L`élève, les langues, l`école en Guyane (A. Coïaniz)

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L`élève, les langues, l`école en Guyane (A. Coïaniz)
Education et Sociétés Plurilingues n°7-décembre 1999
L'élève, les langues, l'école en Guyane.
Approches écodidactiques et interculturalité
Alain COÏANIZ
La vie est un chemin
qui s’invente avec les
yeux
qui s’efface avec les
pas
–Indiens Matawaï
A lungo limitata alle rappresentazioni riduttrici del penitenziario e dei missili "Arianna",
la Guiana, dipartimento francese dal 1946, lancia una sfida ai didattici: vi coabitano una
ventina di lingue e di comunità: Amerindiani, Negri Marroni, Creoli, Hmong, Cinesi
eccetera... Benchè il francese sia la lingua ufficale, le lingue del quotidiano alternano e
si mescolano in modo diverso, a seconda delle regioni e delle interazioni. I rapporti che
i locutori intrattengono con la scuola, la formazione, la mediazione, l'autorità,
l'espressione personale, creano situazioni che culturalmente contrastano e che si
ritrovano nel contesto della scuola. Mal preparati, gli insegnanti ignorano o spesso non
prendono in conto questa realtà ricca, ma molteplice. Secondo la nostra ipotesi, no è
possibile concepire una metodologia dell'insegnamento del francese e riflettere
sull'insegnamento della lingua, senza conoscere l'ecodidattica, che questo rapido
sguardo sulla realtà della Guiana cerca di rendere concreta.
Long reduced to images of the penal colony and of Ariane, French Guyana, which
became French in 1946, is a didactician's challenge: nearly 20 languages coexist, and as
many minorities, from Amerindians to Maroons, Creoles, Hmongs, Chinese... Though
French is the official language, in daily use languages alternate and mix, differently
according to regions and situations. The way speakers relate to school, to learning, to
mediation, to authority, to subjectivity, provoke culturally contrasted situations, in the
schools as well as elsewhere. With little preparation, teachers are hardly aware of or
choose to ignore this rich but diversified reality. Our hypothesis is that it is only through
ecodidactics that one can arrive at a method for teaching French. This overview of the
realities of French Guyana attempts to make such an approach a somewhat more
concrete proposition.
Mosaïque ou camaïeu?
À Saint-Jean, après un ultime effort horizontal et goudronné, la route qui,
de Cayenne passe à Saint-Laurent-du-Maroni, cède la place, devant la
gendarmerie, à la verticalité de la forêt. Là, une borne, blanche et jaune:
Paris, 7602km. Nous sommes en “France équinoxiale”, pour reprendre
l’expression de Louis XIV. Viridité végétale de 92000km², faune
turbulente, colorée et variée qui ne le cède en rien aux hommes: une
vingtaine de langues s’entremêlent et dessinent des espaces incertains de
pratiques, de valeurs et de mondes sémantiques parfois encore mystérieux.
A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
Sur 420km de côtes aux traits changeants, soumis aux caprices des boues
de l’Amazone, la forêt oppose son front têtu à l’Atlantique, et le pâle ruban
de terre et de savanes qui la longe concentre dans quelques cités, Créoles,
Chinois, Haïtiens, Brésiliens, Métropolitains, alors que le fleuve Maroni
abrite les Bushinenge et que les Amérindiens, à la lisière de la forêt, à
l’orée des villes, dans l’entre-deux de l’Histoire et du présent, rappellent
par leur seule présence silencieuse que cette terre n’appartient, de fait, à
personne. Et au milieu de tout cela, l’école hexagonale, avec ses chaises en
rang d’oignon, ses tableaux noirs et plats, ses programmes noirs et plats,
ses inspecteurs, ses conseillers pédagogiques, ses 4 à 7% d’augmentation
annuelle de la population scolaire – ses 60% d’échec aussi.
Plutôt que d’attribuer à de vagues considérations interculturelles ou
sociales cet échec patent du système scolaire et d'assimiler cette diversité
linguistique à un “conflit”, nous avons préféré voir en l’école, après deux
ans de visites et d’une immersion de coeur dans le milieu guyanais, le lieu
de construction d’une possible culture commune – si Dieu, le Recteur et le
Ministre le veulent bien: les Guyanais, eux, le demandent, pour peu qu’on
les respecte.
Le refrain des affrontements culturels, nous l’avons vécu: en ex-HauteVolta en 1969 et ailleurs, dans l’Afrique des post-Indépendances... Mais
quel rapport subjectif au langage, aux modes de construction du savoir, à
la médiation, au groupe, au jeu ?... Rien n'en est dit. Pendant que les
Technocrates de l’enseignement agissent, les pédagogues, en prise avec les
difficultés de l’apprentissage et de l’éducation, muselés, attendent.
Une histoire – un peuple?
En 1500, Yanez Pinzon débarque dans la baie de l’Oyapock. Henri IV, en
1604, envoie l’expédition de la Revardière: la colonisation commence.
