Le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion

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Le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion
Janvier 2007
à la une.
Département Propriété intellectuelle / NTIC / Médias
Le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
En 20 ans, la loi du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication à été modifiée à de
nombreuses reprises, au gré des avancées
technologiques des médias. Modifiée en 2000 afin de
réguler les informations communiquées en ligne, elle a
été aussi modifiée en 2004 pour transposer notamment
les directives européennes sur les communications
électroniques dites « paquet télécoms 2003». Cette loi
de 1986 va une fois encore d’être modifiée, avec
l’arrivée en France de la télévision numérique terrestre.
Le projet de loi, présenté par Renaud Donnedieu de Vabres, ministre
de la culture et de la communication, et adopté en première lecture par
le Sénat le 22 novembre 2006, prévoit la disparition progressive de la
diffusion analogique au profit de la télévision numérique. Face aux
craintes et mécontentements de certains éditeurs de services, des
compensations ont été imaginées. La modification de la loi de 1986
s’explique aussi par l’arrivée de deux évolutions technologiques
majeures que sont la télévision haute définition, et la télévision mobile
personnelle.
•
Le basculement de la télévision analogique à la
télévision numérique.
Le titre premier du projet de loi organise la disparition de la télévision
analogique pour le 30 novembre 2011. Le basculement de l'analogique
vers le numérique se fera, zone par zone, à partir du 31 mars 2008, et
selon un calendrier établi par le CSA.
Un ensemble de mesures prévues viennent protéger les intérêts du
téléspectateur. Le basculement vers la télévision numérique n’implique
pas pour les utilisateurs une obligation de souscrire à un nouvel
abonnement ou de se procurer un nouvel équipement. De plus, une
campagne d’information va être instaurée. Enfin, il existera pour les
industriels et distributeurs d’équipements, et ce dès l’entrée en vigueur
du texte, une obligation de signaler de façon détaillée et visible si les
équipements vendus sont paramétrés pour transmettre des signaux
numériques, notamment en haute définition. Mais la production ou la
vente de postes non compatibles avec les signaux numériques ne sera
pas interdite. L’objectif est de permettre aux gens qui changent de
téléviseurs de se munir directement d’un appareil numérique. Reste à
savoir quelle sera la qualité de l’information communiquée au
consommateur, et ce qui doit être entendu par « haute définition »
(s’agit-il de récepteurs « HD READY », « FULL HD » ou « TRUE
HD » ?)
La première des conséquences de l’arrivée de la TNT est la
multiplication du nombre des chaînes. Découle de cette augmentation
la question de la sélection de ces nouvelles chaînes. De plus, la
disparition de l’analogique intervient pour toutes les chaînes au plus
tard fin 2008, et progressivement avant, et donc ne correspond pas
nécessairement à l’échéance de leur autorisation d’émettre accordée
par le CSA.
•
Les compensations prévues
Le projet de loi prévoit une extension de l’autorisation initiale
d’émission dans certains cas. Les chaînes bénéficiant préalablement
d’une autorisation d’émission par diffusion analogique se voient
automatiquement autorisées à continuer leur diffusion par voie
numérique. De plus, il est prévu que l’éditeur de service national de
télévision en clair puisse bénéficier d’une prorogation d’autorisation de
diffusion numérique de cinq ans, à l’extinction de la diffusion
analogique.
Les chaînes historiques privées se voient accordées une prorogation
de cinq ans, qui leur permet d’éditer un nouveau service par ressource
radioélectrique à l’extinction de l’analogique.
Autre compensation juridique accordée par le gouvernement, les
chaînes TF1, M6 et Canal + bénéficient de la durée d’autorisation qui
s’applique aux chaînes de la TNT, soit 5 ans de plus. Enfin, le nouvel
article 104 accorde une faveur aux chaînes de télévision nationales
conventionnées diffusant en analogique. Cet article permet à leur
éditeur, s’il en fait la demande, de bénéficier d’une chaîne bonus, dès
l’extinction de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique.
•
L’apparition de la haute définition et de la télévision
mobile personnelle (TMP)
Le titre II du projet permet au CSA de lancer des appels à candidature
pour la diffusion de services de télévision en haute définition ou la
diffusion de services de télévision mobile personnelle (TMP).
Concernant la haute définition, il est prévu que soit favorisée la reprise
des services déjà autorisés par voie hertzienne terrestre en mode
numérique. L’article 9-8 dispose que seront aussi examinées la
production de l’éditeur et sa capacité à transmettre en haute définition.
La TMP quant à elle répond à un nouveau mode de consommation de
la télévision, une consommation nomade, à l’image des services de la
téléphonie mobile de troisième génération, ou des baladeurs
numériques. Le projet prévoit la création de 20 à 25 chaînes de
télévision mobile qui seront mises aux enchères entre les opérateurs
de télévision et de télécommunications. Pour l’attribution des
fréquences en TMP, « une procédure d'attribution de la ressource
radioélectrique à des distributeurs de services » est envisagée dans le
projet. Cette disposition n’est pas sans inquiéter l’A.C.C.e.S.
