Et bientôt, le débat sur le mariage pour tous
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Et bientôt, le débat sur le mariage pour tous
MARDI 8 MARS 2016 LE TEMPS Temps fort 3 Et bientôt, le débat sur le mariage pour tous ÉGALITÉ A près le refus de l’initiative du PDC, la question de l’union des couples homosexuels remonte dans l’agenda politique: une proposition des Vert’libéraux va être discutée au parlement. En attendant, le Conseil des Etats débattra ce mardi de l’adoption de l’enfant du partenaire CATHERINE DUBOULOZ, AVEC LA COLLABORATION DE SABINE PIROLT Sur la «to-do» liste du mariage pour tous, postée sur Twitter il y a quelques jours, la conseillère nationale bernoise Kathrin Bertschy a déjà coché les deux premières cases. Elles correspondent aux premiers caps franchis par l’initiative parlementaire des Vert’libéraux: le passage devant les commissions du Conseil national et du Conseil des Etats. La proposition vise à ouvrir les différentes formes d’union à tous les couples, quels que soient leur sexe ou l’orientation sexuelle des partenaires; ainsi, les couples de même sexe devraient pouvoir se marier et les couples hétérosexuels conclure un partenariat enregistré. Au soir du 28 février, Kathrin Bertschy aurait pu ajouter une croix supplémentaire sur sa liste: le refus de l’initiative du PDC en votation, par 50,8% des votants, a ouvert la voie aux débats parlementaires sur le mariage pour tous. La première discussion en plénum pourrait avoir lieu lors de la session d’été. «Nous attendons ce moment avec impatience», lance la socialiste Barbara Lanthemann, coprésidente de Pro Aequalitate, l’association faitière qui s’est battue contre la petite phrase définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme dans l’initiative du PDC «Pour l’égalité fiscale du mariage». Avant cela, un autre débat aura lieu ce mardi au Conseil des Etats: une réforme du droit de l’adoption ouvrant la possibilité d’adopter l’enfant du partenaire, un désir qui va souvent de pair avec celui de l’union. «Battre le fer pendant qu’il est chaud» Avec le résultat du 28 février, «nous avons reçu un bon signal, commente Alexandre Robatel, qui organise la Gay Pride à Fribourg. Heureusement que la décision n’est pas tombée du mauvais côté, sinon nous aurions perdu dix ans. Maintenant, il faut battre le fer pendant qu’il est chaud.» «Nous soutenons avec ferveur la proposition de mariage pour tous de Kathrin Bertschy, s’enthousiasme aussi Laurent Paccaud, membre du comité de Pink Cross. Il est plus que temps que cela arrive en Suisse.» Comme chez les hétérosexuels, tous les couples homosexuels ne rêvent pas de se passer la bague au doigt. Mais les enjeux d’égalité et de liberté l’emportent sur toute autre considération: «Je n’ai pas envie de me marier, mais j’ai envie d’avoir le choix», explique la Valaisanne Fanny Gex. Pour elle, se pacser ou conclure un partenariat enregistré, ce n’est pas la même chose: «Le fait de devoir écrire «partenarié» sous la rubrique état civil, si je devais postuler quelque part par exemple, me retient, «C’est aberrant que le mariage pour tous ne soit pas encore possible» explique-t-elle. Même si les personnes qui sont en face de moi sont ouvertes, ce terme met tout de suite une étiquette. S’il y avait l’égalité, les gens trouveraient ça plus naturel.» Dans la société civile, les associations LGBT ne sont pas les seules à taper du pied. Le mouvement Opération Libero, également membre du comité contre l’initiative du PDC, soutiendra la proposition de Kathrin Bertschy; sa pétition en faveur de l’union pour tous est toujours en ligne. «Pour nous, l’égalité des droits des couples homosexuels et le mariage pour tous sont absolument nécessaires dans une Suisse libérale», commente Jessica Zuber, codirectrice de la campagne. Le mouvement réfléchit déjà aux prochaines mobilisations. D’un côté ses membres vont tenter de convaincre le maximum de parlementaires de droite, au sein du PLR notamment, de soutenir le texte, parce qu’au «moment du vote, ce sont eux qui DATES CLÉS 05.12.2013 Dépôt de l’initiative parlementaire «Mariage civil pour tous» par Kathrin Bertschy au nom du groupe vert’libéral. 