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LE P OINT SUR... Progrès en Urologie (1998), 8, 1074-1076 Comment devenir... et rester urologue aux USA Philippe E. ZIMMERN Université du Texas Southwestern Medical Center, Dallas, Texas Diplômé du «Board Américain d’Urologie», qui de nous ne s’est demandé ce que représentait ce titre? Philippe Zimmern est ancien Interne des Hôpitaux de Paris (promotion 1979). Après un stage aux Etats-Unis auprès de Shlomo Raz à l’U.C.L.A., il y a continué son cursus urologique. Docteur en médecine (M.D.), membre du Collège Américain de Chirurgie (FACS), il est diplômé de l’American Board of Urology et professeur d’urologie à l’université du Texas. Il a la responsabilité d’un programme de formation des résidents en urologie pour lequel son service est accrédité. Il est Directeur du Centre d’Etude et de Traitement de l’Incontinence. Ayant gravi tous les échelons, de résident en urologie à responsable de la formation des résidents en urologie, Philippe Zimmern décrit ici le cur sus pour devenir urologue aux Etats-Unis avec son expérience. ____________________ Que de fois m’a été posée la question de la formation chirurgicale, et plus particulièrement urologique, aux Etats-Unis! C’est une discussion récente avec le Professeur HAERTIG qui m’a encouragé à en résumer les grandes lignes pour ceux d’entre vous curieux de la formation de vos confrères d’Outre-Atlantique. LES ETUDES MEDICALES Les étudiants qui se destinent à la médecine doivent suivre 4 années de cours orientés vers la carrière médicale en chimie, biophysique, science... (Undergraduate studies and prerequisites for medical school) en collège universitaire : ils obtiennent un «Master» à la sortie. C’est alors seulement qu’ils entrent en «School of Medicine». Les études médicales proprement dites durent 4 ans, l’âge moyen de l’étudiant en médecine au départ étant de 21-22 ans. Dans les deux premières années, ils n’étudient que les sciences fondamentales (basic science). Dans les deux dernières années, les étudiants font des stages d’un mois dans différents services cliniques. A chaque stage, ils sont notés sur leur assiduité, leur participation à la vie du service, leurs connaissances fondamentales et leur présentation de cas aux staffs hebdomadaires. Ces notations du chef de service restent pour toujours dans leurs dossiers et permettent d’établir le degré de talent et de motivation de chaque individu. Pour entrer dans un programme de formation spécialisée (équivalent de l’internat français), il faut être classés dans le premier tiers ou quart de sa promotion, ceux étant à la fin ayant peu de chance d’accéder à des programmes de formation de haut niveau. Dans les deux dernières années, les étudiants passent un examen national (NBME : National Board Medical Examiners). Leurs notes sont aussi présentées dans leurs dossiers sous forme de Part I et Part II. NBME I (basic science) se passe en 3ème année de Médecine et NBME II (clinical science) en quatrième et dernière année. Ces résultats sont connus au moment de l’interview pour entrer dans une spécialité et font partie du dossier qu’ils «Vous saviez dès le début que vous y arriveriez, n’est-ce pas?». soumettent à l’université avec l’espoir d’être interviewés... Les résultats sont donnés en note globale et en pourcentage par rapport à leurs camarades des autres facultés américaines (par exemple : NBME Part II 231, 91%). Manuscrit reçu : juillet 1998, accepté : juillet 1998 Adresse pour correspondance : Professeur P.E. Zimmern, 5323 Harry Hines Blvd., Dallas, TX 75235-9110, USA. Fax : 1 214 648 87 86. e-mail : [email protected] 1074 P.E. Zimmern, Progrès en Urologie (1998), 8, 1074-1076 Tableau 1. Un Curriculum Vitae (C.V.) typique. Tableau 2. La carrière en Urologie aux USA. Nom 18 ans Fin de High School Adresse 22 ans Fin du Collège à l’Université Téléphone, fax, e-mail 26 ans Fin des Etudes Médicales Education High School 31 ans Fin du Résidanat. Board «eligible» (Part I) College/Université 33-34 ans Board Certified (Part II) Medical School/Education Tous les 10 ans Recertification Stage (s) de formation ses propres buts dans la vie s’ajoutent au dossier qui sera envoyé à chaque université où l ’étudiant espère êt re int erviewé... Enfin une lettre du Directeur du programme de Format ion Médicale décrit l’étudiant par rapport à ses camarades de la même promotion et expli que son classement final de sortie. Médaille/Bourses/Honneurs reçus Membre de Société (s) Stage de Recherche Fondamentale ou de Laboratoire Travaux publiés ou en préparation Présentations effectuées Langues parlées (autres que l’anglais) Centres d’intérêt