l __ J - Fragments d`Histoire de la gauche radicale
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l __ J - Fragments d`Histoire de la gauche radicale
ÉCHANGES N° i 07 -- Hive r 2003 -2004 - 1 --·- 3 euros bulletin du réseau << Echanges et mou ve1nent » , ---··-- -·~ ---~-- -·~-- - 1 .• '•to <.;";) ·=' ,,, . M r:.~ ~:") ., 1 ~- -~ms-UNI S. . 1 é conom iqu<.- ?, p. 3 1 1 R oya ume-Un i. Sér ie de "'"' Q,) "'"o u l',mo>oo d' uo oouve'" boom + Euro pe . CAP IT AliSM E ET PLURA liS M E, p. GREVES SAUVAGES Il + dans les postes, p. 1H (Les sal ai res d 'un pcstier, p. 26) :J: vl ,. , d""' b da ns les se rv ices pub lics, p . i 9 . Des rats e t des grèves, p . 22. Le té moignage ;::. c- U"' pme + Dans les publ icat ions (Etats -U n is, U nion européenne, P ales t in e , ~ , A mé;i que lat ine, F ran ce), p . 34 ....... . ;;- ,., l__ L a si tuation des c lasses labarieuscs a u z 1 + V IE TNAM (/i J : JAPO N, p . 37 ma fia e t nomenk latu ra font bon mé nage, p. 4 7 •.IJ (_, 2 <:t ..L: \,; "-r ~'' 1 i D ans les pub licat ions , p. 49 COR RES PO NDANCE. Qu el le h is toire '1 A p ropos des g rou pes P IC et Vo lon té commun is te (su it e e t fin), p. 53 1 Théorie . TRAVAILLER PO U R LA PAIE , lV : La g uerre da ns le travai l, p. 58 1 1 1 ct Ltne nuits), p . 66 + Paroles d 'o uvri ers: treize vies de lab eur. d'Ala in ! 1 T(, ndeur (éd . L uc Rne) . p. 6 8 + Les grèves en F rance en mai-juin /968. 1 1 1 1 1 - ---~---~·J Metaleurnp . Paroles ouvrières. de Frédéric H . Fajard ie (M i ile 1 1 1 ~ 1 NOTE S DE LECTURE : 1 de B run o Astar;an (Echanges ct Mouvement), p . 69 L---~-- ~-----· 1 1 ___l ÉCHANGES Bulletin du réseau« Echanges et mouvem ent» BROCHURES DISPONIBLES Présentation du réseau« Echanges et mouvement H (E cha ng es ct mouvement, septe mbr e 2003, 1,50 euro) pour abonnement , informat ions et corr es po nd a nc e : B P 24 L 75866 Paris Cedex 18, Fran c e Les grèves en France en mai-juin 1968, Bruno Ast ar ian (Echange s e t mouvement, m ai 2003, 3,50 euros) Su r Inte rn et : http: //w ww.m o nd ial is me.org Humanisme et socialisme/ llurnanism and socialism, Pa ul Mattick (Ec h<mgcs ct mo uvement, mai 20 03 , 2 euros) Abon ne ment: 15 euros pour qua tr e numé ros co mpren ant les brochur es publiées d ans l'ann ée . PRÉSENTATION P résentons nos excuses aux lecteurs po ur reven ir sur une po lém iq ue - à propos du PIC -poursuiv ie su r plusieurs nu méros qui n'apporte pas grand chose; mais nous nous ét io ns engagés à pub lie r ce de rn ie r tex te plus c lair e t dist inct des déb o rdem ents antérieurs . Comme nous le soulignons, cette polé mique est close pou r nous, même si d' autres pensent d evoir la poursuivre ai lleurs. Nous no us sommes é te ndus dans c e numéro sur la grève récente des pos tiers brita nn iques. Il nous a paru nécessaire de rappe ler les termes de la lute de classe dans les cinquante dernières an nées, termes qu i éclairent les lu tt es actuelles. No u s pens ons que d e tel le s luttes montrent comment la lutte de class e finit p a r balay er to us les obstacl es d re ssé s pour l'empêche r de s 'o ppos er aux impératifs du capital. Au moment où en Fr ance, le présent go uv erne m ent tente par la ba nde de rég le menter le« d roit de grève)), cet exemple montre que le se ul « droit de grève )) est celui que les trav a il leurs im p osent. Dans le pr och a in b ullet in, nous évoqu e rons un conflit du même g enre qui v ie n t de se dérou ler da ns les transports loc a ux ital iens. Deux textes p lu s géné raux s ' offrent à la discuss ion e n essayant de tracer d es pist es de ré flexi o n pour les événemen ts que nous connaissons à l'éc hell e du monde. L ' un traite p lus specia lement de la tra nsformati o n de l'E urope en un Eta t unifié et est e n qu elqu e sorte une int roduct ion à un e b ro chure à pa raît re, cen tré e s ur la fo rmat ion d 'une o rga n isa tio n de dé fense eu rop éenne un i fi ée, in s trument nécessaire à la domi n a ti o n d'un capi tal dans une ent ité territor iale poli tiq ue et économique. L 'aut re ess aie d'aborder s ucc inctement les te rmes de la cr ise économique et fin ancière des Etats-Un is. N ous pub liero ns prochainement Milit antism e et Responsabilité, 1'auto b iog r aphie d' Hen r i Chazé ( 1904 -1 984) , accompagnée de nombreuses notes et de te xtes di vers q u'il a écrit après la dern ière guerre m ondia le. L'Argentine d e la paupérisation à la révolte. Une avancée vers l' autonom ie ( Ec hang es e t mouvement, juin 2002,2,50 euros) Correspondance 1953- 1954, Pierre Chaulieu (Cornélius Castoriadis)-Anton Pannekoek, présenta tion et commentaires d'Henr i Simon (Echanges ct mouvement, septembre 2001, 2 euros) Pour une histoire de la résistance ouvrière au travail. Paris et Barcelone, 1936-1938, Michael Seid m an (Echanges et m ouvement, mai 2001, 1,50 euro) Fragile prospérité, fragile paix sociale. Notes sur les Etats- Unis, Curt is Priee (Ec han ges et mouveme nt, février 2001, 1, 80 e ur o) La Sphère de circulation du capital, G. Bad (Ec hanges et mouvement, octobre 2000, 1,50 e uro ) Les Droits de l'homme bombardent la Serbie. G. Bad (E ch an ges ct mouvement. oc tob re 1999, 1,50 euro ) Entretien avec Paul Mattick Jr. , réalisé par Hannu Rc imc en novembre 19 91 . Ed. bilingue ( Ech an g es et mouvement , se ptembre 1999 , 1,50 eur o) Pourquoi les mouv e ments r évo lutionnaires du passé ont fait faillit e. - Grèves. - Parti ct classe. T r ois textes d ' Anto n Pannckock, précédés de: Le Groupe des communistes internationalis tes d e Hollande, par C ajo Brendel (Echanges et mouvement, avri l 1999, 1,50 euro) Enquête sur le capitalisme dit triomphant, Claude B ito t (Ec han ges et mouvement, ja nv ie r 1999, 1,50 euro) La Lutte de classe en France, novembre-décembre 1995. ( Ec ha ng es e t mouvcmen t, mars 1996, 1,5 0 euro) Les Internationalistes du« troisième camp» en France pendant la seconde guerre mondiale, Pie rr e Lannerct (éd . Aera tic) Mais alors, et comment? Ré flex ions s ur une soci ét é socia li ste (Ec hang es ct mouvement, 1,50 euro) Bilan d'une adhésion au PCF. Un témo ignage ouvrie r en ma i 6~ (!CO, 1,50 euro) t:Joua avo ns pu b li é réc emment une broc hu re de présentation d'Echanges et un ind ex de s articl es parus dans les n"' 1 (1975) à 106 ( 2003) 2 - ÉCHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 La Grève généralisée en France, mai-juin 1968. (!CO, juillet 1968, 2 ,20 eu ro s.) ÉCHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 -- 7 1 pos te - qui comptaient parmi les princi pa les revend ications des OS. As t arian décrit un e c la sse ouvrière maj oritairement passive, des usines quasi ment vides à part quelques syndicalistes qui ent reti ennent Je matériel. .. Des ouvr iers absentéistes qui rentrent chez eux aussitôt la grève votée - l orsque les syndicats n'ont pas fermé les portes pour les emp êcher de s'enfuir! Des paradoxes, donc : entre la Jourde affirmation de la classe dans la grève et son manque d'initiati ve ; entre la force de la grève, souvent Je caractère spontané de son démarrage, et la large dé légation que la classe ou vrière a accordée aux syndicats (pour les résultats que l'on vient de voir); entre sa fa ible militance au cours du conflit et la violence extrême de sa réaction au moment de la reprise. La seconde partie, plus brève et plus class ique que la prem ière dans sa dé marche, propose une analyse des grèves par rapport à l'h istoire des cycles longs d'accumulation du capital français et apporte des éléments qui permettent de dégager certains traits de leu r modernité par rap- ET LE MARDI SUIVANT. •• 70- ~CHANGES 107 · HIVER 2003-2004 port à la période actuelle. Astarian termine enfin son travai l par une réflexion sur les conditions d ' une grève générale non-insurrectionnelle - un autre thème d ' actualité après les grèves de décembre 1995 et de mai-ju in 2003 - , notamment en rapport avec les différentes phases des c ycles longs de l'accumulat ion cap italiste, pour conclure : « Le travail n'est plus la base de l ' identité de classe, les usines et les bureaux ne sont que des lieux où l'on gagne de l'argent. C'est un message très massif que font passer les grévistes de mai-juin 1968, et il n ' a été que peu relevé» (p. 83). C'est désormais chose fai te et bien faite avec ce livre; il ne reste qu'à s'en saisir. Dès l'instant où ils défendent le système de retraite existant et refusent les effets de la décentralisat ion sur leurs cond itions de travail en ne s'ouvrant à aucune réforme et a fortiori en en proposant aucune, les enseignants grévistes de maijuin 2003 considèrent-ils leur salle de classe comme autre chose qu'un lieu où 1'on gagne sa vie ? Ch. C. ILS M'ONT ORIENTE VERS UN SEMINAIRE POUR RESPONSABLES SYNDICAUX - C'ETAIT INUTILE 1ET SURTOUT REMPLI DE BUREAUCRATES 1 MAIS LE SYNDICAT S'EST BIEN ASSURE QUE JE NE PUISSE PLUS INTERVENIR SUR MON LIEU DE 1 ÉTATS-UNIS UNE PAUSE DANS LA CRISE OU L'AMORCE D'UN NOUVEAU BOOM ÉCONOMIQUE? Deux choses paraissent pouvoir menacer l'hégémonie du dollar: la résistance des capitalismes concurrents (Europe et Chine) et la classe ouvrière américaine, dont la baisse du niveau de vie pourrait avoir atteint un point de non-retour L E 30 OCTOBRE, le département américain du commerce a annoncé que l' économie des Etats-Unis avait connu un taux annuel de croissance du PIB (1) de 7,2% au cours du troisième trimestre 2003 . Le 25 novembre, ce chiffre a été corrigé vers le haut, à 8,2 %. Du fait que ces statistiques sont constamment révisées, on peut se demander ce que cela signifie vraiment (la« productivité miracle »de la seconde moitié des années 1990 a presque disparu lors des révisions rétrospectives à la baisse après le crash de mars 2000). Quelle que soit la si tuation , il est clair que l'administration Bush (2) pousse à tout stopper, dans sa stratégie électorale pour novembre 2004. On n'a pas besoin de croire en un« cycle commerc ial politique »pour reconnaître que le gouvernement américain dispose de suffisamment d'outils pour (1 ) PIB (produit intérieur brut) [GDP (gross dornestic product) en anglais] est une sorte de fourre-tout où en trent un tas d'éléments, don t certains n ' ont rien à voir avec la production de marchandises, et qui peuvent être manipulés à lo isir . Bien que cet indice serve toujours de référence pour l'activité économique, les variations de, par exemple, l' indice de la production industrielle donnent une bien meilleure indication de cette activité . (2) Il s'agit évidemment ici de Busb Junior, l ' actuel présiden t des Etats-V ni s. regonfler l'économie jusqu'à l'année électorale. Le plus connu dans l'histoire de ce type de stratagème fut la reflation (3) initiée par Nixon en 1971- 1972, reflation basée sur le contrôle des prix et des salaires, sur la réforme du« système de Bretton Woods» (voir page 4) (signifiant une surcharge de 32 %sur les importations étrangères et une augmentation importante - pour cette période - des dépenses de l'Etat fédéral et du déficit public), ceci pour assurer sa réélection en 1972. Après quoi, l'inflation s ' envola, le système de Bretton Woods s'écroula et les Etats-Unis et le monde pl ongèrent de 1973 à 1975 dans la récession économique la plus profonde depuis les années 1930. Naturellement, Nixon se préoccupait des tendances à long terme qui pouvaient s'annoncer bien au-delà de sa stratégie électorale, mais le but de ce« cycle commercial politique » était de reporter la crise après les élections entraînant le max imum de souplesse pour« faire quelque chose » après avoir consolidé le pouvoir politique. Ce qui ne peut être contesté, c'est qu'il y (3) Le terme « reflation » désigne un accroissement de l'activité économique engendrée essentiellement par l' injection de monnaie et de crédits. ~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004- 3 eut trois années (2000-2003) de dégringolade des cours de bourse aux Etat s-Unis et sur le march é bours ier mond i a l ; des milliers de mi ll iards d e dollars s'évaporèr en t et on ass is ta à une « récession douce >>, de nou veau basée sur ces statisti ques douteuses qui sont constamment manipulées à des fins politiques. Le système de Bretton Woods Les accords signés à Bretton Woods (N ew-Hampshire) en 1944 par quarantequat re pays tentaient d'organiser un système monétaire international e n réglementant les relations de change entre les monnaies natio nales. Le Fonds monéta ire international (FMI) créé à cette occasion devait, par un mécan isme comp li q ué, interveni r pour empêcher des fl uctuations trop importantes des principales monnaies mondia les, qui devaient res ter définies en relation à l'or ou au dolla r luimême basé aussi sur l'or (et seule monnaie convertible en or) . Le déséquilibre des échanges internationaux et l'accumulation de dollars ho rs des Etats-Unis entraîna la ch ute de ce système et l'abandon par Nixon en 1971 de la convertibilité or du doll a r, ce qu i rompait en même temps la relation du dollar avec le s autres devises e t entraîna une déva luation de la monna ie américa ine. Ce fu rent dès lors et jusqu'à aujourd'hui uniquement les marchés qui réglèrent les cours respectifs des monnaies (ce qui se définit par flottement, mais n'est pas exclusif de manipulations monétaires pou r te nter de fre in er les mouvements trop brutaux préjudiciables aux équilibres financi~Hs) . 4 -ECHANGES 107 · HIVER 2003-2004 Le taux de chômage officiel de 6% (4) dans la période 2001-2003 n'inclut pas le 1 %de la population américaine en prison, pas plus que tous ceux qui ont enti èrement abandonné Je marché du travail ou ceux qui travaillent à temps partiel (aussi peu que quel ques heures par semaine) et qui voudraient bien travailler à temps complet. Si l ' on inclut ces fract ions de la population exclue des statistiques, le taux de chômage réel peut être estimé à environ 11 %. En 1 réalité, 2 700 000 emplois ont disparu dans l'économie américaine depuis l'an 2000 et il n ' y a eu depuis que très peu de modification dans les chiffres de l'emploi. Il est tout auss i clair que depuis janvier 2001, Alan Greenspan (5) et la Réserve fédérale (la banque centrale des Etats-Unis) craignent la possibilité d'un crash déflationniste de grande ampleur suite à la fin du boom high-tech (dans lequel il fut découvert par exemple que 98 % des câbles en fibre optique posés au cours des années précédentes ne seraient jamais été utilisés). Le taux de la Banque fédérale (celui auquel cette banque prête aux établissements bancaires) est tombé en juin de 6 % à 1 %et (4) C'est un fait bien connu que le taux de chômage aux Etats- Unis est peu fiable car, ca lc ulé comme ailleurs sur la base de sondages, il élimine systématiquement le travailleur à tem ps partiel, même n'ayant travaillé qu ' une heure dans la semaine. De plus, dans la péri ode récente, outre les précisions apportées dans ce texte, la guerre d'Irak, mobilisant no n seulement 1' armée de métier mais également les réservistes de la Garde nationale (plus de 200 000 hommes encore sous les drapeaux et dont l'activité économique doit être assumée par des embauches, d'où la réduc tipn présente du nombre de chômeurs). (5) Alan Greenspan est le directeur actuel de la Federal Reserve Bank. (6) Nous n'avons pas donné l' équivalent euro des sommes en dollars; en gros, il y a peu encore on pouvait considérer que 1 dollar valait 1 euro, ce qui reste pratique pour de tel s calcu ls, même à considérer la baisse présente du dollar. « ... Quand je t ravaillais à l'usine, qu'est- c e que tu cro is qu'on faisait? On produisait quelque chose pour un patron ... Les femmes de ménage qui do ivent aller ramasser des cras ses, elles vendent auss i leur corps. D' une autre façon, d'accord, mais elles le vendent aus si. Dans tous les boulots , de toute façon, on donne une partie d e soi-même . Une fo is qu'on travaille pour un patron, on donne une part i e de soi -même . Il n 'y a pas de mystère. >> H. S. Les grèves en France en mai-juin 1968 Bruno Astarian (Echanges et Mouvement. 3,50 euros) Il est possible que, par suite de pro blèmes matériels. cette brochure com prise dans l'abonnement n'ai t pas été adressée à certains abonnés. Nous nous en excusons et leur demandons de nous le signaler pour que nous puiss ions répa rer cette erreur. Nous donn ons ci-après une présentation de cette brochure adressée par un des abonnés d 'Echanges. ALGRÉ son faible volume et la !M ___ modestie affich.ée par l 'aut~ur . dans son avertis sement prealable, le livre de Bruno Astarian sur les grèves ouvrières de mai-juin 1968 est sans 1 doute l ' un des ouvrages consacrés à la lutte de classes parmi les plus import ants de ces dernières années. S 'agissant des « événements », il comble un manque criant sur le sujet et ceci de la manière la plus pertinente dans sa démarche, et la plus « décoiffant e >> dans ses résultats par rapport aux idées reçues et à la mythification de« Mai 68 ». Il faut donc inviter tout le monde à lire ce peti t livre, les « anciens de Mai >> comme les autres, et peut-être les premiers plu s que les seconds ! Le livre se compose de deux parties. La première rapporte les conditions et les moda li tés du déclenchement des grèves et de leur g énéralisati on: HispanoSuiza, Renault-Billancourt, Thoms on , Rhône-Poulenc, Peugeot à Sochaux, Rhodiaceta à L yon, etc. Puis Ast arian auscu lte le fameux « mouvement des occupations» d 'usines et ses pratiques effectives, pour terminer par une analyse des accords de Grenelle et des conditions de la repr ise. Au t otal , il res sort de cette plongée dans le cambouis des grèves, à mille lieues du romantisme festif ou du « conseill isme », que celles-ci ont été l 'un des arrêts de travai l les plus massifs de l ' histoire de la F rance industrielle qui s'est soldé par de maigres résultats quant aux revendications des ouvr iers. Du point de vue des augmentations de salaires, compte t enu du glissement nature l des salaires de l'époque et du fait que l a mo itié seulement des heures de grève sera payée, l'opération est négative (en 1936, on considère que la totalité des acquis obtenus équivalait à une augmentation de 35 %à 49 %). En outre la hausse est hi érarchisée (comme le souhaite la CGT ) et il n'est question dans les accords ni du salaire aux pièces ni du s alaire au ECHANGES 107 -HIVER 2003·2004- 69 riv ière qui longe l'usine, et y auraient précip ité des engins de manutention . Le leader synd ical livre les clés de ce qu i n'a été, comme il le dit lu i-même, qu'une habile man ip ulat ion pour« envoyer un s ignal fort »,ce qu i mon tre que les synd icat s ont bien intégré la leçon des mouvements sauvages et retou rnent à leur profit les manifestations de l'autonomie , précisément pour tenter de barrer un développement autonome éventuel. Balancer du sodium dans la r iv ière ne fut que l' occasion d ' un beau feu d'artifice ; les bulldozers jetés dans la flotte n 'étaient que des machines au rebut, bonnes pour la ferraille . Et le« leader» de regretter que ceux qu i étaien t chargé par l'intersyndicale pour ce boulot en aient balancé par erreur« un qui marchait enco re ». Par contre, des zones d'ombre subsisten t su r ce qui étaient peut être des actions hors de ces rou tines syndicales. Il est question dans différents entretiens d'un pil lage de matériel informatique et de sabotage; les uns parlen t d'éléments in contrô l és, d'autres ins inuent même que c'étaient peut-être des agents de la direction qui a ur a i ent agi . De même, le « vol »de quatorze tonnes de lingots d ' argent dans un camion qui venait de sortir de l' usine est couvert par des suppositions ... il s'agissait, selon les interv iewés, d'une récupération de produits par la d irection. Mais éta it-ce bien cela ? En tout cas, et cela person ne ne le demande, pourquoi avoir lai ssé partir un tel trésor de guèrre? Finalement, l'or ientation générale du li vre reste po lit i que, ce qui cadre bien avec l'ensemb le, autant pour les trava illeurs que pour l'ex-mao écrivain (y compris toute une polémique so igneusement entrl:tenue sur une intervention intempestive des Verts) . Comme nous 68- ~CHANGES 107 • HIVER 2003·2004 l'avons dit, rien pratiquement sur la lutte réelle . Sauf, en conclusion , une phrase glorifiant« des hommes qui savent dire non et n ' hésitent pas à se battre» . H. S. Paroles d'ouvriers Treize vies de labeur Alain Tondeur Editions Luc Rire ous ne nous étendrons pas trop sur cet ouvrage qui est seulement fait ._ _ d'entretiens distincts de travailleurs belges en l'an 2000 . Il est parfois question de lutte dans ce travail de sociologue, mais beaucoup plus de la vie dans et hors du travail dans le quotidien. L'un des intérêts du recueil est de montrer que l'aspiration d'une bonne partie d'entre eux est de sortir de la condition ouvrière, mais que bien peu y réussissent, et que parmi ces derniers plusieurs sont contraints d 'y retourner après que lque temps . Sans prétention . Comme l'écrit simp lement Alain Tondeur dans sa p réface: « Le trava il est pénible et les salaires sont bas. En fait, exclusion et exploitation sont deux souffrances qui s'alimentent mutuellement. » La conclusion, c'est une ex-ouvrière deven ue prostituée indépendante qui la formule: 'N tout le monde a emboîté le pas. Malgré tout A cela se son t ajoutées les réle battage sur ductions d 'i mpôt de Bush pour la nouvelle économie les riches (envi ron 200 mil et la • révolution ,. liards par an) et l'augmentation rapide du déficit fédéral (estimé high-tech, il semble à 375 milliards de do llars (6) que la santé pour 2003) depuis le budget en de l'économie équ ilibre obtenu (avec quelques américaine dépende astuces comptables) dans les encore de la bonne dernières années du précédent volonté et de la prés iden t, Clinton (i l est capacité des quelque peu comiq ue de voir les Démocrates attaquer main- Américains à acheter tenant les Républicains pour ce des maisons et des déficit budgéta ire énorme). voitures à crédit, Finalement le déclin du dolexactement comme il lar après 2002 (40% contre y a quarante ans. l'euro, 10 % contre le yen) (7) vise à rendre les produits américains moins chers outre-mer, ce qui n'a pas encore rédu it les 500 milcouramment prendre 40 % de l'épargne liards de déficit de la balance américaine mondiale (8). des paiements, mais a accru le coût des proL'estimation minimale de 2 000 mildu its importés, ce qui devra it à brève liards de dollars de dette ( 10 000 milliards échéance entraîner une inflation aux Etatsdétenus par les étrangers compensés par les Unis En même temps , les Etats-Unis doi8 000 milliards investis par les Etats-Unis vent emprunter quot idiennement 1,5 mi là l'étranger) signifie que le total de la dette liard de dol lars pour couvrir ce déficit et étrangère américaine est déjà de 20 % du PIB , un niveau typiquement équivalent à (7) L'euro, d'abord unité de compte puis unité monécelui d'un pays du tiers monde. Déjà, 1 % taire commune à différents pays de l'Un ion euro· du PIB est consacré au paiement des intérêts péenne. Lancée le 1~ janvier 1999, elle était alors pradus au titre de la dette extérieure. L'eutiquement en parité avec le dollar (1 euro pour 1 do llar) mais ce taux a décliné peu à peu pour atteindre celui de phorie actuelle du marché qui te nd à faire 0,80 euro pour 1 dollar, puis a remonté jusqu 'à avoi· croire que la dégringolade des dernières ansiner aujourd'hu i ce lui de 1,20 euro pour 1 dollar. nées est révolue est basée sur ces indices (8) Ce la représente approximalivement 45 milliards de dollars par mois. La mesure de la crise aux Etats-Unis (parmi d'autres) d'une expansion sur le papeut être donnée par les derniers chiffres d' entrée de pier, qui n'a encore modifié aucune des tence type de capitaux aujourd'hui. Les achats de titres amédances fondamentales d'une crise mais est ricains di vers avaient atteint 76 milliards en moyenne dans les six premiers mois de 2003 et 50 milliards en plutôt basée surtout sur l'expansion des liaoût. En septembre, ils n'o nt atteint que 4,2 mill iards qu idités que nous venons de mentionner. de dollars, un incroyable retournement de tendance Malgré tout le battage de la fin des anqui coïncide avec la dépréêiation du dollar sur les mar· chés financiers. nées 1990 sur la nouvelle économie et la - tCHANGES 107 ·HIVER 2003-2004- 5 « révolution » high-tech , il semble que la santé de l' économie américaine dépende encore de la bonne volonté et de la capacité des Américains à acheter des maisons et des voitures à crédit, exactement comme il y a quarante ans . Les trois quarts des profits des entreprises aux Etats-Unis généralement « paraissent bons » mais, comme les commentateurs de 1'« école autrichienne» tels que Richebacher (9) l' ont soul igné, ces rés ultats sont généralement acquis par le succès des licenciements et des réduct ions d'activ ité dans les firmes amér icaines. La stratégie de base consistant à ouvrir le crédit a réussi à amener la dette des « consommateurs » américains au plus haut de tous les temps, à commencer par des mécanismes ing énieux de refinancement des emprunts hypothécaires, mettant des centaines de mi lliards de dollars de pouvoir d'achat aux mains de la classe moyenne, basé sur le développement d' une bulle de l' immobi li er dans tout le pays (mais actuellement en train de plafonner). Cette bulle, comme la bulle du dollar, suivra le destin de la bulle high-tech plus tôt. L'espoir de Greenspan et de Bush était que 1'accro issement des dépenses de consommation maintiendrait l'économie en vie jusqu' à ce que les dépenses des firmes en capital fi xe redémarrent, le schéma classique des précédents redémarrages après le s récessions depuis la seco nde guerre mondiale. Pourtant, avec les fi rmes améri(9 ) L' école autrichienne dont il est question ic i re présente une fraction des théories néo-libérales dont 1' intention était de fournir des recommandations sur les politiques économi ques à suivre pour enrayer le chômage et 1' inflation des an nées 1970. Ces théories ont inspiré et inspiren t encore les poli tiques économiques de la plupart des pays occidentaux depuis les années 1980. On peut j uier, à la mesure de la crise actuelle, les résultats de telles orie ntations. 