La première enquête nationale de prévalence de la tuberculose en

Transcription

La première enquête nationale de prévalence de la tuberculose en
INT J TUBERC LUNG DIS 18(6):635–639
© 2014 The Union
La première enquête nationale de prévalence de la tuberculose
en population générale en Ethiopie, 2010–2011
A. H. Kebede,* Z. Alebachew,* F. Tsegaye,* E. Lemma,* A. Abebe,* M. Agonafir,* A. J. Kebede,*
D. Demissie,* F. Girmachew,* Z. Yaregal,* F. Dana,* M. Getahun,* Y. Fiseha,* A. Meaza,* N. Dirse,*
†
†
‡
†
H. Timimi, C. Sismanidis, M. Tadolini, I. Onozaki
*Ethiopian Public Health Institute, Addis Ababa, Ethiopia; †Global TB Programme, World Health Organization, Geneva,
Switzerland; ‡Infectious Diseases Unit, Department of Medical and Surgical Sciences, Alma Mater Studiorum University
of Bologna, Bologna, Italy
_______________________________________________________________________________RÉSUMÉ
CONTEXTE : En Ethiopie la tuberculose (TB) reste un problème de santé publique majeur.
OBJECTIF : Déterminer la prévalence de TB chez les adultes âgés de >15 ans de la population générale de 2010 à 2011.
MÉTHODE : Une enquête nationale, par grappes, stratifiée (urbain/rural/pastoral), transversale a été réalisée dans 85
grappes sélectionnées. Tous les participants consentants ont bénéficié d’un dépistage de la TB grâce à une radiographie pulmonaire et un entretien à la recherche de symptômes compatibles avec la TB.
RÉSULTATS : Sur 51.667 individus éligibles, 46.697 (90%) ont participé à l’enquête et ont répondu au moins au questionnaire. La radiographie pulmonaire a été réalisée chez 46.548 personnes (99,7%). Finalement, 6080 participants (13%) étaient
éligibles pour un examen de crachats. En extrapolant les résultats de l’enquête, on estime que la prévalence de la TB chez les
adultes était de 108/100.000 pour la TB à frottis positif (IC95% 73–143) et de 277/100.000 pour la TB confirmée bactériologiquement (IC95% 208–347).
CONCLUSION : Nous avons découvert une charge de morbidité liée à la TB inférieure à ce que nous attendions, ce qui
pourrait être en faveur d’une meilleure performance du programme. Cependant, une proportion élevée parmi les jeunes
suggère que la TB circule dans la communauté et qu’il faut accentuer les efforts pour limiter son expansion.
MOTS CLÉS : prévalence de TB ; TB bactériologiquement confirmée ; TB pulmonaire à frottis positif ; enquête sur la population
La TUBERCULOSE (TB) a toujours été très prévalente en Ethiopie. Selon le rapport 2011 du Ministère
de la Santé (MOH), la TB est la huitième cause
d’hospitalisation et la troisième cause de décès hospitalier en Ethiopie.1 En 1992, le gouvernement a mis en
œuvre une stratégie visant à prévenir et limiter
l’expansion de la maladie en Ethiopie,2 le pivot de la
lutte contre la TB dans le monde, dont les objectifs sont
le diagnostic de 70% des nouveaux cas de TB à frottis
positif et atteindre 85% de guérison.3 La TB est l’une
des maladies couvertes par les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) avec la cible de réduire
de moitié la prévalence et la mortalité de la TB d’ici
2015 par comparaison aux niveaux de 1990.4 La prévalence de la TB est un des indicateurs clés des ODM et
du plan mondial Stop TB. Les enquêtes de prévalence
ont déjà été réalisées dans de nombreux pays parmi les
22 les plus affectés.5
L’Ethiopie est le septième pays le plus affecté par
la TB dans le monde, et le troisième en Afrique.6 Dans
une enquête tuberculinique réalisée en Ethiopie il y a
presque six décennies (1953–1955), le risque annuel
d’infection était de 3,0% (rapport non publié). La deuxième enquête tuberculinique, réalisée entre décembre
1987 et avril 1990, a montré un risque d’infection de
1,4%, indiquant une réduction de 2,2% en comparaison
