Pages 165 à 177 du recueil
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Pages 165 à 177 du recueil
165 Moïse , Michel-Ange 166 1 La théophanie du buisson ardent (Exode, III, 1-6, trad. Bible de Jérusalem) 1 Moï se faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madiân ; il l’emmena par-de là le désert et parvint à la montagne de Dieu, l’Horeb. 2 L’Ange de Yahvé lui apparut, dans une flamme de feu, du milieu d’un buisson. M oï se regarda : le buisson était embrasé mais le buisson ne se consumait pas. 3 Moï se dit : « Je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle, et pourquoi le buisson ne se consume pas. » 4Yahvé vit qu’il faisait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson. « Moï se, Moï se », dit-il, et il répondit : « Me voici » 5Il dit : « N’approche pas d’ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. » 6Et il dit : « Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. » Alors M oï se se voi là la face, car il craignait de fixer son regard sur Dieu. (…) 167 La révélation du nom divin(Exode, III, 13-15, trad. Bible de Jérusalem) 13 Moï se dit à Dieu : « Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : « Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous. » Mais s’ils me disent : « Quel est son nom ? », que leur dirai-je ? » 14Dieu dit à Mo ï se : « Je suis celui qui est. » Et il dit : « Voici ce que tu diras aux Israélites : « Je suis » m’a envoyé vers vous. » 15 Dieu dit encore à M oï se : « Tu parleras ainsi aux Israélites : « Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob m’a envoyé vers vous. C’est mon nom pour toujours, c’est ainsi que l’on m’invoquera de génération en génération. 2 1 Moïse et le buisson ardent, Haggadah dorée, XIVe s., Londres, British Library. Moïse devant le Buisson ardent, vitrail, vers 1150-1160 (dans la partie inférieure est représenté le maître verrier Gerlacus), Abbaye d’Arnstein Münster, Westfälisches Landesmuseum für Kunst und Kulturgeschichte, Westphalie. 2 168 169 LES DIX PLAIES D’EGYPTE En Egypte, le peuple hébreu est sous le pouvoir de Pharaon. Edward John Poynter montre cet esclavage dans sa composition picturale intitulée Servitude d’Israël en Egypte. 170 INTRODUCTION De nombreux personnages bibliques restent présents en notre mémoire pour leur vie, leur caractère, ou leurs actions. On se souvient par exemple de Noé, seul survivant (avec sa famille) du Déluge, de Salomon et de sa sagesse exemplaire. Parmi eux, on peut citer la figure mythique de Moïse. Ce personnage a joué un rôle majeur dans l’histoire d’Israël, puisque le récit biblique le présente comme le sauveur du peuple hébreu, celui qui l’a libéré de l’esclavage en Egypte. Trouvé dans une corbeille sur les eaux du Nil, il est élevé par la fille de Pharaon ; devenu grand, il tue un Egyptien qu’il a surpris en train de frapper un Hébreu, « un de ses frères » (Ex II, 11). Il doit alors s’enfuir, et c’est dans son exil que Dieu vient le trouver pour se révéler à lui. Moïse reçoit pour mission de sortir le peuple hébreu de « la maison de la servitude ». L’épisode dit « des dix plaies d’Egypte » (Ex VII – XII, 36) relate le premier temps de cette mission. Moïse, assisté de son frère Aaron, demande à Pharaon de laisser partir au désert le peuple hébreu, mais Pharaon refuse. Dès lors, par l’intermédiaire de Moïse et d’Aaron, Dieu va accabler l’Egypte de dix fléaux successifs, jusqu’à ce que Pharaon cède : « Je sais bien que le roi d’Egypte ne vous laissera aller que s’il y est contraint par une main forte. Aussi j’étendrai la main et je frapperai l’Egypte par des merveilles de toute sorte que j’accomplirai au milieu d’elle ; après quoi il vous laissera partir (Ex III, 19-20) ». La logique des événements paraît simple : chaque nouveau fléau apparaît à la suite de