Convergence des médias et comportement du consommateur
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Convergence des médias et comportement du consommateur
Louise Courtemanche Doctorante en Sciences de l’Information et de la Communication, Chercheuse au Centre de Recherche sur les Médias, Université de Metz FRANCE Convergence des médias et comportement du consommateur: la publicité en mutation? NOTA BENE _________________________________________________________ L'accès aux textes des colloques panaméricain et 2001 Bogues est exclusivement réservé aux participants. Vous pouvez les consulter et les citer, en respectant les règles usuelles, mais non les reproduire. Le contenu des textes n'engage que la responsabilité de leur auteur, auteure. Access to the Panamerican and 2001 Bugs' conferences' papers is strictly reserved to the participants. You can read and quote them, according to standard rules, but not reproduce them. The content of the texts engages the responsability of their authors only. El acceso a los textos de los encuentros panamericano y 2001 Efectos es exclusivamente reservado a los participantes. 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Levitt affirmait que les différences culturelles disparaissaient, que les goûts et désirs de tous les peuples du monde devenaient remarquablement semblables et il encourageait les entreprises à ne fabriquer que des produits et services standardisés, à ne concevoir que des campagnes publicitaires uniques pour tous les marchés du monde. Les médias de masse, se prêtant bien à la diffusion d’un message unique pour des milliers de consommateurs, constituaient et constituent toujours la relation privilégiée de communication entre le producteur et les consommateurs. Pourtant, de nombreux débats sur la globalisation/segmentation et l’uniformisation des cultures ont rapidement succédé à la thèse de Théodore Levitt, propulsant le domaine de la publicité au centre de la controverse : fallait-il adapter le message publicitaire ? Ce débat se poursuit encore aujourd’hui alors qu’on assiste depuis plusieurs décennies à une montée en puissance très précipitée des « nouvelles technologies de l’information et de la communication » qui permettent une segmentation extrême du marché, une relation individuelle et personnalisée avec chaque consommateur. En très peu de temps, les entreprises, les publicitaires et les consommateurs ont été confrontés à des techniques de communication radicalement différentes, sous l’augure d’une nouvelle société de la communication qui allait tout changer à travers la convergence des médias et l’interactivité: la façon de communiquer, de consommer, de se divertir. Plusieurs définitions de la convergence des médias circulent: superposition des télécommunications, de la télévision et d’Internet, ce qui engendre la télévision interactive ou la WebTV ; la combinaison de plusieurs dispositifs techniques, par exemple le téléphone portable assorti d’un agenda électronique, doublé d’un lecteur MPEG4 et d’une caméra numérique… ; ou encore l'interaction entre divers supports médiatiques (par exemple le renvoi à un site Internet dans une émission de télévision)ii. Mais peu importe la définition à laquelle on adhère, cet engouement pour les nouveaux médias interactifs suscite de nombreux discours tant au niveau académique que professionnel. Selon Dominique Wolton, « La mode pour les médias thématiques, puis interactifs, ne constitue pas un « dépassement » de la problématique des médias de masse, elle constitue plutôt une adaptation à l’évolution actuelle, vers une individualisation des goûts et des comportements. »iii Les propos de Vincent Mabillot renforcent cette notion, affirmant que « l’interactivité marque une rupture entre une culture de masse et une culture de l’individu. »iv Les professionnels du marketing observent et tentent de comprendre cette culture de l’individu, la « Net Generation », comprenant les jeunes entre 10 et 19 ans. Ils prétendent que cette tranche de la population nord-américaine vit Internet et les médias interactifs plutôt qu’elle ne les subit. Grâce à son accès à Internet, sa participation aux forums de discussion ou aux « chat », cette génération fait preuve d’un niveau plus élevé de connaissances, d’articulation et d’exigences que la génération précédente au même âge. Une récente étudev auprès de cette cible a également signalé quelques différences frappantes entre la génération 25-45 ans et la « Net Generation ». Alors que les 25-45 ans adoptent entre autres l’ordinateur, Internet, le téléphone