(Association des chaînes conventionnées éditrices de services) selon
laquelle cette attribution à des distributeurs de services pourrait leur
permettre de s’affranchir du contrôle du CSA, et nuire aux obligations
de diversité des programmes et de contribution au développement de
la production française.
Est aussi prévue une garantie de retransmission des évènements
d’importance majeure sur tous les supports. Un service de télévision
ne pourra prétendre s’opposer à la reprise « intégrale et simultanée »
de ce service par un autre réseau de communication électronique, et
cela même en apportant la preuve de l’existence d’un contrat
d’exclusivité. Il est à noter que le projet de loi ne donne cependant pas
de définition d’un « événement d’importance majeure ».
Le projet de loi devrait être examiné par l’Assemblée le 30 janvier
2007, comme l’a annoncé le président de la commission des Affaires
culturelles, le député UMP Jean-Michel Dubernard. Si le projet venait à
être définitivement adopté, cette modification de la loi mettrait la
France en phase avec les autres pays européens. Le Conseil de
l’Union européenne, dans ses conclusions en date du 1er décembre
2005, a en effet invité les Etats membres à mener à terme, dans la
mesure du possible, le passage au numérique avant 2012 et à publier
avant 2006 leurs propositions en la matière. Les Pays-Bas font figure
de bons élèves puisqu’ils ont été les premiers à « débrancher » la
télévision analogique, le 11 décembre dernier.
Mais certains types de chaînes, par exemple les chaînes thématiques,
s’inquiètent de la rédaction actuelle du projet, et craignent que
l’abandon de l’analogique signifie aussi leur disparition. A suivre…
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ACTUALITES :
Résiliation d’un contrat d’enregistrement exclusif (Affaire
Johnny Hallyday / Universal)
En vertu d’un contrat d’enregistrement signé en 1961, Johnny Hallyday a
consenti l’exclusivité de ses enregistrements à son producteur et lui
avait cédé ses droits sur ses interprétations moyennant une redevance
assise sur le produit d’exploitation desdits enregistrements.
En 2002, « l’idole des jeunes » s’est à nouveau engagée pour la
réalisation de 6 nouveaux albums, cédant ses droits au producteur,
suivant conclusion d’un contrat d’enregistrement exclusif.
Les parties ont ensuite procédé à la résiliation amiable du contrat les
liant, par un accord aux termes duquel l’artiste n’était plus tenu
d’enregistrer qu’un unique album (contre 6 initialement) avant la
résiliation définitive de son contrat avec le producteur.
L’artiste, après la résiliation du contrat, a saisi le Conseil des
prud’hommes pour que soit prononcée la nullité des cessions accordées
au titre des droits voisins.
Le 2 août 2004, le Conseil des prud’hommes a ordonné la restitution par
Universal de tous les masters de ses chansons depuis les origines, au
plus tard le 31 décembre 2005. En outre, le Conseil a donné acte de la
démission du chanteur, et de l'acceptation de celle-ci par Universal, à
compter du 31 décembre 2005. Ce jugement avait été très mal vécu par
les producteurs.
En l’espèce, il s’agissait d’un salarié, lequel avait été licencié notamment
pour avoir crypté des données qu’il avait créées grâce aux outils
informatiques mis à sa disposition par l’employeur et qui étaient
contenues sur son poste informatique.
La Cour de cassation rappelle, d’une part, la notion de « sphère
personnelle » du salarié dans l’entreprise. Ainsi, sont personnels les
dossiers identifiés comme tels par le salarié lui-même. A défaut
d’identification, le dossier ou le fichier est présumé être professionnel.
L’attendu est sans équivoque : « les fichiers et dossiers créés par un
salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son
employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le
salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère
professionnel».
A ce propos, le Sénat a déposé le 13 juin 2006 une proposition de loi
visant à définir le courrier électronique professionnel.
D’autre part, la Haute juridiction définit le régime associé aux fichiers
professionnels. Elle précise que l’employeur a accès aux fichiers
professionnels, même hors la présence du salarié.
La Cour renforce ce droit d’accès de l’employeur aux fichiers
professionnels du salarié en approuvant la sanction par l’employeur
(licenciement pour faute grave) du salarié qui entrave volontairement
l’accès aux fichiers contenus sur son poste informatique.
Enfin, il faut noter que l’attendu de la Cour conduit a contrario au
raisonnement de l’arrêt du 17 mai 2005.
Le 12 avril 2005, la Cour d’appel a infirmé le jugement rendu par le
Conseil des prud’hommes, en a précisant que le producteur en sa
qualité de cessionnaire des droits de l’artiste-interprète pouvait
valablement continuer à exploiter les phonogrammes qu’il a produit.
Ces deux arrêts rappellent l’importance d’une charte informatique dans
l’entreprise, dans laquelle l’employeur pourra notamment préciser la
mention que les salariés se doivent d’utiliser pour identifier leurs fichiers
personnels et éviter ainsi toute sanction de la part des tribunaux.
