Vinification - Union des oenologues de France
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Vinification - Union des oenologues de France
Vinification Optimisation de la préservation aromatique des vins blancs et rosés par Maryam Ehsani(1) et Virginie Moine-Ledoux(2) (1) Responsable Produits de Fermentation, Laffort France, BP 40 - 33072 Bordeaux (2) Responsable Scientifique, Laffort France, BP 40 - 33072 Bordeaux La qualité aromatique des vins, en particulier, celle des vins blancs est une préoccupation primordiale des vinificateurs. Un vin blanc de qualité se doit d’être expressif en portant l’empreinte du caractère variétal et du terroir. Dans le cas des vins aux arômes thiolés comme le sauvignon blanc, conserver la fraîcheur aromatique et limiter l’évolution oxydative sont des objectifs de tous les instants. Il est bien connu que l'arôme du vin évolue avec le temps, et que certains composés aromatiques sont plus sensibles à l’oxydation que d’autres. Les thiols volatils (4MMP, 3MH, A3MH) caractéristiques de l’arôme de certains cépages, comme le sauvignon blanc, le riesling, le colombard, le gros manseng, sont des molécules particulièrement sensibles à l’oxydation. Il existe plusieurs approches pour mieux préserver l’arôme du vin ; le travail des raisins et du moût à l’abri de l’air, l’ajout de tanins. Toutes ces méthodes de conservation ont leurs avantages et leurs inconvénients. Par exemple, la manipulation en conditions réductrices exige l’utilisation de quantités importantes de gaz inertes, tandis que les additions de tanins, si elle est excessive, peut modifier le profil du vin. Une approche naturelle à la préservation aromatique des vins est l’utilisation du pouvoir réducteur du glutathion (Lavigne et al., 2002). Le glutathion (GSH) (Figure 1), un tripeptide, est un antioxydant naturellement présent dans tous les organismes vivants, avec un pouvoir réducteur supérieur à l'acide ascorbique et au SO2. Il est admis depuis longtemps que le GSH est un antioxydant plus efficace que l’acide ascorbique, et qu’il est préférentiellement consommé avant l’acide ascorbique dans des conditions oxydatives (Hopkins et Morgan, 1936). C A H I E R T E C H N I Q U E Introduction En effet, les chercheurs pensent qu’un des rôles du GSH dans le système des plantes est de maintenir l’acide ascorbique sous sa forme réduite pour une activité physiologique améliorée (Saetre et Rabenstein, 1978). Dans les raisins, le GSH s’accumule pendant la maturation (Adams et Liyanage, 1993) et les niveaux varient considérablement, s’étendant de quelques milligrammes à quelques centaines (Cheynier et al., 1989), tandis que chez la levure le GSH constitue environ 1 % de la masse sèche (Park et al., 2000 ; Elskens et al., 1991). Les levures assimilent le GSH au début de la fermentation, et le libèrent vers la fin de la fermentation, en particulier pendant l’autolyse (Figure 2). Il est important de souligner que la teneur en glutathion des vin est corrélée avec la teneur en azote assimilable du moût (Lavigne et al., 2006), pour la simple raison que si le niveau d’azote assimilable du moût est faible, le GSH est consommé par la levure comme source azotée. La Figure 3 illustre bien ce phénomène. En effet, quand la concentration en azote assimilable du moût est suffisante, les teneurs en GSH du moût et du vin sont approximativement égales. En revanche, quand la teneur en azote assimilable du moût est < 100 mg/L (condition de carence), la teneur en GSH résiduel dans le vin correspondant est très faible car assimilé par la levure comme une source nutritionnelle. Compte tenu du pouvoir réducteur de ce tripeptide et de ces précurseurs cystéinylés, les praticiens cherchent à employer ces composés dans la vinification en tant qu’antioxydant naturel pour la conservation des arômes des vins sensibles à l'oxydation, et protéger les vins blancs contre l’évolution oxydative (production de sotolon et phénylacétaldéhyde). De cette façon; la fraîcheur des vins peut être