Hémorragies non traumatiques du vitré
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Hémorragies non traumatiques du vitré
¶ 21-248-A-26 Hémorragies non traumatiques du vitré J.-P. Berrod Les hémorragies intravitréennes non traumatiques sont des affections oculaires sévères dont la prévalence est de sept cas pour 10 000 habitants et par an. Les causes principales sont la rétinopathie diabétique (32 %), les déchirures rétiniennes (30 %), les proliférations vasculaires après occlusion veineuse (11 %), le décollement postérieur du vitré sans déchirure (8 %). Les causes du saignement sont : la déchirure d’un vaisseau rétinien normal, le saignement à partir d’un vaisseau pathologique ou d’un néovaisseau, ainsi que la diffusion d’une hémorragie à partir de l’espace sous-rétinien. L’hémorragie à l’intérieur du gel vitréen entraîne la formation rapide d’un caillot qui va se résorber spontanément de manière très lente pouvant entraîner des complications à type de glaucome hémolytique ou à cellules fantômes et d’hémosidérose. Le traitement des hémorragies ne se résorbant pas est essentiellement chirurgical fondé sur la vitrectomie par la pars plana. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Rétinopathie diabétique ; Hémorragie du vitré ; Décollement postérieur du vitré ; Échographie du vitré ; Vitrectomie par la pars plana ; Syndrome de Terson ■ Introduction Plan ¶ Introduction ¶ Particularités anatomiques de la cavité vitréenne Cellules vitréennes et hyalocytes Substance fondamentale ou gel vitréen Anatomie macroscopique du corps vitréen chez l’adulte Variations selon l’âge Adhérences vitréorétiniennes ¶ Physiopathologie de l’hémorragie du vitré Origine du saignement Mécanismes du saignement Facteurs favorisants Conséquences anatomophysiologiques Hémorragies diffuses Hématomes localisés ¶ Examen anatomoclinique Interrogatoire Examen clinique Pronostic et complications ¶ Bilan diagnostique Principales étiologies Anomalies vasculaires Dégénérescence maculaire liée à l’âge Tumeurs Syndrome de Terson Hémorragie postopératoire Hémorragie chez l’enfant ¶ Traitement Moyens thérapeutiques Buts du traitement Technique chirurgicale de la vitrectomie Complications de la vitrectomie Conduite à tenir selon l’étiologie ¶ Conclusion Ophtalmologie 1 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 3 3 3 3 4 6 7 7 7 8 8 8 9 9 9 9 9 9 10 11 12 L’hémorragie du vitré non traumatique est un épanchement sanguin occupant tout ou partie de la cavité vitréenne, délimitée en avant par le plan postérieur de la zonule et du cristallin et, en arrière par la membrane limitante interne de la rétine. Elle est consécutive au saignement d’un vaisseau rétinien ou uvéal. C’est un accident grave dont la fréquence est de 0,7 pour 10 000 habitants par an. [1] L’étiologie est largement dominée par les complications du décollement postérieur du vitré et les tractions vitréorétiniennes chroniques secondaires à l’évolution de rétinopathies proliférantes connues ou méconnues. La densité de l’hémorragie peut rendre le diagnostic étiologique difficile et c’est alors que l’anamnèse, le bilan clinique et échographique prennent toute leur valeur afin de déterminer l’utilité et le caractère d’urgence d’une vitrectomie. ■ Particularités anatomiques de la cavité vitréenne “ Point important Le vitré est un tissu conjonctif viscoélastique composé de cellules baignant dans une substance fondamentale formée par des fibrilles de collagène et du hyaluronate de sodium. Cellules vitréennes et hyalocytes Les cellules du vitré sont enchâssées dans le gel cortical sans contact intercellulaire ou avec les membranes basales. La grande 1 21-248-A-26 ¶ Hémorragies non traumatiques du vitré majorité est formée de macrophages mononucléés ayant une activité de phagocytose. Elles contiennent également de l’acide hyaluronique et peuvent synthétiser celui-ci, ce qui justifie leur dénomination de hyalocytes. Les hyalocytes fonctionnent également comme des phagocytes lorsqu’une inflammation ou une hémorragie survient dans le vitré et jouent le rôle de nettoyeurs du vitré. Un nombre plus faible de cellules, environ 10 %, est constitué de fibrocytes et de cellules gliales, principalement au niveau de la papille et du corps ciliaire. [2] Substance fondamentale ou gel vitréen Le gel vitréen est principalement composé de fibrilles de collagène de type II très semblables à celles qui forment le cartilage articulaire mais dont l’organisation se fait en réseau beaucoup plus lâche, ce qui autorise une plus grande souplesse et une moindre dispersion de la lumière. L’espace entre les fibrilles de collagène est rempli de molécules de hyaluronate de sodium qui fournissent une très bonne stabilité et une bonne consistance au gel. Le vitré devient liquide vers la 7e décennie en raison des ruptures des fibres de collagène, mais sa viscosité reste supérieure à celle du sérum en raison de la présence du hyaluronate de sodium. Anatomie macroscopique du corps vitréen chez l’adulte Le vitré peut être divisé en trois zones de densités optiques différentes : • le cortex vitréen postérieur est relativement épais (2 à 3 mm), il est constitué de membranules fines, denses parallèles à la surface et étroitement unies par des fibres radiaires. Dans ce cortex dense existent des trous au niveau de la papille et de la fovea ; [3] • le vitré central semi-fluide apparaît sous la forme d’espaces optiquement vides contenant des tractus vitréens formant un système de membranules qui commencent au niveau du pôle postérieur, de l’anneau papillaire et de la macula et s’insèrent sur la hyaloïde antérieure et la base du vitré ; [2] • le canal central est un espace à l’intérieur du tractus hyaloïdien optiquement vide dépourvu de système membranaire. “ Point important Les connections du vitré à la rétine ont une grande importance lors des hémorragies car elles forment des cloisons pouvant contenir un hématome intravitréen. peut se détacher de la rétine. La membrane hyaloïde postérieure devient alors biomicroscopiquement visible ménageant un espace rétrohyaloïdien dans lequel peuvent se cloisonner les hémorragies. Adhérences vitréorétiniennes Il existe des zones d’adhérences vitréorétiniennes fortes au niveau de la base du vitré et de la papille, expliquant la fréquence des ruptures vasculaires équatoriales et les hémorragies par traction du vitré sur le lambeau d’une déchirure rétinienne périphérique, ainsi que certaines hémorragies par déchirures vasculaires au niveau de la papille lors d’un décollement postérieur du vitré (DPV) aigu. [5] ■ Physiopathologie de l’hémorragie du vitré Origine du saignement Les vaisseaux pouvant être à l’origine d’une hémorragie intravitréenne localisée ou diffuse sont : • des vaisseaux rétiniens normaux (rupture ou déchirure vasculaire) ou pathologiques (macroanévrisme, angiomatose, vaisseaux embryonnaires) ; • des néovaisseaux prérétiniens ou intravitréens (compliquant une rétinopathie proliférante) ; • des vaisseaux ou des néovaisseaux uvéaux (dégénérescence maculaire liée à l’âge [DMLA], tumeurs de l’uvée, hémangiomes, rubéose irienne). Mécanismes du saignement Le mécanisme le plus fréquent est la rupture d’un vaisseau lors du décollement postérieur du vitré aigu, d’une déchirure rétinienne ou lors d’une hyperpression intravasculaire artérielle ou veineuse au cours d’une manœuvre de Valsalva particulièrement en présence d’une malformation vasculaire congénitale ou lors d’un syndrome de Terson. Le second mécanisme est en rapport avec des tractions vitréennes sur une membrane néovasculaire prérétinienne ou prépapillaire. L’hémorragie complique donc une rétinopathie ischémique au stade proliférant liée à la production de facteurs angiogéniques. [6] Deux facteurs interviennent : la solidité de l’adhérence vitréorétinienne au niveau des pédicules néovasculaires et la fragilité de la paroi des néovaisseaux. Les forces de traction sont majorées par la liquéfaction du vitré. [7] Plus rarement, l’hémorragie du vitré est secondaire à la diffusion intravitréenne d’une hémorragie sous-rétinienne liée à une dégénérescence maculaire ou à un mélanome de la choroïde. Variations selon l’âge Facteurs favorisants À la naissance Traitements anticoagulants et antiagrégants Chez le nouveau-né, le corps vitré a une disposition régulière, composée de striations radiales émergeant perpendiculairement à la rétine qui sont peu propices à la diffusion des hémorragies. Il y a environs 100 cas d’hémorragies intravitréennes massives rapportés chez des patients présentant une DMLA dont environ un tiers étaient traités par antivitamines K ou antiagrégants. [8, 9] En présence d’une DMLA compliquée de néovascularisation choroïdienne, l’indication ou la poursuite du traitement anticoagulant doivent être discutées avec le médecin prescripteur. [9] Au cours des premières années de la vie Les tractus vitréens se développent, apparaissant d’abord au niveau de leurs lignes d’insertion typiques. Elles s’étendent lentement vers le pôle postérieur. Le vitré antérieur a un aspect de vitré adulte avec présence de tractus, et le vitré postérieur garde sa structure radiaire infantile. Au cours du vieillissement L’arrangement du vitré est rompu par l’apparition de cavités et de condensations fibrillaires. Les adhérences du vitré à la rétine, [4] à la papille et au cristallin sont plus faibles alors qu’elles augmentent au niveau de la base. À l’âge mûr, le vitré 2 Hémopathies Leucémies, thrombocytopénies, désordres de la coagulation sont des facteurs favorisant l’hémorragie intravitréenne. Conséquences anatomophysiologiques L’extravasation sanguine dans un tissu entraîne une réaction inflammatoire proportionnelle à la quantité d’hématies : la Ophtalmologie Hémorragies non traumatiques du vitré ¶ 21-248-A-26 première réponse, essentiellement liée aux polynucléaires neutrophiles, aboutit à la dissolution de la fibrine. [6] La seconde débute après 48 heures et consiste à la migration des macrophages qui vont phagocyter les érythrocytes et les débris cellulaires. La résorption de l’hémorragie s’achève en 2 semaines laissant une cicatrice jaunâtre liée à la dégradation de l’hémoglobine qui va libérer des ions Fe3+ moins toxiques que les ions Fe2+. Le catabolisme du sang dans le vitré se fait différemment en raison des propriétés biochimiques particulières liées à la présence d’acide hyaluronique et de collagène. Il est caractérisé par une formation rapide du caillot sanguin, une lyse lente de la fibrine, la lyse extracellulaire des hématies, la persistance de globules rouges intacts pendant des mois, ainsi que l’absence de migration précoce des polynucléaires neutrophiles, ce qui aboutit à la persistance de fibrine. [6] Hémorragies diffuses Évolution anatomophysiologique du vitré hématique Lorsqu’une hémorragie de faible abondance survient directement dans le gel vitréen, elle ne diffuse pas, mais reste localisée en « doigt de gant » le long des fibres de collagène qui la tamponnent. Si l’hémorragie est abondante, le sang qui inonde la base du vitré masque la rétine périphérique. La rapidité de formation du caillot est favorisée par la structure du gel et le réseau de fibres de collagène. La résorption du caillot est très lente en raison de l’absence de migration précoce des polynucléaires neutrophiles, ce qui aboutit à la persistance de fibrine pendant plusieurs mois. [6] Certains érythrocytes seront lysés par les macrophages, ce qui active la résorption du caillot et entraîne la libération d’hémoglobine. L’hémoglobine dépolymérise l’acide hyaluronique du gel vitréen et aboutit à la libération de fer Fe3+. Dans la majorité des cas, la résorption est la règle en 1 mois. Séquelles Parallèlement à la dépolymérisation de l’acide hyaluronique par l’hémoglobine apparaît une rupture du réseau de collagène qui contribue à la liquéfaction du vitré dès la première semaine. Ce phénomène a pour conséquence le décollement postérieur du vitré qui aggrave les tractions vitréovasculaires s’il n’est pas complet. [6] On retrouve également la persistance de fibrine et de résidus cellulaires non phagocytés formant des membranes prérétiniennes de couleur ocre et la présence d’ions ferriques Fe3+ toxiques pour les cellules rétiniennes. Complications Hémosidérose Les ions ferriques sont d’abord stockés sous forme de ferritine et d’hémosidérine dans les macrophages. Après cette phagocytose, ces macrophages sont ensuite lysés avant d’atteindre les vaisseaux rétiniens où ils vont libérer leur fer. Les ions ferriques se lient aux protéines vitréennes, ce qui serait à l’origine de l’hémosidérose oculaire responsable de l’atteinte des photorécepteurs. L’hémosidérose peut se présenter sous la forme d’amas pigmentés le long des vaisseaux temporaux ou comme un saupoudrage du pôle postérieur. Au stade ultime, la sidérose est responsable d’une atteinte du champ visuel périphérique, d’une cécité nocturne, d’une xanthopsie, d’une atteinte des fonctions maculaires et finalement de l’extinction de l’électrorétinogramme (ER). [6] Prolifération vitréorétinienne L’injection intravitréenne de sang, d’hémoglobine ou de fer peut induire une prolifération fibrovasculaire ou gliale à partir de la limitante interne de la rétine et se compliquer de décollement rétinien. [10] Toutefois, cette prolifération est inconstante et semble liée au traumatisme de la limitante interne de la rétine, fréquent dans les syndromes de Terson [6] ou lors des traumatismes perforants. [11, 12] Ophtalmologie Glaucome Le glaucome à cellules fantômes (ghost cells), décrit en 1975 par Campbell et al., [13] est un glaucome à angle ouvert secondaire à l’obstruction du trabéculum par des hématies rigidifiées ayant perdu leur hémoglobine. Ces hématies obstruent le trabéculum particulièrement chez l’aphaque ou après vitrectomie. Elles sont visibles en