de la première étude.7,8 Les deux enquêtes ont été limitées par le fait que les paramètres bactériologiques
n’avaient pas été utilisés pour distinguer l’infection
tuberculeuse de la TB active. Selon les recherches
réalisées sur le dépistage pré-immigration de la TB
pulmonaire parmi les migrants éthiopiens en Israël
entre 1998 et 2005, la prévalence ponctuelle de la TB
pulmonaire a été de 170 pour 100.000 personnes.9
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Une enquête nationale transversale en population sur la
prévalence a été réalisée entre octobre 2010 et juin
2011. Les hypothèses suivantes étaient émises afin de
déterminer une taille d’échantillon de 46.514 adultes
âgés de ≥ 15 ans : la prévalence de TB à frottis positif
dans la population adulte était de 200/100.000 (30% de
moins que l’estimation de l’Organisation Mondiale de
la Santé [OMS] en 2008 [284/100.000] quand
l’enquête était conçue10) ; la proportion d’adultes âgés
de ≥ 15 ans était de 55%; la précision relative avec un
intervalle de confiance de 95% (IC) était de 0,2 ; l’effet
de l’échantillonnage de 1,5 ; le taux de participation de
85% et 85 grappes, considérant la faisabilité de la mise
en œuvre des opérations de terrain en une semaine,
avec une taille d’échantillon relativement petite, de 548
sujets.
Auteur pour correspondance : Zeleke Alebachew Wagaw, TB Prevalence Survey, Ethiopian Public Health Institute, Arebegnoch
St, Addis Ababa 13858, Ethiopie. Tel: (+251) 911 762 897. Fax: (+251) 112 780 431. e-mail: [email protected],
[email protected]
[Traduction de l’article : « The first population-based national tuberculosis prevalence survey in Ethiopia, 2010–2011 » Int J Tuberc
Lung Dis 2014; 18(6): 635–639. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.13.0417]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Sur 810 woredas (districts) d’Ethiopie, 37 (3% de
la population) ont été exclus de l’étude pour des raisons
de sécurité et de logistique. Un échantillonnage en
grappe en plusieurs étapes utilisant la probabilité proportionnelle à la taille (PPS) a été réalisé avec trois
strates (urbain, rural et pastoral) pour accroitre la précision de l’étude et l’exactitude des résultats. Des numéros de grappe ont été alloués à chaque strate en fonction de la proportion de la population (63 en zone rurale, 14 en zone urbaine et 8 en zone pastorale). A la
fois les districts et les kebeles (communes) ont été
sélectionnés en utilisant la PPS. Comme la population
d’un kebele est généralement plus grande que le
nombre de sujets requis par grappe, une partie d’un
kebele a été sélectionnée de façon aléatoire, sachant
que les différentes subdivisions de chaque kebele sont
de taille identique.
Durant la pré-inscription conduite 2 semaines avant
les activités d’échantillonnage, tous les sujets vivant
dans les foyers sélectionnés, incluant les adultes, les
enfants, les résidents permanents et les visiteurs temporaires, ont été inscrits. Cependant, seuls les sujets éligibles ont été invités à participer à l’enquête. Les critères d’éligibilité étaient des résidents permanents âgés
de ≥ 15 ans qui étaient restés dans leur foyer au moins
les 2 dernières semaines et les visiteurs temporaires qui
étaient arrivés dans le foyer 2 semaines avant le recensement. Tous les participants éligibles à l’enquête qui
ont fourni un consentement informé ont été dépistés à
la recherche de symptômes de TB grâce à des entretiens individuels et ont eu une radiographie pulmonaire
(RP) de face à la recherche d’anomalies du poumon ou
du médiastin grâce à une unité de radiographie portative. Un film en taille réelle a été développé grâce à un
auto-processeur immédiatement après la RP. Un médecin formé à cet effet a identifié les RP anormales.
