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Le WISC-IV permet-il d’améliorer l’identication des
enfants à haut potentiel ?
Maria Pereira-Fradin, Xavier Caroff et Anne-Yvonne Jacquet
Enfance / Volume 2010 / Issue 01 / March 2010, pp 11 - 26
DOI: 10.4074/S0013754510001035, Published online: 22 March 2010
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Maria Pereira-Fradin, Xavier Caroff et Anne-Yvonne Jacquet (2010). Le WISC-IV
permet-il d’améliorer l’identication des enfants à haut potentiel ?. Enfance, 2010, pp
11-26 doi:10.4074/S0013754510001035
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Le WISC-IV permet-il d’améliorer l’identification
des enfants à haut potentiel ?
Maria PEREIRA-FRADIN∗ , Xavier CAROFF∗
et Anne-Yvonne JACQUET∗∗
RÉSUMÉ
L’identification des enfants à haut potentiel est devenu un enjeu important
depuis la publication en octobre 2007 de la circulaire ministérielle préconisant
une prise en charge spécifique des élèves dits « intellectuellement précoces »1 .
L’objectif de cet article est de souligner plusieurs points sensibles de la démarche
d’identification. Il s’agit pour commencer d’insister sur l’importance de définir
les cadres théoriques de référence qui permettent de caractériser la population
étudiée et suppléent au manque de définition consensuelle des enfants à haut
potentiel. La démarche elle-même est ensuite illustrée par l’apport du WISC-IV
qui constitue en France le principal outil psychométrique d’identification et dont
la structure particulière peut être à la fois une source d’enrichissement et une
source de complexité. Les propos sont illustrés par des données recueillies sur un
échantillon de 99 enfants à haut potentiel.
MOTS-CLÉS : ENFANTS À HAUT POTENTIEL, IDENTIFICATION, WISC-IV, PROFIL, ÉLÈVES
INTELLECTUELLEMENT PRÉCOCES.
ABSTRACT
Does DSM-IV allow to better children with a high potential?
The identification of gifted children has become an important issue in France
since the publication in October 2007 of the ministerial circular regarding
“intellectually precocious pupils”. The objective of this paper is to highlight
several specific points in the identification process. At first, we will stress the
importance of defining the theoretical frameworks that can characterize gifted
children and supplement the lack of definition of these children. The process
itself is illustrated by the contribution of WISC-IV, which in France is the main
tool for identifying gifted children and whose psychometric structure can be
either a source of enrichment or a source of complexity. The paper is illustrated
by data collected on a sample of 99 gifted children.
KEY-WORDS: GIFTED CHILDREN, IDENTIFICATION, WISC-IV, PROFILES.
1 Circulaire n◦ 2007-158, téléchargeable sur le site du Ministère de l’Éducation Nationale
*Université Paris Descartes, UFR de Psychologie, EA LATI - Laboratoire Adaptations, Travail-Individu, 71 avenue Vaillant, 92774 Boulogne-Billancourt Cedex ; E-mail :
[email protected] ; [email protected]
**Université Paris Descartes, Laboratoire Psychologie de la perception, 45 rue des Saints Pères,
75006 Paris.
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L’identification des enfants à haut potentiel peut prendre des formes
différentes selon les objectifs poursuivis, que les questions posées soient liées
à la scolarité ou à la santé de l’enfant. Pour ce qui concerne la santé, il s’agit
généralement de questions complexes où la démarche d’identification est intégrée
dans un bilan psychologique complet. Pour ce qui concerne les questions liées à
la scolarité de l’enfant, elle est souvent demandée lorsqu’il s’agit d’envisager un
saut de classe, l’intégration de classes ou de programmes spécialisés, ou encore
pour comprendre une attitude inadaptée de l’enfant face aux apprentissages.
Dans ce contexte également, il est fondamental de ne pas perdre de vue que la
mise en œuvre d’un processus d’identification du haut potentiel a pour objectif
de répondre à des questions bien précises. Comme le soulignent de nombreux
spécialistes (par exemple, Meljac, 2006), cette démarche n’a donc rien d’anodin.
Dans la pratique, la variabilité des objectifs et des questions posées se traduit
concrètement par l’utilisation d’outils d’évaluation et de critères d’identification
différents selon les cas. Pour autant, depuis la publication du rapport Delaubier
(2002), nous savons qu’une approche psychométrique de l’identification est
néanmoins privilégiée en France et qu’elle repose, le plus souvent, sur l’utilisation
des Échelles d’Intelligence de Wechsler pour Enfants (WISC). Or, cette approche
présente certains inconvénients bien connus des psychologues, voire certaines
limites (Caroff, 2004). L’objectif de l’article est de présenter certaines de ces
limites et d’étudier quel pourrait être l’apport de la quatrième version du WISC
(Wechsler, 2005).