6 - tCHANGES 107 · HIVER 2003-2004 caines tournant à 75 % de leurs capacités et luttant encore pour sortir de leur endettement des années du boom, ces dépenses en capital fixe ne se sont pas encore vraiment manifestées . Un des meilleurs indices du manque de confiance des capitalistes dans la récente repri se est l'augmentation rapide du prix de quelques denrées de base (10) - un autre parall èle avec la reflation des années 1971-1973-, aug ment ation emmenée par 1' or, qui a augmenté de 20 %en 2003. Les répercussions internationales Il est maintenant important de se tourner vers les dim ensions internationales de la « reprise >> amér icaine qu i sont encore perçues comme primordi ales ici même aux Etats-Unis. Il y a quinze ans, le principal déséqui libre de 1'économie internat ionale appara issai t entre les Etats-Unis et Je Japon. Les marchandises j apona ises conquéraient le marché intéri eur américain et les dollars améri cains s'ac cumulaient à la Banque du Japon. Aujourd'h ui, tout se focalise de plus en plus sur le déséqui libre de la balance commerciale entre les EtatsUnis et la Chine, alors que 1'act ivité de ce pays remodèle la division internat ionale du travai l. Le moteur de base de la prospérité a été pendant des années les exportati ons de l'Asie vers les Et ats-Unis en échange de réserves de dollars. On est ime ( 10) Toul récemment, les cours des matières premières essen tielles ont atteint des niveaux records (par exemple pour des produits aussi dive rs que le nickel (20 %), l'huile de palme (48 %), le coton ( 15 %), le soja (35 %) et le reste à l'avenant ). Comme d' habitude, les commentateurs ch erchen t d' a utres raisons que celles venant des problèmes posés par l' évolution du capitalism e mondi al ; par exemple, selon Le Monde du 13 novembre 2003, ce serai t que « la Ch ine fait flamber les prix des matières premières >>. des interviewés se retrouve (évidemment) dans la longueur et le contenu de ce que chac un di t de sa vie. Les ingén ieur s et cadres sont beaucoup plus prolixes (il fallait s ' y attendre); outre leur revendic ation q-u elque peu abusive d '« apparten ir à la cla sse ouv r ière», ils s'étendent, en bon gest ionnaires du capital, sur des« solutions>> pour maintenir l'usine en activité (le maire , en bon politi que, ira beaucoup p lu s lo in dans ces solutions) . Les ouvriers, dont Je d iscours est deux fois plus court que celui des autres, ne parlent que de ce qu 'était leu r travail et de ce qui se tis sait au tour, dans et hors de 1'u sine. Ils sont bien conscients que 1' usine a ru iné leur santé et du fait qu·' au prix de leu r vie, ils ont cons ti tué des richesses qui leur étaient confisquées quoti diennement ; et cette ruine leu r est encore plus présente quand ils voient que l'usine ne produira plus et même sera vraisembl ablement détruite . Pour ces derniers rescapés de la grande saga industrielle et min ière du Nord de la France, le lyrisme de l'auteur, sans peutêtre qu'il s' en rende bien compte, s'applique bien à un pro létar iat balayé aujourd 'hui ici par 1' invasion des techniques mod ernes de product ion et les déloca li sations . Les travailleurs, sinon qu'ils ressentent encore plus amèrement l'injustice de se retrouver à la rue après tant d'années d'une dure exploi tation sécurisée, ne comprennent pas ce que le capital fi nancier fait d'eux . L'auteur partici pe de cette ambiguïté, lu i qui trouve que les patro ns ont pris des leçons c hez Marx et Mao (comme si les de ux avaient qu elque point en commun, ce qui montre qu'il n'a pas compris grand-chose de son passé ni de cette lutte) ; il reprend même c e que cert ains vi eu x ouvriers et les cadres développent, reprenant une l it anie des po- liti ques des «patrons voyous >> d'a ujourd'hui, regrettant la « correction >> des anc iens patrons Pennaroya-Roth schil d. Le caractère même de la lutt e, menée apparemment de bout en bout par 1'i ntersynd icale, s'accord e parfaitement avec cette référence au vieux mouvement ouvrier. L' insistance de bien des interv iewés sur le travail du « leade r», tout comme la ré fl exi on de celui-ci est i mant qu ' il s'est trouvé presque nature llement à ce poste parce qu ' il ava it commencé des études supérieures (sans les mener à leur terme) fait aussi bien ress ortir ce caractère. On aurait pu penser, d'aprè s ce que la presse avait pu raconter de cette lutte qu e pa r certains traits , elle s'apparen tait à cel le de Ce li a tex deux ans auparavant (voir Echanges n° 94, été 2000, p . 3). Les trav aill eurs auraient commencé à balancer des produ its chimiques dans la Deule, la I'M So lM~ MTH ïliE CIIPASILIT1ES CF Mit' NfLAJ ~ IC oeQ'!NlSER. I'VE C(M;N IT ~ .])6 «J'ai dté tellement épaté par les performances de mon nouvel "organizer" électronique que je lui ai donné votre boulot ... tCHANGES 107 • HIVER 2003-2004 - 6 7 NOTES DE LECTURE Metale urop. Paroles ouvrières, de Frédéric H . Fajardie (Mille et une nui t s), p. 66 • Paro les d 'ouvriers : treize vies de labeur, d'A lain Tondeur (éd. Luc Rire) , p . 68 • Les grèves en Franc e en mai-juin 1968, de Bruno Astarian (Echange s et Mouvement), p. 69 Metaleurop. Paroles ouvrières Frédé r ic H. Fajardie Mille et une nuits, coll. « Témoignages », 10 euros N AURAIT PU aussi bien inti tuler ' cette brève critique« Quand un ex mao recyc lé dans le polar se penche sur la condit ion ouvrière» (c'est Frédéric Fajardie lui -même qu i rappelle dans sa préface son ancienne appartenance). Chacun a pu entendre parler fin 2002 de Meta leurop, une des nième• boîtes fermées où se dérou la une 1utte visant à tenter d'arracher un« programme social » plus substantiel- lutte d'ailleurs quelque peu éclipsée par l e déferlement des images guerrières de 1'Irak (une petite guerre providentielle pour masquer la crise économique et sociale). D ' après 1' au t eur, Metaleurop, usine d e métal lu rgie (p lomb et z inc) situé e à Noyelles-Godault dans le Pas-de Cal ai s, près de Lens, ne comptait, lors de sa mise en liquidation en mars 2003, pas moins de 83 0 sa lar iés ; Fr édér ic Faja rdie y aj oute t rès justement les oubliés des « plans sociaux », soit q uelque 1 200 intérim aires ou travailleurs de la sous ~ trai tance, ce qui porte le total aux environs de 2 000 t ravailleurs . C'est d ire que ce petit livre qu i porte en sous-titre« Entre t iens avec des ouvrier s de Metaleu rop », nous laisse que lque peu sur notre faim avee ses vingt et un« entretiens ». Bien sûr, il fallait faire un choix pour une 0 66 -ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 simple question de dimension, mais si le choix effectué par Frédéric Fajardie est révélateur, ce n'es t pas dans le sens promis par le sous-titre : effet, sur les vingt et une personnes interrogées, six seulement sont effectivement des ouvriers, quatre sont des employés, neuf sont des ingénieurs ou cadres, une est un édile municipal n ' appartenant pas à l'usine, et le dernier un délégué syndical CGT, devenu secrétaire de l ' intersyndicale qui, apparemment, sera 1' organe ~irigeant de toutes les actions(« apparemment» , car tout au long des témoignages, nous apprendrons pas mal de choses sur les conditions de travail des uns et des autres mais bien peu sur la grève elle-même, sur la façon dont elle a été conduite- et notamment, ce qui nous aurait intéressé, sur la manière dont les quelque 800 travailleurs ont participé à l eur lutte). Nous n'épiloguerons pas ici, sur la sorte d'interrogatoire standard qui apparaît en filigrane et fait penser à une sorte de questionnaire dont chacun sa it qu'il est forcément orienté. Le déséqu ilibre relevé dans le choix que la Ch ine , le Japon, Taïwan et la Corée du Sud p ossèdent à eux seu ls 1 000 mi lliards de do llars ; la plus grande part ie de cet argen t est recyclée vers le marché des capitaux améri cains (par exemple la dette du gouvernement), ce qui rend possible un accr oissement enc ore plus important du crédit et par suite de la consommation intérieure aux Etats-Un is . Comme 1'Europe dans les années 1950 et 1960, les puissances industrielles asiatiques permettent aux Etats-Unis de financer leurs défic its avec leur propre endettement extérieur (l OU). Des tendances similaires, mais pas à la même échell e sont toujours visibles aujourd'hui avec l'Europe et les détenteurs de dollars de 1'OPEP (Il). Cette centralité du doll ar dans 1'éco nomie mondiale est la principale énigme qu i doit être éluc idée si 1'on veut tracer la voie d'une compréhension des futures possibilités d'accumu lation. Le dollar a été en crise à partir de 1968, quand le système de Bretton Woods commença à s'effondrer, et il a survécu à cet e ffondreme nt (19711973 ) pend ant trois décennies d'un pur et simple« dollar standard)) (en contraste avec le précédent« gold exchange )) (12) standard de 1944-1971 ). Pendant cette période, 1'industr ie américaine fut amenuisée, externalisée et vidée de son contenu. Avec l'émergence de la Chine, même les usines de la Maquiladora à la frontière du (Il) L' Opep (Organ isalion des pays exportateurs de pé tro le) [en anglais Opec (Organ isation of Petroleum Ex porting Countries)] est une sorte de carte l des prin· cipaux producteurs mondiaux , la pl upar t des pays arabes, ceux d'Amérique latine, d'Afrique et l'Indonés ie, dont le but est de tenter une régulation des prix par un certain contingentement de la production. (12) <<Dollar standard»,« gold exchange standard», voir encadré page 4 sur les accords de Bretton Woods. Ces termes définissaient les références pour la fixation du cours des monnaies nationales. Mexique et des Etats-Unis sont délocalisées à Shenzhen (voir ci-dessous). Les pays étrangers ont compensé les déficits américains pendant quarante-cinq ans, le prix de leur accession au marché inté- De la Maquiladora IJ Shenzhen Maqui/adora est le nom donné à la zone fron talière du Mexique et des Etats-Unis, où nombre d'industries américaines furent délocalisées au cours des dernières décenn ies pour garantir des taux sans précédent d'exploitation des travailleurs émig rants de tout le Mexique et de toute l'Amérique centrale. Non seulement ces travailleurs ne bénéficiaient d'aucune protection sociale mais, à ces conditions de travail maintenues par une semi-dictature et la corruption, s'ajoutait la vie dans des bidonvilles insalubres. Pourtant, ces dernières années, des luttes avaient rendu moins rentable pour le capital américain l'exploitation de cette masse de maind'œuvre proche des marchés des EtatsUnis, ce qui a entraîné l'exode des industries vers des pays plus .. accueillants " • dont la Chine. Shenzhen fut en Chine la première " zone économique spéciale , destinée à per. mettre aux firmes occidentales d'exploiter l'inépuisable main-d'œuvre chinoise à des conditions sans équivalent dans le monde capitaliste. Limitrophe de Hong Kong, la ville est devenue une mégapole industrielle de plusieurs millions d'habitants dont le développement s'étend dans toute cette partie côtière du pays, drainant les esclaves salariés de toutes les campagnes du sud de la Chine. ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004- 7 rieur amencain. Les contre-tenUSA dan ces à une chute brutale du dolJar incluent les in vestissements di NOWORK rects étrangers aux Etats-Unis (en partie pour contourner le choc en retour protectionniste prôné par quelques secteurs de l'industrie américaine tout comme par quelques organ isations syndicales) et par le rapatriement des profits des investissement encore considérables des Dessin publié dans • News and Letters • (juillet 1996). Etats-Unis à 1' étranger. Mais aucun Tobin pour le cap it al fixe américain est commentaire pour qualifier 1' étendue du monté jusqu ' au niveau vertigineux de 2,11. décl in économique depuis les années 1950 Le crédit rendant cela possible était large· ne peut dissimuler le caractère de plus en ment développé par l'apport des étrangers. pl us fictif de l'économie américaine dans Une telle augmentation coexiste avec une augsa globalité et que les étrangers jugent mentation similaire du dollar au cours des comme « trop grande pour échouer ». Un mêmes années, à la suite des années 1985indice montre cette tendance vers une éco1995 de faible dollar. Les investissements nomie de plus en pl us fi ctive mieux que tout étrangers dans des actifs en dollars après autre : l'i ndice<< q »de Tobin (13), le 1995 furent un« cercle vertueux »dans le· concept bourgeois s'exprimant dans le taux quel des profits considérables (par exemple de la valeur totale en capital fixe par rap1'engouement pour le marché des actions) port à son coût de remplacement. étaient alimentés par une croissance Une étude montre que ce taux a fluctué constante du dollar. Débutant en l'an 2000, autour de 1 pour tout le xx' siècle jusqu'à le« cercle vertueux >> se mua en cercle vi1995, avec des déviations évidentes en descieux, l'effondrement du marché boursier sous (la période de crise et de défl ation des se conjuguant avec la chute du dollar, de années 1930) et au-dessus (la période in· sorte que les invest isseurs étrangers perflationniste des années du boom des années daient par les deux bouts. En 2002, les in1960 et 1970). De 1995 à 2002, 1'indice q de vestissements directs aux Etats-Unis étaient devenus négat ifs et le chef de la Banque (13) Du nom de James Tobin, économiste néo-libéral centrale européenne, Wim Duisenberg, se deaméricain qu i a cherché des solutio ns pour réduire la pauvreté par la croissance et le plein-emploi et, ce fai mandait ouvertement si le déc lin« inésant, a forgé une thèse de l'i nvestissemen t produc ti f vi table >> du dollar serait une retraite pro· concentrée sur les actifs productifs. L'indice« q »exgressive ou une panique brutale. pri me Je coût de remplacement du capital invesli. Tobin est devenu célèbre pour sa proposition de financer mondialem ent les in vestissements en question par la taxation des transactions de change, dite« taxe Tobin », destinée soi-disant à décourager les spéculations et à renflouer les économies des pays pauvres, cé lébrée par les mondialistes de tout poil enthousiasmés par cettè nouvelle mouture de réfo rmisme keynésien . M tourne r ou cachant le stock de pièces de sorte que la mac hi ne devai t être arrêtée, ou demandant à aller voir l' infirmière (78). >> Le mê me ouvrier déc r ivait une tech niq ue util isée pour ralentir le travail dans les différents département de peinture de l ' usine. Ils deva ient accrocher les pièces sur le convoye ur d'ap pro visi onnement, lai ssant des crochets vides toutes les fois qu 'i ls le pouvaient. Il y avait un conflit permanent entre contremaître et ouvriers, pour ·savoir qui déterminerait 1'espacement entre les pièces . Une variante du ralentissement, décrivait -il, était la rupture d'approvisionnement et 1'arrêt des machines et des chaînes par manque de matériel. « Les contremaîtres étaient souvent si occupés qu'i ls n'avaient pas le temps d'avo ir une idée sur le stock de chaque ouvrier, et il ne pouvait rien faire contre un ouvrier qui arrêtait la chaîne parce qu' il était à court de pièces . Etre à court de pièces demandait h ab ituellement la coopération des pour· voyeurs de pièces et des conducteurs de Fenwicks qui devaient s'arranger pour être · opportunément occupés ailleurs quand 1' ap· (78) Baxter et al., Out of the Driver 's Seat (Hors du siège du conducteur), p. 31. DES POTES ET MOl, ON TRAVAILLAIT EN INTERIM SUR LE CHANTIER D'UN COMMISSARIAT IL '( A QUELQUES ANNEES ... prov isionnement en pièces n'était plus assuré en un point de la chaîne. De plus un ouvrier engageait souvent une conversation avec le contremaître pendant que les au tres dissimul aien t les pièce s ou ép uisaient ce qui leur restait, si bien que la produc tion s'arrêtait, ce qui donnait à chacun une pause dans le travail (79) . >> Nous n'avons pas assez de place dans ce chapitre pour discuter toutes les façons variées de limiter la production. Il suffi t de noter que c'est une caracté r ist ique universelle du travail salarié . Cela implique, quel le qu'en soit la forme, que l'on cache au management, de façon très importante, les conditions et les possibilités réelles d'un at el ier. Plus on monte dans la hiérare des managers, mo ins la réalité de la production est connue. Il y a toutes sortes de tactiques utilisées par le management pour empêcher les travailleurs de limiter la production . La plus récente, appelée tech nique japonaise, consiste à former des équipes de travail et des cercles de qualité . Ses succès tendent à être l imités et temp oraires. M.G .etS .F. (79) Ibid., p. 3!. ON A OU VRAIMENT ETRE TRES ETOURDIS ... ... PARCE QUE TROIS MOIS APRES, LEUR FOUTU TOIT S'EST EFFONDRE 1 on ne comprend plus rien alors au seul problème de 1' économie et il est essentiel de regarder la « politique>> dans la critique de l'économie politique, pour tenter de voir jusqu'à quand les AIS ~CHANGES 107 • HIVER 2003·2004- 65 8 - tCHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 dans d'autres régions, d'autres pays même. Loin d'être exp liqué par des déterminations purement intérieures à l'entreprise, ce phénomène met en cause la condition économ ique et sociale du travailleur salarié de l' industrie dans l'ensemble de lasociété dont il est membre (75). » De telles actions ne sont pas entièrement ho rs du contrô le du management, mais ce que le management peut faire a ses limites. Avant 1953, dans le département des vilebrequins de l'us ine Buick de General Motors à Flint (Michigan), il était accepté une limite à la production, que les travailleurs avaient imposée à travers 1'organisation syndicale. Cela laissait aux ouvriers entre une à quatre heures de liberté sur leurs huit heures de travail, pour autant que le stock fusse correctement alimenté et qu'aucun prob lème ne surgît dans l'utilisation des machines. Cela changea en 1953 quand 1'entreprise modifia le moteur de la Buick d'un huit-cylindres alignés à huit bâtis en V et construisit une nouvelle usine de moteurs dans laquelle tous les postes de travail furent redéfinis. Le temps libre fut réduit après ce changement, mais pas éliminé. De plus, dans l'ancienne usine, on tro uvai t même une autre réduction de production résultant d'une fausse comptabi lisation. Les vil ebrequins travers aient le département sur des casiers poussés à la main, chaque casier portant cinq vilebrequins. Parfois le matin et de nouveau dans (75) Geo rges Friedmann, lndustrial Society (lasocié té industrielle) (Free Press, Glencoe, 1964 ), 322. Texte origina l : Machine et humanisme. t. Il : Problèmes humains ifu machinisme industriel (Gal limard, 1946), p. 320. L' auteur rend compte dans ce chapitre d'une enquête menée pend ant douze ans (de 1927 à 1939) par des sociologues, sur une commande de la direction, auprès des 29 000 ouvriers des ateliers Hawthorne de la soc iété Western Electric, à Chicago. 64- ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 1' après-midi, on se passait le mot sur toute la chaîne : « Take one. »Cela signifiait que chacun des ouvriers marquerait un cas ier - 5 vilebrequins- comme ayant été usiné alors qu'il ne l'avait pas été. Certains j ours, au moins une fois par semaine, le mot d'ordre était : « Take two. » Le faux décompte qutidien était de dix, le maximum de vingt. La perte pour le département était encore plus grande car chaque travailleur pouvait faire cette déduction , sans s'occuper du nombre de travailleurs pouvant effec tuer la même opération (76). Donald Roy, étudiant, sur le mode de 1'« observation participante », un atel ier d'usine de conditionnement de 1'acier, raconte une fraude généralisée et régul ière : les ouvriers, non seulement traînaient pour maintenir un taux réduit de production, mais tentaient consciemment d'abaisser le rythme de travail. Il indiquait qu'il s'agissait vraisemblablement den 'en « donner que pour ce qu'on recevait (de la société) tout en ayant 1'air de faire tourner normalement la machine (77). » Un travailleur de l'automobi le déclarait que le ralentissement était la forme la plus commune de lutte à laquelle lestravailleurs participaient. Il décrivait les différentes formes prises par le ralentissement et les ruses utilisées par les ouvriers pour se ti rer du travail, même temporairement : « "Allant dans le trou" (prenant du retard dans leur tâche) déli bérément, faisant des mouvement inutiles, discutant avec le contremaître alors que la chaîne continuait de (76) Rapporté dans une discussion avec Martin Giaherman. (77) Donald Roy, « Quota Restriction and Goldbricking in a Machine Shop » (Restrict ion des quotas et restrictions de product ion dans un ate lier), American Journal of Sociology, 5, n•I, mars 1952, p. 437. Etats-Unis réussiront à faire payer au reste du monde leur décl in et leur cri se. Le succès ou l'échec en cela déterminera la durée de la reprise américaine présente« dans une croissance avec perte d'emplois ». Le problème fondamental pour le capitalisme américain est globalement dans la circulation de la masse de capital fictif (dans 1' immédiat représenté par les 2 000 milliards de dette extérieure) qui s'est développée pendant plus de quarantecinq années d'hégémonie du dollar ainsi subventionnée, rendant possible cette valorisation du capital en extrayant un montant adéquat de plus-value (nous ne considérons même pas ici les l 000 milliards inconnus rattachés au marché global des dérivatifs (14) et à celui des hedgefunds) (15). C'est la clé de la politique étrangère américaine dont le but est de briser toutes les barrières subsistant à une tell e extraction de la plus-value. Elle s'est accomplie à travers les politiques néo- libérales du FMI et de la Banque mondiale, saignant à mort des milliards de gens dans quatre-vingts pays du tiers monde. Cela s' est poursuivi par l'ouverture de l'ex -bloc soviétique et par un pillage extraordinaire de ses vastes ressources naturelles (dans le cas de la Russie seule), la plus grande chute démographique dans l' histoire moderne en temps de paix . Puis par l'ou- verture de la Chine dont l'économie, après vingt années d'une croissance annuelle de 8 % à l 0 %, est maintenant en danger de« surchauffe »par son absorption de tant de surplus en dollars . Cela s'est poursuivi par l'A lena (16), la zone de libre-échange avec le Canada et le Mexique, qui a maintenant l'intention de s'étendre à toute l'Amérique latine. La politique américaine frappe maintenant à la porte de ce qui reste des blocs commerciaux, l'Europe et les puissances industrielles asiatiques, qui opposent des obstacles à l'espèce de pillage néo-libéral des actifs par un« gouvernement du monde des affaires» qui, aux Etats-Unis, a produit lemeltdown (17) de la période postérieure à l'an 2000. Les Etats-Unis ont pris un avantage important suite à la crise asiatique de 19971998 , contraignant la Corée du Sud et d'autres pays à s'ouvrir pour des «réformes>> (les études courantes estiment que 3,3 millions d'emplois dans le secteur des services émigreront des Etats-Unis vers l'Inde d'ici 2015, faisant de ce pays, concurremment à la Chine, une nouvelle source de pillage). Ils ont établi de fortes bases en Eurasie, avec des troupes installées de la Géorgie à l'Ouzbekistan (et la Pologne et la Roumanie (14) <<Dérivatifs» - ou<< produits dérivés»- désigne un marché boursier qui spécule non sur les titres mais sur des élémen ts de ces titres : les taux d' intérêts, les risques de change ou toute autre fo r me de risque con cernant ces va leurs mobilières. C' est une sorte de marché libre parallèle peu réglementé où circulent des capitaux énormes. ( 15) << Hedge Funds »c'est une autre forme de spéculation financière basée sur une sorte d'arbitrage entre capitaux engagés notamment dans les opérations sur les monnaies (on peut avoir une idée de l'ensemble des capitaux engagés dans toutes ces opérations boursières lorsqu ' on constate que les seules opérations sur ces monnaies à 1'échelle du monde atteignent plus de 50 fois la valeur du commerce des biens et des ser· vices dans une période donnée). ( 16) Al ena (accord de libre-échange nord-américain) [en anglais NAFT A (North American Free Trade Agreement)] conclu entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique pour la libre circulation des marchandises (pas des habitants) dont les Etats-Unis ont tiré le plus grand profil et qui a, par exemple, ruiné l'agriculture mexicaine. Les Etats-Unis exercent actuellement de fortes pressions sur les pays d'Amérique latine pour étendre ce<< marché commun »à tout le con tinent américain, une sorte de réponse à la montée de 1' Union européenne. ( 17) << Meltdown » : nous avons conservé ce mot anglais qui exprime la désintégration (notamment du cœur d'un réacteur alomique, où l'arrêt du système de refroidissement entraîne la fusion des éléments de ce cœur). ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 9 concédant des bases américaines) et une politique visant à conserver les défic its commerciaux: avec I'Europe, la Russie, l'Inde, la Chi ne et le Japon qui doivent rester soumis aux: besoins de « la seule superpuiss ance restante )) du monde. A moins que, ou j usqu'à ce que, l'Union européenne puisse développer une puissance politique et milita ire correspondant à sa dimension économ ique, le plus g rand obstacle à cette stratégie américaine de contraindre le reste du monde à subventionner son déci in est 1'Asie et, finalement, la Chine ( 18). Depuis la crise de 1997-1998, les puissances as iatiques ont tenté de bâtir un bloc commercial similaire à celui de l'Union européenne et de l' A lena qu i impliquerait finalement une union douanière, une monnaie asiatique et q uelque chose ressemblant à un Fonds monétaire asiatique indépendant du FMI (les Japonais ont fait des propositions à ce sujet, seulement pour être rembarrés par les Etats-Unis). Il est évident à chacun que les enjeux: ult imes de cette stratégie sont de briser la dépendance de 1'acc ès au marché américain et de l'accum ulat ion de dollars en échange de marchandises qui en résulte. En cons équence ( comme le fit le s ec rétaire américain du Trésor Robert Rubin lors du meltdown asiatique) les Etats-Unis ont ridiculisé de telles tentatives, tout juste comme ils ont pu constamment (à travers la Grande-Bretagne, l'OTAN et , plus récemment, dans les guerres d 'Afghanistan et d ' Irak) agir pour entraver l' unification européenne. Cette brève analyse n'a, jusqu'à pré( 18) Ce problème sem ble prendre une grande dimensi on avec le développement récen t d 'un rapide développement des échanges entre la Chine et l'I nde dont les économies complémentaires pourraient effectivement être lts éléments cen traux de ce pôle asiatique redo uté par les Etats -Unis . 10- tCHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 sent, rien dit de 1'autre obstac le potentiel à la gestion de la crise capitaliste améri caine: la classe ouvrière américaine. C'est en partie parce que, depuis 1973, le capital amér ica in a poussé à la d iminuti on du niveau de vie de 80 % de la population américaine, sans rencontrer beaucoup de résistance. Un reflet de ce succès est la chute du taux de grève, tombé presque à zéro. Mais il est possible justement que cette attaque contre la classe o uvrière ait attei nt un point qu'il ne pu isse dépasser. Les énormes pertes supportées par les fonds mutuels (fonds de retraite ou autres) des travai lleurs ordinaires lors de l'effondrement des marchés boursiers, la dispari tion accé lérée des retrai tes pour des millions de personnes, le coût exponentiel des soins de santé privés, les scandales financ iers des firmes dans les années récentes (Enron, WorldCom, Tyco, etc.), l'écœurement croissant devant les indemnités payées à leurs hauts dirigeants par les entreprises mises au pillage (ou les 139 m illions de dollars payés à Richard Grasso, ancien dirigeant du New York Stock Exchange) ont quelque peu érodé la base populiste de droite soutenant la po litique néo-libérale d'austérité des trente dernières années . Les grèves des supermarchés et des transports de Los Angeles ont connu un mouvement de large sympathie populaire et un soutien que 1'on n'avait pas vu depuis longtemps. Pour ramener le salaire minimum a ux Etats-Unis (6,50 dollars de l 'he ure) à son pouvoir d'achat d'il y a tren te ans, i l faudrait le porter à 18 dollars ; même une offensive modérée de la classe ouvrière pour regagner le terrain perdu dans ces trois décennies pourra it marquer la fin de l'empire du dollar. L. G . septembre 2003 ses plans. Ce faisant, ils affirmaient leurs propres buts de production contre ceux du management et œuvrai ent pour un certain contrôle de la production (74) . Le but de ce sabotage n'était pas d 'avoi r moins de trava il mais d'améliorer la qualité du produ it. Virtuellement, il n ' existe pas de travail qui ne puisse être saboté. La secrétaire qui cache son travail de sorte qu'elle seule puisse le trouve r; la caissière qui délibérément falsifie la facture tota le, ce ne sont que deux exemples parmi tant d ' autres que l'on peut trouver dans les serv ices et les emplois de bureau. La résistance ouvrière associe souvent le sabotage avec d'autres activ ités de base.On a pu observer ce la à la nouvelle usine de Cadillac Poletown à Detroit/Hamtramck - une usine automatisée modèle qui s'avéra incapable de produire des voitures sans défaut pendant une très longue période à cause du sabotage des ouvriers . Un autre exemple fut celui du chaos monstre à 1'aéroport de Detroit après la fusion des compagnies Northwest et Republic Airtines, opération qui ignorai t les droits des travailleurs et des syndicats. Fausses routes pour les bagages, sabotage, grèves perlées et bien d'autres choses, furent 1'apanage du hub de Northwest pendant des mois . Restrictions de production Les sociologues et les psychologues indust riels ont étudié intensivement les res- ((74) Bill Watson, Couterplanning on the Shop F/oor (Contre-planning dans l" a telier}, Bos ton, New England Press, 1971. Ce tex te, traduit d ans !CO n• 115-1 16 (mars-avril 1972). a fait l"objet de débats passionnés au sei n du groupe ICO , autour d"un texte critique« Contre-in· terprétation du '"Contre-planning dans l'atelier.. >> (voir !CO n• 11 8. juin 1972 ). trictions de production et autres grèves perlées. Parmi le s études les plus récentes figurent les célèbres expériences Hawth orne des années 1920 et du début des année s 1930; ces expériences et bien d 'autres sont parvenues à la c-onclu sion qu ' uni v ersell~ ment, les travailleurs tentent de réduire la produ cti on et q u' i ls y parviennent a vec quelque succès. Georges Friedmann en tire d'intéressantes conclusion s : « Les enquêteurs, en observant méthodiquement un groupe d'ouvriers, pris au hasard, ont donc été conduits à reconnaître que le ressort essentiel de leur organisation intérieure, spontanée, secrète, de leurs interrelations personnelles, de leur comportement à l'intérieur de l'usine- est la défense de leur condition économique collective: ce à quoi ils estiment contribuer le plus efficacement - sur la base d' un système de salaires aux pièces et de primes - en restreignant Je rendement. Une telle att itude implique évidemment une solidarité entre ouvriers, par dessus les distinctions psychologiques individuelles, les antipathies, les appartenances à t 1ou tel groupe ou " clique" et même, souvent, par delà leur intérêt financier immédiat : la pratique de la restriction du rendement, la reconnaissance d'une certaine durée de travail comme "norme de conduite" les unissent plus ou moins consciemment dans une collectivité dépassant les différenciations intérieures et les limites d ' une entreprise, fût-elle aussi vaste que la Western Electric. Les enquêteurs ont saisi 1' importance intrinsèque de la restriction de rendement, mais n'ont pas vu que là, ils se heurtaienbt à un fait économico-social qui dépasse l'horizon de la Compagnie et rattache l' attitude des ouvriers à celle d'autres ouvriers, dans d'autres usines, d'autres industriesECHANGES 107 · HIVER 2003·2004- 63 une pause d'une heure à une heure et demie (72). >> Deux éboueurs racontaient que quand ils voulaient avoir une pause, ils conduisaient leur camion près d'un coin de terre meuble, se mettaient en marche arrière jusqu'à ce que le camion s'en lise. Ce qui, ajoutaientils, leur donnait habituellement une pause pou r le reste de 1'après- midi , le temps que le camion sorte de l'ornière (73). Nous possédons une série de lett res écrites par la direction locale d'une grande société automobile au syndicat et décrivant pas mal de tels actes supposés de sabo tage dans une période de six mois. On y trouve: 1. 27 mars- équipe de jour à 6 h 55 un arrêt de 15 minutes dans le département X, un boulon est trouvé immobi lisant la chaîne. Production perdue : 3,5 unités- Sabotage extrêmement vraisemblable. 2. Equi pe de jour - 8 h 02- 19 mi nutes d'arrêt au Département X - des bleus de travail bloquent la chaîne. Production perdue : 4 uni tés. Sabotage extrê· mement vraisemblable. 3. Equip e de l'après-midi - 20h429 minutes d'arrêt au département XProducti on perdue : 9 unités. Sabotage extrêmement vraisemblable. 4. Equipe de l'après-midi-18h04 Il minutes d'arrêt aux départements X et Y - une plaque de métal trouvée dans le mécanisme d'entraînement de la chaîne. La chaîne était aussi bloquée par des boulons et des écrous. Production perdue : I l uni tés. Sabotage extrêmement vraisemblable. (72 ) lntervi~w. Windso r, Onlario, 20 novembe 1969. (73) Inte rview , Windsor, Ontario, 23 novembre 1969. 62- ECHANGES 107 · HIVER 2003-2004 Ce qui est significatif dans cet exemple n'est pas seulement le rapport détaillé des ac tes de sabotage mais aussi le fait que le management essayait de garder secrètes ces plaintes adressées au président de la section syndical e local e. Quoique les actes de sabotage soient habituellement individuels, nous connaissons deux exemples de sabotages de groupes organisés, qui sont décrits par le sociologue Bill Watson alors qu'il œuvrait dans une usin e automobile du Michigan. Il constata que les travailleurs essayaient d'opposer leu rs propres standards de production à ceux du m anagement, qui exerça it une press ion pour garder le contrôle du travail. Dans la plupart des cas, notait Watson, cela se déroule dans les zones de production. Il en concluait que les travailleurs mettaient en panne une machine ou la chaîne de production pour avoir un peu de temps libre, raccourcir leur journée de travail et fai re tom~ ber les quotas de production. Il avait trouvé deux cas dans cette usine où des ca mpagnes avaient été organisées par les travailleurs dans 1' usine avec des engagements spécifiques pour mettre en œuvre ce qui avait été ainsi planifi é. Ces campagnes avaient été lancées parce que ces travailleurs pensaient qu'ils construisaient des moteurs de mauvaise qualité. Dans le premier cas, ils estimaient que les moteurs avaient été mal usinés ; la seconde fo is, ils avaient été contraints par le management d'utili ser des pièces défec tueuses qui avaient déjà été rejetées. Dans ces deux cas, ils ne soudèrent pas certains points, ne posèrent pas de joints ce qui réduisait la compression du moteur, placèrent des mauvais bouchons ou des bouchons inadaptés, laissèrent les boulons non serrés, etc. Tout cela avec l' intention de contraindre la direct ion à abandonner EUROPE CAPITALISME ET PLURALISME L~ rol_e des Etats-Unis comme superpuissance s'inscrit dans la longue htstotre des luttes entre divers capitalismes nationaux pour l'hégémonie, et en laison avec la tentative de constitution d'une Europe unie. Au sein de celle·ci, l'unification par le bas des conditions d'exploitation aboutira·t·elle ~une unification des luttes ? L A GUERRE d'Irak a fait surgir ou a réacdes débats sur le rôle des EtatsV ms, sur la suprématie d'un des capitalismes nationaux, sur son impérialisme . Les affirmations idéologiques, dans un sens ou dans l'autre, masquent- mal-les enjeux de cette domination impérialiste et les réactions qu'elle entraîne. Il importe de replacer la situation présente dans 1' évolution historique du capitalisme et les affrontements qui ont résulté des inégalités de développement du capital dan s des cadres nationaux. Une bonne compréhension demande le dépas sement de la considération des circonstances, de l'actualité ou des événements d'une mémoire d'homme, pour tenter de replacer l' ensemble de ce qui se passe sous nos yeux dans un large cadre historique, en le reliant particulièrement aux grands courants historiques qui ont marqué la période dans laquelle nous vivons, celle du capitalisme. L'histoire des trois ou quatre dern iers siècles a toujours été marquée par des affrontements économiques et militaires entre un capitalisme dominant (d'abord un continent puis mondialement) et un ou des capitalismes naissants, la suprématie du premier et l'ascension du ou des deuxièmes s'ancrant dans le cadre d'un Etat national. Face à la dominante d'un Etat-nation catua~ isé pitaliste (le terme« impérialisme» n'étant apparu que récemment, il y a un peu plus d'un siècle), les Etats-nations en développement ont toujours revendiqué la place et l'expansion d'un capitalisme national ; cela a souvent pris le canal d'une unification, volontaire ou forcée, pouvant se faire d'abord sous la forme de coalitions politiques et militaires contre le capitalisme dominant, plus récemment sous la forme d'une unification économique, politique et militaire. Sans remonter à l'unification du royaume de France corrélative au développement progressif du capitalisme dans ce pays, réalisée pour une bonne part aux dépens d'un capitalisme anglais lui aussi en développement mais déjà plus avancé, on peut remarquer que l'affrontement premier entre ces deux capitalismes a été essentiellement celui de coalitions, visant du côté français à limiter la présence anglaise en Europe et de 1'autre côté à limiter l'expansion du capital français ; chacun cherchant à briser les coalitions formées pa l'autre. Depuis un siècle, on parle de préférence de« zones d'i nfluence », dans lesquelles la dominante économique est primordiale alors qu'auparavant les liens apparaissaient plus politiques . Dans les deux derniers siècles, l'ensemble a évolué vers la conquête de territoires coloniaux sources de matières premières, de ECHANGES 107 · HIVER 2003-2004 - 11 marchés et de positions stratégiques. Bien qu ' ayant pris la forme de « décolonisation s », on a assisté plus récemment à un retour des affrontements antérieur s dans des « zones d' influence>>. La première grande tentative de sortir de la situation d'affrontements de coalitions (alors que les affrontements coloniaux avaient déjà débuté mais n' avaient pas encore pris la dimension qu'ils auront au cours du XIX' siècle) apparaît avec la révolution française et la période napoléonienne, en tout vingt-six années ( 1789-18 15) marquées d'abord par le développement d'une idéolog ie mieux adaptée à ce stade du développement capitaliste (balayer les vestiges du pouvoir féodal et de la monarch ie absolue) et corrélativement par la première tentative d' une unification économique et politique, partant d'une domination militaire. La Grande-Bretagne fut ind irectement l'agent de cette première tentative d'Europe unifiée. On peut constater qu'à peu près à la même époq ue, son aveuglement en quelque sorte entraîna l'affranchissement de ses coloni es américaines- ce qui alla it donner naissance à la puiss ance impérialiste qui, bien pl us tard, l'assujettira à sa pol itique.On peut dans un autre sens souligner que Napoléon, dans sa tentative d'hégémonie européenne, essaya également de contester à 1'Angleterre ses conquêtes coloniales lors de l'expédition d ' Egypte. D' une certaine façon, cet abaissement du capitalisme français et la poursuite de la politique de division des nations européennes (vo ir le Congrès de Vienne de 1815) conduisirent à la neutralité britannique affichée lors du confl it franco-allemand de 1870 :le Second Empire avait vu un essor du capital en France et il n'était pas mal qu'une autre puissance freine cet essor. Mais paradoxalement et normalement, cette guerre favorisa l' unifica12- ~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 ti on de l'Allemagne et le développement d'un nouvel Etat capitali ste en pleine expansion. On assiste alors, dans les quarante années qui séparent la guerre franco-allemande de 1870- 1871 de la première guerre mondiale, à la constitution autour de l' Allemagne d'un nouveau bloc capitaliste qui, du centre de l' Europe, essaie des 'étendre vers les débris de l'Emp ire turc. Ce bloc- la Triplice - cherche à prendre sa place dans la conquête colonialiste du monde, théâtre habituel des rivalités franco-anglaises .. Contre cet expansionnisme, l'Angleterre reprend sa vieille tactique des coalitions, entraînant contre la tendance hégémonique du bloc germanique, la France, l'Italie, la Russie et même le Japon . ,· L AGUERREDE 1914devaitmarquerl'entrée sur ~a s~ène m~ndi~le du capital - d'un capttailsme qut avatt pu se développer hors de la zone traditionnelle des affrontements économiques et militaires antérieurs. Ce nouveau capitalisme national -celui des Etats-Unis- s'était constitué une sorte de chasse gardée avec les deux cont inents américains, pratiquait un isolationnisme théorisé avec la doctrine de Monroe en 1823 mais avait pourtant, au nom de sa protection, étendu son influence au-delà du Pacifique, en annexant les Phi lippines, en 1898, après une guerre avec l'Espagne. Un autre capitalisme à progression ultra-rapide, le Japon, commençait aussi à manifester un expansionnisme dans sa zone, aux dépens de la Russie, de la Chine et de la Corée ; mais cela ne débordait pas la zone asiatique et ne troublait pas alors l'ordre colonial imposé par les puissances occidentales. La guerre de 1914 bouleversa ces données et révéla le caractère impérial iste dees Etats-Unis et du Japon. L' intervention salvatrice dans la mettre de travailler seulement trois jours. Le taux d'absentéisme n' est pas constant. li varie avec l' i ndust rie , l'âge du trava illeur et bien d ' autres facteurs . Mais il est assez réguli er pour créer des problèmes au management dans la planification de la production . E n re fusant tou.t simplement d ' être dispon ible à tout moment et en toute circonstance, les travailleurs forcent les employeurs à accroît re leurs coûts et, plus important, rejettent l'idée qu'ils seraient de .simples instruments de production. Sabotage Deux exemples de sabotage décrits dans le bulletin mensuel de la Canadian Bank étaient des cas d' actes indi viduels de colère de travailleurs frustrés et hostiles. Ils étaient dus à des travailleurs réagissant contre un système qui ne leur permettait pas de faire« ce qu ' ils désiraient le plus, comme plus de cent études l'ont montré au cours des vingt demi ères années, d' être les maîtres de leur env ironnement immédiat et de ressentir que leur trava il et eu xmêmes étaient importants -les deux composants de l'estime de soi (71) ». ET CE SERA PIRE SI TU TE FAIS CHOPER EN TRAIN DE BOUFFER 1 Les deux exemples cités par la banque étaient ceux. d'un travailleur de l'automobiie qui avait rayé tout du long la carrosserie d'une voiture et celle d ' un travailleur d'une usine d ' al iments pour an imaux de compagnie qui avait gâché la production de toute une journée en déversant de la teinture verte dans un réservoir de stockage. On peut trouver bien des exemples de ce type de comportement. Une autre forme de sabotage ne dérive pas de la frustration et de l'hostilité ; c'est tout simplement que les travai lleurs veulent prendre une pause dans leur travail. Ils peuvent alors j eter un objet dans le dispositif d'entraînement de la chaîne ou faire tourner leu r machine à une telle vitesse qu'un des éléments se brise, gagnant ainsi un quart d'heure ou une demi-heure de repos . Un travailleur d'une usine de plastiques racontait : « Nous stockions les pièces sur Je côté, de sorte que lorsque la machine tombait en panne nous pouvions avoi r (7 1) Mon thly Bulletin. Bank Canadian National, Montréal, 5 j anvier 1974, 2. RELAX; PERSONNE NE REGARDE. ET ALORS, J'ME TUE A LA TACHE POUR CETIE MAIGRE PITANCE 1 ~CHANGES 107 ·HIVER 2003 ·2004 - 61 nous 1'avons achetée (la fourgonnette), alo rs même qu'i ls l 'ut il isent pour a ll er se balad er . >> Le travail de cette société consistait à nettoyer les vitres et les murs et à entretenir les meubles et les p lancher s. Trè s peu d e can didats fi nissaient le urs deux j our s de formation. Au cours des cinq années de son existence, la société avait co nnu un turnover constant. De 75 à 10 0 personnes y ava ient transité . Culpepper admettait q u'elle pouvait avoir contraint lestrava ille urs à trav a iller p lutô t durem ent « Nous assurions le nettoy age à la mode ancienne. Maman( ... ) ne bal ayait pas sous le tapis, ne déplaçait pas le li t et n'essuyait pas la poussière (69). » Andrew Levison racontait qu' un des emp lo is q u'il avait occupé dans u ne fosse d ' entretien connaissait un turnover permanent. B ie n des hommes n'y restaient guère p lus d'une semaine. « Il y avait un compagnon plus âgé, un homme fort d'environ trente ans, qui vint un j our et commença de travailler. Le matin suivant, vers 10 heures, quand chacun commençait à s' énerver et à lorgner vers le déj euner, le gars en question soudainement jeta son marteau et déclara à haute voix, d'une façon bien réfléchie, " Vous savez, j' en ai marre de cette merde." Et il se retourna et sortit. Le contremaître arriva pour demander ce qui était arrivé et sortit pour rattraper le gars. Mais avan t de partir, il s' arrêta et dit à un jeune près de moi de faire de telle sorte que chacun puisse continuer à travailler. 69) Betty de Ramus, « A Small Maintenance Company's Owners'Problems wi th Labor Turnover>> (Les probl èmes des dirigeants d'une petite société d'entret ien a vec'Ie turnover} , Detroit News . 2 1 septembre 19 89 . 60- ECHANGES 107 · HIVER 2003-2004 Lej eune le dévisagea pendant un moment, sourit et dit "Vous savez, j'en ai marre de cette merde." Tous les autres devinrent alors plus ou moins hystériques et le contremaître nous regarda comme si le monde entier était devenu fou. Il finit pourtant par trouver quelqu ' un d'autre pour occuper le poste abandonné et le travail ne fut pas stoppé. Le lendemain, après avoir acheté un hamburger à la bout ique ambulante, je m' assis sur un bidon pour manger. Dans une petite usine comme celle-là, nous n' avions pas de réfec toire et encore moins des tables et des chaises. Je regardais le soleil en pensant qu'i l faisait vraiment beau aujourd' hui. Le sifflet retentit et chacun s'achemina pour reprendre le travail. Je regardai le jeune près de moi et je pouvais voir que nous avions tous deux la même idée. Nous nous précipitâmes vers nos voitures et nous partîmes à toute vitesse. C'était un sentiment subit, le même lorsque nous faisions des paris à l'école, seulement plus fort. Je devais avoir une drôle de gueule parce que j'étais couvert d' huile de la tête aux pieds, mais à ce moment j'avais trop de plaisir pour m' en soucier. (70) » Absentéisme L'absentéisme inquiète les managers et les leaders syndicaux tout autant que le turnover . Une his toire classique sur les attitudes ouvrières a été formulée par un jeune travailleur de Lordstown (General Motors) à qui l'o n demandait pourquoi il ne travaill ait que quatre jours par semaine, et qui répondit qu ' il ne pouvait pas se per(70) Andrew Levison, The Working Class Majority (La majorité ouvrière) (New York Coward, Mc Cann, et Geogbegan, 1974), pp. 67-68. guerre notamment des Etats-Unis imposait la présence d'un nou veau capitalisme qui , apparemment, n'était plus antagonique mais allié. D'une certaine façon, la faiblesse des capitalismes européens exsangues allai t permettre l'essor d'une nouvelle dynamique capitaliste dans la Russ ie soviétique et permettre au capitalisme japonais de continuer son expansion, cette fo is aux dépens de la Chine. Le remodelage de 1'Europe par le traité de Versailles en un grand nombre de petits Etats ou de fédérations d ' Etats semblait créer une zone sous le contrôle des capitalismes occidentaux en isolant le capitalisme allemand. Ce remodelage n'atteignit guère ses objectifs : en l'espace d'à peine une quinzaine d ' années , l ' Allemagne nazie reprenait le flambeau de l'uni fica tion de l' Europe avec le vi eux rêve pangermaniq ue, face à une alliance des cap italismes d ominée par les Etats-Unis. L'alliance de l'Allemagne avec l'Italie et le Japon, puis avec l'URSS étaient autant de tentatives de formation d'une ou plu sieurs ent ité s capables d ' affronter le « bloc occidental », au sein duquel les EtatsUnis prenaient de plus en plus une place prééminente. Un nouveau partage du monde po- li ti que, militaire, et économiqu e parai ssait s'esquisser entre l'Europe, l'URSS eurasienne, le Japon dominant tout le Sud-Est asiati que y compris la Chine, et les Etats-Unis cantonnés aux Amériques. On p eut bien sûr épiloguer sur la fragilité et l 'échec de ces tentati ves, mai s leurs caractéristiqu es communes était l'avènement et la consolidation dans ces pays en développement capitaliste d e forces suffisamment puissantes pour entrer en concurrence avec des blocs économiques plus puissants. On peut observer que ces tentatives se faisaient presque toujours par le canal de dictatures capables de dominer un prolétariat et une population chargés d'assumer soit les termes d'une concurrence impitoyable, soit les termes de l'accumulation primitive. A SECONDE GUERRE MONDIALE de vait, une nouvelle fois , sonner le glas de cette convergence capital iste contre la puissance dominante- qui, de plus en plus était celle des Etats-Unis. L'anci en impérialisme hégémonique, celui de la GrandeBretagne et de ce qui était devenu son al liée fidèle - la France - devait en effet s'effacer devant les Etats-Unis . Sou s leur égide, une nouvelle« alliance », 1'Alliance atlantique, prenait en quelque sor te Je relais de la domination et des intérêts impériali stes britanniques. Les deux guerres mondiales avaient sonné le glas de la doctrine isolationniste, qui s'est développée en un nouvel impérialisme économique et militaire . Le seul obstacle à cet impérialisme paraissait être, à l'issue de la dernière guerre mondiale, l'Union soviétique, bien qu'ell e ne fût économiquement pas en mesure de concurECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004.-13 rencer la puissance américaine, encore moins celle du bloc économique constitué par l'Alliance atlantique. A la faveur de la défaite du Japon et des affrontements Etats-Un isURSS , un nouveau candidat au« cercle des grands »,la Chine, se manifestait, de même que d ' autres outsiders comme l'Inde ou le Brési l. Alors que la décolonisation , si elle modifiait la carte géographique, faisait reprendre les luttes d'influence comme on avait pu les connaître dans le passé ... Les nouvelles puissances en formation ne pouvaient pourtant pas, vu leur retard de développement, concurrencer sérieusement, pour le moment, l'impérialism e américai n, même si elles pouvaient profiter de la guerre froide entre les Etats-Unis et l'URSS pour accélérer leur développement . Dans ces Etats, comme auparavant dans le développement des autres puissances capitali stes dans les cadres nationaux, la phase d 'accumulation primiti ve s'accompagnait de la nécessité de garder main-forte sur le prolétariat par d'impitoyables dictatures. Le conflit Etats-Unis-URS S, essentiellement m ili tai re autour d 'une diplomatie stratégique, masquait la montée rapide d'économies capitalistes capables de concurrencer la puissance économique américaine (alors même paradoxalement que ces pays étaient dominés militairement et devaient supporter la présence sur leur sol de forces d' oc cupat ion), l'Europe d 'une part, l'Extrême-Orient d l'autre autour du Japon. Les règlements terri toriaux après la seconde guerre mondiale se firent entre l'impérialisme américain et l'URSS. Ce que certains baptisaient alors« conflits entre impériali smes » masquait la montée économique (encouragée par les Etats-Unis mais devenant rapidement concurrentes) des nations ou groupes de nations supposés sous tutelle américaine. 14- ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 Pour nous cantonner à l' Europe, le partage de l'Europe en zones d'influence partait, tant povr l'URSS que pour les Etats-Unis, du souci d'empêcher la naissance d'une entité économique capable de contester leur domination économique. La cro is ade «guerre froide» et les organisations politiques et militaires supposées contrebalancer la puissance soviétique n ' étaient finalement que la façade idéologique de cette hégémonie impérialiste. On peut observer que le partage de Yalta conférait à l'URSS le même rôle dans ce qui allait devenir l'Europe de l'Est, maintenant avec des organismes parallèles les divisions entre Etats soumis économiquement et militairement. U (Chris Lapu) pouvait écrire dans le Financial Times (le 13 août 2003) : (( c· est une donnée bien connue que l'OTAN fut créée pour garder la Russie en dehors, les Allemands en dessous et les Américains dedans. »Il ajoutait qu ' il« serait plus proche de la vérité de dire que l' Alliance atlantique fut créée pour maintenir les Européens divisés» (ce qui n'était pas évident en 1950 mais J'est deplus en plus aujourd'hui). Quand, en 1945, les Etats-Unis ont aidé la reconstruction de l' Europe occidentale (plan Marshall), ils ont en même temps tout fait, en connaissance de cause, pour prévenir la formation d'une entité économique et géopolitique européenne, de peur qu'elle ne devienne un rival potentiel des Etats-Uni s. Le secrétaire d'Etat Dean Acheson déclarait alors que les Américains souhaitaient prévenir la format ion en Europe de l' Ouest d'une troisième force ou d'une force d'opposition. S'i ls ont pu paraître soutenir à certains moment 1'intégration européenne, ce fut toujours pour affirmer qu'ell e devait se faire dans un cadre politique dominé par les Etats-Unis, sous 1'étiquette de la N COMMENTATEUR souvent on ne comprend pas, c ' est qu'il s'agit là d'une forme élémentaire de résistance au travail. Les porte-parole du management et les leaders syndicaux en sont bien conscients et cela est reflét é par leurs sérieuses préoccupations concernant le turnover au tràva il. Un rapport du Secrétariat américain à la Santé, à l'Education et aux Problèmes sociaux a classé le taux croissant de turnove r au même titre que l' ab s entéisme et le sabotage comme un d es « signes les plus néfastes» dans le changement des attitudes envers le travail (68). C'est simplement le reflet de cette réalité socia le que lestra vaille urs ne sont pas supposés être des citoyens libres ; ils sont supposés se rendre toujours disponibles pour le urs employeu rs. Dans ce con t exte, se comporter en citoyen libre est une forme de résistan ce. Le turnover dans le travai l a toujours été un pro blème important pour les managers et est vu par les psychologues industriels comme un symptome des problèmes (68) Work in America : Report of a Special Task Fo rce to the Secretary ofHealth, Educat ion and Wei fare (Le travail aux Etats-Un is: Rapport d 'une équ ipe spéciale au Secrétaire pour la San té, l ' Educati on et le Welfare) (Cambridge, Mass . MIT Press, 1972), p. Il. latents sur le lieu de travail. Une des premières fo is que le célèbre psychologue industriel Elton Mayo fut appelé pour aider une industrie ce fut, dans les années 1920 , pour régler un problème de turnover dans une us ine textile . Même auparavant, un e des premières tentatives pour régler le turnover au travail fut l'int roduct ion par Henry Ford de la journée à cinq dollars. Son but, et ill' atteignit, était de réduire le turnover et cela donna à Ford un e avance considérable dans la concurrence avec les autres sociétés automobil es . Le taux de turnover à un moment donné est influencé par nom bre de facteurs. Parmi eux , le nombre d'emplois disponibles serait probablement le plus important, déterminant la possibilité pour un travailleur de changer de travail. Le Detroit News du 2 1 septembre 1989 évoquait une petite société d'entretien ; tous les travailleurs s' en allèrent quand l ' entreprise acheta une deuxième fourgonnette . Margaret Culpepper, présidente de la société, se demandait pourquoi il était si diffic ile de trouver des gens pour accepter de travailler à 5 dollars de l'heure sans assur ance-maladie . « Ils pensent qu ' on s'enrichit sur leur dos . Ils se préoccupent du fait que ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 59 THÉORIE TRAVAILLER POUR LA PAIE 4: LA GUERRE DANS LE TRAVAIL Suite de l'ouvrage de Martin Glaberman et Seymour Faber* L de (a technologie moderne et des prat iques du management ont pour but de contrôler ou d'éliminer les travai ll eurs. Qu'une machine réduise le temps de trava il ou qu'elle réduise la liberté de choix du trava il leur dans sa tâche, que les pratiques du management posent des limites autoritaires pour letravailleur ou qu'elles cherchent à éliminer la qual ification ou l'habileté des travailleurs, tout cela s'ajoute à une totalité dont la finalité est de discipliner les travailleurs, de les amener à se discipliner eux-mêmes et d' accroître la productivité ouvrière. Depuis les tout débuts du capitalisme industriel, les tr ava illeurs on t résisté au contrôle du management et du machinisme. Notre but, dans ce chapi tre et dans le suivant, est de montrer les différentes formes de l'a ctivité ouvri ère dép loyée pour déroger aux structures et aux prati ques de contrôle par le management Un jeune travailleur de l'automobile, en fin observateur, décrit comme suit son expérience au travail :«Personne n'a besoin de me dire qu'une guerre se déroule dans l'ate lier. Mais quant à savoir exactement comment elle est menée, quels sont ses buts et ses fo rmes de lutte, on doit reconnaître La réal ité du trava il est plus complexe que n'importe quel mot simple pouvant 1'englober. La plupart des travailleurs n' aiment pas travailler dans cette société. Une des manières de résister à un travail est tout simplement de le quitter. Cel a peut se faire en ess ayant en même temps de quitter la classe ouvrière en se lançant dans une petite affaire comme une station-service ou un bistrot. Cela peut aussi se faire en quittant un travail pour un autre. Ou (ce qui est de plus en plus fréquent chez les jeunes travailleurs) en quittant son emploi dès qu' on a mis de côté suffisamment d'argent et de ne pas travai ller tant qu'on peut tenir avec ces économies. Ou encore en se retranchant complètement du marché du travai l et en vivant marginalement. Le fait que les travailleurs quittent leur emploi n'est, bien sûr, pas inconnu. Ce que • Voir Echanges n" 102 (chap . 1 : «Qu'est-ce que la classe ouvric!te? »), 103 (chap. 2: <<Une histoire de la lu lle » ), 104 et 106 (chap. 3 : << La vie au travail ») . (67) Ron Bax ter et al., Out of the Driver 's Seat (Hors du siège du conducteur) (Windsor, Ontario, Mile One Publication s, 1974), p. 31. A PLUS GRANDE PARTIE 58 -~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 qu'elles sont si subtiles que je me suis battu pendant un bon bout de temps avant d'être vraiment conscient de ce contre quoi je me battais (67). »Nous pouvons discuter des di ffé rentes formes de lutte en décrivant comment elles s'expriment dans l'usine et dans la société. Le turnover au travail Communauté at lantique, association d'Etats distincts, en aucun cas sous celle d'une fusion unitaire. Dans la mesure où s'est développée, dans une inexorable logique économique, une entité économique puis politique qui entend se doter progressivement de tous les instruments d'un Etat supra-européen, notamment une capacité militaire indépendante de 1'OTAN, les Etats-Unis font tout ce qu'ils peuvent pour entraver, voire faire dérailler, la format ion de ce qu'ils auraient voulu éviter à tout prix il y a cinquante ans, notamment en reprenant la vieille antienne« diviser pour régner ». Lorsque de Ga ulle inaugure sa politique nucléaire, il cherche déjà à bâtir un pôle Europe de l' Ouest autour d 'un axe franco-allemand. Les Etats-Unis, par la voix de Kennedy, étaient parfaitement conscients du danger d'une telle coalition pour l'impérialisme américain : « Si la France et d' autres puissances européennes se dotent d'une capacit é nucléaire, ils seront dans la position d' être entièrement indépendants et nous pouvons être rejetés à l'extérieur, en simples specta teurs. » JI serait fas ti dieux d 'énumérer 1es batailles aussi secrètes que récu rrentes sur des faits en apparence relativement anodins, circonstanciés et éphémères qui jalonnent ces affrontements. Mis dans une perspective historique, ils prennent tout leur sens, surtout à la lumière des événements beaucoup plus précis et révélateurs de la période récente. L A GUERRE D'IRAK semble avoir convaincu la plus grande partie des 'Etats européens de parfai re les fondamentaux de l'économie capitaliste et de 1'exploitation du travail (la libre circulation des marchandises et de la force de travail) dans une entité européenne en les traduisant en termes de pouvoir politique (la constitution européenne et un véritable gouvernement européen central) et militaire- instrument d'une politique intérieure et extérieure. C'est ainsi que 1'Europe se dote par différents canaux de mesures convergentes bien que paraissant souvent parcellaires, controversées et freinées (on peut y voir souvent la main des Etats-Unis soit directement, soit par d'autres Etats européens interposés} , qui apparaissent comme autant d'éléments d'un puzzle. Se dessine ainsi, avec le temps, un super-Etat capable d'affirmer sa force et son influence face à l'impérialisme américain. On peut en voir les différents éléments dans la course aux matières premières essentielles comme le pétrole et dans la constitution d'alli ances vers, de nouveau, un monde multipolaire (un vocabulaire apparu récemment dans le discours politique).Un monde différent sans aucun doute du monde d'il y a cinquante ans, mais pas si différent de ce que l'on a pu voir au cours des deux ou trois siècles du développement capitaliste mondial, par exemple de celui qui prévalait en 1939. La mise en place prog ressive des éléments du puzzle, qui finalement constitueront une puissance capitaliste européenne, s'accompagne d'un mouvement parallèle pour la formation d'une idéologie nationaliste européenne, d'un patriotisme européen. Dans la même perspective historique, on peut se demander si l'anti -américanisme développé dans le cadre de la guerre froide par les partis communistes européens (lesquels s'accommodaient fort bien des mesures gaullistes d'indépendance nationale servant les intérêts russes), ne traduisaient pas déjà un développement idéologique lié notamment à 1'indépendance nucléaire (le civil travaillant pour le militaire). Une même confusion paraît se développer aujourd'hui autour de ~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 -15 1'anti-mondialisme, 1'ant i-g lobalisation, vo ire l'an ticapi ta lisme en passant par la « mal bouffe » symbolisée par 1'entreprise américaine Mac Donald. Le capitalisme est bien aisément identifié à 1'impérialisme étatsu ni en ; ces « anti >> prennent le relais de 1'anti-américanism e d'autrefois, masquant plus ou moins le développement de ce patriotisme européen. La confusion politique s'accroît encore plus lorsque des acteurs po litiques (souvent les mêmes) entendent préserver 1es « valeurs » et les intérêts des capital ismes nationaux : leur débat se situe inévitablement au niveau européen; dans ce super-Etat dont ils critiquent les formes et non les fondamentaux en essayant d'y instiller précisément ce même patriotisme national, en le plaçant sur le plan idéologique et politique européen global. L Ja seule qui nous intéresse, qui est et reste essentielle, est ce que devient la lutte de classe dans ces tendances histo riques, ces décompositions et recompositions des entités nationales ou internationales capitalistes. Partis et syndicats, notamment les partis qui jouaient la carte de la représentation des intérê ts des travailleurs ou les syndicats qui tous œuvraient pour la gestion de la force de travail sous le cap ital, ont suivi ce mouvement de construction économique et politique européenne en se fédé rant dans des organisations supranationales. Elles joueront au niveau européen le même rôle que celui qu' ils jouaient dans un cadre national. Il sont souvent pris dans la contradiction de la défense d'intérêts nationaux (leur place dépendant de leur fonction dans un cadre national) et la participation à des instances européennes car c'est là, de plus en plus,que se joue dorénavant les relations qui tissent les conditions d'exploitation du t~avail. Même« souverainistes »et A QUESTION CENTRALE, 16- ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 s'opposant aux interférences des décisions politiques européennes sur les statuts nationaux. ils ne peuvent faire autrement que participer de cette « européanisation »,car leur fonction fondamentale d'intermédiaire sur le marché du travail le leur impose. Une confusion identique règne dans les organisations politiques ou syndicales qui se veulent plus radicales ou « ré volutionnaires »(encore plus dans celles qui tentaient de s'imposer comme interlocuteurs radicaux dans le cadre national). Il ne manque pas de « progressistes »pour considérer que 1'unification de 1'Europe constitue un dépassement des particularismes nationaux et des fragmentations qu'ils apportent dans la lutte de classe. Après tout, ils ne font que reprendre la vieille argumentation qui pouvait voir un «progrès» dans la formation d'Etats nationaux dans les luttes d'indépendance contre les puissances coloniales, comme si ce changement de structure pol iti que pouvait signifier une transformation fondamentale dans le régime capitaliste basé sur 1'exploi- NOUS NOUS SOMMES MIS D'ACCORD POUR ECOUTER fT DISCUTER DE TOUTES VOS REVENDICATIONS. ti on di sparaissan t de fait. Chacun de son côté faisait ce qu'il avait envie de faire ... sans revendiquer l'héritage : les ex-FA au travers du bulletin Guerre de classe et les ex-majorité du PIC avec L'Insécurité sociale. L'après «Jeune Taupe » Par la suite, l' évolut ion deL 'Insécu rité sociale conduira à sa tra nsformation en Interrogations. Ces différents changements de nom correspondaient à chaque fois à des remises en cause de pos iti ons passées qu' il est diffici le de résumer en quelques phrases. Ceci nous conduisait entre autres à nous rapprocher des groupes/publications du continent améri cain comme The Fifth Estate, Anarchy, Demolition Derby ... (cf. la publication en français de textes de Fredy Perlman, Bob Black, Ferai Faun ... ). A partir d'Interrogations, les textes sont signés individuellement, ce qu i sous-tend que le groupe ne s'octroie pas de rôles ou tâc hes« historiques >>.A la fin des années 1980, la composition du groupe était stabilisée et son ac ti vi té (essentiellement de pub! ication) allait se restreignant. Les échanges avec des compagnons extérieurs au groupe au travers de discussions, collabo rations autour de traductions (échanges riches dans les années précédentes) ... avaient quasiment disparu . En 1991 (de mémoire) pens an t qu'un fonctionnement de groupe (c'est-à-dire le fait de se voir de façon hebdomadaire) ne recouvrait plus rien, je proposais d'arrêter . Après la fin d'Interrogations, le Point d'Interrogations a contin ué à pub! ier des textes sans que ceci ne soit sous-tendu par une activité de groupe . Certain~ textes qui ne portent pas de signature déjà rencontrées dans la publi cation précédente provenaient de j eunes copains issus du « mi lieu alternatif>>. Le dern ier numéro date de 1996. Hème août2003 Comme nous l'avons indiqué précédemment et répété au début de ce texte, nous ne poursuivrons pas dans les colonnes d'Echanges une polémique dont nous laissons le jugement à ceux qui croiraient devoir accorder un intérêt à ce qui est publié ici ou là (par exemple dans Le Prolétariat universel n° 82), polémique à laquelle nous refusons absolument de nous associer quitte à exciter encore plus l 'ire de ces contempteurs patentés . Nous transmettrons seulement sans commentaires aux intervenants dans ce « débat» (?) toute requête de documents ou renseignements émanant des lecteurs d'Echanges . Ajoutons que, parmi ces documents figurent les courrielss échangés en cette occasion, et dont nous adresserons copie sur demande. Cette illustration et les suivantes sont d'adresse), traduction de • Breaking ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 57 années 1970 (de mémoire), ses membres se retrouvant dans des groupes/publications comme Le Mouvement communiste. P. G. a repr is bien plus tard ce sigle pour ses activités d 'éditeur . C'est un secret de polichinelle de constater qu'il fut à J' origine de« l'affaire» en question, mais de là à dire que des groupes gravitaient autour ... il y a un monde. Cela dit, la ressemblance des sigles (Jeune et Vieille Taupe) permit par la suite une série d'amalgames de plus ou moins bonne foi (orchestrés en particulier par les gauchistes qui nous avaient depuis longtemps dans le collimateur, à J'exception de Lutte ouvrière qui devait se rappeler qu'il n'y avait pas si longtemps que les militants du groupe Barta étaient pourchassés comme « hitléro-trotskistes »). Quant à 1' abandon «sur la pointe des pieds » que tu signales, il n'y avait pas Je choix dans 1'atmosphère d'alors. Tendances et scission Le lien que tu fais entre la période précédente (qui ne constitue qu'une petite partie de 1'existence et de 1' ac ti vi té du PIC) et 1'éclatement du groupe me paraît fondé. En fait, il serait p lus juste de dire que tout ceci avait le même fondement: une fuite devant la réalité de la situation conduisant à un vo lon~risme idéologique. Il n'y avait que deux solutions : fuir encore plus vite ou 56- tCHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 « se poser » et remettre une part de notre passé en cause. Ces deux tendances sont bien définies dans la l ettre d'Echanges. Par contre, la façon dont ceci s'est passé est légèrement différente. Lors de la réu n ion nationale du groupe, la tendance« volontaire » mi t ses posit ions et propositions aux voix. Celles-ci s'avérant minoritaires, il s quittèrent le groupe (cf. Volonté communiste). En fait, numériquement, il n'y avait pas grand chose de changé, d'autres copains ayant adhéré durant la même réunion (particulièrement le groupe de Nanterre de la Fédération anarchiste qui comprenait alors deux personnes). Nous avons donc continué le PIC et la publication de Jeune Taupe dans une ambiance plus détendue. Contrairement à ce qui est dit dans Echanges, Jeune Taupe a donc cont inué sa parution (sans changement de périodicité jusqu'au numéro 88) après son numéro 86. Les informations utilisées proviennent d'ailleurs probablement d'un supplément au numéro 86, paru postérieurement. Cela dit, no us av ions conscience que sur le fond nous étions, bien que majoritaires, beaucoup moins « dans la c ontinuité »que les minoritaires scissionnistes. Au bout de quelque temps, il s'est avéré qu' entre les copains déjà au PIC avant la scission et ceux qui venaient de la FA, il n'y avait pas vraiment concordance de vue, ni dés ir de continuer ensemble . Nous n'avions par contre aucune envie de recommencer à nouveau tout le cirque des confrontations de positions, mise à voix de motions ... Considérant que nous avions décidé ensemble de nous lancer dans cette dernière étape du PIC/Jeune Taupe et qu'il n 'y avait donc pas de légitimité pour que certains continuent alors que d'autres s'en trouvent écartés, nous décidions de nous « quitter bons amis », groupe et publica- tation du travail et l'extraction de la plusvalue par le capital. Il est rien moins que sûr que cette« unification» européenne, comme toutes les autres unifications ou« indépendances »nationales, favo rise une quelconque poussée d'internationalisme ou une unification des luttes, tout au moins dans l'immédiat. L'Europe nouvel Etat est et restera une Europe capi taliste. Ellen' a été conçùe qu'en fonction d'intérêts capitalistes pour créer un marché à la mesure du développement du capi talisme européen, et celui-ci voit dans cette unification non seulement un marché unique protégé, mais aussi un marché du travail avantageux, dans lequel les conditions d' exploitation seront unifiées sur celles prévalant dans les pays les moins évolués intégrés dans 1'Union européenne. Cette Union européenne ne restera pas pourtant à 1' abri des tentatives américaines de l'empêcher de devenir une force capable de la contester. Cela présage le surgissement à plus ou moins longue échéance de nouvelles alliances, de nouveaux conflits. DES QUE VOUS AUREZ REPRIS LE TRAVAIL, NOUS POURRONS ENTAMER LES NEGOCIATIONS AVEC MR JONES, VOTRE REPRESENTANT SYNDICAL Le prolétariat européen, passée la période où, comme nous venons de le dire, on opposera les plu s exploités aux autres, se trouvera acculé, soit à défendre le capi talisme exploiteur menacé dans son existence soit à s ' unir pour combattre cet exploiteur. L'unification par le bas des conditions d'exploitation exigée par la concurrence capitaliste peut aboutir à cette unification des luttes . On peut penser, que, malgré la confusion extrême des manifestations et actions diverses qui accompagne la montée en puissance de l'Union européenne, les résistances qu'elles expriment portent aussi ce sens d'une montée européenne de la lutte de classe et, finalement, d'une contestation plus globale du capital. Cette contestation peut prendre ultérieurement des canaux bien différents de ceux que 1' on voit se développer actuellement, échappant aux formes classiques de la répression sociale qui elle aussi se constitue à l'échelle européenne. H. S. novembre 2003 PAS QUESTION 1RETOURNEZ A VOTRE TELEPHONE ET DITES A lA DIRECTION D'ALLER S'FAIRE VOIR 1 ON PARTIRA PAS D'ICI TANT QU'ON AURA PAS C'QU'ON DEMANDE 1 extraites des« Aventures de Tintin. Vive la rdvolution », publide par Attack (pas Free » (Attack International, Po Box BM 6577, London WC1N 3XX, 1996). tCHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 -17 ROYAUME-UNI SÉRIE DE GRÈVES SAUVAGES DANS LES POSTES « Les grèves sauvages reviennent avec fracas» : c'est Je titre d'un article du « Financial Times » commentant une st!rie de mouvements incontr6Ms qui ont éclaté entre septembre et novembre L ES GREVES sauvages reviennent avec_fr~cas» : ce titre n'est pas cel u1 d une quelconque feuil le gauch iste en mal d'événement, mais provient du res pectable quotidien britann ique du capital, The Financial Times, du 6 novemb re. Un tel titre montre d'une part que le cap it al britannique est hanté par l'ère d'avant Thatcher et d'autre part l' ignorance (feinte?) d'une si tuat ion latente depuis des années mais qui n'a pas encore enfanté d'affrontements directs globaux dignes d'avoir les honneurs médiatiques. Avant de parler en détail de la grève des postes qui, après celle du personnel au sol d'Heathrow ( 1), a fait ainsi irruption dans le quotidien des dirigeants, nous pensons qu'il est nécessaire, pour la compréhension de cet épisode de la lutte de classe dans le Royaume-Uni, de remonter à plus de cinquante ans en arrière, dans l'i mmédiat après-guerre. Comme partout, ce sont les circonstances historiques qui modèlent le contenu et les formes des luttes d'aujourd'hui. (( * ( 1) Heathrow : voir le récit de cette grève sauvage aux services a~ sol de British Airways dans cet aéroport londonien dans Echanges n• 106, p. 3. 18- ~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 Au lendemain de la dern ière guerre mondiale, au Royaume-Uni comme ailleurs, le cap ital parut répondre aux aspirations des travailleurs, contribuant en fait au sauvetage du système capitaliste et impérialiste. Une série de mesures furent prises, destinées à la fois à prévenir tout mouvement social de grande ampleur en créant l'illusion d'un monde meilleur· ce faisant le capit al assurait la préservat,ion et la restauration de sa domination dans un cadre national. Pour 1' impérialisme britannique, puissamment relayé par l'impérialisme américain, cela se fit en laissant les réformistes sociaux-démocrates du Labour Party (parti travailliste) mettre en œuvre tout un cocktail d e mesures prése nt ées comme la « marche vers Je social isme» . D'un côté, le« Wei fare)) (système de protection sociale) installait une certaine sécurité pour lestravailleurs, assurant en réalité pour le capital les nécessités de la reproduc tion de la force de travail. D'un aut re côté, les nationalisations, entretenant l'illusion que la propriété de l'Etat était la propriété des travailleurs, ne fais aient que préserver les industries nationales contre les prédateurs de l'internationale capitaliste - tout en projetant de les rationaliser et de les moderniser. Ceci étai t d'autant plus néces- Parmi les facteurs importants de cette période, j e pense qu' il faut prendre en compte une certaine tendance unitaire au sein de l'ultra-gauche dans un sens très large (et qu i était somme toute plutôt sympath iq ue en face de courants fonctio nnant sur la po lémique et l'insulte). Si les groupes constitués étaient pl utôt stagnants (compte tenu en part icul ier du contexte social) des pans entiers du gauchisme influencés par ces groupes s'en étaient séparés, souvent sur des po si ti ons peu stabilisés. D'autre part, une partie des courants anarchistes (OCL .. .) s'étaient également rapprochés de l'ultra-gauche (entre autres sur la critique des syndicats). Tout ceci avait amené à la constitution d'un milieu plus ou moins flou, don t on peut voir une illustration dans les journées organisées dans la même période par le Cojra (Collec tif pour l'organisation de journées de réflexions antiautoritaires ... de mémoi re) et qui réunissait un nombre conséquent de participants (dont le PIC) . Ce climat était propice d'une part au tissage de liens de copinage au-delà des groupes constitués et d'autre part à un désir de « faire des choses ensemble )). Cela était encore une fois sym pathique (surtout dans un milieu composé pour une bonne part d'individus jeunes), mais pouvait concourir à un fléchissement de l'esprit critique face à ces propositions provenant des composantes de ce milieu, pour ne pas parler de suivisme. Dans J'espèce de fui te en avant qui about ira à l' écl atement du PIC (cf. infra), le risque était réel d'oublier pourquoi nous nous intéressions aux analyses hétérodoxes de la deuxième guerre mondiale (critique parallèle des idé ologies fasciste et antifasciste) et de tomber dans une défense en soi d'une vérité historique alternative (qui plus est relayée par les médias). Je ne me souviens plus qui (la revue Négation ?) avait al ors parlé de tempête dans un verre d'eau de Vichy. Il s'agissait sur le fond plus d'un symptôme que d' un ch angemen t de terrain ou d'orientation comme le laisse supposer le sous-titre d'Echanges. Tout ceci n'a occupé au total que quel ques pages de trois numéros de Jeune Taupe sur 38. Et encore s'agit-i l pour l'essent iel de la reproduction de documents dont le PIC n'était pas J'auteur (y compris les tracts cosignés par le PIC). A postéri ori, je pense que nous étions bien loin d'une quelconque théorisat ion et a fortiori de la structuration d'une idéologie (ce qui se produira effe ctivement.. . ma is plus t ard et sans no us). Au passage, le PIC n'a jamais appartenu aux cc groupes ultra- gauches gravitant autour de la Vieille Taupe>) (c'est-àdire en fait de Pierre Guillaume en tant qu'éditeur), si tant est qu'aucun groupe d'a lors puisse êt re défini de la sorte. D' ailleurs ceci risq ue d'entretenir une confusion auprès des jeunes copains avec la librai rie de la Vieille Taupe, tenue par le même P. G. et dans laquelle passaient tous ceux qui se reconnaissai ent dans l'ultragauche, Je communisme de conseils, le luxembourgisme, etc. et qui eut entre autre un rôle majeur pour relancer les Cahiers Spartacus après 1968. Le noyau gravitant autour de cette librairie (et la librairie ellemême) avaient cessé d'exister au début des ~CHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 55 nouveau groupe, le PIC. Cherchant un nom de publicat ion, celui -ci me proposa de reprendre le ti tre de La Jeune Taup e ou , pl us précisément , Jeune Taupe . Cet embryon était vi te rejoint par deux jeunes copains, préalablement« inorganisés» (qui parti ciperont plus ta rd à la formation de Volonté commun iste). Puis, su ite à d es contac ts décevants avec G . Munis et son groupe FOR, les trois« j eunes» du FOR (les autres étant des anc i ens rescapés de la guerre d ' Espagne) rejoignaient