Les personnes dépistées avec des symptômes suggestifs de TB (toux ≥ 2 semaines) et/ou des résultats de
RP anormaux ont été invitées à fournir deux échantillons de crachats (sur place et matin) pour une confirmation bactériologique (Figure 1). Les sujets exempts
de RP mais avec un des critères suivants ont également
été invités à fournir des échantillons de crachats : perte
de poids d’au moins 3 kg au cours du dernier mois,
sueurs nocturnes d’au moins 2 semaines, fièvre d’au
Dépistage des symptômes
Radiographie pulmonaire
Pas de symptômes
RP normale
Symptômes ou
RP anormale
Pas de microscopie
de frottis
Microscopie de
frottis
Pas de culture
Culture
Figure 1 Stratégie de dépistage de la tuberculose. RP =
radiographie pulmonaire.
moins 2 semaines et contact avec un patient TB au
cours de la dernière année.
Tous les échantillons de crachats ont été envoyés au
Laboratoire national de référence pour la TB, à
l’Institut de Santé publique d’Ethiopie, à Addis-Ababa,
Ethiopie. Les deux échantillons, sur place et matin, ont
été examinés en microscopie à fluorescence à LED
(Primo Star iLED, Zeiss MicroImaging, Jena, Allemagne) à la recherche de bacilles acido-alcoolo résistants (BAAR). Une culture a été réalisée sur tous les
échantillons du matin ; si ces derniers n’étaient pas
disponibles, la culture a été réalisée sur des échantillons prélevés sur place sur milieu de LöwensteinJensen (LJ) à la recherche de Mycobacterium tuberculosis. Les caractéristiques morphologiques des colonies
ont permis d’identifier le complexe de M. tuberculosis
(Capilia TB-Neo Kit, TAUNS Laboratories, Shizuaka,
Japon).
Le contrôle de qualité des lectures de terrain des RP
et l’interprétation détaillée de toutes les lectures de
terrain des RP ont été réalisés au niveau central. Un
échantillon de RP comprenant toutes les images anormales et environ 10% des RP normales a été évalué par
des radiologues confirmés indépendants de l’hôpital St
Peter à Addis-Ababa.
Les cas de TB ont été identifiés en se basant sur les
résultats bactériologiques (frottis et culture) en fonction
des définitions de cas recommandées par le Groupe de
Travail International de l’OMS sur la mesure de
l’impact de la TB.5 Après exclusion de la possibilité de
contamination croisée, les sujets chez qui M. tuberculosis a été isolé par culture ont été classés comme cas
de TB certain. Ceux qui avaient un frottis positif sans
confirmation par la culture ont été classés comme cas
de TB probable si les frottis réalisés sur les crachats
collectés sur place et le matin étaient tous deux positifs
ou si la lecture de la RP était en cohérence avec la TB
diagnostiquée par une lecture en consensus par un
panel comprenant au moins trois radiologues ou des
pneumologues. Les sujets ayant seulement un résultat
de frottis positif et sans anomalies de la RP n’ont pas
été classés comme cas de TB même si un examen de
suivi a été prescrit. Les sujets porteurs de mycobactéries
non-tuberculeuses (NTM) sans co-isolation de M. tuberculosis ont également été exclus de la catégorie des cas de
TB, quels que soient les résultats des frottis et/ou des RP.
Les données ont été entrées et nettoyées avec le
système CSPro statistical package (version 3, bureau
du recensement US, Washington DC, Etats-Unis). Les
analyses ont été réalisées avec la version 17 de SPSS
(Statistical Product and Service Solutions, Chicago, IL,
Etats-Unis) et la version 11 de Stata (Stata Corp, College Station, TX, Etats-Unis). Pour obtenir des estimations de prévalence, une méthode avec des erreurs
standard robustes, une imputation des valeurs manquantes et une pondération selon la probabilité inverse
a été appliquée et adoptée comme résultat final.11
Considérations éthiques
L’approbation éthique de l’étude a été obtenue du Comité national d’éthique d’Ethiopie. Tous les participants positifs ont été référés à la structure de santé
Prévalence de la TB en Ethiopie 3
publique la plus proche pour traitement et suivi. Le test
du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) n’a pas
été fourni par l’étude, mais les patients TB détectés ont
bénéficié d’un test VIH selon les directives nationales
sur la TB et le VIH.2
RÉSULTATS
Les données de terrain de la première enquête de prévalence nationale de la TB en Ethiopie ont été recueil
lies du 2 octobre 2010 au 25 juin 2011. Un total de
95.092 individus répartis dans 85 grappes et 19.267
foyers a été sélectionné. Parmi les sujets sélectionnés,
51.667 (54%) ont été éligibles et ont été invités à participer à l’étude. Parmi eux, 46.697 (90%) ont accepté de
participer et ont achevé au moins l’entretien de dépistage (Figure 2).