CARACTÉRISATION DES ENFANTS À HAUT POTENTIEL
S’interroger sur l’identification des enfants dits « à haut potentiel » suppose
que l’on puisse préalablement déterminer leurs principales caractéristiques. Or,
ces enfants constituent une population hétérogène et la détermination de
leurs caractéristiques fait l’objet de nombreux débats scientifiques (Lubart et
Jouffray, 2006 ; Pereira-Fradin, 2006). Il n’est donc pas possible d’envisager une
classification clinique consensuelle. La complexité de la situation est clairement
illustrée par la diversité de la terminologie utilisée pour caractériser ces enfants :
haut potentiel, don, précocité, ou encore talent. En outre, ces définitions peuvent
renvoyer à des conceptions bien différentes de l’intelligence et de sa mesure
(intelligence générale, aptitudes intellectuelles, intelligences multiples, etc.). Ces
deux aspects sont très discutés (Lautrey, 2004). Par conséquent, préciser à quelle
définition on se réfère, quelle conception de l’intelligence est privilégiée, permet
d’éviter de nombreux malentendus, voire des situations absurdes où l’enfant n’est
tacitement défini que par un critère unique qui, en France, à toutes les chances
d’être un QI.
Il est tout aussi indispensable de spécifier le cadre théorique auquel on se
réfère lorsque l’on travaille auprès d’enfants à haut potentiel. Cette référence
devrait également, en principe, jouer un rôle déterminant dans la conception
du processus d’identification. De manière implicite, nous avons trop souvent
tendance à considérer que le haut potentiel ne concerne que l’intelligence, alors
Le WISC-IV permet-il d’améliorer l’identification des enfants à haut potentiel ?
que des spécialistes en psychologie de l’éducation proposent des modèles plus
intégratifs. Aux États-Unis, depuis la publication du rapport Marland (1972), on
a pris l’habitude de distinguer le champ des aptitudes intellectuelles générales de
celui des aptitudes scolaires et on a élargi la prise en compte du haut potentiel
à bien d’autres domaines, tels que le leadership, la pensée créative, les arts, mais
aussi les aptitudes psychomotrices. Les modèles théoriques récemment proposés
dans la littérature scientifique reflètent cette évolution des conceptions du haut
potentiel. Deux modèles parmi les plus connus peuvent être brièvement cités à
titre d’illustration. Celui de Renzulli (2002), situe l’origine du haut potentiel dans
l’interaction entre trois caractéristiques : une aptitude intellectuelle supérieure
à la moyenne, l’aptitude créative et des facteurs de personnalité telle que la
motivation. Le second modèle, proposé par Gagné (2000, 2004), repose sur
une distinction claire entre deux notions : le « don » qui désigne l’expression
spontanée d’aptitudes supérieures dans quatre domaines différents : intellectuel,
créatif, socioaffectif et sensorimoteur et le « talent » qui désigne la maîtrise
d’aptitudes et de connaissances supérieures, systématiquement entraînées ou
développées, dans au moins l’un des champs d’application prévus par le modèle
(académique, artistique, social, etc.). Parce qu’un haut potentiel peut, selon ces
théories, s’exprimer dans un grand nombre de domaines, il est indispensable de
choisir des critères d’identification qui correspondent étroitement à la conception
qui est privilégiée. Ce qui n’est pas toujours le cas en pratique. Par exemple,
évoquer le cas d’élèves « intellectuellement précoces », selon l’expression adoptée
par l’Éducation Nationale en France, suppose que les enfants présentant une
réussite scolaire supérieure soient en avance par rapport à ceux de même âge.
Dans le cadre d’une telle conception, les critères d’identification pourraient être
uniquement scolaires, donc définis et évalués par les enseignants. Cette démarche
serait du reste assez proche de celle proposée par Gagné (2004) pour identifier le
« talent » académique ou de celle de Renzulli (1997). Pourtant, dans la grande
majorité des cas, il est demandé aux psychologues de confirmer le diagnostic
de précocité (Delaubier, 2002). L’adjonction de critères psychométriques à
la procédure d’identification fait que l’on s’éloigne d’une conception basée
uniquement sur la précocité pour se rapprocher de la détermination d’un
potentiel, l’évaluation d’une aptitude extrême, un « don » au sens de Gagné (2004).
Tout au contraire, le choix des outils d’identification comme l’interprétation
des résultats individuels devraient idéalement être guidés par un cadre
théorique pertinent. Par exemple, privilégier une conception unidimensionnelle
de l’intelligence justifiera que l’on se contente d’un QI comme seul critère
d’identification, alors qu’une conception pluri-dimensionnelle conduira à
déterminer un profil individuel d’aptitudes intellectuelles établi à partir de
performances obtenues soit dans différents tests, soit d’un test unique dont
les sous-scores seront considérés comme mesurant différentes facettes de
l’intelligence. Dans ce dernier cas, on considérera que le regroupement des
sous-scores n’aura aucun sens en termes de compréhension du fonctionnement
cognitif de l’individu et donc en termes d’identification. De même, des
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conceptions élargies du haut potentiel, telles que celles proposées par
Gagné (2004) et Renzulli (2002), conduiront nécessairement à faire reposer
l’identification du haut potentiel sur la lecture d’un profil multi-varié intégrant,
outre l’intelligence, bien d’autres domaines de performance où peut s’exprimer
un haut potentiel et les différentes caractéristiques personnelles susceptibles de
le moduler (Caroff, 2005 ; Caroff, Guignard et Jilinskaya, 2006 ; Pereira-Fradin,
2006). Mais la question est alors de savoir quels outils utiliser pour évaluer le haut
potentiel.
