Trois pas vers... Le Jeu Provencal

Transcription

Trois pas vers... Le Jeu Provencal
Romain Agopian
Trois pas vers...
Le Jeu Provencal
avec la collaboration de
Jean Ferrara
Au sommaire :
- « Le Provençal », la véritable haute référence.
- Charles Oderra, le music-hall comme carte de visite !
- Un gentleman-tireur, Émile Agaccio.
- Franck Racanelli, pensionnaire des «Bleus», l’image d’une jeunesse triomphante !
- André Massoni, le baptême du feu avec un parrain nommé Calanotti !
- Calanotti s’en va, Pironti arrive !
- Pironti, Massoni et Jean Tricon, 20 ans après comme joker de luxe !
- À 16 ans, l’exploit pour René Giordanengo.
- La naissance d’une équipe reine.
- Massoni-Pironti-Racanelli, un doublé historique !
- Claude Ruiz, la révélation.
- Quand «Zé» raconte Locatelli.
- Le jour où Alain Cortes s’est associé à Massoni et Racanelli.
- Un drôle de pari !
- Jean-Pierre Partengo, le «roi» de Saint-Tropez.
- « Pain Sec » à l’assaut des géants !
- Bonifay-Calvez-Mussi, le jour de gloire est arrivé !
- Louis Benoit-Gonin, une légende vivante.
- Massoni et Lovino, c’est presque la même famille !
- Lombardi-Gastaldi-Brémond, un sacré millésime !
- Lafleur au bout du fusil.
- Massoni n’a rien perdu de son talent.
- Patrick Griseri, un palmarès époustouflant !
- Philippe Roux, la marque du génie !
- Jean-Pierre Pironti, la tête pensante.
- Ben Mostefa et Kerfah, les nouveaux rois.
- Et la Pétanque alors...
- Mon histoire, ma passion.
Un gentleman-tireur, Émile Agaccio
Qui n’a pas rêvé, jouant au tennis, au football, ou faisant de
la boxe, de se trouver un jour devant un Nadal, un Maradona
ou un Carlos Monzon ? Ce rêve un peu fou, pas mal de joueurs
du Jeu Provençal, figurez-vous, ont eu quelquefois l’audace de
le caresser, envers le champion de Longue qu’était à son époque
un certain Émile Agaccio. Avec le sentiment, mais oui, de pouvoir y trouver une place sur le même terrain ! Pour s’apercevoir
rapidement, lorsqu’ils y avaient laissé des plumes, que la tentation avait été trop forte, mais leur talent pas assez, pour leur
permettre, à leurs frais, de rivaliser.
Le fait est que le bonhomme a été l’un des joueurs les plus
en vue dans l’histoire de la longue distance. Mais si j’ai choisi,
après Charles Oderra, cet autre monstre sacré de la discipline,
de le faire figurer dans les premiers chapitres de ce livre, c’est
surtout qu’il a été également une excellente transition entre
les vieux champions, apparus au sortir de la dernière guerre,
et les jeunes loups de la nouvelle génération des années 70-80,
personnifiés par les Émile Lovino, André Massoni et autres
Jean-Pierre Pironti.
Avec un physique de baroudeur et un sens tactique de génie,
Émile Agaccio était originaire de Pertuis, dans le Vaucluse,
membre d’une famille d’agriculteurs aisés. Très vite toutefois,
la culture de la terre laissa en lui peu à peu la place à la passion
des boules et en particulier à celle du Jeu Provençal. Même si je
n’ai pas eu l’occasion de le connaître, j’ai tenu, je l’ai dit, à lui
accorder une place de choix dans mon ouvrage, après avoir tout
appris de ce champion grâce à la recherche de vieux articles de
presse. Et aussi en pouvant compter sur le savoir de Jean Ferrara
qui l’avait côtoyé à son époque en tant que journaliste.
Ainsi, je peux donc raconter son histoire en disant tout
d’abord que cet homme aurait pu trouver sans problème un
rôle dans le film resté célèbre de Josée Dayan, «Plein Fer», avec
Serge Reggiani. Lequel a été tourné en partie dans le quartier du
Panier, plus précisément Place de Lenche, entre les murs d’un
bar toujours en activité. Comme Albert Calanotti, autre grand
nom de la discipline, réputé pour se présenter sur un terrain de
jeu avec sa légendaire chemise noire, Émile Agaccio tenait audelà de tout à la prestance, et c’est toujours tiré à quatre épingles
qu’il faisait tenir son billet de participation à toute compétition. Tenue vestimentaire impeccable, c’est en chemise de soie,
pantalon de flanelle et souliers vernis que, du rond au bouchon, il arpentait les boulodromes. Souvent avec un petit air de
professionnel que ses adversaires, on le verra, ne savaient pas
toujours très bien percevoir.
Une mode qui un peu plus tard devait faire école avec des
gars doués comme André Massoni et autres Jean-Pierre Pironti.
Je peux affirmer à ce sujet d’avoir vu personnellement mon oncle
et son ami «Dédé», carrément sur leur «31», avec des souliers
aussi vernis qu’un miroir, ce qui leur valut d’être les premiers
joueurs à être sponsorisés, en portant des chemises floquées
à la marque d’un marchand de café célèbre sur la place de
Marseille.
