La réforme de l`hospitalisation sous contrainte

Transcription

La réforme de l`hospitalisation sous contrainte
dossier
La réforme
de l'hospitalisation
sous contrainte
avant-propos
Regards croisés sur la réforme
SOMMAIRE
•
Regards croisés
sur la réforme
11
Enrique Ledesma
•
Les objectifs de la réforme de
l'hospitalisation sous contrainte
12
en psychiatrie
Enrique Ledesma
•
Peut-on réellement se soigner
sans consentement
18
?
Mathieu Bellahsen, Victor Brunessaux,
Serge Ki«
•
L'intérêt d'un travail collaboratif
pluridisciplinaire
22
Nathalie Alamowitch, Marie-Noelle
Vacheron, Caroline Navion
•
La psychiatrie, les libertés
et le juge : quelle place pour
le juge
26
?
David Peyron, Enri que Ledesma
•
De la confidentialité des
données médicales devant
le juge
29
Marine Rogé,
Valérie Dauriac-Le Masson
•
Le patient face à
l'incontournable ordonnance
du juge des libertés et
34
de la détention
•
Les questions éthiques
soulevées par la loi du
5 juillet 2011
Nathalie Mercier
36
Marianne Mazodier
•
L'art de la fugue
38
Messaoud Djemaï
•
Élements de bibliographie
Liliane Régent
Dossier coordonné
par Enrique tedesma
40
les prises en charge mais
apporte ces améliorations notamment dans
le soin ambulatoire sous
contrainte, trop souvent
associé à une sortie d'essai "prolongée" ainsi
qu'un contrôle des libertés individuelles plus
serré. La réforme est
moins idéologique que
procédurale.
Le l er août 2011
entrait en application
la loi n°2011-803 du
5 juillet 2011 relative
aux droits et à la protection des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge.
La mise en oeuvre, en
période estivale qui souvent rime avec effectif
minimum, ne futpas sans
difficultés pour les soignants, les médecins, les agents administratifs et même les juges.
I il faut ici parler d'une "réforme" qui s'accompagne, de quelques résistances, incompréhensions, hésitations et erreurs.
Toutefois, on constate que la quasi-totalité
des professionnels qui ont travaillé en psychiatrie en appliquant la loi du 27 juin 1990
admettront qu'elle était nécessaire.
I En effet, la loi dite "de 90" qui réformait
déjà, celle de 1838 a inversé la logique d'hospitalisation : l'hospitalisation libre devenait la
règle de la prise en charge et l'hospitalisation
sous contrainte un cas particulier encadré par
des procédures médico-administratives.
Elle a, par ailleurs, apporté une vision du soin
compatible avec la vision initiale du secteur,
son regard tourné vers la ville et la réhabilitation. Pourtant, des imperfections existaient
et il est vite devenu évident que des améliorations devaient être apportées. Plus de
vingt ans après, cette loi ne révolutionne pas
SOiNS PSYCHIATRIE - n° 281 - juillet/août 2012
I Ce dossier a pour but
de poser un regard pluriprofessionnel sur cette réforme et de
faire un premier bilan après quelques mois
d'application. La diversité des professionnels (infirmiers, psychiatres, juristes, juges,
etc.), des regards et des opinions enrichissent l'analyse que nous proposons.
La question du bénéfice pour le patient reste
entière même si celle de l'augmentation de
la charge de travail est admise. Peut-être ne
s'agit-il là que de changements d'habitudes
et de méthodes de travail? Le bénéfice pour
le patient se mesurera, sans doute, dans la
diminution des rechutes, des "perdus de
vue" et des échecs du projet thérapeutique.
1 Enfin, la loi précise que le gourvernement devra préparer un rapport faisant état
notamment des principaux besoins en
matière d'observance thérapeutique et
décrivant les moyens à mettre en oeuvre dans
ce domaine. Espérons que ces éléments
seront de nature à faire évoluer la loi.
Enrique tedesma
© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS
http://dx.doi.org/10.1016/j.spsy.2012.04.004
•
11
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
mise au point
Les objectifs de la réforme
de l'hospitalisation sous
contrainte en psychiatrie
ENR1QUE LEDES1V1A
I La loi du 5 juillet 2011 réforme un texte datant du 27 juin 1990 1 Elle y ajoute des éléments repérés
comme manquants au cours des années qui ont suivi sa mise en application I L'intervention
systématique d'un juge des libertés et de la détention pourrait contrebalancer les mesures d'allégement
de la mise en soins sous contrainte I Un suivi plus contrôlé des patients "lourds" complète un dispositif
qui prévoit que les soins sous contrainte puissent désormais avoir lieu en ambulatoire.
The objectives of the reform of hospitalisation under restraint in psychiatry. The law of
July 5th, 2011 reforms legislation dating from June 27th, 1990.1t adds elements identified as missing
from the original text over the course of the yearsfollowing its application.The systematic intervention
of a liberties and detention judge could counterbalance the measures simplifying hospitalisation
under restraint. Stricter monitoring of "unwieldy" patients is also included in measures which enable
treatment under resta int to be given through outpatient care.
-
MOTS- CLÉS
• Juge des libertés
et de la détention
• Programme de soins
• Loi du 5 juillet 2011
• Soin psychiatrique
• Soin sans
consentement
KEY WORDS
• Gare programme
• Care without consent
• Law of July 5th, 2011
• Liberties and
detention judge
• Psychiatric care
L
aloi dite "de 90" [1] a fait l'objet de plusieurs
évaluations au cours des dernières années par
les inspections générales de différents ministères
(Affaires sociales, Justice, Intérieur). Elles ont
toutes conclu à la nécessité de réformer cette loi
compte tenu des difficultés constatées dans l'accès aux soins psychiatriques ainsi que de l'évolution générale des conditions de prise en charge.
L'ensemble des partenaires a été pour une évolution globale du dispositif d'hospitalisation sans
consentement, c'est-à-dire tant la procédure
d'hospitalisation que suries possibilités de maintien des soins en ambulatoire. Le vocabulaire
utilisé a évolué : on ne parle plus d' « hospitalisation
en psychiatrie », qu'elle soit libre ou sans consentement, mais de « soins en psychiatrie». La loi tente
de mettre en cohérence des éléments qui ne
l'étaient pas jusqu'à présent : les modalités et les
mesures de soins sans consentement.
Cette évolution signe un changement de
représentation des soins sans consentement
en psychiatrie, soins qui ne se résument plus
à l'hospitalisation complète mais peuvent également exister en ambulatoire ou en hospitalisation
séquentielle. Dans l'exposé des motifs de la loi du
5 juillet 2011 [2], le législateur avoulu présenter les
principaux objectifs attendus. Nous vous proposons
12
© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS
http://dx.doi.org/10.10164.spsy.2012.04.006
de les examiner afin de saisir la logique
de l'esprit de la loi.
LEVER LES OBSTACLES À L'ACCÈS
AUX SOINS
I Le premier des objectifs consiste à lever ces
obstacles et à garantir la continuité d'accès aux
soins, sans pour autant remettre en question les
fondements du dispositif actuel. Quelques
mesures facilitent l'opération, comme la simplification du dispositif en fusionnant la procédure
"normale" et la procédure d'urgence (assouplissement des conditions en matière de certificats
médicaux), ou encore la clarification du rôle du
tiers qui devient demandeur « de soins » (art.
L.3212-1) et non plus « de l'hospitalisation »,
I Les critères d'entrée dans les soins sans
consentement sur demande d'un tiers ou en cas
de péril imminent ne sont pas modifiés : impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles
mentaux et nécessité de soins immédiats assortis
d'une surveillance médicale (art. L.3212-1).
Les modes d'hospitalisation sans consentement,
à la demande d'un tiers ou en cas de "péril imminent", deviennent des hospitalisations complètes
prononcées par le directeur de l'établissement.
SOiNS PSYCHIATRIE - n°281
-juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
Les critères d'hospitalisation sans consentement
sur demande de tiers sont maintenus sur le fond
mais sont plus "souples" en cas d'urgence.
Les certificats médicaux nécessaires
I Dans un premiertemps, des certificats médi-
caux sont établis en vue de l'admission en
soins psychiatriques (art. 1.3212-1). Puis, afin de
préserver les libertés individuelles face à l'assouplissement des formalités d'admission dans le
L'admission "classique" en soins sans
cadre des soins sans consentement à la demande
consentement
de tiers, le certificat médical de vingt-quatre heures
Dans un premier cas, elle est possible lorsqu'il a
été « saisi d'une demande présentée par un membre de est complété par un certificat de soixantela famille du malade ou par une personne justifiant de douze heures (art. L.3211-2-2). Ces trois docul'existence de relations avec le malade antérieures à la ments doivent émaner d'au moins deux médecins
demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans différents. Enfin, entre le cinquième et le huil'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants tième jour, à compter de l'admission d'une perexerçant dans l'établissement prenant en charge laper- sonne en soins psychiatriques, un psychiatre de
sonne malade. Lorsqu'il remplit les conditions prévues l'établissement d'accueil établit un certificat
au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d'un majeur médical circonstancié indiquant si les soins sont
protégé peut faire une demande de soins pour celui-ci ». toujours nécessaires. Si la forme de la prise en
Cette décision d'admission sera accompagnée de charge de la personne malade n'est plus adaptée,
il en propose une nouvelle.
deux certificats médicaux circonstanciés datant
de moins de quinze jours dont l'un ne peut être Au vu de ce certificat médical, les soins peuvent
être maintenus par le directeur de l'établissement
établi que par un médecin exerçant hors de l'établissement accueillant le malade. Il devra être pour une durée maximale d'un mois. Au-delà de
confirmé par un certificat d'un second médecin cette durée, les soins peuvent être maintenus par
qui peut exercer dans l'établissement accueillant le directeur de l'établissement pour des périodes
maximales d'un mois renouvelables. Ces certifile malade (art. L.3212-1).
cats devront être établis dans les trois derniers
jours de la période en cause (art. L3212-7).
La procédure d'urgence
I Dans un deuxième cas, le patient pourra être
admis en soins par la simplification de la procédure : procédure d'urgence, dite de « péril imminent ». La procédure est facilitée afin de permettre
la mise en oeuvre rapide des soins'. Deux cas de
figure peuvent exister :
• soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une
11
demande et dans ce cas, nous pouvons noter que le
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législateur a souhaité apporter une réponse à ce
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problème récurrent dans les services d'urgence. La
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recherche du tiers se fera, dans ce cas, sur un délai
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de vingt-quatre heures après l'admission en soins
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(art. L.3212-1) ;
e iti00. 4•11teço=
• soit, lorsqu'il existe un « risque grave d'atteinte àl'inté- erp•illiane
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grité du malade», le directeur de l'établissement peut
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prononcer, àla demande de soins d'un tiers et au vu
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d'un seul certificat médical, établi par un médecin
»baumier/rat
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extérieur à l'établissement de santé, l'admission en
soins psychiatriques (art. L.3212-3).
!Mea • uIa
1 Afin de veiller aux bonnes pratiques et plus
particulièrement à ce que le recours à la procé.Certificat 24 h
dure d'urgence soit justifié par la gravité des
conséquences d'une absence de prise en charge
pour la santé du patient, un examen particulier
Certificat 72 h
des situations de ces patients par la commission
départementale des soins psychiatriques (CDSP)
est prévu'.
NOTES
1 . Cette impossibilité de mise en
œuvre rapide des soins sans tiers
était une lacune majeure de la loi
du 27 juin 1990.
2 • D'après l'exposé des motifs
accompagnant le projet de loi.
• L' hospitalisation d'office ne
pouvait avoir lieu que sur décision
préfectorale.
4 • D'après l'exposé des motifs
accompagnant le projet de loi.
•
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SOiNS PSYCHIATRIE
-
n°281 -juillet/août 2012
13
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
Les autorisations de sortie temporaire
La réforme maintient la possibilité, pour le
patient, d'effectuer des sorties de courte durée.
La durée maximale de douze heures est maintenue. Toutefois, dans le but d'alléger le travail
d'accompagnement des équipes soignantes, le
législateur a prévu que le patient puisse être
également accompagné par « un membre de sa
famille ou par la personne de confiance » pendant
toute la durée de la sortie (art. L.3211-11-1).
Les règles de la levée de la mesure de soins
La loi du 27 juin 1990 prévoyait que, si le tiers ou
un proche demandait la levée de l'hospitalisation,
le psychiatre ne pouvait s'y opposer. La seule solution pour maintenir les soins était la transformation en hospitalisation d'office (H0) 3 .
Aujourd'hui, l'article L. 3212-9 est modifié pour
donner au psychiatre traitant la possibilité d'opposition à la levée de la mesure de soins sans
consentement sur demande d'un tiers ou d'un
proche. En revanche, cette levée demeure acquise
lorsqu'elle est demandée par la CDSP.
Une période d'observation de 72 heures
L'admission en soins psychiatriques se fait systématiquement en hospitalisation complète et aménage un premier temps d'observation "initial" et
de soins en créant un nouveau certificat établi
dans les soixante-douze heures complétant celui
des vingt-quatre premières heures. De plus dans
un délai de vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique
complet de la personne (art. L.3211-2-2).
I Passé ce premier temps d'hospitalisation
complète et en fonction des conclusions de l'évaluation du patient durant cette période, l'équipe
soignante a la possibilité de prendre en charge le
patient selon d'autres modalités que l'hospitalisation complète : hospitalisation partielle ou soins
ambulatoires.
La mise en place d'un « programme de soins » ne
pourra donc se faire qu'après cette période d'observation et aux vues des conclusions des certificats médicaux (art. L.3212-4).
Le rôle de coordination et d'organisation
de l'Agence régionale de santé
1 L'Agence régionale de santé (ARS) se voit attribuer un rôle dans le soutien et l'accompagnement
des familles précisé dans l'article L.3212-4-1 qui
prévoit notamment qu'elle « veille à la qualité et à
la coordination des actions de soutien et d'accompagnement des familles et des aidants des personnes faisant
14
l'objet de soins psychiatriques mené par des établissements
de santé et par les associations ayant une activité dans le
domaine de la santé et de la prise en charge des malades».
I De plus, l'ARS organise, dans chaque territoire
de santé, un « dispositif de réponse aux urgences psy-
chiatriques en relation avec les services d'aide médicale
urgente, les services départementaux d'incendie et de
secours, les services de police nationale, les unités de la
gendarmerie nationale, les établissements, les groupements de psychiatres libéraux » etc. Un des objectifs
de ce dispositif est notamment de «faire assurer
leur transport vers un établissement de santé «. Ce
transport, précise l'article L.3222-1-1, ne peut
avoir lieu qu'après l'établissement du premier des
deux certificats médicaux et la rédaction de la
demande de soins prévus qui ne peut avoir lieu
qu'après l'établissement du certificat médical.
CRÉER LES SOINS SANS CONSENTEMENT
EN AMBULATOIRE
Le deuxième des objectifs présentés consiste à
« adapter la loi aux évolutions des soins psychiatriques
et des thérapeutiques aujourd'hui disponibles, qui permettent à de nombreux patients d'être pris en charge
autrement qu'en hospitalisation à temps plein ». Antérieurement, les psychiatres ne disposaient pas
d'autre cadre juridique que celui des "sorties d'essai" pour permettre une prise en charge ambulatoire ou en hospitalisation partielle, rendue possible
par une amélioration de l'état du patient. Certains
patients demeuraient, ainsi, en sortie d'essai durant
plusieurs années, ce qui répondait à un besoin mais
allait à l'encontre de l'esprit de la loi "de 90".
La réforme de juillet 2011 organise un régime de
prise en charge sans consentement sous la forme
de soins en ambulatoire ou en hospitalisation
partielle avec l'adjonction d'un programme de
soins en supprimant les "sorties d'essai".
La notion de programme de soins
Lorsque, sur les bases d'un avis médical d'un psychiatre qui participe à la prise en charge de la
personne, les soins sous contrainte deviennent
ambulatoires, le législateur a prévu un protocole
de soins nommé «programme de soins » (art. L.32112-1) fixant les formes de prise en charge des
patients faisant l'objet de soins sans consentement.
Le programme de soins définit les types de soins,
les lieux de leur réalisation et leur périodicité.
L'avis du patient est recueilli préalablement à la
définition du programme de soins et avant toute
modification de celui-ci, à l'occasion d'un entretien
avec un psychiatre de l'établissement d'accueil.
SOINS PSYCHIATRIE - n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
Les modalités de passage
de l'ambulatoire à l'hospitalisation
Afin d'éviter les ruptures de soins, qui ont été de
nombreuses fois constatées, l'article L.3211-11
encadre le suivi des intéressés en prévoyant que
le psychiatre participant à la prise en charge du
patient puisse modifier, à tout moment, la forme
de la prise en charge pour garantir la continuité
des soins du patient au vu de son état. À ce titre,
le psychiatre peut donc proposer une hospitalisation complète du patient.
RENFORCER LE "SUIVI" DES PATIENTS
« hospitalisation d'office » disparaît au profit d'admission en « soins psychiatriques sur décision préfectorale ». L'article L.3213-1 est modifié dans sa forme
mais prévoit toujours que : le représentant de l'État
dans le département prononce par arrêté, au vu d'un
certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un
psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques ».
I Cet article, complété de l'article 1.3213-3, précise que le rythme d'élaboration des certificats
est identique à celui des soins en psychiatrie sur
demande de tiers mais prévoit que ceux-ci soient
transmis, « sans délai au représentant de l'État dans le
département et à la commission départementale des soins
I Le troisième objectif de cette réforme porte psychiatriques [ . .1. Lorsque la personne malade est
sur le suivi « attentif des patients, pour leur sécurité et prise en charge sous la forme d'une hospitalisation
pour celle des tiers, dont l'aménagement est exigé par la complète, une copie du certificat médical ou de l'avis
consécration de la pratique des soins en dehors de l'hôpi- médical I-. . .1 est également adressée sans délai au juge
des libertés et de la détention compétent dans le ressort
tal »4. L'aspect principal du suivi est, ici présenté,
comme intimement lié à l'idée de renforcement duquel se trouve l'établissement d'accueil ».
de mesures de précautions pour certaines catégories de patients dit "potentiellement plus dangereux", c'est-à-dire les personnes déclarées
pénalement irresponsables [3] et celles séjournant ou ayant séjourné dans une unité pour
malades difficiles (UMD).
I Des dispositions ont été prévues en ce sens,
comme la réintégration du patient à l'hôpital
en cas d'absence de présentation de ce dernier
aux consultations. Elles visent à mieux encadrer
les sorties des établissements de santé, pour des
soins autres qu'en hospitalisation complète
ou pour les levées des mesures de soins sans
consentement. Pour les patients ayant séjourné
en UMD ou ayant été déclarés irresponsables
pénalement, le préfet peut disposer, pour l'aider
à prendre ses décisions, en plus du certificat médical circonstancié du médecin qui prend en charge
le patient, de deux expertises et de l'avis du
collège de soignants.