Mais il faudra attendre 1664 pour qu’elle devienne réalité. C’est d’ailleurs
un peuplement difficile qui la caractérise: en 1763, Choiseul organise
l’installation de 12000 colons à Kourou, mais les conditions sont telles que
8000 d’entre eux meurent. Les rescapés fuient dans les îles du Diable, dès
lors dénommées îles du Salut. Cette lointaine possession est parfois oubliée
par la France: de 1809 à 1815, les Portugais occupent Cayenne. Il faut
attendre 1855 pour qu’un intérêt se manifeste: c’est la ruée vers l’or. Les
25000 orpailleurs rêvent de fortune scintillante dans l’humidité verte (il en
restera 2000 en 1950). Au même moment (1851) la transportation
commence, suspendue en 1857, en raison d’une trop grande mortalité – ! –
elle reprendra en 1875, pour se terminer définitivement en 1947. Les
occidentaux étaient envoyés, eux, en Nouvelle-Calédonie. Seuls les
condamnés coloniaux (Algériens, Asiatiques) y étaient encore incarcérés,
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avec en arrière-plan, toujours, le souci de peupler cette terre lointaine et
inhospitalière. On y envoie donc des femmes et on instaure la règle du
“doublage”: les prisonniers condamnés à des peines inférieures à 8 ans
doivent séjourner en Guyane, leur peine purgée, 8 autres années. Au-delà
de 8 ans de condamnation, le séjour est définitif.
Les frontières sont fixées, à l’Ouest en 1891, à l’Est en 1900 et au Sud en
1956, sans que cessent les contestations avec les états voisins. La Guyane
devient département français en 1946, mais le territoire de l’Inini demeure,
régi par un gouverneur jusqu’en 1969, et la loi française est appliquée de
manière “souple” aux populations de l’intérieur: attribution “en bloc” de la
citoyenneté française, aménagements relatifs au service militaire.
Les mots du Maroni: les "Noirs marrons".
L’exploitation du plateau des Guyanes par les Français, les Anglais et les
Hollandais s’est vite heurtée à la conception “indienne” du rapport à la
terre: les Amérindiens, en effet, n’en sont pas propriétaires, mais
gestionnaires. Il fallut donc chercher une main d’oeuvre ailleurs.
L’esclavage fournit la solution: suspendu de 1794 à 1802, il sera rétabli
jusqu’en 1848, date à laquelle il sera définitivement supprimé à l'initiative
de V. Schoelcher. Des coolies de l’Inde, des Chinois, des Africains
viendront ainsi en Guyane, invités de force jusqu’en 1852. Un “Code Noir”
a même été édicté en 1685. Mais l’événement qui a marqué profondément
la société guyanaise jusqu’à ce jour demeure le marronage, la fuite des
esclaves des plantations de Guyane hollandaise au 18ème siècle (1). S’il ne
s’agit pas là à proprement parler d’une origine commune, c’est au moins un
événement marquant, symboliquement partagé et sans doute un trait de
l’identité guyanaise, qui s’exprime par un individualisme réel, mal accordé
à certaines activités scolaires, comme en témoignent de nombreux
enseignants.
Quoi qu’il en soit, plusieurs dizaines de milliers d’esclaves s’enfuient,
luttent contre les maîtres, et en 1760 la Hollande reconnaît ces
communautés: Ndjuka (3000 environ aujourd’hui en Guyane française,
20000 environ au Surinam), Saramaca (800 en Guyane française, 20000
hors Guyane), Paramaca (1200), Matawai (1000 en tout, issus d’une
scission d’avec les Saramaca), Kwinti (une centaine), Boni (2000, dont le
groupe s’est constitué vers 1780). Les Bonis, ou Alukus (du nom du chef
fondateur mais celui-ci, vaincu par les Ndjuka, voit sa communauté prendre
le nom d’un autre chef en 1793), s’allient sur le Haut-Maroni aux Indiens
Wayana, qui leur enseignent la chasse, la pêche, l’agriculture. Ils
s’installent en Guyane française, sur les rives du Maroni, les autres groupes
s'installent de part et d’autre du fleuve.
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Une de leurs activités est le transport par pirogue. Tous créent leurs
structures sociales, inspirées de leurs origines (Congo, Ashanti, Dahomey),
autour du Gran Man (2), qui juge, arbitre et tente de concilier les partis,
alors que les Anciens maintiennent la tradition, détiennent la sagesse.
