MAITRE ECKHART ET LE PERE DE FOUCAULD

Transcription

MAITRE ECKHART ET LE PERE DE FOUCAULD
MAITRE ECKHART
ET
LE PERE DE FOUCAULD
Ici Pierre WEEGER.
Si le cœur vous en dit, j’ai envie de partager avec vous ce que j’ai retenu d’une session
intitulée :
L’EXPERIENCE DU DIVIN
Nous étions vingt participants : celle-ci s’est déroulée au prieuré d’Etiolles près de Corbeil,
communauté à laquelle appartient également Benoît Billot.
Elle était animée par Daniel HUBERT, bénédictin, psychanalyste, ancien professeur à la
catho, ancien aumônier de l’hôpital psychiatrique de Villejuif.
Daniel avait comme objectif d’interpeller la foi de chacun d’entre nous à partir de ce qu’ont
vécu : Maître Eckhart et le Père de Foucauld.
En mettant en parallèle l’itinéraire de ces deux
Marcheurs de Dieu
vivant l’un au XIIIème siècle, l’autre, fin du XIXème.
Maître Eckhart, mystique rhénan, dominicain très marqué par la philosophie. Il vivait à une
époque troublée : lutte entre l’empire germanique et le pape, résidant alors à Avignon. C’est
l’époque des croisades, des mystiques comme les béguines. Vivant à Strasbourg, il vint deux
fois à Paris, à pied, où il reçut le titre de « Maître ». Il assumait d’importantes responsabilités
ecclésiales.
Il avait une pensée religieuse très originale, tellement originale que celle-ci lui valut d’être
excommunié (pour le seul diocèse de Cologne), ce qui n’empêchait nullement son
attachement total à l’EGLISE. Sa pensée et sa théologie n’ont été réellement connues en
Europe qu’à partir de 1970.
Charles de Foucauld. Cet « homme de Dieu » vivant à la fin du 19ème, soit six cents ans après
Maître Eckhart.
Il vint tardivement à la foi. Il résida quatre ans à Nazareth, voulant y vivre « comme Jésus »
pauvre parmi les plus pauvres. Il se sentit ensuite « appelé » par le désert nord-africain. Il
vécut les dernières années de sa vie à Tamanrasset, au centre du Hoggar.
Il connaissait bien les Touaregs, ses amis, dont il connaissait bien les mœurs et la langue.
C’est grâce au témoignage d’un couple participant à une Fraternité des Frères et Sœurs du
Sacré Cœur que nous avons pu approcher la spiritualité du père de Foucauld.
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Nous avons abordé trois thèmes :
 DIEU
 LE DETACHEMENT
 LA PAUVRETE
Nous avons vu comment Maître Eckhart et le Père de Foucauld les ont vécus, et je fus invité
à me demander ce que ces trois thèmes représentaient pour moi aujourd’hui.
1 – DIEU
Pour Maître Eckhart
 Dieu est fondateur, mais inaccessible.
Il cite St Paul :
« Autrefois vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes une lumière en Dieu ».
« J’ai voulu parlé de quatre choses : de la subtilité de Dieu et de la subtilité de l’âme et
de l’œuvre en Dieu et de l’œuvre dans l’âme ».
Benoît BEYER (voir la bibliographie en fin de texte) cite le sermon 71 :
« ce sermon est sans doute l’un des plus vertigineux de Maître Eckhart »
Maître Eckhart dit à propos de Paul sur le chemin de Damas :
« Quand Paul se releva de terre et les yeux ouverts, il vit le néant »,
Quand il vit Dieu, il vit toutes choses comme un néant.
Pour Charles de FOUCAULD
Ce n’est qu’à 30 ans qu’il commença à entrer solidement dans la foi, quand il se confessa,
pour la première fois, à l’église St Augustin à Paris.
« Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que
de vivre pour LUI ».
Dans la rencontre qu’il fit avec les musulmans, il fut étonné par leur foi et leur prière
quotidienne.
Une fois qu’il eut trouvé la foi, Charles eut une vie radicalement orientée vers Dieu.