Enfin, en ce qui concerne les sorties individuelles
accompagnées de courte durée (art. L.3211-11-1)
qui répondent à des besoins et à des situations
différentes des prises en charge extrahospitahères, elles sont maintenues. Cependant, l'autorisation du préfet, qui auparavant était tacite, doit
désormais être explicite s'agissant des sorties
des personnes déclarées irresponsables pénalement
pour troubles mentaux ou ayant séjourné en UMD.
L'apparition des soins psychiatriques
sur décision préfectorale
llestprévu dans ce cas un mode d'hospitalisation à la
demande d'un représentant de l'État La formulation
SOINS PSYCHIATRIE - n° 281 - juillet/août 2012
Le rôle du préfet
Au vu des certificats médicaux établis par le psychiatre, le préfet doit confirmer la mesure initiale de
soins sans consentement à l'issue du premier mois
pour un trimestre, puis tous les semestres. À défaut,
cette décision de soins est levée (art. L.3213-4).
De plus, le préfet peut mettre fin à tout moment
à cette mesure sur proposition du psychiatre traitant ou sur proposition de la CDSP.
I Tous les certificats médicaux concluant à la
possibilité de lever la mesure, au motif que les
troubles mentaux de l'intéressé ne compromettent plus la sûreté des personnes ou l'ordre
public, doivent être communiqués au préfet, par
le directeur de l'établissement d'accueil du
malade. Le préfet a ensuite trois jours pour statuer. Ce délai peut allerjusqu' à quatorze jours s'il
demande une expertise psychiatrique.
Enfin, en cas de refus de levée de la mesure par le
préfet, c'est le juge des libertés et de la détention
qui statuera sur cette mesure (art. L.3213-5).
Les soins sans consentement
à la demande de l'autorité publique
Aujourd'hui, l'article L.3213-6 clarifie la procédure permettant de passer d'un régime de soins
sans consentement sur demande d'un tiers à une
prise en charge au titre des soins sans consentement sur demande de l'autorité publique. En
effet, sur la base d'un certificat médical du psychiatre prenant en charge le patient, le directeur
de l'établissement d'accueil peut demander au
préfet qui peut prendre une mesure d'admission
15
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
en soins psychiatriques en application de l'article
L. 3213-1.
personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre
public, elle est admise en soins psychiatriques dans les
conditions définies à l'article L.3213-1 ».
DEUX CAS JURIDIQUES PARTICULIERS
Par la suite, pour décider de la levée des soins sans
consentement des personnes irresponsables
pénalement en raison de leurs troubles mentaux ou
ayant séjourné en UMD, le préfet devra requérir :
• les avis concordants de deux experts, sur l'état
de santé du patient (et s'il le souhaite, l'avis d'un
troisième expert) ;
• l'avis du « collège de soignants » (art. L.3213-8) .
La loi a prévu les mesures nécessaires pour deux
cas juridiques précis.
L'irresponsabilité pénale
L'article L.3213-7 prévoit que « lorsqu'une personne,
qui bénéficie, sur le fondement du premier alinéa de
l'article 122-1 du Code pénal, d'un classement sans
suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un L'hospitalisation des personnes détenues
jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité L'article L. 3214-1 a été modifié afin de permettre
pénale, nécessite des soins et compromet la sûreté des l'admission de patients/détenus au sein des UMD
ENCADRÉ 1
Deux nouveaux acteurs dans la prise en charge du patient : le juge des libertés et de la détention (JLD)
et l'avocat
I La saisine du JLD au moment de la mise en oeuvre des
soins sans consentement
Cette saisine est prévue afin de demander la levée d'une mesure de
soins sans consentement, mais également pour se prononcer sur la
modalité de la forme de prise en charge. L'article L.3211-12 précise que
la saisine peut être formée par :
• la personne faisant l'objet des soins;
• les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur si la personne est
mineure ;
• la personne chargée de sa protection si, majeure, elle a été placée en
tutelle ou en curatelle ;
• son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par
un pacte civil de solidarité ;
• la personne qui a formulé la demande de soins ;
• un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la
personne faisant l'objet des soins ;
• le procureur de la République.
Le JLD ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège
(pluridisciplinaire). De plus, dans certaines conditions de "dangerosité" il
ne pourra en décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli
deux expertises.
Il est important de noter que, dans un souci de continuité des soins,
il peut décider que la mainlevée ne prendra effet que dans un délai
de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas
échéant, être établi.
I Les ordonnances des 15 jours et des 6 mois du JLD
L'article L.3212-12-1 nous dit clairement que « l'hospitalisation complète
d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la
détention
n'ait statué sur cette mesure »Al existe trois cas de figure
et deux délais importants. Le premier cas de figure, avant l'expiration
d'un délai de quinze jours à compter de l'admission prononcée.
Le deuxième se réfère au même délai mais dans le cas d'une
modification dans la forme de la prise en charge du patient ayant abouti
16
à son hospitalisation complète.
Enfin, le troisième cas évoque l'expiration d'un délai de 6 mois suivant
soit toutes les décisions judiciaires prononçant l'hospitalisation, soit
toutes les décisions prises par le juge des libertés et de la détention.
Il faut également que le patient ait été maintenu en hospitalisation
complète de manière continue depuis ces décisions.
Les saisines sont accompagnées d'un avis conjoint, se prononçant sur
la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, rendu par deux
psychiatres de l'établissement d'accueil désignés par le directeur, dont
un seul participe à la prise en charge du patient.
Lorsque le patient relève d'une irresponsabilité pénale (art. 122-1 du
Code pénal) ou fait l'objet de soins psychiatriques (art. L.3213-1 : soins
demandés par le représentant de l'État) et qu'il a fait l'objet d'une
hospitalisation dans une unité pour malades difficiles depuis moins de
dix ans, l'avis est rendu par le collège soignant.
Lorsque le juge ordonne une mainlevée, il peut, au vu des éléments du
dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet
dans un délai maximal de 24 heures afin qu'un programme de soins
puisse, le cas échéant, être établi.
I En cas de non respect des délais
-
Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas pu statuer dans les
délais prévus, la mainlevée est acquise à l'issue de chacun de ces délais,
à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine
de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des
droits de la défense.
I Un avocat pour représenter les intérêts* du patient
Dans la plupart des cas, quelques minutes avant l'audience, le patient
rencontre son avocat
L'article L.3211-12-2 précise que pendant l'audience la personne faisant
l'objet de soins psychiatriques est entendue, le cas échéant assistée de
son avocat ou représentée par celui-ci.
:
intérêt repose ici sur son sens juridique et non sur le sens thérapeutique
qu'il pourrait avoir pour les équipes pluridisciplinaires soignantes.
SOINS PSYCHIATRIE - n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
ou, lorsqu'elles sont mineures, au sein des services
de psychiatrie n'ayant pas la qualité d'unité hospitalière spécialement aménagée.
Par ailleurs, cet article précise que la prise en
charge des détenus ne peut être assurée qu'en
hospitalisation complète.
RENFORCER LES DROITS DES MALADES
Le quatrième objectif porte sur le renforcement
des droits des personnes malades et des garanties
du respect de leurs libertés individuelles. Ces
garanties sont rendues nécessaires notamment
par les assouplissements importants dans les procédures d'hospitalisation sans consentement.
Le législateur a souhaité que, régulièrement, le
patient soit informé de son état de santé et des
recours dont il peut bénéficier. L'intervention
régulière du juge des libertés et de la détention
(encadré 1) est une des garanties apportée au
patient afin d'assurer le respect de ses droits
notamment en ce qui concerne ses libertés individuelles. Enfin, les conditions de révision de la
situation des patients en soins sans consentement
sur demande d'un tiers sont renforcées en imposant un examen collégial au bout d'un an.
Des aménagements d'audience
Afin de faciliter l'organisation des audiences, le législateur a prévu la possibilité d'aménager les dispositifs.
Ainsi, l'article L.3211-12-2 prévoit deux autres possibilités afin d'éviter les déplacements au palais de justice : une salle d'audience au sein de l'établissement
ou un dispositif de visioconférence (si aucune contre
indication médicale n'est repérée).
Si le patient est assisté par un avocat, celui-ci peut,
lors des audiences en visioconférence, se trouver
auprès du magistrat ou auprès du patient.
relèvent des personnels de l'établissement d'accueil du patient : le psychiatre responsable de la
prise en charge du patient, un autre psychiatre
qui ne participe pas à sa prise en charge et d'un
représentant de l'équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient.
Cette nouvelle instance sera consultée, notamment, sur l'opportunité d'aménager la prise en
charge du patient ou de lever les soins sans
consentement lorsqu'il s'agit :
• des personnes irresponsables pénalement et
dont l'hospitalisation a été prononcée en application de l'article L.3213-7 du Code de la santé
publique ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale ou qui ont fait l'objet d'une hospitalisation en application de ces dispositions ;
• des patients séjournant ou ayant déjà séjourné
dans une UMD, pendant une durée minimale
Ce collège est, par ailleurs, compétent pour réexaminer la situation des personnes en soins sans
consentement, sur demande d'un tiers ou en
raison d'un péril imminent, depuis plus d'un an
(art. L.3212-7).
RÉFÉRENCES
111 Loi n° 90-527 du 27 juin
1990 relative aux droits et à
la protection des personnes
hospitalisées en raison de
troubles mentaux et à leurs
conditions d'hospitalisation.
http://www.legifrance.gouv.fr/
affichTextado?cidTexte=JORFTEX
T000000349384&fastPos=1&fast
Req1d=1417702860&categorieLie
n=cid&oldAction=rechTexte
[2] Loi n°2011-803 du 5 juillet
2011 relative aux droits et à la
protection des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques
et aux modalités de leur prise en
charge (www.legifrance.gouv.fr ).
http://www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JORFTE
XT000024312722&fastPos=1&fas
tReq1d=217845111&categorieLie
n=cid&oldAction=rechTexte
[3] Loi n°2008-174 du 25 février
2008 relative à la rétention
de sûreté et à la déclaration
d'irresponsabilité pénale pour
cause de trouble mental
(www.legifrance.gouv.fr ).
Un nouveau rôle de contrôle pour les CDSP
L'article L.3223-1 relatif aux missions des CDSP
renforce les contrôles suries cas les plus sensibles.
Ces situations reposent exclusivement sur deux
cas qui sont les personnes soignées sans leur
consentement sur décision médico-administrative
en l'absence de demande formalisée par un tiers
ainsi que les personnes dont les soins sans consentement, sur demande d'un tiers ou de l'autorité
publique, se prolongent au-delà d'un an.
En outre elle reçoit les réclamations des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ou
celle de leur conseil et examine leur situation.
CONCLUSION
La procédure d'appel à l'encontre
de l'ordonnance du juge
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier
président de la cour d'appel. Cet appel n'est pas
pour autant suspensif sauf en cas de risque grave
d'atteinte à l'intégrité du malade ou d'autrui (art.
L.3211-12-4). Dans ce cas, l'appel est accompagné
d'une demande faisant état du risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade ou d'autrui, et est
formé dans un délai de six heures.
La constitution d'un collège de soignants
I Un nouvel article L.3211-9 instaure un collège
de soignants, constitué de trois membres qui
SOiNS PSYCHIATRIE - n°281
-
juillet/août 2012
Au bout de quelques mois d'existence, des
aménagements et des changements de la réforme
sont annoncés. Certains évoquent même l'abrogation prochaine de la loi du 5 juillet 2011. Le
débat existe, et ce seul aspect est plutôt un signe
positif pour notre système de soins.
La seule certitude, dans ce débat, réside dans la
multiplicité des pratiques et des mises en œuvre
ainsi que dans les disparités des positions thérapeutiques et philosophiques.
•
Déclaration d'intérêts :
l'auteur déclare ne pas
avoir de conflit d'intérêts
en relation avec cet article.
L' AUTEUR
Enrique Ledesma,
formateur consultant,
École supérieure
Montsouris,
Paris (75014),
[email protected]
17
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
point de vue
Peut-on réellement se soigner
sans consentement ?
MATHIEU BELLAHSEN
VICTOR BRUNESSAUX
SERGE KLOPP
II La loi du 5 juillet 2011 suit deux logiques distinctes : celle du pan sécuritaire et celle de la protection
des personnes par l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) I Le programme de
soins s'inscrit alors comme un internement au domicile, spoliant la sincérité de la relation de
confiance recherchée par les soignants I La présentation systématique des patients hospitalisés
sous contrainte devant le JLD risque de forcer l'amalgame entre soins et délinquance II Point de
vue du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire.
Is it really possible to be treated without consent? The law of July 5th, 2011 focuses on two
distinct areas: the security aspect and that of the protection of people through the intervention of
the liberties and detention judge. The care programme thus resembles house arrest, despoiling the
sincerity of the trust-based relationship sought by caregivers.The systematic appearance of patients
hospitalised under restraint before the liberty and detention judge risks creating confusion between
care and delinquency. This article gives the viewpoint of the "39 contre la nuit sécuritaire" collective.
MOTS - CLÉS
• Clinique
• Dangerosité
• Folie
• Psychiatrie sécuritaire
• Programme de soins
• Souffrance
KEY WORDS
• Care programme
• Clinic
• Dangerousness
• Insanity
• Security-based
psychiatry
• Suffering
18
L
a loi du 5 juillet 2011 réformant les hospitalisations sans consentement est entrée en application le 1" août 2011, se substituant à la loi du
27 juin 1990. Ce changement de législation a été
le théâtre d'affrontements entre les différents
acteurs du champ de la psychiatrie (usagers, soignants, familles) mais a également marqué le
monde de lajustice avec l'introduction du recours
systématique au juge des libertés et de la détention (JLD) par le biais d'une décision du Conseil
constitutionnel [1]. Par ailleurs, cette loi a mis au
jour une prise de position d'une partie de la classe
politique en faveur d'une psychiatrie sécuritaire.
11 s'agit de l'aboutissement d'années de psychiatrie
gestionnaire associées au tournant sécuritaire du
discours d'Antony prononcé par le président de la
République, le 2 décembre 2008. L'action, notamment, du Collectif des 39 contre la nuit sécuritairel a
néanmoins permis un fléchissement sensible des
positions d'un certain nombre de syndicats, partis et
associations, créant ainsi un large front d'opposition
à la loi. Celle-ci a pourtant été adoptée par le Parlement Nous reviendrons sur le changement radical
de paradigme introduit par ce texte d'exception
entremêlant le médico-psychiatrique, le juridique et
l'administratif. En prenant l'allure d'une simple
adaptation formelle des évolutions de la loi de 1990,
cette loi contient en son sein une conception réductrice des rôles et missions alloués à la psychiatrie. Cette
dernière passerait ainsi d'une logique soignante à
une logique policière de contrôle social.
0 2012 Publié par Elsevier Masson SAS
http://dxdoi.org/10.1016/tspsy.2012.05.006
CONTEXTE GÉNÉRAL
I À l'issue de son adoption au Parlement, la loi
du 27 juin 1990 relative aux hospitalisations sans
consentement en psychiatrie devait être réformée
dans les cinq ans suivant sa mise en application. Il
aura fallu attendre la médiatisation d'un fait
divers à Grenoble en novembre 2008 pour que le
président de la République enjoigne le gouvernement à rédiger un nouveau projet de loi.
Quelques mois plus tôt, en février 2008, était
votée la loi de "rétention de sûreté" : le savoir psychiatrique était sommé de prédire la récidive
pour certains types de crimes, les personnes
concernées se voyant ainsi enfermées sur simple
présomption psychiatrique au terme de leur
peine. Ensuite, l'amalgame entre folie et dangerosité s'est répandu dans l'opinion publique sous la
forme du si médiatique "schizophrène dangereux".
1 En débloquant immédiatement 70 millions
d'euros en Janvier 2009 pour construire des
chambres d'isolement, des unités pour malades difficiles (UMD) et pour "sécuriser" les hôpitaux psychiatriques (sans accorder aucun moyen
supplémentaire pour des soins réels ou pour l'embauche de personnel), le gouvernement mettait en
acte la pente sécuritaire dans laquelle s'inscrirait le
projet de loi. Après des mois de bataille des professionnels, représentants de familles et d'usagers et
certains partis de gauche, l'ancienne majorité gouvernementale a semblé mettre en sommeil son projet
SOiNS PYSCH1ATR1E
-
n°281 -juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
I En novembre 2010, saisi par une association
d'usagers, le Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), le
Conseil constitutionnel rend une décision
concernant la nécessité de l'intervention systématique du juge des libertés et de la détention (ILD)
avant le 15' jour d'une hospitalisation sans
consentement du fait de la privation de liberté
(dans la loi de 1990, l'intervention du juge est
possible mais non systématique). Le parlement a
alors jusqu'au 1" août 2011 pour modifier la loi dont
certains articles sont taxés d'inconstitutionnalité.
I Dans les faits, la loi sera donc un patchwork
entre deux logiques distinctes voire antagonistes: d'une part, le pan sécuritaire avec le renforcement de la contrainte et du contrôle social
des patients pressentis comme une menace pour
la société ; d'autre part, celui de protection de la
liberté des personnes internées contre leur gré,
supposé garanti par l'intervention du JLD.
LÉGIFÉRER SUR LES PRATIQUES?
I Plusieurs éléments ont concouru à l'adoption de ce projet de loi. Tout d'abord, l'illusion
selon laquelle un tel texte pourrait résoudre certains problèmes posés dans le quotidien des pratiques, consubstantiels à l'exercice de la
psychiatrie (qu'il s'agisse des "sorties d'essai" se
prolongeant indéfiniment, de la difficulté de travailler le déni de la pathologie dans certains cas,
de fonder une alliance thérapeutique entre les
équipes de psychiatrie, es patients et leurs familles
etc.). D'autre part, l'abandon réel des patients et
des familles Dans de nombreux endroits, le soin
se réduit à une hospitalisation pour traiter la "crise"
et rééquilibrer le traitement médicamenteux, obligeant les familles à gérer seules le quotidien de leur
malade souffrant psychiquement.
I Certaines évolutions de la psychiatrie, en se
nourrissant des normes gestionnaires
actuelles (durée moyenne de séjour courte,
intervention centrée exclusivement sur le traitement médicamenteux etc.), en abandonnant le
côté relationnel du soin psychique et l'accompagnement nécessaire pour les patients ,‹ aigus du
quotidien » [2] mettent au ban du soin les patients
les plus en difficultés, les plus malades, les plus
pauvres et leurs familles quand ils en ont encore
une. De fait, le climat inhospitalier régnant dans
de nombreux services de psychiatrie a tendance
à faire fuir les patients, àjuste titre. Plutôt qu'une
remise en question des pratiques dégradées sévissant en psychiatrie (manque de formation,
SOINS PYSCH1ATR1E - n° 281
-
juillet/août 2012
manque de personnels, hiérarchies rigides dans
les services, conception des maladies mentales
calquées sur le modèle des pathologies somatiques, traitement centré sur le symptôme et les
troubles plutôt que sur une approche relationnelle) ce sera aux patients de s'adapter, à leur
corps défendant.