gonioscopie, l’angle étant ouvert et tapissé de cellules brunâtres. Le glaucome hémolytique a une présentation identique mais les cellules sont rouge foncé. Le glaucome hémosidérotique ne se rencontre qu’en cas d’hémorragies récidivantes ou de corps étranger en fer, il est caractérisé par les signes cliniques de la sidérose oculaire : pigmentation, cataracte, hétérochromie, altération à l’ER. [14] Hématomes localisés Quand l’hémorragie est située en dehors du gel vitréen ou lorsqu’il s’agit d’une hémorragie récurrente après vitrectomie, la résorption de la collection hématique est en général plus rapide et les complications sont plus rares. Hématome rétrohyaloïdien Cet hématome se situe en arrière de la hyaloïde postérieure. Déclive, il présente un niveau supérieur horizontal mobile aux mouvements céphaliques. [6] L’hémorragie rétrohyaloïdienne s’accompagne d’un décollement souvent incomplet du vitré postérieur : le saignement dissèque la rétine du cortex vitréen et crée un espace localisé rétrovitréen. [9] L’observation d’une hémorragie collectée, sous forme d’un ménisque suspendu immobile en avant du pôle postérieur, doit faire suspecter une localisation sous la limitante interne. [6] Hématome intralacunaire Il s’agit d’une hémorragie collectée dans une lacune liquéfiée au sein du gel vitréen. Elle se présente fréquemment comme un mélange de petits caillots et de sang non coagulé, ce qui détermine son aspect suspendu et arrondi. La partie coagulée de l’hématome adhère au gel alors que la partie liquide a tendance à migrer vers le bas. [9] ■ Examen anatomoclinique Interrogatoire Signes fonctionnels L’hémorragie du vitré s’accompagne de troubles visuels d’apparition brutale et, dans certains cas, répétitifs. Le patient, souvent anxieux, décrit une pluie de suie, des mouches volantes plus ou moins denses accentuées par les mouvements de la tête, une vision colorée, plus ou moins brouillée, suivie d’ombres mobiles de fumées ou de toiles d’araignée. Dans des cas plus rares, la baisse de vision est totale, mais il persiste toujours une perception de la lumière ou des mouvements de la main : une hémorragie du vitré ne pouvant pas être à l’origine d’une cécité complète. [9] Des photopsies sans localisation précise et sensibles aux mouvements du globe peuvent être associées ; elles témoignent des tractions vitréennes sur la rétine. Elles sont à différencier des phosphènes, répétitifs, de localisation stable et d’intensité forte qui évoquent la formation d’une déchirure rétinienne. Une aggravation sous forme d’amputation du champ visuel est à rechercher systématiquement et doit faire craindre un décollement de rétine. Anamnèse Elle permet de préciser l’ancienneté de l’accident hémorragique et oriente le diagnostic et la conduite à tenir. Les antécédents de myopie de pseudophakie d’ouverture capsulaire au laser Nd Yag orientent vers le décollement postérieur du vitré pathologique alors qu’un diabète ou une hypertension artérielle sont en faveur d’une vasculopathie ischémique. 3 21-248-A-26 ¶ Hémorragies non traumatiques du vitré Figure 1. stade 2. Décollement postérieur du vitré avec hémorragie vitréenne Figure 3. Décollement postérieur du vitré complet avec hémorragie intravitréenne ; sonde de 20 MHz (avec l’aimable autorisation du docteur Kamal Siahmed). Au terme de cet examen, on peut classer la densité de l’hémorragie en quatre stades : [17] • stade 1 : l’hémorragie laisse voir distinctement toute la rétine sur laquelle un traitement laser pourrait être réalisé ; • stade 2 : les gros vaisseaux sont visibles mais l’hémorragie masque certaines zones périphériques où le laser serait impossible ; • stade 3 : la lueur pupillaire est bien rouge mais il n’y a aucun accès optique au pôle postérieur ; • stade 4 : il n’y a aucune lueur pupillaire. Figure 2. Déchirure rétinienne avec rupture vasculaire et hémorragie vitréenne stade 1. Examen clinique Mesure de l’acuité visuelle La baisse de l’acuité visuelle est liée à la densité de l’hémorragie et à sa localisation. L’acuité visuelle est réduite jusqu’à seulement voir bouger la main dès la présence de 10 µl de sang dilué dans la cavité vitréenne soit 1/5e de goutte [15] alors qu’en dessous de 0,83 µl, il n’y a pas de retentissement sur la vision. En cas d’hémorragie totale, l’étude des perceptions lumineuses prend toute sa valeur, elle est sensibilisée par la pénombre dans laquelle le patient perçoit souvent mieux les sources ou les formes claires. Une perception lumineuse parfaitement orientée n’est pas en faveur d’un décollement de rétine étendu. Le test du verre strié de Maddox vient compléter cet examen en permettant d’apprécier la fonction maculaire. [16] Examen biomicroscopique L’examen doit être complet, bilatéral et comparatif. Le segment antérieur est le plus souvent normal, mais il faut rechercher un œdème de cornée, un hyphéma ou une rubéose irienne puis on apprécie la couleur de l’iris, la transparence cristallinienne, ainsi que l’ophtalmotonus. Un tonus asymétrique inférieur à 10 mmHg doit faire évoquer un décollement de rétine alors que le décollement est rare en cas d’hypertonie. L’examen du fond d’œil permet de poser le diagnostic sur l’aspect de la lueur pupillaire. Si l’hémorragie n’est pas trop dense (Fig. 1, 2), l’ophtalmoscopie directe au verre à 3 miroirs permet n’analyser la périphérie rétinienne supérieure à la recherche d’une déchirure ou d’une rétinopathie ischémique et de préciser la topographie de l’hémorragie : intravitréenne, ou rétrohyaloïdienne. Si l’hémorragie est plus dense, l’ophtalmoscopie indirecte à la lentille de Volk ou au casque permet un accès plus aisé et précise l’existence d’un décollement ou d’une déchirure. 4 Bilan échographique Il permet l’analyse morphologique du vitré : étendue, topographie et gravité de l’hémorragie, existence ou non d’un DPV et, par ailleurs, de rechercher une cause : déchirure rétinienne, décollement de rétine, prolifération fibrovasculaire prérétinienne, dégénérescence maculaire ou tumeur. Pour être fiable, il nécessite un opérateur bien entraîné et un appareillage performant : sonde de 10 à 20 MHz autorisant une résolution de 0,2 à 0,1 m [16] (Fig. 3). L’exploration est réalisée quadrant par quadrant en déplaçant la sonde du limbe vers les culs-desac, avec un niveau de gain élevé pour l’analyse des anomalies vitréennes puis réduit pour l’analyse de la choroïde. L’échographie est complétée par l’étude dynamique des lésions lors des mouvements du globe. Ce bilan a pour but de répondre à deux questions principales : peut-on préciser la cause du saignement et existe-t-il un décollement de rétine qui serait une indication chirurgicale urgente ? (Fig. 4) Il est donc particulièrement intéressant dans les hémorragies de stade 3 ou 4 lorsque le fond d’œil n’est plus accessible, mais c’est également dans ce cas que sa fiabilité peut être aléatoire. Même s’il est riche en séméiologie, le bilan