Individualistes, ce n’est que récemment qu’ils ont commencé à entretenir
des relations avec les structures françaises. Les femmes sont réputées sans
coeur, infidèles, égoïstes: on s’en méfie et s’en protège en les écartant de la
plupart des activités sociales. Les enfants, qui appartiennent au clan de leur
mère, dépendent peu de l’autorité du père et sont initiés, à “l’âge de raison”
aux kunus (croyances et interdits, en particulier contre l’inceste). La
monstration est le comportement le plus fréquent dans l’éducation des
enfants, qui observent, imitent, reproduisent les agissements des adultes, en
particulier dans leurs jeux. La petite fille, dès quatre ans, apprend de sa
mère les bases de l’hygiène, les rudiments du savoir-faire ménager, tandis
que le garçon construit peu à peu son rôle d’homme, en particulier en
subvenant aux besoins en nourriture, dès 7-8 ans: il devient “goni man”,
porte-fusil. Toute l’éducation vise à développer le sens de la responsabilité
des Bonis, que ne contredit pas un individualisme articulé à l’idéal antiesclavagiste. Les connaissances n’acquièrent véritablement de valeur que
par l’exercice, l’expérience. On imagine la difficulté à familiariser de
jeunes Bushinenge à l’idée d’une connaissance “gratuite”...
Les enfants grandissent au kampu (village) où les contes transmettent, le
soir, les savoirs et les proverbes ou mato. Les contes constituent, à
l’évidence, une base qui devrait être importante de la didactique du français
sur le fleuve, si l’on accepte le principe d’un ancrage culturel des supports,
et le respect d’entrées, de dimensions et de modes d’accès aux savoirs
variés.
Aujourd’hui, les parents adoptent des attitudes ambivalentes vis-à-vis de
l’école, soit en niant son discours dans l’enceinte familiale et en tentant de
préserver les coutumes, soit, au contraire, et c’est sans doute l’attitude la
plus fréquente, en taisant celles-ci pour survaloriser les codes scolaires, en
ce qu’ils apparaissent porteurs d’un destin meilleur pour leur progéniture.
Le français peut constituer une barrière à l’aide que les parents désirent
apporter aux enfants, comme le jeune âge d’un enseignant est susceptible
d’être le signe d’un manque d’expérience.
La chute des premières dents signe le passage du jeune Bushinenge à l’âge
de raison. Il relevait d’une éducation collective, était tenu à l’écart de la vie
sociale; il participera dorénavant aux cérémonies traditionnelles, comme les
enterrements, et il est intégré à des groupes définis par l’âge. Pour
l’observateur étranger, la société bushinenge apparaît surtout comme une
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société de transaction, où tout se paie. L’argent y est important, et, à la
limite, ce qui est gratuit (comme l’école...) peut être dévalorisé. Si l’on
songe d’autre part que les emplois salariés sont peu nombreux sur le fleuve
et que l’école est perçue comme un moyen d’accès à une activité
professionnelle, on comprend que le rapport à l’institution scolaire puisse
être nuancé.
On conçoit que l’école hexagonale puisse apparaître comme le lieu même
de l’étrange au petit Boni: enfermement, réflexion, contrainte,
enseignement et apprentissage commun, spectacularisation du savoir et du
non-savoir, place de dominé, appellation unique (alors que l’enfant possède
plusieurs noms, public ou secret, administratif, etc.). Mais les conséquences
négatives de la scolarisation ne sont pas là où on croit, dans une perte de
valeurs traditionnelles, dans une acculturation dommageable aux ancrages
culturels originels, mais bien dans le fait que les personnes, au sortir de
l’école, ne maîtrisent qu’imparfaitement les savoirs et pratiques de leur
milieu (abattis, pêche et chasse, reconnaissance des plantes médicinales,
etc.).
Les Bonis vivent en bonne entente avec les Indiens sur le fleuve, dans
l’idéal du respect absolu de la liberté d’autrui.
Bushinenge et Créoles. Les rapports des gens du fleuve avec les
Créoles ont évolué. Longtemps tenus pour les “hommes des bois” par les
Créoles qui, eux, se rapprochent d’un modèle européen, les Bonis ont peu à
peu représenté un certain idéal, fait de liberté, d’africanité, trait perçu
comme partagé par les Créoles, au moment où eux-mêmes ne constituent
plus numériquement le groupe le plus important (des chiffres actuels et
fiables manquent). Un Créole nous les dépeint ainsi (en 1999; cela aurait
été sans doute différent il y a seulement 5 ans): “Ce sont des gens timides,
qui s’expriment en public avec lenteur, réflexion. Ils sont souriants,
apprécient la négociation, au contraire des Noirs marrons du Surinam,
violents... ”.
Les langues du fleuve
De 1651 à 1700 environ, de nombreux esclaves en provenance du SudCameroun, d’Angola, du Bénin arrivent dans les Guyanes, parlant des
langues de la famille bantou et gbé. Le “taki-taki”, dont il est fait encore
aujourd’hui mention dans certains écrits comme langue des gens du fleuve,
signifie en fait “faire du tapage, parler pour rien” et est connoté
négativement. Le sranan-tongo, dont le “taki-taki” est une variante, est un
créole du Surinam et joue le rôle de langue véhiculaire sur le fleuve. Il est
aujourd’hui concurrencé par le wakaman-tongo, constitué d’un mixte des
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A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
parlers des Bushninenge et propre, semble-t-il aux personnes se déplaçant
pour le commerce dans la région de St-Laurent et sur les côtes. En fait,
chaque communauté dispose de sa langue.