L’âge moyen des participants était de 33,6 ans ;
46.548 (99,7%) participants ont eu une RP. Ceux qui
Individus recensés
(n = 95.092)
Individus non éligibles :
41.125 enfants, 2300 adultes
non-résidents
Population éligible à l’étude
51.667 (54%)
Non-participants :
(4967 pas présents, 3 présents
mais pas de consentement)
Participants dépistés au moins une fois
46.697 (90%)
87 ont refusé la RP
62 exemptés de RP*
Participants qui ont eu un
dépistage des symptômes
46.697 (100%)
Participants qui ont eu une
RP
46.548 (99,7%)
Participants qui ont eu les
deux méthodes
46.548 (99,7%)
Nombre total d’individu éligibles à l’examen de crachats : 6080 (13%)
• 806 (13%) éligibles par les deux méthodes
• 2220 (36%) éligibles par le dépistage des symptômes seul
• 3013 (50%) éligibles par la RP seule
• 41 (1%) exemptés/ont refusé la RP mais symptomatiques†
Au moins un échantillon de
crachats recueilli
5868 (97%)
Examen de crachats
requis :
1 inéligible
Les deux échantillons de
crachats recueillis
5606 (92%)
Au moins un échantillon examiné par frottis
5867 (∼100%)
Échantillon examiné
par culture
5807 (99%)
Les deux échantillons
examinés par frottis
5604 (99%)
Au moins un résultat
de frottis disponible
5861 (∼100%)
Résultats de culture
disponibles
5503 (95%)
Les deux résultats
disponibles
5574 (99%)
Frottis positifs (n =
47) :
• 25 trouvés grâce
aux deux méthodes
de dépistage
• 2 trouvés par
dépistage sur les
symptômes seul
• 20 trouvés par RP
seule
Frottis négatif, culture
positive (n = 63) :
• 20 trouvés grâce
aux deux méthodes
de dépistage
• 10 trouvés par
dépistage sur les
symptômes seul
• 33 trouvés par RP
seule
Bactériologie positive
(n = 110) :
• 45 trouvés grâce
aux deux méthodes
de dépistage
• 12 trouvés par
dépistage sur les
symptômes seul
• 53 trouvés par RP
seule
• 2 en cours de
traitement
• 9 traités au cours
des 2 dernières
années
• 1 en cours de
traitement
• 3 traités au cours
des 2 dernières
années
• 3 en cours de
traitement
• 12 traités au cours
des 2 dernières
années
Figure 2 Circulation des données de l’enquête. *Enceintes, trop malades/âgés, appareil de RP en panne. †Au moins un symptôme
parmi fièvre, perte de poids, sueurs nocturnes ou contact avec un cas de tuberculose. RP = radiographie pulmonaire.
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau
Prévalence ajustée (/100.000) de la tuberculose
dans la population âgée de ≥15 ans, Ethiopie
Prévalence de la TB pulmonaire
TB
TB confirmée bactéà frottis positif
riologiquement
/100.000 (IC95%)
/100.000 (IC95%)
Strate
Urbaine
Rurale
Pastorale
Sexe
Masculin
Féminin
Age, années
15–24
25–34
35–44
45–54
55–64
≥65
Prévalence d’ensemble
70 (61–35)
109 (67–151)
170 (60–280)
273 (130–416)
273 (189–356)
316 (163–468)
133 (80–185)
87 (47–127)
304 (219–388)
246 (176–315)
113 (53–173)
86 (30–143)
117 (43–191)
138 (23–253)
159 (19–300)
41 (11–23)
108 (73–143)
292 (194–390)
216 (129–303)
259 (135–382)
337 (161–513)
367 (153–582)
227 (33–421)
277 (208–347)
TB = tuberculose ; IC = intervalle de confiance.
avaient des symptômes suggestifs de TB et/ou une
quelconque anomalie au niveau des poumons ou du
médiastin détectés par la RP ont été éligibles à
l’examen bactériologique des crachats. Avec la RP ou
le dépistage par symptômes, 6080 (13%) participants
ont été considérés comme éligibles à l’examen des
crachats. Parmi eux, 5868 (97%) ont fourni au moins
un échantillon de crachats et 5606 (92%) en ont soumis
deux (Figure 2).
