Par-delà les différences religieuses Conclusions

Transcription

Par-delà les différences religieuses Conclusions
DJS/Baku Conf. (2008) 4
novembre 2008
______________________
Par-delà les différences religieuses
L’islamophobie et les autres formes de discrimination fondées sur la religion ou les convictions
religieuses : conséquences pour les jeunes et réponses possibles par le travail de jeunesse
Bakou, 5-8 novembre 2008
Conclusions
INITIATIVE JEUNESSE DE BAKOU
La Conférence « L’islamophobie et les autres formes de discrimination fondées sur la religion
ou les convictions religieuses : conséquences pour les jeunes et réponses possibles par le travail
de jeunesse », tenue à Bakou, Azerbaïdjan, du 5 au 8 novembre 2008, entendait consolider les
conclusions de la campagne européenne pour la jeunesse « Tous différents – tous égaux »,
notamment de la Déclaration d’Istanbul. La Conférence, organisée conjointement par la
Direction de la Jeunesse et du Sport du Conseil de l’Europe, l’Organisation islamique pour
l’éducation, les sciences et la culture et le ministère azerbaïdjanais de la Jeunesse et des Sports,
en coopération avec le Forum européen de la jeunesse et le Forum de la jeunesse de la
Conférence islamique pour le développement et la coopération, a rassemblé plus de
100 participants venus de 42 pays.
L’objet de la Conférence était d’apporter une réponse par le travail de jeunesse, à
l’islamophobie, à l’antisémitisme et aux autres formes de discrimination fondées sur la religion
ou les convictions religieuses. Elle a permis de consolider les travaux menés dans ce domaine
par ses organisateurs et ses partenaires.
Pour instaurer la paix, la sécurité, le développement et la prospérité dans nos sociétés, il est
indispensable de promouvoir le dialogue et la compréhension. Le dialogue interreligieux,
composante essentielle du dialogue entre les cultures et les civilisations, joue un rôle majeur
dans le renforcement de nos valeurs communes, que sont le respect, la dignité et la liberté.
1
La lutte contre les discriminations et les préjugés religieux nous concerne tous et se révèle
nécessaire à toutes les sociétés. Parce qu’ils sont les véritables acteurs et promoteurs du
changement, les jeunes et leurs organisations sont les premiers concernés.
Les jeunes constituent une force active émergente, qui participe, de plus en plus, à la vie de la
société. Aussi les politiques et les décideurs doivent-ils, plus que jamais, prendre en compte
leurs initiatives et leurs préoccupations dans le cadre global de leur action.
À la lumière des contributions des experts et des discussions au sein des groupes de travail, la
Conférence a souligné la nécessité de combattre l’islamophobie et toutes les autres formes de
discriminations et préjugés, et de défendre et promouvoir les droits de l’homme universels pour
tous les êtres humains, sans discrimination pour quelque motif que ce soit.
La Conférence a rappelé que « l’islamophobie n’est pas seulement le problème des musulmans,
puisqu’elle a des conséquences négatives sur la société dans son ensemble : sur les enfants et
les jeunes, sur les femmes autant que sur les hommes. L’islamophobie est une violation des
droits de l’homme et une menace pour la cohésion sociale. Les jeunes et leurs organisations ont
un rôle important à jouer pour prévenir l’islamophobie et sensibiliser l’opinion aux
conséquences négatives des préjugés et de la discrimination. »1
La promotion de la tolérance et du respect de la diversité passe nécessairement par un
attachement indéfectible aux droits de l’homme : tel doit être le cadre du dialogue interculturel.
Le rôle irremplaçable que jouent ici les jeunes et leurs organisations s’observe notamment dans
l’éducation aux droits de l’homme et dans l’apprentissage de l’interculturalité : ces activités –
qu’il convient de promouvoir pour garantir la démocratie et l’égalité et se protéger contre
l’extrémisme – constituent un cadre pour la définition de valeurs et d’approches éducatives
visant à lutter contre les préjugés et les discriminations sous toutes leurs formes (islamophobie,
antisémitisme, christianophobie et autres discriminations qui se fondent sur la religion ou les
convictions religieuses ou s’y rapportent) .