échographique des hémorragies de stade 1 ou 2 a moins d’intérêt dès lors que le fond d’œil est examinable en ophtalmoscopie. L’échographie permet également de préciser l’état du vitré : décollé, totalement ou partiellement, l’existence d’adhérences vitréorétiniennes, la localisation de l’hémorragie par rapport à la hyaloïde. Elle permet enfin la recherche d’une déchirure décollée ou non (Fig. 5), d’une prolifération fibrovasculaire prérétinienne et d’une lésion choroïdienne. [18] Importance de l’hémorragie Une hémorragie dans le vitré se traduit par une augmentation de l’échogénicité du corps vitréen qui devient inhomogène au sein de la cavité. Le vitré reste mobile et la hyaloïde postérieure est épaissie et échogène. Si l’hémorragie diffuse dans le vitré, on peut n’obtenir que peu d’échos dans la cavité vitréenne, même avec un fond d’œil totalement inaccessible en raison de la relation entre la dimension des particules hématiques et la longueur d’onde des ultrasons utilisés. L’évolution vers l’organisation fibrinohématique se traduit par l’apparition de membranes très échogènes, à mobilité réduite, [19] dont le diagnostic Ophtalmologie Hémorragies non traumatiques du vitré ¶ 21-248-A-26 Figure 4. Décollement de rétine (avec l’aimable autorisation du docteur Kamal Siahmed). Coupe à 10 MHz mettant en évidence une membrane échogène partant de la papille et formant un V ouvert vers l’avant. Noter également la présence d’échos moyennement réflectifs correspondant à une hémorragie intravitréenne. différentiel avec un décollement de la rétine peut être difficile en particulier si elles s’insèrent sur la papille. Recherche d’une étiologie La première étape est de préciser l’état du DPV, total (Fig. 6) ou partiel, et les rapports vitréorétiniens : brides vitréorétiniennes ou attache papillaire. Il faut rechercher la hyaloïde postérieure qui se traduit par une ligne fine plus ou moins échogène selon l’importance de l’hémorragie. Un DPV hémorragique est habituellement lié à une déchirure rétinienne ou à un arrachement vasculaire. Ces éléments restent toutefois difficiles à visualiser et leur absence ne permet pas d’éliminer le diagnostic. Par ailleurs, dans des cas plus rares, une hémorragie peut survenir sur un vitré déjà décollé. Une déchirure de la rétine se présente sous l’aspect d’une courte membrane hyperéchogène, rattachée à la paroi par sa partie antérieure. Un éventuel décollement rétinien peut exister autour de cette déchirure. [20] Un DPV hémorragique doit être régulièrement suivi afin de dépister un décollement de rétine [21] en gardant à l’esprit qu’une hyaloïde postérieure peut être confondue avec un décollement de rétine quand elle est épaissie et qu’elle conserve Figure 6. Décollement postérieur du vitré (DPV) total, hémorragie intravitréenne (HIV) et hémorragie rétrohyaloïdienne. En avant de la hyaloïde décollée, les échos intravitréens sont assez réflectifs et grossiers en rapport avec des caillots. En arrière de la hyaloïde, il s’agit de multiples échos punctiformes serrés les uns contre les autres, peu réflectifs et très mobiles, l’hémorragie survenant dans un espace liquidien. L’exploration des autres champs a montré que le DPV était total. une attache papillaire. La différence entre décollement de rétine et DPV se fonde sur des critères morphologiques quantitatifs et cinétiques. Critères morphologiques. Une ligne continue très réflective, d’épaisseur régulière s’insérant à la papille et à l’ora serrata, évoque un décollement de rétine. Une ligne plus fine, de réflectivité moindre et variable, sans attache papillaire est en faveur d’un DPV. Le diagnostic différentiel entre un DPV des membranes et un DR est cependant parfois difficile surtout si le DR est localisé, quand la hyaloïde postérieure est épaisse, réflective avec persistance d’une attache papillaire, et en cas de remaniements vitréorétiniens complexes avec présence de membranes prérétiniennes (Fig. 7). [18] Critères quantitatifs. Il ne faut pas travailler à gain maximal rendant toutes les membranes très échogènes, mais avec le gain minimum laissant la structure visible. La hyaloïde postérieure hémorragique est en principe moins échogène qu’un DR, la structure la plus réflective restant la sclère. Figure 5. Déchirure à clapet (avec l’aimable autorisation du docteur Kamal Siahmed). A. Coupe explorant un champ à gain maximal avec mise en évidence d’une membrane assez échogène adhérente à la déchirure correspondant à la hyaloïde postérieure épaissie décollée. Noter la présence d’échos faiblement réflectifs en arrière de la hyaloïde correspondant à une hémorragie rétrohyaloïdienne. B. Coupe explorant un champ avec mise en évidence d’une déchirure à clapet sous traction bien visible par les échos moyennement réflectifs en arrière de la hyaloïde décollée. Ophtalmologie 5 21-248-A-26 ¶ Hémorragies non traumatiques du vitré Figure 7. Rétinopathie diabétique proliférante (avec l’aimable autorisation du docteur Kamal Siahmed). Aspects échographiques du vitré à 20 MHz. A. Coupe sagittale passant par la macula mettant en évidence un épaississement pariétal avec aspect de dédoublement de la rétine montrant l’existence d’un œdème maculaire. Noter l’hémorragie intravitréenne et le décollement étendu de la hyaloïde postérieure avec adhérence entre la hyaloïde et la paroi portée par un néovaisseau, déformant la hyaloïde et la rendant rigide. B. Hémorragie intravitréenne (HIV) et voile fibreux de tout le pôle postérieur à 10 MHz. C. Même coupe à 20 MHz. Figure 8. Mélanome choroïdien. Coupe à 10 MHz montrant une volumineuse tumeur d’aspect hypoéchogène. L’excavation choroïdienne est moyennement évidente à ce gain élevé. Il existe également un petit décollement de rétine satellite de la tumeur. L’hémorragie intravitréenne associée est dense (avec l’aimable autorisation du docteur Kamal Siahmed). Critères cinétiques. Les mouvements vitréens sont plus amples, plus lents et s’épuisent lentement alors que ceux d’une rétine décollée sont des oscillations plus rapides, plus brèves, plus saccadées et s’épuisent plus rapidement. En revanche, les déchirures sont plus difficiles à mettre en évidence sur une rétine décollée. Un DR par traction prend un aspect en « toile de tente » localisé. Deux autres étiologies sont importantes à rechercher : la DMLA et le mélanome choroïdien [22, 23] caractérisé par une hyperéchogénicité régulièrement décroissante du sommet vers la base de la tumeur où se dessine l’excavation choroïdienne (Fig. 8). Celle-ci traduit l’invasion de la choroïde par le tissu tumoral. La dégénérescence maculaire est le plus souvent discrètement hyperéchogène, traduisant une exsudation diffuse, voire un décollement séreux localisé. Il n’existe pas d’excavation choroïdienne et, le plus souvent, la dégénérescence ne donne 6 Figure 9. Dégénérescence hémorragique pseudotumorale. Coupe à 20 MHz montrant une volumineuse lésion très