Les mots des villes: les créoles
Les Créoles sont aujourd’hui 50 à 60000 et ne représentent plus que 40%
de la population. Ils ont été séduits par le modèle occidental (le carnaval,
fête créole, déploie ses fastes dans de somptueuses tenues, dont les robes
des femmes qui imitent les costumes des maîtres). Chacun s’accorde à dire
que trois événements ont marqué cette communauté: l’esclavage, la ruée
vers l’or (du milieu du 19ème siècle à 1930 environ) et la
départementalisation. En réaction au fond commun (la soumission et la
privation de liberté), ils affichent un fort individualisme.
La ruée vers l’or, avec ce qu’elle implique de valeurs occidentales
(enrichissement, “progrès”...), présente l’assimilation sous les traits de
l’occidentalisation. L’intégration au groupe dominant passera par la
scolarisation, l’apprentissage du français: dans de nombreuses familles, les
parents s’adressent en créole aux enfants, en raison d’une maîtrise
élémentaire du français mais ne tolèrent pas que ceux-ci répondent en
créole, “signe d’un manque de respect”. Cependant, la jeune génération
tend à marquer une nette évolution. Une jeune femme de milieu modeste
nous révèle qu’elle “... n’utilise le français (qu’elle maîtrise fort bien par
ailleurs) que pour parler de l’école et aider ses enfants aux travaux
scolaires”. La télévision et les jeunes usent d’un Francréole où la part du
français s’accroît, ce qui ne va pas sans difficulté, la frontière entre les deux
langues tendant à s’estomper et les élèves semblent parfois ne plus trop
savoir s’ils s’expriment en français ou en créole. Cet attrait du modèle
dominant se manifeste par la forte participation des Créoles à
l’administration, à la politique.
Les Amérindiens, les Bushinenge, longtemps méfiants à l’égard des
structures de la République, ont longtemps faits l’objet de représentations
négatives.
Les mots de la forêt: les Amérindiens
Ils se seraient installés en Amérique du Sud 20 à 30000 ans avant J.C.
Souvent associés de façon étroite à la forêt dans l’imagerie populaire, les
Amérindiens sont aussi pêcheurs, particulièrement à Awala-Yalimapo. De
la trentaine de groupes existant au 16ème siècle, vivant isolément – ce qui
explique la diversité des structures linguistiques – 6 subsistent aujourd’hui
après de nombreux regroupements. En ce qui concerne leur nombre, on
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A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
pense que, de 30000 à l’arrivée des Européens, ils n’étaient plus que 700 en
1948. Ils sont plus de 5000 aujourd’hui, répartis en trois grandes familles:
•
•
•
La famille Karib: Galibi et Wayana. Elle s’étend bien au-delà de la
Guyane française.
Les Arawak: Arawak et Palikur: il s’agit d’un groupe disséminé.
Les Tupi-Guarani: Wayampi et Emerillon, que l’on retrouve au Brésil et
au Paraguay.
Les Galibis (ils se nomment eux-mêmes Tülewuyu) ou Kalinas. À
Saint-Laurent, dans l’estuaire de la rivière Mana, à Iracoubo, Kourou,
Cayenne, ces 2000 Amérindiens font preuve de beaucoup de mobilité, en et
hors Guyane. On les rencontre entre Organobo et Iracoubo et à Awara, Les
Hattes, Paddock et Terre-Rouge. Beaucoup lisent et écrivent français; ils
sont pêcheurs, salariés, dynamiques et s'adaptent facilement; certains sont
devenus cadres. En 1986, un chef d’association est élu conseiller général et
en 1989 trois communautés de la basse Mana obtiennent leur statut de
commune (Awala-Yalimapo, où leur langue est couramment utilisée dans
les administrations, à la poste etc.). Leur société est patrilinéaire. Leur
scolarisation par des religieuses a commencé dès 1947. En 1970, les homes
regroupent des enfants séparés de leurs parents, ce qui ne va pas sans
difficultés.
Les Wayana. Au nombre de 500 environ, ils vivent dans une dizaine
de villages sur le Haut-Maroni, ils entretiennent des relations avec les
autres Wayanas du Surinam et du Brésil. Structurés autour de leurs
traditions (en particulier le maraké, initiation des adolescents), ils font du
commerce, voyagent, et s’adaptent aux nouvelles conditions, tout en restant
très attachés à leur liberté. Leur milieu, multilingue (créole, taki-taki du
Surinam, taki-taki des Noir Marron...) concourt à la mise en oeuvre d’un
outil composite de communication.
Les Arawak. 400 Arawaks vivent sur le littoral. Ils constituent la plus
anciennes population de Guyane, et, en concurrence avec les Galibis, ils
ont fui au Surinam, pour revenir en Guyane en 1945. On les trouve aux
environs de Saint-Laurent (quartier Balaté), à Mana, à Cayenne (route de
Stoupan). Habitués au travail salarié, c’est une population métissée dont la
langue et les traditions sont menacées, victimes de la paupérisation... Leur
société est matrilinéaire.