mobile, la Net Generation les internalise. Cette tranche de la population utilise les nouvelles techniques de communication sans y penser. S’attendant à des produits évolutifs et personnalisables, habitués au partage de fichiers et de contenus, effectuant systématiquement plusieurs tâches à la fois, l’attention de cette nouvelle génération devient plus difficile à capter. Exposés à des centaines de messages publicitaires par jour, le récepteur/consommateur a développé une certaine capacité à ne pas être influencé. Selon les discours professionnels, la convergence des médias et l’interactivité bousculent donc non seulement les usages du dispositif médiateur mais également les comportements des consommateurs face aux informations qui leur sont présentées. L’émergence de la publicité interactive, sur ordinateur ou à la télévision, donne au récepteur de nouvelles possibilités d’agir ou de réagir en temps réel. Comme la technologie progresse toujours plus rapidement que les pratiques sociales et culturelles, qu’elle incarne auprès de la population le progrès et la modernité, et qu’elle suscite dans le cas des technologies de la communication une grande polémique, il a semblé opportun de comparer les discours académiques et professionnels autour des théories de la communication et des pratiques actuelles de la communication publicitaire. Par le biais d'entretiens, les propos d’une vingtaine de ces professionnels de la communication ont été recueillisvi. Les dicours autour de la publicité Une logique principalement économique Parmi les porte-parole du champ professionnel de la publicité, on recense principalement les annonceurs, les publicitaires et les journalistes. Dans ce milieu, la vision économique, la « logique de communication marchande »vii, domine la façon de penser la communication publicitaire et influence les moyens de production des connaissances ainsi que les discours. Pour les annonceurs, les difficultés principales consistent généralement à trouver un moyen efficace d’atteindre et d’influencer les cibles de prédilection, avec un budget pré-déterminé et à travers une stratégie de standardisation ou de différenciation selon les caractéristiques socio-culturelles des segments visés. L’agence de communication, quand à elle, intervient habituellement dans la conception de la publicité et le média-mix (choix des supports médiatiques, budgétisation, etc.). Les impératifs d’efficacité de la publicité, le souci d’augmentation des ventes et les études de comportement du consommateur propulsent une grande partie des discours professionnels. La Fédération des Professionnels de la Communicationviii du Luxembourg, une association à but non lucratif, résume bien cette situation à travers la description de sa raison d’être : « faire progresser les connaissances et l'efficacité des pratiques dans les domaines du marketing, de la publicité et des relations publiques, ainsi que des communications économiques et sociales en général ». Et comme l’affirme avec conviction le responsable d’une agence de communication au Luxembourg : « Tout ce qui est à message utile, et qui crée de l’émotion en faisant grimper le chiffre d’affaire du client, c’est du bon travail. » L’organisation du marché de la publicité Au Luxembourg, les premières agences de publicité sont apparues à la fin des années 50, souvent issues du monde journalistique, mais ce n’est que depuis la fin des années 80 qu’une réelle expansion du marché publicitaire a débuté. Aujourd’hui, on recense 214 agences de communication (les autorités délivrant les autorisations de commerce englobent un éventail très large de métiers touchant de près ou de loin le monde de la communication, de la vente de pins à la gestion de la stratégie intégrée de communication). Cependant, dans ce pays de 2586 km carrés et 441,000 habitants, affichant trois langues officielles ainsi que plus de 37% de population étrangèreix, seules une vingtaine d’agences sont considérées comme étant « sérieuses ». Les particularités du marché luxembourgeois et les barrières à l’entrée feront qu’elles échapperont partiellement à la tendance mondiale des méga-fusions des années 80: on dénombre une seule fusion de deux agences locales, un partenariat avec une agence mondiale (Publicis) et une adhésion à un réseau pan-européen. Les agences internationales sont quasi-absentes du paysage luxembourgeois. Le débat globalisation/segmentation prend néanmoins une dimension importante puisque d’une part, les puissants annonceurs ayant souvent opté pour la standardisation de leurs messages conçoivent