échogène et hétérogène. Il n’est pas noté d’excavation choroïdienne. L’hémorragie qui lui est associée est dense avec des lacunes (avec l’aimable autorisation du docteur Kamal Siahmed). aucune image (Fig. 9). En cas de masse oculaire, l’échodoppler couleur est utile pour objectiver et quantifier d’éventuels flux intralésionnels. [18] Pronostic et complications Le pronostic spontané dépend de l’étiologie et de la densité de l’hémorragie. Les hémorragies de stade 1 ou 2 régressent habituellement en quelques semaines alors que les hémorragies de stade 3-4 ne parviennent pas à disparaître spontanément. En Ophtalmologie Hémorragies non traumatiques du vitré ¶ 21-248-A-26 cas de décollement postérieur du vitré, une déchirure rétinienne peut se produire et se compliquer de décollement de rétine. La recherche de cellules pigmentées dans le vitré hématique est importante : en effet, les patients qui présentent un décollement postérieur du vitré associé à des pigments vitréens ou à une hémorragie ont 52 fois plus de risques d’avoir une déchirure rétinienne que les patients dont l’examen du vitré est normal. [24] Une récidive de l’hémorragie est fréquente dans les syndromes d’avulsion vasculaire et surtout en cas de rétinopathie proliférante. Les complications tardives sont les glaucomes à cellules fantômes, l’hémosidérose, les membranes épimaculaires, les décollements de rétine avec prolifération vitrorétinienne (PVR). Chez les jeunes enfants, on peut rencontrer une myopie induite, un strabisme et une amblyopie. ■ Bilan diagnostique Dans la plupart des cas, l’hémorragie intravitréenne est unilatérale et spontanée. Le terrain et les signes fonctionnels associés, comme les phosphènes ainsi que l’examen de l’œil controlatéral orientent facilement le diagnostic étiologique, mais, en l’absence de visibilité du fond d’œil, l’enquête peut s’avérer difficile et longue. Les examens cliniques et échographiques de l’œil atteint doivent être répétés. La fréquence des pathologies causales est très variable selon les études et les pays, mais les principales étiologies sont indiquées ci-après. [25] Principales étiologies Décollement postérieur du vitré Le décollement postérieur du vitré aigu avec déchirure représente 20 à 40 % des étiologies alors que sans déchirure, il ne représente environ que 8 % des hémorragies intravitréennes ; un décollement de rétine y serait associé dans 5 à 15 % des cas. [26] Le saignement est dû à la traction exercée sur la paroi d’un vaisseau rétinien. Le diagnostic de déchirure associée ou de DR doit être fait le plus rapidement possible afin de prévenir ou de traiter le décollement (Fig. 1, 2). Rétinopathies proliférantes L’ensemble des rétinopathies proliférantes représente la deuxième cause d’hémorragie intravitréenne non traumatique. La rétinopathie diabétique proliférante, première cause de néovascularisation, serait responsable de 25 à 35 % des hémorragies. L’hémorragie intravitréenne est rarement le mode de révélation de l’affection qui fait le plus souvent suite à une atteinte connue, insuffisamment traitée ou surveillée. Les hémorragies peuvent être rétrohyaloïdiennes, intravitréennes ou souvent associées. Elles sont la conséquence de tractions du vitré sur les voiles néovasculaires. Elles peuvent être aggravées par l’existence de poussées hypertensives. L’échographie B permet de préciser l’importance des tractions, l’existence d’un DPV, ou d’un DR (Fig. 10, 11). Figure 11. Hémorragie intravitréenne stade 1 au cours d’une rétinopathie diabétique proliférante compliquée. L’occlusion veineuse représenterait 7 à 15 % des hémorragies vitréennes. L’hémorragie peut être le signe de découverte d’une occlusion méconnue de la veine centrale de la rétine ou de ses branches. Il s’agit le plus souvent d’occlusion de branche veineuse. Hémoglobinopathies La drépanocytose est l’hémoglobinopathie la plus fréquemment retrouvée. La rétinopathie ischémique bilatérale est d’évolution insidieuse. L’occlusion des capillaires rétiniens se produit du fait de la falciformation des hématies ; elle peut se compliquer de décollement de rétine par traction et d’hémorragies récidivantes. Syndrome de Eales Cette affection bilatérale se révèle souvent chez l’adulte jeune par une hémorragie intravitréenne récidivante. L’examen clinique permet de rechercher une discrète hyalite ou une uvéite antérieure. Le diagnostic est essentiellement angiographique avec association de territoires de non-perfusion parcourus par des vaisseaux fantômes et d’engainements vasculaires artériels et veineux, laissant diffuser la fluorescéine. Vascularites et pars planites Dans l’ensemble de ces affections, représenté principalement par la maladie de Behçet et la sarcoïdose, l’hémorragie intravitréenne est la conséquence de la rétinopathie ischémique proliférante. Syndromes d’hyperviscosité Ceux-ci peuvent être rencontrés dans le myélome multiple, les leucémies, la macroglobulinémie de Waldenström et les gammapathies monoclonales. Ils se traduisent au fond d’œil par un courant granuleux avec tortuosité veineuse et des hémorragies. L’atteinte du fond d’œil est souvent associée à une atteinte rénale. Dans les leucémies, les hémorragies sont liées à une thrombopathie aggravée par la thrombopénie. Les hémorragies rétiniennes sont centrées par un point blanc. Rétinopathies proliférantes par bas débit Elles peuvent être la conséquence de sténose carotidienne, du syndrome de l’arc aortique et d’une fistule carotidocaverneuse. Dans la maladie de Takayasu, l’atteinte ischémique rétinienne périphérique, liée à l’atteinte de la circulation carotidienne, est aggravée par l’orthostatisme. Elle est le plus souvent unilatérale et associée à des shunts artérioveineux rétiniens. Anomalies vasculaires Macroanévrismes (Fig. 12) Figure 10. Hémorragie rétrohyaloïdienne prémaculaire limitée au cours d’une rétinopathie diabétique. Ophtalmologie Les macroanévrismes sont une cause souvent méconnue d’hémorragie intravitréenne non traumatique pouvant représenter 1 à 4 % des cas. Ils sont fréquents après 60 ans chez les 7 21-248-A-26 ¶ Hémorragies non traumatiques du vitré Figure 13. Hématome choroïdien secondaire à une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) compliquée. Figure 12. Hémorragie rétrohyaloïdienne dense par rupture de macroanévrisme (A,B). Figure 14. Hémorragie intravitréenne compliquée d’un décollement de rétine au cours d’un syndrome de Terson. sujets hypertendus. Il s’agit de la dilatation anévrismale d’un vaisseau artériel, la lésion étant le plus souvent unique sur un vaisseau de 2e ou 3e ordre. Les macroanévrismes sont responsables d’un syndrome exsudatif, l’hémorragie survient dans 30 % des cas et aboutit habituellement à l’occlusion de la lésion. Chez le sujet âgé de plus de 60 ans, les macroanévrismes sont une cause rare mais non exceptionnelle d’hémorragie intravitréenne. Ces malformations acquises, le plus souvent