Les Palikur (de "Parikwene", autodétermination de l'ethnie, qui
s'identifie elle-même aussi par "Aukxayen", ou "gens de la rivière
Urucawa"). Habitants des estuaires et des savanes inondées, on les
rencontre dans l’embouchure de l’Oyapock (à Trois Palétuviers) et à La
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A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
Savane, près de Saint-Georges. Ces 600 agriculteurs et artisans voient leur
culture menacée, comme ils le sont par la pauvreté, mais une réaction est
aujourd’hui attestée.
Les Wayampi. Fuyant les Portugais au 19ème siècle, ils sont environ
600 en Guyane. Présents surtout dans deux villages près de Camopi, ils se
rencontrent également sur le Haut-Oyapock, à Trois-Sauts... Les chercheurs
affirment que quelques nomades vivent en forêt, sans entretenir de relation
avec quiconque. En 1992, un conseiller régional wayampi est élu. La
scolarisation, juxtaposant des savoirs métropolitains aux valeurs et
pratiques traditionnelles n’a rencontré qu’une grande passivité, jusqu’à ce
que P. et F. Grenand, anthropologues au CNRS, fondent en 1971 une école
où les apports scolaires sont mis au service du développement de la culture
des Wayampi, dans un rapport de dialogue qui fonde un système de
références permettant aux élèves de se situer.
Les Emerillons. Actuellement au nombre de 300, ils ont failli
disparaître (53 en 1950). Ils vivent sur le moyen Oyapock et sur la rivière
Camopi à l’est, et à Tampoki, affluent du Maroni, à l’ouest. Ils se nomment
eux-mêmes “Teko” (les hommes). “Emerillon” serait le mot “mauriu” (en
galibi: “porc-épic”) ou “mauyune” (en palikur: “gens du coton”). Ils ont su
conserver leur langue, un grand nombre d’entre eux parle également créole,
mais ils ne maîtrisent que fort peu le français, hormis les plus jeunes.
Cantonnés dans des emplois subalternes, ils sont l’objet de pronostics
pessimistes concernant leur intégration.
L’école et les Amérindiens
Si l’on veut comprendre quelques traits de l’élève amérindien, référence
doit être faite à son éducation, qui peut se caractériser par deux périodes
fortement contrastées, la petite enfance, jusqu’à 6-7 ans, et
l’autonomisation obligée, par la suite. Nous fondons ces descriptions sur
les entretiens que nous avons pu avoir et sur l’article de P. et F. Grenand
(1990).
Le nourrisson est considéré chez les Amérindiens (Galibi, Wayampi,
Emerillon) comme un être en devenir, à qui la force vitale manque: le père
pratique donc la couvade dans les quelques jours qui suivent sa naissance,
demeurant couché, sans bouger, sans manger, sans parler, serré contre son
enfant. On ne lui donne pas de nom immédiatement et le père va jusqu’à le
recouvrir de teinture noire, afin de le dissimuler aux esprits errants
mangeurs d’âmes. Plus tard, un nom secret (celui d’un aïeul le plus
fréquemment) lui est attribué, mais il ne sera révélé au groupe qu’après sa
mort. Enfin, le nom usuel, dont il peut changer, vient le désigner au sein de
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A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
la communauté, pour les interactions ordinaires, avant que l’état civil ne
vienne fixer administrativement son identité (sauf en ce qui concerne les
Wayanas). À ceci s’ajoute une dénomination clanique (Arawak, clans
matrilinéaires, et Palikur, clans patrilinéaires). Il est difficile de faire dire
son nom à un Amérindien et la demande d’identification à l’école ne reçoit
souvent en réponse qu’un mutisme: on ne répond pas à une injure! Par la
suite, l’enfant reste très proche de sa mère ou d’une autre femme du
groupe, sans cesse porté, et ne subissant jamais quelque réprimande que ce
soit. P. et F. Grenand remarquent la grande habileté de langage des enfants,
conséquence de cette proximité et du manque d’autonomie qu’elle infère.
Puis vient le sevrage, brutal, où l’enfant est pris en main par le père et les
grands-parents. “Sommé” d’autonomie, il reçoit, cadeau empoisonné, une
totale liberté. À lui de décider ce qu’il veut apprendre, ce qui lui sera utile
pour subsister et comment. Il n’est soumis à aucune obligation; s’il veut
apprendre, il observe. Les échecs et les punitions sont ignorées, mais aussi
les récompenses ou la reconnaissance d’une réussite. Les Grenand voient
dans ces comportements les bases du caractère des Galibis, indépendants,
responsables, calmes, pacifiques, dotés d’une grande confiance en eux,
d’une grande discrétion aussi dans la manifestation de leurs émotions. Les
enfants vivent, dès 10 ans, dans une autonomie pratiquement complète, en
groupe, apprenant la vannerie, la culture du manioc, les rudiments de
chasse, la culture et surtout la nature et les différentes utilisations de plus
de 1000 végétaux, tout ce qui fera de lui un véritable Indien. Il ne s’agit pas
pour lui de comprendre pour le plaisir mais de manière fonctionnelle.