Soixante et un sujets ont eu au moins un résultat positif de frottis de crachats à la microscopie à fluorescence
à LED. Parmi eux, 13 individus qui n’ont eu aucun autre
signe en faveur de TB et un sujet avec un isolat de NTM
ont été exclus de la catégorie des cas de TB.
M. tuberculosis a été identifié chez 96 participants,
33 à frottis positif et 63 à frottis négatif. Une NTM a
été isolée chez 91 participants, dont un frottis positif et
90 à frottis négatif, sans isolat de M. tuberculosis. Le
panel central de l’enquête a classé 47 participants
comme TB à frottis positif et 63 comme TB à frottis
négatif et à culture positive (soit un total de 110 cas de
TB pulmonaire bactériologiquement confirmés) ; 37
(79%) TB à frottis positif et 59 (94%) TB à frottis
négatif mais culture positive étaient des nouveaux cas
ou non détectés jusque-là et n’avaient donc jamais été
traités. Seuls deux cas à frottis positif et un cas à frottis
négatif mais culture positive étaient en cours de traitement au moment de l’enquête ; 12 autres avaient été
traités auparavant mais n’étaient plus sous traitement
au moment de l’enquête.
On a observé davantage de patients TB dans les
groupes d’âge plus jeunes : sur 110 patients TB à bactériologie positive, 60 (58%) avaient moins de 35 ans.
Le ratio homme/femme des patients à frottis positif a
été de 1,2 (26:21) et celui des patients à frottis négatif
mais culture positive a été de 0,9 (30:33).
La prévalence de la TB à frottis positif chez les sujets âgés de ≥ 15 ans a été de 108/100.000 (IC95% 73–
143), tandis que la prévalence de TB bactériologiquement confirmée dans le même groupe d’âge a été de
277/100.000 (IC95% 208–347) (Tableau). La prévalence de la TB parmi les populations rurales, urbaines
et pastorales pour les TB pulmonaires à frottis positif et
les TB confirmées par la bactériologie étaient comparables.
DISCUSSION
La première enquête nationale de prévalence de la TB
en Ethiopie avec un diagnostic basé sur la RP et la
culture a été réalisée avec succès selon les directives de
l’OMS, avec une couverture élevée de 97% de la population, un taux de participation élevé de 90% et un taux
de recueil de crachats de 96%. L’Ethiopie a été le premier pays d’Afrique à réaliser une enquête nationale
sur les conseils du Groupe de Travail Mondial de
L’OMS sur la mesure de l’impact de la TB. Aucune
enquête de ce type n’avait été réalisée en Afrique depuis 50 ans.
La prévalence observée de TB à frottis positif de
108 (IC95% 73–143) a été beaucoup plus faible que
celle attendue de 200/100.000, qui a été utilisée pour
calculer la taille de l’échantillon en se basant sur les
estimations de l’OMS quand l’enquête a été conçue.
Selon le rapport mondial TB de l’OMS de 2009,
l’incidence estimée de la TB pulmonaire à frottis positif en Ethiopie a été de 163/ 100.000 ;10 le taux de détection des nouveaux cas de TB à frottis positif en 2010
a donc été de seulement 36%.12 Les résultats de la
première enquête de prévalence nationale de la TB
montrent que la magnitude de la TB à frottis positif est
beaucoup plus faible que les estimations précédentes.