isolées et situées sur le trajet d’une artère temporale, ont une évolution imprévisible vers l’oblitération spontanée, le développement d’une rétinopathie exsudative ou la survenue d’une complication hémorragique. Dans ce dernier cas, l’hémorragie diffuse à des niveaux variés des zones de clivage environnantes, créant des hématomes multiples : • sous la limitante interne ; • sous la hyaloïde postérieure (Fig. 12) ; • dans le vitré secondaire à la vidange d’un hématome prérétinien ; • sous la rétine maculaire grevant le pronostic fonctionnel. Le diagnostic différentiel peut être difficile avec une rupture de néovascularisation choroïdienne et n’être réalisé qu’au cours de la vitrectomie. Dégénérescence maculaire liée à l’âge (Fig. 13) L’hémorragie intravitréenne, dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge, fait souvent suite à une hémorragie sousrétinienne et représente 1 à 4 % des hémorragies vitréennes. Elle semble être liée à une nécrose de la paroi vasculaire du néovaisseau choroïdien. Elle est souvent associée, notamment sur l’œil controlatéral, à une déchirure de l’épithélium pigmentaire. Le plus souvent, la baisse de l’acuité visuelle précède l’hémorragie du fait des lésions rétiniennes. Tumeurs Le mélanome ne provoque d’hémorragie que lorsqu’il a atteint une taille très importante. Il peut se produire un étranglement de la masse tumorale au niveau du passage de la membrane de Bruch, une nécrose tumorale et une érosion de la paroi d’un vaisseau choroïdien. La tumeur peut aussi envahir la cavité vitréenne au travers de la rétine, et les vaisseaux tumoraux peuvent saigner. Le rétinoblastome, les mélanocytomes, les hamartomes astrocytaires, ainsi que l’hémangiome caverneux sont des causes exceptionnelles d’hémorragie intravitréenne. Rétinopathie de Valsalva Dans les efforts de type Valsalva, il peut se produire des hémorragies pré- ou sous-rétiniennes, des hémorragies intravitréennes. Ces hémorragies régressent habituellement en quelques semaines et ne nécessitent que rarement une vitrectomie. Angiomatose rétinienne La maladie de Von Hippel se traduit par la présence d’un hémangiome capillaire de la rétine. Il s’accompagne autour de l’hamartome d’un décollement de la rétine avec ischémie de voisinage. L’hémorragie intravitréenne est exceptionnelle. L’hémangiome caverneux, les anastomoses artérioveineuses congénitales sont des causes exceptionnelles d’hémorragies intravitréennes. 8 Syndrome de Terson (Fig. 14) Il correspond à l’apparition d’une hémorragie intraoculaire secondaire à une hémorragie sous-arachnoïdienne. Celle-ci peut être causée par une rupture d’anévrisme ou par un traumatisme. Il représente 0,5 à 3 % des causes d’hémorragie intravitréenne. On distingue sous le terme de syndrome de Terson la survenue d’hémorragies rétiniennes et rétinovitréennes, uni- ou bilatérales, au cours d’hémorragies sous-arachnoïdiennes d’origine spontanée ou traumatique dont la première description remonte à 1926. Le mécanisme serait lié à la diffusion de l’hémorragie par les gaines du nerf optique, ainsi qu’à l’hyperpression veineuse secondaire à l’hypertension intracrânienne. [27] Ophtalmologie Hémorragies non traumatiques du vitré ¶ 21-248-A-26 Description clinique sous-rétinien. Ses buts seraient de déplacer l’hématome sousrétinien en dehors de la macula et d’accélérer la résorption des hématies intravitréennes. [39] Cette technique, d’efficacité inconstante, peut se compliquer de décollement de rétine en raison des tractions induites par la bulle sur les fibres vitréennes. Les hémorragies intraoculaires peuvent être concomitantes de l’hémorragie sous-arachnoïdienne, mais les hémorragies intravitréennes sont observées en général 2 semaines après l’accident neurologique. Le tableau clinique est bilatéral dans 13 à 50 % des cas, [28] l’hémorragie se résorbant habituellement en quelques semaines. L’hémorragie la plus typique est l’hématome maculaire [29] siégeant sous la limitante interne et diffusant secondairement en arrière de la hyaloïde postérieure ou dans le vitré. Lorsque l’hémorragie intravitréenne est le premier signe oculaire, elle est généralement massive, rendant le pôle postérieur inaccessible au fond d’œil alors que la périphérie reste le plus souvent dégagée. La complication la plus fréquente du syndrome de Terson est la survenue de membranes prémaculaires favorisées par la rupture de la limitante interne et la position immobile en décubitus dorsal du malade dans le coma. [30] On peut également rencontrer un décollement de rétine compliqué de PVR. [31] Lyse enzymatique Plus récemment, la lyse de l’hémoglobine et de l’acide hyaluronique du vitré a été proposée par injection intravitréenne de rt-PA [40] ou de Hyaluronidase vitrase ® dans le segment postérieur. [17] Ce traitement en cours d’évaluation permet une récupération de trois lignes d’acuité après un délai de 1 mois chez 30 % des patients présentant initialement une hémorragie de stade 3. [40] Vitrectomie par la pars plana La vitrectomie par la pars plana reste le traitement de référence permettant d’éclaircir le vitré chez tous les patients. La récupération fonctionnelle est liée à la pathologie initiale et à l’état rétinien. Les indications sont à discuter selon la densité de l’hémorragie et selon sa cause. Elle doit être réalisée très précocement en cas de doute sur l’existence d’un décollement de rétine ou en présence d’une hémorragie dense de stade 3 ou 4 ayant peu de chances de se résorber spontanément. Son indication n’est pas systématique en raison de son caractère cataractogène, du risque de décollement de rétine secondaire et des fréquentes récidives hémorragiques dans les jours qui suivent le traitement. [41] Hémorragie postopératoire Une hémorragie postopératoire peut être liée à un excès de photocoagulation , une sclérotomie sur le trajet d’un vaisseau ciliaire, une ischémie de segment antérieur par string syndrome, une trabéculectomie ou une altération des vaisseaux iriens. La récidive postopératoire d’une hémorragie dans le segment postérieur est fréquente chez le diabétique ayant eu une vitrectomie. Sa résorption spontanée est habituelle en 8 à 10 jours. En revanche, une hémorragie qui persiste au-delà de 15 jours sans accès au fond d’œil est une indication à un lavage du segment postérieur. Buts du traitement Hémorragie chez l’enfant Le premier but est optique, visant à retirer le maximum de vitré opaque afin de réhabiliter au plus vite le patient. Il est important d’éviter les récidives en traitant la cause de l’hémorragie par photocoagulation des territoires ischémiques en diathermisant les néovaisseaux et en traitant le décollement de rétine éventuel. Chez le nouveau-né, une hémorragie intravitréenne doit faire rechercher un traumatisme obstétrical, une rétinopathie des prématurés. Chez un enfant plus grand, il faut penser à une hérédodégénérescence vitréorétinienne comme la vitréorétinopathie