l’endurcissement de Pharaon, qui refuse de se laisser fléchir. C’est l’interprétation qui prévaut, l’usage du mot « plaies »3 pour caractériser l’épisode l’atteste. Pourtant, Dieu se présente par avance comme la cause de cette obstination : « mais moi j’endurcirai son cœur et il ne laissera pas partir le peuple ( Ex IV, 21) ». Et le mot « plaie » n’apparaît qu’une fois dans le texte hébreu, qui privilégie celui de « prodiges ». Que penser dès lors du rôle de ces fléaux : sont-ils châtiment ou épreuve, démonstration de pouvoir ou moyen réel de pression ? Nous nous demanderons tout d’abord dans quelle mesure ce récit mêlé de merveilleux, qui semble traversé de questions théologiques fondamentales, est le reflet de phénomènes historiquement attestés, ou s’il est avant tout une composition littéraire, ce qu’une analyse de son vocabulaire et de sa structure nous révélera. Ayant ainsi déterminé le statut de ce texte, nous pourrons nous interroger plus avant sur son sens théologique et sa finalité : s’agit-il avant tout de combattre les croyances égyptiennes, ou bien d’affirmer la suprématie du Dieu d’Israël et la profonde liberté de ses choix ? 3 Titre donné à l’épisode dans la Bible de Jérusalem et dans la Bible Osty. 171 LES DIX PLAIES D’EGYPTE (Ex,VII – XII, 36). Reprise du récit de la vocation de Moï se (Ex, VII, 1-7). 81Yahvé dit à Moïse : « Vois, j’ai fait de toi un dieu pour Pharaon, et Aaron, ton frère, sera ton prophète. 2Toi, tu lui diras tout ce que je t’ordonnerai, et Aaron, ton frère, le répétera à Pharaon pour qu’il laisse les Israélites partir de son pays. 3Pour moi, j’endurcirai le cœur de Pharaon et je multiplierai mes signes et mes prodiges dans le pays d’Egypte. 4Pharaon ne vous écoutera pas, alors je porterai la main sur l’Egypte et je ferai sortir mes armées, mon peuple, les Israélites, du pays d’Egypte, avec de grands jugements. 5Ils sauront, les Egyptiens, que je suis Yahvé, quand j’étendrai ma main contre les Egyptiens et que je ferai sortir de chez eux les Israélites. » 6 Moïse et Aaron firent comme Yahvé leur avait ordonné. 7Moïse était âgé de quatrevingts ans et Aaron de quatre-vingt-trois ans lorsqu’ils parlèrent à Pharaon. Le bâton changé en serpent (Ex, VII, 8-13). 8 Yahvé dit à Moïse et à Aaron : 9« Si Pharaon vous dit d’accomplir un prodige, tu diras à Aaron : Prends ton bâ ton, jette-le devant Pharaon, et qu’il se change en serpent. » 10 Moïse et Aaron allèrent trouver Pharaon et firent comme l’avait ordonné Yahvé. Aaron jeta 11 son bâton devant Pharaon et ses serviteurs, et il se changea en serpent. Pharaon à son tour convoqua les sages et les enchanteurs, et, avec leurs sortilèges, les magiciens d’Egypte en firent autant. 12Ils jetèrent chacun son bâton qui se changea en serpent, mais le bâton d’Aaron engloutit leurs bâtons. 13Cependant le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne les écouta pas, comme l’avait prédit Yahvé. I- L’eau changée en sang (Ex, VII, 14-25). 14 Yahvé dit à Moïse : « Le cœur de Pharaon s’est appesanti et il a refusé de laisser partir le peuple. 15Va, demain matin, trouver Pharaon, à l’heure où il se rend au bord de l’eau et tiens-toi à l’attendre sur la rive du Fleuve. Tu prendras en main le bâton qui s’est changé en serpent. 16Tu lui diras : Yahvé, le Dieu des Hébreux, m’a envoyé vers toi pour te dire : « Laisse partir mon peuple, qu’il me serve dans le désert. » Jusqu’à présent tu n’as pas écouté. 