Une nouvelle organisation pour la santé publique en France

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Une nouvelle organisation pour la santé publique en France
Les petits-déjeuners du HCFDC au Palais du Luxembourg
Une nouvelle organisation pour la santé publique en France ?
23 Juin 2016
Pr. François Bourdillon
Directeur de Santé Publique France.
Dans le cadre de la Loi de modernisation du système de santé, le Ministère de la Santé a lancé le 1er mai 2016 la fusion de l’Institut de
Veille Sanitaire, de l’Etablissement de Préparation et Réponse aux Urgences Sanitaires ainsi que de l’Institut National de Prévention et
d’Education pour la Santé, afin de créer l’Agence Nationale de Santé Publique ou Santé Publique France. Cette agence a pour objectif
de simplifier et de consolider le système de santé publique afin de le moderniser autour d’une nouvelle prévention. Dans quelles
mesure cette institution constitue-elle une avancée dans la modernisation du système de santé ? Qu’implique cette refonte ? Quelles
en sont les missions spécifiques ?
L’ambition de doter la France d’une grande agence de
santé publique
Simplifier et moderniser
L’Agence Santé Publique France est une volonté de la Ministre de
la Santé de réduire le « mille-feuille » des agences sanitaires en
France. Cette initiative s’oppose à la logique selon laquelle une
agence sanitaire répond à l’émergence d’une crise.
Cette fusion incarne au contraire l’ambition de doter la France
d’une grande agence de santé publique, au même titre que
les Centers for Disease aux Etats-Unis. A travers cette fusion,
le ministère de la Santé entend également créer un véritable
continuum en regroupant l’ensemble des métiers de la santé
publique en France : veille, surveillance, prévention et promotion
de la santé.
De plus, Santé Publique France souhaite moderniser les
approches en ayant recours au numérique et au big data. Le
numérique représente en effet un véritable enjeu pour la santé
publique aujourd’hui et transforme le rapport à l’information et
au patient. Santé Publique France considère indispensable d’avoir
recours au marketing social dans la mise en place de campagnes
de prévention et de promotion de la santé.
Construire un réseau solide et diversifié d’acteurs de santé
Cette fusion répond également au besoin de construire un réseau
de partenariats et d’acteurs professionnels de la santé. Pour ce faire,
Santé Publique France entend faire de sa présence sur l’ensemble
du territoire français sa spécificité nécessaire à la construction de
ce réseau. Elle réunit en effet 625 agents répartis sur l’ensemble
du territoire et s’organise autour d’une direction générale, de 10
directions scientifiques, et 6 directions supports.
Santé Publique France souhaite également renforcer la position
et l’influence de la France sur la scène médicale internationale en
publiant plus de 65 publications internationales par an.
Un panel de missions diversifiées qui entend couvrir
l’ensemble des enjeux
La santé publique implique de travailler sur des déterminants
de santé précis : drogues, alcool, nutrition, santé physique, santé
sexuelle, santé mentale, santé environnementale et santé au
travail. De plus, une agence de santé publique doit être en mesure
de comprendre et analyser la santé des individus à tous les âges de
leur vie. En ce sens, Santé Publique France déploie ses activités de
la pré-natalité à la gériatrie en passant par l’enfance et l’adolescence,
période particulièrement déterminante et fondatrice de la santé
physique et mentale d’un individu.
Dans le cadre de ses études sur la santé au travail, Santé Publique
France s’intéresse également à la santé de la population active
occupée et inoccupée. L’agence souligne en effet de vraies inégalités
entre travailleurs et chômeurs.
De plus, Santé Publique France exerce une activité de surveillance
des pathologies transmissibles et potentiellement contagieuses et
des maladies réunies sous le terme « Global Burden of Disease »
(maladies cardio-vasculaires, Alzheimer, diabète).
Un exemple de mission : la gestion logistique du virus Zika
L’agence intervient également en cas de crise sur l’ensemble
du territoire. Ce fut par exemple le cas pour la gestion du virus
Zika. Ce virus, contracté à la suite d’une piqûre de moustique,
a pour conséquence des troubles neurologiques grave, et des
malformations congénitales chez la femme enceinte. Aujourd’hui
près de 10 000 femmes enceintes ont contracté le virus sur le
territoire français. Santé Publique France a organisé l’envoi de
sages-femmes, obstétriciens, pédiatres et réanimateurs pour
faire face à cette crise aux Antilles, où se répand la maladie. Cet
afflux de personnel a considérablement perturbé le quotidien
des équipes hospitalières. L’agence est donc responsable de la
coordination et de la gestion des équipes et assure également la
formation du personnel dont les connaissances sur cette maladie
jamais enseignée restent encore lacunaires.