exsudative ou le rétinoschisis lié à l’X, à un trouble de la coagulation, une leucémie, un rétinoblastome, une toxocarose. Selon les études, la cause reste inconnue chez 2 à 7 % des patients. [32, 33] Quand poser l’indication d’une vitrectomie ? La résorption des hémorragies de grade 1 ou 2 est habituellement spontanée en 4 semaines si les mouvements oculaires sont limités, la suspension hématique se déposant au fond de la cavité vitréenne par gravité. Si l’éclaircissement de la cavité n’est pas obtenu passé ce délai, la vitrectomie est à considérer. L’apparition d’un décollement de rétine sur l’échographie est toujours une urgence chirurgicale. Aujourd’hui, le délai de la vitrectomie varie en fonction de l’importance du saignement et de sa vitesse de résorption lorsqu’une étiologie d’évolution chronique est suspectée. Le geste chirurgical peut être décidé très tôt lorsque l’opacité des milieux risque de retarder un traitement étiologique d’urgence. C’est le cas devant : • la suspicion d’une déchirure rétinienne ou d’un décollement secondaire ; en effet, la coexistence d’un décollement rhegmatogène et d’une hémorragie intravitréenne augmente le risque de PVR ; • la présence d’une rubéose irienne qui impose une photocoagulation panrétinienne rapide ; • la présence d’un hématome sous-maculaire récent dont la récupération fonctionnelle, souvent très modeste, reste liée à la précocité de l’intervention. Dans les autres cas, en particulier lorsque l’on peut éliminer formellement l’existence d’un décollement de rétine, l’observation pendant 1 à 3 mois est habituelle surtout si l’hémorragie a tendance à se résorber spontanément. ■ Traitement Moyens thérapeutiques Les possibilités thérapeutiques des hémorragies intravitréennes restent limitées en dehors de la vitrectomie. La mise au repos du patient en position semi-assise facilite la sédimentation du sang et l’absorption hydrique activerait la résorption des hématies. Cryothérapie Plusieurs études cliniques ont montré que la cryoapplication transsclérale de la rétine périphérique entraînait, chez 50 % des patients diabétiques, un éclaircissement du vitré après 6 mois avec toutefois apparition d’un décollement de rétine chez 4 % d’entre eux. [34-37] C’est la raison pour laquelle ce traitement n’est plus pratiqué seul depuis l’avènement de la vitrectomie. Photocagulation de la hyaloïde L’ouverture de la hyaloïde postérieure au laser Nd Yag a été décrite dans les hémorragies rétrohyaloïdiennes ou sous la limitante interne. [38] Elle induit un passage des hématies dans la cavité vitréenne. Cette procédure reste néanmoins exceptionnelle car son efficacité est inconstante. Par ailleurs, le sang peut entraîner une réaction inflammatoire du vitré alors que la cavité vitréenne ne se nettoie jamais totalement. Injection de gaz dans la cavité vitréenne La lyse vitréenne par injection d’une bulle de gaz SF6 ou C2F6 a été proposée surtout en présence d’un hématome Ophtalmologie . . Technique chirurgicale de la vitrectomie La vitrectomie en cas d’hémorragie dense stade 3 ou 4 présente des difficultés en raison de la mauvaise visibilité due à l’absence de rétro-illumination et au caractère opaque de la masse vitréenne. [9] 9 21-248-A-26 ¶ Hémorragies non traumatiques du vitré Figure 15. Aspiration du vitré antérieur. Premier temps Le premier temps consiste à la pose du terminal d’irrigation. La visualisation de son extrémité peut être entravée par un hématome rétrocristallinien ou la présence d’hématies au niveau de la base du vitré. Il est, dans ce cas, prudent d’utiliser un terminal de 6 mm de longueur et de regonfler le globe oculaire par une injection de sérum à la pars plana en cas d’hypotonie marquée. Une suffusion de liquide rouge sombre au niveau de la sclérotomie témoigne d’un décollement choroïdien qu’il convient d’évacuer avant d’insérer le terminal. Dans tous les cas, l’extrémité du terminal doit être visible et libre de tout tissu choroïdien avant l’ouverture de la perfusion. Deuxième temps Le deuxième temps consiste à creuser dans le vitré, en arrière du cristallin, une lacune afin de distinguer l’extrémité distale des instruments. Il est utile d’employer simultanément l’éclairage endoculaire et la lampe à fente pour situer le trajet des pièces à main par rapport à la capsule postérieure du cristallin (Fig. 15). Figure 16. Ouverture de la hyaloïde antérieure adhérente à la face postérieure du cristallin (A,B). Troisième temps Le troisième temps consiste à dégager la face postérieure du cristallin en aspirant la hyaloïde postérieure si celle-ci est hématique avant de la découper à distance du cortex cristallinien postérieur (Fig. 16). Quatrième temps Le quatrième temps vise à creuser un tunnel dans le caillot pour mettre en évidence le cortex vitréen postérieur et visualiser le plan rétinien. Ce temps opératoire peut être long. Il est parfois interrompu par des vagues d’hématies lysées libérées lors des mouvements des fluides intraoculaires. Le risque principal est de confondre la rétine décollée avec la hyaloïde postérieure et d’engendrer une déchirure rétinienne (Fig. 17–19). Cinquième temps Le cinquième temps consiste, en suivant le cortex vitréen postérieur, à dégager toutes les attaches vitréorétiniennes et à faire une ablation aussi complète que possible du vitré opaque périphérique en s’aidant d’un indentateur scléral pour éviter le contact des instruments avec le cristallin. Ce nettoyage de la périphérie est important car la persistance de fibrine risque d’entraîner une contraction secondaire de la base du vitré, cause fréquente de décollement de rétine secondaire. Par ailleurs, l’ablation du vitré supérieur doit être soigneuse afin d’éviter qu’il retombe en rideau contre la face postérieure du cristallin dans les jours qui suivent l’intervention. Dernier temps Le dernier temps opératoire, lorsque tout le champ rétinien est visible et que toutes les tractions antéropostérieures ont été levées, est le traitement de la cause de l’hémorragie : dissection de membranes fibrovasculaires, recherche soigneuse et endophotocoagulation de toutes les déchirures, endodiathermie de 10 Figure 17. Ouverture au vitréotome de la hyaloïde postérieure. néovaisseaux, dissection de membranes secondaires à l’organisation d’un hématome prémaculaire, dissection de la membrane limitante interne maculaire, drainage d’un hématome sousrétinien (Fig. 20, 21). Complications de la vitrectomie La récidive précoce de l’hémorragie dès le lendemain est la complication la plus fréquente dans les rétinopathies vasculoproliférantes. Il est fréquent d’observer un trouble important dans le segment postérieur pouvant être lié à la dispersion des reliquats hémorragiques persistant en fin d’intervention au niveau de la base du vitré ou à un saignement secondaire à partir des parois vasculaires lésées lors de la dissection de voiles fibrovasculaires. Ces hémorragies, habituellement