17Ainsi parle Yahvé : En ceci tu sauras que je suis Yahvé. Du bâton que j’ai en main, je vais frapper les eaux du Fleuve et elles se changeront en sang. 18les poissons du Fleuve crèveront, le Fleuve s’empuantira, et les Egyptiens ne pourront plus boire l’eau du Fleuve. » 19 Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : Prends ton bâton et étends la main sur les eaux d’Egypte - sur ses fleuves et sur ses canaux, sur ses marais et sur tous ses réservoirs d’eau - et elles se changeront en sang, et tout le pays d’Egypte sera plein de sang, même les arbres et les pierres. » 20 Moïse et Aaron firent comme l’avait ordonné Yahvé. Les eaux du Fleuve se changèrent en sang pendant sept jours ; les poissons crevèrent et les Egyptiens ne purent plus boire de l’eau du fleuve. Ils creusèrent donc des puits pour trouver de l’eau. Mais les magiciens en firent autant que Moïse et Aaron ; et Pharaon ne les écouta pas, comme l’avait prédit Yahvé. II- Les grenouilles (Ex, VII, 26-29,et Ex, VIII, 1-11). 26 Yahvé dit à Moïse : « Va trouver Pharaon et dis-lui : Ainsi parle Yahvé : « Laisse partir mon peuple, qu’il me serve. » 27Si tu refuses, toi, de le laisser partir, moi je vais infester de grenouilles tout ton territoire. 28Le fleuve grouillera de grenouilles, elles monteront et entreront dans ta maison, dans la chambre où tu couches, sur ton lit, dans les maisons de tes 29 serviteurs et de ton peuple, dans tes fours et dans tes huches. Les grenouilles grimperont même sur toi, sur ton peuple et sur tous tes serviteurs. » 8 1Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : Etends ta main avec ton bâton sur les fleuves, les canaux et les marais, et fais monter les grenouilles sur la terre d’Egypte. » Aaron fit ce que lui avait demandé Moïse et les grenouilles envahirent l’Egypte. 172 Mais les magiciens en firent autant. Pharaon appela Moïse et Aaron et dit : « Priez Yahvé de détourner les grenouilles de moi et de mon peuple, et je m’engage à laisser partir le peuple pour qu’il sacrifie à Yahvé. » 5 Moïse dit à Pharaon : « A toi l’avantage ! Pour quand dois-je prier pour toi, pour tes serviteurs et pour ton peuple, afin que les grenouilles soient supprimées de chez toi et de vos maisons pour ne rester que dans le fleuve ? » 6Il dit : « Pour demain. » Moïse reprit : « Il en sera selon ta parole, afin que tu saches qu’il n’y a personne comme Yahvé notre Dieu ». Moïse et Aaron sortirent de chez Pharaon et Moïse demanda à Yahvé d’arrêter la punition qu’il avait imposée aux Egyptiens. Yahvé l’écouta, les grenouilles crevèrent mais Pharaon appesantit son cœur et ne tint pas sa parole, «comme l’avait prédit Yahvé ». 4 III- Les moustiques (Ex, VIII, 12-15). 12 Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : Etends ton bâton et frappe la poussière du sol, et elle se changera en moustiques dans tout le pays d’Egypte. » 13Aaron étendit la main avec son bâton et frappa la poussière du sol, et il y eut des moustiques sur les gens et les bêtes, toute la poussière du sol se changea en moustiques dans tout le pays d’Egypte. Aaron accomplit ce que lui demanda Moïse et les moustiques envahirent l’Egypte. Les magiciens voulurent détruire les moustiques mais ils n’y arrivèrent pas. 15 Les magiciens dirent à Pharaon : « C’est le doigt de Dieu », mais le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne les écouta pas, comme l’avait prédit Yahvé. IV- Les taons (Ex, VIII, 16-28). 16 Yahvé dit à Moïse : « Lève-toi de bon matin et tiens-toi devant Pharaon quand il se rendra au bord de l’eau. Tu lui diras : Ainsi parle Yahvé : « Laisse partir mon peuple, q u’il me serve ». 17 Si tu ne veux pas laisser partir mon peuple, je vais envoyer des taons sur toi, sur tes serviteurs, sur ton peuple et sur tes maisons. Les maisons des Egyptiens seront pleines de taons, et même le sol sur lequel elles se tiennent. 18Et ce jour-là, je mettrais à part la terre de Goshèn où réside mon peuple pour que là il n’y ait pas de taons, afin que tu saches que je suis Yahvé, au milieu du pays. 19Je discernerai ton peuple de mon peuple ; c’est demain que se produira ce signe. » Les taons envahirent les maisons égyptiennes et le pays fut ruiné. 