La Cour de cassation, par un arrêt du 20 décembre 2006, a confirmé
l’arrêt de la Cour d’appel. Elle a estimé que sauf disposition contraire
résultant de l’accord des parties, la résiliation d’un commun accord du
contrat d’enregistrement exclusif n’y met fin que pour l’avenir de sorte
qu’elle n’a pas pour effet d’anéantir rétroactivement les cessions
antérieurement intervenues sur les enregistrements réalisés en cours de
contrat. La résiliation n’a pas non plus pour effet d’anéantir les clauses
destinées à régir les relations entre l’artiste-interprète et le producteur
après la période contractuelle de réalisation des enregistrements.
1 euro de dommages et intérêts alloué à NISSAN EUROPE à la
suite de diffamations et injures publiques sur un blog personnel.
Ainsi, le producteur est resté propriétaire des matrices des
enregistrements du rockeur et a conservé ses droits exclusifs
d’exploitation sur ses enregistrements.
En statuant ainsi, la Cour a adopté le principe de sécurité juridique : la
sécurité de l’investissement qui constitue la protection du producteur,
qui, ne l’oublions pas, dispose également de droits voisins.
Fichiers informatiques : distinction entre les fichiers personnels
et les fichiers professionnels
Dans un arrêt du 18 octobre 2005 (Jérémy L. F. / Techni-Soft), la
chambre sociale de la Cour de cassation est venue apporter des
précisions quant à la notion de fichiers personnels du salarié et ainsi
compléter le mouvement jurisprudentiel amorcé avec la fameuse
jurisprudence Nikon rendue par la Haute juridiction en 2001.
Pour rappel, la Cour de cassation avait introduit, par l’arrêt du 2 octobre
2001, le concept de « vie personnelle » du salarié, désignant la vie
privée du salarié au sein de l’entreprise. Ainsi, le salarié a droit, même
au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimé de sa vie privée.
Commet donc une violation du secret des correspondances (part de la
vie privée) l’employeur qui ouvre les courriers électroniques de ses
salariés identifiés comme « personnels ». Le principe était posé,
restaient à en dessiner les contours.
Le 17 mai 2005, la Cour de cassation apportait une touche de précision
quant au régime des fichiers personnels : rappelant que les fichiers
personnels ne peuvent être ouverts par l’employeur qu’en présence du
salarié ou si celui-ci a dûment été appelé, elle introduisait cependant
l’exception suivante. En cas de risque ou événement particulier
(concernant principalement la pédophilie ou les atteintes aux biens),
l’employeur peut ouvrir lesdits fichiers hors la présence du salarié.
Le présent arrêt vient ainsi parachever le mouvement en s’attaquant au
sort des fichiers professionnels dont le régime était discuté suite à l’arrêt
Nikon.
ème
chambre civile du tribunal de grande instance de Paris a, dans
La 17
un jugement rendu le 16 octobre 2006, condamné la rédactrice d’un blog
et ancienne salariée de l’entreprise NISSAN EUROPE à verser un euro
de dommages et intérêts à la société, pour avoir tenu des propos
diffamatoires et injurieux sur son blog, et à en retirer certains passages.
La diffamation suppose l’imputation d’un fait qui porte atteinte à
l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait
est imputé (article 29 de la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la
presse).
Le contenu du blog portait sur le congé parental de la défenderesse, qui
dénonçait ce qu’elle considérait être de la discrimination.
Postérieurement à son retour d’un congé parental, elle est licenciée pour
faute grave. Dans ce blog, qui s’ouvre sur le titre « Maman chez
NISSAN EUROPE, parité bafouée », la défenderesse offre en effet
d’« exposer les péripéties de [son] retour de congé parental chez
NISSAN, qui [l’]a men[ée] aux prud’hommes ». Le tribunal a considéré
que l’accusation de discrimination est un fait précis et contraire à
l’honneur et à la considération, puisque susceptible de constituer une
infraction pénale, et est alors un fait constitutif de diffamation.
La bloggeuse prétendait ici être protégée par la liberté d’expression. Le
tribunal opère dans ce jugement une distinction entre l’utilisateur d’un
blog, c’est à dire un « site personnel diffusé sur internet où il relate de
façon subjective ses expériences et ses opinions » et le journaliste
professionnel. Lorsqu’il tient des propos diffamatoires, le journaliste
professionnel est tenu d’ « avoir procédé préalablement à une enquête
sérieuse empreinte d’un effort d’objectivité » pour pouvoir être protégé
dans ses propos par la liberté d’expression. Le bloggeur nonprofessionnel, quant à lui, est tenu uniquement de « détenir des
éléments sérieux donnant quelques crédit à ses affirmations ».
L’explication de cette distinction tient au fait que les lecteurs d’un blog
sont conscients du caractère unilatéral des propos tenus, à la différence
des propos d’un journaliste professionnel dont la mission est d’informer
le public. Le tribunal a toutefois relevé que la rédactrice du blog ne
prétendait pas exposer autre chose que son point de vue personnel sur
les faits dont elle s’estimait victime.
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Julie JACOB - Benjamin JACOB
Zelda GERARD- Sarah MATAKOVIC
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à un avis spécifique rendu au vu d’une situation particulière