I Les « soins sans consentement en ambulatoire » [3] rebaptisés dans la loi du 5 juillet 2011
en « admission en soins psychiatriques en application
des chapitres II et III du présent code » ont été promus
comme la panacée pour prévenir ces dérives,
panacée fondée sur l'amalgame pour les patients
en proie à des pathologies psychotiques entre
soins et traitement médicamenteux (de type
injection mensuelle de neuroleptique retard
notamment). Si les médicaments sont la plupart
du temps nécessaires dans les pathologies psychiques graves, ils ne sont quasimentjamais suffisants en tant que tels, car ils ne peuvent se
substituer à l' accompagnement et à la création de
dispositifs accueillants, chaleureux et vivants dans
les secteurs psychiatriques, associatifs et médicosocial. Et pourtant les discours lénifiants ont
abondé dans ce sens lors des débats sur la loi. De
plus, l'internement au domicile par les "soins"
sans consentement en ambulatoire est un outil
pratique pour remplir les objectifs gestionnaires
de désengorgement des lits d'hospitalisation et
pour faire accepter implicitement la logique de
pénurie qui sévit depuis de nombreuses années
en psychiatrie : les patients n'ont plus besoin
d'être hospitalisés longtemps puisqu'ils peuvent
être désormais contraints à se soigner en dehors
de lieu d'hospitalisation. N'étant plus limité aux
murs de l'hôpital, le système asilaire pourra désormais s'inviter jusque dans l'intimité des personnes. Ainsi, il sera désormais possible de forcer
un citoyen à se soigner n'importe où dans la cité,
y compris à son domicile, la contrainte se déplace
d'un lieu (l'hôpital psychiatrique dans la loi de
1990) à un état (celui de personne en «programme
de soins » qui précise lieux, dates, heures et rythmicité de tels "soins").
I Le plus étonnant est de constater que cet
état de contrainte aux soins n'est pas jugé privatif de liberté, puisque le Conseil constitutionnel
ne l'a pas prévu. Ce dernier ne pouvait le faire
étant donné que cette procédure de contrainte
au domicile n'existait pas au moment de sa saisie.
Donc, cela ne donne pas lieu à l'intervention du
JLD, seuls les patients hospitalisés à temps plein
passent devant le juge. Pourtant il s'agit là d'un
important précédent, remettant en cause l'un des
NOTES
1. Le Collectif des 39 contre
la nuit sécuritaire est né pour
répondre au discours de Sarkozy
du 2 décembre 2008 qui, à partir
d'un fait divers isolé, visait à
faire passer la psychiatrie d'un
dispositif de soins à un dispositif
de contrôle social. Il regroupe
des professionnels (psychiatres,
infirmiers, psychologues,
éducateurs...), des usagers, des
parents et des citoyens.
2. Le collège est composé d'un
psychiatre participant à la prise
en charge (PEC) du patient,
d'un psychiatre ne participant
pas à la PEC du patient et
d'un représentant de l'équipe
pluridisciplinaire participant à la
PEC du patient.
3. Cette formule est du juge Serge
Portelli qui l'a déclarée devant
plus d'un millier de personnes au
meeting du Collectif des 39 contre
la nuit sécuritaire le 17 mars 2012.
'19
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
RÉFÉRENCES
[1] Décision du 26 novembre
2010: http://www.
conseil-constitutionnetfr/
decision/2010/2010-71-qpc/
decision-n-2010-71-qpc-du-26novembre-2010.50790.html.
[2] Buzare A. La psychothérapie
institutionnelle, c'est la
psychiatrie! Nîmes: Champ
social; 2002.
[3] Loi n° 90-527 du 27 juin
1990 relative aux droits et à
la protection des personnes
hospitalisées en raison de
troubles mentaux et à leurs
conditions d'hospitalisation.
http://www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JORFTEX
T000000349384&fastPos=1&fast
Req1d=1417702860&categorieLie
n=cid&oldAction=rechTexte
[4] Foucault M. Histoire de
la folie à l'âge classique.
Paris:Gal limard;1976.
[5] Gentis R. La psychiatrie
doit être faite/défaite par tous.
Paris:éditions Maspero;1973.
fondements du droit français, l'inviolabilité du
domicile, sans commission du juge.
I À n'en pas douter, ce sont de tels "soins"
contraints qui résument la bascule blopolitique et normative de notre lien social : toute
personne passant en hospitalisation psychiatrique
sans son consentement peut se voir imposer un
« programme de soin » et revenir à l'hôpital si ce
dernier n'est pas respecté. Inutile de dire que
cette disposition est une ouverture du parapluie
pour les professionnels : à la contrainte subjective
qui peut exister entre un psychiatre, une équipe
et un patient (qui force ce dernier à rester hospitalisé parce qu'il s'inquiète pour lui, parce qu'il
le connaît depuis un certain temps, parce qu'un
lien transférentiel existe), se substitue la
contrainte protocolisée et désincarnée du substrat relationnel nécessaire à une psychiatrie faisant hospitalité à la folie.
Enfin, dans cette loi, une nouvelle classe de
patients fait son apparition, les patients « réputés
dangereux » par le législateur qui vont voir leur
possibilité de sortie du dispositif contraint beaucoup plus restreinte : à savoir les patients ayant
dans leurs antécédents des soins à la demande du
représentant de l'État (ex-hospitalisation d'office) à la suite d'une décision d'irresponsabilité
pénale ou hospitalisés en unité pour malades
difficiles (UMD) depuis moins de dix ans. Ceux-là
devront passer devant un "collège d'experts"
pour toute décision les concernant. Il s'agit, de
fait, de la constitution, sans le dire et donc sans
demander l'avis de la Commission nationale
informatique et liberté (CNIL), d'un fichier de
ces patients. Fichier qui pourrait consister en une
utilisation détournée du dossier patient unique
informatisé violant ainsi l'un des fondements
déontologiques nécessaire à l'exercice de la
médecine, à savoir le secret médical.
RECOURS SYSTÉMATIQUE AU JUGE
« Quand la folie devient une infraction. 3 »
Le passage devant le juge aura pris de cours la
magistrature, sommée de répondre à cette disposition légale à moyens constants. Dans la loi, il sera
ainsi proposé d'avoir recours à l'aberration de la
‹( vidéo audience » quand les patients ne pourront
se rendre au tribunal ou quand les juges ne pourront faire des « audiences foraines » dans les lieux
d'hospitalisation. Au quotidien, malgré les explications données par les professionnels, ce passage
devant le juge (qu'il soit des libertés et de la détention
ne rassure en rien) est souventvécu par les patients
20
comme une criminalisation de leur maladie,
patients dont l'état psychique est souvent précaire
dans les premiers jours d'hospitalisation.
LA LOI, ENTITÉ NATURELLE
OU CONSTRUCTION POLITIQUE?
I Si la loi est souvent présentée aux jeunes
professionnels comme un cadre naturel, allant
de soi, rappelons qu'elle est en réalité une construction politique et sociale issue de rapports de
forces entre différents acteurs. Tout comme l'ensemble de normes qui traversent le champ psychiatrique, qu'elles soient gestionnaires,
sécuritaire ou hygiénistes, il est nécessaire de s'intéresser au contexte qui a vu naître une loi et en
quoi son application répond à des objectifs idéologiques précis, qu'ils soient émancipateurs, réactionnaires ou conservateurs. Mais comment cela
se passe-t-il dans les enseignements dispensés aux
futurs psychiatres ?
I L'apprentissage des modalités d'application
de la loi par les jeunes médecins a lieu durant
les premières années d'études, avant le passage
des épreuves classantes nationales et le choix de
la spécialisation en psychiatrie. La présentation
en est assez limitée et pragmatique : à des symptômes correspond une maladie bien identifiée,
nécessitant une prise en charge protocolaire avec
un traitement défini, ainsi qu'une hospitalisation
soit avec l'accord du patient en soins psychiatriques libres (SPL), soit sans son accord en soins
psychiatriques à la demande d'un tiers (SPDT),
ou en l'absence de tiers et en soins psychiatriques
à la demande du représentant de l'Etat (SPRE).
Les détails s'arrêtent là. Les internes ayant choisi
la psychiatrie n'ont ensuite aucune autre information concernant la loi, et l'arrivée des jeunes
psychiatres dans les unités d'hospitalisation
montre une réalité bien plus complexe et contraignante. La lourdeur administrative peut décourager certains à proposer des permissions aux
patients ou leur fait différer une sortie. L'incompréhension initiale de la loi place donc une véritable barrière empêchant la rencontre et le soin
relationnel entre le praticien en formation et le
patient. L'application d'un protocole de soins
prenant plus de place qu'une réflexion clinique.
RÉSISTER À UNE LOI ILLÉGITIME
I Devant de telles dérives sécuritaires, il nous
paraît important de témoigner de notre expérience clinique. Si nous sommes résolument
SOiNS PYS0-11ATR1E - n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
contre la loi du 5 juillet 2011 et son amalgame
entre folie et dangerosité, conception réductionniste du soin basée sur l'entrecroisement du
médicament et du principe de précaution, nous
devons nous donner les moyens de lutter politiquement pour son abrogation et cliniquement
pour son dépérissement.
Il nous paraît donc important de témoigner de
notre engagement clinique et politique auprès
des patients et de leurs familles Responsabilité
éthique et subjective qui ne peut s'abriter derrière
un arsenal législatif, de protocoles ou de "bonnes
pratiques" visant à dégager la responsabilité légale
des soignants, sauf à penser que les soignants permettent d'éviter les procès plutôt que soigner et
prendre soin...
Il est ainsi de notre responsabilité de ne pas laisser
dériver la psychiatrie vers la gestion de l'urgence
et de la crise et de penser, toujours et encore, le
secteur psychiatrique comme un dispositif de
désaliénation, de psychothérapie institutionnelle
fondée sur des soins psychiques relationnels faisant place à l'étrangeté d'autrui, à son accueil et
au travail de perlaboration psychique.
Rappeler aussi qu'il est possible de privilégier les
hospitalisations libres, de lever la contrainte avant
le passage devant le juge si l'état clinique de la
personne le permet, de ne pas prescrire de programme de soins une fois que le patient est sorti
de l'hôpital. Politiquement, nous avons pris
comme décision de refuser l'application des programmes de soins en ambulatoires, ceux-ci nous
servent uniquement à faire des sorties seul pour
les patients dans le cadre d'une hospitalisation.
CONCLUSION
•
Les "soins" promus par la loi partent d'un
postulat précis : ce qui soigne, ce sont d'abord
et avant tout les médicaments. Si l'on pensait que
la folie et les problématiques existentielles
complexes se traitent uniquement par des médicaments, en effet, leur caractère obligatoire serait
le meilleur choix pour répondre à la demande
sécuritaire actuelle entrecroisant principe de précaution et idéologie fantasque du risque zéro.
I Ce réductionnisme structurerait les "soins"
autour de la prise régulière de médicaments,
et notamment pour les patients étiquetés "psychotiques", sur l'injection mensuelle d'un neuroleptique retard. Mais peut-on, en raison et avec
sérieux, appeler cela des soins ? Est-ce cela l'idée
contemporaine que l'on se fait de soins psychiques de qualité tenant compte de la spécificité
SOiNS PYSCHIATRIE - n°281 - juillet/août 2012
de la psychiatrie dans le champ médical et social ?
Alors que cinquante ans de lutte contre la ségrégation des plus fous d'entre nous ont permis,
quand les moyens et une formation de qualité
étaient au rendez-vous, de réintégrer les "malades
mentaux" dans la cité, force est de constater que
l'arrivée des "soins" sans consentement en ambulatoire reconstruit un système asilaire qui sera non
plus limité à l'hôpital mais s'étendra au domicile,
donnant ainsi l'illusion à la cité de se protéger de
ses membres les plus en marge.
Un « grand renfermement » [4] à domicile ; solution sécuritaire dont l'efficacité gestionnaire pour
répondre à la baisse du nombre de lits et des
moyens alloués au développement des structures
ambulatoires, nous apparaît comme la trace au
mieux d'une déraison, au pire d'un cynisme
d'État.
I Cette extension illimitée de la contrainte
dans le champ social marque un changement
paradigmatique du rôle alloué à la psychiatrie.
Au nom du principe de précaution, toute personne un tant soit peu en marge des normes
dominantes devra être mise sous contrôle puis
normalisée par de tels "soins". Cette légitimation
d'un État d'exception se fait au détriment d'un
accueil de la souffrance singulière des patients,
de l'écoute et du temps nécessaire pour mettre
en place une relation de confiance et des créations que nous devons trouver au quotidien pour
soigner les patients d'une manière singulière et
non ségrégative. Dans cette perspective, il nous
paraît important pour la suite de prendre acte des
prises de positions affichées lors du meeting du
Collectif des 39 du 17 mars 2012. Alors que nous
avions invité la plupart des candidats aux élections
présidentielles et législatives, seuls les représentants de l'ensemble des partis de gauche sont
venus et se sont prononcés clairement pour
l'abrogation de la loi du 5 juillet 2011.
Si le Conseil constitutionnel a déclaré, le 20 avril
dernier, contraire à la Constitution le paragraphe II de l'article L.3211-12 du Code de la
santé publique et son article L.3213-8, ces deux
dispositions, issues de la loi du 5 juillet 2011, ne
pourront être aborgées que le 1" octobre 2013
afin que le législateur puisse revoir sa copie.
Il demeure qu'il nous appartient— collectivement
et individuellement — au niveau local et national
de subvertir, avec les patients et leurs familles, de
telles lois qui tendent à empêcher des soins psychiques de qualité. « La psychiatrie doit être faite et
defaite par tous » rappelait Roger Gentis [5] et donc
par chacun !
•
Déclaration d'intérêts
les auteurs déclarent
ne pas avoir de conflit
d'intérêts en relation avec
cet article.
LES AUTEURS
Mathieu Bellahsen,
psychiatre du secteur
adulte 91G08 dans
l'Essonne,
membre fondateur du
Collectif des 39 contre la
nuit sécuritaire et d'Utopsy
Victor Brunessaux,
interne en psychiatrie,
secteur 91G08,
AFFEP (Association pour
la formation française
et européenne en
psychiatrie),
Serge Klopp,
cadre de santé,
secteur 91G08,
membre fondateur du
Collectif des 39 contre la
nuit sécuritaire,
Étampes, (91152),
[email protected]
www.collectifpsychiatrie.fr
21
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
pratique soignante
L'intérêt d'un travail
collaboratif pluridisciplinaire
NATHALIE ALAMOVVITCH
MARIE-NOËLLE VACHERON
CAROLINE NAVION
1 Le centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris (75), a anticipé la mise en vigueur de la loi du 5 juillet
2011 en initiant un groupe de travail pluridisciplinaire I L'implication majeure de la direction des
affaires juridiques et des usagers est ici à souligner I Cette démarche rend compte aujourd'hui
d'un premier bilan sur l'impact des soins et des organisations.
The interest of multi-disciplinary collaborative work. Sainte-Anne hospital in Paris anticipated
the application of the law of July 5th, 2011 by initiating a multi-disciplinary task force. It is important
to highlight the major involvement of the directorate for legal affairs and users. This task force is now
presenting an initial report on the impact on care and organisations.
MOTS-CLÉS
• Accès aux soins
• Droit des patients
• Juge des libertés
et de la détention
• Programme de soins
• Service juridique
KEY WORDS
• Access to care
• Gare programme
• Legal department
• Liberty and detention
judge
• Patients' rights
L
es nouvelles modalités d'hospitalisation en
psychiatrie mises en place par la loi du 5 juillet
2011 ont nécessité une anticipation de la réforme
par la direction des affaires juridiques et des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne (CHSA),
ainsi qu'un nouveau mode d'organisation et de
gestion sur le plan administratif. Elles ont surtout
révélé la nécessité et l'intérêt d'un travail collaboratif pluridisciplinaire en renforçant les liens
administration-services de soins, permettant de
mettre en oeuvre ensemble un dispositif complexe
en respectant les droits des patients. Le service
juridique du CHSA et le secteur 75G13 (14e arrondissement de Paris) ont souhaité faire part de leur
expérience de partenariat pour illustrer l'importance de ce travail collaboratif.
établissements de la communauté hospitalière de
territoire de Paris en préfiguration' constitué
de 10 fiches pratiques, une synthèse des principales mesures, les textes, les références réglementaires et liens internet utiles :
• avec chaque service de soins par le biais de réunions d'information "sur mesure" et d'échanges
entre le 25 juillet et fin décembre 2011 : plus de
400 participants dénombrés,
• avec les secrétaires médicales concernées de
l'établissement, maillon essentiel de la gestion des
hospitalisations sans consentement entre services
de soins et administration,
• avec la mise en place d'une hot lime à la direction
des affaires juridiques et des usagers permettant
DES SOINS PSYCHIATRIQUES
de répondre à toutes interrogations des services,
ainsi que réfléchir collectivement aux cas concrets
pour lesquels les dispositions de la loi du 5 juillet
restaient "obscures" : près de 200 appels recensés.
1 Concrètement, sa mise en place s'est dérou-
LES IMPACTS DE LA RÉFORME
L'ANTICIPATION DE LA RÉFORME
lée en plusieurs temps :
22
• en amont avec le vice-président du tribunal de
1 Ils sont aujourd'hui multiples dans la gestion
grande instance de Paris (TGI) par le biais de
réunions préparatoires regroupant l'ensemble
des acteurs concernés par sa juridiction ;
• au sein de la direction des affaires juridiques et
des usagers par une importante analyse des textes
jusqu'à l'intégration de la seconde question prioritaire de constitutionnalité (QPC), adoptée le
9 juin 201P juste avant la promulgation de la loi.
Ce travail a débouché sur la création d'un guide
pour l'application du nouveau dispositif, disponible
sur l'intranet de l'établissement. Par ailleurs, ce
documenta alimenté un travail en commun avec les
des hospitalisations sur le plan administratif.
