiment que les compagnies de STML proposeront des
services à des prix inférieurs à ceux des câblodistributeurs.
3
Les ondes se caractérisent par leur fréquence qui se mesure en hertz, soit le nombre de cycles par seconde. Le
kilohertz (kHz) vaut 1000 hertz, le mégahertz (MHz) 1000 kHz et le gigahertz (GHz) 1000 MHz.
6
La technologie STML présente cependant certaines faiblesses qu’il est nécessaire d’évoquer
brièvement. Normalement, quelque 20 % des abonnés éventuels ne peuvent être desservis,
l'endroit où ils se trouvent n'étant pas en ligne directe avec la cellule de transmission.
L’investissement de départ pour les consommateurs est considérable, mais comme dans la
télévision numérique en France et même au Canada, ou dans le marché des téléphones cellulaires,
on devrait assister à un phénomène de location du matériel nécessaire pour la réception.
Selon les données de Hewlett-Packard, le réseau de fibres qui sert d’axe principal au réseau
représente 60 % du coût total d’un réseau STML4. Donc, s’il faut installer beaucoup de nœuds
(exemple, dans les régions de faible densité) ou s’il n’y a pas beaucoup d’abonnés, ou les deux, le
réseau devient très coûteux. Le graphique ci-dessous permet de comparer les coûts de
construction d’un réseau STML à ceux d’un nouveau réseau de câble pour trois types de densité
de population.
Coût de la technologie STML
C o û t d e n o u v e lle c o n s tr u c tio n - S T M L c . c â b le
- 5 0 % p é n é tr a tio n -
30
25
20
( en % )
15
10
5
0
-5
H a u t e d e n s it é
M oyenne
d e n s it é
F a ib le d e n s it é
-1 0
-1 5
4
Exposé présenté par Hewlett-Packard au séminaire de l’Association canadienne des télécommunications sans fil,
Ottawa, septembre 1996.
7
Comme on peut le constater, le réseau STML présente un net avantage de coût dans les régions à
haute densité. Ses coûts d’infrastructure et d’exploitation sont de beaucoup inférieurs à ceux de la
câblodistribution classique. Cet avantage permet de réduire sensiblement les mensualités des
abonnés. Cellular Vision USA propose actuellement des services de télédistribution 20 % moins
chers que les câblodistributeurs dans la région de New York et s'est déjà emparé du centième du
marché local en un an.
Le gouvernement canadien veut absolument promouvoir cette nouvelle voie très rapide sur
l’inforoute. Pour ce faire, il favorise la concurrence et l’essor de la technologie STML. Il a libéré
un vaste espace de trois milliards de hertz (fractionné en six blocs de 500 MHz) dans la gamme
des 28 GHz du spectre de fréquences électromagnétiques et il a placé pour l’instant les entreprises
téléphoniques et de câblodistribution sur une voie de garage puisque ces dernières ne pourront
présenter de demandes de licence à l’endroit des STML avant 1998. À partir de 1998, ces
entreprises pourront faire l’achat de spectres de fréquences.
Industrie Canada a attribué à la fin de l'année 1996 trois licences de STML. Le tableau qui suit
montre sommairement chacun des territoires concédés et leur clientèle possible au Québec.
MaxLink Communications a obtenu une licence d’exploitation dans 33 zones cernées par
Industrie Canada. Son principal marché est le Québec qui constitue près de 40 % de sa clientèle
éventuelle. WIC Connexus a également obtenu des droits sur 33 zones de services, situées surtout
pour leur part dans le reste du Canada. Le marché possible au Québec ne représente que 13 % du
marché en puissance concédé à WIC Connexus. Vision Régionale a, de son côté, accès à 127
zones de service pour une clientèle potentielle d’un million de foyers au Canada dont 30 % au
Québec.
8
Licences STML (marché éventuel au Québec en nombre de ménages)
Licences STML
Montréal
Sherbrooke
Victoriaville
Chicoutimi/Jonquière
Alma
Hull
Max Link
WIC Connexus
Regional Vision
1 268 660
57 535
13 370
61 130
inclus
74 027
Drummondville
Granby
Joliette
Québec
St-Hyacinthe
Rimouski
Rouyn/Noranda
Sorel
Trois-Rivières
Val-D’Or
21 585
21 145
13 370
234 330
16 055
14 515
10 960
16 430
69 550
10 345
Autres (28 endroits)
300 000
Source : www.crtc.ca
9
En résumé :
STML
(WIC Connexus, MaxLink, Vision Régionale)
Avantages :
Inconvénients :
• Coût d’installation
• On estime à 20 % le nombre d’abonnés
très faible comparé à
qui ne pourront être desservis car ils ne
la câblodistribution
seront pas en ligne directe avec une
classique
cellule
Les
STML
sont
•
• Les consommateurs préfèrent parfois
capables de fournir la
une bonne vieille technologie suffisante
câblodistribution,
(câble) pour leurs besoins à un
Internet, le téléphone
changement de technologie
local et des services à
valeur ajoutée
• Vitesse de
transmission
considérable
Les marchés cibles :
• Court terme (3 prochaines années) : le marché de la
câblodistribution
• Moyen terme (5 prochaines années) : le marché des fournisseurs
d’Internet
• Long terme : le marché local du téléphone éventuellement, par
alliance
Les partenaires éventuels :
• Les câblodistributeurs
• Les autres compagnies possédant des réseaux de télécommunication
au Canada et voulant pénétrer le marché de la télédistribution
(AT&T, Fonorola..)
10
1.1.2 SDM
Avec la numérisation, les SDM peuvent maintenant acheminer plus de 100 canaux et offrir de
nombreux services, y compris la télévision payante. Cette technologie n’assure pas encore la
bidirectionnalité d’où les difficultés d’offrir divers services comme la téléphonie, la télévision à
la carte, la vidéo à la demande ou l’accès à Internet. Cependant, elle permet la transmission de
données mais sa capacité de transfert des données est nettement inférieure à celle des STML.
Pendant les cinq prochaines années, la télévision à la carte utilisant la ligne téléphonique comme
voie de retour sera offerte par les SDM.
L’architecture d’un réseau de câble sans fil SDM est similaire à celle d’un câblodistributeur.
On retrouve :
•
une (des) tête (s) de lignes,
•
un réseau de fibre optique ou radio micro-ondes point à point,
•
plusieurs nœuds desservant un regroupement d’abonnés,
•
un appareil de réception et un décodeur (« set-top ») chez l’abonné.
Dans le cas des SDM, les nœuds sont reliés aux abonnés par les ondes SDM. Avec les SDM, les
nœuds sont moins fréquents, car les émetteurs peuvent couvrir des distances de plus de 10 km.
L’expérience d’implantation de réseaux SDM qu’ont vécue les États-Unis paraît très importante
et peut nous aider à prévoir l’effet éventuel de cette technologie de diffusion au Canada et au
Québec. Plusieurs compagnies de téléphone locales (Bell Atlantic/Nynex, Pacific Bell)
expérimentent la technologie SDM depuis 1995, mais la plus avancée dans ce domaine reste
Pacific Bell qui œuvre dans le sud-ouest des États-Unis. En fait, Pacific Bell a été la première à
réaliser des expériences importantes de SDM en Amérique du Nord. Bien que Los Angeles soit
un des marchés du câble les moins unifiés (beaucoup de petits câblodistributeurs y sont présents),
reste qu’on y trouve certains grands câblodistributeurs tels que Comcast Cable Communications,
11
Time Warner Cable et Century Communications. Néanmoins, Pacific Bell a décidé de pénétrer ce
marché de la câblodistribution par le biais de la technologie SDM.
Les services proposés comprennent 120 canaux numérisés, plus 30 services audio numérisés.
Deux émetteurs suffisent pour fournir le service à 80 % des quatre millions d’abonnés possibles.
« Aucun câblodistributeur ne peut rivaliser avec notre offre pour l’instant. » précise la direction
de Pacific Bell. Les dirigeants de Pac Bell prévoient livrer plus de 200 canaux d’ici l’an 2000.
Les premiers résultats sont encourageants malgré que la société ne communique aucun chiffre sur
le nombre de ses abonnés. L’expérience de Pacific Bell est intéressante pour plusieurs raisons :
•
elle confirme les difficultés des SDM à rejoindre tous les clients potentiels (80 % en moyenne
des clients sont rejoints);
•
parallèlement à ses activités SDM, Pacific Bell investit aussi dans d’autres technologies, par
exemple la télévision par satellite, le déploiement à certains endroits de réseaux hybrides
(fibre optique et câble coaxial) et l’amélioration de la technologie LNPA. On peut en conclure
qu’il n’y pas encore une stratégie technologique bien définie mais plusieurs.
Il est difficile de tirer une conclusion de l’expérience des SDM sur le marché américain. En effet,
Pacific Bell continue à développer la technologie SDM. Il y a plusieurs mois, l’entreprise a
racheté les droits de diffusion SDM pour la ville de San Jose au groupe Vidéotron, s’en tenant
ainsi à sa stratégie initiale. En revanche, les possibilités qu’ont les SDM de pénétrer le marché
local ont été sérieusement remises en question. Bell Atlantic/Nynex ont suspendu leurs relations
avec la compagnie CAI Wireless qui fournit actuellement, sur plus de 13 marchés différents, des
services de télévision par le biais de la technologie SDM. Il est difficile de cerner les véritables
raisons de cette fin d’association, mais on peut mentionner deux points qui ont contribué dans une
certaine mesure à la fin du partenariat.
12
En premier lieu, CAI Wireless n’a pas été capable de livrer ses services à au moins 75 % de la
population de chaque marché. Ce seuil de 75 % constitue pour Bell Atlantic/Nynex un minimum
afin de pouvoir envisager un investissement massif dans le déploiement de la technologie.
Le deuxième élément est d’ordre financier. En effet, les compagnies telles que Bell
Atlantic/Nynex doivent faire un choix car la stratégie de miser sur l’ensemble des technologies
est très coûteuse, surtout que les compagnies locales de téléphone doivent aussi investir dans le
déploiement de réseau longue distance afin d’entrer dans le marché interurbain. Il semble plutôt
que Bell Atlantic/Nynex s’orienterait vers une stratégie axée sur la télévision par satellite (SRD)
et délaisserait la SDM.
Pour l’instant, des licences d’exploitation ont été accordées à trois entreprises au Canada soit
PowerTel, LookCommunications et SkyCable. Les analystes de l’industrie prévoient d’ici l’année
2000 une part de marché de 4 % pour ce type de technologie de diffusion susceptible d’offrir un
net avantage de prix au consommateur. À la fin juillet 1998, LookCommunications lançait ses
services dans la région de Toronto. L’offre se veut concurrentielle avec la cablôdistribution en
termes de prix tout en offrant une plus grande qualité (signaux numériques, flexibilité de choix de
canaux).
Prix des services LookCommunications dans la région de Toronto
Prix*
Services
(Mensuel)
Service de base
25 canaux vidéos + 30
canaux de musique
10 canaux supplémentaires
au choix
20 canaux supplémentaires
au choix
32 canaux supplémentaires
aux choix
*
19,95 $
10,00 $
17,00 $
20,00 $
Source : www.look.ca/offer/pricing.
Cette somme comprend les frais de location d’équipements (antenne, décodeur et contrôle à distance).
13
En résumé :
SDM
(LookCommunications, PowerTel, SkyCable)
Avantages :
Inconvénients :
• Coût d’installation très • Les micro-ondes ne traversent pas des
obstacles comme les immeubles ou les
faible
comparé
à
la
câblodistribution classique
bosquets. CAI Wireless à Boston a
obtenu moins de 75 % de couverture
• Les SDM sont capables de • Internet et la téléphonie ne seront
fournir de la programmation
possibles que dans quelques années
télévisuelle et des services à • La technologie est moins performante
valeur ajoutée
que le câble
• La vitesse de transmission est inférieure à
celle des STML
Les marchés cibles :
• Court terme (trois prochaines années) : le marché de la câblodistribution
• Moyen terme (dans trois ans) : le marché des fournisseurs d’Internet
• Long terme : le marché local du téléphone, éventuellement par alliance
Les partenaires éventuels :
Les compagnies de télécommunications en tous genres qui veulent se lancer
dans la câblodistribution
14
1.2 La technologie LNPA (lignes numériques à paires asymétriques)
Devant l’augmentation de la demande de transfert de données (Internet, EDI), les compagnies de
téléphone sont à la recherche de solutions pour améliorer la capacité de leur réseau. Avec le
RNIS, qui permet des vitesses atteignant 128 kilooctets par seconde (Ko/s), les compagnies de
téléphone ont trouvé un moyen temporaire de résoudre le problème de transmission rapide de
données, mais même pour les particuliers, une vitesse de 128 ko/s commence à être insuffisante.