Très rapidement, la prière devint pour lui l’activité principale « sinon exclusive » ; mais il
savait mettre celle-ci aussitôt de côté, quand il avait à accueillir « l’autre », aussi bien les plus
riches que les plus pauvres, notamment chez les Touaregs.
Mais Dieu, il le retrouva surtout en Jésus. Quotidiennement, il ruminait l’évangile et il
aspirait à le rechercher et à le trouver dans l’eucharistie et chez les autres.
Pour moi, Pierre
Il fallut peut-être 87 ans pour que Dieu trouve en moi, « peut-être ! », celui auquel j’aspire
profondément. Si je suis aujourd’hui ce que je suis, c’est essentiellement parce que, au cours
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de ma vie, j’ai eu le bonheur (et je l’ai encore aujourd’hui) de rencontrer un bon nombre de
« témoins de la foi ».
Pour « nommer » Dieu, je reprends pour mon compte la « définition » que m’a transmise
une amie :
Dieu est pour moi :
 Une présence
 Aimante
 Permanente
 Exigeante
LE DESERT
Celui-ci a une importance capitale, aussi bien pour Maître Eckhart que pour Charles de
Foucauld.
Maître Eckhart le connut au sein même de son EGLISE, quand l’expression originale de sa foi
déconcerta nombre de ses frères, ce qui amena l’évêque de Cologne à demander son
excommunication pour hérésie.
Pour Charles de Foucauld, par sa longue présence au Sahara, sa rencontre avec le désert fut
déterminante ainsi que la solitude quotidienne qu’il y vécut, (même s’il fut entouré par ses
amis Touaregs).
Pour moi, je la trouve, peut-être ( ?), quotidiennement dans ma méditation « zen ».
2 – LE DETACHEMENT
Pour Maître Eckhart.
Celui-ci dit : « je loue le détachement avant l’amour, parce que l’amour me contraint à
souffrir toutes choses de par Dieu, alors que le détachement m’amène à n’être réceptif à rien
d’autre qu’à Dieu ».
« Le détachement est meilleur que tout, car il purifie l’âme, clarifie la conscience et embrase
le cœur ».
« Jésus dit à Marthe : celui qui veut être sans trouble et limpide, celui-ci doit avoir une chose :
le détachement ».
Pour Maître Eckhart, il y a pour Jésus et Marie (et pour tout homme) deux sortes d’hommes :
 L’homme extérieur (la sensibilité)
 L’homme intérieur (l’intériorité de l’homme)
Pour Charles de Foucauld.
Il lui fallut une trentaine d’années pour se « se détacher » d’une vie marquée par la richesse
matérielle, par le plaisir, par des relations humaines superficielles qui l’empêchaient d’ouvrir
son esprit et son cœur à Dieu et notamment à Jésus.
Mais à partir de sa conversion, notamment au Sahara, il fut totalement détaché de toute
richesse matérielle, sa vie étant totalement donnée à Dieu et aux autres.
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Pour moi.
J’essaye (?) de me détacher des richesses matérielles, des relations humaines superficielles
pour tenter de m’ouvrir à l’essentiel :
Une vie ouverte
 Au silence intérieur, notamment grâce à la méditation Zen,
 Aux personnes qui ont besoin de moi, notamment celles qui me sont les plus
proches.
 Aux étrangers, notamment à travers l’alphabétisation
 A Dieu et notamment Jésus
3 – LA PAUVRETE
Pour Maître Eckhart.
Dans son sermon 52, Maître Eckhart dit :
 Un homme pauvre est celui qui ne veut rien, ne sait rien et n’a rien.
 Nous prions Dieu d’être dépris de Dieu et c’est pourquoi IL est toutes choses.
 Celui qui doit être pauvre en esprit, il lui faut être pauvre de son savoir propre.
 St Paul dit : « tout ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu ».
 Le don que je reçois dans cette pensée (la pauvreté), c’est que moi et Dieu nous
sommes « UN ».
Pour Charles de Foucauld.
 Il alla à Nazareth spécialement pour y vivre pauvre comme Jésus, y vivre comme
Jésus au milieu des plus pauvres et des exclus.