0 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
http://dx.doi.org/10.1016/j.spsy.2012,05.002
Cela se traduit par :
• une charge de travail supplémentaire pour
l'équipe du bureau des hospitalisations sans
consentement : multiplication et création de
documents administratifs, mise en place d'outils
informatiques adaptés (tableaux de bord, suivis,
alertes, etc.) , élaboration de procédures spécifiques (réunion des collèges, etc.), mise à jour
des documents à destination des usagers. Cela a
provoqué un réel changement des pratiques et
une réactivité de tous les instants ;
SOINS PYSCHIA'T'RlE - no281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
• une nouvelle relation entre le CHSA et le juge
des libertés et de la détention (ILD), à l'appui
d'une ligne cryptée entre le bureau des hospitalisations sans consentement, le greffe du tribunal
et la préfecture. Avec l'accord du TGI, l'établissement a organisé une audience foraine dans
une salle spécifiquement aménagée, permettant
aux patients "auditionnables" mais non transportables de se présenter devant le juge. L'expérience fut concluante et pourrait se renouveler
une fois par mois.
I Cette réforme, par-delà les controverses et
les réelles difficultés de mise en oeuvre, a permis un renforcement du droit des patients en
faisant intervenir systématiquement le JLD pour
toute hospitalisation sans consentement dépassant les quinze jours. Elle a permis aux professionnels des établissements de santé concernés de
réfléchir et de travailler en collaboration plus
étroite, et de découvrir un nouveau partenaire
qui agit de sa place, dans l'intérêt du patient.
POINT DE VUE DU SERVICE DE SOINS
La loi du 5 juillet 2011 consacre un difficile équilibre entre la protection des droits individuels des
patients avec l'intervention dujuge des libertés et
de la détention au quinzième jour de l'hospitalisation, et la protection de la société par le biais des
mesures concernant une certaine catégorie
de patients réputés dangereux. Son application
soulève de nombreuses questions, tant pour
les psychiatres que pour les agents administratifs
(encadré 1), en raison de la difficulté de compréhension d'un texte complexe, de l'accroissement
des tâches administratives au détriment du soin.
D'où l'importance pour les soignants d'avoir
pu bénéficier d'une explication de la loi par le
service juridique du CHSA, et d'une véritable
hot une surtout dans les premiers mois. Le secteur
75G13 est un secteur parisien, intervenant sur
un bassin de population très contrastée, de
136 000 habitants.
NOTES
1, Décision 2011-135/140 du 9 Juin
2011, Monsieur Abdellatif et autres
(portant sur les hospitalisations
d'office).
2. Dépêche APM du 8 août 2011
COOH8001.
ENCADRÉ 1
Le secrétariat médical, vers de nouvelles fonctions ?
Le secrétariat médical est la charnière entre les médecins et
l'administration de l'établissement, il gère notamment les admissions,
s'assure de leur conformité et de la rédaction des certificats médicaux.
Le ler août 2011 débute un véritable casse-tête pour les secrétaires
médicales en psychiatrie. Le premier objectif a été de réaliser à notre
initiative un schéma synthétique et didactique pour les équipes de notre
service (et pour nous) suite aux réunions d'informations sur la nouvelle
loi. Il a fallu lire, relire, décrypter et enfin comprendre les tenants et les
aboutissants de celle-ci, et ce, dès fin juillet; la lecture d'une loi n'est pas
simple et n'est pas à la portée de tous, mais nous avons pu bénéficier
du soutien et de la disponibilité de la direction des usagers au quotidien.
Nous nous tenons prêtes et très vite nous découvrons alors la
multiplication des certificats et l'ampleur de la charge de travail, dans la
période du mois d'août et la moitié des effectifs habituels. Entre théorie
et réalité de terrain : les douze premiers jours de l'hospitalisation sous
contrainte d'un patient sont rythmés par une multitude de certificats,
à date fixe, ce qui nécessite une rigueur et une organisation "sans faille" ;
douze jours qui deviennent une course après les psychiatres,
en composant avec les attentes du JLD.
Les contraintes s'accumulent rapidement et s'installent avec entre
autres :
• la préparation des "certificats du jour' qui découragent les
médecins lorsqu'ils arrivent;
• la rédaction des certificats du week-end : qui a le droit de rédiger ?
Il faut s'organiser avec les médecins d'astreinte et planifier ce qu'ils
doivent rédiger et à quelle date (entre le certificat des vingt-quatre heures
et le certificat des soixante-douze heures);
SOiNS PYSC111ATR1E - n°281 - juillet/août 2012
• les convocations des patients au tribunal qui arrivent parfois
très tard, à transmettre d'urgence aux équipes soignantes pour organiser
le transport;
- les délais très courts si le directeur, sur avis du médecin, veut faire appel
de la décision du JLD (dans les vingt-quatre heures selon la loi mais qui se
révèlent seulement être six heures en pratique);
• la difficulté d'une non-conformité d'une hospitalisation
13212-1-2 (péril imminent) rédigée par erreur par un médecin exerçant
dans l'établissement d'accueil, un vrai problème pour régulariser
rapidement et refaire le certificat de placement;
• les patients hospitalisés en admission en soins sans consentement
à la demande du représentant de l'État (Aspre) : la difficulté d'une entrée
le vendredi à 16 heures et les sorties de courte durée à prévoir quelques
jours avant pour obtenir l'autorisation du représentant de l'État ;
• les permissions de week-end et programmes de soins : lorsque
le patient rentre après ses quarante-huit heures de sortie, faut-il rédiger
un certificat ? si oui, lequel ? (situation ? réintégration ? Ce point reste
à éclaircir).
Nous nous interrogeons sur l'organisation de nos collègues en province
qui ont souvent moins de moyens et sur leur façon de mettre en
application la loi. En effet, l'interprétation diffère en quelques points
selon les établissements, ce que nous avons pu constater lors de
transferts de patients.
Enfin, nous nous questionnons également sur notre quotidien qui est
rythmé par les certificats la moitié de la journée, et notre avenir à devenir
"secrétaires des certificats".
L'équipe des secrétaires du secteur 75G13,
centre hospitalier Sainte-Anne
23
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
RÉFÉRENCES
[1] Naudin J, Lançon C,
Bouloudnine S. Soins sans
consentement : trois mots, trois
problèmes. Revue Santé Mentale
2011;161:25-30.
[2] vacheron MN, Laqueille X.
L'admission en soins
psychiatriques sous contrainte :
apports et limites de la loi du
5 juillet 2011. Revue Laennec
2012;1:10-23.
[3] Braitman A et al Critères de
prise de décision aux urgences
de l'hospitalisation sans le
consentement. Ann Med Psychol
2011;169;10:664-667.
[4] Lachaux B. Clinique et éthique
du consentement. Rhizome
2011;42:2-3.
Au-delà de ces considérations, qu'en est-il actuellement au quotidien ? Nous souhaitons aborder
ici la difficile question des soins sans consentement en ambulatoire à partir de deux vignettes
cliniques (encadrés 2 et 3).
pathologie dans l'expérience qu'ils ont vécue [1] .
Le programme de soins ouvre alors la possibilité
de soigner en ambulatoire si le degré d'autonomie du patient est suffisant et si l'entourage est
présent et soutenant.
LA LOI FAVORISE L'ACCÈS AUX SOINS
ET LE MAINTIEN DANS LES SOINS
LES LIMITES DE CES DIFFÉRENTES MESURES
La loi instaure la possibilité de soins ambulatoires
sans consentement après une période d'observation
initiale de soixante-douze heures, par le biais de
l'établissement d'un programme de soins.
Cette mesure rassure à la fois :
• les proches, souvent traumatisés par la décision
de l'hospitalisation qui imaginent que cette obligation de soins suffira à éviter la rechute ;
• le patient, qui est informé qu'il sera revu à vingtquatre puis à soixante-douze heures de la décision
des soins sans consentement, et de la possibilité
de suivi en ambulatoire dans un cadre précis ;
• le JLD, qui va parfois préconiser le programme
de soins après l'audition d'un patient et sans toujours tenir compte des certificats médicaux établis.
Cette période de soixante-douze heures est particulièrement utile à la fois pour les soignants et les
patients :
• pour les soignants, ce temps permet l'évaluation
de la pathologie et la rencontre avec l'entourage ;
• pour les patients, qui vont pendant cette durée,
être aidés à prendre la mesure de la part de leur
La possibilité de soins sans consentement
en ambulatoire peut avoir un effet pernicieux
dans cette période où nous manquons de lits de
façon récurrente, et où l'établissement du programme de soins autorise des sorties plus rapides.
Le risque est de devoir aller chercher un patient
en rupture de soins prématurée parce qu'il n'aura
pas eu le temps suffisant pour accepter la maladie,
comprendre l'importance de prendre un traitement et l'objectif du programme de soins. Celuici est par ailleurs difficile à mettre en place en cas
de domicile indéterminé, le patient restant alors
hospitalisé pour raisons sociales et non thérapeutiques, du fait de structures d'aval saturées ou
inexistantes [2] .
Lorsque le programme se prolonge sur une
durée assez longue du fait de la difficulté du
patient à reconnaître sa pathologie mais non ses
symptômes, ou de la crainte du psychiatre de
"perdre" son patient, il peut perdre son sens initial,
qui est celui de conduire à une reconnaissance
des troubles et à un libre consentement aux soins.
Il s'assimile alors pour le patient à une privation
ENCADRÉ 2
Madame L
Madame L. est hospitalisée à la demande d'un tiers dans le service au
décours d'une visite à domicile du centre médico-psychologique (CMP),
après un signalement effectué par le mari de la patiente, son généraliste
et la mère de cette dernière. Femme au foyer, après une formation de
vétérinaire, mère de 5 enfants et catholique pratiquante, Madame L. a
progressivement développé des idées délirantes à thématique mystique
et sexuelle centrées sur son mari, et à thématique persécutive centrée
à la fois sur son mari mais également l'entourage familial à l'exception
de ses enfants. Elle s'est séparée de son mari depuis environ deux ans
et souhaite divorcer. L'inquiétude de l'entourage est liée à des menaces
suicidaires récentes de la patiente avec risque pour les enfants, et
refus de soins. À son entrée, son discours est projectif, et interprétatif
avec une note passionnelle. Elle accepte cependant le traitement
et demande à rester en lien avec son avocat d'autant qu'elle doit se
présenter devant le juge pour enfants cinq jours après son admission.
Cette audition fait suite au signalement des grands-parents maternels
inquiets de ne plus voir leurs petits enfants et de l'état de leur fille.
Au bout de quelques jours de traitement antipsychotique, l'état de
24
Madame L s'apaise. Elle apparaît moins sthénique et moins virulente
bien que son discours reste paralogique et persécutif. Le mari est reçu
en sa présence, et l'évaluation de la situation familiale est effectuée avec
lui mais également avec les grands-parents, le médecin généraliste et
l'avocat de la patiente. La patiente reconnaît être moins angoissée avec
le traitement, bien qu'elle ne perçoive pas le caractère pathologique de
son comportement et de ses propos. Afin de maintenir l'alliance initiale,
il est décidé de proposer très rapidement le maintien de la mesure de
soins sans consentement avec établissement d'un programme de
soins, et pour lui permettre de se rendre à l'audition prévue avec le juge
pour enfants avec son mari et ses enfants. Un mois après cette sortie, la
patiente se rend toujours régulièrement à ses consultations et accepte
un traitement d'action prolongée. L'objectif a été ainsi de tenter un
climat de confiance et une alliance avec la patiente par le biais de soins
ambulatoires sans toutefois risquer l'interruption de la continuité du
traitement dès la sortie de l'hôpital, de maintenir son lien à ses enfants
âgés de 15 à 5 ans et son insertion sociale.
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n° 281
-
juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
ENCADRÉ 3
Monsieur S
Monsieur S. est un jeune homme de 25 ans, hospitalisé dans le service
pour la première fois. Cette hospitalisation fait suite à un épisode
psychotique aigu marqué par une claustration à domicile depuis
plusieurs mois, un désinvestissement de ses études, un discours
allusif et rationalisant, une discordance idéo-affective avec froideur de
contact, et rires immotivés ainsi qu'une menace de passage à l'acte
auto et hétéroagressif envers ses parents chez qui il vit. À l'entrée le
patient est dans le déni des troubles, et refuse les soins. Son discours
est paralogique, par moments vide de sens et allusif. Sa réticence
est sous-tendue par un vécu délirant persécutif flou probablement
imaginatif et interprétatif. Il est discordant et très ambivalent avec un
déni des difficultés relationnelles et intellectuelles. Lors de l'audition
à J+15 devant le JLD, le patient se présente calme avec un discours
rationalisant et banalisant. Malgré les différents certificats, le JLD
propose la mise en oeuvre d'un programme de soins. Au terme d'une
réunion pluridisciplinaire, il est décidé de faire appel de cette décision
du fait de l'état clinique du patient avec prédominance de symptômes
négatifs à type de repli, d'apragmatisme, d'évitement du contact,
de troubles cognitifs à l'origine d'un désinvestissement des études,
de symptômes positifs à type d'idées délirantes à thème persécutif,
dysmorphophobique, d'empoisonnement et mégalomaniaque, de déni
des troubles et d'absence d'adhésion au traitement. Le délai est presque
dépassé en raison de la nécessité d'évaluer la situation et nous faisons
alors appel à l'administration pour comprendre la décision du JLD et
assurer la transmission de notre recours dans les plus brefs délais. Le
programme de soins apparaît en effet prématuré, l'état du patient étant
incompatible avec un suivi ambulatoire, le risque étant un nouveau
repli à domicile, et un passage à l'acte auto-agressif dans un contexte
anxieux et dissociatif. L'appel est accepté et l'hospitalisation complète
maintenue. Cependant monsieur S. apparaît alors très revendiquant
envers l'équipe soignante, dans une méfiance accrue et une grande
réticence. Les entretiens sont centrés sur les voies de recours possibles
et non sur la maladie. Les parents en revanche apparaissent soulagés
par le maintien de la mesure, évoquant la possibilité pour eux si celle-ci
avait été levée de porter plainte contre le service. L'adhésion partielle
aux soins ne sera obtenue qu'après plusieurs mois de prise en charge
avec maintien de la continuité des soins par le biais d'une prise en
charge en hôpital de jour.
de liberté puisqu'il ne peut aller et venir à sa guise.
Le discours devient centré sur la contrainte, le vécu
persécuff des soins, les voies de recours possibles,
et non plus sur les symptômes éprouvés par le
patient et sa souffrance. Au contraire le patient
peut accepter de façon docile et passive cette obligation de soins, ne tentant aucune élaboration
par rapport à son expérience passée de la maladie, ne se donnant pas la possibilité d'agir par
lui-même.
1 Enfin le programme est parfois demandé par
le juge au quinzième jour de l'hospitalisation,
malgré l'avis circonstancié du psychiatre. La difficulté alors pour ce dernier en cas d'appel de
cette décision, est de maintenir la confiance du
patient et parfois de l'entourage. Là encore le travail d'élaboration autour des symptômes et du soin
disparaît pour ne laisser la place qu'au discours
centré sur l'administratif et le droit du patient,
illustré par le cas de Monsieur S. (encadré 3).
de l'établissement du programme, de ses modalités d'application, de la désignation de ceux qui
seront porteurs du programme de soins tant le
psychiatre que les infirmiers référents du patient,
l'assistante sociale, le psychologue.., et de sa
durée. Elle est d'autant plus nécessaire que la loi
conduit àun changement de pratiques par le biais
de la disparition de la réflexion psychodynamique
pour une clinique factuelle, descriptive et
comportementale mise en évidence par la multiplication des certificats. Les médecins se transformant ,< en techniciens de santé» pour reprendre les
termes de Bernard Lachaux [4] . Ces certificats
sont rédigés non plus en fonction du patient mais
de celui qui va les lire : l'administration, l'avocat
du patient, le juge, etc. La loi introduit là un
regard extérieur dans le soin qui n'est plus ce
rapport singulier entre le soignant et son patient.
VERS UNE MODIFICATION DES PRATIQUES
La possibilité de soins sans consentement en
ambulatoire légalise la pratique ancienne des
sorties d'essai prolongées. Elle évite des longues
hospitalisations et limitera, on peut l'espérer, les
"perdus de vue" encore trop nombreux.
Au-delà des considérations pratiques, elle pose la
question de l'évolution d'une contrainte au libre
consentement du patient, de la transformation d'un
programme en contrat, témoin d'une réciprocité
entre deux personnes, et d'une intersubjectivité.
I Le maintien d'un patient dans des soins sans
consentement impose une réflexion individualisée autour de chaque patient, pluridisciplinaire
entre les soignants et souvent l'administration.
Cette réflexion est présente dès l'entrée dans les
soins avec la notion du risque pour le patient et
pour autrui [3], et tout au long de l'hospitalisation. Par la suite se pose la question du moment
SOiNS PYSCFRATR1E - n°281 - juillet/août 2012
CONCLUSION
•
Déclaration d'intérêts :
les auteurs déclarent
ne pas avoir de conflit
d'intérêts en relation avec
cet article.
LES AUTEURS
Nathalie Alamowitch,
directrice adjointe en
charge de la direction
des affaires juridiques,
des usagers, de la qualité,
de la communication et
de la CHT (communauté
hospitalière de territoire),
Marie-Noêlle Vacheron,
chef de service du secteur
75G13, vice-présidente de
la CME,
Caroline Navion,
responsable des affaires
juridiques,
L'équipe des secrétaires
du secteur 75G13,
centre hospitalier
Sainte-Anne,
Paris (75014)
[email protected]
25
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
entretien
La psychiatrie, les libertés
et la loi quelle place pour le juge ?
:
ENR1QUE LEDESMA
I David Peyron, premiervice-président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, en charge du service
des juges des libertés et de la détention (JLD) évoque sans détours les difficultés de mise en oeuvre de
cette réforme mais plaide également, sans concession, pour le contrôle des libertés individuelles du
patient, droit fondamental que le JLD a le devoir de garantir I Entretien.
Ensuite, sur la question de l'investissement matéloi du 5 juillet 2011 et quels bénéfices les patients peu- riel et humain, avec Chantal Arens, présidente du
TGI de Paris, nous avons décidé de transférer tous
vent-ils en attendre ?
les moyens nécessaires afin d'anticiper cette
charge supplémentaire quitte à réajuster par la
a,
me
semble-t-il,
deux
aspects
Daniel Peyron. Il y
suite
si les moyens attribués se révélaient trop
dans cette loi. Il y a un aspect immédiat qui est
importants.
celui de la protection des libertés individuelles et
Donc après nous être réunis, nous avons très vite
un autre qui est l'aspect médical.
pris des contacts avec les
En France, pour ce qui
hôpitaux concernés, la
Nous sommes p assés
est de la question de la
préfecture de police de
privation des libertés, on
Paris, le barreau de Paris,
de 12 affaires par mois
fait intervenir un juge
les experts médicaux, le
s'appuyant sur la loi. Au
commandement militaire
niveau des principes des
à 12 affaires par jour
du Palais de justice, bref,
libertés publiques cela
tous
les
interlocuteurs
pour tenter d'identifier et
semble être du domaine de l'évidence. Bien évide
quantifier
tous
les
impacts
de cette réforme.
demment, pour ne pas être simpliste, considérant
Une
des
premières
décisions
internes a été de
qu'il s'agit de patients, nous devons nous poser
séparer
cette
activité
de
celle
du
ILD pénal" et
les questions suivantes : d'abord si cette intervend'ainsi
créer
un
secrétariat
distinct
avec une
tion est réellement utile et ensuite si elle ne prééquipe
de
volontaires.
