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“Un conte de fées cruel et vénéneux, une sorte d’Alice aux pays des cauchemars”
Une jeune fille timide fait la connaissance pendant ses vacances du beau et ténébreux lord Maxim de Winter. Il s’éprend d’elle et la demande en mariage. Elle accepte. Mais le conte de fées tourne au cauchemar lorsque Maxim ramène sa jeune épouse
à Manderley. Sur le vaste domaine des Winter plane en effet l’ombre de Rebecca, la première femme de Maxim, morte dans
des circonstances tragiques et mystérieuses. Rebecca règne encore sur le domaine et ses serviteurs. Elle hante Maxim et
angoisse la nouvelle Mrs. de Winter. Mais comment peut-on lutter contre une morte...
FICHE TECHNIQUE
RÉALISATION
ALFRED HITCHCOCK
SCÉNARIO
ROBERT E. SHERWOOD
JOAN HARRISON
D’APRÈS LE ROMAN DE
DAPHNÉ DU MAURIER
PHOTOGRAPHIE
GEORGE BARNES
MUSIQUE
FRANZ WAXMAN
MONTAGE
HAL C. KERN
DECORS
LYLE WHEELER
PRODUCTION
DAVID O. SELZNICK
INTERPRÉTATION
MRS. DE WINTER
JOAN FONTAINE
MAXIM DE WINTER
LAURENCE OLIVIER
MRS. DANVERS
JUDITH ANDERSON
JACK FAVELL
GEORGE SANDERS
MAJOR GILES LACEY
NIGEL BRUCE
COLONEL JULYAN
C. AUBREY-SMITH
REBECCA
USA - 1940 - noir et blanc
vostf - durée 2h10
A PARTIR DU 5 NOVEMBRE 2008
copies neuves restaurées
Presse : NADINE MÉLA
Tél. 01 56 69 29 30
[email protected]
Après la Taverne de la Jamaïque (1940), le dernier film que tourne Alfred Hitchcock
en Angleterre, c’est encore à Daphné du Maurier qu’il emprunte le sujet du premier
film qu’il tournera aux Etats-Unis, Rebecca.
Le succès de ce roman auprès de la critique et du public a effectivement favorisé la
production de David O. Selznick, qui explique dans ses carnets que le triomphe de
Autant en emporte le vent éclipsa en partie le grand film qu'était Rebecca.
Dans ses productions, David O. Selznick aimait distribuer les rôles principaux, et
la publicité faite autour du choix de la “Scarlett O'Hara idéale”, l'incita à renouveler l'expérience.
Sa première idée fut Loretta Young, puis Vivien Leigh qui refusa ; d'autres suivirent : Olivia de Havilland, Margaret Sullivan, Ann Baxter. Ce fut finalement Joan
Fontaine qui, malgré sa réputation de “femme de bois”, obtint le rôle.
Au fur et à mesure du tournage, David O. Selznick perdit confiance en Rebecca ;
il n'était satisfait ni du scénario, ni du coût de la production qu'il jugeait trop élevé.
Pourtant Rebecca gagna non seulement les faveurs de la critique et du public mais
aussi l'Oscar du “meilleur film de l'année”, récompense qui fut, plaisamment, décernée au producteur. Bien que tourné aux Etats-Unis, Rebecca est essentiellement un
film britannique : le metteur en scène, l'histoire, les acteurs sont anglais; seule la
production de David O. Selznick est américaine.
(…) Hitchcock devait revenir à Daphné du Maurier avec la réalisation des Oiseaux
en 1963. Comme dans Rebecca, la maison des protagonistes est isolée, difficilement accessible au monde extérieur. Ce sont des lieux que l'on quitte sans le désir
d'y revenir, ce qui, souligne Hitchcock, augmente encore le suspense.
Contrairement aux Oiseaux, Rebecca est un film austère et grave, où l'humour
tient peu de place, mais il est évident que l'histoire a des éléments qui ont excité
au plus haut point l'intérêt et l'imagination du cinéaste.
Hitchcock de Michaël Lasky et Robert A. Harris, éditions Henri Veyrier
REBECCA V U PAR CLAUDE CHABROL ET ERIC ROHMER
Les pourparlers avec Hollywood, commencés en 1936, aboutirent en 1939. L'élu fut David O. Selznick qui venait de
produire Autant en emporte le vent, comme Hitchcock l'avait prévu. Selznick lui promit la réalisation de Rebecca, le
roman de Daphné du Maurier, et cette promesse acheva de le décider. Il s'embarqua, au début de l'été, avec sa femme, sa
fille et sa secrétaire, Joan Harrison. Deux mois plus tard, le tournage commençait.