Ce sont cependant les entreprises qui sont de plus en plus exigeantes : elles veulent pouvoir relier
leur réseau local (LAN, pour local area network) à des vitesses de plus en plus rapides. Afin de
tirer le maximum du réseau actuel, les entreprises téléphoniques tentent d'en améliorer la
capacité. De plus, la déréglementation offre maintenant aux entreprises de télécommunications la
possibilité de pénétrer sur le marché de la télédistribution. Or, cette démarche exige elle aussi une
plus grande capacité de transmission. La technologie LNPA permettrait d’améliorer les capacités
des réseaux actuels des entreprises de télécommunications.
La technologie LNPA n'est pas nouvelle : GTE a lancé aux États-Unis le premier essai de cet
ordre en février 1996 (Texas). Bell Atlantic a lancé un projet pilote de service de vidéo sur
demande par LNPA (Stargazer) qui rejoint 1 000 foyers en Virginie. L’entreprise visait à offrir un
service commercial au début de 1997. Toujours avec la même technologie, Bell Atlantic effectue
des essais à haute vitesse pour Internet dans la région de Washington, DC. Bell South a
commencé des essais techniques d'accès à Internet par LNPA en mai 1997.
Bell Canada a entrepris le 16 septembre 1996 l'essai technologique d'un nouveau service d'accès à
grande vitesse à Internet et des applications de télétravail. Les participants du projet pilote
peuvent télécharger de l'information 100 fois plus vite qu'à l'aide d'un modem ordinaire de 14,4
ko/s. L'essai se déroule à Saint-Bruno, au Québec et à Kanata, en Ontario. Cet essai porte donc
sur la technologie LNPA, laquelle transforme la ligne téléphonique actuelle en une voie d'accès
qui assure une largeur de bande de 1,5 méga-octets par seconde (Mo/s) pour la réception de
données et de 64 ko/s pour l'envoi de données, et ce, en utilisant la ligne téléphonique en place.
La technologie LNPA permet d'envisager des vitesses de 6 Mo/s, voir 52 Mo/s, soit suffisamment
pour livrer n'importe quel service à valeur ajoutée.
15
La technologie LNPA permet la transmission simultanée d'une conversation téléphonique et de
données. En effet, le service téléphonique ordinaire utilise moins d'un pour cent de la capacité
d'une ligne téléphonique (voir schéma ci-dessous).
Ligne téléphonique classique : utilisation des fréquences
4000 Hz
fréquences non utilisées
le service voix utilise moins de 1 % des fréquences
temps
La connexion destinée à l'essai technologique est simple et facile à installer. Le service à grande
vitesse sera assuré par deux modems installés à chaque extrémité d'une ligne téléphonique – le
premier au central de Bell et l'autre chez le client. Le participant aura besoin d'un ordinateur
personnel. Le reste de l'équipement sera fourni par Bell, y compris une carte Ethernet et un
modem LNPA. Le prix des modems reste encore très élevé, mais il devrait baisser rapidement.
Contrairement au câble coaxial des câblodistributeurs, la technologie LNPA garde toujours la
même vitesse, alors que pour le câble, la largeur de bande disponible pour chaque utilisateur est
fonction du nombre d'utilisateurs en ligne et de la largeur de bande employée par chacun des
utilisateurs.
Cependant, les inconvénients de la technologie LNPA sont nombreux. D'une part, la technologie
est riche de promesses mais encore coûteuse. Si cette technologie est adoptée comme norme, tous
les investissements réalisés en réseau HFC (en câble hybride de fibre optique et coaxial)
pourraient être remis en question. Selon les experts, environ 20 à 50 % des abonnés du téléphone
ne pourront bénéficier de la technologie LNPA pour des raisons techniques. Or, si l’offre n’est
pas universelle, il est donc impossible de lancer une campagne marketing.
16
D’autre part, l’introduction de la technologie LNPA pourrait aussi porter préjudice aux revenus
que les entreprises de télécommunications tirent de la vente de liens rapides, tels les T1 et T3,
puisque la nouvelle technologie permettrait des vitesses supérieures à ces liens. Or, les liens 64
ko/s (T1 et T3) représentent une part importante des revenus des entreprises de
télécommunications puisqu'ils se vendent de 300 à 1000 $ par mois.
En somme, l’accès plus rapide est indispensable pour répondre à la demande de nouveaux
services des clients. La difficulté, pour les compagnies de téléphone locales, réside dans le choix
des investissements à réaliser pour combler la demande en accès rapide. Lorsque la technologie
LNPA a surgi dans l’actualité médiatique, on en parlait beaucoup comme d’un concurrent
possible aux câblodistributeurs. Comme presque tous les foyers canadiens sont reliés par un fil
téléphonique, la vente d’un nouveau service de télédiffusion serait alors plus facile. Mais le
constat est frappant, pas une compagnie de téléphone n’envisage aujourd’hui de livrer des
services de télédiffusion par LNPA. Les raisons principales sont les suivantes :
•
les nouvelles technologies sans fil laissent présager des possibilités de fournir des services de
télédiffusion à des prix peu élevés par rapport aux coûts d’investissements de LNPA;
•
les compagnies de téléphone mettent beaucoup plus l’accent sur Internet et cherchent
actuellement à développer la technologie LNPA pour permettre un accès ultra-rapide à ce
réseau.
Les compagnies de téléphone ne devraient probablement pas venir s’attaquer au marché de la
télédistribution par le biais de leur propre réseau. La technologie LNPA, pour des raisons
techniques, n’est pas encore suffisamment fiable pour qu’on envisage de l’utiliser pour la
distribution.
17
En revanche, de nombreux essais sont actuellement effectués pour des services de vidéo à la
demande et devraient aboutir dans les deux ans qui viennent à des possibilités de services à la
demande sur l’ensemble du territoire canadien.
Les problèmes techniques de LNPA devraient freiner son expansion qui, n’interviendra pas avant
l’an 2 000, dans le meilleur des cas.
18
1.3
Les câblodistributeurs et la technologie HFC (« Hybrid Fiber Coax »)
L'industrie de la câblodistribution s’efforce principalement d’offrir des services de divertissement
par le biais de réseaux à large bande. On évalue le marché actuel au Canada à environ
2,5 milliards de dollars, pour un nombre total d'abonnés proche des huit millions.
Le 1er mai 1997, le CRTC a décidé d’autoriser les compagnies de téléphone à pénétrer sur le
marché de la câblodistribution à partir du 1er janvier 1998. En contrepartie, les câblodistributeurs
ont obtenu l’accès au marché local des télécommunications.
Pour concurrencer les nouveaux arrivants capables d’offrir plus de 200 canaux, les
câblodistributeurs sont forcés d’améliorer les performances de leur réseau. À la fin de l'année
1996, les résultats sont significatifs, et la bidirectionnalité indispensable pour Internet et d'autres
services point par point manifeste sa présence sur une plus grande partie des réseaux des
câblodistributeurs.
En Amérique du Nord, les compagnies de câblodistribution s'accordent à dire que la solution
filaire apparemment la plus rentable pour offrir un plus grand nombre de services serait un réseau
hybride de fibre optique pour les grands axes et de câble coaxial pour la boucle locale (lignes de
distributeur). Comme la technologie LNPA n’est plus considérée aujourd’hui comme capable de
permettre la télédiffusion de nombreuses chaînes, seules les technologies sans fil viennent
concurrencer sérieusement le réseau des câblodistributeurs. Ces nouvelles technologies (SRD,
SDM, STML) pourront d’ailleurs être des moyens pour les entreprises de télécommunications de
pénétrer sur le marché de la câblodistribution. Déjà, Bell Canada est actionnaire d’ExpressVu
(SRD : service de radiodiffusion directe par satellite).
Les réseaux HFC et leur évolution
Les deux innovations qui bouleversent actuellement les réseaux câblés proviennent de
l’amélioration dans la structure des réseaux HFC et de la numérisation de ces derniers.
19
Au début des années 1990, les câblodistributeurs ont décidé d’améliorer la capacité de leur
réseau; une grande partie de cette amélioration a été apportée. La compression vidéo numérique
(CVN) reste un des derniers défis à relever si l’on veut lutter à armes égales avec les nouveaux
télédiffuseurs tel que LookCommunications, MaxLink et ExpressVu.
•
Amélioration de la capacité du réseau
Les nombreux réseaux du continent nord-américain évoluent tous, aujourd’hui, vers les 750 MHz.
Le passage de 400 MHz à 750 MHz permet d’augmenter les capacités de transmission analogique
du réseau et d’offrir un nombre plus important de chaînes. À titre indicatif, le réseau de Time
Warner Quantum offre depuis plusieurs années 150 canaux parce qu’il opère à 1 GHz. Un autre
câblodistributeur américain, Continental, procède actuellement à l’amélioration de son réseau qui
passera de 400 MHz à 750 MHz. Cette évolution va permettre au câblodistributeur d’ajouter 21
canaux supplémentaires.
Les deux principaux câblodistributeurs du Québec (Vidéotron et Cogeco) ont opté pour cette
solution et améliorent leurs réseaux respectifs en passant à 750 MHz. Cette nouvelle étape va leur
permettre de commercialiser de nouveaux canaux (nouvelles chaînes ou augmentation de l’offre
pour les paiements à la carte).
•
Compression vidéo numérique (CVN)
La compression vidéo numérique permet une augmentation substantielle des capacités des câbles
des câblodistributeurs. On lui doit aussi l’augmentation des capacités des nouveaux arrivants dans
les technologies sans fil : sans elle, la télévision par satellite ne serait pas rentable, car elle devrait
utiliser beaucoup plus de canaux satellitaires (transpondeurs).
En France, en 1997, la Compagnie Générale de Vidéocommunication (CGV) signale que 98 % du
parc de prises raccordables de ses réseaux sont numérisés, soit près de 1 900 000 prises. Déjà,
19 000 terminaux sont installés chez des particuliers (mars 1997) et 70 000 étaient prévus pour la
fin de l’année 1997.
20
L’offre de la CGV est accessible à tout abonné au service de base analogique. Au total, 10 canaux
sont dévolus au numérique, soit 80 programmes. Avec les 23 canaux réservés à l’analogique, les
clients se voient proposer plus de 100 programmes. D’après l’expérience française, on peut
conclure que les câblodistributeurs canadiens sont capables, s’ils veulent en faire
l’investissement, de proposer des services en CVN avec plus de 300 canaux puisqu’actuellement,
ils en proposent une centaine en mode analogique. D’après une étude du CableLabs, on peut
considérer que la norme CVN permet de distribuer un maximum de 12 films par tranche de 6
MHz, ce qui équivaut à 1 500 films offerts simultanément. On peut appeler un tel service à la
demande.
Par conséquent, les câblodistributeurs québécois pourront proposer des services équivalents, voire
supérieurs à ceux des nouveaux entrants.
La stratégie de Vidéotron et de Cogeco dépendra vraisemblablement de l’impact de la
concurrence dans leurs régions respectives. D’après Cable World, les entreprises américaines de
câblodistribution situées dans la région où les SDM sont présents par le biais de PacTel (région
de Los Angeles) devront absolument opter pour les boîtiers numériques – sans égard au prix de
l’investissement – car ils pourraient perdre entre 10 et 20 % des parts de marché.
Sans entrer dans les détails, il faut préciser que les câblodistributeurs sont les seuls, à fournir un
accès Internet rapide sur le même réseau que la télévision, ce qui est très apprécié des
consommateurs. En somme, nous ne savons pas encore quelle technologie les deux gros
câblodistributeurs du Québec ont choisie, mais dans tous les cas, leurs réseaux seront capables de
concurrencer les offres des nouveaux arrivants.
21
En résumé :
Les câblodistributeurs
(Vidéotron, Rogers, Cogeco, Shaw Communications)
Avantages :
Inconvénients :
• Vitesse de
• Nouvelle concurrence sérieuse : STML, SRD,
transmission
SDM et les compagnies locales de téléphone qui
(HFC)
peuvent faire de la vidéo à la demande, surtout
HFC supérieur de
si les progrès de LNPA se confirment
quatre fois à
RNIS
• Bidirectionnalité
bientôt sur 100 %
du réseau
• Possibilité
d’offrir :
téléphone, Internet,
TV…
Les marchés cibles :
• Actuellement : le marché du réseau Internet rapide
• Moyen terme (3 ans ) : le marché de la téléphonie locale
Les partenaires éventuels :
• Les compagnies de PCS ou STML, ou les deux, pour le marché de la
téléphonie locale
22
1.4 Les services de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD)
Sur le marché de la télédistribution, la concurrence provient certainement en premier lieu des
services de distribution par SRD. Dans de nombreux pays, les services de SRD ont fait une
apparition, et à en juger par les exemples français (Canal Plus, TPS) et américains (DirectTV,
Echostar, Primestar), il faudra se méfier de ces nouveaux joueurs.
Au Canada, et notamment au Québec, la menace pour Vidéotron et Cogeco – les deux principales
compagnies de câblodistribution du Québec − existe d'ailleurs déjà puisque nombre de Canadiens
reçoivent déjà leurs services de télévision par satellite grâce au marché gris (estimé à 400 000
foyers, soit à 4,5 % du marché de la câblodistribution au Canada). Les entreprises canadiennes,
StarChoice et ExpressVu ont commencé à offrir leurs services en 1997. Alphastar, une autre
entreprise de SRD, a cependant raté son entrée sur le marché et a dû déclarer faillite au printemps
1997.