également le PIC . A ce stade, le noyau initial du groupe était vraiment constitué . D'autres viendront s'y joindre par la sui t e ... mais c ' est une autre histoire moment de l'éclatement du groupe. Ces positions s 'i nspiraient largement des critiques ébauchées par la gauche allemande (KAPD ... ) sans concessions pour les tentatives de justifications du léninisme style bordiguisme. Quant à la période de format ion du groupe, même si alors le patronat faisait le « ménage», nous étions tout de même loin de l' apparente« paix sociale» qui a suivi. Le développement de groupes comme le PIC, s'il est un produit direct de 68, reposait également sur la persistance d'un niveau conséquent de lutte sociale. Il est probable que sans cela ce groupe et d'autres ne seraient jamais apparus. Je ne vois dans tout cela aucun paradoxe. Ceci indépendamment de la théorisat ion d'une perpétuelle« montée des luttes »coupée de toute réalité. De la révolution au révisionnisme L'intervention communiste Certes le concept« d'organisation des révolutionnaires »recouvrait un vieux dilemme du milieu ultra-gauche marxiste , mais cette constatation ne résout ri en concernant sa validité (même si on peut rejeter sa t héorisation à outrance et hors d e tout contexte historique). Ce fut d'ailleurs un des points qui fut le plus évolutif dans le PIC, entraînant des remises en cause success ives de ses positions initiales . Ainsi le livre publié ult érieurement par Révolution sociale en 1982 sous le pseudonyme Collectif Junius et nommé Au-delà d'u parti (Cahiers Spartacus ll6B) donne-t-i 1 une image de no tre position au S4- ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 L ' évolution de l'ultra-gauche que tu présentes sous ce ti tre reste aujourd'hui impossible à traiter dans le détail de façon critique (si tant est que cela présente un intérêt). Ta lettre contient une analyse globale de cette évolution, que je peux partager dans ses grandes lignes. La critique des tentations populistes au sein de l'u ltra-gauche (et p lus généralement des courants radicaux du marxisme el de 1'anarchisme) reste à faire, les exemples ne manquant pas. On y retrouve généralement un même point de départ: la recherche d'un levier qui va permettre de faire basculer l'histoire. La critique du stalinisme et des pays de l'Est avait suscité de telles espérances dans la période précédente ... on pourrait aussi retrouver dans ce domaine d'étranges compagnonnages. saire que les mouvements d'émancipation nationaux outre-mer désagrégeaient l'Empire, laissant moins de champ à l'extorsion de la plus-value coloniale qui, jusqu'alors, avait a limenté en partie le « bien-être}) tout relatif des travailleurs britanniques. L ' espoir était que dans ce« package », le relais dans cette extors ion de la plus-value serai t pris par les travailleurs britanniques qui contr ibueraient a insi, moyennant quelques concessions, au redressement et à la modernisat ion de l'appareil product if national. Cet espoir devait être particulièrement déçu. Laissons à d'autres réflexions le soin de déterminer si les résistances des travail leurs britanniques étaient la défense, d'une part d'un certain niveau de vie acquis dans la période antérieure et d'autre part de pratiques acquises depuis la première guerre mondiale. Ces prat iques faisaient que les travailleurs étaient parvenus à intervenir dans les processus du travai l et à fixer ainsi , à la base, des limites dans les conditions d'exploitation (2). Rapidement, ces mêmes travai lleurs se rendirent compte que les nationalisations ne signifiaient nullement qu'ils ne pouvaient avoir une influence quelconque, même dans le cadre minimum d'une trompeuse« autogestion)} de l'entreprise (sauf à constater que les bureaucrates syndicaux ou pol itiques du Labour s'y installaient dans des (2) Le mouvement des shop-stewards n ' a jamais eu d'ex istence léga le. Il est né au cours de la guerre de 1914 en Ecosse lorsque les rés istances à la surexploitation dans les industr ies de gue rre ont contraint à des concessions dans l' organisation du travail qui donnaient aux travailleurs de base et à leurs délégués élus et révocables un certain pouvoir dans la fixation notamment des rythmes de travail. Cette situat ion a duré j usque dans une période récente et a été au cœur des luttes dans lapériode pré -Thatcher. fonctions d'administration lucratives). D'autre part, les tentatives de concentration d'entreprises dispersées (notamment dans l'automobile ou les mines) et de modernisation par 1' introduction de techniques modernes se heurtèrent à une résis tance p ied à pied, car ell es signifiaient non seulement une transformation radicale des Les salaires dans les services publics Sala ires annuels de base dans les services publics à Londres (temps de travail moyen mentionné pour chacun) : - infirmière (40 heures) : 15 455 livres sterling (21 450 euros) -enseignant du primaire (32,5 heures) : 21 522 livres sterling (30 000 euros) -policier (40 heures) : 25 953 livres sterling (37 000 euros) - éboueur (36 heures) : 23 265 livres sterling (33 000 euros) -pompier (48 heures) : 21 193 livres sterl ing (30 000 euros) - postier (42 heures) : 13 5721ivres sterling (20 000 euros) Salaires auxquels s'ajoute la prime spéciale pour Londres : -policier : 6 165 livres sterling (8 700 euros) -enseignant : 3.927 livres sterling (5 700 euros) -postier : 3 282 livres sterling (inner London, centre de Londres), 2 038 livres sterling (outer London, banlieue) (respectivement 4 700 et 2 860 euros). La revendication de 4 000 livres repré· senterait 5 600 euros. ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004-19 condit ions de travail, mais auss i l'éli mi nation du peu de pouvoir qu'i ls avai ent acquis au cours des décenn ies précédentes dan s le contrôle du processus de 1'exploitat ion (3). Jusqu'à l'interven tion de la tendance dure des conservateu rs avec Thatcher ( 1979), le confli t de classe- travail contre ca pital- prit la fo rme typiquement britannique d'un « jeu à trois» : -le gouvernement (représentant les intérêts du cap it al, mais souvent lors d' un gouvernement Labour ét roitement mêlé égal emen t au Trade Union, syndicat unique; - les syndica ts, to us regroupés donc dans le Trade Un ion mais avec des différen ci at ions énormes (entre les plus-queré fo rm istes et les moins-que-radic aux, entre les syndicats « généraux » et les syndicats professionn els, entre la base plus ou rno ins indépendante des shop-stewards), l'ensemble reposant essentiellement sur de s coutumes et des sit uat ion s inscrites dans un rapport de forces et pratiquement pas dans la législation ; - la classe ouvrière nantie d'une vieille tradition prolétarienne (4) de lutte pour la p réservat ion des acquis et po ur un statu quo att aqué de toutes parts, et de forme s d'organisation de base et d'habitudes d'autonomie assez dis tante de l'i nfluence des appareils, même si elle restait inscrite au syndicat. Toutes les« solutions », politiques ou syndicales, négociées ou répressives, venant du Labour ou des conservateurs, pour surmonter ces résistances de base échouèrent les unes après les autres (5). Un mouvement autonome complexe se développa pendant pl us de trente ans, une sorte d 'hybride qui combin ait le système de délégués de base élus et responsables (les shop-stewards) et l'utilisation des structures de base syndicales (souvent renforcées par une large utili sation du« closed shop », 1'obligation de syndicalisation dans une entreprise- autrement dit la gest ion de l'emba uche par le syndicat). On vit alors un développement de« grèves sauvages » (6) (3) Deux des règles essentielles du contrôle des rythmes de travail par la b~se, règles que nous voyons réapparaitre dans les résistances à la restructuration des postes, ont été d' une part la« mu tuali té», qui permettait à un groupe de travailleurs affectés à une tâche de décider du rythme de cette tâche, et d' autre part la'' démarcation », qui interdisait à un travailleur affecté à un poste de travail avec une tache dé fi nie de se voir confier d' autres tàches, ce qu 'il pouvait re fu ser tout en restant dans son droi t. Il ne fait aucun doute que la moderne« flexibil ité » va totalement à l'encontre de ces règles. (4) On peut tenter de comprendre pourquoi, par exemple en France, il n'y eut pas de résistances notables de la part du prol étariat aux restructurations et modernisation de l'après-guerre (le même mélange de« wei fare »et de national isations dans la mêm e perspecti ve). L'énorme mutation prolétaire dans les années 1950 en France, déversant dans l'industrie un prolétariat agricole suite à la mécanisation et à la concentration de l' agriculture, peut expliquer com ment ce« nouveau »prolétariat a pu accepter des conditions de travail qui, dans une certaine mesure, était meill eures que celle s qu ' ils pouvaient connaltre dans le travail de la terre. Au contraire , la Grande-Bretagne avait connu de longue date la prolétarisation industrielle et c ' est une classe ancienne, habituée à certaines conditions et à la lutte, qui se trouvait attaquée dans ses œuvres vives. (5) On pourra trouver un récit détaillé de ces luttes et des « poi nts forts« dans 1'ouvrage de Cajo Brendel Lutte de classe autonome en Grande-Bretagne. /945-1977, disponible à Echanges (pho tocopies). (6) Un Premier ministre conservateur modéré, Edward Heath, après avoir ten té de réglementer les grèves, avait dt1 capituler en 1972 alors que les dockers faisaient le s iège de la prison de Pen ton ville à Londres, où des délé gués dockers avaient été emprisonnés pour avoir enfreint cette législation. Le gouvernement travailliste qui lui avai t succMé n'avait guère mieux réussi dans la négociation avec les syndicats de sortes de pactes s ociaux, qui aboutirent à ce « winter of discontent » (hiver 1978- 1979), puis à l'élection en 1979 des conservateurs« durs » repré sentés par Margaret Thatcher. Jeu à trois 20 - ECHANGES 107- HIVER 2003·2004 CORRESPONDANCE QUELLE HISTOIRE ? (A PROPOS DES GROUPES PIC ET VOLONTÉ COMMUNISTE) Suite et (en ce qui nous concerne) fin . (voir précédents numéros d 'Ech anges 105 p 25 et 106. p. 37). Comme nous l'avons annoncé dans le précédent numéro à /afin de cette polémique, nous donnons ci-après le texte envoyé pa r un autre membre du PIC et qui se réfère à la lettre parue dans le n° 105. (Les intertitres sont de l'auteur de la lettre.) -r OUT COMM < i' • uteuc de 1• Jettce ce· produ ite d ans Echanges (n° 105, pp. 25 -30), cette correspondance [me] ramène une trenta ine d'années en arrière . Il ne s'agit pa s dans cette « réponse» de départager qui alors avait raison et qui s'est trompé (sur le fond, je ne pense pas que ce soit si simple). Plus simplement, le ra ppel « hi storique» fait que la lettre de quelqu'un qui n'a pas vécu les faits rapportés de l'intérieur contien t nécessairement quelques erreurs ou imprécisions (je ne parle pas des divergences que peuven t avoir les uns ct les autres sur l'appréciation des faits ... c'est un autre problème). Je m'en tiendrais à ce qui est écrit dans Echanges ... l' histoire de cette période reste éventuellement à écrire. Introduction L ' auteur de 1a lettre s'attache à ancrer les rac ines(!) du PI C dans les débats de l'après-68 au sein d'ICO. Certes to ut est da ns tout, mais la réali té est plus compl exe. Pour clarifier ce point, j e préciserai comment s'est consti tué le noyau à l'o rigine d u PIC . De celui-ci, seul G. S. (c ité dans la lettre) avait pu fréquenter le « milieu ICO » vi a l ' Organisation conseillis te de Clermont -Ferrand. Pour ma part, j'avais participé très peu de temps à Révolution internati on ale (Par is) (RI) après le départ [de s membres de ce groupe] d'ICO et avant la fusion avec les groupes de Clermont-Ferrand et de Marseille. Je les avais quitté sur des bases certes confuses, mais dans lesq ue lles la nature profo ndément léniniste du groupe - beaucoup plus perceptib le de 1' int érieur que de 1'extérieur - tenai t une part importante. C'est à RI que j'avais fai t la connaissance de G. C. Dans la période sui vante, je publiais avec un copain une petite revue conseilliste, Pour le p ouvoir des conseils ouvriers (PP/CO). Le dernier numéro tenta it de regrouper quelques info rmation s sur les groupes qui représentaient pour nous le passé comme 1'IS, S ou B (comme beaucoup de ceux qui s'in téressaient alors à ce courant, nous étions très j eune s et sans contact avec des particip ants aux groupes passés) . Ce texte qu i fut très diffusé à l'époque avait été nommé La Jeune Tau pe, en référence à la cit ation bien connue de Marx sur la vieille taupe et avec une idée de renouveau . Peu de temps après, le contact étai t établ i avec G. S. qui venait de quitter R. I., suite à quoi nous décidions de constituer un ~CHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 53 bien que critiquant l'acte individuel, que Van der Lubbe éta it un combattant du proléta riat. Voir à ce sujet les textes de Pannekoek publiés dans Echanges no 90, 1999, " L'acte personnel » et " La destruction comme moyen de lutte "· Georges Navet • A contretemps consacre son no 14-15 à Georges Nave l (1904- 1993), ouvrier deve nu écrivain et qui entretint des rapports contradicto ires avec anarchistes et commun istes. A signaler un ent retien avec Navel sur son (bref) pasage en Espagne en 1936 Catalogues • Editions Agona : catalogue 1990-2003 de cette maiso n d'édition marseillaise, qui est aussi une rev ue d'obédience bourdieus ienne : col lections " Mé " Contre-feux "• moires.sociales " • cc MargiAmé" Des nales ", riques ", " Dossiers noirs •• et " Bancs d'essais "· BP 70072 , 13192 Marseil le Cedex 20. Internet : //www.agone.org • La Casbah, cata logue n° 1' été 2003 : librairie et bibliothèque associatives, " struct()re indépendante autogérée " · en anglais (po Box 50217, c/o Planète Verte, BP 22, Baltimore, md 21211, Etats54002 Nancy Cedex Unis. • Reslnostrest, distribution lectures et musique : Nicolas Rotière, 1 rue La Commune, Lefebvre et I'IS Edgar-Quinet, 38000 Gre• Zanzara Athée (distribunoble (les_ nains_ aussi@lition autonome de lectures bertysurf.fr) • Atelie r de création liber- subvers ives), n° 15, printaire : La Lettre n° 18, no- temps 2003. Catalogue et une réédi tion d'un texte vembre 2003. Nouveautés et liste d'ouvrages dispo" Sur la Commune», extrait du n° 12 de la revue Internibles (www.ateli erdecreanationale situationniste (rétion libertal re.com). • Kata Sharplay Llbrary, édition du tract de 1963 cc Aux poubelles de l'hisbulletin n° 36, octobre 2003 (en anglais) : contient une to ire »,démontrant que les thèses d'Henri Lefebvre puliste de publications dont deux brochures, l'une (en bliées da ns la revue Arguanglais) d'Emile Pouget Diments (et développées dans rect Action, l'autre A Day son livre La Proclamation Moumful and Overcast par un de la Commune [Gallimard, 1965] n'était qu'un plagiat "incontrôlé »de la Colonne des thèses de I'IS - rappede fer. (traduction du texte fameux publié en mars 1937 en lons les plus fameuses : " Les succès apparents de Espagne dans le quotidien de la Colonne de fer, Nosotros, ce mouvement {le mouvement ouvrier] sont ses et qu'on trouve traduit en échecs fondamentaux (le français chez Champ libre, réformisme ou l'installation au traduction reprise dans le livre d'AbeiPaz La Colonne pouvoir d'une bureaucratie étatique) et ses échecs (la de fer, éd. Libe rtad-C NTrp, 1997). Commune ou la révolte des Asturies) sont jusqu'ici ses • CHS X><- siècle, bulletin du Centre d'histoire sociale : succès ouverts, pour nous et pour l'h is toire , et : " La liste et résumé de thèses Commune a été la plus sur divers sujets touchant, grande fête du xtx• siècle. pour pa rtie aux luttes et orOn y trouve, à la base, l'imganisations syndicales. pression des insurgés d'être • Flrestsrter. Presse et catalogue devenus les maîtres de leur distribution : propre histoire ... d'ouvrages et périod iques 52 -ECHANGES 107 · HIVER 2003·2004 qui, à plusieurs reprises mirent en danger des gouvernements décidés à « passer en force )). Le résul t at fut que pendant toute cette période, l'ensemble de 1' appare il industriel et des superstructures s ' enfoncèrent dans le sous-équipement et 1'obsolescence par rapport aux concurrents internationaux. La crise que cet ensemble recel ait cu lm ina dans 1'hiver 1978- 1979 - « The winter ofdiscontent » - , au cours duquel le pays fut plongé dans un chaos total sans autre perspective que 1'immobilisme de ce bloc de rési stance (7). Le capital britannique put alors saisir, pour la première fo is, une chance de sortir de cette impasse dramatique pour lui, parce que la situat ion nationale et internationale avait modifié les données de base de ce problème spécifiquement britannique et lui apportait de nouveaux atouts :d'une part la découverte et l ' exploitation dupétrole et du gaz de la Mer du Nord, d'autre part les contrecoups de la crise mondiale baptisée« choc pétrolier)). Le capital et l'Etat britanniques pouvaient survivre non du développement indust riel mai s de la rente pétrolière et de ce que lui procuraient ce qui lui restait de ses intérêts dans l'exemp ire (8). (7) Nous n'épiloguerons pas ic i sur une certaine similitude avec mai 1968 en France : dan s les deux cas (Grande-Bretagne 1978-79 et France 1968) une crise sociale de grande am pleur secoue ces deu x pays mais sans qu 'un dépassement pol itique radical se précise, ce qui entraîne l' arrivée au pouvoir des éléments politiques les plus conse rvateurs, un raz de marée gau llis te en France et Thatcher en Grande- Bretagne. (8) Pour autant que les bases de la survie du RoyaumeUni dépendaient du pétrole et d'intérê ts financiers dans les ex-colonie s, le parapluie américain devenai t abso lument indispensable ce qui, jusqu'à aujourd'hui, définit encore les options et incertitudes et hésilations par rapport à un engagement franc européen, alors même que les liens économ iques avec l'Europe se sont ren forcés. L'avènement de la tendance« dure » des conservateurs et la montée de Thatcher n'étaient pas dus à la personnalité pol iti que de cette dernière . Au contraire, la situation offrait au capital la possibilité de« faire le ménage )) après trente années de stagnati on imposée par les résistances de c lasse . En d'autres termes , le royaume n' avait plus besoin, pour assurer sa pérennité, de l'exploitation du travail industriel comme cela avait été le cas au cours des derniers siècles (ce qui avait assuré la supériorité de l'impérialisme britannique), puisqu'il disposait dorénavant de ressources indépendantes des industries traditionnelles. Les ravages de l 'ouverture au marché mondial Les nouveaux piliers de la puissance britannique (toute relative, car elle devait s'appuyer de p lus en plus sur celle des Etats-Unis) imposaient l'ouverture au marché mondial, c'est-à-dire l ' abandon de toutes barrières financières et écono miques. Calculée ou pas, cette ouverture faisait des ravages dans un appareil de production totalement obsolète et dans 1'i ncapacité de concurrencer l'irruption de produits meilleur marché du monde entier ; l'ouverture au cap ital financier international permettait de transférer au secteur privé l'ensemble du secteur nationalisé, et d'introduire dans tout l'appareil économique des« impératifs de rentabilité)) donc de productivité qui n'avaientjamais pu auparavant s'y installer durablement. Les ravages furent importants. Il en résulta une explosion du chômage qui désorienta complètement les résistances de base. Cela se fit concomitamment à toute une série de mesures légis latives qu i interdi- ECHANGES 107 · HIVER 2003·2004- 21 sa ient pratiquement les g t'èves sauvages se lon le schéma qu ' elles avaient utilisé jusqu'alors, et ceci sous menace de sanctions sévères, financières et pénales, pour les dirigeants syndicaux qui enfreindraient ces mesures (9). Le rapport de force qui avait sous-tendu le mouvement auto nome éta it ébranlé ; mais il ne put être ( prov isoirement) renversé qu'après de durs combats dans des secteu rs clés de l'autonomie ou- vrière : les dockers, la sidérurgie, l'automobile, la presse et, surtout, les mines. Chacun se sou vie nt qu'il fallut près d' une année de grève des mineurs pour réduire la« forte resse min ière», mettre hors circuit le syndicat des mineurs NUM et amorcer une privatisation du National Coal Board, ce qui devait aboutir pratiquement à la dispariti on de l'industrie minière britannique . Pendant près de vingt années , il (9) La législation des gouvernements conservateurs successi fs était destinée à interdire au mouvement de base tou te utilisat ion des structures synd icales. Les deu 11 a11es centrau11 de ces mesures étaient d'une part l' in terdiction de toute grève qui ne concernerait pas les strictes relations de travail avec son employeur (ce qui proscrivai t toute grève de solidarité et au torisait le capital à procéder à des constructions juridiques ac- centuant encore les effets d'une te lle interdic tion), d'autre part la régi ementation des grèves contraignant à des procédures lourdes e11cluant toute spontanéité et autorisant toutes les manipulations des appareils . Contrairement à ce qui continue d'être affirmé, l'ensemble de ces mesures n'a pas affaibli les syndicats mais leur a donné plus de possibilités d'intervention dans les relations de travail et de règlements des con fl its avant qu ' ils n' éclatent. Des rats et des grèves Comment deux rats morts ont plongé Royal Mail dans le ch ao s » : ce titre acc rocheur de l'hebdomadaire britannique The Observer du 2 novembre 2003 ne donne certes pas une vision exact e de la grève des postes, mais il est quand même proche d' une réa lité dans le sens que la situation et la tension à la base (déjà en temps norma l mais enco re plus après le vote de la « restructuration " par seulement 30 %de l'ensemble des salar iés de Royal Mai l, encad re ment compris) dans les cen tres pos taux est tel le que le moindre incident peut dégénérer d'un incident purement local en une grève généralisée. « Cela se passe début octobre 2003 dans une banlieue lointa ine de l'est de Londre s, dans le centre de distribution de Leytonstone. Depuis plusieurs jours, dans les toilettes des hommes , se dégage une ode ur pestilentielle telle que personne ne les utilise plus . Différentes protestations auprès de la direction du centre n'y on t rien fait. De guerre las se, dans la dern ière semaine d'octobre , plus de cent travailleurs du centre se mettent en grève - sauvage , c'est-à-dire sans tenir compte des obligations légales de préavis. C'est seulement à ce moment que les managers se bougent. Une descente des ser- 22- ~CHANGES 107 · HIVER 2003-2004 vices d'hygiène et des re cherches poussées permetten t de découvrir dans un coin deux rats crevés en dé composi tion. Comme d'habitude, les managers tentent de dérouter le courrier laissé en instance par la grève sauvage vers d'autres cent res proc hes. Mais ces autres centres sont déjà troublés par des conflits du même genre, bien que pa rtis sur d' autres motifs. Dans un autre dépô t de la banlieue de Londres , à SouthaU, les postiers se sont mis en grève lorsqu' un des managers du centre a ordonné aux chauffeurs de distribuer les lettres ; comme auc un d'eux n'a voulu le faire, il a décidé Syndicats et syndicalisme + La réédition de l'ouvrage de Larry Portis IWW, le syndicalisme révolutionnaire aux Etats-Unis (éd. Sparta· eus) s' accompagne d'un nouveau chap itre final sur " L'actualité des IWW , qui appellera it bien des observations. Alors que l'auteur reconnaît que « l'intégration des syndicats est connue " • que " la lutte syndicale passe par l'Etat ... Il peut écrire dans la page su ivante que " seul un mouvement animé pa r les classe ouvrière et la base syndicale serait en mesure de se dresser ( ... ) pour un changement de rapports sociaux ., et, quelques pages plus loin : " autogestion , autonomie de la classe auvière, termes qui traduisent ce qui est le plus essentiel dans l'action syndicale " · Une autre contradiction nous semble contenue dans les idées développées à propos de " l'exemple des IWW dans le combat contre la mondialisation" · En particulier, une assimilation de l'action de classe des IWW (qu i étaie nt des travailleurs parmi le s plus exploités et les plus méprisés - on parle aujourd'hui de précaires et d'exclus , ce qu'étaient les membres des IWW) aux grand me sses des altermondialistes, où la confusion idéologiq ue dispute la palme à un conglomérat néo-réformiste, méri tera it une cr itiq ue plus approfondie que ces quelques lignes. (Voir sur ce dernier poin t Courant alternatif no 133 (novembre 2003) : " An ti mon dialisation, aire de recomposition de la social-démocratie " • traduit Bordiga . Au lieu de polémiquer, laissons à chacun le soin d'en ju ger avec deux doc uments de base d'une ' ana lyse bea ucoup plus co mplète : La Classe ouvrière d'Allemagne orientale, de Be nno Sare! (que Présen ce marxiste cl asse scand aleusement dans le clan pro-américian) et L'lnsurrection ouvrière en Allemagne de J'Est, juin 1953, lutte de classe contre Je bolchevisme, de Cajo Brendel (copies de ces textes à Echa nges). A propos de Marinus Van Lubbe + de l' itali en et déjà publ ié dans Cette Semaine). + " Syndicats et lutte politique .. , dans La Lettre du Mouvement communiste, n° 11 (octobre 2003) . Allemagne de l'Est 1953 + Dans Présence marxiste no• 31 (ju illet 2003) et 32 (octo bre 2003) , deux articles. " A la mémoire des combattants prolétariens est-a llemands de ju in 1953 .. est particulièrement tendancieux dans son souci de reprendre les textes de La publication des Carnets de route de J'incendiaire du Reichstag, de Van der Lubbe (textes choisis et anotés par Charles Reeves et Yve s Pagès, éd . Verti cales) soulève enco re des polémiques dont on trouve des échos dans Présence marxiste no 32 (octobre 2003) , qui en profite pour faire l'apolo gie du bolchevisme et du parti sty le léniniste, et dans Le Prolé ta ire n° 468 (août-septembre 2003), dont l'article : " Incendie du Reichstag : Lutte ouvrière persiste et signe ., démonte les biais hypocrites des trotskystes de LO reprenant les calomnies staliniennes tout en soulignant, ~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004- 51 2' partie cc La "guerre au terror ism e" ") : un texte qui te nte d'ana lyser les déviances dans la société capital iste et leurs rép res sions , dans leurs formes dist in ctes mais convergen es dans les différents Etats . (En anglais. TPTG PO Box 76149 , N. Smirni, 17110, Athens, Grèce). + cc The Latest War " (La dernière guerre) , supplément à lnternationa/ist Pa pers (juin 2003) (éd. IPC , BP 211 , 75865 Pa ris Cedex 18) : cc Derrière la fausse optio n gue rre ou paix , ; cc Le pacifisme sous toutes ses formes ouvre la voie à la guerre impérialisme" ; "Le défaitisme révol utionnai re est la seule réponse " (en anglais ). + " Lutte de classes , darwinisme et évolution "dans L'Universaliste n• 68, septembre 2003. Le parti, l'organisation + " Sur la nécessité d'organisations révolutionnaires de travai lleurs, économiques, politiques, de milices, etc. mais pas sous la forme ou avec le conte nu d' un parti " : tract de Chi- re vnet (Chicago Revolutionary Network) de juin 2003 ; le même groupe publie : « Quelques leçons importantes de la classe ouvrière internationale dans la lutte de classe révolutionnaire pour le socialisme et le communisme ,., En anglais (copie à Echanges). + " How Len inism distorts Marxism » (Comment le lé le a dévié ni nisme marxisme) dans The New lnternationalist, automne 2003. Ce même numéro contient un débat avec le groupe de Chicago Chirevnet sur l'éte.rnelle question du pa rti. RECTIFICATIFS + La citation de Karl Marx dans la dernière page du texte cc L'Idéologie de " l'écologie politique" et du "cltoyennlsme" »(Echanges n• 106, p. 66), est Incomplète. La phrase doit être rétablie ainsi : " ... La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur. " Cette phrase est la conclusion du chapitre XV du Capital (Livre 1, quatrième section : " La production de la plus-value relative "• chap. XV: " Le machinisme et la grande Industrie "• partie X : " La grande Industrie et l'agriculture " · Editions sociales en trois volumes (1976), p. 360; Marx, Œuvres, éd. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade "• t. 1, p. 998). + L'adresse du site Internet du Pro,léta/re banlieusard (LPB) dalt être rectifiée: www.fr.groups.yahoo.com/group/leproletalrebanlleusard 50 - tCHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 Ivan Illich distributiste + Dans Prosper (distributism e, éco logie, usage) n• 11 , rentrée 2003 : différents articles sur Ivan Illich ; le reste sur la monnaie, le marché et des débats sur le distributisme (www.prosperdis.org). Mondialisations + Les Mondialisations, de Tom Thomas ( éd. L'Harmattan, collection " Contradictions»): un e analyse marxiste de la mondialisation. Il ne peut y avo ir de lutte anti-mondialisation sérieuse qui ne soit en même temps une lutte anticapitaliste. y eut encore des conflits importants dans des secteurs jusqu 'alors protégés . I l ne fut plus possibl e à la lutte de classe de dépasser émiettement et parcell isation, d 'autant que privatisations et sous-traitance créaient d'inextric ables situations jur i diques où la législation répressi ve des luttes pouvait s'exercer pleinement. Gouvernement et capitalistes pouvai ent pavo is er devan t un effondrement du nombre et de la durée des grèves, comme si l a 1ut te de classe ne pouvait exister que dans les conflits ouverts sur le modèle de 1'ère pré-Thatcher et pas sous d'autres formes. Ils ét ai ent tous prêts à proclamer que l a lutte de classe était terminée : les dirigeants syndi caux s' accommodaient fort bien de cette situation qui leur donnait une autre forme leur mise à pied et leur a ordo nn é de sortir. Il a essayé de faire to urner le centre avec des jaunes, des intérimaires et des cadres . Les " mis à pied "• en costume de ville , se miren t en faction autour du dépôt et confisquèrent les sacs postaux. Un piquet de grève fut installé au}! entrées du dépôt. Un autre conflit du même gen re éc late au même moment dans le centre voisin de Dartford. Devant le chaos de la situation, le courrier de ces centres est détourné vers un autre centre, celui de Greenford ; dans tout ce courrier se trouvait déjà celui venant de Leytonstone. A Greenford, la réponse de la première postière de pouvoir, et on vit même des dirigeants syndicaux jou er l es briseurs de grève ou participer au" congrès du CBI (Confederation of British Industry), le syndicat patronal. L'apparent succès de cette stratégie capitaliste n'amél iorai t pourtant pas sensiblement l a situation de l' ensemble des supers tructures, dont la modernisation nécessitait des i njections de capitaux considérables. En l'absence de financement public, le capi tal privé était particulièrement réticent à s'engager, vu l'improbabilité d'un rendement financier proche. Même si les rentes pétrolière et financière permettaient (tout juste) d' assurer le fonctionnement de l'appareil d'Etat, les servi ces publ i cs étatiques ou locaux (notamment transports, santé, éducation) sombraient dans le sous- à être priée par un cadre de se mettre à trier ce " nouveau , courrier fut immédiate : " Ce n'est pa s mon boulot, je ne le ferai pas, je débrai e. ,. En quelques minutes ses camarades de travail suivent son exemple et, à la fin de la journée, 800 des 950 travailleurs du centre sont en grève. La grève sauvage ainsi enclenchée dans diffé rents centres se télescope ave c la seconde grève officielle et légale, celle-ci de 24 heures, lancée à Londres par le CWU qui revendique une augmentation de la prime spéciale de vie chère accordée aux postiers de la région de Londres (" London Weighing "),afin de la porter à 4 000 livres sterling (5 600 euros) . Comme la direction de toute la zone tente d'o bte nir pour le retour au travai l après cette journée de grève légale to ute une série de réfo rmes rejetées par la base au cours des mois précédents et que, dans les faits, ce retour s'accompagne de tenta tives de les mettre to ut de suite en pratique (encore la conséquence du vote du 17 se pte mbre), la grève s'étend. Elle cesse d'être une simpl e grève de solidarité comme à Southall et Gre enford pour deveni r un mouvement d'en semble de rejet de tout changement dans l'organ isation du travail. Le vend redi 31 octobre au soir, 35 000 postiers de la région de Londres sont • en grève sauvage . ~CHANGES 107 · HIVER 2003·2004 -23 J'EN Al MARRE DE VOUS ARROSER AlAN, SURTOUT QUAND VOUS N'ARRIVEZ PAS A CONTROLER VOS· HOMMES MAIS GEORGE, VOYONS ... LA POUCE M'~ DEJA PROMIS SQNENTIERE COLLABORATION ' POUR GARAIITIR.UN TRAVAIL NORMAL . équipement et dans un marasme que privatisation et sous-traitance ne résolvaient nullement. Un nouveau mécontentement L'ensemble de cette situation fit qu'il se développa rapidement, après une brève embellie spéculative, un mécontentement diffus qui s'ajoutait au refoulement aigri des luttes. Ce mécontentement, faute de pouvoir s'exprimer dans des luttes ouvertes dans ces mêmes secteurs touchés par les privatisati ons et la sous-traitance (comme cela fut le cas dans le mouvement contre la pol/ tax [ 10]), se traduisit par le retour au pouvoir du Labour, après quelque vingt ans d'éclipse pol itique . Mais, comme cela se produit toujours avec les gouvernements « socialistes »,leur venue au pouvoir (en- (1 0) L' instauration en 1990 d'un impôt local particulièremen t injuste (un iforme par tête d'habitant, quel que soit le statut social) se substituant aux impôts locaux basés sur la nature de l'habitation donna lieu à une sorte de refus national, caractérisé à la fois par des actions locales de base d'une forte solidari té et par des manifestations monstres, à la limite de l'émeute. Cette réaction entraîna d'abord le retrait de cette réforme puis, à terme, la.chute du gouvernement Thatcher (voir Echanges no 63, janvier-mars 1990). 24- ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 DANS LES PUBLICATIONS ALORS VOUS ETES ABSOLUMENT DETERMINES A BRISER CETTE GREVE 1 couragée par une bonne partie des médias et du capital bri tannique) signifiai t seulement une consolidation des mesures impopulaires des gouvernements précédents. Alors que beaucoup espéraient, sinon 1'abrogation, du moins la réforme de la législation encadrant strictement l'activité syndicale et le mouvement autonome, rien ne fut changé. Il y eut des modific ations mineures, comme par exemple l'annonce d'une indemnisation pour les travailleurs licenciés pour fait de grève légale (pas pour les grèves sauvages bien sûr). Une disposition récente adoptant le système américain de « rep résentativité» est beaucoup plus importante ; elle vise à éliminer en fait ce qu i pouvait rester de base syndicale combative : dans une entreprise, un vote majoritaire des travailleurs garantissait à un seul syndicat la représentation de ces travailleurs ; mais - et c'était encore plus dangereux - cette représentativité exclusive pouvait être acquise par un accord direct entre l'entreprise et un seul syndicat, sans que les travailleurs concernés soient consultés (11). ( Il) Cette nouvelle notion de représentativité a déjà donné lieu, à notre connaissance, à deux conflits lorsque la pos- Refus de parvenir • Le no 2 -a utomne 2003 de la revue Marginales (filiale d'Agone comme la collections du même nom) est un recueil de textes sur « Le Refus de Parven ir «. Misère de l'école, utopies éducati ves ... • Les Editio ns Turbu lentes (cio Maloka, BP 536 , 21014 Dijon Cedex) publient un texte du collectif Aufheben : Le Contexte d'un soulèvement prolétarien, sur les émeutes de Los Angeles de 1992. celui d'un bulletin de liaison et de discussion anti-industrielle - quat re pages d'histor ique et de perspectives (l n extremis, c/o JeanPierre Courty, BP 8, 48250, La Bastide) . • A trop courber l'échin e no 11 (novemb re 2003), sou lign e ses « contrad ictions obligatoires » (ce ll es de to ut un chacun d'ailleurs mais que bien peu admettent) et reproche à certains ana rchi stes leur idéologie du « progrès tech nique « Primitivistes et anti-industriels • En attendant, (5, rue du Four, 54000 Nancy) a réimprimé le texte John Zerzan et la confusion primitiviste do nt nous di sposons de quelques exempla ires (envoi contre timbre à : 0, 58 euro). [Nous avons publié : " Future Primitive and ot her Essays .. , note de lecture sur l'édition américaine de c e livre de John Ze rzan (Echanges n• 79, 1995, p. 66) ; puis, après la publi cation de la traduction fra nçaise (Futur primitif, éd. L'Insomniaque, 1998) (voir Echanges no• 92 , p. 68, et 95, p. 51). ] • « Retour sur un projet "• Antinucléaires • " Energie, les vrais enjeux .. dans Sortir du nucléaire n° 23 {décembre 2003) qui parle aussi du fameux arrêté récent qui classe " secret défense » to ute info sur le nucléaire en France. Un catalogue du matériel d'information et de soutien peut être obtenu 9 rue Dumenge, 69317 Lyon Cedex 04 (www.sortirdu n ucleai re.org). Paysans • Feuille paysanne (bulletin de liaison du Mo uvem ent droit paysan) et Feuilles paysannes, recueil illustré (M ichel Ols, 42830 SaintPriest-la-Prugne) . « Ultra-gauche » : un inclassable tissu d'erreurs et de demi-vérités • La prétention de l'ou vrage publié par Christophe Bourseiller sous le tit re Histoire générale de l'ultragauche (éd. Denoël) contient tant d'erreurs et de demi-vérités (pour les parties dont on peut juger pour les avoir vécues) qu'on ne peut que douter de l'ensemble et en déconseiller la lect ure (sauf à qui vo udrait, pour 25 euros, se pavaner en société avec le ve rnis d'une conna issa nce usurpée d'un milieu dont il ne connaîtra rien) . De la guerre • War, Peace and the crisis of reproduction of human capital, 2' partie : " The "War on terror" (La guerre, la paix et la crise de rep roduction du capital humain , ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 49 ra cket, organisation de départs illégaux vers l'étranger, etc ., avec plus de 150 prévenus dont 32 membres du Parti communiste, qui depuis unt été exclus, 15 pol iciers, 4 membres du ministère de la Justice, 3 journa listes ... est ouvert le 25 février 2003 à Saigon. Parm i les accusés figuraient l'ex-vice-min istre de la Sécurité B~ù i quôc Quy , 1'ex-procureu r-adjo int du Parquet du tri bunal populaire suprême de Saigon Pham si Ch iên et l ' ex-directeur général de l a Radio nationale Trân mai Hanh. Nam Cam et cinq de ses complices ont été condamnés à mort, les trois ex-membres du Comité central du parti, Trân mai Hanh, Pham si Chiên et Bùi quôc Quy ont écopé respectivement de dix, six et quatre ans de détention ( 1). Ngô Van Appétit et charme Passé le cap de la Libération Le bateau de la Révolution Fait son entrée en Terre promise Par le port de la Corruption. Les appa ratchik! mandarins Se rviteurs du peuple asse rmentés Exigent des pots-de-vin D'abord au menu fretin Ensuite au peuple tout entier. L'appétit vient en mangeant Le charme en se maq uill a nt . ( l ) Cf. Camets drt Viêtnam, nMl et 2, Lyon, 2003 . «Les Bons Juges •, gravure de lames Ensor, 1894. 48- ~CHANGES 107 · HIVER 2003-2004. . va Cân, Hanoi, mars 1995. (Poème inédit) Par ai lleu rs, 1'ensemble des di spos itions antérieures restent en vigueur, ce que le gouvernement social-démoc rate ne manque pas d'ut iliser à l' occasion. Sauf à faire la démonstration de son impu issance et de celle de la rég lementat ion lorsque, dans des grèves sauvages, la solidarité des trav ai lleurs fait échouer toute tentat ive de répression. Les synd icats peinent dans 1'ac compl issement de leur fonct ion pour endi guer la montée des revendications dans bien des secteurs. Dans tout le secteur public ou privé assumant les tâches de service public , sec teurs particu lièrement massacrés dans les deux décennies antérieures , l'action des syndicats, sous couverture légale, a servi essentiellement à prévenir des grèves sauvages ou leur extension (12). La situation sociale s'est ainsi caractérisée ces dernières années par un mélange inédit : réc urrence de vote s pour des grèves, scrutins suivis d'accords, de grèves limitées dans le temps ou très local isées mais répétées et relayées par d ' autres dans des secteurs voisins . Le tout ponctué de grèves sauvages tout autant limitées et localisées : dans certains secteurs comme les sibi lité d'impose r un seul syndicat par accord direct syndicat-emp loyeu r a été utilisée pour f:lim iner un syndicat trop combatif et trop proche de sa base. Chez les agen ts de conduite anglais d' Eurostar et chez ceux de la li gne privée de Londres à l'aéroport d' Heathrow (octobre 200 3). ( 12 ) Un ex emple peu t être donné avec la vi ngtaine de compagnies privées qui ont pris en charge 1'exploitation des li gnes ferrov iaires après le démantèlement de Brit ish Rail. On a vu au fil des années une succession de grève s localisées dans des catégories diverses (agents de conduite ou contrôleurs) qui rejaillissent les unes sur les autres, créant une sorte de pert urbation continue qui ne peut pas plus être coordonnée que contrôlée, et qui est finalement beaucoup plus chaotique qu'une grève générale. ll en est de même dans d' autres secteurs comme les hôpitaux ou les travailleurs municipaux. chemins de fer, divisés lors de la privatisa tion en une vingtaine de sociétés di stinctes, les transports routiers locaux, les postes , la santé, 1' enseignement, les travailleurs municipaux .. . Cela confinait à une sorte de chaos que ne po uvaient résoudre des d is cussions paritaires , en raison précisément de 1'émiettement des entreprises, vou! u pour briser la combativité ouvrière mai s qui ne réussissait qu'à fa ire resurgir cette combativité sous une autre forme . E CAS de la dernière grève des postes britanniques (Royal Mail) ill ustre bien cette situation. Il serait compliqué de recenser et de retracer les affrontements dans les postes britanniques depuis une bonne décennie- de multiples grèves sauvages, le plus souvent très localisées, quelques grèves« légales» contrôlées par le seul syndicat CWU (Communication Workers Union). Un des derniers services publics à n'être pas démantelé, mais soumis à une press ion constante en vue d'en accroître la productivité (restructurations liées à la mise en a:uvre de techniques modernes, introduction de la polyvalence et de la flexibilité, restauration de la discipline ... ) le tout dans la perspective d'une mise en concurrence dictée par les règles de l'Union e uropéenne et d'une future privatisation . Les grèves sauvages se déroulaient la plupart du temps selon un schéma devenu class ique. Pour ne pas avoir sur le dos une grève générale qui risquerait d 'avoir des répercussions dans d ' autres secteurs (13), (suite page 28) L ( 13) Par contre le syndicat FBU a dû faire des efforts constants pour prévenir une grève générale des pompiers dans tout le Royaume-Un i et ce malgré plusieurs votes favorables à une telle action. ECHANGES 107 • HIVER 2003·2004- 25 VIETNAM Le témoignage d'un postier de Londres : « Maintenant il est clair qu'ils doivent discuter avec nous » ( ... )Le management paraissait mieux préparé que lors de la dernière grève sauvage en 2001. La grève avait quelque peu une allure de Jock-out venant de la direction dans l' espoir de mettre en œuvre localement l'accord na tional. D' un côté, il y avait moins de conflit entre les leaders syndicaux et la base que lors de la dernière grève, parce que depuis lo rs une direction syndica le " plus radicale » ava it été élue. C'était les shop-stewards qui faisaient les communications et faisaient circu ler l' information entre les différents centres en grève. Les publi cations synd ica les étaient pires qu'inutiles ... Meilleure est la feuille d'informations émanant du groupe de base " Postwo rker "• influencé par le SWP (Socialist Workers Party , de tenda nce trotskiste). Là où nous travaillons, nous sûmes que les grèves sau vages avaient comme ncé par un représentant syndica l, notre shop-steward. Il convoqua un meeting pour nous dire ce qu'il en était se tiennent ha(les meetings , bituellement à la cantine ou sur le parking). Tout le monde éta it là . Et la première chose que l'on vit , ce fut que le principal manager présent voulait prendre la paro le pour nous expl ique r ce qui se passait ; il essaya de nous lire la déclaration du CWU, mais on ne lui a laissé aucune chance. La direction restait en contact dans ses bureaux avec le gars du syndicat, en conformité avec les instructions offic iel les, lui dictant ce qu'il devait faire dans une tell e situation : le laisser prendre la parole, mais auparavant essayer de le persuader de se tenir en dehors de la grève. Rester à la maison Le délégué syndical essaya de s'en tirer en nous disant simplement ce qui se passait avec cette grève et en déclarant que c'était à nous de décider comment réagir. Quand un des pos tiers qui n'était même pas syndiqué lança un appel à la grève, le ga rs du syndicat nous dit : " C'est une suggestion, alors votons. » C'était seulement une formalité car tous votèrent la grève à main levée. Il y en avait bien dans le lot qui auraient so uha ité ne pas commencer la grève immédiatement, ma is seulem ent refuse r de trier le courrier venant des autres centres en grève. Tôt ou tard, c'est ce qui serait arrivé et alors ce travail supplémentaire aurait dû être pris en charge par les cadres, qui auraient tenté de nous l'impose r. Et alors, nous aurions refusé et nous aurions débrayé ... Le choix qui était devant nous était soit d'attendre jusqu'au moment où on nous demanderait de faire ce travail de jaunes , so it, moins passivement, de dire : " Ils ont suspendu des postiers dans d'autres centres qui ont débrayé, alors débrayons en solidarité. » C'était cette dernière et plus agress ive solution de riposte immédiate que le gars de la base non syndiqué proposait. Pour la plupart de ceux tra vaillant dans le centre, être en grève sign ifia it rester à la maison . Il n' y ava it réellement pas besoin de piquet de grève de masse, parce qu' il était clair que tout le monde était en grève. Pour MAFIA ET NOMENKLATURA FONT BON MÉNAGE Deux proc~s à grand spectacle viennent d'étaler au grand jour la corruptton de membres haut placés de l'administration et du Parti communiste A HANO I, le 17 novembre, s'est ouvert le procès de membres haut placés de la nomenklatura poursuivis pour corrupti on, parmi lesquels on trouve deux anci ens vice-ministres, celui de l' Agriculture Nguyên thiên L uân et cel ui du Développement rural Nguuên quang Ha. La complaisance de ces derniers ont permis à La th i Kim Oanh , ex-directri ce d'une entreprise publ i que d'invest issement et de marketing, de détourner 6,9 mi llions de dollars entre 1995 et 2001 . Autres accusés : deux anciens directeurs de département du ministère ainsi que troi s respon sables des soc i étés d'Etat. Plus de deux cents personnes, en majorité des fonctionnaires, ont été appe lées à témoigner à la barre. ... C'est dans les années 1990, avec l'économie de marché et l'arri vée des investisseurs étranger s, que l a cup i di té des nouveaux. parvenus au sein de la nomenklatura, rampante à partir de 1986, au cours de la période D ôi Moi dite de~~ Rénovation», s'étale au grand jour : accapar ement s, népoti sme, corruption, concussion ... à tous les échelons du pouvoir, sur un fond de dégradation sociale inconnue jusqu 'alors. Les mafias, la prostitution, le trafic de drogues gangrènent la société tout entière. A l ' intérieur de la caste règne une lutte sans merci pour le pouvoir, et pour l 'enrichissement rap i de, par tous les moyens. Sporadiquement éclatent des affaires scandaleuses, inavouées, inavouabl es. Sous couvert de« moral ité publique», la mafia officielle règle ses comptes, quelques têtes tombent, quelques comparses sont j etés en prison. Parmi eux., des membres du parti plus ou moins bi en placés dans l'appareil d'Etat, dans la finance, l'armée, la po l ice, dénoncés par d'autres tout aussi corrompus, dans une lutte féroce entre r ivaux.. • La récente affaire Nam Cam dévoile au grandjour l ' i nterpénétration de la mafi a et de la nomenklatura régnante. Trân van Cam alias Nam Cam, natif du Quang nam, a été soldat dans l'armée du Sud puis docker. Il devint prince des bas-fonds de Saigon à partir du Dôi Moi à la fin des années 1980. Il parvint - avec la compl i ci té de la pol ice et l'appui des hauts cadres du pouvoir - par des trafics, rackets ct organisations de tripots clandesti ns, à réal i ser une f or tune colossale. A rrêté une première f ois en 1995 et déporté en camp de rééducation, i l ./ fut r elâché avant terme. Le procès spectacle - toujours pour l)i «moralité publique» - où com parut devant ses juges Nam Cam, 56 ans- pour meurtres, organisat ion de jeux, corrupti on, ECHANGES 107 · HIVER 2003-2004-4 7 26- ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 rakumin dans les grandes entreprises du pays et q ue certains patrons n'hési tent pas, dans le doute, à faire appel aux services d'un dé tective privé pour enquêter sur les origines fam ili ales d'un candidat à un poste stratégique . Les art isans qui, en Europe, ont concou ru à la formation des classes laborieuses modernes, ne sont, au Japon, pas , ou seulement très peu, devenus des prolétai res . Les capitali smes européens on t réduit les artisans à la prolétari sat io n en détruisant 1'art isanat traditionnel grâce à la production de masse d'objets de piètre qualité à bas coût. Mais, au Japon, l' industrie moderne n'entra pas en concurrence avec l' artisanat tradi tionnel et la rapidité du bouleversement social et économique jet a sur le marché une main-d'œuvre peu chère et aisément malléable qui rendait superflu, ou impossible, le recours à des compétences surannées. Si l'industrial isation du filage et du tissage de la soie, par exemple, profita d'aptitudes anciennes, ce fut l' Etat qui créa de toutes pièces les filatures de coton. Nous avons vu plus haut qu'il avait confisqué en 1872 la manufacture de cotonnades de Sakai pour en faire une usine pilote. En 1879, après que les filateurs de coton eurent tenu une conférence l' année précéden te, au cours de laquell e ils avaient exprimé leurs doléances : manque de capitaux, prix élevé du charbon, transport intérieur et vers l' étranger trop onéreux , concurrence des fi lés su rtou t britanniques et inefficacité des ouvriers, le gouvernemen t lançait un emprunt nat ional afin d'acheter à l'Angleterre vingt mille broches à filer le coton, qu' il revendit en grande partie à crédit à des entrepreneurs privés. De même, la fabrication du verre était quasiment inconnue du JapOn féodal; fenê tres et portes coulissantes des maisons étaient couvertes par 46- ~CHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 du papier, et la poterie fournissait les récipients domesti ques . J'ai ici auss i n oté plus haut que 1'Etat fut 1'instigateur de 1'industrie du verre en fondant une verrerie à Shinagawa, un qu artier de Tôkyô, en 1876. Par contre, dès le débu t de la restauration impériale, les artisan s servirent au Japon d'intermédiaires entre employeurs et travailleurs, car il fallait quelqu'un entre l'encadrement, presque quasim ent entièrement issu de l'ancienne noblesse, et les ouvriers séparés des premiers par un immense fossé social. Ces intermédiaires jouaient le rôle de recru teurs et de contremaîtres. Selon les industries où ils exerçaient on les appelait oyakata ( « patron » ), oyabun (autre terme désignant un « patron ») ( 13 ), koshu (« chefrecruteur »), hanbagashira ( « maître du gîte et du couvert ») au Nord du Japon ou bien nayagashira ( « maître d'une grange») à l 'Ouest de l' île de Honshû et dans 1'île de Kyûshû, et étaient parfois organisés en véritables agences de recrutement (kuchiireya) qui pouvaient avoir sous leur au torité jusqu'à une centaine d'ouvriers; ces agen ces de recrutement servant en sorte de sous-traitants (14). J.