La raison principale de la surestimation préalable était
probablement due à la pénurie de données de base sur
la population ; de plus, la prévalence du VIH a été
supposée comme étant similaire à la prévalence régionale du VIH dans les pays d’Afrique sub-saharienne
(6%) ; en réalité, elle s’est avérée de seulement 2,3%
en Ethiopie lors de l’enquête.13 En 2011, 8% des cas de
TB déclarés avec un statut VIH connu ont été VIH
positifs.14 L’expansion de la stratégie DOTS pourrait
également avoir contribué à la faible prévalence observée de TB à frottis positif. Des enquêtes précédentes en
Asie avant l’expansion du DOTS (Chine 2000, Philippines 1997) ont montré qu’une proportion significative
de cas étaient connus (c'est-à-dire des cas en cours de
traitement, des cas dont le traitement était suspendu ou
des cas chroniques).15,16 Notre enquête a détecté seulement trois patients atteints de TB à bactériologie positive qui étaient en cours de traitement et 12 patients qui
avaient déjà été traités. La présence d’un programme
de traitement national de grande qualité a été suggérée
comme étant une raison à cela. Sur la base de la revue
des données, l’estimation de l’OMS de la magnitude de
la TB en Ethiopie a été révisée à la baisse. L’estimation
révisée de l’OMS en 2011 du taux de détection des cas
lors de la période d’enquête se situait autour de 72%.17
En générant les données de base, l’enquête de prévalence de la TB récemment achevée fournit des informations utiles pour la planification et la prise de
décisions pour le programme de lutte contre la TB en
Ethiopie et servira de référence pour des enquêtes similaires à l’avenir et pour des études limitées dans des
zones spécifiques du pays.
Prévalence de la TB en Ethiopie 5
Bien que l’enquête ait révélé une prévalence de TB
plus faible que les estimations précédentes, la majorité
des patients identifiés par l’enquête ont été de nouveaux cas qui n’avaient pas été détectés par le programme de lutte contre la TB. Un élément préoccupant
est le fait que 55% des cas préalablement non détectés
dans la communauté appartenaient à la tranche d’âge la
plus jeune (15–34 ans), suggérant que les interventions
sont particulièrement nécessaires dans cette partie de la
population. Les résultats de l’enquête de prévalence
suggèrent que la TB circule dans la communauté et que
l’épidémie de TB en Ethiopie semble frapper la population plus jeune en dépit d’une prévalence faible du
VIH parmi les patients TB.
Il y a donc un besoin de renforcer le dépistage en
communauté pour une détection et une prise en charge
des cas précoces afin de réduire la transmission de la
TB dans la communauté. Plus de 50% des cas de
l’enquête étaient à frottis négatif et identifiés grâce à la
culture seule. Ceci met en lumière la nécessité
d’étendre largement les services de diagnostic par la
culture. Parmi tous les cas de TB confirmés, plus de
50% ne signalaient pas de toux chronique et ont été
identifiés grâce au dépistage par la RP. Ceci suggère
que la RP est essentielle dans le dépistage de la TB
active dans les groupes à risque pour une détection plus
précoce d’un plus grand nombre de patients TB. Sur 61
sujets ayant au moins un résultat de frottis positif, 14
(23%) ont été exclus de la catégorie des cas de TB. La
positivité du frottis ne témoigne pas toujours d’une
maladie tuberculeuse : lors d’une enquête en Erythrée,
12/28 cas à frottis positif ont été exclus après un suivi
attentif par RP et trois examens de frottis supplémentaires.18 Il faut être très prudent pour diagnostiquer la
TB seulement par examen de frottis lors des enquêtes
de prévalence et de la détection active des cas dans
cette région.
En dépit d’un contrôle de qualité, l’enquête a eu
deux limites majeures : elle ne fournit pas
d’information sur les cas de TB extra-pulmonaire, qui
constituent 35% de tous les cas déclarés en Ethiopie.
L’enquête a seulement recherché une augmentation de
volume des ganglions du cou lors de l’entretien ; il n’y
a pas eu d’évaluation bactériologique. De plus, les
enfants n’ont pas été inclus dans l’enquête en raison de
limites techniques du dépistage et du diagnostic de la
TB chez les enfants. Comme les résultats de l’enquête
et la proportion élevée de TB chez les jeunes adultes
semblent suggérer la circulation de la TB dans la communauté, il est possible que le taux de TB des enfants
soit plus élevé en Ethiopie que dans d’autres pays où la
majorité des cas de TB frappe les personnes âgées.
L’enquête a identifié plusieurs défis qui doivent
être relevés. La prévalence de la TB à culture positive
pourrait avoir été sous-estimée, puisque seulement un
échantillon par patient a été soumis à la culture.