L’ÉVALUATION DU HAUT POTENTIEL
Si, depuis plusieurs années, les modèles multidimensionnels se sont largement
imposés dans la littérature scientifique (Gagné, 2004 ; Renzulli, 2002 ; Heller,
2004), dans la pratique l’identification des enfants à haut potentiel continue trop
souvent de reposer sur un seul critère, généralement une mesure de QI. Nous
avons rappelé qu’en France le test le plus fréquemment utilisé était les Échelles
d’Intelligence de Wechsler pour Enfants (WISC). On utilise plus rarement
d’autres types de tests, mais tous visent à mesurer l’intelligence (Delaubier,
2002). Dans une démarche d’identification du haut potentiel, l’évaluation des
capacités intellectuelles de l’enfant poursuit deux objectifs, complémentaires ou
antagonistes selon les cas. Le premier vise à situer le niveau de l’enfant par rapport
à un critère spécifique unique (par exemple, un QI) ; le second repose sur la
recherche des points forts et des points faibles de l’enfant afin d’établir un profil
différencié permettant d’accéder à une meilleure connaissance de ses capacités
cognitives et, éventuellement, d’adapter au mieux des conseils en matière de
scolarité ou de remédiation. En fait, quel que soit le point de vue adopté, on fait
l’hypothèse implicite que le niveau de performance mesuré est lié à un potentiel
d’apprentissage (Lautrey, 2002).
Or, certains psychologues reprochent précisément à cette approche de
l’identification de privilégier un diagnostic psychométrique par rapport à
d’autres formes d’évaluation et de n’utiliser qu’un nombre limité d’outils tout
en soulignant l’insuffisance de leurs qualités psychométriques. Force est de
constater que l’utilisation de grilles d’observation, de questionnaires spécialement
développés pour l’identification de compétences extrêmes ou les productions de
l’enfant est très peu répandue. En fait, dans le contexte scolaire, l’identification
repose souvent sur des procédures non formalisées, n’ayant pas ou peu recours
à des évaluations standardisées, qui combinent l’avis des enseignants, les résultats
ou les réalisations de l’enfant. Cependant, dans la plupart des cas, l’identification
sera ensuite confirmée par l’évaluation psychométrique des capacités cognitives
de l’enfant. À la décharge des psychologues français, il faut reconnaître qu’il existe
actuellement très peu d’outils susceptibles d’être utilisés pour l’identification
du haut potentiel. Récemment, une étude de Caroff, Jouffray, Jilinskaya et
Fernandez (2006) a mis à l’épreuve les qualités psychométriques de la version
française des Échelles d’Évaluation des Caractéristiques de Comportement des
Élèves Surdoués développées par Renzulli, Smith, White, Callahan, Hartman
Le WISC-IV permet-il d’améliorer l’identification des enfants à haut potentiel ?
et Westberg (1997). Mais ce type de recherche reste rare et un effort plus
important doit être consenti dans ce sens. Dans un tel contexte, la publication
de la dernière version des Échelles d’Intelligence de Wechsler pour Enfants
(WISC-IV ; Wechsler, 2005) permettant d’évaluer quatre indices factoriels en plus
du QI classique, entretient l’espoir d’améliorer l’identification psychométrique du
haut potentiel ; mais qu’en est-il réellement ?
WISC-IV ET IDENTIFICATION DES ENFANTS À HAUT
POTENTIEL
En apparence, le WISC-IV (Wechsler, 2005) semble révolutionner l’évaluation
cognitive des enfants alors qu’en réalité la version précédente anticipait déjà sur
la disparition des échelles Verbale et Performance au profit d’indices factoriels
(Organisation Perceptive, Attention/Concentration et Vitesse de traitement)
qui reflétaient mieux la structure du test et était plus en accord avec les
conceptions récentes de l’intelligence (Wechsler, 1996). En réalité, comme le
souligne Grégoire (2009), le WISC-IV lève une ambiguïté théorique. Il continue
cependant d’offrir une évaluation de l’intelligence à plusieurs niveaux. Comme
dans les versions précédentes, le psychologue a la possibilité de calculer un QI
Total, score composite qui reflète la conception relativement a-théorique de
l’intelligence à laquelle adhérait Wechsler (Huteau & Lautrey, 1999). À un second
niveau, la possibilité d’évaluer quatre indices factoriels (Compréhension Verbale,
Réponses Perceptives, Mémoire de Travail et Vitesse de Traitement), outre qu’elle
permet d’établir un bilan plus détaillé des compétences intellectuelles de l’enfant,
ouvre l’évaluation de l’intelligence à des dimensions reconnues depuis longtemps
dans la littérature scientifique spécialisée. Les éditeurs du WISC-IV soulignent
notamment l’apport des neurosciences cognitives aux Échelles de Wechsler qui
a conduit à la prise en compte de la Mémoire de Travail et de la Vitesse de
Traitement (Gabel et Shaughnessy, 2006). Toutefois, l’utilisation de ce test pour
l’identification du haut potentiel pose au moins trois sortes de problèmes.
