"Saga", la famille douloureuse de Jonathan

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"Saga", la famille douloureuse de Jonathan Capdevielle
On ne sort jamais d'un spectacle de Jonathan Capdevielle totalement serein. Il marque au fer
rouge nos âmes, toujours. Jerk, c’était il y a sept ans pour nous, la première fois, on l'aura vu
trois fois depuis. La première fois on avait rencontré un fin jeune homme, sexy à en crever qui
incarnait, par la marionnette et la ventriloquie un violeur d'adolescents morts. Quelle est la rage
qui anime ce performeur incroyable ? La réponse dans Saga.
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Avant Saga, il y a donc eu Jerk puis Adishatz/Adieu. Ce dernier spectacle au titre en Gascon
posait la question de l'enfance et de l'adolescence d'un jeune gay dans une terre où "on est pas
des Pédés !" est une formule de courtoisie. Avec Saga, il continue d'explorer la question de la
construction identitaire au sein d'une famille en province. Ici, nous sommes dans les Pyrénées,
un peu loin de Tarbes, à Ger, un village inaccessible à moins d'être du coin.
Sur scène, il y a d'abord le son d'un Amstrad que les plus de vingt ans connaissent bien, et il y
a un texte, comme un préambule qui nous amène sur la route de l'enfance, comme dans une
machine à remonter le temps. On rencontre, dans la voix de Jonathan bientôt de dos et sans
micro pour cause de problèmes techniques délirants, la sœur Sylvie, son mari, les oncles, les
tantes, les grands mères, l'extravagant Emile dont le mec est mort du Sida. Ça n'a l'air de rien
car ici nous sommes dans l'absolue normalité du pire. Cette famille-là est toutes les familles
avec son lot de gentils et de méchants, de cons et d'intelligents. "JoJo", le surnom est
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insupportable autant que débillisant, grandit tant bien que mal à 10 bornes du lycée, il rêve de
faire l'acteur et pour cela se prête au jeu des jobs de figurants assez humiliants dans un centre
commercial ET culturel. On est dans le petit ici, dans les rêves riquiqui des petites villes. Il y a
"les gens" qui parlent, disent des "conneries", dans un accent rond, chaud, qui vient chercher
dans les graves. On entend comme une litanie : "Sans déconner ! ". On ressent le "cagnard" et
les longues soirées à refaire tourner le même monde dans le même rond sous la véranda qu'on
imagine. Il y évidement un chien de garde qui remplace la sonnette, c'est aussi ça la voix de
Capdevielle.
Sur scène ils sont quatre, Jonathan Capdevielle donc, accompagné de Marie Dreistadt,
Jonathan Drillet et Frack Saurel. Ils sont la famille, les amis, les autres. Pour écrire cette
biographie d'une violence inouïe, Capdevielle a invité sa sœur, Sylvie et Jonathan Drillet. Nous
sommes dans un presque documentaire qui confronte les regards d'enfants posés sur un
monde d'adultes, relus avec le regard d'un homme aujourd'hui. Nous sommes surtout dans un
Chabrol où l'entre-soi de la sociabilité au village fait que les histoires prennent des allures de
western.
Saga dérange car le parti pris scénographique anti-réaliste nous oblige à ne pas nous attendrir,
même quand les comédiens chantent en chœur "Je sais pas" de Céline Dion. Les teintes kitsch
viennent ici noircir un tableau fait de petites misères, de petites humiliations et de grands
malheurs aussi. Jonathan Capdevielle porte le récit populaire au rang de la performance, il tape
juste en confrontant chacun de nous au misérables accommodements de l'adolescence.
Visuel : ©Estelle Henania
Tournée :
Du mardi 14 au vendredi 17 avril à 20h30 à la Maison des Arts de Creteil et les 11 et 12 juin à
la Rose des vents.
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