21 Pharaon appela Moïse et Aaron et leur dit : « Allez sacrifier à votre Dieu dans le 22 pays ». Moïse répondit : « Il ne convient pas d’agir ainsi, car nos sacrifices à Yahvé notre Dieu sont une abomination pour les Egyptiens. Si nous offrons sous les yeux des Egyptiens des sacrifices qu’ils abominent, ne nous lapideront-ils pas ? 23C’est à trois jours de marche dans le désert que nous irons sacrifier à Yahvé notre Dieu, comme il nous l’a dit. » Pharaon accepte qu’ils partent, mais sans qu’ils s’éloignent trop et leur demande de faire cesser ce désastre. 25 Moïse dit : « Dès que je serai sorti de chez toi, je prierai Yahvé. Demain les taons s’éloigneront de Pharaon de ses serviteurs et de son peuple. Que Pharaon, toutefois, cesse de se moquer de nous en ne laissant pas le peuple partir pour sacrifier à Yahvé. » Moïse pria Yahvé et les taons s’éloignèrent ; mais Pharaon ne laissa toujours pas partir le peuple. V- Mortalité du bétail (Ex, IX, 1-7). 91Yahvé dit à Moïse : « Va trouver Pharaon et dis-lui : Ainsi parle Yahvé, le Dieu des Hébreux : « Laisse partir mon peuple, qu’il me serve. » 2 Si tu refuses de le laisser partir et le retiens plus longtemps, 3voici que la main de Yahvé frappera les troupeaux qui sont dans les champs, les chevaux, les ânes, les chameaux, les bœufs et le petit bétail, d’une peste très grave. 4 Yahvé discernera les troupeaux d’Israël des troupeaux des Egyptiens, et rien ne mourra de ce qui appartient aux Israélites. 5Yahvé a fixé le temps en disant : Demain Yahvé fera cela dans le pays. » Yahvé accomplit sa parole mais Pharaon ne céda pas, son cœ u r s’appesantit. 173 VI- Les ulcères (Ex, IX, 8-12). 8 Yahvé dit à Moïse et à Aaron : « Prenez plein vos mains de suie de fou rneau et que Moïse la lance en l’air, sous les yeux de Pharaon. Elle se changera en fine poussière sur tout le pays d’Egypte et provoquera, sur les gens et sur les bêtes, des ulcères bourgeonnant en pustules, dans toute l’Egypte. » Moïse et Aaron accompli rent l’ordre de Yahvé, et les Egyptiens furent victimes des ulcères. Les magiciens ne se présentèrent pas, car, eux aussi, ils étaient souffrants. Pharaon endurcit encore son cœur et ne céda pas. VII- La grêle.(Ex, IX, 13-35). 13 Yahvé dit à Moïse : « Lève-toi de bon matin et tiens-toi devant Pharaon. Tu lui diras : Ainsi parle Yahvé, le Dieu des Hébreux : « Laisse partir mon peuple, qu’il me serve. » 14Car cette fois-ci, je vais envoyer tous mes fléaux contre toi-même, contre tes serviteurs et contre ton peuple, afin que tu apprennes qu’il n’y en a pas comme moi sur toute la terre. 15Si j’avais étendu la main et vous avais frappés de la peste, toi et ton peuple, tu aurais été effacé de la terre. 16Mais je t’ai laissé subsister afin que tu vois ma force et qu’on publie mon nom par toute la terre. 17Tu le prends de haut avec mon peuple en ne le laissant pas partir. 18Eh bien demain, à pareille heure, je ferai tomber une grêle très forte, comme il n’y en a jamais eu en Egypte depuis sa fondation jusqu’à maintenant. 19Et maintenant, envoie mettre tes troupeaux à l’abri, et tout ce qui, dans les champs, t’appartient. Tout ce qui, homme ou bête, se trouvera dans les champs et n’aura pas été ramené à la maison, la grêle tombera sur lui et il mourra. » 20 Celui des serviteurs de Pharaon qui craignit la parole de Yahvé fit rentrer en hâte ses esclaves et ses troupeaux dans sa maison. 21Mais celui qui ne prit pas à cœur la parole de Yahvé laissa aux champs ses esclaves et ses troupeaux. 22 Yahvé dit à Moïse : « Etends ta main vers le ciel et qu’il grêle dans tout le pays d’Egypte, sur les hommes et sur les bêtes, sur toute l’herbe des champs au pays d’Egypte. » Moïse accomplit la parole de Yahvé : la grêle détruit tous les champs, et brisa tout. Le pays de Goshèn ne fut pas touché. 