Et
cela
était
très
important
sente pas des effets "seconds" médicaux. Si ces
pour
affronter
ce
changement
sereinement.
effets sont neutres : ça va ; s'ils sont positifs, c'est
une "divine" surprise ; et s'ils sont négatifs, il faut Les contacts avec les hôpitaux sous notre juridiction, que sont le Centre hospitalier Sainte-Anne
les mettre en balance avec la question juridique
(75), l'établissement public de santé de Maisonde la liberté.
Blanche (75) et le groupe public de santé de PerSoins Psychiatrie : La loi est entrée en vigueur le août ray-Vaucluse (75), au mois de mai et au mois de
2011. Quels moyens et quelle organisation ont été mis juin 2011, nous ont permis d'anticiper et d'orgaen place par le ministère de laJustice pour faire face à niser le mois d'août. Ce groupe de travail, ainsi
constitué, s'est réuni de nouveau en sepces nouvelles dispositions ?
tembre 2011 puis en janvier et en mai 2012.
Pour
le TGI de Paris, cela a représenté un invesDP. Tout d'abord, il faut avouer que cette loi
tissement
à moyens constants. Cela comprend
a généré un stress énorme lorsque l'on a su
deux
magistrats
et quatre fonctionnaires du greffe
qu'elle arrivait. En effet, le Conseil constitutionnel a prévu, dans sa sagesse immense, qu'elle détachés sur cette mission, d'investissements en
lieux et en matériel. Mais ce sont également des
entrerait en application un 1" août et ça, c'était
très "novateur". Ces fonctions nouvelles, attri- frais d'avocat', des expertises judiciaires et bien
évidemment, une organisation qui ont eu des
buées à un service "sous pression" par la nature
conséquences sur tous les acteurs du Palais de
de son activité, tel que le service des JLD, ont été
justice de Paris.
un véritable défi.
Soins Psychiatrie : Quel est voire avis personnel sur la
David Peyron
CD 2011 Publié par Elsevier Masson SAS
26
http://dxdoi.org/10.10161j.spsy.2012.04.007
SOiNS PSYCHIATRIE
-
n° 281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
Soins Psychiatrie : Les patients et les prévenus ne sont
pas présents au Palais dejustice pour les mêmes motift.
Avez-vous mis en oeuvre des aménagements particuliers
afin que ceux-ci ne se croisent pas ? La possibilité de
visioconférence est-elle pertinente ?
DP. Préalablement, il faut préciser que nous avons
décidé, d'un commun accord, que les audiences
se dérouleraient au Palais de justice, et cela pour
deux raisons. La première tient au fait que les
trois hôpitaux qui travaillent avec nous sont répartis sur six sites distincts. Ces sites n'étant pas équipés pour accueillir le juge et organiser une
audience publique, nous avons convenu, avec nos
partenaires, que nous ne pouvions pas faire autrement pour l'instant. Nous avons fait en sorte que
les conditions ne puissent pas être qualifiées d'indécentes et particulièrement que le monde du
pénal et celui de la psychiatrie se croisent le moins
possible. Concrètement, les affaires pénales sont
traitées l'après-midi, voire en soirée, et les patients
sont, quant à eux, reçus le matin : à 9 h 30 nous
recevons les patients de Sainte-Anne et de MaisonBlanche, puis, à partir de 10h 30, ceux de PerrayVaucluse pour des raisons pratiques. Les patients
attendent, de fait, assez peu.
Le second point est lié aux transports et aux facilités de stationnement au sein du Palais de justice
de Paris, ce qui en soi est un véritable privilège.
Soins Psychiatrie : Cette loi a-t-elle permis de nouvelles
modalités de travail avec les établissements spécialisés ?A-t-elle eu commune conséquence un nouveau rapport avec le monde de la santé mentale ?
DP. En réalité, il y a un mouvement quantitatif
énorme : nous sommes passés de 144 affaires en
2010 sous l'ancienne loi [1], soit de 12 affaires par
mois à 12 par jour aujourd'hui. Cela a entraîné
un changement important qui a nécessité que
nous tissions des liens extrêmement riches avec
nos interlocuteurs.
Soins Psychiatrie : Le juge des libertés et de la détention
est un nouvel acteur dans le parcours des patients hospitalisés sous contraintes. À quel niveau et sur quelles
questions situez-vous son expertise ? Quels liens existet-il avec les certificats des psychiatres ?
DP. Au niveau de la légitimité de la privation de
liberté dont le patient fait l'objet etje crois que les
patients le comprennent assez bien. Je pense que les
personnels soignants arrivent à expliquer l'objet de
cette rencontre avec le juge et c'est extrêmement
SOiNS PSYCHIATRIE - n° 281 - juillet/août 2012
important d'avoir cette approche pédagogique.
Certains patients, en effet, peuvent se demander
quelle faute ils ont pu commettre pour se
retrouver devant un juge. Il faut, je pense, clairement expliquer que le juge a une fonction constitutionnelle qui est de protéger les libertés et pas
seulement de condamner. La plupart du temps,
dans près de 90 % des cas pour les audiences des
quinze jours, ils sortent plutôt satisfaits qu'un juge
ait examiné la légitimité de leur hospitalisation.
L'avis médical est à double détente. Tout d'abord, il
est présent en lien avec la décision d'hospitalisation
du préfet ou du chef d'établissement, puis dans un
nombre considérable de certificats pendant toute
l'hospitalisation et avant les quinze jours. C'est sur
la base de ces certificats et de l'avis conjoint que nous
voyons, s'il y a des troubles psychiatriques, et si ceuxci rendent le consentement éclairé impossible.
NOTE
• À Paris, les frais d'avocat sont
pris en charge par leTGI.
Soins Psychiatrie : Voyez-vous, dans votre approche, une
différence notable entre l'audience des quinze jours et
celle des six mois ?
DP. Dans les deux cas, il y a privation de liberté.
Cependant, nous constatons, en réalité, que sur
quinze jours, la situation est évolutive. Nous pouvons observer que dans un nombre limité de cas,
la situation a peu évolué, mais dans un très grand
nombre de cas, la situation a, au contraire, largement évolué. Dans la plupart des cas, nous voyons
bien que le patient sortira à assez court terme. La
question est de savoir si l'on anticipe la décision
ou si on l'accompagne. Le plus souvent, nous
faisons le choix, raisonnable et sage, de l'accompagner en expliquant au patient que c'est par un
travail avec son médecin qu'il sortira assez rapidement. Dans certains cas, le patient n'accepte pas
la décision. C'est notamment le cas des personnes
hospitalisées depuis plus de six mois.
En ce qui concerne les audiences des six mois,
nous devons veiller à ce que les certificats ne
soient pas basés, peut-être, sur une certaine routine. Nous pouvons, dans certains cas, ordonner
une expertise. Parfois, nous avons quelques surprises : nous ordonnons alors une mainlevée.
Dans un nombre très limité de cas, nous ordonnons
une mainlevée "sèche", notamment lorsque nous
constatons que des patients "simulent" des troubles
pour échapper à leur responsabilité pénale.
Dans la plupart des cas, nous donnons la possibilité à l'établissement de soins et à l'équipe d'établir
un programme de soins dans les vingt-quatre heures
car il faut tout même que la sortie ne fasse pas brutalement.
27
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
RÉFÉRENCE
MI Loi n° 90-527 du 27 juin
1990 relative aux droits et à
la protection des personnes
hospitalisées en raison de
troubles mentaux et à leurs
conditions d'hospitalisation.
http://www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JORFTEX
T0000003493848dastPos=1&fast
Req1d=1417702860&categorieLie
n=cid&oldAction=rechTexte
Soins Psychiatrie : Quel est, selon vous, le rôle et le posi-
Soins Psychiatrie : Quel premier bilan feriez-vous de
tionnement de l'avocat vis-à-vis du patient ?
l'application de cette loi ?
DP. À Paris, chaque jour, deux avocats intervien-
DP. Pour le tribunal de grande instance de Paris,
nent. Les patients, dès qu'ils arrivent, sont mis en
relation avec leur avocat. Il est là pour aider la
personne à passer ce cap de l'audience, qui peut
parfois être lourd, et avec l'aide de l'infirmier qui
l'accompagne, il lui explique les enjeux de l'audience. Il peut ensuite aider la personne à expliciter son point de vue dans certains cas et plaider
pour la mainlevée si c'est le souhait du patient. En
aucun cas, il n'ira à l'encontre de la volonté du
patient.
Les avocats ont dû, eux aussi, trouver leur place
et leur rôle. Au début, certains avocats se positionnaient de manière quasi systématique par principe contre l'hospitalisation. Cette position
partait de l'idée que l'hospitalisation était forcément mauvaise pour le patient et ce, quelle que
soit la volonté de celui-ci. De ce fait, dans quelques
cas, on ne parlait plus du patient. Heureusement,
aujourd'hui, ces positions sont minoritaires.
sur le plan judiciaire, cela fonctionne très bien.
Deux critères nous permettent de l'affirmer.
Tout d'abord, le taux de présence des patients à
l'audience qui est remarquable : dans plus de
3 cas/4, les patients sont présents. Si le patient
n'est pas là, c'est que soit le médecin a jugé qu'il
n'était pas transportable, soit qu'il n'a pas envie
de voir le juge, et c'est son droit.
Le deuxième critère est le taux de représentation
par un avocat, qui est supérieure à 90 % étant
entendu que le patient peut dire qu'il ne souhaite
pas être représenté par un avocat.
Sur le plan médical, nous avons peu de recul mais
je suis en relation avec un médecin de l'EPS de
Maison-Blanche, le docteur Nathalie Mercier, qui
mène une étude sur cet impact.
Encore une fois, si l'impact est neutre, parfait, s'il
est positif, c'est une "divine" surprise, s'il est
négatif, c'est ennuyeux.
•
Propos recueillis par
Soins Psychiatrie : En janvier 2013, leJLD aura powfonction de statuer également sur les problèmes liés a
la procédure préalable de l'hospitalisation sous
contrainte. Quels sont les problèmes qui pourront
apparaître ?
Enrique Ledesma,
formateur consultant à l'École supérieure Montsouris,
Paris (75014).
DP. Aujourd'hui, effectivement, nous écartons
toutes ces requêtes concernant la procédure
préalable d'hospitalisation sous contrainte en
rappelant que ce contentieux relève de la compétence du juge administratif. Ce qui nous permet
de nous concentrer sur le problème de fond de
la privation de liberté.
Au Prjanvier 2013, les avocats devront faire un
choix stratégique : nous risquons de quitter les
questions de fonds pour tomber dans des questions de forme. Cela pourrait entraîner d'une
part des audiences qui auront moins de sens et
d'autre part, des mainlevées pour vice de forme
plus nombreuses. Ces mainlevées, si elles conduisent à des sorties de patients qui médicalement
ne devraient pas sortir, seront problématiques.
Nous avons, d'ailleurs, lors de nos réunions de
travail avec les hôpitaux, anticipé ces problèmes
en faisant part des améliorations nécessaires au
respect de la procédure. Cela a nécessité parfois
une sorte de formalisme dans les procédures qui
peut, de fait, être soumis à la critique mais qui est
nécessaire.
28
SOiNS PSYCHIATRIE
-
n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
réflexion
De la confidentialité
Jb données médicales
devant le juge
I Depuis le 1er août 2011, tous les patients hospitalisés sans consentement bénéficient d'un contrôle
de leur hospitalisation par le juge des libertés et de la détention (JLD) I Le principe de la publicité
des débats interroge la confidentialité des données médicales ainsi que la protection du patient
contre une possible stigmatisation.
MARINE ROGÉ
VALÉRIE DAURIACLE MASSON
The confidentiality of medical records before the judge. Since August 1s1, 2011, all patients
hospitalised without consent now have the right for their hospitalisation to be reviewed by the liberty and
detention judge.The open court principle being made public raises questions regardingthe confidentiality
of medical records as vvell as the protection of the patient against any possible stigmatisation.
L
aloi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 « relative aux
sauf si le juge en décide autrement. Ainsi, la presse
droits et à la protection des personnes faisant l'objet a-t-elle parfois publié des comptes rendus d'aude soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en diences, dans lesquels les problèmes médicaux
charge » est entrée en vigueur le l e' août 2011. des personnes entendues étaient décrits sous couDepuis lors, toutes les personnes hospitalisées en
psychiatrie sans leur consentement bénéficient
d'un contrôle de leur hospitalisation par le juge
des libertés et de la détention (JLD) avant le quinzième jour de leur hospitalisation'.
I La saisine du juge est effectuée soit par le
directeur de l'établissement de soins, soit par
le préfet, selon le régime d'hospitalisation (à la
demande d'un tiers, en cas de péril imminent ou
sur décision du préfet). À réception de la requête,
le greffe du JLD ouvre un dossier au nom de la
personne hospitalisée et y intègre tous les documents médicaux et pièces de procédure visés par
la loi et reçus du directeur de l'établissement de
soins. Une convocation est envoyée aux différentes parties pour une audience dont la date est
fixée par le juge.
Cette première étape de la procédure pose la
question de l'accès au dossier de procédure qui
contient des données médicales en principe couvertes par le secret professionnel.
I Au cours de l'audience, le JLD contrôle la
nécessité du maintien en hospitalisation [1].
À cette fin, il entend la personne hospitalisée
pour connaître ses demandes et observations et il
examine les pièces du dossier, notamment les
certificats médicaux. Les débats sont publics
comme de principe en matière de justice civile,
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n°281 - juillet/août 2012
vert d'anonymat. Cette deuxième étape de la procédure pose la question de l'accès à l'audience
par des tiers à la procédure et la question de la
confidentialité des données médicales exposées
à l'audience.
I Enfin, le juge rend une ordonnance par laquelle
il décide soit de la poursuite de la mesure d'hospitalisation soit de sa mainlevée. Il rend son délibéré soit en audience, soit par mise à disposition
au greffe.
I Ce dernier temps de la procédure pose la question de l'accès au délibéré et à la décision de justice et la question de la confidentialité des
données médicales transcrites dans l'ordonnance
rendue par le JLD.
I La procédure de contrôle automatique des
hospitalisations psychiatriques a été prévue
par le législateur comme une garantie offerte
à toute personne hospitalisée sans son consentement de voir sa situation examinée dans un délai
raisonnable par le juge judiciaire, gardien des
libertés individuelles.
Néanmoins, les impératifs du fonctionnement de
lajustice, notamment le principe de publicité des
débats et des décisions de celle-ci, peuvent entrer
en contradiction avec l'intérêt que la personne
porte au respect de sa vie privée et au respect du
secret médical.
© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS
http://dx.cloi.org/10.1016/j.spsy.2012.05.005
MOTS-CLÉS
• Confidentialité
• Débat public
• Donnée médicale
• Juge des libertés
et de la détention
• Saisine
• Soins sans
consentement
KEY WORDS
• Care without consent
• Confidentiality
• Liberty and detention
judge
• Medical record
• Public debate
• Referral
NOTES
1 . Selon l'article L3211-12-1
du Code la santé publique.
2. L' ancienne hospitalisation a
la demande d'un tiers" (HDT) est
devenue :« demande présentée
par un membre de la famille du
malade ou par une personne
justifiant de l'existence de relations
avec le malade antérieures
à la demande de soins et lui
donnant qualité pour agir dans
l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion
29
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
• pour l'admission "classique" à la demande d'un
fiers', les deux certificats médicaux doivent être
« cirronstanciés » et dater « de moins de 15 jours »;
• pour Pachnission à la demande d'un tiers en cas
d'urgence 3 , l'unique certificat initial doit faire
état de l'urgence et d'un « risque grave d'atteinte à
NOTES (SUITE)
des personnes soignants
exerçant dans l'établissement
prenant en charge la personne
malade» (article L3212-111.1°
du CSP). Dans cette hypothèse,
le premier certificat médical
ne peut être établi que par un
médecin n'exerçant pas dans
l'établissement accueillant le
malade. »
l'intégrité du malade ».
• Si l'admission a lieu pour péril imminent 4,
l'unique certificat initial doit dûment constater
« qu'il existe, à la date de l'admission, un péril imminent
pour la santé de la personne ».
I La décision d'admission en soins psychia-
3 ' Cette nouvelle forme
psychiatriques d'une personne
malade au vu d'un seul certificat
médical émanant, le cas échéant,
d'un médecin exerçant dans
l'établissement ».
4 . Dans cette hypothèse, prévue
par l'article L.3212-111.2° du
CSP « Le médecin qui établit ce
certificat ne peut exercer dans
l'établissement accueillant la
personne malade ».
5 * Article L,3213-1.l du CSP,
ancienne "hospitalisation d'office
(H0)". Ce certificat initial ne peut
pas émaner d'un psychiatre
exerçant dans l'établissement
d'accueil.
6 ' L'article L3211-2-2 du CSP est
applicable à toutes les procédures
d'hospitalisation
7 * Définies aux articles L3212-1
ou L.3213-1 du CSP. Pour les
hospitalisations sur décision du
Préfet : « le représentant de l'État
dans le département décide de la
forme de prise en charge (...), en
tenant compte de la proposition
établie, le cas échéant, par le
psychiatre ».
8 ' Le Conseil constitutionnel
rappelle, dans sa décision n° 2011174 QPC du 6 octobre 2011 :
«6.... L'hospitalisation sans son
consentement d'une personne
atteinte de troubles mentaux doit
respecter le principe, résultant
de l'article 66 de la Constitution,
selon lequel la liberté individuelle
ne saurait être entravée par une
rigueur qui ne soit nécessaire; il
incombe au législateur d'assurer
la conciliation entre, d'une part,
la protection de la santé des
personnes souffrant de troubles
mentaux ainsi que la prévention
des atteintes à l'ordre public.., et,
d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties.