-P . V. (à suivre) (13) « Patron» a la même origine en japonais qu'en français : le père, pater en latin, pour le français et les parents, aya en japonais. Il indique la relation paternaliste, protectrice, établie entre le chef ct ses subordo nnés. Seuls ces termes d'oyakata ct d'oyabrm son t restés pour désigner de nos jours les patrons d'une entreprise, quoique désormais les jeunes ouvriers et em ployés ne les utilisent presque plus. (14) Voir Bernard Thomann, « L'entreprisejaponaise comme "lieu de solidarité sociale" ? », in Cipango . Cahiers d'éllldesjaponaises . n• 9, automne 2000; et du même auteur,« La réception des savoirs occidentaux et la naissance de relations professionnelles "à la j aponaise"», in Dantma. Rev11e d 'ét11des japonaises. n• 10/1 1, automne 2001, éd. Philippe Picquier, 2002 . ON EST PLUS DANS LES ANNEES 70 AlAN -IL FAUT S'ADAPTER ET MAINTENANT JE VAIS ECRASER CES GREVISTES 1 170 postie rs du centre au plus , 20 à 30 forma ient le piquet. Il y avait aussi dans le centre des travailleurs tempo raires , mais ils ne traversèrent pas le piquet (ces trava il leurs étaient des intérimaires qui venaient selon les besoins du centre). Il y a une séparation bien défi nie entre eux et nous. Il y a aussi des postiers avec un contrat à d urée déterminée, mais eux travail lent en permanence à nos côtés et sont traités par les autres postiers et par le management comme les postiers sous contrat indéterminé (la plupart de ceux-là finissent par obtenir des contrats permanents) . Les seuls qui traversaient le piquet étaient le manager et les préposés au nettoyage, avec lesquels nous n'avions guère de contacts. IL YADEJA t>ES GENS QUI FONT LA QUEUE POUR BOSSER, ET JE TIENS AVOUS DIRE ••• L'atmosphère autou r de la grève allait des soirées barbecue à : " On va le ur apprendre à se rendre compte que la grève pourrait durer longtemps." « On a gagnt! » Après les négociations, le CWU et le management lancèrent un appe l à une reprise du travail , alors qu'ils étaien t parvenus à un accord. Le lendemain matin , parce que nous ne savions rien au sujet de cet accord, nous avons continué la grève. Un jour plus tard, il apparut cla irement qu'il n'y aurait aucune sanct ion contre les grévistes et pas de retou r sur le plan local aux tentatives de réorganisation que nous n'avions pas acceptées. Le sentiment général était" On a gagné " · La cause fondamenta le de ... QUE JE NE VAIS PLUS EMBAUCHER DE MEMBRES DE VOTRE PUTAIN DE SYNDICAT 1 la grève était une tentative de " mater " le synd icat et de mettre en place les changements que nous n'avions nullement votés. Maintenant il est clair qu'ils doivent " discuter avec nous "· Si le management avait tenté de briser la grève, les choses seraient bien pires pour lui aujourd'hui. C'était une grève défens ive mais victorieuse. Il était évident que nous avions brisé la législation anti-grève . Dans cette situation, les bureaucrates nationaux n'avaient pas vraiment essayé d'imposer le respect de la loi et les représentants syndicaux de base avaient activement œuvré contre ces lois. Nous avions aussi brisé la politique anti-grève de ces bureaucrates et nous avions réussi comme nous l'avions fa it. " a;cHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 27 (suite de la page 2 5) les différents ingréd ients supposés augmenter la rentabi lité des services n 'éta it pas mis en œuvre d' une manière globale, mais au coup par coup, localement (on peut supposer qu ' une stratégie vise à tester les réactions dans les secteurs les plus faibles, à voir si elles resteron t localisées ou risquent de s' étendre géographiquement) . La direction d'un cen tre de tri ou de distribution (facteurs) essaie unilatéralement (peutêtre parfois avec 1' accord des bureaucraties synd ica le s locales) de réorganiser le travail.à la base. Par exemple, comme on l' a vu récemment, en demandant aux chauffeurs de voiture postal e de faire du tri, ou en modifiant les tournées des facteurs , etc. (14). Un ou plusieurs des travailleurs concernés refusent d'exécuter ces ordres et sont immédiatement mis à pied. Les autres postiers du centre concerné débraient tout aussi immédiatement. Le courrier bloqué par cette grève sauvage est alors acheminé vers d'autres centres proches. Mais les postiers de ce centre refusent de fai re ce travail ou se mettent en grève à leur tour. Généralement, devant cette menace d'ex tension et d'autres menaces plus sérieuses si la di rection veut poursuivre 1'épreuve de force, tout est annulé, le statu quo maintenu et les sanctions levées. La plupart du temps, la base du syndicat (les délégués) est directemen t impliquée dans ce type de conflit, bien que les instances hiérarchiques du syndicat CWU préfèrent 1'ignorer ou tentent de trouver un compromis avec les directions. Dans le passé, de tels conflits ont pu parfois s' étendre à la dimension de l'agglomération de Londres et le syndicat CWU s'est vu menacé de poursuites pour ne pas avoir « disc ipliné » « ses » délégués de base. Cette guérilla s'est développée ces derniers temps, à la fois à la mesure d'un mécontentement global (15) et à celle de tentatives plus précises pour accélérer la restructuration de Royal Mail. Pour tenter de l'endiguer, le syndicat a lancé en août un appel à une grève générale dans le s postes pour une augmentation de 8 %des salaires sans autres conditions . La direction des postes fit des contrepropositions globales, comportant une augmentation de salaires de 14,5 % étalée sur dix -huit mois (seulement 3 % en 2004), augmentation en partie liée à la « performance », la pos sibilité de changer de poste de travai 1 et des restructurations.aboutissant à la perte des heures supplémentaires et à la suppression de 30 000 emplois (sur 160 000). En particulier, des discussions ultérieures avec le CWU devaient préciser l'étendue de ces restructurations , à savoir : - distribution du courrier seulement une fois par jour (l'essentiel des 30 000 emplois supprimés viendrait de là) ; - fermeture de 3 000 à 9 000 bureaux de postes« improductifs» ; - flexi bilité totale, n'importe quel postier pouvant se voir assigner au pied levé n'importe quel travail ; - présence plus tôt et plus tard, en de- {14) voir note (3) ci-dessus. Il semble certain que, malgré les attaques de pl us de vingt années sur les pratiques de travail, celles -ci ont subsisté et sont à la base des affrontements dans les tentatives de restructuration des servi cel>, postaux dans laque lle la flexibilité joue ua rôle central. {15) S'il est ua Etat où la manipulatioo des statistiques économ iques masque la réalité sociale, c'est bieo le Royaume-Uni : la médiat isatioo d'uoe << prospérité britannique» n'évoque guère le fossé qui s'est coosidérablement élargi entre riches et pauvres depuis l'ère Thatcher. 28- ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 Les travailleurs Les classes laborieuses modernes, c'està-dire des êtres humains contraints collee· tivement de vend re leur force de travai l, se sont formées avec la grande industrie, à la fois par elle et contre elle. E. P. Thompson a montré, dans La Formation de la classe ouvrière anglaise ( I l) comment, en Angleterre (mais on pourrait ex trapoler son analyse à la France), les manufactures ont bouleversé la vie quotidienne de milliers de gens, les ont obligés, malgré leur résistance, à vivre dans la promiscuité et soumis au temps rythmé par les sirènes des usines. Au Japon, ce bouleversement s'est fait brutalement entre 1868 et 18 90, pour ensuite se parfaire beaucoup plus lente ment jusqu 'en 1945 . Après que le gouvernement eut restauré en 1869 la liberté de choisir son lieu de résidence et son métier, entravée par le shôgunat, aboli en 1872 l'ordonnance datant de 1643 qui interdisait l'achat et la vente de terres agricoles (Tahata eitai baibai kinshi rei) et émis dans la fou lée des mill ions de certificats de propriété, de nombreux paysans se retrouvèrent soudainement soumis au métayage, constituant alors la réserve de main-d'œuvre bon marché dont avait besoin 1'industrie. Une deuxième classe devait participer aux origines des classes laborieuses modernes : les eta ( « impurs » ), une frange de la populat ion exclue de la société depuis plusieurs siècles, à l'instar de la caste des intouchables en Inde. Mais alors qu'en Inde, le bouddhisme avait opposé sa doctrine égal itaire de l'humanité au sytème des castes de la religion hindouiste, introduit {I l ) E. P. Thompson, TheMakingo(theEnglish Working Class ; traduction frança ise : La Formation de la classe ouvrière anglaise. Gall imard/Le Seuil, 1988. au Japon par 1'empereur Kinmei (509-571) il allait justifie r dans ce pays l'exclusion de tous ceux qui étaient en contact avec la mort animal e : corroyeurs, équarisseurs, tanneurs, écorcheurs, etc. Ces parias, volontaires dans un premier temps pour remplit des tâches que personne ne vou lait accomplir, se transmettaient leurs fonctions au sein d'une même famille. Leur exclusion sociale semble avoir été recensée par écrit pour la prem ière fois au XIW siècle dans Je recueil Chiri bukuro (« Sac de poussière») (12). Y appartenaient aussi les artistes et déclassés de toutes sortes. Ils reçurent différents noms tout au long des siècles : eta ( « impurs ») ou hi nin ( « nonhumains »), no ms abolis en 1871 lorsque le gouvernement décida de les inclure dans la catégorie préalablement existante de heimin («peuple »); mais cette intégrat ion décrétée d'en haut échoua et les anciens parias furent longtemps appelés shin heimin, c'est-à-dire Je« peuple nouveau ».Ils sont surtout connus aujourd'hui sous le nom de burakumin ( (( peuple des hameaux » ). Quoique sanc tionnée par la loi, la discrimination à leur égard subsiste de nos jours, quelquefois géographiquement (de nombreux fabricants et commerçants d'objets en cuir sont concentrés dans le quartier de Hanakawado de 1'arrondissement de Tait ô ku à Tôkyô, pour ne citer qu'un exemple), mais surtout à différents niveaux de lasociété jappnaise: pour entrer dans des universités prest igieuses, à l'embauche, etc. Il est de notoriété publique que circulent en toute illégalité des listes de noms de personnes supposées avoir une ascendance bu- {12) Takahashi Sadaki, Hisabetsu b11rakumin issennen shi (Mille ans d'histoire du peuple des hameaux spéciaux), éd. lwanami Shoten, 1993 ( 1~édition : 1924), p. 85 . ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004-45 par une vin gtaine de sp écialistes européen s ; des Japonais formé s par eux les remp laceront en 1875, et en 1878 le cinquième de la soie était fi lé mécaniquement. En 1871, le gouvemement ouvrait à Akabane, dans la banl ieue de Tôkyô, la prem ière usine de construct ion de machines . En 1872, il confisqu ait la manufacture de cotonnades de Sakai, qui avait été fondée en 1870 par le fief de Satsuma avec des machines importées d'Angleterre, pou r en faire une usine pi lote sur le modèle de l' usine de soieries de Tomioka. En 1875, il créai t une cimenterie à Fukagawa, dans la banlieue de Tôkyô, qu 'il privatisera en 18 83 au profit d ' Asano Sôichirô ( 18481930); cette même année 1875, le gouvernement fonda it un important élevage de moutons dans la province de Shimôsa, préfecture de Chiba, ainsi qu'une usine de tissage et une filature à Senju, dans la banlieue de Tôkyô. En 1876, il établissait une verrerie à Shinagawa, un quartier de Tôkyô. Les exemp les abondent d'usines créées ou soutenues par le gouvernement dans les années 1870. Dans le même tem ps, 1'Etat japonais intervenai t résolument dans la construction des bases nécessaires à la production et à la circulation des marchandises : un e monnai e national e, le yen, voit le jour en 1870 ; aux environs de cette même année 1870, le problème des transports dans la nouvel le capitale est provisoiremen t réglé par 1'apparition de petites voitures à deux roues tirées par un coureur, lesjinrikisha ( « vo it ures mues par la force humaine >>); en 1871, le système postal est étendu aux pays étrangers ; une première ligne de chemin de fer, reliant Tôkyô à Yokohama, est inaugurée en 1872 ; des écoles primaires publiques ot~vrent leurs portes à partir de 1873 ; en 18 80, toutes les granpes villes 44- ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 du Japon sont reliées par un réseau télégraph ique appartenan t à 1'Etat ; enfin , en 1883, les premiers tramway s parcourent Tôkyô . Pour ce faire , l'Etat japonais s'est de tout temps énormément endetté. Ludovic N audeau notai t en 1909 que la dette pubiique était en 1907 sept fois plus importante qu ' avant la guerre sino-japonaise ( 18941895) et 3,8 fois plus qu'avant la guerre russo-japonaise ( 1904-1 905) (8) . En 1992, Brian Reading remarquait qu'entre 1973 et 1979 la dette publique globale avait triplé pour atteindre le tiers du produit intérieur brut (PIB) (9). Et le journal Le Monde donnait pour 2002 une estimation de la dette publique japonaise atteignant 141,9% du PIB, presque deux fois et demie le taux français (59%) et plus du double du taux des Etats-Unis (estimé à 60,3 %) (10). Laquestion de la dette publique est un problème récurrent au Japon et la tentative de la réduire entre 1880 et 1890 par la vente des usines dont 1'Etat était propriétaire fut la première d'une longue série. C'est grâce à la planification du développement i ndustriel par l'Etat que les clans seigneuriaux que j'ai nommés plus haut ont tissé les liens entre la bureaucratie et les employeurs, entre les pouvoirs économiques et politiques, qui allaient survivre jusqu'à auj ourd'hui, alors que presque personne ne se souvient plus de leurs noms. (8) Ludovic Naudeau, Le Japon moderne. Son évolution. Ernest Flammarion éditeur, 1909, pp. 250-251. (9) Brian Reading, Japan. The Coming Collapse (Japon. L'Effondrement qui vient), Weidenfeld and Nico lson Ltd, 1992, p. 142. ( 10) «Les indicateurs économiques internationaux Le Monde/Eurostat »,Le Monde, 16 décembre 2003. hor s de 1' horaire normal si la masse de courrier le requérait ; - ob ligation de« coopération » pour les représentants syndicaux dont le temps toléré j usqu'ici d ' activité synd icale était réduit ; - pour suite de la modernisation, notamment du tri, impliquant la suppression des centres encore en activité (une idée de l'ampleur de ce projet peut être donnée par l'ouverture prochaine d'un centre de tri proche de l'aéroport d'Heathrow, centre ultra-automat isé et qui aboutirait à la suppress ion de neuf centres de tri existants). Un premier vote contre la grève Le syndicat CWU, dont les instances supérieures ont certainement participé à l'élaboration de ce projet monumental, accepta de su ivre la procédure légale habi tuelle de règlement des conflits et de le soumettre au vote (au moins dans ses grandes lignes, puisque le détail dépendait de discussions ultérieures avec la direction, dont le résultat ne serait pas de nouveau soumis au vote mais présenté comme une conséquence inévitable de l'accord précédent) . Le rej et des propositions patronale s signifierait la grève générale. Tout en le préconisant mollement, la direction du CWU déclar ait qu'elle ne lancerait l'ordre de grève que le plus tard possible, après avoi r épuisé les voies de la négociation. La direction de Royal Mail, relayée par les médias, se livrai t en revanche à toutes les pressions imaginables pour obtenir un vote favorable : réunions sur le lieu de travai l, lettres personnalisées adressées à chaque postier. Le 17 septembre, par 48 038 voix contre 46 391, les propositions patronales furent déclarées« acceptées par la base». Sur les 160 000 postiers, 40% s'étaient abstenus, sans compter tous ceux qui travaillai ent pour la poste. Autrement dit, toute la hiérarchie et les employés de bureau avaient participé au vote mais non la partie la plus «active» de Royal Mail, la plus concernée par les propositions patronales (à Londres, où cette« partie active » de base était plus importante, avec 30 000 postiers desservant près de 4 millions de foyers , le projet avait été rejeté à 72 %). Gouvernement, appareil hiérarchique, patronat et médias dans leur ensemble pavoisaient devant ce résultat pourtant pas du tout significatif. Un dirigeant du CWU justifiait l'inertie de son syndicat en cette circonstance en déclarant : «C'est très dur d'amener les travailleurs britanniques à faire grève (16). » Les dirigeants de la poste, encouragés par ce« succès »(et, certainement, par le pouvoir) s'empressèrent de« marquer le coup ». D'une part, ils présentèrent au CWU les termes d'un« accord final» comportant la mise en œuvre des mesures énoncées ci-dessus, mai s rejetant en même temps la revendication syndicale de porter à 4 OOQ livres sterling 1'indemnité spéciale de vie chère ( « London Weighing ») que touchent les postiers de l'agglomération de Londres ( 17). D'autre part, dans les centres distincts, les petits potentats locaux prenaient les devants et commençaient (16) On peut mesurer l'humour involontaire d' une telle déclaration lorsqu ' on sait que le synd icat CWU a constamment bloqué toute tentative de généralisation des grèves sauvages, ce qui peut par ailleurs se comprendre vu les risques que cela comportait pour le syndicat en tant qu'organisation légale exposée alors à des sanctions particulièrement sévères. (17) Depuis l'ère Thatcher, une énorme différenciation s'est établie entre les conditions de vie à Londres et dans le reste du Royaume-Uni. Dans la capi tale le coût de la vie, notamment du logement, est tel que les primes spéciales de vie chère dont il est question sont non seulement nécessaires mais aussi largement insuffisantes . ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004- 29 Comment la haute direction de Royal Mail entend briser une grève sauvage Au début de la der nière sema ine d'oc tobre, a lors que des grèves sauvages local isées commençaient à poindre, le centre de direction de Roya l Mail envoyait à tous les centres postaux du Roya umeUni des ins truct ions sur la man iè re de contrer les foute urs de merde. Ces prétendus" leaders •• deva ient être id entifiés , leu rs conversatio ns espionnées et tous leurs mouvements devaient ê tre notés. Les mêmes instructions précisaient la manière dont les chefs deva ient se comporter devant une grève sauvage. Ils devaient pour ce fa ire utiliser tous les moye ns techniques possibles : d'espionnage, dont des cameras vidéo, se déguise r en postiers et circu ler dans le quartie r dans des voitures postales pour faire croire Que la grève était inefficace, questionner les délégués syndicaux pour leur tirer les vers du nez et tenter de savoir ce qui se préparait, agir pour imposer la présence d'un ma nager dans les assemblées générales des centres postaux, fil mer les piquets de grève, etc . Un autre aspect est plus classique: essayer de mou ill er le synd icat dans ces a ctions sauvages , prop ag er dans les médias l'existence d' un com ité clandestin de coordination influencé par les trotskistes du SWP (Socialist Workers Party). On peut penser à ce que de tels conse ils couverts par la direction peuve nt donn er dans l'im aginat ion de cadres retors ou carriéristes ou les deux à la fo is . 30- ~CHANGES 107- HIVER 2003-2004 à imposer ce qui n'avait pu être mis en pratique auparavant à cause des résistances d e base. Mais, comme le dit un postier : «Nous en avons ras le bol d 'être traités en esc laves ... Faisons s'effacer le sourire de tr iomphe sur les faces de rat des managers. » (Source : Laurent Schwab. le Japon . Réussites et incertitudes économique s. ed. Le Sycomore. 1984) L'extension des mouvements illégaux Peu de temps après, des grèves éclatent de nouveau :grèves sauvages le 4 octobre à Oxford et Headl ington, dans l'ouest de l' Angleterre, et grèves légales d'une journé e les 27 septembre et 16 octobre à Londres , pour le« London Weighing ». Tout Je long d'octobre et début novembre vont s'entremêler ces types de grèves, dont l'extension res tera complètement incontrôlée dans la région de Londres (qui traite une part importante du courrier national) et atteindra le nord du pays, notamm ent l' Ec osse. Direction des postes, gouvernement, dirigeants syndicaux et représentants des employeurs tinrent des réunions d'urgence. La direction des postes essayait de ramener le conflit à la seule question du« London Weighing »pour empêcher l'extension de la grève à tout l e pays. Le 29 octobre, les dirigeants du CWU envoyèrent dans tous les centres , y compris aux dirigeants, une lettre ouverte inti tulée« Comment résoudre le problème des grèves sauvages ? » ; dans ce document, les di rigeant s syndicaux se désolidar isai ent des grèves en cours et dénonçaient le fait que le management les en tenait pour responsables . Dans ces conditi ons, le CWU lançait un appel à la reprise du travail sans aucune sanction. Le management tenta de briser la grève en envoyant d es jaunes (la plupart des cadres) pour faire fonctionner les « ser- .0 0 principal centre industriel centre sidôrurgiqu~ ~-....... ......... , ~ ... ~ '" gisement de ttou ill e ;i1ement da pétrole et dot gaz cuivre ~CHANGES 107 • HIVER 2003-2004 - 43 ennemie à la noblesse, sur laquelle le pouvoir royal s 'est parfois appuyé ou contre laquelle il s'est battu en fonction de ses besoins. Il y avait au Japon des métropoles surpeuplées qui étonnèrent les Européens à la fin du XIX' siècle, à une époque où en Europe, hormis quelques excepti ons, les villes restaient de gros bourgs par le nombre de leurs habitants. Il faut dire que dans le Japon du XIX' siè cle la superficie occupée par une population atteignant 35 154 000 depersonnes en 1874 ( 6) se 1imitait à peu près à l'île actuelle de Kyûshû et à la moitié sud de celle de Honshû ; la carte ci-contre (page 43) témoigne de la coupure géographique et industrielle du pays et de la tardive occupation du territoire national au nord d'une ligne joignant Toyama à Tôkyô. Mais malgré leur taille, ces villes n'étaient jamais po litiquement que des centres administratifs et économiquement que d~s bazars pour les paysans et les artisans alentour, en aucun cas des puissances politiques et économiques. Cette absence de force bourgeoise, dont les villes ont été le foyer en Europe, et de révoltes paysannes d'envergure explique pourquoi la société des Tokugawa, minée par ses con tr adictions , dut attendre une impu ls io n extérieure - la menace américa ine- pour imploser. Car malgré les nombreuses famines qui ont frappé les campagnes, aucun document ne nous permet aujourd'hui de nommer une jacquerie, tout au plus quelques émeutes; ni, malgré le contrôle tâtillon des seigneurs par le pouvoir shôgunal et la croissance de la puissance économique des commerçants, principalement de riz et de sake (alcool de riz), de conc lure à une lutte idéologique et po(6) lapan A/manac 2003. Asahi Shinbun, 2002, p. 262. 42- ECHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 litique au Japon, comparable à ceJie menée par la bourgeoisie et une partie de la noblesse avant 1789 en France. La fin de l'époque shôgunale vit bien naître quelques familles de commerçants enrichis devenus banquiers pour des seigneurs qui, très souvent, ne pouvaient rembourser les avances d'argent faites à des taux usuraires qu'en gageant chaque année les récoltes de riz de l'année suivante. Mais sous le règne des Tokugawa il était interdit de vendre la terre et le passage d'une classe à une autre ne pouvait se faire que par l'adoption d'un enfant mâle. Si les commerçants possédaient de l'argent, le seul usage qu'ils en avaient, par conséquent, pour modifier leur situation était de payer une famille noble afin qu'elle adopte un de leurs enfants. La restauration impériale devait balayer ces rigidités, mais les commerçants, s'ils étaient prêts à investir dans l'achat de terrain, n'étaient pas prêts à le faire dans l'industrie. Les grandes familles d'industriels, issues des rangs de la noblesse ou du commerce, qui se sont retrouvées à la tête des zaibatsu (7) après la première guerre mondiale, ne prirent pas le contrôle des usines ; ce sont les fonctionnaires qui le leur accordèrent. La quasi-totalité des premières industries furent instaurées par l'Etat. Ainsi, lorsqu'en 1870,l'ancien seigneur de Maebashi et la famille Ono (une grande famille de commerçants enrichis à 1'époque des Tokugawa) introduisent la filature mécanique de la soie à Tôkyô, l'Etat les soutient en créant sa propre filature à Tomioka, dans 1'actuelle préfecture de Gunma, installée vices prioritaires »; il dut rapidement abandonner cette tentative. La seule réponse adressée par la base à la« déclarat ion »du CWU fut le durcissement de la grève, qui regroupait dans 1a région de Londres pl us de 30 000 postiers et continuait de s ' étendre. Nous donnons (p . 30) un aperçu de la manière dont une grève sauvage sur une ques tion apparemment de détail fait tache d'hu ile pour se transformer en une grève générale, réduisant à néant toute tentative de restructuration et de mise au pas du mouvement de base. Nous donnons aussi le témoignage d'un post ier de Londres sur la manière dont il a vécu la grève. L'épilogue est bien dans la ligne des grèves sauvages antérieures : une capitulation sans conditions de la direction, qui annu le toutes les velléités d'application des propositions« adoptées » par le vote de septembre et de sanctions contre les grévistes. On doit bien comprendre que ce n'est pas uniquement 1e souci de sauvegarder le fonctionnement du service ou la crainte d'une grève générale des postes qui motive cette capitulation. Mais la crainte, émanant des plus hautes sphères gouvernementales et capitalistes, que des conflits ÇA M'RENDS VRAIMENT MAlAOE DE BOSSER lA-D'DANS Ill difficilement endigués par les syndicats et le gouvernement dans de nombreux secteurs menacent, au moment de cette grève des postes, de se transformer en une grève générale : conflits d es pompiers , du secteur hospitalier, des employés territoriaux, des chemins de fer ... et bien d'autres. Une grève générale des postes risquerait de faire éclater au grand jour une opposition de base qui , jusqu'à présent n'a pas dépassé le niveau local fragmen té ou les manipulations syndical es - comme ce fut le cas pour les pompiers (18). L'accord conclu le lundi 3 novembre entre le CWU et la direction centrale de Royal Mail stipule que des dé(1 8) Le mouvement des pompiers britanniques s'est développé pendant plusieurs années de grèves locales puis dans des actions nationales limitées, le tout dans la pleine légalité mais avec une grande cohérence, pour les salaires et les conditions de travail . On peut y voir une grande similitude avec le mouvement des postiers en ce sens que le gouvernement entendait lier les augmentations de salaires à une restructuration conduisant à des licenciements el à une augmentation de la« productivité )). La pression de la base était telle que le syndicat FBU 11. finalement dû, à l'autom ne 2002, organiser un vote sur la grève. Mais cette grève nationale. décidée à une forte majorité, ne fut jamais décle11chée. Les militaires devant jouer les jaunes en cas de grève des pompiers, le sy11dicat joua la carte patriotique de la guerre d'Irak pour surseoir à la grève ct le mouvement s'enlisa dans une grande confusion. · CONSTRUIRE DES APPARTEMENTS DANS LESQUELS J'HABITERAI JAMAIS ... 