27 Pharaon fit appeler Moïse et Aaron et leur dit : « Cette fois, j’ai péché ; c’est Yahvé qui est juste, moi et mon peuple, nous sommes coupables. 28Priez Yahvé. Il y a eu assez de tonnerre et de grêle. Je m’engage à vous laisser partir et vous ne resterez pas plus longtemps. » 29 Moïse lui dit : « Quand je sortirai de la ville, j’étendrai les mains vers Yahvé, le tonnerre cessera et il n’y aura plus de grêle, afin que tu saches que la terre est à Yahvé. 30 Mais ni toi ni tes serviteurs, je le sais bien, vous ne craindrez encore Yahvé Dieu. » Moïse tint sa parole mais Pharaon, lui, brisa la sienne. VIII- Les sauterelles (Ex, X, 1-20). 10 1 Yahvé dit à Moïse : « Va trouver Pharaon car c’est moi qui ai appesanti son cœur 2 et le cœur de ses serviteurs afin d’opérer mes signes au milieu d’eux, pour que tu puisses raconter à ton fils et au fils de ton fils comment je me suis joué des Egyptiens et quels signes j’ai opéré parmi eux, et que vous sachiez que je suis Yahvé. » 3Moïse et Aaron allèrent trouver Pharaon et lui dirent : «Ainsi parle Yahvé le Dieu des Hébreux: Jusqu’à quand refuseras-tu de t’humilier devant moi ? Laisse partir mon peuple, qu’il me serve. 4Si tu refuses de laisser partir 5 mon peuple, dès demain je ferai venir des sauterelles sur ton territoire. Elles couvriront la surface du sol et on ne pourra plus voir le sol. Elles dévoreront ce qui a échappé, ce que vous a laissé la grêle; elles dévoreront tous vos arbres qui croissent dans les champs. 6 Elles rempliront ta maison, les maisons de tous tes serviteurs et les maisons de tous les Egyptiens, ce que tes pères et les pères de tes pères n’ont jamais vu, depuis le jour où ils sont venus sur terre jusqu’à ce jour. » Puis il se retourna et sortit de chez Pharaon. 7Les serviteurs de Pharaon lui dirent : « Jusqu’à quand celui-ci nous sera-t-il un piège ? Laisse partir ces gens, qu’ils servent Yahvé leur dieu. Ne sais-tu pas encore que l’Egypte va à sa ruine ? » 8 On fit revenir Moïse et Aaron auprès de Pharaon qui leur dit : « Allez servir Yahvé votre Dieu, mais qui sont ceux qui vont s’en aller ? » 9Moïse répondit : « Nous emmènerons nos jeunes gens et nos vieillards, nous emmènerons nos fils et nos filles, notre petit et notre gros bétail, car c’est pour nous une fête de Yahvé. » 10 Pharaon dit : « Que Yahvé soit avec 174 vous comme je vais vous laisser partir, vous, vos femmes et vos enfants ! Voyez comme vous avez de mauvais desseins ! 11Non ! Allez vous, les hommes, servir Yahvé, puisque c’est là ce que vous demandez. » Et on les expulsa de la présence de Pharaon. 12 Yahvé dit à Moïse : « Etends ta main sur le pays d’Egypte pour que viennent les sauterelles ; qu’elles montent sur le pays d’Egypte et qu’elles dévorent toute l’herbe du pays, tout ce qu’a épargné la grêle. » Moïse accomplit de nouveau la parole de Yahvé, et les sauterelles envahirent le pays d’Egypte. Pharaon fit venir Moïse et Aaron, et leur demanda pardon : il leur demande d’arrêter les sauterelles. Moïse pria Yahvé et Yahvé arrêta cette catastrophe. IX- Les ténèbres (Ex, X, 21-29). 21 Yahvé dit à Moïse : « Etends ta main vers le ciel et que des ténèbres palpables recouvrent le pays d’Egypte. » Moïse fit ce que lui demandait Yahvé, et les Egyptiens furent plongés dans l’obscurité. Pharaon fit venir Moïse, et il lui permit, à lui et à son peuple, hommes, femmes et enfants, d’aller prier Yahvé. Mais il refusa de leur donner des offrandes pour Yahvé. Son cœur s’endurcit et il refusa, finalement, de les laisser partir. 34). Dixième plaie : Mort des premiers-nés (Ex, XI, 1-10, et XII, 29Annonce de la mort des premiers-nés.