De manière générale, la structure scolaire impose au jeune amérindien un
mode de relations qui lui est étranger, dans la mesure où, dans sa culture,
un enfant ne prend jamais l’initiative de s’adresser spontanément à un
adulte. D’autre part, les interactions nombreuses et pressantes du maître
vers l’élève, peu habitué à ce genre d’attention, créent un sentiment
d’insécurité chez celui-ci. Enfin, l’école s’accommode mal du silence,
composante de la communication amérindienne. Tant qu’elle ne se donnera
pas les moyens de donner du sens aux contenus qu’elle propose, on peut
douter qu’elle apparaisse autrement que comme un greffon sinon
indésirable du moins incongru, avec les risque de rejet que cela comporte.
On ne peut que s’étonner de certaines affirmations officielles:
“En la matière (orientations pédagogiques), point n’est besoin d’innover
(!): les principes bien connus (mais toujours à revivifier) de la pédagogie
active, s’ils sont intelligemment mis en oeuvre, suffisent largement à
répondre pour l’essentiel à la nécessité d’adapter les modalités de
l’enseignement (et non de tenir compte des spécificités d’apprentissage!)
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aux particularités du contexte (et non des apprenants!) ... L’efficacité de
l’enseignement qui y est dispensé est d’autant plus assurée qu’elle sait être
le lieux d’un enrichissement réciproque, et s’inscrit dans une problématique
de l’échange à laquelle les amérindiens souscrivent spontanément”
(Document de l’inspection de l’Éducation Nationale, circ. de l’Oyapock du
15 janvier 1996).
Quant aux difficultés linguistiques, on rappelle que l’enseignant a reçu à
l’IUFM une formation au FLE, puis l’on parle de français langue seconde...
En 1999, l’Orstom, avec le concours du CEFISEM (3), forme des
médiateurs bilingues destinés aux écoles primaires. Précisons que la langue
maternelle (le Kalina en l’occurrence, pour lequel O. Lescure, chercheur à
l’Orstom, a proposé dès 1980 un système d’écriture) est déjà utilisée pour
ce niveau au Surinam, où l’on assiste à une valorisation des langues
maternelles des élèves.
Les mots d'ailleurs:
Les Haïtiens. 30000 Haïtiens vivent en Guyane, alors qu’ils n’étaient
qu’une trentaine en 1960, environ 500 au début des années 70 et 1800 en
1980. Plus de la moitié est constituée de clandestins et leur arrivée régulière
et massive n’a pas manqué de créer chez les Guyanais un sentiment de
défense, malgré la discrétion obligée de cette population irrégulière.
Les Hmongs. C’est une population jeune (sur 2000 personnes, la
moitié a moins de 18 ans). Ces “hommes libres” (c’est la signification de
Hmong) ont été installés par le gouvernement français et sans concertation
avec les Guyanais, ce qui provoqua des réactions largement négatives, à
Cacao en 1977, à Javouhey en 1979, à 30km de Saint-Laurent et à
Rococoua, près d’Iracoubo, en 1990. Originaires du nord de la Chine ou de
Mongolie, ils fuient les guerres et les massacres dès le 19ème siècle vers le
Viêt-Nam, la Thaïlande et surtout vers le Haut Laos. Catholiques,
protestants ou animistes, ils sont répartis en 6 clans et tous travaillent dans
l’agriculture. Ils représentent une force économique certaine, alimentant en
légumes et fruits les marchés de Guyane, de Cayenne essentiellement, mais
sans jamais se mêler aux autres groupes. À Cacao, les enfants ne parlent
français que lorsqu’ils sont sollicités: ni le créole, ni le français ne sont
employés spontanément.
Les Brésiliens. Parmi les quelque 20000 Brésiliens vivant en
Guyane, près de 50% sont des clandestins venus par Saint-Georges du Para
et d’Amapa. À l’origine, ils venaient en Guyane pour de courts séjours,
employés comme saisonniers dans le bâtiment ou sur les chantiers
forestiers, mais le regroupement familial a contribué à l’installation de cette
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A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
main d’oeuvre autour de Cayenne, dans des quartiers que ne fréquente pas
la classe commerçante de Brésiliens installés depuis longtemps en Guyane,
qui les tiennent pour responsables de la péjoration de leur image.
Contrairement à ce sui s’écrit parfois, les Créoles ne les perçoivent pas
comme dangereux, même s’ils leurs attachent un certain nombre de
comportements sociaux négatifs, comme la prostitution, le bruit, les
disputes, etc.