Émile Agaccio quant à lui avait vite fait le tour des boulodromes de Pertuis et des environs, les autres joueurs renonçant
de plus en plus dans le même temps à s’aligner avec lui présent
dans les mêmes épreuves, estimant, souvent à juste raison, qu’ils
n’avaient aucune chance de gagner quelque premier prix que
ce soit. Les organisateurs de concours n’étaient pour leur part
pas très enchantés non plus de le voir arriver pour participer
à leur épreuve et faire du même coup tomber à la baisse le
nombre des participants. «Milou», comme ses amis n’allaient
pas tarder de l’appeler, décida dès lors de changer d’air pour
descendre dans la cité phocéenne où il aurait forcément beaucoup plus d’occasions de s’exprimer.
Il commença à fréquenter le célèbre bar du Skating, cet
établissement rendez-vous de tous les boulistes chevronnés,
à l’entrée du Parc Borély. Qui était aussi pour le grand plaisir de l’ancien Pertuisien, désormais Marseillais, le temple des
parties dites «d’intérêt». Dans le cadre desquelles, vous pouvez me
croire, on ne se contentait pas de miser des simples petits paquets
de cacahuètes ! Partant de là, Émile Agaccio n’a pas seulement
révolutionné le monde des boules par ses tenues exemplaires,
il a aussi lancé, à l’image du fameux club de l’Ajax d’Amsterdam de Johan Cruyff, et de son football total, à la même
époque, une tactique que pas grand monde, boules en mains,
était capable de contrer. Ce qui lui permit assez tôt de régler
le sort de qui osait le défier. Il va sans dire que son arrivée
aux abords du Vieux-Port et de la Canebière n’est pas passée
inaperçue.
...
extrait du chapître 3
Massoni n’a rien perdu de son talent
Philippe Roux - André Massoni
©Photo Claude Nucera pour l’ASPTT Marseille
Quel joueur de boules n’a pas cité son nom ? Quel spécialiste
ne l’a pas suivi lors d’un concours ? Qui ne connaît pas «l’ange»
blond de la Belle-de-Mai ? Pour tout dire, André Massoni est
considéré comme le meilleur joueur de Longue de l’histoire.
J’ai fait sa connaissance en 2003, lors d’un concours de
Longue à La Ciotat. J’étais venu supporter mon frère, Nicolas,
et ses partenaires, Robert Gregori et son fils Dominique. Le
matin, à la première partie, après une lutte de plus de deux heures,
mon frère et ses amis étaient parvenus à prendre le meilleur sur
l’équipe de Jean-Louis Villanova. L’après-midi, par contre, les
choses ne sont pas passées comme prévu. Mon frère, avait de
nouveau tiré le jeu numéro 1, soit le même que le matin. Alors,
ironie du sort ou pas, toujours est-il que c’est le «grandissime»
André Massoni qui se présentait sur l’emplacement de jeu.
Il était entouré d’une immense galerie qui s’empressait de
prendre place pour assister à ce qui s’annonçait déjà comme un
véritable «massacre». En seulement cinq mènes, mon frère et ses
partenaires baissèrent pavillon sur le score sans appel de 11-0 !
André Massoni, cet homme que je voyais pour la première fois,
les avait littéralement bombardés de palets.
Pour ma part, c’était la première fois que je voyais à l’oeuvre
ce champion, mais pour les spécialistes c’était une très attendue
retrouvaille ! Il faut dire que le beau «Dédé» avait dû s’absenter
durant quelques années. Des démêlés avec la justice l’avaient
éloigné des terrains de boules. Après avoir payé sa dette à la
société, comme on a coutume de dire dans ce genre de situation, il était de nouveau sur les rangs pour le plus grand plaisir
de tous. Mon frère avait donc croisé sa route lors de ce fameux
concours à La Ciotat. Et quelque temps après, le destin allait de
nouveau les opposer, mais cette fois à Pétanque. C’était au mois
d’avril et, bien sûr, j’étais du voyage. Je suivais ainsi mon frère
bien aimé et ses partenaires, Michel Allue et Christian Brunello.
C’était au Championnat départemental triplette, organisé par
le club bouliste des «Bleus», à la Belle-de-Mai ou 216 triplettes
s’étaient donné rendez-vous. Après être sortis des poules, mon
frère et ses partenaires se trouvèrent alors opposés à l’équipe
d’André Massoni, Patrick Castagnetta et Patrick Farioli. À
l’heure de jeu, mon frère et ses amis ne surent malheureusement
pas profiter d’une mène où la gagne était à leur portée. Résultats
des courses, c’est Massoni et ces partenaires qui franchirent la
ligne d’arrivée avant eux, sur le score de 13-10.
Le lendemain matin, avec mon frère, nous décidons d’aller
regarder les parties finales et de suivre, bien sûr, l’évolution de
l’équipe Massoni. Le matin donc, ce dernier, pour le compte
des 8èmes de finale, parvient à faire plier l’équipe du redoutable
Paul Gortchakoff. L’après-midi, en quarts de finale, il s’imposera encore face à celle de Jean-Paul Zanni, sur le score de 13-8.
Il remet ensuite ça en demi-finale contre Charles Schifano, sur
le score de 13-10. Mais en finale, le talent de Massoni ne suffit
plus, il s’incline devant la triplette d’Eric Aggoune sur le score
de 13-10. Cependant, en atteignant la finale de ce Championnat départemental, André Massoni et ses partenaires, Patrick
Castagnetta et Patrick Farioli venait de décrocher leur billet
pour le prestige du Championnat de France.
...
extrait du chapître 22
Trois pas vers...
Le Jeu Provencal