(Ex, XI, 1-10) 11 1Yahvé dit à Moïse : « Je vais encore envoyer une plaie à Pharaon et à l’Egypte, après quoi il vous renverra d’ici. Quand il vous renverra, ce sera fini, et même, il vous expulsera d’ici. 2Parle donc au peuple pour que chaque homme demande à son voisin, chaque femme à sa voisine, des objets d’argent et des objets d’or. » 3Yahvé fit que le peuple trouva grâce aux yeux des Egyptiens. Moïse lui-même était un très grand personnage au pays d’Egypte, aux yeux des serviteurs de Pharaon et aux yeux du peuple. 4 Alors Moïse dit : « Ainsi parle Yahvé : « Vers le milieu de la nuit je parcourrai 5 l’Egypte, et tous les premiers-nés mourront dans le pays d’Egypte, aussi bien le premier-né de Pharaon qui doit s’asseoir sur son trône, que le premier-né de la servante qui est derrière la meule, ainsi que tous les premiers-nés du bétail. 6Ce sera alors, dans tout le pays d’Egypte, une grande clameur, telle qu’il n’y en eut jamais, et qu’il n’y en aura jamais plus. 7Mais chez tous les Israélites, pas un chien ne jappera contre qui que ce soit, homme ou bête, afin que tu saches 8 que Yahvé discerne Israël de l’Egypte. Alors tous les serviteurs que voici viendront me trouver et se prosterneront devant moi en me disant : « Va t’en, toi et tout le peuple qui marche à ta suite ! » Après quoi je partirai. » Et, enflammé de colère, il sortit de chez Pharaon. 9 Yahvé dit à Moïse : « Pharaon ne vous écoutera pas, afin que se multiplient mes prodiges au pays d’Egypte. » 10 Moïse et Aaron accomplirent tous ces prodiges devant Pharaon ; mais Yahvé endurcit le cœur de Pharaon et il ne laissa pas les Israélites partir de son pays. La Pâque (Ex, XII, 1-14). Yahvé demande à Moïse et à Aaron de dire aux Israélites d’égorger un jeune agneau ou un chevreau mâle, sans tare, de quatorze jours. Avec le sang, ils devront marquer les murs de leurs maisons pour que Yahvé ne les punisse pas comme les Egyptiens. La chair, ils la feront rôtir, sans briser les os, et ils la mangeront. [ La fête des Azymes (Ex, XII, 15-20) / Prescriptions concernant la Pâque (Ex, XII, 21-28) ] 175 Dixième plaie : Mort des premiers-nés (Ex, XII, 29-34). 29 Au milieu de la nuit, Yahvé frappa tous les premiers-nés dans le pays d’Egypte, ainsi que le premier-né de Pharaon, le premier-né du captif et les premiers-nés du bétail. 31 Pharaon appela Moïse et Aaron pendant la nuit et leur dit : « Levez-vous et sortez du milieu de mon peuple, vous et les Israélites, et allez servir Yahvé comme vous l’avez demandé. 32 Prenez aussi votre petit et gros bétail comme vous l’avez demandé, partez et bénissez-moi, moi aussi. » 33Les Egyptiens pressèrent le peuple en se hâtant de le faire partir du pays car, disaient-ils : « Nous allons tous mourir. » 34Le peuple emporta sa pâte avant qu’elle n’eût levé, ses huches serrées dans les manteaux, sur les épaules. Spoliation des Egyptiens.(Ex,XII,35-36) 35 Les Israélites firent ce qu’avait dit Moïse et demandèrent aux Egyptiens des objets d’argent, des objets d’or et des vêtements. 36Yahvé fit que le peuple trouvât grâce aux yeux des Egyptiens qui les leur prêtèrent. Ils dépouillèrent ainsi les Egyptiens. traduction Bible de Jérusalem PLAN. I – Récit historique ou composition littéraire ? A – Tentatives d’explication historique des dix fléaux. *origine cosmique (I. Velikovsky). naturels avérés. *épidémie. *phénomènes B – Une rédaction en plusieurs temps *plusieurs *plusieurs auteurs. étapes de rédaction. C – Une composition littéraire ? *structure du récit : les neuf premières plaies / la dixième. caractéristiques de la « légende prophétique ». * II – Visée théologique du récit des dix plaies d’Egypte. A - Signes et plaie : Yahvé déploie sa puissance. *manifestation *destruction de force. des croyances égyptiennes. B – L’endurcissement de Pharaon, emblématique de celui du peuple d’Israël au désert. 