Les services de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD) utilisent des installations
de transmission par satellite pour envoyer des signaux de radiodiffusion directement aux abonnés.
La technologie la plus récente fait appel à des satellites de grande puissance et envoie des signaux
numériquement comprimés qui peuvent être captés par de petites antennes paraboliques fixes. Les
abonnés doivent acheter l'antenne parabolique de même que le décodeur nécessaire pour décoder
et décomprimer les signaux reçus; des formules de location sont mises en place afin d’éviter aux
consommateurs de devoir débourser plus de 400 dollars. Sans formule de location, tous les essais
le prouvent, les consommateurs trouvent le coût de transfert trop important, et très peu d’entre
eux se donnent la peine de changer de diffuseur. La technologie permet aussi d’offrir la
téléphonie et, dans une certaine mesure, Internet. La non-bidirectionalité du système laisse
toutefois penser que l'accès à Internet par SRD ne sera pas populaire, car il faudrait être abonné
aussi à un fournisseur classique pendant les cinq prochaines années pour être en mesure
d’envoyer des requêtes.
23
Internet par SRD en 1998
SRD
Retour du fichier demandé
Fournisseur
Internet
Maison cliente
Envoi d’une requête Internet
Cette conséquence est fâcheuse pour les services SRD, car les câblodistributeurs vont pouvoir
être les seuls, avec les sociétés de STML, à proposer une formule d’ensemble regroupant câble,
télévision et Internet.
L'expérience américaine : Le tableau ci-dessous montre le nombre d'abonnés résidentiels
américains aux services de SRD selon les fournisseurs.
Abonnés résidentiels américains aux services de SRD5
Entrée en
service
SRD haute puissance
Direct TV/USSB*
Echostar
Nombre
d'abonnés
Décembre 1996
juin 1994
avril 1996
2,341,452
355,842
Nombre
d'abonnés
Décembre 1997
3,173,528
1,047,517
Nombre
d'abonnés
Mai 1998
3,628,680
1,299,524
Sous-total
2,697,294
4,221,045
4,928,204
SRD moyenne puissance
Alphastar USA
juillet 1996
27,721
en faillite
—
Primestar
octobre 1995
1,678,563
1,955,192
2,087,911
Sous-total
1,706,284
1,955,192
2,087,911
Total
4,403,578
6,176,237
7,016,115
* Étant donné que USSB et DirectTV utilisent le même matériel de réception chez le client, la plupart des abonnés
à USSB le sont également à DirectTV.
Source : Estimations DBS Digest.
5
Ces chiffres ne tiennent pas compte du marché gris, cf. 1996, rapport FCC 96-496, p. 132 et 1997, estimations
de DBS Digest.
24
Il faut reconnaître que depuis 1995, date de leur arrivée aux États-Unis, les SRD ont réussi leur
entrée sur le marché. En effet, la barre des six millions d’abonnés a été franchie au début de
l’année 1998 et celle des 7 millions en mai 1998. C’est la société DirectTv qui domine le marché
avec 3,6 millions d’abonnés en mai 1998; elle est suivie par Primestar (2,1 millions) et Echostar
(1,3 millions d’abonnés). Pour situer les SRD par rapport à l’industrie de la câblodistribution, on
peut indiquer qu’il y a aux États-Unis plus de 62,3 millions d’abonnés6 au câble en regard de sept
millions pour les SRD. D’après les commentaires des spécialistes américains, l’année 1998 va
être très intéressante à suivre, car les SRD vont s’attaquer directement aux câblodistributeurs; en
effet, avec plus de 10 % de parts du marché de la télédistribution, il est inévitable que les
compagnies de SRD ne trouveront plus un potentiel de clients importants parmi les personnes non
desservies par les câblodistributeurs, il leur faudra donc pénétrer les marchés desservis par ces
derniers.
Un seul échec vient ternir ce portrait flatteur des entreprises de services de SRD, celui
d’Alphastar qui a dû jeter l’éponge après plus de 14 mois d’activité, la société n’ayant obtenu
qu’à peine 55 000 abonnés aux États-Unis. Cet échec ne remet pas en cause les autres projets de
services de SRD qui devraient s’élaborer aux États-Unis dans les prochains mois.
Exception faite d’Alphastar qui a déposé son bilan, on peut expliquer le succès des SDR par trois
facteurs :
•
depuis leur arrivée, les entreprises de SRD misent sur le segment des non-câblés aux ÉtatsUnis. Il est difficile de savoir qui est abonné à ces services, mais on peut affirmer que dans
leur majorité, les nouveaux abonnés n’étaient pas desservis par un câblodistributeur;
•
les réseaux américains de câble n’ont commencé à améliorer leur réseau qu’il y a trois ans, en
passant de 500 MHz à 750 MHz, ce qui leur donne une plus grande largeur de bande et leur
permet d’offrir des nouveaux services. Lorsque les premiers SRD sont arrivés sur le marché,
les câblodistributeurs n’étaient pas encore prêts à rivaliser avec ces nouveaux arrivants, d’où
le succès important de DirectTv;
6
www.catv.org/GIP/industrystats/index.html
25
•
les entreprises de SRD sont en mesure de proposer des programmes différents de ceux de la
câblodistribution. Bien entendu, tous les programmes doivent respecter les exigences du
contenu américain, mais − dans le cas des États-Unis − il n’y pas de problème à ce niveau-là,
car l’ensemble de la programmation américaine est très large.
La croissance des SRD devrait connaître un léger ralentissement, du fait que ces services vont
maintenant venir s’attaquer directement aux câblodistributeurs qui ont, depuis l’arrivée des SRD,
amélioré sensiblement leur programmation. Selon Paul Kagan Associates, le nombre total
d'abonnés aux services de SRD pourrait atteindre 13,6 millions en 2001 et 16,8 millions en 2006.
Pour Echostar Communications, qui évalue à 20 millions le nombre total d'abonnés en 2001, ces
chiffres sont sous-estimés7.
L’expérience européenne
L’expérience européenne est très instructive, notamment parce que la télévision par satellite s’est
développée très tôt par l’entremise de consortiums européens (Astra,...). Les progrès récents
(satellites au niveau national et numérisation permettant une plus grande capacité) devraient
amplifier les mouvements perceptibles des années précédentes.
7
Source : Cable World, 17 février 1997.
26
Par des expériences européennes, on peut tirer le constat suivant :
En Europe, la pénétration des services de SRD varie selon le pays; il semble que le taux de
pénétration de la câblodistribution influence la croissance et le taux de pénétration des services de
SRD.
Les pays à fort taux de pénétration de la câblodistribution
Taux de pénétration au Luxembourg de la
TV par câble et par satellite
Taux de pénétration en Belgique de la TV
par câble et par satellite
100
100
80
TV par
Câble
TV par
Satellite
60
40
20
%
40
20
93
91
89
95
19
19
19
19
85
19
93
91
89
87
85
95
19
19
19
19
19
87
0
0
19
TV par
Câble
TV par
Satellite
60
19
%
80
Années
Années
Source : Observatoire européen de l’audiovisuel 1997, www.obs.c-strasbourg.fr
Dans les pays où le taux de pénétration de la câblodistribution est élevé, les services de SRD ont
plus de mal à s’implanter. Les graphiques des taux respectifs de la Belgique et du Luxembourg
qu’on voit ici semblent le prouver. En effet, dans les deux cas, les taux de pénétration de la
câblodistribution sont supérieurs à 79 % et les services de SRD ne touchent que deux pour cent
des foyers.
Ici, le consommateur ne changerait pas de technologie simplement pour obtenir une offre plus
avantageuse et un prix plus bas.
27
On peut considérer que les parts de marché prises par les services de SRD sont uniquement
attribuables aux personnes non desservies par le câble.
Pays où le taux de pénétration de câblodistribution est faible
Taux de pénétration en France de la TV par
câble et par satellite
Taux de pénétration au Danemark de la TV
par câble et par satellite
60
50
TV par
Câble
TV par
Satellite
30
20
10
%
%
40
TV par
Câble
TV par
Satellite
19
85
19
87
19
89
19
91
19
93
19
95
19
97
93
95
19
19
89
91
19
19
87
19
19
85
0
10
8
6
4
2
0
Années
Années
Source : Observatoire européen de l’audiovisuel 1997, www.obs.c-strasbourg.fr
Dans les pays européens où le taux de câblodistribution est faible, la pénétration des services de
SRD est totalement différente, comme l’illustrent les exemples de la France et du Danemark (cidessus). Le cas de la France est vraiment frappant : en effet, seulement neuf pour cent des foyers
français sont abonnés à la câblodistribution, mais la pénétration des services de SRD est très forte
(le taux de pénétration est passé de quatre pour cent à la fin de 1996 à huit pour cent en 1997); on
peut conclure sans risque de se tromper que, lorsque l’offre de câblodistribution est faible, les
consommateurs auront plus tendance à souscrire à toute nouvelle offre de services. Il faut ajouter
que 27 % seulement des foyers français ont accès au câble, autrement dit 73 % des foyers ont
pour seule solution – s’ils désirent recevoir plus de services – de s’abonner aux services de SRD.
Dans le cas du Danemark, on constate une croissance des deux services (câble et satellite).
L’arrivée des SRD a dynamisé ce marché et a permis à l’ensemble des services de progresser.
28
Conclusion sur les SRD et répercussions sur le marché canadien
D’après les expériences européennes et américaines, on peut essayer de baliser l’avenir de la SRD
au Canada et notamment au Québec. Le quotidien La Presse de Montréal estime que si l’on
s’appuie sur l’expérience américaine, le taux de pénétration des services de SRD au Canada sera
de 11 % en 2006, ce qui représente environ 1,3 millions d’abonnés. Les premiers résultats des
sociétés canadiennes de satellites sont de 150 000 abonnés (StarChoice : 70,000, Globe and Mail,
avril 1998; ExpressVu : 80 000, Le Devoir, juin 1998) après environ neuf mois de services.
L’amélioration récente des capacités des câblodistributeurs et l’arrivée de nouveaux concurrents
(SDM, STML) ne nous permettent pas de faire des prévisions en fonction du précédent que
constitue le marché américain. Le pourcentage des foyers qui ont accès au câble au Canada et au
Québec et le pourcentage d’abonnés ne permettent pas non plus de prévoir une évolution
semblable à celle de la France. Les SRD ne connaîtront donc pas au Canada une croissance aussi
forte que celle qu’ils ont connue aux États-Unis ou en France.
En résumé :
SRD
(ExpressVu, StarChoice)
Avantages :
• Plus de 300
chaînes
• Marketing
national est
possible
Inconvénients :
• Impossible d'offrir ensemble Internet/et la
câblodistribution
• Les abonnés n'aiment pas les changements
technologiques (coût de transfert élevé)
Les marchés cibles :
•
•
Les ménages non desservis par le câble
Les abonnés du câble
Les partenaires éventuels :
Les compagnies de télécommunications de tous genres, qui veulent se
lancer dans la câblodistribution, et les câblodistributeurs qui veulent
s’implanter sur le marché au niveau national
29
1.5
Perspectives offertes par les développements technologiques aux services
télévisuels
Les progrès de la technologie de diffusion ouvrent de multiples perspectives aux nouveaux
services télévisuels. Nous sommes loin de la théorie d’il y a à peine quelques années, où l’on
prophétisait volontiers que la télévision par satellite allait littéralement écraser les distributeurs en
place par l’offre d’une multitude de canaux (le choix du consommateur), par la qualité des images
télévisuelles (l’image numérique) et enfin par l’ampleur de la couverture géographique offerte.
Nous avons examiné dans le cadre du présent rapport cinq technologies : deux à micro-ondes
(STML et SDM), une à paire de fils de cuivre (LNPA), la technologie par satellite (SRD) et enfin
la technologie améliorée de la câblodistribution. Nous comparons dans le tableau qui suit ces
diverses technologies en fonction de critères importants pour l’avenir.