Au nombre de celles-ci figurent la
liberté d'aller et venir et le respect
de la vie privée, protégés par les
articles 2 et 4 de la Déclaration
30
g,
triques sur décision du représentant de l'État'
est prononcée sur la base d'un unique certificat
médical qui doit être « circonstancié et préciser les
éléments indiquant que « les troubles mentaux néces-
© C Mo re au/ Else
d'hospitalisation prévue par
l'article L3212-3 du CSP rend
possible » l'admission en soins
La loi du 5 juillet 2011 précise le contenu des certificats médicaux et les conditions de leur transmission au juge.
sitent des soins et compromettent la sûreté des personnes
ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public »
I Dans toutes ces hypothèses, les « médecins ne
peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement
] qui prononce la décision d'admission, ni de la
personne ayant demandé les soins ou de la personne
faisant l'objet de ces soins ». Bien entendu, les certi-
Les certificats médicaux
exigés par la loi
ficats médicaux doivent être conformes aux exigences générales de l'article R.4127-76 du CSP
qui dispose, en son alinéa 2, que : « Tout certificat,
SECRET MÉDICAL ET TRANSMISSION
DES CERTIFICATS MÉDICAUX AU JUGE
Le placement puis le maintien d'une personne
en hospitalisation psychiatrique sans consentement sont conditionnés par la réalisation d'un
certain nombre d'examens médicaux et par la
rédaction d'autant de certificats médicaux, essentiellement établis au cours des premiers jours d'hospitalisation. Le contenu de ces différents certificats
médicaux est expressément prévu par la loi.
Le certificat médical initial
I La décision d'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de
péril imminent est prononcée sur la base d'un
certificat médical (ou deux selon le type de procédure), qui doit être conforme aux exigences de l'article L.3212-1 du Code de la santé publique (CSP).
Le certificat initial, rédigé après examen du patient:
• d'une part, atteste que « 10 . ses troubles mentaux
rendent impossible son consentement » et que « 20. son
ordonnance, attestation ou document délivré par un
médecin doit être rédigé lisiblement en langue française
et daté, permettre l'identification du praticien dont il
émane et être signé par lui. ». Malgré l'importance
des contraintes administratives pesant sur les
médecins, il est important de veiller à ce que
chaque certificat médical soit bien signé par le
médecin dont il émane, une fois frappé par le secrétariat. Une irrégularité du certificat médical initial
pourrait entraîner sa nullité et par suite, la nullité de
la décision d'admission en soins psychiatriques.
Les certificats médicaux des 24 heures
et 72 heures
L'article L.3211-2-2 du CSP 6 précise que :
• dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un psychiatre de l'établissement d'accueil
réalise un examen somatique complet de la personne et établit « un certificat médical constatant son
état mental impose des soins immédiats assortis soit état mental et confirmant ou non la nécessité de maind'une surveillance médicale constante justifiant une tenir les soins psychiatriques au regard des conditions
d'admission ». «Ce psychiatre ne peut être l'auteur du cerhospitalisation complète, soit de soins ambulatoires » ;
• d'autre part, « constate l'état mental de la per- tificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la
sonne malade, indique les caractéristiques de sa maladie base desquels la décision d'admission a été prononcée » ;
• dans les soixante-douze heures suivant l'admiset la nécessité de recevoir des soins ».
De plus, le médecin doit se conformer aux sion, « un nouveau certificat médical est établi dans
les mêmes conditions » que celles prévues pour
exigences propres à chaque type d'hospitalisation :
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n° 281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
l'établissement du certificat de vingt-quatre heures.
En outre, avant l'expiration de ce délai de soixantedouze heures, le psychiatre de l'établissement
d'accueil propose « dans un avis motivé [. . .1 la forme
de la prise en charge » (hospitalisation complète ou
programme de soins), lorsque les deux certificats
médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir
les soins psychiatriques. Le directeur de l'établissement doit entériner cet avis et prononcer le
maintien des soins sous la forme préconisée par
le psychiatre 7
I Le respect, par les médecins, de ces exigences légales constitue une garantie pour les
libertés individuelles. En effet, le maintien sous
un régime de soins sous contrainte est non seulement privatif de liberté 8 mais encore parfois
attentatoire à l'intégrité physique de la personne.
C'est la raison pour laquelle le législateur a décidé
d'un contrôle automatique par le JLD, de toutes
les hospitalisations sans consentement.
.
Le certificat médical de huitaine
Selon l'article L.3212-7 du CSP applicable aux
hospitalisations à la demande d'un tiers ou en cas
de péril imminent et l'article L.3213-3 du CSP
applicable aux hospitalisations sur décision du
préfet, entre le 5e et le 8e jour, un psychiatre de
l'établissement délivre « un certificat médical circons-
tancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires.
Ce certificat médical précise si la forme de la prise en
charge I-. . .1 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle » 9 . La copie de ce certificat est
« adressée sans délai au juge des libertés et de la détention ». Son défaut de production « entraîne la levée
de la mesure de soins
L'avis conjoint 10e-12e jours
L'article L.3211-12-1 II. du CSP i° dispose que la
saisine du JLD est accompagnée d'un avis conjoint
rendu par deux psychiatres de l'établissement,
dont l'un participe à la prise en charge du patient.
« Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre
l'hospitalisation complète » et doit préciser s'il existe
des motifs médicaux faisant obstacle, dans l'intérêt de la personne, à son audition par le juge 11.
C'est notamment sur la base de cet avis médical
conjoint que le JLD ordonne la poursuite de
l'hospitalisation complète ou sa mainlevée [2].
La saisine du juge et la communication
des certificats médicaux par le
directeur de l'établissement de soins
L'article L.3211-12-1 I du Code de la santé
publique (CSP) dispose que l'hospitalisation
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n°281 - juillet/août 2012
complète d'un patient ne peut se poursuivre sans
que le JLD, préalablement saisi par le directeur
de l'établissement de soins ou par le Préfet, n'ait
statué sur cette mesure avant l'expiration d'un
délai de quinze jours à compter de l'admission.
I La saisine du juge intervient à réception
d'une requête adressée par le directeur de
l'établissement ou le Préfet « au moins trois jours
avant l'expiration du délai de qui nzejours » comportant
un « exposé des faits et son objet » 19 . L'avis médical
conjoint doit être joint à cette requête sans délai.
L'article R.3211-11 du CSP dispose que le directeur d'établissement communique au JLD « tous
les éléments utiles au tribunal », notamment « une
copie des certificats... médicaux au vu desquels la mesure
de soins a été décidée et de tout autre certificat médical
utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus
récente de maintien des soins». Concrètement, le directeur de l'établissement est tenu, par la loi, de
communiquer aujuge tous les certificats médicaux
établis depuis l'admission en soins psychiatriques.
I Le secret médical, qui couvre en principe les
certificats médicaux, est exceptionnellement
levé par la loi imposant un contrôle systématique
des hospitalisations sans consentement, dans un
cadre procédural très strict.
Il est important de souligner que l'accès au dossier de la procédure judiciaire est strictement
limité au JLD, au procureur de la République, à
l'avocat de la personne hospitalisée et, le cas
échéant, à l'avocat du tiers à l'origine de l'hospitalisation ou à l'avocat de la préfecture et ce, uniquement pour les besoins du contrôle de
l'hospitalisation sans consentement.
Le secret médical attaché aux certificats médicaux qui sont transmis par le directeur de l'établissement de soins, est donc garanti à ce stade de
la procédure, par la stricte limitation de l'accès au
dossier de la procédure aux seuls professionnels
autorisés par la loi et tous soumis au secret professionnel. En revanche, le caractère confidentiel
des données médicales peut être remis en cause
à l'audience, au cours de laquelle l'affaire est
débattue.
CONFIDENTIALITÉ DES DONNÉES
MÉDICALES ET PUBLICITÉ DES DÉBATS
La confidentialité des données médicales est assurée par la loi afin de protéger les personnes contre
les atteintes à leurvie privée. Néanmoins, le secret
médical n'est pas absolu et peut faire l'objet d'exceptions légales. C'est le cas lorsque le principe
du respect de la vie privée se trouve concurrencé
NOTES (SUITE)
des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, ainsi que la liberté
individuelle ; que les atteintes
portées à l'exercice de ces libertés
doivent être adaptées, nécessaires
et proportionnées aux objectifs
poursuivis ».
9. En cas d'hospitalisation sur
décision du préfet, le certificat
précise :« les caractéristiques
de l'évolution des troubles
ayant justifié les soins ou leur
disparition ».
10. L'article L3211-12-1 II du
CSP est applicable à toutes les
procédures d'hospitalisation.
11 ' ArticleL.3211-12-2 du CSR La
personne hospitalisée est alors
représentée à l'audience par un
avocat, choisi ou commis d'office.
12. Articles R.3211-27 et R.321128 du CSP: la saisine intervient
dans les conditions de l'article
R.3211-8 du CSP. Le directeur
d'établissement communique une
copie de la demande d'admission
effectuée par un tiers ou une copie
de l'arrêté préfectoral ordonnant
l'hospitalisation (selon le type
d'hospitalisation).
13 ' Article 226-13 du Code pénal,
14 . Le principe de la publicité des
débats est également garanti par la
Déclaration universelle des droits
de l'homme du 10 décembre 1948
en son article 10.
15 ' Conseil d'État :arrêts CE, 4 oct.
1974, Dame David - CE, 27 oct.
1978, Debout.
Cour de cassation :Casa. civ 2e,
2 déc. 1965, Bull.civ. 1965, II, n° 969
Jurisclasseur Procédure civile, Fasc.
501 : «Audience
et débats», Natalie Fricero,
éd. LexisNexis, 2008, p. 7.
16. Voir article 433, 435,436 et 749
du Code de procédure civile.
17. Aux termes d'un amendement
présenté au Sénat :« Untel
dispositif se justifie par le fait que
la publicité de l'audience pourrait
avoir, dans certains cas, des
conséquences désastreuses pour
les personnes concernées, dans
le cas, par exemple, de conflits
familiaux, de personnes connues
localement... ».
18. Loi n° 72-626 du 5 juillet 1972
instituant un juge de l'exécution
et relative à la réforme de la
procédure civile.
19. Nathalie Fricero et Philippe
Pedrot précisent sur ce point :
«La lecture publique peut se limiter
au dispositif, mais elle est exigée
même si les débats ont eu lieu
31
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
NOTES (SUITE)
en chambre du conseil (sauf
pour les décisions gracieuses)»,
in Cabrillac R, Frison-Roche
MA, RevetT, Libertés et droits
fondamentaux, 2003.
20. Selon l'article 451 du Code de
procédure civile :« Les décisions
contentieuses sont prononcées
en audience publique et les
décisions gracieuses hors la
présence du public, le tout
sous réserve des dispositions
particulières à certaines matières.
« La mise à disposition au greffe
obéit aux mêmes règles de
publicité ».
21 « Auquel cas, la décision n'étant
pas prononcée publiquement, les
tiers ne peuvent pas en obtenir
copie.
22 " "L'interdiction de publication
concernant les pièces de
procédure d'un procès en divorce",
Michel Véron, Revue Omit pénal,
déc. 2008, comm. 153.
On peut observer que la limitation
de la diffusion des éléments de
la procédure judiciaire s'étend
également à d'autres domaines
et à d'autres formes de publicité.
Ainsi, le secret est-il par exemple
réclamé au nom de la protection
du secret industriel : "Protection
des secrets d'affaires : enjeux et
repères", Francis Hegel, Cahier de
droit de l'entreprise, janvier 2012,
dossier 3.
Quant à la publication des
décisions de Justicevia internet,sur
des sites tels www.legifrance.gouv.
fr, la Commission nationale de
l'informatique et des libertés (CNIL)
a formulé une recommandation
n° 01-057 du 29 novembre 2001
demandant aux éditeurs de
bases de données de décisions
de justice.., accessibles sur des
sites Internet de s'abstenir d'y faire
figurer le nom et l'adresse des
parties, dans le souci du respect
de la vie privée des personnes
physiques concernées et de
l'indispensable "droit à l'oubli".
par un autre principe de même valeur, comme en
l'espèce, le principe de la publicité des débats.
Le secret médical
et le respect de la vie privée
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance.
«2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique
dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure
qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou
Les informations relatives à l'état de santé d'une
personne sont protégées par la loi et les règles
régissant le secret médical. La violation du secret
médical est un délit passible de sanctions pénales 15
Le respect de la vie privée
La confidentialité des données
fait partie intégrante du
secret professionnel
médicales est assurée par la loi
prévu à l'article L. 1110-4
du CSP : « Toute personne
.
de !amorale, au à lapotectian
des droits d libertés d'autrui ».
Toutefois, ce droit, garanti
par la Convention européenne des droits de
l'homme, se trouve
se en charge par un profes- afin de protéger les personnes
concurrencé par un autre
sionnel, un établissement, un
droit fondamental, égaleréseau de santé a droit au res- contre les atteintes à leur vie
ment garanti par cette
pect de sa vie privée et du
Convention : le droit à un
secret des informations la privée
procès équitable, qui supconcernant [.1 Excepté
dans les cas de dérogation, expressément prévus par la pose la publicité des débats à l'audience.
loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concer- L'article 6.1 de la Convention européenne des
nant la personne, venues à la connaissance du profes- droits de l'homme dispose que : « toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial I-. . .1 Lejugem,ent doit
l'article l er de la charte de l'usager en santé
mentale, signée le 8 décembre 2000 par la Confé- être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant
rence des présidents de commission médicale
la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la
d'établissement de centre hospitalier spécialisé, la
moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale
Fédération nationale des (ex-) patients en psychiadans une société démocratique, lorsque les intérêts des
trie et le ministère de la Santé, qui énonce [3] :
« L'usager en santé mentale est une personne qui doit mineurs ou la protection de la vie privée des parties au
être traitée avec le respect et la sollicitude dus à la dignité procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement
de la personne humaine. [. ] C'est une personne qui a nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances
le droit au respect de son intimité (effets personnels, cour- spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux
rier, soins, toilette, espace personnel, etc.), de sa vie pri- intérêts de la justice ›,[6] 14.
vée, ainsi qu'à la confidentialité des informations La publicité des débats est un principe général du
droit qui ne peut connaître d'exception que dans
personnelles, médicales ou sociales la concernant. »
sionnel de santé».
I Ce principe fondamental est inscrit dans
Ce droit au secret médical fait partie intégrante
du droit au respect de la vie privée édicté par les
dispositions de l'article 9 du Code civil. L'état de
santé d'une personne est une composante du
domaine exclusif de sa vie privée [4].
I Dans le cas des hospitalisations sous
contrainte, les restrictions à l'exercice des
libertés individuelles doivent être limitées à
celles nécessitées par l'état de santé et la mise en
oeuvre du traitement [5].
Lajurisprudence affirme en outre, de manière constante, que « constitue une atteinte illicite àla vie privée d'une
les cas spécifiés par la loi [7] 15 .
La question de la publicité
des débats à l'audience
La publicité des débats permet à l'ensemble des
citoyens de contrôler le bon fonctionnement de
la Justice, ce qui constitue une garantie objective
pour tous les justiciables [8] . Une justice clandestine
serait soupçonnée d'arbitraire. Néanmoins, lejuge
peut, dans certains cas particuliers, être autorisé par
la loi, à arbitrer entre les intérêts divergents de la
société et de la personne dont le cas est débattu.
personne la divulgation, de faits intéressant sa santé ».
Le droit au respect de la vie privée et familiale est
garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que :
32
Les débats en chambre du conseil
L'article 22 du Code de procédure civile dispose
que « les débats sont publics, sauf les cas où la loi exige
SOiNS PYSCH1ATR1E
-
n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
ou permet qu'ils aient lieu en chambre du conseil » 16 .
démarche au greffe du juge des libertés et de la
détention (demande de consultation de l'ordonnance voire demande de copie).
À moins de considérer que le contrôle des hospicontradictoire, statue publiquement, sous réserve des talisations psychiatriques ne relève des matières
dispositions prévues à l'article 11-1 de la loi n° 72-626 relatives à l'état et à la capacité des personnes qui
du 5 juillet 1972»"
sont déterminées par décret", notamment les
L'article 11-1 de la loi 18 n° 72-626 du 5 juillet 1972 affaires familiales (divorce", séparation de corps,
dispose, alinéa ler : « Les débats sont publics. lis ont autorité parentale), incapacité des majeurs
toutefois lieu en chambre du conseil dans les matières (tutelle), ce qui ne semble pas être le cas ici.
gracieuses ainsi que dans celles des matières relatives à Cette question de la publicité de l'ordonnance
l'état et à la capacité des personnes qui sont déterminées rendue par le juge des libertés et de la détention
par décret.» Et, l'alinéa 2, codifié du Code de pro- en matière de contrôle des hospitalisations psycédure civile dispose : « Le juge peut en outre décider chiatriques ne trouve pas de réponse évidente.
En matière de contrôle des hospitalisations psychiatriques sans consentement, l'article L.321112-2 du CSP dispose que « le juge, après débat
que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre
du conseil s'il doit résulter de leur publicité une atteinte
à l'intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le
demandent, ou s'il survient des désordres de nature à
troubler la sérénité de la justice ». Aussi le législateur
a prévu que les débats puissent avoir lieu en
chambre du conseil ("à huis clos") dans certaines
conditions. Néanmoins, cette possibilité est laissée à l'appréciation des différents juges. Au Tribunal de grande instance de Paris, les JLD
proposent systématiquement une audience en
chambre du conseil, ce qui n'est pas toujours le
cas en appel.
Le problème de la publicité
de l'ordonnance du JLD
Enfin, se pose la question de la publicité de l'ordonnance rendue par le JLD. Il semble que les
textes spécifiques à la procédure de contrôle des
hospitalisations psychiatriques ne règlent pas
cette question.
I II convient dès lors de se rapporter aux
règles de droit commun concernant la publicité
des jugements. Le jugement doit être lu en
audience publique par l'un des magistrats l'ayant
rendu [9] 19 sauf en cas de mise à disposition au
greffe".
I L'article 11-2 de la loi n° 72-626 du 5 juillet
1972 dispose que « les jugements sont prononcés
,
publiquement sauf en matière gracieuse ainsi que dans
celles des matières relatives à l'état et à la capacité des
personnes qui sont déterminées par décret ». L'article
11-3 de la même loi dispose que « les tiers sont en
droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés
publiquement ».
En application de ce texte, les informations initialement couvertes par le secret médical mais
contenue dans l'ordonnance du juge pourraient
être divulguées à des tiers non autorisés, en l'occurrence famille, amis, voisins, par simple
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n° 281 - juill et/a o ût 2012
CONCLUSION
I Dans le cadre de la procédure de contrôle
des hospitalisations psychiatriques, la publicité des débats est laissée par le législateur à la
libre appréciation du juge des libertés et de la
détention ou du premier président de la Cour
d'appel. Or les différentes juridictions n'apprécient pas toutes cette question de la même
manière. Ainsi, certaines juridictions proposent
ou décident de tenir ces audiences en chambre
de conseil quand d'autres privilégient le principe
de la publicité des débats. C'est pourtant un enjeu
très important pour la personne hospitalisée,
qu'il convient de protéger, d'une part, contre la
possible stigmatisation liée à la pathologie psychique, d'autre part, contre le risque d'exploitation des informations médicales relatives à la santé
mentale par des tiers (dans le cadre de certains
litiges, comme par exemple, ceux liés à la "garde"
des enfants, au placement sous tutelle, etc.).