176 I – Récit historique ou composition littéraire ? A – Tentatives d’explication historique des dix fléaux De nombreux critiq ues ont vu dans ces phénomènes bibliques des événements qui se sont réellement passés dans le Proche-Orient. Notons que, pour la plupart, l’Exode serait situé vers 1250 avant J.-C., sous le règne du Pharaon Ramsès II. *origine cosmique (I. Velikovsky) Parmi ces auteurs, on peut citer tout d’abord Immanuel Vélikovsky, qui trouve à ces dix plaies une origine cosmique. Sa théorie est fondée sur une collision survenue au II e millénaire avant J.-C. entre la Terre et une comète assimilée à Vénus. Cette collision aurait eu pour effet une série de perturbations effrayantes : - poussière rouge qui donne à l’eau l’aspect du sang, qui provoque des démangeaisons sur la peau des hommes et des animaux, qui serait la cause d’ulcères souvent mortels. - poussière noire qui se serait dégagée de cette collision et pluie de météorites en feu. - ténèbres dues aux nuages de poussière, à la fumée, aux gaz dégagés lors de la collision. - tremblements de terre qui détruisent tout, entraînant la mort de nombreuses personnes, notamment celle des jeunes enfants, incapables de fuir. - mouvements surprenants de l’eau des mers et des océans. Toutefois, cette théorie n’a que peu de défenseurs, car de nombreux points ne correspondent pas avec les dix plaies : en effet, les météorites ne figurent à aucun moment dans la Bible ; en revanche, les invasions d’animaux ou d’insectes - moustiques, taons, grenouilles, sauterelles - sont passées sous silence. Quant à la mort spécifique des premiers-nés, elle ne saurait s’expliquer par un tremblement de terre, dont l’ensemble d’une population est victime. *phénomènes naturels avérés. Une autre théorie, plus recevable sans doute, associe à chaque plaie un fait historiquement avéré. La première plaie correspondrait à une crue du Nil ; selo n cette hypothèse, les eaux transportèrent la terre, surtout le limon très fin, provenant des bassins du Nil bleu et de l’Atbara. Les flots du Nil prirent alors l’aspect du sang. (dam en hébreu) Cette crue amena des microbes et des bactéries, qui furent la cause de la mort des poissons. La deuxième plaie serait liée à la première : les grenouilles (çefardea en hébreu) fuirent les eaux stagnantes et polluées par les poissons morts. La troisième et la quatrième plaies seraient directement liées à cette cr ue. La montée des eaux fut favorable à la multiplication des insectes et notamment des moustiques (kinnim) et des taons. (arov : la vermine). La cinquième plaie, la mort du bétail (dever) dans les champs, serait à rattacher aux premiers phénomènes naturels : soit la peste aurait été apportée par les moustiques, soit les bêtes seraient mortes de la même infection qui aurait touché les grenouilles. Toujours à rattacher à la crue du Nil, les furoncles (shehin) seraient dus aux piqûres d’insectes qui se nourrissent de végétaux pourris dans l’eau. On affirme d’ailleurs que ce fait se produisait vers décembre / janvier et que les furoncles étaient surtout présent sur les mains et les pieds, seules parties découvertes. Par ailleurs, la septième plaie, les orages de grêle (barad), serait liée non plus à la crue mais au climat de la Haute Egypte, où des orages de ce type ont lieu au début de février. Cela expliquerait que la région de Goshèn, lieu où se trouvaient les Israélites, n’ait pas été touchée. On associe la huitième plaie, l’invasion des sauterelles (arbè) aux grandes pluies qui eurent lieu en Ethiopie et au Soudan à cette époque, et qui provoquèrent de grosses inondations, favorables à la multiplication des insectes. Cela aurait eu lieu au mois de mars. Ensuite, les ténèbres (hoscheh) ne seraient que d’épais nuages de poussière, très opaques, provoqués par le klamsin (sirocco). Quand les eaux se seraient retirées, la terre rouge aurait séchée et elle