Comparaison des technologies au niveau des capacités de service,
des coûts et de la facilité d’implantation
STML
Vitesse
Grand potentiel
Possibilité de
contenu
Texte, graphique,
pleine vidéo à la
demande
Plans de
développement et
problèmes
SDM
LNPA
HFC
(Telco)
Modem câble
Limité, pas de
bidirectionnalité
Films à la carte
(Pay per View)
1,5-6 Mbps pour
téléchargement
Texte, graphique, pleine vidéo
à la demande
Technologie
difficile à maîtriser
Installation rapide et
coût faible
Essais Bell Canada, GTE, Bell
Atlantic, mais 20-50 % des
abonnés ne pourraient se
brancher sur LNPA
Disponibilité
1998-1999
Maintenant
1999-2000
Prix
Estimation
1 000 $ +
30 $/mois
400 $
+ 20 $/mois
2 600 $
+ 78 $/mois devrait baisser à
30 $/mois
Source : www.telecoms-mag.com/tcs.html
30
1997 = 500 Kbps
2002 = 10 Mbps
Texte, graphiques,
pleine vidéo à la demande
mais la qualité dépendra
du nombre d’utilisateurs
Mise en place actuelle des
modems 500 ko/s, et essais
pour les modems à 10 Mbps
1997-1998 pour les modems à
500 Kbps
2000-02 pour les modems 10
Mbps
845 $-975 $
+ 26 $/mois
SRD
12 Mbps mais pas de
bidirectionnalité
Pleine vidéo à la demande
Hughes Network Systems
est l’une des rares
compagnies à maîtriser
cette technologie
Maintenant
910 $
+ 20 $/mois
L’analyse de ces cinq technologies nous permet de tirer les conclusions suivantes :
•
À court et à moyen terme, la technologie LNPA, d’abord vue comme une concurrente
possible du câble susceptible de servir de perte d’entrée aux entreprises de
télécommunications sur le marché de la télédistribution, ne semble pas être dans la course
pour l’instant. Les investissements sont élevés et la couverture d’un territoire demeure très
imparfaite. Ce sont là des handicaps importants. Cet état de choses explique sans doute
pourquoi les entreprises de télécommunication n’ont pas orienté jusqu’ici leurs expériences
vers la télédiffusion.
•
Chacune des quatre autres technologies peut offrir une multitude de canaux et une image de
qualité numérique. Ce n’est plus comme il y a quelques années l’avantage exclusif de la
technologie par satellite. En effet, les nouveaux créneaux de fréquences utilisés par la
câblodistribution et par les diffuseurs par micro-ondes (STML et SDM) accroissent
significativement leurs capacités. De plus, la compression vidéonumérique leur permet
d’offrir plus de 100 canaux ainsi que des images de qualité numérique.
•
Les technologies de câblodistribution et de STML ont l’avantage de pouvoir offrir la
téléphonie, l’accès à Internet sur large bande, l’accès à la vidéo et éventuellement à d’autres
services à valeur ajoutée. Ces avantages jouent nettement moins pour la technologie SDM et
la technologie par satellite, soit par absence de bidirectionnalité, soit par la vitesse réduite du
réseau, au moins à court et à moyen terme. Or, le groupement de services a toutes les chances
d’être une arme concurrentielle puissante dans les prochaines années. D’une part, il permet au
consommateur de s’approvisionner auprès d’une source unique, ce qui lui simplifie la tâche
(paiements, service après vente, etc.). D’autre part, il permet à l’entreprise de faire une offre
groupée et d’adopter des stratégies dynamiques de prix (exemple : Bell Canada offre aux
entreprises qui gardent leur abonnement téléphonique chez lui le service Internet gratuit pour
une année).
•
La technologie du satellite a l’avantage de pouvoir couvrir un large territoire géographique à
partir de la même infrastructure, que ce territoire soit à forte ou à faible densité de population.
31
Les technologies à micro-ondes et de câblodistribution sont fondamentalement locales et
nécessitent une certaine infrastructure. La technologie SDM est toutefois nettement moins
coûteuse à cet égard que la technologie STML et la câblodistribution. Les technologies STML
et SDM ne couvrent cependant que partiellement leur territoire géographique à cause des
obstacles physiques. Par conséquent, la technologie du satellite demeure naturellement
maîtresse d’un marché incontesté, celui des consommateurs qui ne peuvent être rejoints par
les autres technologies pour des raisons techniques ou économiques. Certains voient dans
cette couverture éventuellement plus large du satellite un très net avantage sur un marché très
fragmenté où un même canal n’intéresse qu’une faible part d’auditoire. La rentabilité vient
alors de la couverture géographique si les investissements en infrastructure sont faibles.
Cependant, à court et à moyen terme, les avantages d’une couverture géographique large sont
limités par la réglementation à l’échelle nationale si ce n’est régionale.
En somme, au Québec, ExpressVu, Vidéotron, MaxLink et LookCommunications ont ou auront
tous à court terme la capacité d’offrir plus de 100 canaux de vidéo avec des images de qualité
numérique et d’élargir sensiblement l’offre de contenus. Bien plus, certains d’entre eux auront la
possibilité de faire une offre groupée de services en profitant de la déréglementation et de la
convergence de la télédistribution et des télécommunications.
32
Chapitre 2
Les grands groupes industriels et leur rôle dans
la télévision directe par satellite
Les grands groupes industriels mondiaux, dans un contexte de mouvance technologique, de
convergence et de déréglementation nationale et internationale, sont des acteurs qui méritent
d’être observés. Les géants de l’informatique, de la téléphonie et des médias savent que les profits
futurs viennent principalement de deux sources, soit de la mise au point de nouveaux services par
diversification des prestations, soit de l’accroissement des marges bénéficiaires atteint par une
réduction des coûts obtenue par une plus grande concentration industrielle à l’échelle mondiale.
Les organismes nationaux responsables de la gestion de la télédiffusion dans les pays développés
ont tous pour objectif de stimuler la concurrence et de favoriser l’entrée de nouvelles entreprises
sur leur marché national. Cette nouvelle assise réglementaire donne lieu à des mouvements de
diversification horizontale et de concentration mondiale. Or, il semble bien, selon nombre
d’observateurs, que ce soit pour l’instant le mouvement de concentration qui l’emporte.
« Telephone companies elected not to compete with cable, having discovered they have
no talent for showbiz, and cable has not leapt into the telephone business. Instead, all
industries have concentrated on consolidating and achieving vertical integration,
structures that many would consider anti-competitive. » (Les Brown, « Market Forces
Killed the Media Dream », Television Business International, April 1998)
Nous avons donc décidé, dans le cadre de notre analyse, d’axer l’étude des grands acteurs
industriels sur les entreprises de médias. Toutes les entreprises étudiées ont pour objectif de créer
un empire qui maîtrise toute la chaîne : contenu, production, diffusion et lien avec l’abonné.
Toutes ont également l’ambition d’étendre géographiquement leur marché et de profiter des
occasions qu’offre la mondialisation des marchés.
33
Le tableau qui suit fait état de la position des grands groupes mondiaux du domaine de la
télédiffusion et des médias.
Les plus grands groupes industriels de la télédiffusion en 1997
(Revenus de publicité, d’abonnement, de production et de distribution)
Rang
1997
Entreprise
Rang
1996
Pays
d’origine
Revenus de
télédiffusion
(000,000$ É-U)
Croissance
Revenus de
96-97
télédiffusion par
rapport aux
revenus totaux
34,9 %
50,0 %
7,6 %
100,0 %
53,4 %
31,2 %
1,5 %
5,7 %
14,0 %
91,0 %
4,8 %
90,0 %
9,3 %
67,0 %
12,3 %
29,4 %
15,0 %
34,5 %
18,5 %
45,0 %
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Time Warner
TCI
Walt Disney
GE/NBC
Comcast
NHK
CBS
Viacom
News Corp
ORG Globo
1
2
5
3
6
4
7
8
9
11
États-Unis
États-Unis
États-Unis
États-Unis
États-Unis
Japon
États-Unis
États-Unis
Australie
Brésil
12,300
7,570
7,022
5,153
4,934
4,544
3,954
3,876
3,683
3,050
16
38
42
Canal Plus
SAT 1
CBC
16
36
42
France
Allemagne
Canada
2,265
958
813
19,2 %
0,4 %
- 5,5 %
97,3 %
100,0 %
84,0 %
47
73
75
Rogers
Shaw
Vidéotron
43
69
68
Canada
Canada
Canada
603
436
426
-3,4 %
10,2 %
4,8 %
31,0 %
87,8 %
74,2 %
Source : The TBI 100, Télévision Business International, Juillet/Août 1998.
Parmi ces entreprises, nous avons choisi d’analyser de plus près Time Warner, News Corp,
Canal Plus et le groupe Kirch. Chacune de ces entreprises permet d’explorer la perspective des
acteurs majeurs du marché et de jauger l’impact éventuel de leurs stratégies sur le marché
canadien et québécois.
34
2.1
Time Warner
Lorsque les autorités fédérales américaines (FCC) ont finalement donné le feu vert (septembre
1996) à l'accord de fusion entre Time Warner, le premier groupe mondial de communication, et
Turner Broadcasting System (TBS), contrôlé par Ted Turner, elles ont accepté la fusion de deux
groupes auxquels on peut attribuer aujourd’hui plus de 7,5 milliards de dollars américains de
chiffre d’affaires en télédiffusion (inclus la télédistribution).
Ensemble, le nouveau groupe règne sur 40 % du marché américain de la télévision câblée. Ce
phénomène contribue énormément à la concentration industrielle, puisque désormais 80 % de la
câblodistribution aux États-Unis sont aux mains de six entreprises.
La fusion Time Warner/TBS a donné naissance au plus grand groupe de communications qui
vient avant Walt Disney, et enregistre un chiffre d'affaires global de plus de 20 milliards de
dollars. Elle a regroupé dans la même entité des éléments d’actif idéalement complémentaires,
comme l'hebdomadaire Time Magazine et la chaîne câblée d'information en continu CNN (Cable
News Network), ou les studios de cinéma Warner Bros et la chaîne de dessins animés Cartoon
Network. La filmothèque de Warner Bros, coupée en deux depuis que Ted Turner avait racheté,
en 1985, les droits sur les films réalisés avant 1948, est de nouveau réunifiée.
Déjà propriétaire de la chaîne à péage de films HBO (Home Box Office), Time Warner acquiert,
outre le Cartoon Network et CNN avec ses cinq canaux, le réseau national de télévision TBS. Les
studios Warner Bros, eux, sont maintenant complétés par des studios plus spécialisés tels Castle
Rocks Entertainment et New Line Cinema.
Time Warner possède également un vaste empire de production musicale, avec Warner Music, et
d'édition avec des magazines aussi variés que Time, Fortune, People ou Sports Illustrated.
Turner, de son côté, est propriétaire de l'équipe de basketball d'Atlanta (les Hawks) et de celle de
baseball (les Braves). Comme l’indiquent les dirigeants de Time Warner dans le rapport annuel
de l’entreprise, l’objectif premier de cette acquisition est de constituer le groupe le plus
exceptionnel de création et de nouvelles couplé à un réseau de distribution global sans pareil
(Rapport annuel, 1996, p. 2). Dans le cas de la câblodistribution, la fusion des actifs de Time
35
Warner et de Turner Broadcasting Systems permet d’étendre la couverture géographique à de
vastes territoires et de réaliser des économies d’échelle en vue de la mise au point et de la
distribution de services améliorés et nouveaux (Rapport annuel, 1996, p. 22). On constate là une
logique d’intégration verticale et de concentration. Pour l’instant, le groupe n’est pas présent dans
la télédiffusion directe par satellite, et aucun projet aux États-Unis n’est prévu à cet égard pour les
années à venir. Cependant, le groupe investit largement dans la mise à jour technologique de son
réseau de câblodistribution afin d’en accroître considérablement la capacité. Sur le plan
international, Time Warner Cable est déjà présent dans de nombreux pays européens en
particulier sous forme de contrôle partiel ou total de câblodistributeurs locaux (voir chapitre 3) ou
d’accord de diffusion de ses contenus. À titre d’exemple, Turner Broadcasting rejoint 58 millions
d’abonnées en dehors des États-Unis. TNT Latin America et Cartoon Network Latin America
rejoignent 14,1 millions de ménages dans 35 pays d‘Amérique Latine, TNT et Cartoon Network
Europe rejoignent 34 millions d’abonnés dans 35 pays d’Europe et d’Afrique du Nord et enfin,
TNT et Cartoon Network Asie/Pacifique rejoignent neuf millions d’abonnés dans 24 pays d’Asie.
36
2.2
News Corp
Magnat des médias d'Australie (il y possède une centaine de journaux, ainsi que plusieurs
chaînes de radio et de télévision), M. Rupert Murdoch contrôle actuellement le tiers du tirage des
quotidiens britanniques − avec, notamment, le Sun et le prestigieux Times, et leurs versions
dominicales News of the World et Sunday Times. Ce secteur représente une toute petite partie de
l'empire News Corp (10 milliards de dollars de chiffre d'affaires) qui, au Royaume-Uni, contrôle
également British Sky Broadcasting (BSkyB), réseau de télévision payante par satellite et par
câble (six millions d'abonnés, une des sociétés les plus rentables de la Bourse de Londres), sans
concurrent local. News Corp s'apprête à lancer le premier bouquet de télévision numérique par
satellite en Grande-Bretagne. Il aura cependant un concurrent, soit British Digital Broadcasting,
propriété de Carlton Communications et du Groupe Granada.