Les organisateurs de la Conférence, résolument attachés à la poursuite de ce travail, souhaitent
conjuguer leurs efforts, réunir leurs compétences, lutter contre les préjugés et les
discriminations religieuses et soutenir les initiatives et les projets des jeunes et de leurs
organisations, promoteurs efficaces de la tolérance et de l’éducation aux droits de l’homme.
D’un commun accord, les participants à la Conférence ont encouragé les organisations de
jeunesse à donner suite à l’Initiative Jeunesse de Bakou par des projets visant à promouvoir la
compréhension interculturelle et la sensibilisation à diverses questions en rapport avec ce
domaine. Ces projets doivent s’appuyer sur les conclusions et les résultats de la présente
Conférence, à savoir ceux élaborés par les groupes de travail et présentés ci-après. Les projets
doivent s’inspirer en particulier des grands documents d’orientation des organisations
partenaires de la Conférence.
1. Religion, culture et identité
Chez de nombreux jeunes, l’identité est un tout, où religion et culture sont souvent
indissociables. Menacer leur appartenance culturelle ou religieuse, c’est mettre en danger le
développement d’une identité participant de l’ouverture d’esprit et de la confiance en soi et
d’affiliations culturelles multiples, qui sont le propre de tout un chacun. Les projets
interculturels de jeunesse sont des outils majeurs de développement de la confiance en soi et de
1
2
Conclusions du séminaire « L’islamophobie et ses conséquences pour les jeunes », Centre européen de la jeunesse, Budapest, 2004
lutte contre les effets négatifs de l'islamophobie, de l'antisémitisme, de la christianophobie et
des préjugés en général.
Voici deux exemples de projets de ce type qui pourraient être menés :
Village du souvenir
Ce projet a pour objet principal le dialogue entre civilisations. Il vise également à
développer l'échange culturel, la compréhension du contexte historique, l'échange
pédagogique, les partenariats entreprises-jeunesse et les campagnes internationales sur la
perception de l'identité, de la religion, de la culture et de l'histoire. Il prévoit en outre la
diffusion d’informations sur les initiatives et les programmes mis au point par les
partenaires internationaux de la conférence de Bakou.
Religions et démocratie
Ce projet concerne le regain d'intérêt pour les pratiques religieuses dans le monde ainsi
que la suspicion et la peur qu'elles peuvent susciter parmi les pouvoirs publics et dans le
public en général.
Ce projet prévoit, entre autres, de créer des mécanismes formels associant des experts de
diverses religions (christianisme, islam, judaïsme, etc.), notamment des universitaires, des
animateurs de jeunesse et des responsables de la société civile, dans le but :
- d'étudier des problématiques actuelles ayant trait à la religion et à la démocratie,
- d'échanger les conceptions et les pratiques concernant les valeurs religieuses et
démocratiques, telles que le pluralisme, la tolérance à l'égard des religions, l’État de droit,
le respect des droits de l'homme, la participation aux élections (parmi les jeunes en
particulier) et la participation des jeunes au dialogue interculturel,
- d’offrir de nouvelles possibilités de partenariats entre groupes religieux formels et
informels et d'examiner des sujets présentant un intérêt commun.
2. Religion et égalité des femmes et des hommes
Dans le monde entier, l’inégalité des femmes et des hommes est une réalité, qui trouve son
pendant dans les structures religieuses qui la soutiennent et la renforcent. Or la religion ne
saurait justifier ou expliquer cette inégalité. C’est l’interprétation fallacieuse des écrits religieux
qui vient soutenir et renforcer une inégalité déjà présente dans la société.