peu denses, se résorbent spontanément dans la moitié des cas, généralement plus vite chez l’aphaque. [26] Le saignement tardif après plusieurs jours ou semaines doit faire craindre un décollement de rétine et appelle à un lavage urgent du segment postérieur. Il peut également signaler une prolifération fibrovasculaire ou le développement d’une rubéose irienne dont le pronostic reste réservé. Ophtalmologie Hémorragies non traumatiques du vitré ¶ 21-248-A-26 Figure 18. Aspiration au vitréotome des hématies rétrohyaloïdiennes. discuter la photocoagulation de la déchirure associée ou non à une cryo-indentation ou à une vitrectomie. Si les bords de la déchirure ne sont pas soulevés et si la photocoagulation peut l’entourer totalement, l’intervention chirurgicale ne sera pas nécessaire. Si le laser n’est pas réalisable tout autour de la déchirure, en particulier sur son bord postérieur et si l’hémorragie n’a pas tendance à diminuer ou bout de 1 semaine, il sera souvent préférable de pratiquer une vitrectomie. L’intervention est également indiquée en présence d’une déchirure avec vaisseau en pont qui risque de resaigner ou lors d’une hémorragie prémaculaire réduisant significativement l’acuité visuelle. En présence d’une hémorragie de stade ≥ 2 associée à une déchirure à bords soulevés ou à un décollement, l’indication de vitrectomie est urgente. Décollement postérieur du vitré sans déchirure visible En cas d’hémorragie de faible abondance stade 1 à 2 avec rétine périphérique visible, il est préférable d’attendre plusieurs semaines en prévenant le patient que toute aggravation ou amputation brutale du champ visuel serait une indication à consulter sans délai et nécessiterait probablement une intervention. En cas d’hémorragie dense stade 3 à 4 avec rétine non accessible au fond d’œil, il est préférable d’intervenir au moindre doute sur l’existence d’une déchirure ou d’un décollement. Figure 19. Aspiration des hématies prérétiniennes à la canule back flush. Figure 20. Hémorragie sous la limitante interne. Rétinopathie diabétique proliférante Une hémorragie modérée stade 1 à 2 laissant une vision comprise entre 1/20 et 2/10 et un fond d’œil au moins partiellement visible n’est pas une indication opératoire urgente. La photocoagulation de la rétine, encore accessible, est à privilégier en l’absence de traction maculaire. En revanche, des hémorragies répétées incompatibles avec une vie normale sont une indication opératoire, en particulier si la vision de l’œil adelphe est perturbée. Une hémorragie sévère stade 3 à 4 réduisant la vision à moins de 1/50 est une indication de vitrectomie précoce en particulier chez les diabétiques de type 1 (DRVS 2,5). [42, 43] En revanche, chez le diabétique de type 2, l’avantage de la vitrectomie précoce n’est pas significatif. Une hémorragie dense prémaculaire rétrohyaloïdienne a un retentissement important sur l’acuité et peut entraîner une rétraction maculaire. Il est utile de réaliser une vitrectomie précoce avec ouverture et pelage étendu de la hyaloïde postérieure associée à une endophotocoagulation rétinienne (Fig. 11). Traitement La vitrectomie est à considérer dans les hémorragies denses qui ne se résorbent pas au bout de 6 mois ou plus précocement dans les hémorragies bilatérales ou en cas de décollement de rétine. Le geste chirurgical doit permettre de dégager le vitré hématique, de libérer toutes les attaches vitréorétiniennes et d’enlever les membranes prérétiniennes. En dehors du syndrome de Terson du nourrisson pour lequel l’indication est systématique, ainsi que les hémorragies denses bilatérales, le délai du geste chirurgical varie de 2 à 12 mois. Les complications sont la cataracte, ainsi que les décollements de rétine souvent compliqués de PVR grave (Fig. 22). Figure 21. Ouverture de la limitante interne à la micropince. Conduite à tenir selon l’étiologie Décollement postérieur du vitré avec déchirure rétinienne En présence d’une hémorragie de stade 1 ou 2 et d’une déchirure bien visible sans décollement de rétine, on pourra Ophtalmologie Macroanévrismes artériels La vitrectomie sera envisagée en présence d’une hémorragie rétrohyaloïdienne ancienne ou intravitréenne non résolutive, ainsi qu’en présence d’un hématome menaçant la fonction maculaire. Dans ce cas, le geste chirurgical sera effectué rapidement et accompagné éventuellement d’une injection de gaz expansif pour déplacer l’hémorragie [44, 45] ou d’une injection de TPA. 11 21-248-A-26 ¶ Hémorragies non traumatiques du vitré [4] [5] [6] [7] [8] [9] Figure 22. Dissection de membrane au cours d’un syndrome de Terson compliqué de décollement de la rétine. Hémorragies intravitréennes chez l’enfant L’hémorragie intravitréenne chez l’enfant est une pathologie rare, dominée par les causes traumatiques néonatales, le syndrome de Terson, les manœuvres obstétricales par forceps et le syndrome du bébé secoué. Un mécanisme pourrait être la diffusion secondaire à la cavité vitréenne d’un hématome choroïdien ou sous-rétinien par voie transrétinienne ou après formation d’un trou maculaire. Toutefois, il faut également penser à la rétinopathie du prématuré, à certaines hétérodégénérescences vitréorétiniennes, aux dysfonctionnements biologiques (troubles de la coagulation, leucémie), au rétinoblastome et à la toxocarose. La gravité d’une hémorragie chez l’enfant est liée au risque d’installation d’une amblyopie profonde en cas d’occlusion monoculaire supérieure à 2 mois. Elle peut également entraîner une anisométropie myopique majeure après sa résorption. Compte tenu de la cohérence du vitré de l’enfant, la résorption spontanée d’une hémorragie est beaucoup plus longue que chez l’adulte. La vitrectomie doit donc être précoce dès la 3e semaine, en respectant le cristallin afin d’éviter l’amblyopie. [30, 46] Pour certains, l’injection de rt-PA et de gaz serait une alternative thérapeutique en cas d’hématome prérétinien. [47] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] ■ Conclusion Le traitement initial d’une hémorragie intravitréenne de stade 1 ou 2 repose sur la surveillance. En l’absence de complications, il est conseillé, dans la plupart des cas, d’attendre la résorption spontanée du sang pendant 1 mois environ. Il existe quatre situations nécessitant un traitement chirurgical urgent : • la suspicion d’une déchirure ou l’existence d’un décollement de rétine ; • la présence d’une rubéose irienne chez un diabétique ; • la présence d’un hématome sous-maculaire ; • l’hémorragie dense de stade 3 ou 4 ayant peu de chances de se résorber spontanément. En cas d’hémorragie récidivante ou d’hémorragie de stade 3 ou 4, le traitement chirurgical s’impose assez rapidement et repose sur la vitrectomie associée ou non à la phakoexérèse. [22] [23] [24] [25] [26] [27] [28] [29] [30] ■ Références [1] [2] [3] 12 Lindgren G, Sjodell L, Lindblom B. 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