Tout d’abord, si les qualités psychométriques du QI sont bien connues pour
la population générale, elles sont rarement étudiées auprès de sous-groupes
spécifiques. Pour ce qui concerne les enfants à haut potentiel, les résultats dont
on dispose (par exemple, Caroff, 2004) pourraient laisser penser que l’évaluation
du QI auprès d’enfants à haut potentiel ne présente pas toutes les garanties
de fidélité et de validité. Pour le WISC, par exemple, certaines recherches ont
obtenu avec des enfants à haut potentiel des coefficients de fidélité test-retest
bien inférieurs à ceux obtenus auprès d’enfants tout venants (Ellzey et Karnes,
1990 ; Cahan et Gejman, 1993). Il en va de même pour la validité de critère du
QI. Green et Kluever (1991) ont constaté que la validité concurrente était quasi
nulle entre le Stanford-Binet, dont les fondements théoriques sont assez proches
de ceux du WISC et la version colorée des Matrices Progressives de Raven qui
mesurent le facteur « g ». Dans une recherche portant sur l’identification des
enfants à haut potentiel, Saccuzo et Johnson (1995) ont obtenu des coefficients
de validité prédictive de l’ordre de 0,20 pour le WISC-R et les Matrices
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Progressives par rapport à une épreuve standardisée de performance scolaire.
Cependant, certaines méthodes empiriques utilisées dans ces recherches sont
souvent inappropriées pour ce type de population et présentent généralement
plusieurs biais statistiques, ce qui compromet l’interprétation des résultats (pour
plus de détail, voir Caroff, 2005). Ainsi, au lieu de chercher à vérifier la stabilité
de l’intelligence auprès d’enfants à haut potentiel, il semble plus pertinent de
démonter que leur QI reste supérieur au seuil d’identification de 130 lorsqu’on
réplique l’évaluation de leur niveau intellectuel. De ce point de vue, il est permis
de conclure à une relative stabilité de l’identification après un délai relativement
important (Caham et Gejman, 1993) ou sur trois examens consécutifs (Sprangler
et Sabatino, 1995).
Le second problème posé par le WISC est le manque de sensibilité de ses
normes lorsqu’il s’agit d’évaluer des capacités intellectuelles extrêmes. Comme la
plupart des tests, il a été conçu pour évaluer l’intelligence d’enfants typiques. La
plupart des items qui le composent ont donc un niveau de difficulté médian.
En outre, il a été étalonné à partir des performances d’enfants tout-venant.
L’échantillon d’étalonnage comportait 25 sujets dont le QI était supérieur au
seuil de 130 ; ce qui, en proportion, est légèrement supérieur à l’effectif théorique
attendu (2,27 % contre 2,14 %). Pour autant, il n’est pas surprenant de constater
que les normes du WISC-IV, présentent un « effet plafond » : elles ne permettent
pas d’évaluer avec précision le niveau d’enfants dont les capacités intellectuelles
sont très supérieures à la moyenne. En effet, il n’est pas rare de constater que
ces enfants réussissent tous les items d’un même subtest. Pour autant, même
avec un tel niveau de performance, ils obtiendront une note standard inférieure
à la valeur maximale prévue par construction (19 points). Si l’on se reporte
aux tables de conversion du manuel du WISC-IV (Tables A1, pp. 225-232),
on pourra constater que trois subtests contribuant à évaluer l’indice factoriel
Raisonnement Perceptif présentent un tel effet : Matrice (à partir de 13 ans),
Identification de Concepts (à partir de 14 ans) et Cubes (à partir de 15 ans et
demi). Par contre, il est tout à fait possible d’obtenir une note supérieure ou
égale à 16 dans ces mêmes subtests ; ce qui, pour les notes standards, correspond
au même critère statistique (la moyenne plus deux fois la valeur de l’écart type)
que celui permettant d’établir le seuil d’identification à 130 points de QI pour la
totalité de l’échelle. En conclusion, ce trois sont utiles pour repérer les enfants
à haut potentiel, mais ne permettent pas de mesurer avec précision le niveau
intellectuel pour des enfants qui présenteraient des performances extrêmes dans
le test. Ce problème avait déjà été évoqué par Kaufman (1992) pour le WISC-III
américain et par Caroff (2006) pour la version française. Malheureusement, il
n’existe aucune solution satisfaisante pour remédier au manque de sensibilité du
test lorsqu’il s’agit d’évaluer des enfants à haut potentiel (Caroff, 2004).
Le troisième problème concerne le choix d’un critère pertinent pour
l’identification des enfants à haut potentiel. L’introduction de quatre nouveaux
indices risque de rendre cette question plus complexe encore. En effet, il n’y a
jamais eu de consensus sur la valeur de QI qui justifierait le diagnostic d’une
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compétence intellectuelle supérieure (Pfeiffer, 2002). Selon les chercheurs, le
seuil d’identification peut varier de 120 à 140 points, voire plus ; mais, dans
un grand nombre de cas, un QI d’au minimum 130 est exigé. Cette valeur
situe les performances des sujets deux écarts types au-dessus de la moyenne,
ce qui statistiquement correspond à un niveau de rareté important puisque
seulement 2,2 % des enfants d’une même tranche d’âge atteignent ce niveau.