maintenue par une préservation aromatique maximale, avec in fine une qualité optimale du vin, recherchée par le consommateur. Figure 1 : Formule chimique de glutathion R E V U E F R A N Ç A I S E D ’ Œ N O L O G I E 16 J U I L L E T / A O Û T 2 0 1 3 N ° 2 5 9 T E C H N I Q U E Vinification C A H I E R Figure 2 : Concentration de glutathion pendant la fermentation et l’élevage sur lies avec une teneur en azote assimilable adéquate. Fin de fermentation : Jour 9 Figure 3 : Corrélation entre l’azote assimilable du moût et la teneur en glutathion correspondante dans le vin R E V U E F R A N Ç A I S E D ’ Œ N O L O G I E 17 J U I L L E T / A O Û T 2 0 1 3 N ° 2 5 9 Vinification et l’antioxydant le plus efficace dans de tels vins est le glutathion. Clairement, la maximisation du GSH mènera à une conservation aromatique de vin prolongée. L’objectif des praticiens devrait, en conséquent, être d’optimiser la concentration de ce tripeptide dans les vins. Pourquoi alors est ce que le GSH est un antioxydant si efficace ? C’est, essentiellement, grâce à la présence d’un groupement thiol (-SH) dans la molécule qui lui confère son pouvoir réducteur. Les thiols apportent un caractère fruité très puissant à certains vins tels que le sauvignon blanc, le colombard, etc. Ces arômes sont sensibles à l’oxydation justement parce qu’ils sont de bons antioxydants, comme le GSH. Quand les thiols volatils réagissent en tant qu’antioxydants, leur contribution à l’arôme du vin est perdue ou changée, et, par conséquent, la qualité du vin détériorée. Dans le cas spécifique du glutathion, ce composé agit en tant que nucléophile et conduit à la formation de GRP (Grape Reaction Protein) par réaction avec les quinones, qui sont les formes oxydées des acides phénols. En effet, les quinones sont également des pièges de thiols volatils. Une présence de GSH va inhiber cette réaction et permettre une meilleure protection aromatique des vins. Figure 4 : Une comparaison du potentiel réducteur de différents antioxydants Antioxydants Les antioxydants répondent au potentiel redox de leur environnement. La Figure 4 montre une série de produits chimiques considérés comme des antioxydants. On peut voir que les tanins sont des antioxydants nettement plus efficaces que le SO2. Dans le cas des vins blancs et rosés, aucune quantité significative de tanin n’est présente, C A H I E R T E C H N I Q U E Préservation aromatique Quelques adaptations pratiques simples peuvent être mises en place pour préserver le potentiel réducteur des vins. Le maintien des niveaux de SO2 est essentiel, se rappelant que ce composé joue à la fois un rôle d’antimicrobien et d’antioxydant. L’élevage sur lies, propres et exemptes de contaminants, peut nettement améliorer le pouvoir protecteur du vin (libération de composés réducteurs pendant l’autolyse des levures). Les soutirages excessifs doivent être évités car ce processus introduit toujours de l’oxygène dans le vin, et favorise les phénomènes d’oxydation. La capacité des lies à absorber l’oxygène est plus importante et permet de limiter l’oxydation du glutathion. Paradoxalement, des barriques plus anciennes semblent mieux préserver les arômes des vins que les barriques neuves parce que le niveau d’oxygène dans les veilles barriques est inférieur à celui en bois neuf en raison d’une porosité plus faible dans le bois usagé (Lavigne et al., 2002). Figure 5 : Une comparaison de deux produits (Produit A et BIOAROM®) sur la conservation aromatique des vins. La fermentation a été réalisée sur un sauvignon blanc (microvinifications en duplicate). Les deux points d’analyses correspondent à la mise en bouteille et après 3 mois d’élevage à 15° C. Indice aromatique (concentration/seuil de perception), où une valeur de ≥1 indique la contribution à l’arôme du vin. 4MMP = 4 methoxymercaptopentanone, buis, feuille de tomate ; 3MH = 3 mercaptohexanol, pamplemousse ; A3MH = acétate de 3 mercaptohexanol, fruit de la passion. R E V U E F R A N Ç A I S E D ’ Œ N O L O G I E 