News Corp, dont M. Rupert Murdoch possède 30 % des actions, est l'exemple type du grand
groupe multimédia contemporain. Aux États-Unis, il contrôle les éditions Harpercollins (550
millions de dollars de revenus en 1995), le quotidien New York Post et plusieurs magazines dont
TV Guide, la société de production Twentieth Century Fox, le réseau de TV Network, une chaîne
câblée populaire, FX, une chaîne d'information en continu, Fox News Channel (qui rivalise avec
CNN, du groupe Time Warner, et avec MSNBC, créée par Microsoft et la chaîne NBC de
General Electric), une entreprise de marketing et promotion, Heritage Media, ainsi qu'une
vingtaine de sites Internet. News Corp veut par ailleurs entrer dans le domaine de la SRD. Il a
déjà acquis de l’espace orbital pour 680 millions de dollars américains il y a deux ans, mais ses
tentatives d’alliance aux Etats-Unis, ou bien ont échoué (Echostar), ou bien se sont heurtées au
refus du ministère de la Justice des États-Unis (Primestar).
En partenariat avec les sociétés japonaises Sony et Softbank, M. Murdoch a également mis sur
pied le projet de télévision par satellite Japan Sky Broadcasting (JSkyB) et s'apprête à diffuser
sur le Japon 150 programmes au printemps 1998. Son groupe possède déjà une chaîne de
télévision par satellite, Star TV, qui diffuse plusieurs dizaines de programmes en direction du
Japon, de la Chine, de l'Inde, du Sud-est asiatique et de l'Est africain.
37
Cette profusion d'alliances sans frontières − dont M. Rupert Murdoch est un architecte
exemplaire − caractérise assez bien l'univers actuel des médias. Ces alliances permettent ici à
l’entreprise de prendre pied sur les grands marchés de la triade, autrement dit l’Europe, les ÉtatsUnis et l’Asie. Là où des réseaux de câblodistribution ne sont pas à vendre ou sont inexistants, la
télédiffusion directe par satellite constitue une voie d’entrée.
News Corp pourrait éventuellement devenir un acteur sur la scène canadienne pour l'obtention
d'une licence de SRD.
2.3
Canal Plus
En France, une guerre totale oppose les partenaires de Télévision par satellite (TPS) et ceux de
CanalSatellite. Parmi ces derniers, le mouvement le plus spectaculaire a vu la prise de contrôle,
par la Générale des eaux, de Havas et de Canal Plus dans le but de «réunir à l'intérieur d'un seul
groupe de communication toutes les compétences nécessaires à son développement, notamment
international » et de créer «un groupe intégré de communication de taille mondiale ». La
Générale des eaux a, par ailleurs, assuré sa deuxième place dans la téléphonie française en
devenant, le 12 février, partenaire de la SNCF dans la gestion d’un réseau de 26 000 kilomètres
de lignes téléphoniques (dont 8 600 en fibres optiques)
Alors qu’il y a à peine quelques mois, le président de la Générale des eaux, M. Jean-Marie
Messier, n'envisageait nullement un rapprochement avec Havas, pourquoi avoir si soudainement
changé d'avis?
« J'avais sous-estimé, répond-il, la rapidité de la convergence entre les industries des
télécoms et celles de la communication. Il y aura bientôt un seul point d'entrée, dans la
maison, pour l'image, la voix, le multimédia et l'accès Internet. Cette évolution est déjà
en route: dans douze à dix-huit mois, elle sera une réalité commerciale. Cette
accélération m'a amené à conclure qu'il faut être capable, pour conserver les marges, de
maîtriser toute la chaîne: contenu, production, diffusion et lien avec l'abonné » (Le
Monde, juin 1997).
38
Canal Plus qui possède le premier bouquet numérique en France, s’est lancé dans une course
acharnée, afin de proposer dans différents pays − le plus souvent avec des partenaires
nationaux − des bouquets numériques par satellite. Le groupe est présent en Espagne, en Italie,
au Brésil, en Pologne, en Scandinavie et même en Afrique. Par exemple, en Espagne, Canal Plus
Espagne est détenu à 25 % par Canal Plus France, à 25 % par le groupe Prisa, à 15,8 % par la
banque de Bilbao, à 15,8 % par le groupe March, à 5,3 % par Caja Madrid et à 7,8 % par
Eventos.
Par conséquent, le géant français de la télévision numérique pourrait être intéressé par le marché
canadien, mais la priorité semble être, pour l'instant, le marché européen sur lequel Canal Plus
doit consolider ses parts. En effet, TPS lui livre une vive concurrence en France et des
concurrents sérieux se dessinent en Espagne et en Italie sous la houlette des grandes sociétés
nationales de télécommunications.
2.4
Kirch Gruppe
Âgé bientôt de 70 ans, Leo Kirch, vieil ami du chancelier Helmut Kohl, a bâti un empire de
l'audiovisuel qui inclut la chaîne privée allemande SAT1, une participation importante dans le
groupe de presse Springer et des intérêts dans la chaîne à péage allemande Premiere.
Ce magnat allemand de l'audiovisuel a gagné, en 1997, un allié de poids dans la course à la
télévision numérique en Europe en concluant une alliance stratégique de cinq ans avec Viacom, le
groupe américain propriétaire des studios Paramount. L'accord donne au Kirch Gruppe les droits
de télédiffusion des productions audiovisuelles de Paramount Pictures dans les pays de langue
allemande pendant une durée initiale de cinq ans et ouvre la voie à d'autres collaborations.
Cette alliance renforçait la position de Kirch à l’égard du lancement d’un service de télévision
numérique à péage en Allemagne face à la concurrence d'une puissante alliance composée de
Bertelsmann, leader européen des médias, de Canal Plus et de British Sky Broadcasting (BSkyB),
le réseau satellitaire qui appartient à News Corp. En acquérant (pour un montant non dévoilé) les
droits des films et séries produits par Paramount pendant la période de l'accord, Kirch rafraîchit
39
instantanément son offre de programmes qui, bien que vaste − il possède le plus important
catalogue de films d'Europe −, était jugée un peu désuète. Kirch Gruppe obtient également les
droits de diffusion en Europe continentale de certaines séries télévisées produites par Paramount.
En échange, le groupe allemand diffusera sur son «bouquet» numérique les chaînes musicales
MTV Europe et VH-1 Germany de Viacom, ainsi qu'un bloc de programmes de sa chaîne pour
enfants Nickelodeon. L'accord pourra être prolongé pour une période supplémentaire de cinq ans
à son expiration en 2001.
Aussi formidable que la combinaison des programmes, l'alliance crée un pacte entre deux
redoutables vétérans de l'audiovisuel, qui cumulent 80 ans d'expérience dans les médias et ne
cachent pas leur admiration mutuelle. D'ores et déjà, Viacom obtient de Kirch Gruppe une option
d'achat sur 12 % du capital du groupe espagnol Gestevision Telecinco. De futures initiatives et
«activités stratégiques» en commun sont possibles.
Cependant, l’entrée dans le marché de la télévision par satellite en Allemagne n’a pas, pour
l’instant, produit le succès attendu puisque Kirch a décidé de fusionner une partie de ses activités
(CLT) avec la division télévisuelle de Bertelsman (UFA) de manière à unir les efforts pour
favoriser la diffusion des bouquets numériques en Allemagne. Cette fusion d’activités est en
attente de l’approbation de la Commission européenne.
40
2.5
Quelques perspectives tirées des stratégies des grands groupes de
l’industrie des médias
L’analyse sommaire du déploiement national et international de quelques grands groupes de
l’industrie des médias nous amène à quelques observations critiques qui peuvent nourrir une
perspective sur la situation canadienne.
–
L’intégration verticale et la concentration industrielle sont de puissants leviers de la stratégie
des grands groupes industriels. Ces derniers essaient de réunir sous leur emprise un vaste
répertoire de contenus et des canaux de distribution qui rejoignent les marchés clefs. Il s'agit
de Time Warner aux États-Unis, de la News Corp en Angleterre, la Générale des eaux en
France et de Kirch-Bertelsman en Allemagne.
–
Le contrôle par la propriété semble être privilégié de beaucoup lorsque la chose est possible
mais, selon les conditions du marché et de la réglementation nationale, la voie des alliances
avec des partenaires nationaux ou de la simple distribution de contenus étrangers par des
distributeurs locaux est aussi possible. Les tentatives d’entrée de News Corp sur le marché
des États-Unis par une alliance avec Echostar et MCI, l’alliance de contenu entre Kirch et
Viacom sur le marché allemand et l’entrée de Canal Plus sur le marché espagnol montrent
bien l’intérêt de la voie des alliances.
–
La télédiffusion directe par satellite ne semble pas être une arme qui permettrait la prestation
de services outre frontière par les grands groupes mondiaux. Le jeu se joue à l’intérieur du
cadre réglementaire et concurrentiel à l'échelle nationale ou régionale.
–
Le marché européen et, comme on le verra dans le suivant chapitre le marché de l'Europe de
l’Est, semblent représenter un enjeu concurrentiel d’importance pour les grands industriels
des médias. La taille potentielle de ces marchés, le très faible développement de l’offre en
canaux spécialisés et l’importance des investissements à faire poussent sans doute les grandes
entreprises à voir là de sérieuses occasions d’affaire significatives.
Quelles perspectives ces observations nous ouvrent-elles sur le marché canadien et québécois et
sur l’importance de nouveaux services étrangers en langue française susceptibles d’être diffusés
sur le territoire avec l’avènement de la télédiffusion directe par satellite?
41
Bien qu’on ait pu dénombrer au Canada jusqu’à 400 000 abonnés à des services américains de
télédiffusion directe au moment où les services de ce genre n’existaient pas au Canada, il faut
bien dire que la prestation outre-frontière compte tenu du cadre réglementaire local ne semble pas
être une pratique qui a cours sur le marché international parmi les grands groupes industriels. En
soi, l’avènement de la télédiffusion directe ne devrait pas modifier l’offre nationale par
l'entremise d'un diffuseur établi outre frontière.
Le Canada dispose, contrairement à de nombreux pays européens, d’une forte infrastructure pour
la distribution de produits spécialisés. La câblodistribution est très développée et la pénétration du
marché est élevée, la télédiffusion directe par satellite est en phase de développement de marché,
la télédiffusion numérique par micro-ondes (STML et SDM) est sur le point d’atteindre le
marché. Tous ces groupes auront la capacité d’offrir de très nombreux canaux. Ils auront sans
doute des besoins en capitaux importants dans les prochaines années pour soutenir le
développement et la mise à jour de leurs infrastructures et le niveau de leur effort de marketing.
Une logique de concentration et de contrôle de la part des grands groupes fait des distributeurs
canadiens d’excellents candidats à des prises de contrôle ou à des alliances stratégiques dans la
mesure où le cadre réglementaire canadien le permet. Cependant, il faudrait ajouter ici que les
télédiffuseurs canadiens pourraient présenter non seulement de l'intérêt pour les grands groupes
de médias, mais aussi, et même plus, pour les grands groupes de télécommunications qui sont
souvent déjà présents au Canada et cherchent des voies d’accès au marché canadien de services
locaux.
Enfin, il faut sans doute considérer que le marché canadien et surtout québécois ne constitue sans
doute pas une occasion d’affaires prioritaire pour nombre des grands groupes de l’industrie des
médias et surtout pour les plus susceptibles d’offrir de nouveaux services étrangers en langue
française. En effet, l’Europe semble, pour l’instant, le terrain le plus fertile. C’est un marché en
développement en matière de canaux spécialisés, et les grands groupes doivent occuper le terrain.
C’est particulièrement le cas de Canal Plus qui doit non seulement occuper le marché français,
mais aussi profiter des nombreuses occasions qui se présentent sur les marchés de la communauté
européenne et d’Europe de l’Est.
42
Ces perspectives nous mènent assez naturellement à l’examen du cadre réglementaire en vigueur
qui se redessine tant sur les principaux marchés qu'à l'échelle internationale.
43
44
Chapitre 3
L'effet de la réglementation nationale et internationale
sur l’offre de services étrangers de télédiffusion
La télédiffusion de contenus par des entreprises étrangères, qu’elle se fasse par prestation outre
frontière, par alliance avec des distributeurs nationaux ou par acquisition d’entreprises nationales,
se situe dans un cadre réglementaire complexe qui tient à trois facteurs : la présence antérieure de
l’État dans le domaine de la télédiffusion, l’importance des enjeux culturels que représentent la
production et la diffusion de l’audiovisuel et les enjeux économiques tant en audiovisuel qu’en
télécommunications. Or, ce cadre réglementaire évolue rapidement sous l'effet des changements
technologiques qui pourraient limiter beaucoup la faculté de réglementer (c’est ce qu’on a
volontiers dit de la télédiffusion par satellite et c’est ce qu’on dit volontiers d'Internet), de la
convergence technologique de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel qui
complique la tâche de cloisonner de manière étanche ces diverses activités dans le but de leur
appliquer une réglementation particulière, ainsi que des pressions, exercées en faveur de la
déréglementation et de la privatisation à l'échelle nationale et internationale. Il serait certes trop
long d'entrer dans le détail de chacun de ces éléments mais nous essaierons tout de même d’en
saisir l’essentiel en considérant d’abord l’orientation américaine et l'effet qu’elle exerce sur les
principaux partenaires commerciaux dans le cadre réglementaire qui se dégage des premières
négociations multilatérales à l’OMC et à l’OCDE, la situation en Europe et enfin, la situation
canadienne.