Pour tendre vers l'égalité des femmes et des hommes, il faut modifier les structures sociales et
les schémas culturels qui font intervenir le genre. Diverses actions prospectives sont
envisageables en la matière :
- L'éducation en tant qu'outil de transformation sociale : l'éducation est un puissant moteur
de changement par la base, grâce auquel la société civile, mais aussi d’autres acteurs,
peuvent faire évoluer la notion de « rôle des genres » et ainsi contribuer au démantèlement
des structures sociales qui produisent ou reproduisent l'inégalité des femmes et des
hommes. Exemples d’actions d’éducation :
o renforcer l'autonomie des femmes et sensibiliser le public,
o sensibiliser aux problèmes liés aux droits de l'homme et aux religions ;
- Les actions concrètes donnant les meilleurs résultats sont celles procédant d’approches
ascendantes, telles que :
3
o publication de matériel d'étude (rapports, boîtes à outils, etc.) pour renforcer les
connaissances et améliorer les compétences,
o tables rondes de jeunes professionnels œuvrant dans ce domaine pour encourager
l'échange d'informations et susciter des actions innovantes,
o organisation d'ateliers au niveau local, national et/ou international pour encourager
l’interaction et l’autonomisation des jeunes gens ;
- Campagne de sensibilisation à l'égalité des femmes et des hommes ;
- Programmes d'échanges internationaux, accessibles plus particulièrement aux jeunes
défavorisés ou issus de minorités.
3. Liberté d’expression et liberté de religion
La liberté de religion et la liberté d'expression sont des principes fondamentaux de toute
société démocratique. Or il n'est pas facile de définir et de délimiter des concepts qui se
recouvrent ou se contredisent parfois parce qu’ils ne mettent pas l'accent sur les mêmes valeurs
et principes. Dans ce cas, il est nécessaire de les mettre en rapport avec d'autres droits de
l'homme, énoncés dans la législation internationale des droits de l’homme.
Il faut bien distinguer les responsabilités de l'État des fonctions religieuses. Les communautés
religieuses relèvent de l’ordre juridique interne, censé traiter toutes les religions sur un pied
d'égalité. L’État doit s'abstenir de tout soutien direct aux communautés religieuses ; dans le cas
contraire, ledit soutien doit être le même pour toutes et tenir compte de leurs poids respectifs.
Les questions relevant du droit de la famille doivent être réglementées par le droit interne dans
le respect des droits de l'homme. Ainsi la législation d’un État doit-elle dûment reconnaître les
cérémonies religieuses (mariages, funérailles, etc.).
Tout citoyen a le droit de suivre les traditions religieuses et doit pouvoir chômer les principales
fêtes religieuses. Les organisations de jeunesse doivent apporter leur concours aux pouvoirs
publics dans la recherche de formules satisfaisantes à cet égard, notamment à l’école et au
travail.
Dans l'exercice de sa liberté d'expression, chacun doit être attentif aux besoins d’autrui et
respectueux des convictions d'autrui. Il faut éviter l'incitation à la violence et à la haine. C'est
dans cet esprit que doivent travailler les organisations de jeunesse, notamment lorsqu'elles
préparent des publications, des communiqués de presse et d’autres matériels pour les médias.
Il y a lieu aussi d'encourager les jeunes à promouvoir des programmes axés sur l'acquisition de
compétences interculturelles et interreligieuses pour prévenir les malentendus entre les cultures
et les religions.
Des équipes et des médiateurs de jeunesse chargés des questions interreligieuses au niveau
local et régional pourraient intervenir en cas de crise majeure dans leur voisinage.
On pourrait également envisager de créer des forums ouverts et des plates-formes pour les
jeunes qui organisent et soutiennent des manifestations interreligieuses ou y participent.
Il faudrait également organiser des réunions intersectorielles entre de jeunes militants et des
décideurs pour définir des politiques de jeunesse prenant en compte les activités
interreligieuses et pour encourager le dialogue interreligieux au niveau régional, national et
international.
4. Préjugés et stéréotypes : médias et éducation
4
La discrimination et l'intolérance envers « l'autre » progressent dans le monde entier, d’où la
nécessité de construire un environnement social inclusif et tolérant. Pour renverser cette
tendance et lutter contre tous les types de préjugés et de discriminations, on pourra s’appuyer
sur deux outils : l'éducation et les médias.
Dans le domaine de l'éducation, on pourra examiner et faire évoluer les normes existantes et se
pencher sur les difficultés actuelles. L'éducation, formelle et informelle, doit s’employer à
souligner les avantages de la diversité des croyances, des religions et des appartenances
ethniques de manière à instaurer un climat d'acceptation mutuelle grâce à la réflexion critique
et dans un esprit d’ouverture.