serait devenue une fine poussière. On constate également que le sirocco ne vient pas dans le Wadi Toumibat, là où vivaient les Israélites. Enfin, pour la dixième plaie, on ne peut faire que des suppositions. En acceptant 177 l’hypothèse selon laquelle l’Exode eut lieu sous Ramsès II, on peut comprendre la disparition du fils de Pharaon, puisque Ramsès II a perdu plusieurs de ses fils (Les fils d’Egypte de Ramsès II à Hadrien, Joseph Mélèze-Modrzejewski, Armand Colin, Dijon-Quétigny, 1991). Cette théorie a malgré tout quelques limites : tout d’abord, seules les eaux du Nil sont rouges et non celles des bassins. Par ailleurs, on constate des incohérences géographiques entre la grêle et les ténèbres. Enfin, la mort du fils héritier du trône se trouve explicitée, mais qu’en est-il des premiers-nés du peuple et de la « servante qui est derrière la meule, ainsi que tous les premiers-nés du bétail » (Ex XI, 5) ? *épidémie. Citons enfin une hypothèse « minimaliste : des historiens affirment que ces dix plaies ne sont qu’une création littéraire, car selon eux la vraie cause de la fuite des Hébreux hors du pays d’Egypte serait une grave épidémie, qui aurait frappé l’Egypte à ce moment–là. On voit d’après ces différentes approches qu’il est difficile d’être affirmatif quant à la réalité historique des dix plaies. Il semble qu’elles décrivent des phénomènes naturels vraisemblables en Egypte, sans doute amplifiés et juxtaposés pour les besoins littéraires du récit. Il nous paraît donc utile d’étudier la constitution de ce récit. B – Une rédaction en plusieurs temps *plusieurs auteurs On peut attribuer le récit des plaies à différentes sources, à savoir yahviste, élohiste et sacerdotale. On constate que les récits de la plupart des plaies ont été rédigés par les auteurs yahvistes. On sait seulement, d’après Commentary on Exodus, de J.-P. Hyatt, que les yahvistes connaissaient six des neuf premières plaies, les élohistes, quatre, et les sacerdotaux, quatre. La mort des premiers-nés était connue de tous. Par ailleurs, on peut constater dans les Psaumes des divergences concernant le nombre et l’ordre des calamités, ce qui renforce l’hypothèse d’une pluralité de récits originels : Ps. LXXVIII, 43 – 51 : Lui qui en Egypte mit ses signes, ses miracles aux champs de Tanis, 44 fit tourner en sang leurs fleuves, leurs ruisseaux pour les priver de boire. 43 45 Il leur envoya des taons qui dévoraient, des grenouilles qui les infestaient ; 46 il livra aux criquets leurs récoltes et leur labeur à la sauterelle ; 47 il massacra par la grêle leur vigne et leurs sycomores par la gelée ; 48 il remit à la grêle leur bétail et leurs troupeaux aux éclairs. 49 Il lâcha sur eux le feu de sa colère, emportement et fureur et détresse, un envoi d’anges de malheur ; 50 il fraya un sentier à sa colère. Il n’exempta pas leur âme de la mort, A la peste il remit leur vie ; 51 il frappa tout premier–né en Egypte, la fleur de la race aux tentes de Cham. Ps. CV, 28 – 36 : 28 Il envoya la ténèbre et enténébra, mais ils bravèrent les ordres. 29 Il changea leurs eaux en sang et fit périr leurs poissons. 30 Leur pays grouilla de grenouilles jusque dans les chambres des rois ; 31 il dit, et les insectes passèrent, les moustiques sur toute la contrée. 32 Il leur donna pour pluie la grêle, flammes de feu sur leur pays ; 33 il frappa leur vigne et leur figuier, il brisa les arbres de leur contrée. 34 Il dit, et les sauterelles passèrent, les criquets, et ils étaient en nombre, 35 et ils mangèrent toute herbe en leur pays et ils mangèrent le fruit de leur terroir. 36 Il frappa tout premier–né dans leur pays, toute la fleur de leur race ; Le livre de la Sagesse reprend aussi le thème des plaies et de l chapitres 11, 16, 17, 18, 19, sous forme d’amplification. ’Exode dans les