3.1 Les exigences américaines
Washington et Hollywood entendent bien pousser leur avantage et imposer dans les forums
internationaux un point de vue conforme aux principes énoncés dans un document intitulé US
Global Audiovisual Strategy, dont les points clés sont les suivants :
•
éviter un renforcement des « mesures restrictives » (notamment les quotas de diffusion
d’œuvres nationales) et veiller à ce que ces mesures ne s’étendent pas aux nouveaux services
de communication ;
45
•
améliorer les conditions d’investissement pour les firmes américaines en libéralisant la
réglementation en vigueur ;
•
éviter les querelles inutiles sur les questions culturelles en recherchant plutôt des zones
d’intérêt commun ;
•
lier les questions audiovisuelles et le développement des nouveaux services de
communication et de télécommunications dans le sens de la déréglementation ;
•
s’assurer que les restrictions actuelles liées aux questions culturelles ne constituent pas un
précédent pour les discussions qui s’ouvriront dans d’autres tribunes internationales ;
•
multiplier les alliances et les investissements américains ;
•
rechercher discrètement l’adhésion des exploitants visés par les quotas et la réglementation
(télévisions privées, publicitaires, entreprises de télécommunications) aux positions
américaines.
Ces éléments clefs qui dépeignent assez justement le point de vue américain ont de solides
assises. La première est bien entendu le marché américain lui-même qui, par sa taille, son
dynamisme et son ouverture offre un attrait commercial certain et appelle à la réciprocité. La
seconde est l’importance des firmes américaines du domaine élargi des médias et des
télécommunications qui sont capables et désireuses de se tailler une place enviable sur les
marchés étrangers.
3.2Le nouveau cadre réglementaire multilatéral
La démarche américaine trouve son pendant dans les organismes internationaux, et en premier
lieu à l’OCDE, dans le cadre des négociations de l'Accord multilatéral sur les investissements
(AMI) qui vise à favoriser les flux d’investissements étrangers et à supprimer le traitement
discriminatoire imposé aux investisseurs étrangers. L’objectif des États-Unis est d’obtenir le
traitement national pour les investissements américains dans tous les secteurs économiques de
production de biens et de services, y compris le secteur des médias. Dans ce cadre, il n’y aurait
plus de limitations aux acquisitions de sociétés nationales, au droit d’investir et au droit de
bénéficier des mêmes avantages que ceux consentis aux sociétés nationales. Cette question a fait
surgir pour la troisième fois l’argument de l’exception culturelle déjà présent dans l’ALENA et
46
dans les accords de l’OMC. Plusieurs pays souhaitent qu’une clause d’exception culturelle soit
incluse dans les accords internationaux afin de protéger spécifiquement le secteur de
l’audiovisuel ; ce point de vue n’est cependant pas accepté par des pays, tels les États-Unis. Nul
ne sait pour l’instant à quoi aboutira l’AMI puisque la perspective d’un accord entre les pays de
l’OCDE est devenue plus lointaine au cours des derniers mois et que la discussion sera sans doute
à reprendre au cours des prochaines années.
C’est dans le cadre de l’entente finale de l’Uruguay Round du GATT devenu depuis l’OMC, que
la question de l’audiovisuel a proposé une clause d’exception culturelle mise de l'avant entre
autres par la France et le Canada qui n’a pas fait l’unanimité. Cette clause n’est cependant qu’une
mesure défensive puisque les secteurs des médias et de l’audiovisuel font partie intégrante de
l’accord sur les services, mais par exception culturelle leur cadre réglementaire national est
préservé au moins provisoirement. Il s’agit donc d’un traitement exceptionnel et non d'une
reconnaissance de la préséance de la nature culturelle de ces services sur leur nature commerciale.
3.3La situation européenne
Nonobstant la clause de l’exception culturelle, le mouvement vers la déréglementation et
l’ouverture fait son chemin. On le constate en premier lieu dans le blocage de toute amélioration
des systèmes de protection européens, qui s'exprime dans la nouvelle mouture de la directive
communautaire Télévision sans frontières de 1989, arrivée à échéance. Rappelons que depuis
l’acte unique européen (entré en vigueur en 1987), la Communauté européenne s’est engagée
dans un processus d’harmonisation de la réglementation. Dans le domaine de l’audiovisuel, un
des textes clés est sans conteste la directive Télévision sans frontière (adoptée en octobre 1989 et
entrée en vigueur deux ans plus tard), laquelle prône notamment la diffusion majoritaire d’œuvres
européennes, des obligations de production en faveur des producteurs indépendants et des
dispositions en matière de publicité et de parrainage.
47
Dans un premier temps, en février 1996, le Parlement de Strasbourg avait voté un texte fort
différent de celui qui lui avait été soumis par la Commission et le Conseil, puisqu’il renforçait
l'imposition des quotas, les appliquait aux nouveaux services, interdisait les pratiques de
délocalisation des diffuseurs et donnait une définition rigoureuse de l’œuvre. Mais à la seconde
lecture, en octobre 1996, le Parlement fut incapable de s’opposer à la nouvelle « position
commune » du Conseil, élaborée par la Commission, qui faisait place aux préoccupations
américaines. Dans ses dispositions centrales, la directive de 1989 reste donc en l’état. Elle ne
comporte ni progrès ni réponse aux problèmes nouveaux et peut se résumer ainsi : réglementation
minimale pour tout ce qui existe, aucune réglementation pour ce qui est à venir.
La Hongrie, la République tchèque et la Pologne, candidates à l’Union Européenne, négociaient
avec cette dernière des accords d’association qui transposeraient dans leurs droits internes
respectifs la directive de Télévision sans frontière. Washington est intervenu, menaçant leurs
gouvernements de s’opposer à leur entrée dans l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE). Seule la Pologne a refusé de s’incliner. Pourtant, dans ces
trois pays, la part de marché des films américains est déjà supérieure à 90 %.
Le deuxième volet de l’offensive américaine est celui de l’investissement. Les entreprises géantes
– Time Warner-Turner, Disney-ABC, Westinghouse – CBS – sont de plus en plus présentes en
Europe, où elles achètent des studios, construisent des salles multiplex, interviennent dans les
réseaux câblés et passent des accords avec les entreprises locales. Elles créent également des
chaînes généralistes ou thématiques : une cinquantaine à ce jour, au point que, dans quelques
années, les premières télévisions privées de tous les pays de l’Est pourraient être sous contrôle
américain.
3.3.1 Le cas des câblodistributeurs français et allemands
Si les câblodistributeurs des États-Unis et du Canada sont des acteurs puissants dans leur
domaine, voire dans celui des télécommunications, la situation est totalement différente en
Europe. Exception faite de l’Angleterre, qui a entrepris très tôt son processus de
déréglementation, les câblodistributeurs français et allemands sont en majorité des joueurs de
taille moyenne, ne possédant pas de réseaux de fibre optique et de câble coaxial. En effet, les
48
opérateurs nationaux de télécommunications – France Télécom et Deutsche Telecom – sont,
chacun dans leur pays, devenus propriétaires des réseaux des entreprises de câblodistribution.
Comme ils sont propriétaires d’un réseau qui pourrait concurrencer leur réseau de
télécommunications, France Télécom et Deutsche Télécom reportent, malgré les pressions des
pouvoirs de réglementation nationaux, les décisions d’investissements nécessaires afin que les
réseaux fibre/câble coaxial puissent être bidirectionnels et plus puissants. Le surcroît de puissance
et la bidirectionnalité permettraient aux câblodistributeurs de devenir des intervenants
généralistes capables de proposer des services de câblodistribution et de télécommunications.
Le cas français :
Devant l’échec du plan câble français et l'absence d'investissements de la part de France Télécom
pour améliorer le réseau, les câblodistributeurs indépendants français jettent l’éponge et se font
racheter. Face à cette menace de concurrence sur le sol français, la stratégie de France Télécom a
été de racheter plusieurs câblodistributeurs. La situation de France Télécom a été délicate; en
effet, elle a eu pour ambition de reprendre l’ensemble des compagnies de câble mises en vente.
Ce trop grand appétit aurait toutefois contribué à alimenter les soupçons de la Commission
européenne qui aurait vraisemblablement demandé une enquête en prétextant une atteinte à la
concurrence.
Malgré cette stratégie d’endiguement de la part de France Télécom, certaines grandes entreprises
américaines ont su s’implanter sur le territoire de l'Hexagone. Ne pouvant détenir la majorité dans
une entreprise de télédiffusion française, les sociétés étrangères se sont vues accorder des
dérogations par le gouvernement, car aucun acteur français n’était véritablement intéressé.
Comme exemple, on peut citer la United Pan-Europe Communications, filiale de United Intl
Holding, qui a racheté 30 % des parts de la société française de câble Citécâble et 99,5 % de la
société de câble Marne la Vallée.
49
Possessions américaines dans le câble français
United Intl.
Holdings
TCI Intl.
Inc.
Citécâble
30 %
Time
Warner
Cable Inc.
Cité Réseau
100 %
Vidéopole S.A.
6,5 %
Marne la
Vallée
Rhône Vision Câble
49,9 %
Principaux exploitants américains de câble
Câblodistributeurs français
Source : Multichannels International News, 1997.
Les compagnies de télédiffusion françaises nouvelles ou anciennes ont choisi la voie du sans fil
pour conquérir ce marché comme on peut le constater devant le rachat de Havas (propriétaire de
Canal Plus) par un ancien câblodistributeur, la Compagnie Générale des Eaux.
Le cas allemand :
Sur le plan du nombre d’abonnés, le marché français et le marché allemand ne peuvent être
comparés. La situation du câble en Allemagne repose sur 17 millions de maisons câblées, dont
5,5 millions appartiennent à Deutsche Telecom. Les câblodistributeurs ne sont pas à l’agonie
comparés à leurs homologues français; en conclusion, aucun câblodistributeur allemand
n’appartient à une entreprise étrangère.
Pour ce qui est de l’infrastructure, le processus allemand de câblage des années 1980 ressemble
étrangement au processus français. En effet, c’est la société de télécommunications nationale qui
50
a été chargée de construire et de gérer le réseau de câble du côté est du Rhin. Responsable sur
tout le territoire depuis la réunification, Deutsche Telecom refuse d’améliorer son réseau en y
ajoutant bidirectionnalité et élargissement de la bande de 450 MHz à 900 MHz. Tout comme en
France, les compagnies allemandes de télédiffusion par câble ne peuvent proposer de nouvelles
chaînes (malgré la numérisation), du moins pas autant que pourront bientôt le faire les
câblodistributeurs américains, et surtout elles ne peuvent offrir les services Internet.
La Commission européenne sera appelée à se prononcer sur ce refus de Deutsche Telecom, et à
condamner cet abus de pouvoir de la société nationale de télécommunications. Pour sa part,
Deutsche Telecom invoque le fait que le passage d’une bande de 450 Mhz à 860 MHz devrait
coûter entre trois et quatre milliards de marks et se demande si de tels investissements sont
vraiment indispensables en raison de l’apparition de bouquets numériques allemands.
Marcel de Sutter, président de l’Association des câblodistributeurs européens, reste optimiste sur
les futures directives européennes en matière de télédiffusion. À son avis, France Télécom et
Deutsche Télécom seront forcés par la Commission européenne de former des filiales gérées
indépendamment de leur maison mère et de leurs stratégies.
Les récentes acquisitions américaines en France sont bien plus importantes sur le fond que sur la
forme. Constat puissant de l’échec du Plan câble français, la France a cédé aux ouvertures de
capital, et avec la convergence des technologies, on devrait assister prochainement à la création
d’entreprises de câblodistribution américaines fournissant télévision et télécommunications.
Bien que le processus soit déjà engagé, les politiques français sont réticents à l’idée de signer des
accords multilatéraux qui reconnaîtraient la possibilité des participations majoritaires étrangères
aux entreprises de télécommunications et de câblodistribution françaises.
Il ne reste plus que la politique des quotas et des subventions des films français pour empêcher
une ouverture plus grande. Cette politique ne serait-elle pas illusoire compte tenu de la présence
de nombreux diffuseurs étrangers?
51
3.3.2 Le cas des autres pays membres de l'Union européenne
L'Europe occidentale est constituée de divers pays dont les législations en matière audiovisuelle
sont très variées. Les querelles byzantines, qui opposent les différents ministres chargés de
l'audiovisuel des 15 nations sont très nombreuses et aboutissent à des compromis que l'on
pourrait qualifier de balkaniques. Pour comprendre les affrontements actuels, il suffit d'analyser
la situation de la propriété étrangère des entreprises de câblodistribution parmi quelques pays
européens. Les résultats révèlent une situation extrêmement variée due à l'absence de politique
commune et à l'entrée récente de certains pays dans l'Union européenne dont les politiques en
matières de l'audiovisuel étaient aux antipodes de celles de la France et de l'Allemagne.
