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Pôle économie :
Publier un indicateur de développement durable :
le premier pas pour changer notre perception de la prospérité
Point d’aencrage – Pôle économie – document de travail Mai 2014
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Publier un indicateur de développement durable : le
premier pas pour changer notre perception de la prospérité
« Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. ». Prononcée en
1968, cette phrase de Robert Kennedy pourrait difficilement être plus actuelle.
Créé en 1934, le PIB est le fruit d’un contexte bien particulier : c’est pour mesurer les effets
de la grande dépression sur l’économie américaine qu’il a été commandé à l’économiste américain
Simon Kuznets. Huit décennies plus tard, le PIB reste le seul réel standard à l’aune duquel s’apprécie
le progrès. Dans les esprits, il s’est assimilé - faute de mieux - à la mesure du bien-être, alors qu’il est
pourtant admis que la corrélation entre richesse et bien-être n’est vérifiée que pour un niveau de
revenu relativement modeste. Les préoccupations contemporaines nous imposent pourtant a
minima de l’aménager tant une croissance matérielle infinie ne peut plus être l’alpha et l’oméga d’un
monde aux ressources finies.
Le PIB, un indicateur dont les failles sont connues depuis bien
longtemps
Le produit intérieur brut est la somme des valeurs ajoutées brutes de l'ensemble des
secteurs d'activité d’un pays auquel on ajoute les impôts et soustrait les subventions sur les produits.
Le PIB va considérer toute dépense et production comme positive en soi, sans s’intéresser au
contenu qualitatif des activités qui lui sont liées, et sans distinguer entre celles qui réduisent ou
augmentent le bien-être. Ainsi, un événement comme une marée noire va mécaniquement accroître
le PIB du fait de l’activité crée par la remise en état des plages souillées, alors qu’un tel événement
constitue une atteinte évidente à notre bien-être collectif. A l’inverse, le PIB peut comptabiliser
négativement certains progrès du bien-être. Investir dans une rénovation thermique améliorant
l’efficacité énergétique des bâtiments réduira le PIB car elle occasionnera à court terme une moindre
dépense de consommation.
Le PIB se désintéresse également de la répartition des revenus entre les individus, alors que
celle-ci impacte directement le bien-être social.
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Enfin, le PIB va ignorer tous les éléments contribuant au bien-être mais qui ne passent pas
par l’intermédiaire du marché (i.e. sans transaction monétaire. Les activités artistiques non
marchandes, le secteur du bénévolat, la production domestiques (par exemple recueillir des légumes
frais de son propre potager plutôt que d’aller les acheter conditionnés en grande surface) sont ainsi
exclus du PIB.
Ces défauts sont aujourd’hui trop problématiques pour que le PIB reste l’outil de mesure
incontesté de la comptabilité nationale.
S’engager à rendre des comptes à la Nation sur l’application d’un
indicateur alternatif
Le Gouvernement devrait ainsi s’engager à développer un indicateur alternatif au PIB. Il
rendrait compte en détail des résultats de la France au regard de cet indicateur dans un rapport
annuel. Ce rapport dresserait un bilan des faiblesses et des forces de la performance française au
regard de cet indicateur, procéderait à des comparaisons internationales lorsqu’elles sont possibles,
et suggérerait des pistes d’amélioration.
La remise de ce rapport ferait l’objet d’une conférence de presse du Premier ministre et d’un
débat au Parlement, à la suite duquel le Gouvernement s’engagerait à prendre des mesures dans le
sens de cet indicateur.
L’Indice de richesse globale (IRG) intègre les facteurs
environnementaux et sociaux
Une des principales mesures alternatives au PIB est l’Indice de richesse globale (inclusive
wealth index), issu du PIB vert. Avec cet indice synthétique, les perspectives sont toutes autres : si le
PIB de la Chine, des États-Unis, du Brésil et de l’Afrique du sud a bondi de respectivement 442%,
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37%, 31% et 24%, l’état de leurs ressources naturelles par habitant a lui chuté de 17% en Chine, de
20% aux États-Unis, 25% au Brésil et 33% en Afrique du Sud.1
Cette différence provient de la composition de l’IRG qui se fonde sur le PIB et lui ajoute des
variables écologiques et sociales en exprimant en valeur monétaire le capital naturel (réserves de
forêt, de pêche, de minéraux et d’énergies fossiles, les cultures et champs exploités par l’agriculture)
et le capital humain (accès aux services de première nécessité, la régulation des risques sanitaires,
l’accès à l’éducation et à la culture) d’un pays. L’IRG permet donc de prendre en compte les
dommages causés à l’environnement et d’intégrer le coût d’entretien (coût auquel est évitée la
dégradation de l’environnement). Il optimise la production en luttant contre le gaspillage et distingue
la production nuisible de la production écologiquement compatible, séparant le bon grain de l’ivraie.
L’IRG présente toutefois lui aussi certaines limites. En faisant le choix de mesurer l’impact de
notre production sur l’environnement de façon économique (en le retranchant au PIB), il fait fi du
seuil de soutenabilité de cette production. Son application conduit mécaniquement à une hausse des
prix des ressources jusqu’à l’épuisement, sans informer sur le point de non retour. Par ailleurs les
coûts économiques de certaines externalités et services rendus par l’environnement peuvent
difficilement être évalués objectivement.
Mais c’est aussi le choix d’une simplification volontaire qui le rend opérationnel, en l’absence
d’indicateur substituable au PIB qui fasse l’unanimité. En ce qu’il part du mode de calcul initial du
PIB, l’IRG nous est familier et facilement applicable. Cette raison n’est pas étrangère au choix du
PNUE lors de la conférence de Rio+20 en 2012, de faire de l’IRG un nouvel indice officiel de mesure.
La même année, le Danemark a également annoncé vouloir mettre en place son propre PIB vert.
Un autre indicateur alternatif : l’Indice de progrès véritable (IPV)
Le gouverneur du Maryland à lui choisi en 2012 aussi de substituer au PIB l’Indice de progrès
véritable comme objectif de politique publique. Comme l’IRG, l’Indice de progrès véritable (genuine
progress indicator) part de la mesure du PIB. Il y ajoute des facteurs contribuant au bien–être que le
PIB ignore (bénévolat, travail domestique), et y soustrait la valeur accordée à la détérioration de
certaines richesses sociales (inégalités, délits, chômage) et environnementales (ressources non
renouvelables, faune, flore). A la différence de l’IRG, l’IPV ne considère pas la plupart des ressources
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Inclusive Wealth Report, 2012
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naturelles (milieux humides, forêts primaires, terres agricoles) comme substituables. Parce qu’elles
sont irremplaçables une fois disparues, l’IPV associe un coût supplémentaire à la perte définitive de
ces ressources.
Là encore, le tableau du bien-être mondial est bien différent. Alors qu’au sens du PIB la
richesse mondiale a été multipliée par trois depuis 1950, celle-ci n’a plus progressé depuis 1978 selon
le calcul de l’IPV2.
Ce constat éloquent peut servir de base à la réévaluation de notre modèle de
développement, mais restera certainement lettre morte si un indicateur comparable au PIB ne lui est
pas officiellement adossé, à défaut de pouvoir le remplacer. Se donner les moyens de mesurer et
visualiser le défi qui nous fait face est l’indispensable premier pas pour s’y attaquer correctement.
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Kubiszewski, I., Costanza, R., Franco, C., Lawn, P., Talberth, J., Jackson, T., Aylmer, C. « Beyond GDP:
Measuring and achieving global génuine progress », Ecological Economics 93 (2013) : 57-68.
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