 Au Sahara, plus particulièrement à Tamanrasset, il vécut pauvre parmi les plus
pauvres des Touaregs.
 C’est l’objectif principal que proposent les frères et sœurs des communautés des
« petits frères et sœurs de Jésus », communautés créées à la suite du témoignage de
Charles de Foucauld.
Ces communautés nous invitent aujourd’hui, chacun dans son lieu de vie, à vivre en
esprit de pauvreté, à vivre au contact des plus pauvres d’aujourd’hui.
C’est le « sacrement du frère » :
- Partager c’est donner
- Partager, c’est recevoir.
Pour moi
 J’essaye de vivre dans la sobriété, de me solidariser avec les pauvres, notamment les
plus pauvres que je rencontre dans mon quartier.
 Car l’esprit de pauvreté est une éthique invitant tout homme aujourd’hui, quelquesoit sa nationalité, sa religion, ses croyances à se solidariser avec les plus pauvres
vivant à côté d’eux ou à l’autre bout du monde (aujourd’hui en particulier ceux
vivants dans la corne de l’Afrique).
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Pour Daniel HUBERT,
Maître Eckhart et Charles de Foucauld sont des
GEANTS DE LA FOI
Maître Eckhart et Charles de Foucauld nous ouvrent par leurs histoires, leurs itinéraires,
leurs écrits, à des questions qui sont au cœur de l’actualité d’aujourd’hui.
 Ils furent tous les deux des « voyageurs infatigables », l’un au XIIIème, l’autre au
XIXème siècle.
 Ils nous offrent une expérience mystique pleine de fécondité pour notre vie
d’aujourd’hui.
 Ils furent tous les deux marqués par le désert.
 L’un et l’autre demeurèrent dans la confiance et l’espérance sans jamais se départir
du souci de l’autre.
 A travers leurs itinéraires, on aperçoit leurs similitudes (désir de Dieu et passivité) et
leurs singularités : Maître Eckhart fait preuve d’une liberté vertigineuse dans
l’expression de sa foi, mais l’un et l’autre sont marqués par leur attachement profond
à l’Eglise. Ce fut le cas, notamment, pour Charles de Foucauld à propos de
l’esclavage, drame qui le torturait profondément; mais il ne se crût pas le droit
d’intervenir auprès des autorités politiques et religieuses qui fermaient les yeux.
 Chez Maître Eckhart, nous sommes marqués par son expérience intellectuelle et
mystique.
 Chez Charles de Foucauld, l’expérience ne devient éblouissante qu’après bien des
années obscures.
 L’un et l’autre terminent leur itinéraire d’une manière tragique :
Maître Eckhart par une condamnation,
Charles de Foucauld par son assassinat : « notre ami Charles, le Marabout, est
mort pour nous ».
 Nous avons à reprendre les chemins du monde si nous voulons voir Dieu.
 Car le message évangélique est une parole d’avenir sur l’homme et sur le monde, il
est également parole d’espérance.
 Tout y est bon pour faire un chemin de vérité et de vie : les malades, les exclus, les
pauvres de toute espèce, l’homme dans sa misère la plus noire, le monde avec les
impasses qu’on lui connaît ; ils sont et restent les chemins de Dieu et il n’y en pas
d’autre si l’on suit l’évangile.
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DANIEL, un grand merci pour cette session.
BIBLIOGRAPHIE
Livres qui m’ont aidé dans cette démarche :
« Etre Dieu en Dieu, Maître Eckhart », de Benoît BEYER
« Charles de Foucauld et la fraternité », de Denise et Robert Barrat
Ces deux livres aux Editions Points SAGESSES
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A l’intention des lecteurs de ce texte :
Merci de ne pas envoyer vos réactions à l’adresse internet de mon ami Christian Leroy, mais
vous pouvez me contacter directement :
Pierre WEEGER,
27 rue du Sergent BAUCHAT
75012 Paris
Tél : 01 46 28 43 19
Bien entendu, vous avez toute latitude pour communiquer à qui vous le désirez la synthèse
de cette session vécue à Etiolles.
Décembre 2011
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