Les Surinamiens. Après les massacres de civils de 1986 dans leur
pays, ils fuient vers Saint-Laurent. Composée surtout de Ndjuka venant de
l’est du Surinam, cette population retrouve en Guyane les membres français
de leur communauté. Ils seraient au nombre de 15000, mais Saint-Laurent
conserve en Guyane l’image d’un filtre aux larges mailles...
Les Chinois. La communauté chinoise s’est constituée en Guyane
aux alentours de 1850, d’abord par des immigrants originaires de Shangaï
et de Canton, puis de diverses régions de la Chine. Les plus anciens se sont
constitués en association.
Habituellement commerçants, les Chinois de Guyane constituent une
communauté fermée, organisée. La représentation de l’école, chez les
parents, a certes évolué: elle devait, il y a quelques années, préparer l'enfant
aux activités du commerce; aujourd’hui, les buts sont plus amples. Il n’en
reste pas moins qu’ils demeurent bien démunis devant les “fautes” de leur
progéniture... À l’école de la République, l’enfant chinois est sans doute
fort surpris des réactions de ses condisciples face aux professeur: lui, si
respectueux, obéissant et soumis, ne saurait comprendre l’activité de petits
Bonis turbulents... Il faut en chercher la raison dans le système axiologique
chinois: comme le rappelle fort justement A. Alcide, “l’empereur domine le
maître qui domine le père”. On ne s’étonnera pas du peu de participation de
l’élève en classe, qui ne connaît que le milieu familial, plus
particulièrement les grands-parents – ni crèches, ni garderies – avant l’âge
de la scolarisation. Cette éducation stricte ne ressemble que fort peu à celle
qui est pratiquée dans les autres communautés et le petit Chinois, qui joue
seul, parle chinois, aura fort à faire à l’école française: il communique peu,
ne s’intègre pas, bien qu’il mémorise beaucoup et progresse rapidement,
produisant des énoncés complets et satisfaisants (du point de vue du “projet
de correction”). La “spectacularisation” qu’implique l’école française va à
l’encontre des principes qui lui sont inculqués et A. Alcide fait mention de
cet exercice qui consiste à donner l’occasion à l’élève de prendre la
parole... dissimulé sous un masque.
Les langues se délient au marché de Saint-Laurent...
51
A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
Le créole qu’on y parle est sensiblement différent de celui de Cayenne –
Lescure précise que le créole est maîtrisé sur la côte, moins bien à
l’intérieur du pays, où “il est en compétition avec le taki-taki chez les
Arawak, les Galibi et les Wayana, avec le portugais du Brésil chez les
Palikur, et avec le français pour toutes les ethnies” –, entre celui des
Antilles et celui de Guyane selon M. Toulemonde (1993). Son origine,
hypothétiquement, pourrait être le mélange des populations à l’époque de
l’orpaillage. On peut, bien sûr, y entendre le francréole, ainsi nommé par
Arsène Bouyer d’Angoma, où les termes empruntés au français sont
nombreux. Le marché de Saint-Laurent, il y a 20 ans, résonnait sans doute
davantage de conversations en "pur" créole: à l’époque de l’orpaillage, les
Créoles de la côte avaient participé à cette ruée et la rencontre avec le
sranan-tongo était en leur faveur. Pour les Bushinenge (comme pour les
Amérindiens), il était important de parler créole s’ils voulaient commercer
ou simplement prendre contact ailleurs que sur le fleuve. Mais cette
créolisation n’est plus de mise: l’importance des échanges commerciaux en
sranan-tongo, l’augmentation de la démographie des groupes bushinenge
induit l’emploi de leur langue et on constate son développement aussi bien
chez les adultes que chez les jeunes. À côté de la langue officielle, le
français, et du créole qui compose une sphère des discours véhiculaires
administratifs (hors les usages familiaux), le sranan-tongo tient le rôle, dans
la région de Saint-Laurent, de langue vivante du commerce et de tous les
grands et petits travaux. En place de l’apprentissage du créole précédant
celui du français, c’est maintenant, dans cette région, le sranan-tongo qui
constitue l’objectif pertinent, la créolisation n’étant plus une étape obligée:
“Ainsi, les Hmongs ont-ils appris le français en cours d’alphabétisation
organisés en liaison avec leur installation en Guyane, le créole au marché,
et ils apprennent maintenant le sranan-tongo avec leurs ouvriers réfugiés
dans les champs, et au village chinois au cours des échanges”
(Toulemonde, p. 181).
Ce qui semble le plus intéressant pour le linguiste, c’est la nette tendance à
l’uniformisation de cette langue, qui prend ainsi rang parmi les grandes
langues usuelles de Guyane. Quant au “taki-taki”, il remplit les fonctions
de langue d’échange, sur le fleuve, entre les différents groupes, le wakaman
tongo joue le même rôle sur la côte. La question: mais quelle est donc la
langue prioritaire en Guyane? relève d’une approche naïvement
hexagonale. Ici (en Guyane), on parle plusieurs langues. “ Ce que tu sais
des hommes, c’est ce que tu sais des langues”, m’a dit un Amérindien, aux
confins d’une langue de sable à Yalimapo.