20.02.2015 Par 12 voix contre 9, la Commission des affaires juridiques du Conseil national accepte de donner suite à l’initiative. 01.09.2015 Par 7 voix contre 5, le texte est également accepté par la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats. risquent de faire la différence», explique Jessica Zuber. De l’autre, une campagne de sensibilisation sera menée en direction des citoyens et citoyennes, lesquels seront probablement amenés un jour ou l’autre à voter sur le sujet. La date clé pour informer le public? Le 17 mai, à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Le débat enflammera-t-il la Suisse, comme cela a été le cas en France en 2013 et comme l’Italie le vit actuellement? Les discussions parlementaires permettront une première prise de température. Les associations LGBT se montrent confiantes, tout en faisant monter la pression: si le parlement rejette le texte, un plan B organisé par Pink Cross se met déjà en place: «Nous prenons des dispositions pour pouvoir, le cas échéant, lancer rapidement une initiative populaire, annonce Laurent Paccaud. Car on ne veut pas encore perdre six mois ou un an.» n Partir se marier en Espagne pour fonder une famille et élever des enfants jour où, dans mon pays, le mariage sera possible pour les homosexuels, je me marierai juste pour montrer que j’en ai le droit.» De fait, même si les deux jeunes femmes sentent «que les choses bougent en Suisse, que l’opinion de la population évolue et que cela peut devenir possible», elles ne vont pas attendre le changement de loi et vont partir se marier en Espagne. Car la trentaine venue, comme beaucoup de leurs amies, elles songent à faire des bébés. Le premier pour Susana, le second pour Rachel. Mais pour elles, c’est ESPOIR Dany Chételat et Lionel Muller ne veulent pas conclure de partenariat enregistré, car cela les empêcherait d’adopter un enfant. Ils attendent que la loi change et que les droits soient les mêmes pour tous Une maison couleur jaune citron, joliment rénovée, au cœur de la vieille ville de Delémont. C’est dans cet endroit que vivent Dany Chételat, 40 ans, et Lionel Muller, 32 ans. Au bout de la rue, une crèche et une école, au mur de la cuisine, des dessins d’enfants. Ils sont tous les deux tontons et parrains et ont beaucoup de plaisir à voir leurs neveu et nièces. L’un est technicien en automatisation et l’autre est architecte paysagiste. Cela fait dix ans qu’ils se sont rencontrés et quatre ans qu’ils ont acheté cette propriété ensemble. «Nous n’avons fait aucune démarche administrative pour le cas où il arriverait quelque chose à l’un de nous. Il faudrait que nous réglions ça.» En se pacsant peutêtre? La réponse de Lionel ne se fait pas attendre. «Pour des questions d’héritage, c’est peut-être bien, mais en même temps, on perdrait des droits, dont celui d’adopter un enfant. Alors qu’un homme célibataire a le droit d’adopter, même s’il a sans doute moins de chances qu’un couple hétérosexuel.» Et Dany d’insister: «Si on se partenarise, c’est foutu! On ne pourra pas avoir d’enfant, car c’est interdit par la loi.» Et avoir un bébé, les deux Jurassiens y songent, depuis plusieurs années «Nous sommes dans une période charnière. Nous attendons l’évolution de la loi, mais ça prend du temps et c’est un peu décourageant» déjà, même s’ils savent que pour deux gars, la partie n’est pas gagnée d’avance et qu’il faudra être prêt à affronter les remarques et les regards. Lionel: «On nous a tellement répété que pour un couple d’hommes c’est difficile d’adopter «Chez nous en Espagne, cela fait onze ans que le mariage pour tous existe et que l’enfant d’homosexuels mariés est celui des deux» Dany Chételat, 40 ans, et Lionel Muller, 32 ans, Delémont (JU). (PIERRE MONTAVON) Susana Latasa, 33 ans, et Rachel Métraux, 32 ans, Lausanne. (BERTRAND REY) et que c’est mieux de ne pas avoir un fils ou une fille. Lorsque j’étais ado, je me suis toujours projeté dans une vie sans enfant.» «On», qui est-ce donc? «La société, les gens autour de nous qui font des réflexions à ce sujet. On comprend vite que c’est quelque chose de tabou.» N’empêche, comme