non-médicaux (sport, musique, voyages, groupe religieux...) Au fil de leurs stages, les étudiants intéressés par la chirurgie ou une sous-spécialité comme l’Urologie en parlent avec leurs mentors, souvent un médecin ou un conseiller qui les a suivis durant leurs études médicales. Ils choisissent leurs stages de quatrième année de médecine afin de passer dans un service où cette spécialité est pratiquée, et parfois dans une institution où ils espèrent pouvoir poursuivre leur formation ultérieure. Ces stages sont très importants pour leur carrière car la lettre de recommandation qu’ils obtiennent après leur passage dépend bien entendu de l’opinion des résidents en formation dans le programme avec lesquels ils partagent les soins quotidiens des patients et les gardes, mais aussi de celle du chirurgien auquel ils ont été assignés ou qu’ils ont choisi. Ces lettres de recommandation sont strictement confidentielles et lues attentivement dans l’étape ultérieure, la sélection des étudiants invités à visiter le programme durant la période des interviews qui se déroulent de septembre à décembre de chaque année. A titre d’exemple, notre département, l’un des dix premiers aux USA, forme 4 urologues par an, la durée de formation étant de 5 ans. La première année se passe en chirurgie générale avec des stages d’un mois, les quatre années ultérieures étant toutes dédiées à l’Urologie. Certains programmes offrent 6 ou 12 mois de recherche qui a lieu en général entre la deuxième et la quatrième année de formation. Les programmes sont tenus à une formation très stricte tant au niveau académique (enseignement, publications, recherche) que clinique (nombre et diversité des opérations, une information régulièrement colligée et tenue à la disposition de l’AUA-American Urological Association). Les programmes de formation en Urologie sont visités tous les 5 ans et peuvent être mis en «probation» si les résidents ne sont pas satisfaits de leur formation ou de leurs enseignants. Plusieurs programmes ont été fermés ces dernières années, ceux restants étant très compétitifs et offrant une équipe enseignante très diversifiée dont le but est de former d’excellents urologues, voire les professeurs de demain... LE «MATCHING PROGRAM» LA SELECTION VERS L’UROLOGIE : «TOUGH!...» Comme les résidents vont rester 5 ans avec nous, il est important de bien les choisir et qu’eux aussi soient satisfaits de leur choix. Un système complexe mais neutre qui s’appelle le «Matching Program» décide en février de chaque année du sort de notre étudiant. Comment le système fonctionne-t-il? Voi ci donc notre étudiant en médecine décidé à poursuivre une carrière en Urologie. Il a fait un ou deux stages d’un mois en Urologie et a été très apprécié à chaque fois. Certains arrivent à publier un article ou à faire partie d’une étude clini que; d’autres ont fait un stage d’été dans un Laborat oire de recherche, pas forcément en rapport avec l’Urol ogie. Le but est d’avoi r un dossier bien étoffé et diversifié. Les activi tés ext ra-scolaires, les sports prat iqués, les voyages effectués et une lettre personnelle décrivant Vers juillet de chaque année nous recevons près de 250 dossiers de candidatures d’étudiants de tous les USA, ainsi que de l’étranger pour les étudiants ayant passé l’ECFMG. Leur âge oscille entre 25 et 28 ans. Un comité voit ces dossiers en détail, puis sélectionne environ 40 candidats et leur offre de venir passer un ou deux jours à l’université. Inutile de préciser que les candidats paient eux-mêmes tous leurs frais de déplacement et d’hébergement, et de ce fait sélectionnent attentivement le nombre et le lieu de leurs inter- 1075 P.E. Zimmern, Progrès en Urologie (1998), 8, 1074-1076 views. Durant cette visite qui a lieu durant 4 ou 5 jours séparés et échelonnés de septembre à décembre (6 à 8 visiteurs chaque fois), les étudiants rencontrent les résidents en formation, déjeunent et dînent avec eux, visitent tous les hôpitaux où ils poursuivront leur formation, écoutent une présentation des 5 années du programme par le chef du département, et enfin passent un interview de 15 à 20 minutes environ, en tête-à-tête avec chaque membre de l’équipe enseignante. A l’issue de cette visite, notre espoir est que l’étudiant aura une meilleure connaissance du programme, de ses avantages et de ses faiblesses, et qu’il pourra donc faire un choix raisonnable en fonction de ses aptitudes et de ses préférences lorsqu’il aura fini sa tournée d’interviews dans les autres programmes américains. Pour notre part, une fois la série d’interviews finie, nous donnons une note à chaque étudiant et les classons de 1 à 40. Cette note est très