Le scénario de Rebecca est signé de Robert Sherwood, l'auteur de la Forêt pétrifiée, et de Joan Harrison. La présence de
ce dernier nom prouve qu'Hitchcock n'a pas abandonné la bonne habitude de surveiller de très près l'élaboration de ses
scénarios. On a vu qu'il n'avait aucun préjugé quant à l'origine de ses sujets : le roman de Daphné du Maurier offrait
l'avantage d'être un best-seller. L'adaptation fur fidèle. L'on se livra à un simple travail de resserrement, et l'on ajouta
fort peu de scènes nouvelles : la séance de cinéma amateur, par exemple, qui a le triple avantage de résumer le voyage
de noces, de mettre en relief l'étrangeté des réactions de Maxim, et d'être un festival d'humour. L'intrigue est donc toujours la même : la jeune fille de compagnie épouse le beau lord, ténébreux et tourmenté par le souvenir de sa première
femme, cette Rebecca à l'hallucinante absence, et se heurte à la gouvernante qui reste attachée au souvenir de la défunte.
Mais le ton, lui, a changé. Le roman bavard et un peu mièvre est devenu un conte de fées policier : Hitchcock fabrique
l'esprit. Rebecca est la première manifestation de la maturité d'un talent. Il n'est pas étonnant que
avec Rebecca, la “Hitchcock touch”, qui était auparavant simple trait, devient vision du monde. La spontanéité se soumet à un système. C'est le moment critique pour un artiste : il s'agit de ne pas tomber dans le tic, la manie démonstrative. Mais Hitchcock évitera ces pièges. Dès ici, les deux pôles de son œuvre future apparaissent clairement. L'un est
fascination, captation morale, c'est-à-dire dépersonnalisation, en termes psychanalytiques : schizophrénie. L'autre pôle
est son contraire : connaissance, ou plus exactement re-connaissance de soi, unité de l'être, acceptation, aveu, communion absolue. L'héroïne de Rebecca explique : “mon père peignait toujours la même fleur : il estimait que, lorsqu'il a
trouvé son sujet, le désir de l'artiste est de ne plus peindre que lui”. Et, de fait, l'œuvre de notre artiste ne s'écartera plus
désormais de sa ligne.
(…) On trouve dans Rebecca l'amorce de nombreux éléments qui seront développés dans les œuvres ultérieures. Ainsi
cette stylisation du jeu et des acteurs, fondée sur le rapport entre la mobilité de l'un des visages et l'impassibilité crispée de l'autre. Ainsi ce gros plan mobile, déjà utilisé pendant la période anglaise, mais qui sera dès lors systématiquement employé pour exprimer la fragilité, l'instabilité. Il est d'ailleurs combiné ici avec la variation de mise au point,
telle que l'utilisera Wyler dans La Vipère.
Mais la nouveauté est surtout dans la direction des acteurs. Hitchcock trouve à Hollywood des comédiens fort différents
de ceux des studios anglais. Ici, l'éventail est vaste, et tous ses films seront désormais joués à la perfection, ce qui lui
vaudra la réputation d'un prestigieux directeur d'acteurs. Et pourtant tous les comédiens qui ont travaillé avec lui ont l'impression qu'il ne les dirige qu'en fonction des mouvements de caméra. Ne soyons pas dupes : cette liberté n'est qu'apparente, au point que nous retrouverons, non seulement le même ton, mais les mêmes tics chez des interprètes au tempérament aussi différent que George Sanders, ici même, et Robert Walker, dans Strangers on a train : mêmes sourcils étonnés, même boue boudeuse, mêmes manières mi pédérastiques, mi enfantines. Quant à Joan Fontaine, elle fait sa meilleure création. C'est l'une des plus grandes interprètes hitchcockiennes ; elle inspire son metteur en scène, comme, quelques
années plus tard, l'inspirera Ingrid Bergman.
Hitchcock de Claude Chabrol et Eric Rohmer, éditions Ramsay
DIALOGUE HITCHCOCK / TRUFFAUT
François Truffaut : (...) Il faut dire que vingt-six ans après, quand on le revoit, Rebecca est très moderne, très solide.
Alfred Hitchcock : Cela tient encore debout à travers les années, je me demande comment.
F. T. : Je crois que d'avoir eu à tourner ce film a été très bon pour vous, comme l'aurait été une histoire loin de vous, ce n'était pas
un thriller, il n'y avait pas de suspense, c'était une histoire psychologique. Vous
avez été contraint d'introduire vous-même le suspense dans un pur conflit de personnages, et il me semble que cela vous a permis d'enrichir vos films suivants,
de les nourrir de tout un matériel psychologique qui, dans Rebecca, vous avait
été imposé par le roman.
A . H . : Oui, c'est très vrai.
F. T. : Par exemple, les rapports de l'héroïne, au fait comment s'appelle-t-elle ?
A . H . : On ne la nommait jamais.
F. T. : … Ses rapports avec la gouvernante, Mme Danvers, c'est quelque chose
de nouveau dans votre œuvre et qu'on retrouvera souvent par la suite, pas seulement dans le scénario, mais aussi plastiquement : un visage immobile et un autre
visage qui le terrorise, la victime et le bourreau dans la même image…
A . H . : Justement, voilà une chose que j'ai faite très systématiquement dans
Rebecca, Mme Danvers ne marchait presque pas, on ne la voyait jamais se
déplacer. Par exemple, si elle entrait dans la chambre où était l'héroïne, la fille
entendait un bruit et Mme Danvers se trouvait là, toujours là, debout, sans bouger. C'était un moyen de montrer cela du point de vue de l'héroïne : elle ne savait
jamais où était Mme Danvers et c'était plus terrifiant ainsi ; voir marcher Mme
Danvers l'aurait humanisée.