I La décision du juge concernant la publicité
des débats et de la décision rendue, vis-à-vis des
tiers à la procédure, procède du nécessaire équilibre qu'il convient d'établir dans cette matière
extrêmement sensible qu'est la psychiatrie, entre
le caractère public des décisions de justice et la
protection de la vie privée de la personne hospitalisée.
•
RÉFÉRENCES
[1] Cochez F, Gadrat X. Les
"garde-fous : le contrôle
des mesures des soins
psychiatriques, in Actualités
sociales hebdomadaires, Cahier
Les soins psychiatriques sans
consentement après la loi du
5 juillet 2011, n°2751, mars 2012,
p. 65-87.
[21 Vacheron MN, Laqueille X.
L'admission en soins
psychiatriques sous contrainte :
apports et limites de la loi du
5 juillet 2011. Revue trimestrielle
du centre Laênnec 2012;1:10-23.
[3] Devers G. Code des soins en
santé mentale. Paris: Éditions
Lamarre; 2008.
[4] Leude A, Mathieu B,
Tabuteau D. Droit de la Santé.
Paris: Presses Universitaires de
France; 2007.
[5] Dupont M., Esper C., Paire C.
Cours de droit hospitalier.
5, édition. Paris: Dalloz; 2005.
[6] Oberdorff H, Robert J. Libertés
fondamentales et droits de
l'homme , éd. Montchrestien, 5 ,
éd. 2002, p.220.
[7] Cadiet L, Jeuland E. Droit
judiciaire et droit privé. Paris:
Litec LexisNexis, 4 , éd ; 2004.
p. 467-8
[8] Fricero N. Droit è des
débats publics devant des
juges impartiaux. Procédures
2011;3:comm. 93.
[9] Cabrillac R, Frison-Roche MA,
RevetT, Libertés et droits
fondamentaux, éd. Dalloz, 9, éd.
2003, section 7 : «Les droits
fondamentaux spécifiques au
procès civil», p. 533-534.
Déclaration d'intérêts :
les auteurs déclarent
n'avoir aucun conflit
d'intérêts en relation avec
cet article.
LES AUTEURS
Marine Rogé,
avocat au barreau
de Paris (75116),
Valérie DauriacLe Masson,
praticien-hospitalier,
DIM, centre hospitalier
Sainte-Anne, Paris (75014),
[email protected]
33
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
enquête
Le patient face à l'incontournable
ordonnance du juge des libertés
et de la détention
NATHALIE MERCIER
I Une centaine d'interviews ont été réalisées auprès de patients hospitalisés sous contrainte avant
et après leur passage au tribunal I L'objectif: apprécier notamment la compréhension de la loi et du
rôle du juge des libertés et de la détention, le vécu de l'audience, les motifs des refus de comparution
et l'impact de la notification de l'ordonnance I À ce jour, aucun patient n'a refusé les entretiens au
décours de son séjour hospitalier dès lors qu'il était sorti de la période de crise.
The patient faced with the inescapable ruling of the liberty and detention judge. Around
a hundred of interviews have been carried out vvith patients hospitalised under restraint before and
after their court case. The aim was to assess in particular the understanding of the law and the role
of the liberties and detention judge, the experience of the hearing, the motives behind the refusais
to appear and the impact of the notification of the ruling.To date, no patients have refused interviews
during their hospital stay once they have emerged from the period of crisis.
MOTS CLÉS
• Contrainte
• Décision
• Diagnostic
• Hospitalisation
• Juge des libertés
et de la détention
• Responsabilité
KEYWORDS
• Decision
• Diagnosis
L
es inquiétudes souvent évoquées dans les
médias quant aux modalités pratiques et à
l'impact psychique des comparutions devant le
juge des libertés et de la détention (JLD) s'inscrivant dans le cadre de la loi du 5 juillet 2011 ont
motivé l'étude à visée exploratoire présentée ici.
Cette dernière veut aider, à travers l'analyse des
représentations d'une cinquantaine de patients
hospitalisés sous contrainte, à mieux comprendre
comment est vécue cette intrusion systématique
de la justice au décours des séjours hospitaliers.
LA
FIGURE DU JUGE
• Hospitalisation
I Un certain degré de confusion existe pour un
• Liberties and
detention judge
nombre substantiel de cas quant aux modalités exactes de la contrainte (les différences
entre les différentes formes d'hospitalisation' ne
sont pas lisibles pour la plupart) et quant à la qi alité
des juges que les patients sont invités à rencontrer :
juge des tutelles, juge des affaires familiales, JLD...
I II est assez fréquent que le JLD renvoie les
patients à des images fortes et contradictoires. Pour certains, il est l'autorité supérieure
capable de « les libérer sur le champ », pour
d'autres, il est celui qui les renvoie à des sentiments
de culpabilité et devant qui l'on va devoir rendre
compte d'une infraction, réelle ou imaginaire,
actuelle ou passée (« Ça doit être mon comportement,
• Responsibility
• Restraint
34
©2012 Publié par Elsevier Masson SAS
http://dx.doi.org/10.1016/j.spsy.2012.05.003
je ne sais pas ce que j'ai fait. », «Je ne sais pas pourquoi
j'ai été appelée par un juge, je n'ai tué ni volé quoi que
ce soit. » « Va-t-il me reparler de l'histoire de la petite fille,
il y a dix ans ?»). Le JLD, s'il est perçu comme celui
qui arbitre, peut aussi être appréhendé comme
une figure aidante aux compétences multiples :
il est supposé pouvoir contribuer à déposer
plainte contre des voisins prétendument harcelant, à garder un foyer, à trouver un emploi, àfaire
le point sur des affaires juridiques en cours.
I Dans ce contexte, l'anticipation de la rencontre avec le JLD peut être source de réactions
diverses allant de l'anxiété intense avec ruminations au fol espoir d'une sortie immédiate en passant par l'expectative tranquille, voire la curiosité.
Le passage devant le JLD invite également les
patients à se positionner face à la légitimité de
leur hospitalisation, là encore des positions
extrêmes s'observent : « Le passage devant leJLD,
nous met dans une position de choix, adultifié, responsabilisé » dit l'un d'eux, «Je ne sais pas, c'est ma mère
qui s'occupe de tout cela, c'est à elle qu'il faudrait poser
les questions. » dit un autre.
I Dans les cas observés, la non comparution
devant leJLD a été justifiée par l'état physique ou
psychique des patients ou par des raisons d'ordre
pratique (absence de véhicule de transport ou de
personnel d'accompagnement, levée d'hospitalisation sous contrainte précoce pour éviter la
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
LES REPRÉSENTATIONS DU
JLD
I Après la comparution devant le JLD, les discours sont souvent plus riches et étoffés qu'ils ne
le sont avant l'entretien, les patients ont le sentiment d'avoir une expérience à partager, d'avoir
été "écoutés" au cours d'entretiens qu'ils jugent
toutefois courts (pas plus de dix minutes selon
eux) et souvent formels. La légitimité de la décision du JLD semble majoritairement respectée et
peu nombreux sont ceux qui, bien que considérant que leur hospitalisation est abusive, sollicitent une expertise (3 cas sur 35 dans l'étude).
I Le JLD est parfois considéré comme un
"garde fou" susceptible de préserver les patients
de la toute-puissance médicale « Ça sert qu'une
-
décision ne soit pas univoque f.. .1 le juge est un tiers,
une autorité au-dessus des médecins qui peut ou non le
conforter dans ses prérogatives ». À l'inverse, il peut
être perçu comme « le suppôt » des médecins auxquels il ne pourrait que faire allégeance faute,
d'une part, d'avoir les compétences pour soutenir
un avis contraire (« Ils n 'ont pas de formation médicale, <, Ce n'est pas leur métier ») et, d'autre part, de
pouvoir prendre le risque de "laisser dans la
nature" des patients psychotiques capables de
défrayer la chronique.
LA CONFRONTATION AUX ÉCRITURES
I La notification de la décision du JLD (art.
R.3211-33) n'est pas toujours distribuée lors de
son arrivée, par oubli ou par précaution, le patient
étantjugé trop "fragile" pour pouvoir y faire face.
Elle n'est en général lue attentivement que par
les patients procéduriers ; elle est le plus souvent
parcourue pour des raisons très diverses : difficultés de compréhension du vocabulaire juridique,
anxiété, impossibilité physique de déchiffrer les
écritures (analphabétisme, vision floue imputable
aux neuroleptiques, etc.), méconnaissance de la
langue française... Lors de l'enquête, une
patiente s'est aperçue qu'elle avait oublié avoir
comparu devant le JLD. Ce trouble mnésique est
probablement dû aux benzodiazépines.
SOiNS PYSC1-11ATR1E - n° 281
-
ju il let/août 2012
I Les éléments repris dans la
notification d'une décision sont
globalement ceux du certificat de
saisine ce qui met le patient en
contact direct avec les propos
"techniques" des psychiatres.
C'est ainsi que, "sans filtre", les
patients sont mis face à la réalité
de leur pathologie et parfois
même avec le diagnostic de leur
affection. Diagnostic que certains
découvrent à la lecture avec des
effets heureusement pas toujours
aussi délétères que ceux qui pourraient être craints.
Le nom du tiers apparaît également dans la notification, il n'était pas toujours connu du patient
ce qui aboutit parfois à des situations inédites ou
fâcheuses, le patient découvrant par exemple,
que le tiers n'est pas celui qu'il croyait ou qu'il
s'agit d'un voisin dont la légitimité de l'intervention lui paraît discutable. Dans notre étude, le
tiers n'a répondu présent à la convocation du JLD
que dans deux cas et il n'y a pas eu de confrontation au tribunal avec le patient, ce dernier ayant
refusé ou n'étant pas en état de comparaître.
I La présence d'un avocat à l'audience n'est
véritablement interrogée que par les patients
présentant un délire de persécution ou mégalomaniaque. Dans ce contexte pathologique, les
avocats commis d'office ne sont souvent perçus
que comme de pâles ersatz comparés aux avocats
célèbres, nationaux ou internationaux, qu'ils
revendiquent pour défendre leur cause.
Les interactions avec les avocats qui précèdent
l'audience devant le JLD sont habituellement
jugées comme aimables, courtes et très insuffisantes pour « connaître le dossier ». Dans l'étude,
leurs interventions sontjugées sans impact sur la
décision du juge. Quelques patients mentionnent
qu'ils ont été poussés à demander une expertise,
avis qu'ils ne suivent pas toujours.
0C Moreau /E lsevier Masson SAS
multitude des certificats qui s'y rattachent, etc.).
Les motifs de renoncement des patients au passage devant le JLD sont pluriels, retenons : la
confiance dans les décisions du médecin et l'adhésion à l'hospitalisation, la conviction que le
passage devant le JLD ne modifiera en rien la
mesure et la crainte de la confrontation et de la
décision qui s'ensuivra.
NOTE
1 .11 s'agit des soins psychiatriques
à la demande d'un tiers (SPDT), des
soins psychiatriques d'urgence
(SPU), des soins psychiatriques
pour péril imminent (SPPI) et des
soins psychiatriques sur demande
du représentant de l'État (SDRE).
Déclaration d'intérêts
l'auteur déclare ne pas
avoir de conflit d'intérêts
en relation avec cet article.
LA PERCEPTION DE LA LOI
L'AUTEUR
Interrogés quant à l'intérêt de la nouvelle loi, le
positionnement des patients oscille entre deux
positions extrêmes : d'un côté, elle est perçue
comme une mesure "administrative", coûteuse
en temps, en personnel et en argent pour la
société ; d'un autre, la nouvelle loi est considérée
comme une mesure de contre-pouvoir utile face
aux psychiatres dont les positions sont parfois
jugées arbitraires.
Nathalie Mercier,
psychiatre,
praticien hospitalier
contractuel,
75G23,
service du docteur Msellati,
Établissement public
de santé Maison-Blanche,
Paris (75018),
[email protected]
35
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
réflexion
Les questions éthiques soulevées
par la loi du 5 juillet 2011
MARIANNE MAZOD1ER
1 La loi du 5 juillet 2011 soulève de nombreuses questions relatives aux soins et aux modalités de prise
en charge des patients I La finalité du soin ne s'égare-t-elle pas dans cette mosaïque législative ?
1 Que deviennent les droits des patients confrontés à l'univers de la justice ? 1 L'éthique doit être
questionnée et doit fédérer des réflexions pluriprofessionnelles au bénéfice des projets de soins.
The ethical questions raised by the law of July 5th, 2011. The law of 5th July 2011 raises
numerous questions relating to care and the procedures for treating patients. Is the purpose of care
getting lost in this legislative mosaic? What is the future of the rights of the patients, faced with the
world ofjustice ?The ethical aspect must be questioned and must bringtogether multi-professional
reflections for the benefit of the care projects.
MOTS-CLÉS
• Autonomie
• Dignité
• Droits des patients
• Éthique
• Intimité
• Judiciarisation
• Programme de soins
KEY WORDS
• Autonomy
• Gare programme
• Dignity
• Ethics
• Judicialization
• Patients' rights
L
a loi du 5 juillet 2011 [1] représente une
réforme importante des soins psychiatriques
sans consentement. Son objectif se voulait sécuritaire et protecteur des droits des patients. Après
des débats houleux, elle a été mise en application
le 1" août 2011 et a entraîné quelques précipitations et confusions, malgré le soutien de l'encadrement des établissements concernés. Six mois
après sa mise en place, de multiples témoignages
des acteurs de soins et des associations d'usagers,
le rapport de la commission des affaires sociales
de l'Assemblée nationale de février 2012 ont souligné les difficultés et interrogations dans son
application. Le but n'est pas de reprendre en
détail ce bilan pratique mais d'essayer de l'accompagner de réflexions éthiques qui s'imposent aux
personnes concernées par cette loi, médecins, soignants mais aussi usagers, administratifs etjuristes.
• Privacy
RESPECT DES DROITS DES PATIENTS,
RESPECT DES IDENTITÉS DE TOUS
I Cette loi a pour but d'apporter un réel progrès dans le champ des soins sans consentement en psychiatrie. Sa complexité freine son
intégration rapide et fluide par les partenaires des
soins psychiatriques, sans oublier les usagers. Le
respect des droits des patients commence par la
reconnaissance du statut de citoyen au malade
mental, dusse-t-il nécessiter, durant un temps, des
soins sans consentement. Cet élément peut-il se
retrouver clairement dans l'intitulé de la loi relative à des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ? Les patients, leur entourage, les
36
2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
http://dx.doi.org/10.1016/j.spsy.2012,05.007
soignants ressentent-ils cette loi comme une
avancée heureuse, qui respecte leur liberté, leur
autonomie, leur dignité, leur intimité, leur droit
à l'information, au consentement et à la confidentialité, dans un contexte empathique, garant
de la dimension humaine attendue dans toute
démarche de soins ?
I Ces questions se posent notamment dans
les soixante-douze premières heures de soins
sans consentement, phase d'observation et de
traitement en urgence. Certains assimilent cette
période à une sorte de "garde àvue" clinique, avec
privation de liberté, au terme de laquelle les soins
sans consentement peuvent être levés. Le législateur souhaitait protéger les patients et l'environnement, et renforcer leurs droits. Les patients en
crise peuvent ou non être accessibles à une information adaptée. Celle-ci doit parfois être différée,
selon l'état clinique du patient, tantôt inconscient
de ses troubles, tantôt opposant ou confus.
Comment le patient peut-il alors comprendre son
statut, lorsqu'il s'agit d'un soin sans consentement,
dans le cadre de péril imminent, c'est-à-dire d'hospitalisation sur demande d'un tiers mais en l'absence du tiers, injoignable dans l'immédiat ?
Quelles seront alors les répercussions relationnelles entre le patient et ses proches ?
I Les programmes de soins respectent-Ils la
dignité, l'intimité et l'autonomie du patient ?
Des visites à domicile, parfois nécessaires, peuvent
être vécues comme intrusives par des patients de
retour chez eux. Les réintégrations en hospitalisation complète ne sont pas toujours faciles à
organiser dans un cadre éthique adapté.
SOINS PYSCRIATRIE
-
n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
Les acteurs de soins conservent-ils leur finalité originelle ? Ne perdent-ils pas en partie leurs repères,
leurs valeurs et leur identité ? Peuvent-ils assumer
leurs actes et leurs devoirs ? Comment peuvent-ils
encore gérer leurs limites dans tous ces espaces
de soin définis par la loi ? En effet, la mission première des professionnels psychiatriques est thérapeutique. Que devient-elle quand elle est
assujettie aux décisions du juge des libertés et de
la détention, ou du directeur d'établissement ?
L'assistance des avocats est expliquée aux patients,
mais leur rôle gagnerait à être précisé. Les différentes formes d'audience avec le juge, au tribunal
ou en visioconférence, suivent-elles les exigences
de confidentialité, de dignité pour ces patients
vulnérables ? Les audiences à l'hôpital demeurent
encore rares, et les audiences publiques ont
jusqu'alors été favorisées.
Tous les messages véhiculés par ce texte assurentils aux générations actuelles et futures des repères
pour mener une démarche de soins sans consentement, cohérente et confortable pour tous ?
la loi est-il toujours compris lors
des soins ambulatoires sans
consentement? Est-il en harmonie
avec les principes d'autonomie, de
dignité, et de déstigmatisation,
alors que ces mesures visent à
consolider la continuité des soins
dans un cadre protecteur e tfavorisant la réhabilitation sociale de ces
malades ?
La loi du 5 juillet 2011 nous aidet-elle à mieux appréhender la
promulgation de nouvelles lois ?
Ne faut-il pas toujours adapter au
contexte, les lois et règles, à l'abord
forcément rigide. Cette loi ne
rejoint-elle pas parfois les risques
d'une psychiatrie de plus en plus
technicisée et protocolisée, et
donc peut-être déshumanisée ?
RESPECT DE LA SOCIÉTÉ,
RESPECT DES AUTRES
Il faut du temps pour observer et évaluer les effets
de la loi du 5 juillet 2011. Il en faut encore plus
pour permettre à chacun de bien l'intégrer dans
ses pratiques. Aucune loi n'est immuable ; des
projets de révision sont à l'étude, à la suite des
premiers rapports, mais il faut du temps pour
élaborer des solutions sages, applicables dans la
réalité du terrain et accessibles à tous.
I Les bonnes intentions de la loi du 5 juillet
2011 ne prévoyaient pas les diverses complications et interrogations qu'elle engendrerait
à tous les niveaux, lors de sa mise en place
rapide. Les usagers de la santé ont parfois peine
à la comprendre malgré nos efforts d'information. D'aucuns ont parfois pensé que les exigences, quelquefois rigides, de la loi, leur
permettraient d'échapper aux soins dont ils ont
pourtant besoin. D'autres se soumettent à ce
cadre confus sans en mesurer les changements
notables. Les professionnels se débattent entre le
respect de la mise en pratique de la loi, avec les
multiples certificats de signataires différents, l'organisation des audiences au juge, de forme très
hétérogène selon les établissements, et le maintien de la qualité des soins, entre alliance thérapeutique, écoute de tous les acteurs de soins, pour
une co-construction confiante d'une prise en
charge thérapeutique de qualité,
Ce texte soulève de nombreux questionnements
éthiques, certains qui lui sont propres, d'autres
plus génériques liés au monde sanitaire.