beaucoup de couples qui s’aiment et sont en âge d’élever des enfants, Lionel et Dany continuent d’en discuter. Dany: «C’est le plus jeune qui doit adopter. Evidemment, s’il y avait un clash et que le couple se séparait, ce serait douloureux. Avec le mariage, ce serait réglé par la loi. Cela donnerait plus de perspectives et de droits à l’enfant.» Comme nombre de leurs amis de la communauté homosexuelle, le couple jurassien ressent comme une injustice le fait que l’Etat leur refuse le droit au mariage. Lionel: «On devrait donner les mêmes droits à tout le monde. C’est aber- DÉBROUILLE E n couple depuis trois ans, la Vaudoise Rachel Métraux et l’Espagnole Susana Latasa veulent se marier et fonder une famille. Comme ce n’est pas possible en Suisse, elles songent à déménager rant que le mariage pour tous ne soit pas encore possible.» Dany: «Nous sommes dans une période charnière. Nous attendons l’évolution de la loi, mais ça prend du temps et c’est un peu décourageant.» Pour ne pas attendre les bras croisés, le couple jurassien apporte sa pierre à l’édifice. Lors de la dernière Gay Pride, à Sion, en juin 2015, ils ont construit un char pour militer contre l’initiative du PDC refusée fin février. Dany: «Un peu moins de neuf mois avant les votations, les gens ne comprenaient pas encore de quoi il s’agissait. Heureusement que cette initiative n’est pas passée.» Le thème de leur prochain char, pour la Gay Pride qui aura lieu à Fribourg? «Ce sera quelque chose autour du mariage pour tous. Mêmes devoirs, mêmes droits. Un mariage sans restriction.» n SABINE PIROLT Installées sur le canapé de leur salon, dans un petit appartement au nord de Lausanne, Rachel Métraux, Vaudoise de 32 ans, et Susana Latasa, Espagnole de 33 ans, racontent les réactions de leurs amis espagnols lorsqu’elles leur expliquent qu’en Suisse les homosexuels et les lesbiennes n’ont pas le droit de se marier. Susana raconte: «Ils n’en croient pas leurs oreilles. Pour eux, la Suisse est un pays du nord, donc plus avancé socialement. Chez nous, cela fait onze ans que le mariage pour tous existe et que l’enfant d’homosexuels mariés est celui des deux. C’est tout à fait nor- mal et facile.» Lorsque les deux jeunes femmes évoquent leur avenir, c’est avec des étoiles dans les yeux et de grands éclats de rire. Les deux amoureuses sont heureuses et ça se voit. Elles racontent leur rencontre, il y a dix ans, dans une université au Mexique et leur relation, qui a repris voici trois ans. La Suissesse et l’Espagnole – elle vient de Pampelune – se sont revues dans de nombreuses capitales européennes et leur histoire est devenue de plus en plus sérieuse. Et depuis novembre, Susana a déménagé en Suisse et apprend le français à l’université. Rachel, qui a étudié l’espagnol, est enseignante de français dans les classes d’accueil. Comme Susana – qui avant de rencontrer son amie n’a eu que des relations masculines –, Rachel n’a jamais rêvé de mariage et de robe blanche. Mais à ses yeux, il est important d’avoir le choix. «Le tout un processus qui peut ne pas marcher du premier coup. Rachel détaille: «J’ai une amie qui a mis deux ans pour tomber enceinte. Dans une année, il faut que le premier bébé soit en route.» Lors de leur prochain voyage à Pampelune, elles vont donc prendre rendez-vous dans une clinique pour se renseigner en détail sur les inséminations artificielles. Il est même possible pour une femme d’utiliser les ovocytes de sa compagne pour avoir un enfant. Rachel évoque leurs doutes: «Mais ça nous semble un peu bizarre.» Et le sperme d’un copain, y ont-elles songé? «C’est risqué une histoire à trois, alors que la famille, c’est nous.» C’est dans la patrie de Susana qu’elles pensent installer leur famille. Susana explique: «Nous trouvons important que nos enfants parlent le basque.» Et si le mariage pour tous et l’adoption pour les couples homosexuels existaient en Suisse, resteraient-elles? Rachel, qui a vécu au Mexique et en Colombie et qui aime découvrir d’autres cultures, n’hésite pas longtemps. «Oui, nous imaginerions faire notre vie plus longtemps ici, probablement jusqu’à l’entrée à l’école de nos enfants.» n S. P.