Les résultats de notre analyse en profondeur des véritables propriétaires des câblodistributeurs
européens révèlent la progression inexorable de l'Europe vers un marché de la radiodiffusion
ouvert à la propriété étrangère. Les compagnies américaines sont présentes dans de nombreux
pays européens, et le cas le plus clair reste celui de United International Holding. En effet, d'après
l’analyse, ce dernier possède des intérêts minoritaires dans des câblodistributeurs irlandais et
hollandais, mais aussi des intérêts majoritaires en Norvège, en Autriche, au Portugal et en
Hollande. Ajoutons les éléments d'actif placés par Comcast en Angleterre dans plusieurs
entreprises de câblodistribution, la présence de Bell Atlantic chez Cable & Wireless
Communications Europe, et les intérêts de US West en Belgique et en Hollande, et nous aurons le
tableau complet de la présence américaine sur le sol européen.
52
Possessions américaines dans le câble européen
United Intl.
Holdings
Princes Holdings
(Irlande)
20 %
Norkabel
(Norvège)
Bell
Atlantic
Comcast
Birmingham Cable
(UK)
27,5 %
Cable and
Wireless
Comm. Europe
18,5 %
Cambridge Cable
Group (UK)
100 %
100 %
Janco
(Norvège)
70,2 %
Comcast Teeside
(UK)
100 %
SBC
Comm.
Cable London
100 %
Telekable Group
(Autriche)
90 %
Cox
Comm.
Telewest
Intercabo
(Portugal)
100 %
TCI
Intl.Inc.
KTE
(Pays-Bas)
100 %
A2000
(Pays-Bas)
50 %
U S West
Inc.
Principaux exploitants de câble américains
Câblodistributeurs européens
Source : Multichannels International News, 1997.
53
Telenet
(Belgique)
25 %
A2000
(Pays-Bas)
50 %
Cette présence que les Européens appellent volontiers l'impérialisme américain constitue un état
de fait difficilement réversible. En paraphrasant le général de Gaulle, on peut affirmer que les
réalités se traitent d'elles-mêmes.
On ne peut négliger la mondialisation et les institutions internationales acquises à la cause
américaine et qui sont les garantes des politiques libérales. Les prochaines directives européennes
statueront rapidement sur ce cas précis et reconnaîtront le bien-fondé de la venue de la propriété
étrangère et surtout américaine dans le système de télédiffusion.
3.3.3 Le cas des pays de l'Europe de l'Est
Afin de confirmer notre analyse de l’importance de la propriété étrangère dans le monde de
l'audiovisuel, nous nous arrêterons brièvement sur le cas des pays de l'Europe de l'Est. Les quatre
pays du Triangle de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et République slovaque)
ont tous connu l'arrivée des capitaux et d'une expérience américaine capable de redresser les
situations désastreuses des anciennes compagnies de télédistribution d'État. Aucun de ces pays
n'avait les moyens de soutenir la relance de cette industrie. Il faut se souvenir que le Plan câble
français a coûté des milliards de francs aux contribuables de l'Hexagone. Les gouvernements des
pays d'Europe de l'Est européen ne sont pas prêts à répéter cette expérience. Comme en témoigne
le tableau qui suit, la présence américaine est donc importante.
54
Possessions américaines dans le câble est-européen
United Intl.
Holdings
Kabel Net
(Rép. tchèque)
100 %
U S West
Inc.
Kabel Plus
(Rép. tchèque)
94 %
Traruvatel SRO
(Rép. slovaque)
75 %
Control Cable
(Roumanie)
51 %
Multi Canal
(Roumanie)
90 %
Time
Warner
Cable Inc.
Kabelkom kft
(Hongrie)
53,7 %
Kabelkom
(Hongrie)
50 %
TCI Intl.
Inc.
Aster City Cable
(Pologne)
49 %
William
Bresnan
Kabelkom
(Hongrie)
50 %
Katowicka Telewizja
(Pologne)
49 %
Przedsiebiorstwo
Rozwoju Handlui
TeleKomunikacji
Sp Zoo (Pologne)
100 %
Regionale Telewizja
Kablowa Autocom
(Pologne)
100 %
Principaux exploitants de câble américains
Câblodistributeurs est-européens
Autocom (Pologne)
49 %
Source : Multichannels International News, 1997.
55
Les acteurs américains présents dans les pays de l'Est sont au nombre, principalement, de cinq.
En effet, United Internationnal Holding possède différentes participations en République tchèque,
en République slovaque, en Roumanie et en Hongrie. De son côté, Time Warner Cable détient
des actifs en Hongrie, pendant que US West a investi en République tchèque. TCI et William
Bresnan, quant à eux, ont lourdement investi en Pologne dans cinq câblodistributeurs.
Tout comme dans le cas précédent, la venue imminente de ces pays européens dans l'Europe ne
pourra contribuer à limiter la présence étrangère dans l'industrie de la télévision de ces états.
Un retour en arrière est financièrement impossible, mais aussi idéologiquement impensable parce
qu'il faudrait renouer avec les nationalisations afin de permettre un contrôle national de ces
industries.
3.4 La situation canadienne
Le Canada est un tenant ferme de l’exception culturelle qu’il a d’ailleurs notamment défendue et
obtenue dans le cadre des négociations de l’ALE et de l’ALENA. Cette position se manifeste par
un cadre réglementaire qui vise à assurer que les Canadiens soient propriétaires et contrôlent les
entreprises de télécommunications et de télédiffusion.
Le cadre prévoit aussi le niveau de
contenu canadien de la programmation. Nous examinerons donc principalement la réglementation
sur la propriété, les licences et le parrainage.
3.4.1 La propriété et le contrôle
Le règlement sur la propriété et le contrôle des entreprises de télécommunications et de diffusion
canadiennes lie le droit «d’opérer » au Canada au contrôle effectif de l’entreprise par des
Canadiens. La possibilité qu’une entreprise canadienne soit détenue par une société étrangère est
donc limitée à 20 % de l’ensemble des actions et à 33,3 % des actions de la société mère. Cette
réglementation sur la propriété sera sans doute mise à rude épreuve au cours des prochaines
années. D’abord, le Canada subira sans doute des pressions internes et externes pour assurer la
réciprocité aux États-Unis qui permettront, pour leur part, la propriété étrangère dans les
domaines des télécommunications et des médias. Compte tenu de l’attrait du marché américain
56
pour les firmes canadiennes, ces dernières pourraient appuyer cette réciprocité si le gouvernement
américain la demande pour les firmes américaines au Canada. Ces pressions risquent d’être
d’autant plus fortes que les sociétés canadiennes de radiodiffusion (câblodistributeurs, STML)
détiennent des infrastructures bidirectionnelles et numériques très intéressantes pour les grandes
entreprises américaines de télécommunications qui cherchent des réseaux pour s'implanter sur les
marchés locaux de services de télécommunications.
3.4.2 Le contenu canadien à la télévision
Malgré la proximité des États-Unis, les Canadiens dans leur ensemble ont toujours voulu
préserver leur culture. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour assurer l'épanouissement de
la culture canadienne à travers le pays. Compte tenu de la compétition et des nouvelles
possibilités technologiques, la télévision a toutefois un besoin pressant de nouveaux canaux;
devant cette réalité, la politique du CRTC est particulièrement intéressante à observer.
L’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion exige, entre autres choses, que le système canadien de
radiodiffusion favorise l’épanouissement de l’expression canadienne. À la télévision, les
exigences sont fondées sur le temps d’antenne consacré à des émissions canadiennes. Comme
l’exige la réglementation en matière de télédiffusion, les exploitants des stations de télévision
privées doivent généralement atteindre un niveau annuel de contenu canadien d’au moins 60 %
en tout, calculé sur l’ensemble d’une journée de radiodiffusion, et de 50 % entre 18 h et minuit.
La SRC, en sa qualité de radiodiffuseur national, doit faire en sorte que ses grilles horaires
comportent au moins 60 % d'émissions canadiennes.
Le caractère canadien d’une émission est évalué en fonction de critères relatifs au producteur et
aux membres clés de l’équipe de création, aux montants versés à des Canadiens pour les services
fournis lors de la production et de la postproduction, ainsi qu’aux sommes déboursées au Canada
pour le traitement en laboratoire. Les radiodiffuseurs peuvent réclamer un crédit de 150 % en
temps lorsqu’ils diffusent des dramatiques canadiennes en répondant à certains critères de mise à
l’horaire et lorsque les membres clés de l’équipe de production de ces émissions, sur le plan de la
création, sont tous Canadiens.
57
En ce qui concerne la télévision payante, les services spécialisés et la télévision à la carte, la
réglementation est légèrement différente. Pour ce qui est du contenu canadien, les services
spécialisés, de télévision payante et de télévision à la carte doivent satisfaire certaines exigences
établies par voie de condition de licence. Ces exigences sont liées à divers facteurs tels que la
nature du service, le genre et la disponibilité des programmes offerts. Le Conseil réévalue ces
exigences au moment d’examiner les demandes de renouvellement de licence.
Compte tenu de la capacité de transmission et du choix accru qu'annoncent les transformations
technologiques actuelles dans le domaine de la télédiffusion, le CRTC a autorisé l'existence d'un
grand nombre de nouveaux services spécialisés remplissant les critères d'attribution de licences.
Parmi ces critères, les plus importants sont la demande, la diversité, le coût et les contributions à
la programmation canadienne. Les nouveaux services élargissent grandement la gamme de
services de qualité offerts aux téléspectateurs canadiens. Comme nous l'avons laissé entendre
dans de la première partie de l'étude, la concurrence et la numérisation des réseaux rendent
techniquement possible une offre croissante de chaînes de télévision. Les nouveaux services
spécialisés incitent encore davantage les câblodistributeurs à mettre rapidement en œuvre la
technologie numérique.
Étant donné les engagements importants qu'ils ont pris à l'égard de la production et de la diffusion
de contenu canadien, quatre nouveaux services francophones ont obtenu la possibilité d'être
diffusés parmi les derniers canaux analogiques disponibles des entreprises de distribution. Le
Canal Vie, par exemple, s'est engagé à consacrer 5,5 millions de dollars aux émissions
canadiennes dès la seconde année d'exploitation et 45 % de ses recettes brutes par la suite; suivant
les conditions de sa licence, la grille horaire atteindra en soirée un niveau de contenu canadien
d'au moins 60 %. Télétoon consacrera, à compter de la troisième année, 40 % de ses recettes
brutes aux émissions canadiennes. La grille horaire atteindra un niveau de 60 % en contenu
canadien à la cinquième année alors que le niveau initial était de 40 %. Entre 1996 et 2003,
42 millions de dollars seront consacrés à l'élaboration d’émissions canadiennes.
58
Pour sa part, Musimax atteindra un niveau de contenu canadien de radiodiffusion de 60 %. Dans
le cas des vidéo-clips, le contenu canadien atteindra 30 % et le contenu en langue française 30 %
la troisième année. À partir de la deuxième année, cinq pour cent des recettes brutes iront au
Fonds de développement de vidéo-clips.
Plusieurs constats peuvent être dégagés des conditions des licences de ces nouveaux services :
•
l’ensemble des nouvelles chaînes appartiennent à des Canadiens,
•
le contenu canadien est défini de façon précise puisque l’ensemble des chaînes s'est vu
imposer des quotas de contenu canadien,
•
des dépenses au titre des émissions canadiennes ont été imposées à certaines chaînes de
télévision.
3.4.3
Le parrainage d'émissions étrangères
Avec la multiplication des capacités de distribution des divers diffuseurs et l’arrivée des canaux
spécialisés et des services de télévision payante, le Canada a été amené à adopter un cadre
réglementaire pour la diffusion au Canada de signaux par satellite étrangers. En fait, le CRTC
veut donner aux abonnés accès aux services étrangers, mais il veille à ce que la majorité des
canaux soit réservée aux services canadiens. Deux volets de la réglementation encadrent donc la
distribution de signaux étrangers au Canada. Le premier volet règle la façon dont les services par
satellite étrangers peuvent être assemblés avec les services canadiens. Le second volet institue un
régime de parrainage de signaux étrangers par des sociétés canadiennes grâce auquel on est
certain que chacun des signaux étrangers diffusés au Canada est autorisé.
La réglementation prévoit que les signaux étrangers peuvent être assemblés avec des canaux
spécialisés ou avec des services de télévision payante. Cependant, les services étrangers doivent
être parrainés par une entreprise canadienne de diffusion et faire l’objet d’une demande au CRTC
59
qui en autorise la diffusion selon des critères définis dont le plus important est que ce service
étranger ne doit pas entrer en concurrence avec un service canadien déjà diffusé.
À titre
d’exemple, on peut rappeler les conditions principales de la licence de Homestar (StarChoice),
dernier service de SRD autorisé par le CRTC à la fin de 1997. En plus d’un service de base,
Homestar (StarChoice) est autorisé à offrir divers services optionnels, notamment des canaux
conventionnels, spécialisés ou de télévision payante.