Par ailleurs, lorsque Wechsler a élaboré ses normes exprimées en QI, leur
mise en relation avec les seuils exprimés en Age Mental signifiait qu’un enfant
dont le QIT était supérieur ou égal à 130 était un enfant en avance d’au
moins deux ans sur la moyenne de son groupe d’âge (Grégoire, 2009). Avec
la publication du WISC-III (Wechsler, 1996) et la possibilité d’évaluer des QI
Verbal et Performance en plus du QI Global, on a parfois constaté un certain
assouplissement du critère d’identification. Pour certains chercheurs, un enfant
pouvait être considéré comme présentant un haut potentiel intellectuel lorsque
soit son QI verbal soit son QI performance dépassait le seuil fixé. Avec la dernière
version du WISC, la question est de savoir quelle stratégie les psychologues
doivent adopter. On constate que certains continuent de se référer au seul
QI Global, faute d’information sur la pertinence des quatre indices factoriels
pour l’identification du haut potentiel, quand d’autres insistent au contraire sur
l’importance d’identifier ces enfants en tenant compte des profils individuels
établis à partir de ces indices.
L’état actuel des connaissances scientifiques ne permet pas de départager
ces deux stratégies. Les arguments qui peuvent être avancés à l’appui de l’une
ou l’autre se réfèrent généralement à deux sortes de résultats scientifiques.
Tout d’abord, les études ayant porté sur les précédentes versions du WISC
ont montré que la structure de l’échelle était différente pour des enfants
à haut potentiel et des enfants tout-venant. Dans une recherche visant à
éprouver la structure du WISC-III auprès d’enfants présentant un haut niveau
intellectuel, Watkins, Greenawalt et Marcell (2002) n’ont confirmé l’existence que
de deux facteurs, au lieu de quatre pour la population américaine générale. Ces
facteurs correspondaient, à peu près, à Compréhension verbale et Organisation
perceptive. Ce type de résultat peut être interprété comme une différence de
fonctionnement intellectuel entre les enfants à haut potentiel et les enfants
typiques. Pour cette raison, les auteurs ont proposé de substituer au QI global
l’Indice d’Aptitude Générale (GAI ; General Ability Index) développé par Prifitera,
Weiss et Saklofske (1998) qui leur semblait mieux adapté à l’identification du haut
potentiel intellectuel. Pour le WISC-III, cet indice qui exclut les subtests Code,
Arithmétique et les subtests optionnels du calcul de la somme des notes standards
était recommandé lorsqu’il s’agissait d’évaluer l’intelligence d’enfants présentant
certains profils particuliers impliquant des besoins éducatifs spécifiques (Ibid.).
Cette indication était d’ailleurs confirmée par d’autres psychologues (Daniel,
2007 ; Fiorello, Hale, Holdnack, Kavanagh, Terrell et Long, 2007 ; Hale, Fiorello,
Kavanagh, Holdnack et Aloe, 2007). Pour le WISC-IV, le GAI est calculé
uniquement sur les six subtests constituant l’ICV et l’IRP, les épreuves de
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Mémoire de Travail et celles de Vitesse de Traitement ne sont pas prises en
compte. Le principal argument justifiant l’utilisation du GAI est qu’il offre un
score composite plus homogène que le QIT puisqu’il est calculé sur des scores
obtenus aux épreuves les plus saturées par le facteur « g » (Weiss, Saklofske,
Schwartz, Prifitera et Courville, 2006). Néanmoins les spécialistes soulignent
que le recours au GAI ne doit pas faire oublier l’importance des processus
cognitifs mesurés par l’IMT et l’IVT et ce que leur mesure peut apporter
quant à l’identification de certains troubles des apprentissages (Saklofske, Weiss,
Raiford et Prifitera, 2006 ; Grégoire, 2009). Cet indice est tout particulièrement
recommandé dans les cas de profils très hétérogènes pouvant laisser penser
que les enfants souffrent de troubles attentionnels ou de certains troubles des
apprentissages. Son inconvénient est qu’il est tentant de l’utiliser comme une
forme abrégée du WISC4, ce que certains praticiens recherchent pour des raisons
pratiques, mais que les auteurs récusent avec force en insistant sur l’importance
clinique de la mesure de l’ICV et de l’IVT dans le bilan des capacités cognitives
de l’enfant et, plus particulièrement, dans le diagnostic de certains troubles
des apprentissages. La question de l’utilisation du GAI pour l’identification des
enfants à haut potentiel est régulièrement posée (Rimm, Gilman et Silverman,
2008) et des éléments de réponses commencent à nous parvenir. Grégoire (2009),
outre qu’il fournit des normes pour le GAI établies sur l’échantillon d’étalonnage
de la version française du WISC-IV, nous indique que la corrélation entre le GAI
et le QIT est égale à 0,92 (p >0,001), cette corrélation élevée nous permet de
voir que les classements des enfants pour les deux mesures sont assez proches. Il
faut cependant rester prudent car dans une étude réalisée sur 63 enfants à haut
potentiel, Saklofske et al. (2006), constatent assez logiquement qu’une grande
majorité d’entre eux obtiennent un GAI supérieur à leur QIT, et que pour un
quart d’entre eux, c’est le phénomène inverse qui est observé. Comme le souligne
Grégoire, il est important de tenir compte de ces données lors de l’évaluation des
enfants à haut potentiel et d’examiner en détail les écarts entre indices factoriels
avant de décider si le GAI peut être utilisé en lieu et place du QIT.