influencée par le dossier du candidat, l’information qui découle des lettres de recommandation, mais aussi par l’impression qui s’est dégagée durant l’interview (personnalité, style, aisance à répondre à certaines questions difficiles ou surprenantes, honnêteté... Aucune question de race, religion, âge, vie personnelle, n’est légalement autorisée.). Ce classement est envoyé au chef du département qui additionne les notes de chaque membre de son équipe, et la liste des 20 premiers est envoyée au «Matching Program» en toute confidentialité. En fait, chaque programme fait les choses un peu différemment. Ce que j’en décris est notre façon de faire actuellement. Le «Matching Program», un ordinateur géant établi à Houston, Texas, reçoit également la liste de préférence de chaque étudiant, et croise le choix des individus avec le choix des programmes. Inutile de dire que chaque année nous attendons toujours avec un peu d’inquiétude la liste des 4 étudiants qui nous ont été attribués. Si ces 4 sont dans nos dix premiers choix, ce qui est en général le cas pour un programme qui a une excellent réputation comme le nôtre, tout le monde s’y retrouve car à l’évidence l’écart de qualité entre nos dix premiers choix est d’ordinaire faible. Ces dernières années, l’intérêt pour l’Urologie a augmenté, le nombre de programmes de formation a diminué, et de ce fait d’excellents candidats se retrouvent parfois dans des programmes inférieurs ou, pire, ne sont pas dans la sélection, un vrai drame de carrière pour certains... A titre informatif, les données pour 1998 ont été récemment publiées : 340 candidats, 220 postes, 104 programmes de formation en Urologie (AUA Residency Matching Program). LE BUT DE LA FORMATION UROLOGIQUE : LE BOARD national (In-service exam) qui détermine leur passage dans l’année suivante. Si le résultat est bas ou insuffisant, le résident peut être mis en probation. Il est heureusement rare qu’un résident ne finisse pas le programme car la détermination qu’il faut pour entrer dans le programme assure de la motivation d’ensemble de l’individu sélectionné. En dernière année de formation, le résident est autorisé à passer la première partie du Board. C’est un examen écrit durant une journée couvrant environ 350 à 400 questions (QCM) sur tous les aspects de l’Urologie. Environ 20-25% sont recalés chaque année. Deux ans plus tard, après présentation d’un dossier complet comprenant 5 lettres de recommandation (3 collègues, le chef du département d’anesthésie et le Directeur Médical de l’établissement où l’on exerce), la liste complète et détaillée de toutes les opérations effectuées depuis l’entrée en pratique de ville ou universitaire, la liste détaillée de toutes les complications rencontrées et de leur mode de traitement, et un chèque rondelet, ceux qui ont passé la première partie sont admis (pas toujours) à présenter la deuxième partie du Board. Cette deuxième partie a lieu à Dallas en février chaque année. Les membres de l ’ABU (American Board of Urology) se réunissent et font passer deux tests oraux à chaque candidat (environ 250 candidats/an). Chaque interrogatoire dure 30 minutes et couvre 3 situations cliniques pour vérifier que le candidat est capable de réfléchir logiquement et rapidement, et a une connaissance suffisante de l’Urologie pour être «Board certified». Les deux jours qui précèdent l’oral sont occupés l’un par un examen écrit d’anatomopathologie et l’autre de radiologie, les deux sous forme de QCM. L’arrivée de la lettre du Board, 2 mois plus tard, est toujours ouverte avec un gros serrement de coeur, et un soupir de soulagement dans 80-85% des cas... TOUT EST BIEN... QUI N’EN FINIT PAS Est-ce fini? Eh bien non... Etre membre du Board Américain d’Urologie est un grand honneur car c’est un titre de reconnaissance en tant que spécialiste, et ce titre est exigé pour toute carrière universitaire ou pour pratiquer dans certains centres de renom. Ceci dit, cela ne donne pas accès à un droit d’exercer la médecine (licence), droit que chaque état se réserve jalousement et qui est la source d’autres péripéties. De plus, il est maintenant obligatoire de se faire recertifier tous les dix ans pour maintenir ce titre honorifique. La recertification que je viens de passer exige un protocole semblable au passage de la deuxième partie du Board (finances incluses), la preuve d’un minimum de 25 heures de formation/an en Urologie, mais avec une différence importante : l’examen est purement écrit et l’on peut choisir d’être interrogé sur 3 des 5 thèmes offerts. En novembre de chaque année, les résidents (équivalents des Internes) en Urologie passent un examen écrit 1076