52
A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
Conclusion: L’autre dans mon apprentissage, ou l’élaboration d’un discours
commun à l’école
La Guyane vit plusieurs clivages: à celui, traditionnel, qui oppose les villes
et la côte aux profondeurs du pays, vient s'ajouter le partage entre le monde
moderne et le monde traditionnel (même si celui-ci est peu à peu investi par
la technnologie), entre "le pays réel et le pays officiel", pour reprendre la
distinction bien pertinente de Myriam Toulemonde, entre le "formel" et
l'"informel" du "business", mot-clé en Guyane (à Saint-Laurent, 26% de la
population adulte possède une couverture sociale grâce à un emploi ou par
le RMI: 74% trouvent donc d'autres solutions...)... Elle insiste à juste titre
sur la séparation d’avec les parents qu’implique la scolarisation pour les
enfants, plus difficilement vécue encore pour les non citadins; ils se
trouvent, à l’école, devant une grande difficulté lorsqu’il s’agit de parler
français. La participation orale, en particulier, est donc faible. Ajoutons que
les habitudes culturelles qui structurent le rapport à la parole personnelle,
au maître, aux modes d’accès aux savoirs etc., viennent interférer avec les
codes scolaires. Mais au-delà de difficultés d'ordre linguistique, ce sont les
conséquences d'une scolarisation mal pensée qui fait problème: l'école
"plaque" des connaissances non intégrées, souvent bien exotiques pour les
publics, sur des références vécues mais rarement verbalisées dans l'espace
scolaire. On peut espérer que les jeunes médiateurs sauront vaincre cet
obstacle de taille, d'autant plus que l'introduction des cultures et des
langues de Guyane à l'école ne constitue en aucune manière une panacée:
dotées d'un statut "scolaire", devenues "matières", objets d'apprentissage,
elles entreraient dans un univers cloisonné qui ne saurait leur conférer de
sens. Ce n'est qu'au prix de la mise en rapport des pratiques quotidiennes
des enfants avec les connaissances scolaires en général, soubassement d'un
discours de réflexion, de distanciation et d'appropriation, qu'elles
deviendront signifiantes. Sinon, coupés d'une véritable formation scolaire
qui leur reste étrangère, privés de la grande école de la forêt et des fleuves,
des populations guyanaises entières ne bénéficieront que d'un vernis
scolaire, qu'ils auront payé du prix de la méconnaissance des pratiques
indispensables à leur vie matérielle, culturelle et symbolique.
J’ai écrit ces lignes en espérant qu’un jour la Guyane sera guyanaise,
comme l’Alsace est alsacienne. Et je reste persuadé que cela ne se peut que
par et dans le creuset de l’École, par la volonté des Guyanais et la
collaboration des enseignants, des parents, des élèves – parfois, hélas,
contre l’institution, ou, du moins, sans elle. Rien ne s’y fera, transféré de
métropole, appliqué par des responsables claquemurés dans leurs bureaux,
appliqué, comme une pommade, en appuyant bien pour que ça pénètre.
53
A. Coïaniz, L'élève, les langues, l'école en Guyane
Les hommes et leurs cultures, les pays et les destins diffèrent. Et pourtant,
l’école demeure le lieu d’émergence d’une culture qui s’affirme commune
par le fait qu’elle s'élabore en commun, dans un langage commun, c’est-àdire ordinaire et partagé – objet du travail du didacticien, son honneur et sa
fierté. La seule réelle communauté prend source à l’école, dans un tissage
de discours. La langue, système et parole, constitue l’unique lieu (et non:
outil) où l’homme dit ce qui le rattache communautairement aux autres, par
le système, et ce qui le différencie, par sa parole, toujours unique, et
toujours pleine de l’autre.
Notes
(1) “cimarron”, fourré; les Noirs fuient leurs maîtres, sont recueillis par les
Indiens, s’organisent en sociétés, sur des bases excluant la domination et
les valeurs auxquelles ils ont été soumis. Ce sont les Bushinenge (nègres
des bois), le nom de leur groupe dépendant de celui de leurs anciens
maîtres ou de la plantation dans laquelle ils travaillaient, sauf pour les Boni
qui adoptent le nom de leur premier chef.
(2) Chaque groupe relève de l'autorité traditionnelle du Gran Man qui
détient surtout une autorité dans le domaine des relations avec les esprits et
les morts. Le conseil se réunit en cas de litige, rassemblant les kapiten et
leurs aides, les basias. On notera que les femmes peuvent accéder à la
charge de Gran Man après leur ménopause.
(3) Centre de formation et d'information sur la scolarité des enfants de
migrants.
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TOULEMONDE, M. 1993. Anthropologie des dynamiques interculturelles
et des développements dans la région frontalière du Bas-Maroni, Thèse
(février).
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