Un autre type d’argument provient de l’analyse des profils moyens dans les
quatre indices pour les enfants présentant un haut niveau intellectuel. Plusieurs
études indiquent que les indices IMT et IVT étaient, en moyenne, moins
élevés que les deux autres (Liratny et Pry, 2007 ; Weschler, 2005, pp. 64-65).
L’explication proposée souligne que ces indices ne seraient pas de vraies mesures
de l’intelligence. Ce débat, assez ancien en ce qui concerne la vitesse de traitement
(Lautrey et Huteau, 2002), renvoie à des différences dans les conceptions
théoriques de l’intelligence. Certaines études, comme celle de Kyllonen et Cristal
(1990), montrent le lien existant entre le raisonnement et la capacité de la
mémoire de travail visuelle et verbale. D’autres, comme celle de Vock et Holling
(2008), montrent une corrélation entre épreuves de mémoire de travail et résultats
aux tests d’intelligence dans un échantillon de 202 enfants à haut potentiel. Il
n’est donc pas évident que l’on puisse se passer de ces deux indices. Par ailleurs,
le fait que les enfants à haut potentiel obtiennent de moins bons résultats dans
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les indices IMT et IVT conduit certains spécialistes à préconiser l’abaissement à
120 du seuil d’identification pour compenser cette faiblesse relative.
On l’aura compris, le choix de critères pertinents pour l’identification du haut
potentiel à partir du WISC-IV n’est pas évident. L’objectif de la contribution
empirique est de vérifier si les profils des enfants à haut potentiel, pour les indices
factoriels, présentent quelques caractéristiques repérables.
MÉTHODE
Participants
Le critère d’inclusion dans l’étude était que les enfants obtiennent un QIT
supérieur ou égal à 130 mesuré avec un WISC-IV. L’échantillon était composé
de 99 sujets âgés de 6 à 16 ans (âge moyen = 9 ans et 5 mois). Les garçons
(n = 65) étaient plus nombreux que les filles (n = 34). Ce phénomène est
quasi systématiquement observé dans les recherches sur les enfants à haut
potentiel lorsque les données ont été recueillies auprès de psychologues. Il est
important de préciser que cette particularité ne s’observe que dans les contextes
de consultations et de bilans psychologiques, ceci reflète certainement le fait que
les garçons manifestent davantage des comportements perturbants à l’école. Le
déséquilibre observé dans les effectifs ne traduit en aucun cas des différences
d’intelligence entre garçons et filles, l’examen des données des étalonnages
réalisés sur des enfants choisis aléatoirement selon la méthode des quotas montre
qu’il y a autant de garçons que de filles possédant un QI supérieur à 129
(Wechsler, 2005).
Procédure
Les sujets participant à l’étude ont été évalués par des psychologues expérimentés
travaillant dans des structures libérales. Ces psychologues ont été sollicités par
le biais de réseaux universitaires. Les protocoles ont été réceptionnés de façon
anonyme en même temps qu’une fiche de renseignements, complétées par les
psychologues, précisant l’âge de l’enfant, son genre, son niveau scolaire et les
motifs de l’identification. Pour les enfants retenus dans cette étude, l’identification
était demandée à la suite de questions scolaires de nature diverse : ennui à
l’école, phobie scolaire, problèmes d’intégration ou parce qu’un saut de classe
était envisagé.
RÉSULTATS
Analyse descriptive des résultats de l’échantillon
Le tableau 1 présente les statistiques descriptives de l’ensemble de l’échantillon,
puis selon le genre des sujets. Pour chaque case du tableau, la première ligne
indique la valeur moyenne du groupe et son écart type entre parenthèses
(les valeurs ont été arrondies pour faciliter la lecture), la seconde indique
respectivement les valeurs minimales et maximales observées. Les résultats
concernant le QIT ne sont pas informatifs puisqu’ils correspondent au critère
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d’inclusion des sujets dans l’échantillon. Le tableau 1 montre que les sujets ont
un niveau de performance moyen pour l’Indice de Compréhension Verbale qui
les situe dans la catégorie « Supérieur » (indice supérieur ou égal à 120) voire
« très supérieur » (indice supérieur ou égal à 130) par rapport à la population.
En moyenne, les résultats sont un peu moins bons pour les indices de Réponse
Perceptive et Mémoire de Travail ; l’indice Vitesse de Traitement situe même
l’échantillon au niveau « normal fort ». La différence entre les quatre indices
est significative ; F(3,294) = 87,4, p <0,05. Si l’on poursuit cette analyse au
niveau individuel (tableau 1, seconde ligne), on constate que certains sujets
de l’échantillon obtiennent des résultats au WISC qui les situent seulement au
niveau « moyen » (indices factoriels compris entre 90 et 110) pour les trois
derniers indices présentés dans le tableau ; c’est-à-dire, bien en deçà des seuils
généralement admis pour l’identification d’un haut potentiel.
En moyenne, les résultats du groupe des filles ne sont pas différents de celui
du groupe des garçons. Les patrons de résultats de ces deux groupes ne sont
guère différents de celui de l’échantillon global.
Tableau 1.
Statistiques descriptives de l’ensemble de l’échantillon et selon le genre des sujets.
N
Q.I.
I.C.V.
I.R.P.
I.M.T.
I.V.T.
