La fin du bail d`habitation et le préavis réduit, par Alexandre Filitti
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La fin du bail d`habitation et le préavis réduit, par Alexandre Filitti
Alexandre Filitti Licence 3 Atelier clinique juridique Mai 2016 La fin du bail d'habitation et le préavis réduit Les locaux d'habitation loués vides sont soumis à une loi dont les dispositions sont pour la plupart obligatoires. Les parties peuvent cependant y déroger par des clauses insérées dans le contrat. Le contrat de location arrive à une étape critique lorsqu'il prend fin puisque par nature le bailleur perd son locataire, donc une source de revenus, et inversement le locataire souhaite récupérer son dépôt de garantie rapidement afin de pouvoir se reloger. Le congé est une lettre par laquelle l'une des parties, locataire ou bailleur, informe l'autre qu'elle met un terme au contrat; mais dans les deux cas ce congé est soumis à l'exécution d'un délai de prévenance que le bailleur ou le locataire doivent respecter et que l'on désigne sous le terme de « préavis ». C'est le congé donné par le locataire qui nous intéresse tout particulièrement. Quelle est la durée normale du préavis ? La durée normale du préavis est de trois mois. Elle est fixée par l'article 15 I. de la loi du 6 juillet 1989.1 Toutefois il existe des exceptions pour lesquelles le locataire est autorisé à effectuer un préavis d'un mois seulement. Il doit dans ce cas de figure préciser le motif de préavis réduit et en justifier dans sa lettre de congé (joindre à ce courrier les justificatifs en lien avec le motif invoqué);si ces éléments ne sont pas précisés, le délai de préavis sera de trois mois. 1 Article 15 I. de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs Clinique juridique Dans quels cas le locataire peut-il se prévaloir d'un préavis réduit ? Le locataire peut se prévaloir d'un préavis réduit en cas : - « d'obtention d'un premier emploi », - « de mutation », - « de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi », - d'attribution d'un logement conventionné à l'APL (aide personnalisée au logement). Peuvent également se prévaloir d'un préavis réduit les locataires: -« âgés de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile », -« bénéficiaires du revenu de solidarité active» ou de l' « allocation adulte handicapé ». La loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové (ALUR) a par ailleurs prévu un élargissement des conditions favorable aux locataires.2 En effet, désormais, peuvent également se prévaloir d'un préavis réduit : - toutes les personnes dont l'état de santé , constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile - ainsi que les personnes résidant dans les « zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants » où il y a un sérieux déséquilibre entre l'offre et la demande de logement. (Il s'agit de « zones urbaines où il y a une pénurie de logements et donc une forte demande locative. Elles sont listées dans un décret3 : ce sont 28 grandes villes et leurs 2 Article 5 de la loi n°2014-366 du 24 Mars 2014 (loi ALUR) 3 Décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 - Liste complète des communes se situant en zone d'urbanisation continue banlieues, parmi lesquelles on peut citer Paris, Bordeaux, Nantes, Nice, Marseille, Bayonne, Sète, etc. »4) suffisamment proche9, d'autres, délivrés plus tardivement, ne l'ont pas été - des congés délivrés quatre ou encore six mois après la perte de l'emploi n'ont pas été admis. 10 Comment savoir si mon contrat est soumis ou non aux nouvelles dispositions de la loi ALUR ? Pour un nouvel emploi suite à une perte d'emploi : tout d'abord il faut que ces deux événements se produisent au cours d'un même bail.11 En revanche il n'existe aucune exigence de durée entre les deux. La jurisprudence est allée jusqu'à admettre une durée de deux ans.12 Le principe est que les situations créées après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sont régies par celles-ci. Toutefois une loi n'a pas d'effet rétroactif c'est à dire qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer à des situations juridiques déjà existantes.5 C'est ce que confirme l'article 14 de la loi ALUR. 6 Mais la matière locative est particulière en ce qu'un bail arrivé à terme peut être tacitement reconduit ou renouvelé et dans les deux cas un nouveau contrat sera créé.7 Le renouvellement du bail consiste en une augmentation du loyer au terme du précédent bail. Il est formalisé par un nouvel écrit signé des parties.Le bail renouvelé après l'introduction de la loi ALUR sera soumis à cette dernière. Quant à la tacite reconduction, il s'agit d'une poursuite automatique du bail dans le silence des parties au terme du contrat. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 Mars 2014 semble cependant exclure cette dernière du mécanisme précité.8 Un locataire peut-il invoquer à n'importe quel moment son droit à un préavis réduit ? Afin d'éviter au bailleur de se trouver dans des situations d'insécurité juridique, la jurisprudence a posé certaines limites temporelles au recours au délai réduit de préavis. Pour la perte d'emploi : si un congé délivré deux mois après une perte d'emploi a été jugé 4 France Info - "Résilier son bail: quel délai de préavis?" par Patrick Lelong 5 Article 2 du Code civil 6 Article 14 de la loi n°2014-366 du 24 Mars 2014 (loi ALUR) 7 « La loi ALUR et les baux d'habitation » Nicolas Damas, AJDI 2014 p.334 8 Décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014 Clinique juridique Pour la mutation : pour pouvoir bénéficier d'un préavis réduit, le locataire doit changer de ville.13 Jusqu'à quand le locataire ayant donné congé doit-il régler son loyer ? La loi prévoit que le locataire est redevable du loyer et des charges pendant toute la durée du préavis lorsque c'est lui qui a notifié le congé. Cependant il existe deux cas de figure dans lesquels le locataire n'est pas tenu de ces paiements.14Le premier cas de figure est celui où un nouveau locataire remplace le locataire sortant avant la fin de la durée du préavis. Dans ce cas de figure, le locataire n'est redevable du loyer que pour la période où il a réellement occupé les lieux. Le deuxième cas correspond à la renonciation par le bailleur de se prévaloir de la durée de préavis. Cette renonciation doit être expresse c'est à dire qu'elle doit résulter obligatoirement d'un écrit du bailleur dans lequel celui-ci renonce clairement à ce droit. Alexandre FILITTI 9 Cour d’appel de Paris, 6ème chambre, section C, 17 juin 1999 10 Cour d’appel de Besançon, 2ème chambre, 30 janvier 2001 et Cour d’appel de Paris, 6ème chambre, section C, 10 février 1998 11 Revue Loyers et copropriété n°4, Avril 2014, commentaire 104 par Béatrice Vial-Pedroletti 12 Cour d'appel d'Aix en Provence, 17 décembre 2013, n°2013/641 13 Cour de cassation, 3ème chambre civile, 22 octobre 2003 – AJDI 2004 p.32 14 Revue Loyers et copropriété n°6, Juin 2015, commentaire 133, Béatrice Vial-Pedroletti