Pour conclure, la prévalence plus faible de la TB
observée ne doit pas servir d’excuse pour réduire les
efforts ou les ressources allouées à la lutte contre la
TB. Il est au contraire nécessaire de renforcer le programme et de lutter efficacement contre la dissémination de la TB dans la communauté jusqu'à ce que la
maladie cesse d’être une menace sur la santé publique
en Ethiopie.
Remerciements
Cette étude a été mise en œuvre par l’Institut de santé publique éthiopien en collaboration avec le Ministre Fédéral de
la Santé d’Ethiopie avec le soutien technique de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). De plus, les
organisations suivantes ont soutenu l’étude de différentes
façons : Le Fonds Mondial, Genève, Suisse ; TB Care Ethiopie, United States Agency for International Development
Ethiopie, OMS Ethiopie, German Leprosy and TB Relief
Association Ethiopie (Addis Ababa, Ethiopia) et la Coopération Italienne pour le développement, Rome, Italie.
Conflit d’intérêt : pas de conflit déclaré.
References
1 Federal Democratic Republic of Ethiopia, Ministry of
Health. Health and health-related indicators. Addis Ababa, Ethiopia: Federal Ministry of Health, 2011.
2 Federal Democratic Republic of Ethiopia, Ministry of
Health. TB, leprosy and TB-HIV control program manual. 4th ed. Addis Ababa, Ethiopia: Federal Ministry of
Health, 2008.
3 World Health Organization. Stop TB Strategy: building
on and enhancing DOTS to meet the TB-related Millennium Development Goals. WHO/HTM/STB/2006.37.
Geneva, Switzerland: WHO, 2006: pp 6–16.
4 United Nations. The Millennium Development Goals
Report 2010. New York, NY, USA: UN, 2010.
http://www.un.org/millenniumgoals/aids.shtml Accessed
March 2014.
5 World Health Organization. Tuberculosis prevalence
surveys: a handbook. WHO/HTM/TB/2011.16. Geneva,
Switzerland: WHO, 2011.
6 World Health Organization. Global tuberculosis control:
epidemiology,
strategy,
financing.
WHO/HTM/TB/2010.17. Geneva, Switzerland: WHO,
2010.
7 Azbite M. Tuberculin survey in Ethiopia. Kekkaku 1992;
67: 539–544.
8 Azbite M. National Tuberculin Test Survey in Ethiopia.
EMJ 1992; 30: 215–224.
9 Mohar Z, Lerman Y, Leventhal A. Pre-immigration
screening process and pulmonary tuberculosis among
Ethiopian migrants in Israel. Eur Respir J 2008; 32: 413–
418.
10 World Health Organization. Global TB database. Geneva,
Switzerland: WHO, 2008.
11 Floyd S, Sismanidis C, Yamada N, et al. Analysis of
tuberculosis prevalence surveys: new guidance on bestpractice methods. Emerg Themes Epidemiol 2013; 10:
10.
12 World Health Organization. Global tuberculosis control:
epidemiology, strategy, financing. Annex 3: Country Profile, Ethiopia. WHO/HTM/TB/2009.411. Geneva, Switzerland: WHO, 2009: pp 105–108.
13 Federal Ministry of Health of Ethiopia. TB control programme annual performance report 2010/11. Addis Ababa,
Ethiopia: Federal Ministry of Health of Ethiopia, 2011.
14 Ethiopian Health and Nutrition Research Institute. Report
on the 2009 Round Antenatal Care Sentinel HIV Surveillance in Ethiopia. Addis Ababa, Ethiopia: Ethiopian
Health and Nutrition Research Institute, 2011.
15 Wang L, Zhang H, Ruan Y, et al. Tuberculosis prevalence in China, 1990–2010: a longitudinal analysis of national survey data. Lancet 2014; March 14: pii [Epub
ahead of print]
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
16 Tropical Disease Foundation. Final report Philippines
1997. National Prevalence Survey. Makati City, The Philippines: TDF, 1997.
17 World Health Organization. Global tuberculosis report,
2012.
Annex
2:
Country
Profile,
Ethiopia.
WHO/HTM/TB/2012.6. Geneva, Switzerland: WHO,
2012: p 113.
18 Mineab S, Bahlbi K, Melles S, et al. Determining the
burden of tuberculosis in Eritrea: a new approach. Bull
World Health Organ 2007; 85: 593–599.