Global
99
139 (7)
[130−153]
143 (11)
[118−155]
127 (11)
[104−154]
122 (11)
[97−150]
116 (15)
[83−150]
Filles
34
139 (7)
[130−153]
144 (11)
[118−155]
124 (12)
[104−148]
122 (9)
[103−138]
119 (15)
[93−150]
Garçons
65
139 (7)
[130−152]
143 (11)
[120−155]
128 (11)
[106−154]
122 (11)
[97−150]
115 (15)
[83−148]
Classification des profils individuels
L’objectif de cette analyse est de vérifier si les profils des sujets pour les indices
factoriels présentent quelques caractéristiques repérables. Pour répondre à cette
question, les scores dans les quatre indices ont été analysés au moyen d’une
classification ascendante hiérarchique (agrégation par la méthode de Ward) qui
vise à regrouper les sujets dont les quatre indices sont statistiquement proches.
L’analyse des distances d’agrégation permet d’identifier six classes de sujets
aux profils moyens contrastés. Les statistiques descriptives des quatre indices
factoriels sont indiquées dans le tableau 2, selon une présentation identique à
celle du tableau précédent. On présente aussi, pour information, celles du QIT
bien qu’il n’ait pas été pris en compte pour la classification des sujets.
Si l’analyse détaillée des profils moyens des six groupes de sujets dépasse
le cadre de cet article, il est important cependant de repérer certains aspects
des résultats en relation avec l’identification du haut potentiel. Tout d’abord, le
21
Le WISC-IV permet-il d’améliorer l’identification des enfants à haut potentiel ?
Tableau 2.
Statistiques descriptives des indices factoriels pour les six groupes d’enfants issus
de la classification.
N
QI
ICV
IRP
IMT
IVT
Groupe 1
23
134 (4)
[130−142]
130 (6)
[120−143]
127 (8)
[111−146]
122 (6)
[115−138]
117 (7)
[106−134]
Groupe 2
14
146 (6)
[134−153]
139 (12)
[118−155]
130 (13)
[106−154]
127 (14)
[100−148]
139 (10)
[115−150]
Groupe 3
10
137 (4)
[130−142]
148 (5)
[143−155]
109 (5)
[104−116]
119 (8)
[109−130]
127 (7)
[118−137]
Groupe 4
15
148 (3)
[143−151]
152 (3)
[146−155]
135 (11)
[121−152]
128 (7)
[115−140]
119 (6)
[103−127]
Groupe 5
17
137 (5)
[130−146]
149 (6)
[135−155]
128 (5)
[116−135]
109 (5)
[97−115]
110 (7)
[96−124]
Groupe 6
20
137 (6)
[130 − 148]
148 (9)
[130 − 155]
126 (11)
[109 − 146]
126 (9)
[115 − 150]
97 (8)
[83 − 109]
premier sous-groupe correspond à des enfants dont le profil dans les quatre
indices est relativement homogène, leurs valeurs étant situées dans la marge
de 120-130 points. Ensuite, les sous-groupes 2 et 4 se caractérisent par des
QI moyens supérieurs à 140. Pour le premier groupe, on constate même
que les indices factoriels moyens sont supérieurs, sinon très proches, du seuil
d’identification de 130. Pour le second, seul l’indice de Vitesse de Traitement est
inférieur à ce seuil, mais reste à un niveau « supérieur » par rapport à la population.
Dans les trois derniers sous-groupes, l’indice de Compréhension Verbale est au
même niveau que leur QI. Par contre, les valeurs de certains indices factoriels
sont nettement inférieures aux seuils généralement admis pour l’identification
du haut potentiel et correspondent au niveau « moyen ». Il s’agit de l’indice de
Raisonnement Perceptif pour le groupe 3, des indices Mémoire de Travail et
Vitesse de Traitement pour le groupe 5 et de l’indice Vitesse de Traitement pour
le groupe 6. Les valeurs de ces indices sont indiquées en gras dans le tableau 2.
Cohérence des profils individuels
L’analyse précédente a porté sur les niveaux des indices pour des sous-groupes
de sujets repérés par une classification. Elle peut être complétée par l’analyse
des écarts entre indices pour les profils individuels. Le manuel d’interprétation
du WISC-IV (Wechsler, 2005, p. 91) reprend la suggestion de Sattler (2001) de
considérer comme inhabituelles les différences entre indices qui serait observées
chez moins de 10 % à 15 % de l’échantillon d’étalonnage. L’analyse des profils
individuels a été réalisée, par référence à la table B.2 du manuel pour les enfants
dont le QIT est supérieur ou égal à 120 (Wechsler, 2005, p. 262), en retenant
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Maria PEREIRA-FRADIN, Xavier CAROFF, Anne-Yvonne JACQUET
comme critère la valeur de différence entre indices observée pour moins de 15 %
des sujets de l’échantillon d’étalonnage. Les résultats de cette analyse montrent
que seuls 17 sujets ont un profil homogène, sans aucune différence rare entre
leurs indices. Par contre, 6 sujets présentent une seule différence rare, 13 en
présentent 2, 32 en présentent 3, 23 en présentent 4, 7 en présentent 5 et un
sujet présente 6 différences rares. Les profils hétérogènes semblent donc être la
norme dans cet échantillon de 99 enfants à haut potentiel.