L’engagement de Santé Publique pour lutter contre le tabagisme
La France est très mauvaise élève en matière de lutte contre le
tabagisme. 33% des Français sont fumeurs contre 18% des
Britanniques ou même 12% des Californiens. Le programme
français reste très ambitieux, et le cadre légal est très performant
mais cela ne semble pas suffire à inciter les fumeurs à mettre
fin à leur addiction. Santé Publique France souhaite donc une
nouvelle fois recourir au marketing social. En ce sens, l’agence s’est
largement inspirée des campagnes réalisées par ses homologues
britanniques, et a mis en place une campagne de prévention
positive et non-culpabilisante qui sera lancée en novembre 2016.
Pour se faire l’agence s’est appuyée sur le soutien des grandes
entreprises et entend largement relayer cette campagne dans les
médias.
De plus, l’agence a affiné la position de la France vis-à-vis de la
promotion de la cigarette électronique. Cet objet, nouvellement
arrivé sur le marché, apparaît au premier abord comme un
outil de sevrage. D’ailleurs, un certain nombre de mutuelles la
remboursent. Cependant, Santé Publique France rappelle que
cela reste un objet de consommation et non un médicament et
que le sevrage des fumeurs qui utilisent la cigarette électronique
reste relatif. Il est aussi efficace qu’un patch ou qu’un chewinggum nicotinique.
Or dans une logique de réduction des risques, Santé Publique
France souligne que le but recherché est le sevrage complet.
Cependant, en faisant la promotion de la cigarette électronique,
on donne bonne conscience aux fumeurs tout en les exposant
encore au risques du tabac. La position française est donc
d’interdire toute publicité faisant la promotion des e-cigarettes,
contrairement à la position britannique qui reste très controversée
sur le sujet.
Une démarche de sécurité civile
Enfin, dans une perspective de défense civile, Santé Publique
France entend jouer un rôle dans le retour d’expérience des
victimes des attentats de 2015 afin d’améliorer le service rendu
à la population. L’agence souhaite particulièrement réfléchir
autour de la prise en charge des victimes au plan psychologique.
Les équipes de santé se sont organisées pour connaître le ressenti
des victimes directement ou indirectement touchées 6 mois après
les attaques de janvier 2015 afin de mesurer les conséquences
psycho-traumatiques : au regard de cette étude, près de 4/10
personnes présentent encore des troubles de santé mentales, 6%
n’ ont toujours pas repris leur travail. L’agence souligne que les
individus ayant bénéficié d’une prise en charge précoce ont 2 fois
moins de chances de souffrir de troubles psycho-traumatiques.
Forte de cette étude, Santé Publique France souhaite renouveler
l’ expérience pour les victimes des attentats de novembre 2015 et
s’inspirer des soins psychologiques offerts aux intervenants de la
sécurité civile, policiers, pompiers et autres soignants. Cette fois
l’agence entend recourir au numérique afin d’améliorer le service
apporté aux victimes et de mieux anticiper les menaces à venir.
Une agence qui refuse la technostructure
L’actualité nous démontre chaque jour la nécessité d’un accès
rapide aux soins tout particulièrement dans le cas de la médecine
d’urgence. A travers la fusion des différentes agences françaises
de santé publique qu’elle opère, Santé Publique France entend
donc répondre à ce besoin et représente un premier pas vers la
modernisation du système de santé publique en France. L’agence
souhaite couvrir les principaux enjeux de santé publique
auxquels fait face le pays aujourd’hui, et utilise pour cela des
outils modernes afin de répondre au mieux aux besoins du
patient.
Eléments biographiques :
- 1979 : Doctorat d’Etat de médecine
- 1980 : Diplôme d’université de médecine tropicale «Santé
dans le monde»
- 1982 : Certificat d’études spécialisées biologiques et parasitaires
- 1993-1997 : Responsable de la mission Sida à la direction des
Hôpitaux du Ministère de la Santé
- 2011-2014 : Membre du Conseil d’Administration de
l’INPES, et chef du pôle santé publique de la Pitié Salpêtrière
- 2014 : Directeur de l’Agence Santé Publique France.

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