7) Zaibatsu est le terme japonais par lequel on désigne les grands JrusJ n6s entre le début des années 1900 et 1920 (Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, etc.), avec pour noyau une banque ou une société de commerce (sôgô shôsha), que les Américains ont voulu briser en 1945. ~CHANGES 107 • HIVER 2003·2004 - 31 légués syndicaux vont aller partout en Grande-Bretagne propager la bonne parole pour une reprise immédiate du travail aux conditions suivantes : l. toutes les ten tat ives de réorganisation locales des services sont suspendues ; 2. aucune sanction ne sera prise contre quiconque y compris celles qui avaient pu être à l'origine des conflits locaux ; 3. aucune mesure concernant la distribution ne sera prise sans négociations à la base; 4. aucune poursu it e ne sera engagée contre le CWU, qui est reconnu« non responsable » de la grève. Après, la grève cesse, bien que les postiers de Londres n'aient pas obtenu l'augmentation de leur prime (on peut voir ai nsi que l' extension d'une grève et sa fin programmée peuvent permettre aux dirigeants de bloquer une revendication première, alors que la satisfaction de cette revendication aura it eu des conséquences plus importantes ; par exemple, elle aurait amené d'autres secteurs, géographiques ou professionnels, à demander la même prime ou la même augmentation). Néanmoins cette fin de grève est considérée par l 'ensemble des postiers comme une victoire (voir le récit du postier de Londres pages 26-27). Elle ne préjuge aucunement du futur. Si tant est que la lutte de classe ne cessera qu'avec la fin du système capitaliste et de 1'exp loitation du travail, il ne fait aucun doute que, dans ce secteur des postes, les impératifs du capital via les directives européennes et la pression du secteur privé des messageries, imposera aux dirigeants de Royal Mail de poursuivre tout Je programme de restructuration qui vient ainsi d'être (temporairement) mis en échec. Nul doute qu~ tous les organismes d'encadrement du travail mettent au point les stratégies et 32- !:CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 tactiques pour tenter de répondre aux batailles qui s'annoncent. Au moment où, en France, on parle de limiter le droit de grève (limitat ion qui existe déjà sous la forme des préavis de grève dans certaines branches d'activité) en introduisant par la petite porte un« service minimum » des transports, la manière dont les postiers britanniques ont réduit à néant une législation de la grève autrement contraignante et sur monté les cadres syndicaux d'actions contrôlées peut être citée comme un exemple. Toutefois, il faut considérer que toute lutte de cette nature s'inscrit dans un cadre historique différent selon les pays et que , par suite, les méthodes utilis ées dans un Etat ne peuvent pas forcément être copiées ailleurs. « Mutualité » et « démarcation » Les fondements de la lutte, s'ils marquent une rupture avec de la base avec les directions syndicales, montrent aussi la persistance de certaines notions dans les relations de travail et dans l'utilisation des structures de base syndicales, ces notions mêmes que la« mise au pas» de l'autonom ie des luttes dans Je début des années 1980 avait tenté d'éradiquer, mais qui resurgissent. C'est ce que craignent de toute évidence les commentateurs patentés que nous citions au début de cet article. Toutefois, il nous faut considérer que les postes britanniques sont pratiquement, pour d iverses raisons y compris l ' intervention de la lutte de classe, restées une des seules entités nationales non démantelée (c'est un des principaux employeurs britanniques, avec 160 000 travailleurs , nombre qui leur donne un pouvoir évident). Aussi des pratiques de base dans les relations de travail, courantes autrefois dans l'industrie mais éliminées dans les années des étrangers pou r se ranger sous la bannière de l' empereur Kômei ( 1821-1867) et se lancer en guerre à la fois contre le gouvernement d'Edo (2) et l'invasion étrangère. La guerre c ivile entre les clans fidèles aux Tokugawa et les c lans favora bl es à l'empereur allait s'achever en 1868 avec la victoire des seconds et la restauration de la souvera ineté impériale (3). Le nouveau pouvoir, instruit par les événements en Chine consécutifs aux guerr es de 1' opium ( 4) et l'écrasement de ce pays par les puissances européennes ains i que par 1'expansion coloniale de ces dernières en Asie, décida de préserver l'i ntégrité de la nation en ado pt ant les techniques occidentales tout en prétendant conserver des traditions de pensée féodales (5). C'est ainsi que les clans les plus xénophobes ouvrirent le Japon aux influences européennes pour mieux résister à l'Europe. La fin de la féodalité fut de la sorte précipitée par un conflit entre clans au sein des féodaux . Ce n'est pas la bourgeoisie qui, se battant pour ses droits politiques, ap lanit la voie au capitalisme au Jap on, mais l' Etat. Le gouvernement de Meiji anticipait de quelque cinquante ans la piani ((2) Edo, qui prit le nom de Tôkyô («capitale de l' Est») lors du transfert du pouvoir impérial de Kyôto dans cette ville en 1869, était le siège du gouvernement shôguna1 .3) Le règne de M utsuhi to ( 1852-19 12 ) est passé à la postérité sous le nom d'ère Meiji ( 1868-1912). Meiji signifie« gouvernement des Lumiè res>>. (4) La prem ière ( 1840-1842) s'achève avec la signature du traité de Nanj ing le 29 août 1842, et la deuxième ( 1858) se term ine par la signatu re des traités de Tianjin des 26 et2 7 j uin 1858. (5) Le mot d'ord re de l'époque Meij i, wakon I'Ôsai («l'esprit japonais, le savoir-faire occidental»): avai t été lanc é au temps des shôgun par un membre de l' école Mito, Aizawa Yasushi (connu aussi sous le nom d'A izawa Seish isai) ( 178 1- 1863). Milo est une ville située dans l'actuelle préfectu re d'Jbaraki où résidait une branche des Tokugawa. Elle y ~ou tenait depuis le xvu• siècle une école de penseurs r/ui fournit des idéologues au pouvoir shôgunal. fication de type so viétique ; toutefois, la bureaucratie japonaise, contrai rement à son homologue russe, ne tentait pas de se rendre maîtresse de l'économ ie à son seul profit mais se mettait au service des employeurs issus de ces mêmes clans qui détenaient le pouvoir par empereur interposé. Dès les premières années de 1'ère Meiji, l'Etat dirigera le développement industriel tout en laissant aux féodaux la maîtrise de 1'agriculture et des pouvoirs locaux et national. Cet interventio nnisme correctif de l'Etat dans l'économie constitue un des trai ts marquants du capital isme japonais j usqu'à ces dernières années. La bureaucratie n'interfère toutefois avec le pouvoir patronal que lorsque celui-c i p résente des faiblesses dues à ses divisions internes ou à des attaques externes. L'Etat japonais, depuis les tout débuts de l'industrialisation au Japon, s'est toujours refusé à remplir les tâches sociales qu'il considère être du ressort des entreprises elles-mêmes, et s'oppose aux théories de l'Etat-providence popularisé es par J ohn Maynard Keynes (1863 - 1946) . La bureaucratie est simplement 1'élément conservateur qui, pour éviter les conflits d'intérêt s entre les deux classes parties prenantes de l'industrialisation, les employeurs et les travailleurs, maintient entre elles un équilibre à sa façon. Les employeurs La séparation des villes et des campagnes éclaire toute l'hist oire économique des sociétés. En Angleterre et en France, par exemple, les villes constituèrent les bases de l'offensive bourgeoise contre la société féodale, et le citadin se distingue très tôt du paysan par ses coutumes . La croissance des villes dans ces pays aux xv1• et XVII" s iècles a créé une puissance !:CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004-41 1980, restent-elles ici bien vi vantes . Ces prat iques, appelées « mutual ité >>et « démarcatio n )), font que les équipes règl ent les conditions de leur activité e t que la direction ne peut assigner une tâche autre que celle pour laquelle on a été embauché. Iii est évident que ce manque de« flexibilité >>et cette limite de l '« autorité>> gêne considérablement toute tentative de restru cturations. Ce que résume bien un d irigeant de Royal Mail en déc laran t : « Il est nécessai re que chacun travai Ile d'une manière moderne », ajoutant que les structures actuelles permettent aux postiers de « profiter >>d'une quantité impressionnante d ' heures supplémentaires. Ces pratiques s' appuient sur la structure de base du syndicat ( 19) c'est-à-dire le délégué syndical, qui, selon le concept du shop -steward élu directement, saris - ~AA 'hf/~r_n.-- L'.:....(~c.- et.:3!· -gu-...-• ............ ~ ~~ -d.ut.. ( 19) Si l' on c:ompare la position du shop-steward, par exem ple avec celle du dtltgut tlu en France, on voit qu' il n'a pas i etre accrMité par le syndicat et est ainsi beaucoup pl us proche de 1a base. . .eu t:.lt,J'f....dt:é:. .. ••. Tôkyô . Il revenai t en févr ier 1854 à la tête d' un e petite fl otille d 'une hu itain e de na-· vires et obtenait sans coup férir l' ouverture des po rts de Shimoda et Hakodate au commerce améri cain par le traité proviso ire de Kanagawa . Il relançait ainsi sans le savoir la lutte entre clans que les shôgun ( 1) Toku- gawa avaient réuss i à conten ir depuis leur vi ctoire dans la batai lle de Sekigahara (21 octobre 1600). Les clans de Sats uma, C hôshû, Tosa et Hi zen (actuellement respectivement préfectures de Kagoshima, Yamaguchi, Kôc hi et Ôita), anciens vaincus, prenaient prétexte des relations du shôgun avec ( 1) I.e titre de slrôgun (« général >>), précédé d 'une in di catio n hiérarchi que, était accordée par l' empereur depuis le débu t du VIII' si ècle au x chefs des armées envoyées contre les Ebi s u, un peupl e repo ussé to u jours pl us vers le Nord de l'archipel par les Japonais, lors de di ver;es cam pagne s militaires. L' empere ur Gotoba conféra pour la première fois héréditairement le titre de Seii shi taishôglm («commandant en chef contre les barbares>>) à Minamoto Yori tomo (11 47 1199) en 1192. Cette no mination ouvrait une période de presque sept siècles durant laquell e les empereurs durent se pli er au pouvoi r de di fférentes fam illes de shôgun. La derni ère, cell e de s Toku gawa , gouverna de 1603 à 1868. 40- tCHANGES 107 • HIVER Z003-Z004 .UHE REVOLUTION 1 ON PEUT TOWOURS '(CROIRE, JIM 1 « mandatement >> syndical, représente plus la b ase que l e syndicat. Cet « activisme de base>> ouvre la porte à l'activisme politique, pour autant qu ' action syndicale, action de classe et action politique se mêlent inextricablement, particulièrement dans une structure para- étatique comme le Royal Mail. C'est une des raisons pour lesquelles une organi sation gauchiste comme le SWP ( Sociali st W orkers P arty) peut paraît re influencer tout le mouvement de base ; il serait pourtant erroné d'attribuer à ces gauchistes (comme le font facilement méd ias , di rection et gouvernement) la paternité de tels conflits, car ils ne font que surfer sur le mouvement autonome de base sans leque l ils ne seraient rien (20). H. S. décembre 2003 (20) Le SWP (Soci ali st Worker Party) est actuellement Je principal groupe trotskiste britannique. Ses membres cherchent l se placer dans les appareils syndicaux f!d~rb dans la con f~d~rati on unique (Trade Union) . Le journal Postwork~r (Le Pos tier) (dont il est question dans le récit du postier page 26) est fortement i nfluenc~ par le SWP. LE LUNDI SUIVANT... BON, J'VAIS AU BAR, VOUS VOULEZ UNE AUTRE BIERE 1 ECHANGES 107 - HIVER 2003·2004 - 33 DANS LES PUBLICATIONS 1 1 Etats-Unis Bad Trip. La Californie à l'heure de Schwarzenegger et Bush, par David Jacobs (Approximations, PO Box 61036, Palo Alto , CA 94306 -1 036) (aproximacio nes@hotma il.com) (en anglais) : considérations sur les liens de la politique et l'économique au niveau de la Californie et à celui de l'Etat américain • Street Vo ice. Paroles d'ombre (éditions Verticales) : nous avons souvent évoqué Street Voice, feuille de rue publiée par un de nos camarades à • Baltimore, consacrée aux plus déshérités pa rmi les plus déshérités du rêve américain et qui, à travers leurs tém oignages et leurs récits directs, lève le voile sur des vies laissées dans l'o mb re. Ce petit livre en donn e la traduction d'une sélection. • " Le complexe militaro-ln· dustriel et le sion isme militant : une alliance pour une guerre éternelle "· Ces réflexions sur la guerre tentent une approche poli· tique de la situation au Moyen-Orient. Against The Current, n• 107 (no- vembre-décembre 2003). Copie à Echanges. • The Fortress Economy : , brochure sur le rôle économique du système des prisons aux Etats-Unis, par A.C.Lichtensten e t M.A. Kroll (Ame rica n Friands Service Committee). (En anglais, copie à Echanges). Final Issue • Discussion Bulletin est mort avec son n• 120 (Juillet-août 2003), lronl· quement titré • Final Issue ,. et consacré pour l'essentiel à la guerre - celle d'Irak et la guerre en général. Les anciens numéros peuvent toujours être obtenus à D.B. p/o Box 1564, Grands Rapids, Ml 49501, Etats-Unis. Site Internet : www.llberta· rlan.soclallsm.4t.com (tout est en anglais). Vers l'Union Européenne Si noDs étions dans un pays où faire ça serait bien payé, 1 je ne le ferais pas. 34- tCHANGES 107 ·HIVER 2003·2004 • " Union européenne serpent de mer ou réalité " dans Présence marxiste n• 32 (octobre 2003). Une analyse toute relative bourrée de référe nces aux " grands ancêtres •. 1 1 et une connaissance moins fantaisiste du Japon ont changé la donne; il y a cepen· dant encore peu d'études récentes sur les classes laborieuses japonaises. Par contre, de nomb reux auteurs, au Japon , comme partout, ont étudié à satiété les mouvements anarchiste, communiste ou syndical. Ces écrits sont d'intérêt variable, et je ne m'y intéresserai pas ici, sauf occasionnellement dans un paragraphe sur le socialisme. On entend beaucoup parler d'un mo· dèle de« gestion à la japonaise», qui s'appuierait sur une totale passivité de la classe ouvrière. L'hypothèse du confuciannisme, censée expliquer cette passivité, est une de ces hypo thèses complaisantes qui neveulent rien dire. Je veux montrer, au contraire, que cette« gestion à la japonaise>> est le résultat des luttes ouvrières depuis le début du xx• siècle et des réponses que les employeurs et la bureaucratie ont apportées à ces conflits; non d'une passivité supposée de classes labor ieuses atones livrées à des employeurs tout-puissants. mais d'un équilibre s ans cesse provisoire en tre trois forces : bureaucratie, employeurs et travailleurs. La bureaucratie Le Japon s'était préservé, au x vu• siècle, de la première tentative d'européanisation du monde, en promu! gant les édits contre les catholiques de 1612 et 1614 suivis du départ des Anglais en 1623, puis de l'expulsion des Espagnols en 1624 et de celle des Portugais en 1638. La fermeture r elative du pays, qui consentait seulement à commercer avec les Chinois et les protestants hollandais et interdisait à ses nationaux les voyages à l'étranger, allait figer les relations féodales pendant plus de deux siècles au Japon, alors qu'elles s'éteignaient en Europe. 1 !l),.;_ .ftif' ter~tc - .f.li4'.:..,.;t-C44fwda= :-- ~__,.... ,..._ .;. ... -.,..llJ,......: /\-)- .. ····-;&--;s'"'· . 11----··· Dessins de Georges Ferdinand Bigot (1860·1927). Ce caricaturiste français a vécu près de vingt ans au Japon, jusqu'en 1899. La deuxième tentative de forcer l'archipel à s'ouvrir au reste du monde vint des Etats-Unis au milieu du x1x• siècle. La ruée vers l'or en 1849 en Californie avait ouvert l'océan Pacifique aux conquérants américains. Et, en juillet 1853, le commodore Matthew Calbraith Perry (1794-1.858) se présentait à Uraga, dans l'actuelle baie de tCHANGES 107 · HIVER 2003·2004- 39 ci ens, mais des ind iv idus dont la place dans l a soc iété organise tan t la soumission que l' opposition collectives à cette so ciété . Les sociologues français se sont peu intéressés, dep ui s 1945 jusqu'à récemment , au mouvement ouvrier japonais, contraire m ent à ce qu 'i l en était dans les années antér i eures. Sans doute, à cause de la diff icul té de savoir c e qui se pas se dans ce Note sur la transcription du japonais C'est le système Hepburn qui a été ici utilisé pour la transcription des sons japonais. Il faut savoir que toutes les lettres se prononcent ; les consonnes et les voyelles doubles correspondent à deux consonnes ou voyelles identiques prononcées distinctement : le " e ,. se lit .. é " • le .. ch " • .. teh" et le a sh "• « ch .. ; le « r " s'apparente à un " 1.. et le " h " est toujours aspi ré . Le .. u " correspond au " ou .. ; mais, à l'instar du .. e .. muet. il sert souvent simplement de faire-valoir à la consonne qui le précède et se prononce alors très légèrement. Une voyelle longue .. a " • .. o" ou .. u ·• est signalée par un trait au-dessus de la voyelle concernée (pour des raisons de programme informatique, nous avons dû remplacer les traits par des accents circonflexes). Un " i .. long est redoublé, et se prononce comme deux .. i .. , lorsqu'i l s'agit de mots d'origine pays, du manque de cont act entre les classes laborieuses occidentales et japonais es, du secret entretenu et d es mensonges assenés par l es classes dirigeantes de tous les pays, enfin de l ' impr essi on qu ' i l n 'y av ait rien à en dire puisque 1' har mon ie et la coopération des classes semblaient être l a règle selon un préjugé fort répandu. La cris e per durant depuis les anné es 1990 japonaise ; il est marqué d'un trait (ici, un accent) lorsqu'il s'agit de mots d'une autre origine. Enfin, un • e " long est indiqué par un trait supérieur (ici, un accent) pour les mots d'origine japonaise et occidentale, et par " ei " , qui se prononce comme une diphtongue, pour les mots d'origine sine-japonaise. J'al systématiquement indiqué les voyelles longues, contrairement à certaines habitudes, et écrit ainsi le nom de la capitale TOkyO et non Tokyo. La langue japonaise n'a qu'une seule consonne isolée: ... n " · Toutes les autres sont suivies d'une voyelle. Elle pose un problème particulier, car il existe aussi des • n " suivis d'une voyelle. Pour indiquer qu'il s'agit d'un son" n "• je mets un point entre le " n " et la voyelle qui suit ; kln.lchi ne se lit pas comme kin/chi. La seule véritable difficulté réside dans le découpage des mots, puisque les langues occidentales pratiquent une séparation spatiale d4 vocabulaire qui n'existe pas en japonais. On ré- 38- ECHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 sout généralement cette difficulté en séparant les mots selon une conception terminologique occidentale du japonais relativement lâche. Certains auteurs relient parfois deux termes formant une sorte d'unité par des tirets; Ils écrivent ainsi " Tôkyôto " • par exemple, qui signifie littéralement • TOkyô capitale"· Je n'utilise jamais cette transcription à cause d'une absence totale de règle. Enfin, Je ne mets jamais le signe du pluriel aux mots japonais afin d'éviter toute confusion. Les noms propres japonais ont été écrits à la mode japonaise, c'est-à-dire le nom de fam ille en premier suivi du prénom, sauf dans quelques citations d'ouvrages où les auteurs ont adopté la coutume occidentale ; néanmoins, dans ce cas, j'ai mis entre parenthèses l'écriture correcte toutes les fois où je l'ai pu . Dans les citations que j'ai données, j'ai corrigé à chaque fois une écriture défectueuse sans le signaler, à de rares exceptions près , pour éviter de surcharger le texte. J.-P . V. Palestine Argentine • " L'expérience politique des entre: ' prises récupé rées , , dans Alternative libertaire no 123 (novembre 2003), sous l' an nonce alléchante, en couverture : " Une idée toujo urs neuve, l'a utogestion ». Avec des Bolivie perles du genre : " En Ar• Dans Courant alternatif gentine, la population se n° 133 (novembre 2003}, soulève et des travailleurs deux textes sur les récents reprennent des entreprises événements de Bolivi e : abandonnées par les pacc Quand le peuple vi re le trons "• ce que contredit tochef .. et " Les erreu rs de tal ement ce propos sur la rébellion de I'Aitiplano » . .. l'autogestion, yougoslave • Dans Le Prolétaire no 469 selon lequel « l' expérience (oct.-nov.2003) : cc De Bolivie, yougoslave nous instruit sur un appe l au prolétariat lal'incompatibilité de l' autolino-américain et mondial ». gestion avec l'Etat et l'éco• .. La Bolivie à la croisée nom ie de marché"· Ce à des che mins » dans Le Coquoi ces thuriféraires de l'auquelicot no 39 (octobre togestion fera ient bien de 2003) . réfléch ir. • cc Le mouveme nt popu• cc Les expériences autolaire chasse le prés ident " gestionnaires , dans Le dans La Forge, no 435 (noMonde libertaire, n• 1337 du vembre 2003) . 20 novembre 2003. • « La révol ution sur le • Recueils de textes argengué " dans Alternative litins, 2001 -2003 (Mutines Sébertaire n° 124, dé cembre ditions, BP 275, 54005 2003 . Nancy Cedex) contient essentiellement des textes traUruguay duits de publications argen• Aperçu du mouvement tin es de la mouvance ouvrier en Uruguay (compilibertai re , précédés d'une lation de textes anarchistes longu e notice explicative traduits) . (SIA , BP 257, dans laquelle l'auteur, qui a 14013 Caen Cedex.) • Ni patrie ni frontières. Traductions et débats : te no 67 porte principalement sur la Palestin e. Le no 8 doit porter sur les Etats-Unis. ([email protected] ; tél. : 01 45 87 82 11 ; te xte sur le site : www .m ondialisme.org) séjourné quelques mois en Argentin e (fin 2002-début 2003) , donne de précieuses précisions aidant à comprendre les événements des deux dernières années. • cc Aperçu du mouvement anarchiste , dans Courant alternatif n° 134 (décembre 2003) . • .. Some Notes on the Argentine Anarchlst Movement in the Emergency "• dans Perspectives on Anarchist Theory, automne 2003 (en anglais). Brésil • cc Les espoirs du Brés il dans la balance , (Le premier semestre du gouvernement Lula) dans Against The Current no 106 (sept-.oct 2003). ECHANGES 107- HIVER 2003-2004- 35 FRANCE «Harkis d'Indochine» • Documents : dans CQFD (Ce Qu 'il Faut Dire, Détruire, Découvrir) un artic le sur les " hark is d'Indochine " rapatriés en 1956 et toujours parqués dans un camp du Lot-et-Garonne. Saint-Nazaire • Dans Le Prolétaire no 469 (novembre 2003), suite de l'article " Luttes ouvrières aux chan tiers de Saint-Na zaire "· Texte très déta ill é sur l'exploitation et les luttes des travailleurs immigrés tout au long de l'année. • " Queen Mary Il: l'envers du décor », dans La Forge n°433 (septembre 2003). LU • " Avec les ouvriers de LU au tribuna l , à Boulogne sur-Mer. Dans La Forge, n° 435 (novembre 2003) . • Dans Le Monde libertaire du 2 octobre 2003, «P'tits Lu "• en tretiens avec des délégués de l' usine Lu de Ca lais et avec l'aute ur de l'ouvrage P'tits Lu en lutte, combats ouvriers (éd. Temps des Cerises). Printemps 2003 • " France, printemps 2003 , dans Bilan et Perspectivi!s, n° 5 , novembre 2003 • Dans Présence marxiste, n° 32 (octobre 2003) , un texte su r les mouvements de mai-juin 2003, " Après la lutte d u printemps 2003, bilan et perspectives " • avec la sempiternelle conclusion : " La cond ition de la victoire se trouve dans un pa rti marxiste solide ... , • " Mai-juin 2003, une défaite porteuse d'espoi r , : dans Syndicaliste (Courant syndica liste révolutionnaire). • " Retour sur mai -j uin 2003 , dans Courant alternatif no 132 (octobre 2003). • " Retour sur la lutte pour nos retra ites et la décentralisation dans l'éducation nationale , et " Les enjeux et les leçons de la lutte perdue contre la réforme des retra ites » dans la Lettre de liaison no 5 (octobre 2003) du Garas (Groupement [et non groupe comme nous l'avons écrit précédemment] d'action et de réflexion ana rchosyndicaliste, cc/o Sarthe libertaire, Maison des associations 4, rue d'Arcole, 72000 Le Mans). Université • Dix thèses sur l'université productive :texte anonyme sur la réforme de l' université (copie à Echanges). Démocratie • La France n'est pas une 36 -~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004 • démocratie, essai de Jean Pi- gne ro, 77240 Seine Port (pour la démocratie directe). Garde à vue • Guide du manifestant arrêté édité par le Syndicat de la magistrature (BP 155, 75523, Paris Cedex 11). Site www. syn d ica t-magi strature.org (copie à Echanges). Le Mouton fiévreux consacre une partie de son no 9 (sept.-oct.) aux tziganes. Pub • Dans Le Mouton fiévreux no 10 (nov.déc .2003) : « l'affic hage publicitaire , comment s'en débarrasser » y compris un " petit dico de la pub " · Fascistes à Avignon Traits noirs no 10 (novembre 2003), fanzine avignonnais , démonte l'altermondia lisme et le g rand cirque de l'été au Larzac . Dans le même numéro la suite d'un dossier " Fascistes locaux , et poursuit, à ce propos, une a utopsie de la revue étudiante Renais sance. (cio Les chemins non tracés, BP 259, 84011 Avignon cedex 01. Courrie l : [email protected] ; site : http :1/traitsnoirs.lautre.net • LA SITUATION DES CLASSES LABORIEUSES (1) L'article qu'on va lire est le premier d'une série couvrant une période de cent cinquante ans - de 1853 /J nos jours de capitalisme au Japon, qui se terminera par une analyse de la crise économique actuelle L 22 SEPTEMBRE 1985, les cinq pays industrialisés considérés les plus importants à l'époque: les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, le Japon et la République fédérale allemande (le G5) signaient à New York l' accord du Plaza, qui entérinait une dévaluation du dollar et amorçait un semblant de concertation sur le commerce mondial. Cet accord avait principalement pour but de réduire les déficits commerciaux américain et européen avec le Japon. Mai s ce but n'a jamais été atteint, et ne l'est toujours pas; un autre le fut auq uel personne n'avait pensé : l'ouverture du Japon à ses concurrents et les transformations sociales qui s'en sont suivies. Le titre « La situation des classes laborieuses »peut paraître saugrenu, car les stéréotypes donnent de la société japonaise une image sinon d'une société sans classes, du moins d'une société immune de conflits de classes. Fonder une étude du Japon sur l'existence de classes laborieuses relève pour beaucoup de gens de l'impertinence. Pourtant ce que l'on appelle la« puis sance» japonaise n'est-elle pas principalement vécue sous la forme d'une invasion de tous les pays du monde par des voitures et du matériel électronique made in Japan? Un esprit logique se demandera comment ces E Tziganes • JAPON symboles d'un Japon conquérant sont produits, si ce n'est par des ouvriers sous les ordres de patrons. Recenser 1a classe ouvrière est toutefois une tâche difficile, sinon impossible, parce qu'ellen 'apparaît généralement pas en tant que telle dans les statistiques . On ne trouve ra nulle part un compte exact des ouvriers dans 1e monde, 1es statisticiens rangeant les ouvriers dans des catégories aussi floues que « salariés » ou« population active ». Si j'insiste dans le titre sur le pluriel « cl asses labori euses », ce n'est cependant pas pour cette seule raison que les cols b leus sont inc lus dans un magma statistique, mais pour d'autres encore . Ils ne sont, primo, ni les seuls exp loi tés n i les seuls créateurs de plus-value du système. Au Japon comme ailleurs la prolétaris ation touche de plus en plus de salariés qui ne travaillent pas directement dans la production industrielle; il y a des pro létai res dans le commerce, l'agriculture, et même la fonct ion publique. Secundo, les travailleurs, pas plus que les autres classes , ne forment un bloc indifférencié ; le prolétariat n'est pas indemme de luttes en son propre sein. Je ne parle pas ici du prolétariat abstrait des moralistes et des politi~CHANGES 107 ·HIVER 2003-2004-37