DISCUSSION
L’objectif général de l’article était d’étudier quel pouvaient être l’apport du
WISC-IV, mais aussi ses limites, lorsqu’il est utilisé dans une démarche
d’identification d’enfants à haut potentiel. Or, de façon générale, tout processus
d’identification est en partie compromis parce qu’il n’y a pas de définition
consensuelle de cette population faute de pouvoir de déterminer sans
ambiguïté les principales caractéristiques de ces enfants. C’est précisément tout
l’intérêt des théories actuelles du haut potentiel qui présentent des approches
multidimensionnelles du haut potentiel et proposent souvent une typologie des
principaux facteurs susceptibles de déterminer le haut potentiel. Elles ont comme
caractéristique commune de postuler que le haut potentiel peut s’exprimer à
travers des formes d’intelligence différentes mais, surtout, elles intègrent bien
d’autres dimensions de la personne que la ou les intelligences.
L’intérêt du WISC-IV par rapport aux versions antérieures est qu’il offre la
possibilité, en plus du QIT, d’évaluer quatre indices factoriels qui reflètent mieux
la structure de ce test. Toutefois, si les qualités psychométriques du WISC-IV
sont très satisfaisantes pour la population générale, elles sont moins bien connues
pour des populations spécifiques telles que les enfants à haut potentiel. Il apparaît
cependant que les normes de ce test, parce qu’il vise à évaluer l’intelligence
générale d’enfants tout venant, présente un effet plafond dans trois subtests qui
contribuent à déterminer l’indice factoriel Raisonnement Perceptif.
Pour ce qui concerne l’identification des enfants à haut potentiel, la possibilité
d’obtenir un profil individuel dans les quatre indices factoriels présente l’avantage
d’établir un bilan plus analytique des capacités intellectuelles de l’enfant et de
ne pas se contenter du seul QIT. La contribution empirique avait pour objectif
de vérifier si, pour les quatre indices factoriels, les profils des enfants à haut
potentiel de l’échantillon présentaient quelques caractéristiques repérables qui
permettraient d’éclairer la question du choix des critères d’identification. Les
résultats ont montré que les sujets avaient un niveau de performance moyen pour
l’Indice de Compréhension Verbale assez proche de leur QIT qui était le critère
d’inclusion. Ce premier résultat suggère d’utiliser l’ICV pour l’identification
selon les mêmes critères que pour le QIT. Par comparaison, les résultats des
sujets étaient un peu moins bons pour les indices de Raisonnement Perceptif et
Mémoire de Travail et se situaient même à un niveau assez normal pour l’indice
Vitesse de Traitement. Mais une classification des sujets de l’échantillon, selon
leur profil de performance dans les quatre indices, permet de nuancer ce premier
Le WISC-IV permet-il d’améliorer l’identification des enfants à haut potentiel ?
résultat. La faiblesse relative des performances des enfants à haut potentiel dans
les indices Mémoire de Travail et Vitesse de Traitement, parfois évoquée dans
la littérature (Liratny et Pry, 2007), ne caractérise que deux sous-groupes de
sujets ; pour un troisième, c’est l’indice Raisonnement Perceptif qui accuse une
chute de performance. Les autres sujets, au contraire, présentent des profils
de performance qui sont loin d’accuser de telles chutes au niveau des indices
factoriels.
Ajoutons à cette analyse la question de la cohérence des profils individuels.
Il apparaît ici que seuls 17 sujets sur 99 ont un profil homogène et cohérent,
pour les autres sujets l’hétérogénéité des indices factoriels est la règle. Ces
résultats imposent de pousser les analyses plus loin afin de proposer aux
psychologues praticiens une stratégie d’identification efficace et pertinente.
La taille de l’échantillon étudié ici nous interdit de généraliser nos résultats.
Néanmoins il nous semble fondamental de poursuivre des analyses qualitatives
et quantitatives afin de déterminer quels seront les indices réellement efficients
ou les profils à prendre en compte pour l’identification des enfants à haut
potentiel.
Pour conclure, rappelons que dans le cadre d’une conception multidimensionnelle du haut potentiel, toute procédure d’identification doit nécessairement
reposer sur quelques principes essentiels (Caroff, 2005 ; Jarosewich, Pfeiffer et
Morris, 2002 ; Pfeiffer, 2001, 2002 ; Ziegler et Heller, 2000). Tout d’abord, le
diagnostic doit être relativement exhaustif. L’identification ne doit pas reposer
seulement sur l’évaluation de l’intelligence générale de l’enfant. Il faut au contraire
chercher à étendre l’évaluation aux différents domaines où peut s’exprimer
un haut potentiel, mais tenir compte également des variables contextuelles
susceptibles de moduler son expression. Ensuite, il faut utiliser des procédures
d’identification formalisée qui font explicitement référence à un cadre théorique
scientifiquement éprouvé. Enfin, ces procédures doivent comporter plusieurs
outils d’évaluation standardisés dont les qualités auront été préalablement
éprouvées, si possible directement auprès d’enfants à haut potentiel. Selon les cas,
on pourra avoir intérêt à solliciter différentes sources d’informations concernant
les compétences de l’enfant, telles que les enseignants, les parents et les
pairs.
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