S’agissant des médias, il conviendrait de lancer des ateliers internationaux, dans lesquels des
experts de différents domaines (relevant de la recherche ou de la pratique) pourraient
développer des outils et définir des méthodes pour lutter contre les images négatives et les
formes de stigmatisation de l’« autre » dans les médias.
5. La coexistence et le vivre ensemble, le renforcement de la communauté et les
migrations
Il est possible de renforcer la vie en communauté et d’améliorer la cohésion sociale par un
ensemble de mesures, qui combinent, entre autres, l’éducation, la présentation positive de
l’information par les médias et la mise en avant d’exemples de bonnes pratiques concernant
l’intégration des migrants et le respect de leur religion et de leurs droits humains culturels. Ces
mesures pourraient consister entre autres à :
- associer les groupes cibles aux processus décisionnels à tous les niveaux,
- créer des points d’information sur les possibilités de financement des activités,
- faciliter le dialogue et l’écoute mutuelle ; être attentif aux besoins et aux souhaits de
chacun,
- intégrer l’« autre » dans tous les aspects de la vie sociale,
- combattre les stéréotypes et proposer des modèles qui renvoient une image positive,
- partager les pratiques des ONG œuvrant dans ce domaine,
- donner aux migrants les moyens d’agir et combattre la discrimination et la
discrimination multiple dont ils sont l’objet,
- créer des espaces et amener, par divers moyens, les différentes communautés à se
rencontrer (clubs de jeunes, camps de vacances, cafés, activités sportives, expositions,
musées, manifestations culturelles, échanges culinaires),
- aider les migrants à apprendre la/les langue(s) de la société d’accueil,
- effectuer des recherches pertinentes pour déterminer les besoins et les souhaits des
minorités,
- établir des rapports d’observation sur les manifestations d’islamophobie dans la société
afin de sensibiliser la population et de lutter contre ces discriminations.
6. Jeunes et extrémisme
Combattre l’extrémisme, ce n’est pas lutter contre une religion en particulier, mais contre des
actions criminelles et radicales qui peuvent prendre diverses formes. Le besoin d’inclusion
sociale est important et il est essentiel de tirer parti de l’énergie créative des jeunes. Ceux qui
ont le sentiment d’être les moins entendus sont souvent ceux qui sont les plus difficiles à
atteindre – c’est à eux que doivent s’intéresser en priorité les politiques et les pratiques. Pour
éradiquer l’extrémisme, plusieurs approches sont envisageables :
5
- l’éducation par les pairs est un outil efficace pour atteindre les jeunes à risque ;
- il conviendrait d’entreprendre de nouvelles recherches pour mieux comprendre le
phénomène de l’extrémisme et son rapport avec les jeunes ;
- l’éducation, en tant que vecteur majeur d’inclusion sociale des jeunes, doit montrer
l’intérêt d’apprendre à connaître les autres ; pour ce faire, elle doit être proactive et axée
sur la sensibilisation ;
- pour lutter contre l’extrémisme, il conviendrait de mener des politiques d’intégration et
d’assimilation, axées notamment sur l’autonomisation sociale, politique et culturelle ;
- il serait utile de lancer des projets s’attaquant à l’exclusion sociale à tous les niveaux
en tant que cause de l’extrémisme chez les jeunes (de l’exclusion individuelle à
l’exclusion des processus décisionnels) ;
- mettre l’accent, au niveau national et international, sur l’autonomisation des jeunes
contribuerait à renforcer la confiance dans les systèmes démocratiques ;
- face à des allégations d’agissements extrémistes, les gouvernements doivent respecter
certains principes quant au langage à tenir et aux procédures à appliquer ; dans leurs
propos, ils devraient notamment s’abstenir d’associer une communauté religieuse ou
ethnique dans son ensemble à des manifestations d’extrémisme ou de les rendre
responsables de tels actes ;
- il conviendrait de réaliser des documentaires et d’éditer des publications qui analysent
les causes fondamentales de l’extrémisme et les types de réaction à l’égard de ce fléau, de
façon à offrir une image équilibrée des différentes religions et à encourager la confiance,
le respect et la prise de conscience.
6