Cette loi facilite-t-elle la concertation collective ? La loi du 5 juillet induit un déséquilibre
entre les avis des protagonistes de la prise en charge
des soins sans consentement, et ceci en "faveur" du
juge. On peut ainsi comprendre l'avis du collège
pluridisciplinaire après une hospitalisation
complète prolongée, comme un facilitateur de
l'articulation collective.
Cette loi rend indispensable une bonne coordination entre les juridictions, les établissements
psychiatriques, et les services préfectoraux.
L'écoute et la collaboration de l'autre, et dans la
mesure du possible du patient et de son entourage, sont essentielles. Sinon, ces derniers peuvent ne pas saisir le bien-fondé de la démarche de
soins sans consentement. Cette situation peut se
retrouver lors des sorties brèves de l'hôpital qui
ne sont possibles qu'accompagnées, mais pas
nécessairement par un soignant. L'accompagnement par un proche peut se révéler délicat, voire
néfaste, pour l'évolution du patient et des soins.
La confiance entre professionnels de la santé rencontre paradoxalement une possible défiance
entre les psychiatres, lors des multiples certificats
médicaux rédigés par des signataires différents.
L'objectif sécuritaire de la loi ne confond-il pas
trop souvent le patient psychiatrique à un délinquant, potentiellement dangereux? L'objectif de
SOiNS PYSC1-11ATR1E
-
n°281 - jui I let/août 2012
de-
5 iket 2.011
(N.
CONCLUSION
•
RÉFÉRENCE
[1] Loi n°2011-803 du 5 juillet
2011 relative aux droits et à la
protection des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques
et aux modalités de leur prise en
charge http://www.legifrance.
gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte
=JORFTEXT000024312722&fast
Pos=1&fastReq1d=217845111&
categorieLien=cid&oldAction=r
echTexte
Déclaration d'intérêts :
l'auteur déclare ne pas
avoir de conflit d'intérêts
en relation avec cet article.
L' AUTEUR
Marianne Mazodier,
psychiatre,
praticien hospitalier,
groupe hospitalier
Paul-Guiraud,
pôle 92G13,
Villejuif (94800),
marianne.mazodier@ch-pgyfr
37
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
témoignage
L'art de la fugue
«D
evant la loi se dresse le gardien de la porte.
Un homme... se présente et demande à
entrer dans la loi. Mais le gardien dit que pour l'instant
il ne peut pas lui accorder l'entrée. L'homme réfléchit,
puis demande s'il lui sera permis d'entrer plus tard.
"C'est possible", dit le gardien, "mais pas
maintenant". Le gardien s'efface devant la porte,
ouverte comme toujours, et l'homme se baisse
pour regarder à l'intérieur. Le gardien s'en aperçoit
et rit. "Si cela t'attire tellement", dit-il, "essaie donc
d'entrer malgré ma défense. Mais retiens ceci :je suis
puissant. Et je ne suis que le dernier des gardiens.
Devant chaque salle il y a des gardiens de plus en plus
puissants .. »
Franz Kafka, Le Procès
La nouvelle loi de psychiatrie, en vigueur depuis le
1" août 2011, outre ses aspects sécuritaires, sème
sur le chemin de son application de nombreux
désagréments. L'accompagnement devant le juge
des libertés et de la détention (JLD) des patients n'en
est pas le moindre. En effet, les patients hospitalisés
sous contrainte de façon continue depuis une
quinzaine de jours sont convoqués devant le JLD
qui entérine ou non l'hospitalisation. Les équipes
soignantes qui souffrent déjà d'être en sous-effectif
doivent faire face à cette nouvelle obligation. Il faut
jongler avec les emplois du temps, modifier le
roulement d'un soignant, en solliciter un d'un autre
service, faire appel à des intérimaires pour remplacer
les accompagnants. Pour couronner le tout, il n'est
pas rare que les convocations au tribunal tombent
l'après-midi pour le lendemain alors que les plannings
sont déjà bouclés.
RÉCIT D ' UNE AUDIENCE
Ce jour-là, c'était au tour de Monsieur B. d'aller se
confronter au JLD. "Basculé" d'un programme de
soins vers une hospitalisation en continu depuis
deux semaines pour recrudescence délirante et
risque de mise en danger, Monsieur B. est fin prêt
à 8 h 30 : douche, petit déjeuner, traitement. Nous
n'attendons plus que le taxi commandé par l'hôpital.
Une fois dans la voiture, le patient refuse de mettre
sa ceinture de sécurité, « Ça m'angoisse » me dit-il.
Je n'insiste pas mais je le surveille du coin de l'ceil car
il a une main cramponnée à la portière. Nous sommes
pris dans les embouteillages et je tente d'amorcer
un dialogue avec lui. mais il marmonne des réponses
38
2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
http://dx.doi.org/10.1016/j.spsy.2012.05.004
évasives et je comprends qu'il faut le laisser
tranquille. On entend seulement l'autoradio
du véhicule. À un moment, le patient lance :
« Ils sont en train de parler de moi dans la chanson.
—Ah bon ? répond le chauffeur de taxi.
—Oui, ils viennent de citer mon nom, explique le
patient».
Le conducteur me lance un regard discret dans
le rétroviseur mais ne fait pas de commentaire.
DANS LE DÉDALE DU PALAIS DE JUSTICE
Nous arrivons un peu en retard au tribunal, le passage
par le sas de contrôle dure un bon quart d'heure.
J'essaie de me repérer tant bien que mal dans
le dédale du Palais de justice pour trouver l'escalier F
par lequel nous devons passer. Je sens que
Monsieur B. est de plus en plus tendu : il veut fumer,
prendre un café, mais je lui dis que nous sommes en
retard et que nous le ferons après l'audience. Soudain
il s'élance dans un escalier à tout vitesse :« C'est par
là ! », puis il redescend pour dévaler un autre escalier
« Non, c'est par là ! » Le patient est anxieux et malgré ma
réassurance et mon autorité bienveillante, je ne parviens
pas à le calmer.
Nous voilà enfin devant le fameux guichet tenu par
un gendarme.
Une avocate commise d'office nous aborde aussitôt
et entraîne le patient dans son sillage. Puis nous
attendons l'arrivée du juge dans l'étroit couloir, parmi
d'autres personnes. Monsieur B. se remet à déambuler
nerveusement. Il pousse une porte et disparaît.
Je m'élance à sa poursuite, c'est la porte des toilettes,
je ressors, un peu confus. Une femme qui attend
son tour d'audience dans le couloir, baisse la tête
en souriant. Il passe un long moment à l'intérieur,
je le soupçonne de fumer.
« JE VEUX UNE AUDIENCE PUBLIQUE »
Enfin notre tour arrive. Le juge m'autorise à assister
à l'audience et nous fait entrer dans un petit bureau
en compagnie de la greffière.Aussitôt le patient
se rebiffe et demande une audience publique.
« Vous êtes sûr ? lui demande le juge.
—Je suis intimidé ici, je veux une audience publique!
—Mais vous le serez peut être encore plus en public.
—Je préfère une audience publique. »
Le juge donne alors l'ordre d'ouvrir la grande salle
devant la mine contrariée de la greffière. Cela prend
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n°281 - juillet/août 2012
dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
quelques minutes entre l'affairement des gendarmes
et l'entrée du public. Pendant ce temps, Monsieur B.
détaille la salle en silence, puis s'approche de l'avocate
et lui murmure une question. Elle se tourne vers moi,
les sourcils froncés : « C'est qui le ministre de la Justice,
Claude Guéant ? »
Le juge lit le certificat médical accablant, délivré
par le psychiatre de monsieur B., relatant les récents
troubles de ce dernier et lui demande ce qu'il en
pensa Le patient se lève « Monsieur le Président,
j'ai été mandaté par le Premier ministre pour aller
secourir les pays soniques et lituniques (sic)».
Le juge, d'abord, légèrement désarçonné par l'étrange
plaidoirie, reprend vite les choses en main et demande
au patient de répéter ce qu'il a déclaré. Ce que ce
dernier fait, sans changer une virgule.
« Les pays sunnites, vous voulez dire, interroge
l'homme de loi.
—Non, soniques.
—Bien. Ce sont là vos activités personnelles, parleznous maintenant de l'hospitalisation, demande le _ILD.
—Tous les médecins ont été achetés, lui rétorque
Monsieur B.
Le juge relit certains passages de la lettre médicale.
—Ce sont pourtant vos médecins qui ont signé.
Le U. le U...
—Je ne les connais pas. Ils ont tous été achetés,
affirme Monsieur B. »
Le juge laisse le patient finir son intervention, puis
annonce que c'est le moment d'aller délibérer.
Sur ma gauche, je vois l'avocate qui pouffe en silence
dans sa robe, la tête tournée de côté.
LA DÉLIBÉRATION
Monsieur B. est très angoissé, il veut fumer, j'ai du mal
à le contenir, il est inaccessible au dialogue. Il se remet
à déambuler dans la salle, va vers le couloir, revient,
ressort. L'avocate l'observe, m'observe. Je lui propose
des bonbons pour temporiser le manque de nicotine.
Il me lance un regard noir et scrute les bonbons blancs
dans ma main.
« Ils ont été hollywoodés (sic) ? me demande-t-il,
soupçonneux.
—Non non, ils sont français, je réponds
maladroitement.
—Et pourquoi tu veux que je mange des Tic Tac'»?
dit-il plus agressivement.»
Je me demande soudain si un délire
d'empoisonnement n'est pas en train de lui traverser
l'esprit. Mais il finit par les mettre dans sa bouche
et les mâchonne sans me quitter des yeux. Le retour
du juge et de la greffière me sauve de mon nouveau
rôle de persécuteur.
soiNs PYSCI 11ATR1E
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n°281
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juillet/août 2012
Les délibérations, comme je m'y attendais, n'ont pas
duré très longtemps. Le juge annonce au patient que
son hospitalisation est maintenue et que la nécessité
de soins psychiatriques s'impose. Celui-ci baisse
la tête et éclate en sanglots. Il profère encore
quelques néologismes puis se lève d'un seul coup
et déclare : « Je veux faire appel! »
L'avocate et moi essayons de lui faire comprendre
qu'il vaut mieux laisser passer un peu de temps.
Je lui parle du programme de soins, dont il a déjà
bénéficié dans le passé, qui pourra se remettre
en place une fois son état stabilisé. Il s'élance vers
la sortie et j'ai peine à le rattraper.
Arrivés au rez-de-chaussée, il réitère son besoin
de café et de cigarette. Dans le hall, encombré
de magistrats, de visiteurs, de "convoqués" de toute
sorte, je réussis à happer une femme de ménage
pour lui demander où se trouvent les machines à
café. J'entends ensuite de grands cris. Monsieur B.
bouscule un groupe, se fraie un chemin parmi les
robes noires des magistrats, bondit vers la sortie,
dévale les grandes marches du palais à toute vitesse
et saute par-dessus le tourniquet tenu par un policier
avant de se noyer dans la foule extérieure.
En quelques secondes, il avait fait presque
100 mètres, une flèche I
ÉPILOGUE
J'ai manqué de glisser sur les marches mouillées
du tribunal et couru en criant : «Revenez Monsieur B.,
revenez ! » sous les regards médusés des témoins.
Mais j'ai vite abandonné carie savais que jamais
je ne pourrai le rattraper. Une fugue ! Voilà, je vivais
la fugue d'un patient. La première de ma carrière.
Je n'en étais pas fier.
Bizarrement, la première idée qui m'est venue à
ce moment là après le signalement à l'hôpital, a été
d'appeler le service des transports pour annuler
le taxi du retour. Le standardiste m'annonce qu'il était
trop tard, le taxi étant déjà en route. Puis, de l'air
de celui qui en a vu d'autres, il ajoute : « Bah, ne vous
inquiétez pas, on le retrouvera, on les retrouve tous.
Prenez le ce taxi, profitez en pour rentrer tranquille».
En effet, le soir même, la police ramenait à l'hôpital
Monsieur B. qu'elle avait retrouvé, terré dans son
appartement.
Messaoud Djemat
infirmier,
hôpital Maison-Blanche,
Paris (75020),
djemes@freefr
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dossier
La réforme de l'hospitalisation sous contrainte
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La bibliographie suivante [1-50] complète le dossier "La réforme de l'hospitalisation sous contrainte"
LIVRES
[1] Blisko S. Rapport sur la mise en oeuvre de la
loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits
et à la protection des personnes faisant l'objet de
soins psychiatriques et aux modalités de leur prise
en charge. Paris: Assemblée nationale; 2012.
[2] Coelho J. Soins psychiatriques et juge des
libertés et de la détention (JLD). Bordeaux: Les
Études hospitalières; 2011.
[3] Collectif. L'organisation des soins psychiatriques : les effets du plan "Psychiatrie et santé
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française; 2012.
[4] Dupuy O. Droit et psychiatrie : la réforme du
5 juillet 2011. Paris: Heures de France; 2011.
[5] Idepp. Livre blanc 2012 de la psychiatrie française. disponible sur : http://wwvvidepp.info
[6] SPH. La loi du 5 juillet 2011 relative aux droits
et à la protection des personnes faisant l'objet de
soins psychiatriques et aux modalités de leur
prise en charge : synthèse, 2012 [en ligne] http://
vvww.uspsy.fr/IMG/pdf/Loi_du_5 juillet_2011.pdf
[7] Tabuteau D. Pratique et éthique médicales à
l'épreuve des politiques sécuritaires. Actes du
colloque chaire Santé-Médecins du Monde. Paris:
Les Presses de Sciences Po; 2010.
ARTICLES
[8] Almendros C. Une loi très modérément
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[9] Benezech M. À propos de la loi du 5 juillet
2011 relative aux droits et à la protection des
personnes faisant l'objet de soins psychiatriques
et aux modalités de leur prise en charge :
réflexions psychologiques et médicolégales critiques. Ann Med Psycho' 2012 [in press].
[10] Berthon G. Le paradoxe du respect du
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entre norme juridique et éthique psychiatrique.
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[11] Boillet D. La loi du 5 juillet 2011 : une loi de
défiance à l'égard des malades et de leurs médecins. Perspectives psy 2011;3:207-9.
[12] Braitman A. Critères de prise de décision
aux urgences de l'hospitalisation sans le consentement. Ann Med Psychol 2011;10:664-7.
[13] Castaing C. Pouvoir administratif versus
pouvoir médical ? Ajda 201136:2055-62.
[14] Chevillotte J. La réforme des soins en psychiatrie. Rev Infirm 2011;176:33-4.
[15] Coffin JC. Consentement : un petit détour
par l'histoire. Santé mentale 2011;161:32-7.
[16] Collectif. La réforme des hospitalisations
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[17] David M. Santé publique et mesure de justice. Une problématique centrale posée à la psychiatrie et aux pouvoirs publics. Santé publique
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[18] Delion P. Psychiatrie secure versus flichiatrie sécuritaire. Le Carnet psy 2011153:1.
[19] Devers G. Les droits des patients en psychiatrie. Objectif soins 2012;202:11-14.
[20] Devers G. Psychiatrie : le nouveau régime
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[21] Debertrand N. La loi sur les soins sans
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[22] Dujardin V. La loi n° 2011-803, du 5 juillet
2011, relative aux droits et à la protection des
personnes faisant l'objet de soins psychiatriques
et aux modalités de leur prise en charge. La
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[24] Durand B. Soins psychiatriques : le retour
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[26] Fnapsy. Le nouveau régime des soins sous
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[27] Fuya C. Mais de quel déni parle-t-on ? Santé
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[28] Genot-Pok I. Réforme des soins psychiatriques : voir clair dans une réforme encore obscure. Actualités jurisanté 201176:3-30.
[29] Godfryd M. Réforme des soins psychiatriques :
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[30] Guellec A. Réforme des soins psychiatriques
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[31] Guigue S. Présentation de la loi relative aux
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l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
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[32] Laguerre A. Réforme des soins psychiatriques: loi du 5 juillet 2011, outils pratiques.
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[33] Lopez M. La loi relative aux droits et à la
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psychiatriques : genèse d'une réforme et incertitudes. Revue générale de droit médical 2011;
41:137-68.
[34] Martin JP. Consentement aux soins et servitude contrainte. VST 2011;112:112-6.
[35] Massé G. La réforme de la psychiatrie : il
faut raison garder. Nervure 2011;3:1-2.
[36] Prieur S. L'encadrement juridique des soins
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sur une réforme controversée (loi n°2011-803 du
5 juillet 2011). Revue générale de droit médical
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[37] Rome I. Pour un juge garant de la liberté
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[38] Turquois V. Réforme des soins psychiatriques : top départ le 1er août. Dictionnaire permanent action sociale 2011;282:5-7.
[39] Vacheron MN. L'admission en soins psychiatriques sous contrainte :apports et limites de
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[40] Vaillant C. L'intervention du juge des libertés
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[41] Vioujas V. Les soins psychiatriques aux
détenus : des modifications mineures pour une
problématique de santé publique majeure. Revue
de droit sanitaire et social 2011;6:1071-84.
TEXTES LÉGISLATIFS
ET RÉGLEMENTAIRES
[42] Loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux
droits et à la protection des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge (JO 06/07/2011).
[43] Décret 2011-846 du 18 juillet 2011 relatif à
la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques (JO
19/07/2011) + rectificatif 00 30/07/2011).
[44] Décret 2011-847 du 18 juillet 2011 relatif
aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (JO 19/07/2011).
[45] Circulaire interministérielle n°2011-345 du
11 août 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
(BO SPSS 2011/9).
[46] Circulaire du 21 juillet 2011 relative à la présentation des principales dispositions de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et
à la protection des personnes faisant l'objet de
soins psychiatriques et aux modalités de leur
prise en charge et du décret n°2011-846 du
5 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de
mainlevée ou de contrôle des mesures de soins
psychiatriques (BO MJL 2011/7).
[47] Circulaire DGOS/R4/2011/312 du 29 juillet
2011 relative aux droits et à la protection des
personnes faisant l'objet de soins psychiatriques
et aux modalités de leur prise en charge (http://
sante.gouv.fr/IMG/pdf/Circulaire_29_07_2001_
Loi_psy_05_07_2011-2.pdf)
Liliane Régent
Documentaliste
ERFPS CHU Rouen (76031)
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SOINS PSYCHIATRIE -
n° 281 - juillet/août 2012