F. T. : C'est très intéressant, on retrouve ça quelquefois dans les dessins
animés ; par ailleurs, vous dites que c'est un film qui manque d'humour mais,
quand on vous connaît bien, on a l'impression que vous avez dû beaucoup vous
amuser en écrivant le scénario, car finalement c'est l'histoire d'une fille qui accumule les gaffes. En revoyant le film l'autre jour, je
vous imaginais avec votre scénariste : “Voilà la scène du repas, est-ce que l'on va lui faire tomber sa fourchette par terre ou bien estce qu'elle va renverser son verre ou plutôt casser une assiette…?” On sent que vous deviez procéder de la sorte.
A . H . : C'est vrai, ça se passait de cette façon, c'était amusant à faire…
F. T. : La fille est caractérisée un peu comme le jeune garçon dans Sabotage ; quand elle casse une statuette, elle en cache les morceaux dans un tiroir, en perdant de vue qu'elle est la maîtresse de maison. Par ailleurs, toutes les fois que l'on parle de la maison, du
domaine de Manderley, aussi bien que toutes les fois qu'on la montre, c'est d'une façon assez magique, avec des fumées…, une
musique évocatrice, etc.
A . H . : Oui, parce que, d'une certaine manière, le film est l'histoire d'une maison ; on peut aussi dire que la maison est un des trois
personnages principaux du film.
F. T. : C'est cela et c'est aussi le premier de vos films qui fasse penser à un conte de fées.
A . H . : C'est d'autant plus un conte de fées que c'est pratiquement un film d'époque.
F. T. : Mais cette idée de conte de fées mérite qu'on s'y arrête parce qu'on la retrouve fréquemment dans vos films. L'importance de
posséder les clés de la maison… Le placard que personne n'a le droit d'ouvrir… La pièce où personne n'entre jamais…
A . H . : Dans Rebecca, nous étions conscients de cela, oui. Il est exact que les contes pour enfants sont généralement terrifiants.
Par exemple le conte de Grimm qu'on raconte aux petits Allemands Hansel und Gretel, dans lequel les deux enfants poussent la vieille
femme dans le four. Mais je n'ai jamais pensé que mes films ressemblaient à des contes de fées.
F. T. : Je crois que ça vaut pour beaucoup de vos films, probablement parce que vous travaillez dans le domaine de la peur et que tout
ce qui se rapporte à la peur renvoie généralement à l'enfance, et qu'enfin la littérature enfantine, les contes de fées sont liés aux sensations et surtout à la peur.
A . H . : C'est vraisemblable ; de plus, souvenez-vous que la maison dans Rebecca n'avait aucune situation géographique, elle était
complètement isolée, et on retrouve ça dans The Birds. C'est instinctif de ma part : “Je dois garder cette maison isolée pour m'assurer que la peur y sera sans recours.” La maison, dans Rebecca, est éloignée de tout, vous ne savez même pas de quelle ville elle
dépend. A présent, on peut considérer aussi que cette abstraction, ce que vous appeliez la stylisation américaine, est dans une certaine mesure un hasard, venant ici de ce que nous tournons un film anglais en Amérique. Imaginons que nous tournions Rebecca en
Angleterre. La maison ne sera pas tellement isolée parce qu'on aura la tentation de montrer les environs et les sentiers qui mènent
à cette maison. Les scènes d'arrivée seront plus réelles et nous aurons un sentiment de situation géographique exacte mais, par
contre, nous n'aurons pas l'isolement (...)
F. T. : La maison, lorsqu'on la voit en entier, elle n'existe pas, c'est une maquette ?
A . H . : C'est une maquette. Et aussi la route qui y conduit.
F. T. : L'utilisation des maquettes idéalise plastiquement le film, évoque des gravures et renforce encore l'aspect conte de fées. Au
fond, l'histoire de Rebecca est très proche de Cendrillon.
A . H . : L'héroïne est Cendrillon, et Mme Danvers l'une de ses vilaines sœurs ; mais cette comparaison est encore plus justifiée avec
une pièce anglaise antérieure à Rebecca et qui s'intitule : Sa maison est en ordre, dont l'auteur était Pinero. Dans cette pièce, la
méchante femme n'était pas gouvernante, mais la sœur du maître de maison, donc la belle-sœur de Cendrillon. On peut supposer que
cette pièce a influencé Daphné du Maurier.
F. T. : Le mécanisme de Rebecca est assez fort : obtenir une oppression croissante uniquement en parlant d'une morte, d'un cadavre
qu'on ne voit jamais…
Hitchcock / Truffaut, éditions Gallimard
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