18 J U I L L E T / A O Û T 2 0 1 3 N ° 2 5 9 Vinification Références bibliographiques D. O. Adams and C. Liyanage, 1993. Glutathione increases in grape berries at the onset of ripening. Am. J. Enol. Vitic., 44(3), 333-338. V. Cheynier, J. M. Souquet and M. Moutounet, 1989. Glutathione content and glutathione to hydroxycinnamic acid ratio in Vitis vinifera grapes and musts. Am. J. Enol. Vitic., 40, 320 - 324. M. T. Elskens, C. L. Jaspers and M. J. Penninckx, 1991. Glutathione as an endogenous sulphur source in the yeast Saccharomyces cerevisiae. J. Gen. Microbiol., 137, 637 - 644. F. G. Hopkins and E. J. Morgan, 1936. Some relations between ascorbic acid and glutathione. Biochemical Journal, 30 (8), 1446 – 1462. V. Lavigne, A. Pons and D. Dubourdieu, 2006. Assay of glutathione in must and wines using capillary electrophoresis and laserinduced fluorescence detection. Changes in concentration in dry wine during alcoholic fermentation and aging. J Chromatogr. S. K. Park, R. B. Boulton and A. C. Noble, 2000. Automated HPLC analysis of glutathione and thiol-containing compounds in grape juice and wine using pre-column derivatization with fluorescence detection. Food Chemsitry, 68, 475 – 480. R. Saetre and D. L. Rabenstein, 1978. Determination of cysteine and glutathione in fruit by high-performance liquid chromatography J. Agric. Food Chem, 26 (4), 982-983. Figure 6 : Concentrations en glutathion dans un vin témoin et un vin traité avec du BIOAROM® C A H I E R Le pouvoir réducteur du vin peut être optimisé pendant la fermentation par l’utilisation du BIOAROM®, un produit d’origine levurienne, riche en glutathion et en précurseurs cysteinylés du GSH, cystéine et N-acétyle cystéine. Dans l’objectif d’une protection aromatique maximale, il faut tenir compte du fait que des teneurs inférieures à ~ 20 mg/L de GSH en bouteille sont peu efficaces pour la préservation aromatique. Ceci est clairement démontré dans la comparaison des profils aromatiques de vins faits à partir du même jus (sauvignon blanc, micro-vinifications en duplicata) utilisant le Produit A et le BIOAROM® pour la préservation aromatique. L’effet antioxydant du Produit A s’avère peu efficace (Tableau 1), et ceci est démontré par une évolution aromatique équivalente au vin témoin (Figure 5). Il est important de souligner qu’un ajout de glutathion n’augmente pas la capacité des levures à produire des arômes, mais qu’il protège plutôt les arômes déjà produits. Ceci peut être expliqué avec les résultats de la Figure 6, où un vin témoin (sauvignon blanc) est comparé à un autre supplémenté en BIOAROM®. Les concentrations finales en GSH dans les vins prouvent que seulement le vin traité avec BIOAROM® a un niveau de GSH au-dessus du seuil protecteur de 20 mg/L, indiquant que dans ce vin la préservation des arômes est bien mieux maitrisée que dans le vin témoin. Conclusion L’utilisation de composés réducteurs a une grande importance pour la préservation aromatique optimale des vins blancs et rosés pendant le vieillissement. L’ajout de BIOAROM® pendant la fermentation s’avère une méthode efficace pour augmenter le pouvoir réducteur des vins et ainsi s’assurer qu’une quantité suffisante de molécules soit disponible dans le vin final pour assurer la protection aromatique. Si l’ajout de BIOAROM® est important pour tous les vins blancs, il est particulièrement approprié pour les vins qui se caractérisent par une forte expression aromatique, et également pour ceux exportés où le temps et les conditions de transport et de stockage sont susceptibles de dégrader leurs arômes. R E V U E F R A N Ç A I S E D ’ Œ N O L O G I E 19 T E C H N I Q U E V. Lavigne, A. Pons and D. Dubourdieu, 2002. Role of glutathione on development of aroma defects in dry white wines. In the 13th International Enology Symposium, 331-347, Montpellier. Tableau 1 : Une comparaison de différents produits d’origine levurienne qui complètent la teneur en glutathion d'un jus de raisin J U I L L E T / A O Û T 2 0 1 3 N ° 2 5 9