Dans tout ensemble, chaque service
canadien de télévision payante peut être associé à un maximum de cinq canaux alloués à des
transmissions étrangères autorisées. Chaque service spécialisé canadien peut être associé à un
canal alloué à un service étranger autorisé. L’autorisation de signaux étrangers implique donc
nécessairement une demande au CRTC. Elle peut se faire de deux manières : dans le premier cas,
la société étrangère procède par entente de distribution avec une entreprise canadienne qui
demande au CRTC de modifier en conséquence sa licence pour y ajouter le service étranger; dans
le second cas, une entreprise ou une association canadienne fait une demande de parrainage d’un
signal étranger au CRTC qui émet un avis public, reçoit des avis et décide s’il y a lieu de
l’inscrire sur la liste. À titre d’exemple, on pourra consulter le document en annexe sur les
demandes de parrainage.
En somme, aucun signal étranger par satellite ne peut être légalement distribué au Canada sans
être autorisé par le CRTC. Pour qu’il le soit, il doit être de nature à ne pas concurrencer les
canaux canadiens existants.
Actuellement, 45 services étrangers font partie de la liste des services admissibles. Le CRTC a
décidé, en décembre dernier, d’un moratoire jusqu’à la tenue des audiences sur les demandes de
nouveaux services spécialisés canadiens, afin d’accorder priorité à ces derniers.
3.5
Perspectives en matière de cadre réglementaire
Manifestement, le domaine de la télédiffusion tout entier est en phase de grande mouvance sur le
plan de la réglementation autant dans les espaces nationaux qu’au niveau international. Les états
ont toujours fortement encadré ce domaine, soit parce qu’il était réservé à l’État, soit pour des
raisons de politique culturelle. Les États-Unis sont les grands promoteurs d’une déréglementation
60
et la convergence technologique de l’informatique, des télécommunications et des médias rend
sans doute de plus en plus difficile de préserver le cadre réglementaire traditionnel. Cependant,
nombre de pays, notamment le Canada, veulent maintenir un cadre réglementaire en invoquant
l’exception culturelle.
Le cadre réglementaire touche principalement deux dimensions de l’industrie : la propriété et le
contrôle des entreprises de diffusion d'une part, et l’autorisation de diffuser des contenus
spécifiques et en particulier étrangers d'autre part.
C’est sans doute au niveau de la propriété et du contrôle des entreprises que les pressions en vue
d'un changement de réglementation seront les plus fortes au cours des prochaines années. Cette
érosion du contrôle national des diffuseurs est déjà très largement entamée en Europe où les
grandes entreprises américaines de médias ont pu prendre pied grâce à la faiblesse relative des
diffuseurs privés et au manque de diversification des canaux spécialisés; au Canada, les
entreprises de diffusion, telles les câblodistributeurs et les sociétés de STML et SDM, constituent
sans doute des cibles pour des acquisitions ou des partenariats. En ce domaine, les entreprises de
télécommunications étrangères à la recherche d’infrastructures pour rejoindre le marché
déréglementé des services de télécommunications locaux auraient plus d’appétit que les grandes
entreprises de médias qui trouvent peut-être le marché canadien suffisamment concurrentiel, petit
et fragmenté.
En matière de contenu, les signaux étrangers ne peuvent être diffusés légalement au Canada sans
être autorisés par le CRTC. Avant l’avènement de la télévision par satellite, la création des
sociétés de diffusion par micro-ondes et l’amélioration des capacités de diffusion des
câblodistributeurs, il y avait peu ou point de place pour les signaux étrangers. Compte tenu de
l’immense capacité de diffusion actuelle, le parrainage de signaux étrangers devrait devenir
important. Dans l’avenir, ce ne sera plus la capacité technique limitée de diffuser des signaux qui
fera obstacle à la présence de signaux étrangers, mais les limites de la demande sur un marché de
taille limitée et la volonté de l’organisme de réglementation.
61
62
Chapitre 4
La télédiffusion directe par satellite et l’offre de nouveaux services
étrangers en langue française au Québec
Les perspectives un peu alarmistes qu’a pu dessiner, il y a à peine quatre ou cinq ans, la
télédiffusion directe par satellite ne sont déjà plus très réalistes dans le contexte actuel. On
imaginait volontiers alors une capacité de diffusion sans pareille de centaines de signaux
numériques spécialisés sans grande concurrence et sans frontière. Or, le déploiement de ce mode
de diffusion ne semble pas du tout se faire sans concurrence et sans frontière. Il laisse plutôt
entrevoir des perspectives qui s’inscrivent dans l’ordre des forces du marché
et du cadre
réglementaire.
4.1 La télédiffusion directe par satellite : une technologie parmi d’autres
Comme on a tenté de le démontrer au chapitre 1, la télédiffusion directe par satellite ne sera pas la
seule à être dotée d'une grande capacité de diffusion de signaux numériques. Les nouvelles
technologies de diffusion par micro-ondes (STML et SDM) qui arriveront sur le marché sous peu
permettent de diffuser une centaine de canaux de signaux numériques; les réseaux mixtes de fibre
optique et câble coaxial des câblodistributeurs, une fois mis à niveau sur une bande de fréquence
supérieure et équipés de la vidéocompression, auront cette même capacité. C’est donc, du moins
au Canada, dans un univers où plusieurs entreprises sont en mesure d’offrir une multitude de
signaux qu’il faut considérer les perspectives de l’offre de signaux étrangers.
La télédiffusion directe par satellite aura certes un avantage concurrentiel sur les technologies
STML et de câblodistribution pour la diffusion de signaux dans les régions rurales et les zones
qui présentent des difficultés de couverture, mais dans toutes les autres zones géographiques où
elle sera en concurrence, elle subira le désavantage d’être, à court et à moyen terme, une
technologie incapable de fournir d’autres services que les clients pourraient rechercher auprès
d’un fournisseur unique (téléphonie, accès Internet, services à valeur ajoutée).
63
Sur les marchés où la câblodistribution est très développée et où la mise à niveau technologique
s’est faite, il ne semble pas que la télédiffusion par satellite soit appelée à une forte pénétration.
Au contraire, sur les marchés où la câblodistribution est moins développée, il semble que ce soit
une technologie très porteuse. C’est en particulier ce qu'on constate en Europe.
4.2 Un déploiement comme les autres technologies de distribution
Alors que beaucoup attendaient, avec la télédiffusion directe par satellite, un déploiement sans
frontière qui pourrait même échapper au cadre de la réglementation nationale, il semble bien que
ce déploiement se fasse à l'échelle nationale et régionale par signaux protégés. Plusieurs raisons
justifieraient ce déploiement somme toute très traditionnel.
•
La télévision directe par satellite a besoin de revenus d’abonnement et de revenus
publicitaires pour assurer sa rentabilité. Or, les marchés publicitaires sont encore largement
des marchés régionaux et nationaux et les revenus des abonnements exigent que les signaux
soient protégés et fassent l’objet d’une vente d’abonnement aux clients potentiels.
•
La télévision directe par satellite doit, pour assurer sa programmation, obtenir des droits de
retransmission très onéreux sur les films et les émissions des divers producteurs. Or, ces
droits sont concédés en fonction de tarifs par pays et non de l'audience réelle. Il est donc
important que les diffuseurs structurent la diffusion sur des bases nationales.
• Les entreprises de télédiffusion par satellite diffusent dans divers pays en respectant la
réglementation nationale qui, souvent, restreint le droit de diffuser des sociétés étrangères et
réglemente le contenu national de la programmation. Ces sociétés, souvent de grande taille,
ne peuvent se permettre d’œuvrer dans l’illégalité dans un pays ou de justifier des
investissements dont les revenus proviendraient d’activités illégales dans un autre pays.
4.3 Une technologie de distribution à la recherche des meilleures occasions
d’affaires
64
La télédiffusion directe par satellite, comme nouvelle venue sur le marché de la télédiffusion, est
à la recherche des occasions d’affaires les plus accessibles et les plus rentables afin d’atteindre le
plus vite possible le seuil de rentabilité. Sur les marchés où d’autres technologies de diffusion, et
particulièrement la câblodistribution, sont bien établies, le premier marché visé est le segment de
ceux qui ne sont pas ou qui sont mal desservis par les câblodistributeurs. C’est ce qui s’est
produit aux États-Unis au cours des dernières années. Désormais, aux États-Unis, la télédiffusion
directe par satellite devra concurrencer les câblodistributeurs pour élargir son bassin de clientèle.
Cette démarche pourrait s’avérer plus difficile. Sur les marchés d’une certaine taille où d’autres
technologies sont peu présentes et où l’offre de canaux spécialisés est très limitée, les occasions
d’affaires sont extrêmement intéressantes. Il semble que ce soit le cas de nombreux pays de
l'Europe occidentale et de l’Europe de l’Est. Par ailleurs, nous avons fait remarquer la présence
des grandes firmes mondiales du domaine des médias qui prennent pied en Europe, soit en
s’emparant de sociétés nationales, soit en s’associant avec des entreprises locales. Si l’on
considère le marché francophone du Canada, il faut bien dire qu’il constitue une occasion
d’affaires de taille limitée et peu accessible. En effet, les canaux spécialisés et les émissions de
télévision payante ne retiennent que 11,1% de l’auditoire francophone au Québec et les
francophones écoutent majoritairement des émissions canadiennes (66,3% des heures d’écoute).
De plus, la population du Québec, et plus spécialement du grand Montréal, est déjà desservie par
des câblodistributeurs et des entreprises de télédiffusion directe par satellite et le sera bientôt par
des entreprises de STML et de SDM.
4.4 Trois scénarios d’offre de signaux étrangers en langue française au
Québec
Compte tenu des observations que nous venons de faire, nous pouvons imaginer trois scénarios
susceptibles d’accroître l’offre de signaux étrangers en langue française au Québec, scénarios qui
ne sont pas nécessairement liés directement à l’avènement de la télédiffusion directe par satellite.
Dans un premier scénario, on prend pour hypothèse que la politique du CRTC en matière de
télédiffusion, au cours des dernières années a eu pour effet d’accroître beaucoup la capacité
d’offrir de très nombreux canaux spécialisés à la population canadienne. L’octroi de licences de
65
télédiffusion directe par satellite et de communication par micro-ondes d’une part, et les
ajustements technologiques des câblodistributeurs à l’arrivée de ces nouveaux venus constituent
d'autre part, une impressionnante capacité d’offre de signaux numériques. Dans un tel contexte,
les diverses entreprises pourront, selon les règles du CRTC relativement au parrainage de signaux
étrangers ou en concluant des ententes commerciales, contribuer à offrir des signaux étrangers,
entre autres en langue française.
Dans un second scénario, on suppose que les infrastructures des câblodistributeurs et des sociétés
de STML sont non seulement des infrastructures de télédiffusion, mais aussi de
télécommunications et que ces dernières constituent des éléments d'actif extrêmement
intéressants pour les entreprises de télécommunications, en particulier américaines, qui cherchent
à pénétrer sur les marchés de services locaux de télécommunications. Dans un contexte de ce
genre, les entreprises canadiennes seraient la cible d’alliances stratégiques et plus probablement
de prises de contrôle par des sociétés américaines aux termes de la loi canadienne. Ces dernières
n’ont pas nécessairement d'intérêt stratégique dans les activités de télédiffusion et viseraient
plutôt à offrir des services de téléphonie et des services à valeur ajoutée aux entreprises et aux
ménages canadiens ou québécois. Il est difficile de prédire dans un tel scénario quel pourrait être
l’impact sur l’offre de signaux étrangers. Ce qui est certain, c’est que les sociétés canadiennes de
câblodistribution deviendraient beaucoup plus diversifiées au niveau de leur prestation de
services.
Dans un troisième scénario, on présume que des grandes entreprises mondiales de médias,
comme celles que nous avons analysées au chapitre 2, s’intéressent au marché canadien et
québécois et s'efforcent de former une alliance ou de participer à la propriété de télédiffuseurs
canadiens ou québécois dans une logique d’intégration verticale qui va de la production à la
diffusion. Si l'éventuel partenaire a alors intérêt à privilégier la distribution de sa propre
production, l’offre abondante de signaux en français sera fonction du type de production de ce
partenaire. Elle pourrait aussi défendre des investissements qu’une entreprise de ce genre pourrait
vouloir faire dans la production canadienne de contenu en français, soit pour répondre aux
exigences de la réglementation, soit pour des motifs tributaires du marché.
66
On pourrait citer comme exemple ici le cas de Canal Plus en Espagne. Son arrivée dans ce pays a
en effet été l’occasion d’investissements importants dans la production de films espagnols.
En somme, la télédiffusion directe par satellite n’a manifestement pas intrinsèquement la capacité
d’influencer l’offre de signaux étrangers en français au Québec si l’on entend par là la possibilité
pour des diffuseurs directs étrangers d'offrir des prestations outre frontière. Cependant,
l’avènement de la télédiffusion directe par satellite a déjà déclenché un processus de
démultiplication des capacités de diffusion de canaux spécialisés et de services de télévision
payante. C’est cette capacité qui rend très possible une offre accrue de signaux étrangers en
français. Compte tenu de la taille du marché canadien et québécois, du développement
technologique des infrastructures et de l’importante convergence de l’industrie des médias et des
télécommunications, il y a lieu de penser que les deux premiers scénarios sont les plus probables.
67