des campagnes publicitaires en supposant que le Luxembourg pourra très bien s’intégrer à la Belgique ou à la France, alors que les cibles luxembourgeoises présentent des particularités culturelles qui nécessitent une adaptation de la publicité. D’autre part, la diversité des cultures sur un si petit territoire et les budgets restreints (15 fois moins que les budgets en France pour une campagne similaire) contraignent les agences à adopter une seule langue véhiculaire, souvent une langue seconde ou même tertiaire pour la plupart des habitants, ce qui pose des difficultés quant à la réception du message, risquant de réduire ou même d’anéantir l’impact souhaité. Des théories et des pratiques La publicité est une discipline qui se positionne aujourd’hui à l’intersection des sciences de l’information et de la communication et des sciences de gestion et doit en permanence s’adapter à de nouvelles situations et contraintes. Mais les pratiques professionnelles puisent-elles dans les recherches et les théories en sciences de l’information et de la communication ? Eric Fouquier, un publicitaire de Paris répond partiellement à cette question : « A la différence des systèmes déterministes (sujet en tant que récepteur passif), les systèmes relativistes (sujet en tant que récepteur actif) sont presque absents de notre champ professionnel, et ils n’ont donné presque aucun outil qui compte pour nous… »x A la lumière de ces propos, nous pouvons inférer que beaucoup d’agences de communication conçoivent leurs campagnes de publicité sur des modèles dans lesquels les récepteurs sont considérés comme étant passifs, subissant le message véhiculé. Au Luxembourg, les professionnels interviewés déploraient le manque d’enquêtes et d’études professionnelles portant sur le marché et le consommateur. Les recherches théoriques récentes ne semblaient pas quant à elle constituer un réservoir catalyseur pour leurs pratiques. Un publicitaire déclarait : « Le discours des vendeurs de réclame est fini. L’approche intuitive et patriarcale doit être remplacée par une véritable analyse du marché », et renchérissait, « En 1922, un manuel a été édité qui a livré l’ensemble des recettes pour diffuser un message. Tout existait, mais la façon de publier le message est devenue plus technologique ». Soulignons que les années 20 nous situent à l’époque où la production industrielle se développait rapidement et les techniques publicitaires de persuasion servaient à « produire des consommateurs »xi à travers un conditionnement culturel et idéologique à la consommation de masse. Les travaux de A. Hennion et C. Méadel sur les pratiques des publicitaires (à partir d’observations ethnologiques) ont démontré que les publicitaires n’ont plus tendance à séparer le produit de son image comme c’était le cas auparavant. La division entre les caractéristiques techniques du produit et ses caractères signifiants ne peut plus se faire « parce que tout, du marketing au conditionnement en passant par les tests, la mesure de la concurrence et la mobilisation interne de l’entreprise, fonctionne sur le double registre de l’objet : chose, mais pour quelqu’un. »xii Contrairement aux débuts de la publicité, la chose à vendre pour laquelle le publicitaire doit insuffler un désir de consommation n’est pas un « produit fini ». Toutes les étapes de la chaîne publicitaire pourront généralement à tout moment modifier les composantes de ce produit (caractéristiques, nom, etc.) afin de créer un « objet du désir » xiii. Au Luxembourg, surtout en ce qui concerne les campagnes publicitaires internationales, le produit arrive généralement « fini » et les agences de communication doivent se contenter d’adapter le slogan ou le visuel en respectant strictement les consignes de l’annonceur. Lorsque l’annonceur ne soutient pas l’adaptation de la publicité, il arrive fréquemment que son efficacité soit nulle sur le marché luxembourgeois. P. Breton et S. Proulx expliquent que les contenus du discours publicitaire peuvent être analysés comme le reflet partiel de la société qui les conçoit, mais aussi comme source d’influence possible sur les stéréotypes et les images qui circulent parmi les individus. Finalement, la publicité reflète et agit sur les valeurs et les croyances et propose même de véritables styles de vie, les « besoins » n’apparaissant plus comme des données immuables mais plutôt comme des « construits » socioculturels.xiv Le milieu professionnel, à l’écoute de la logique économique prédominante, se tourne vers des modèles de l’efficacité de la publicité pour justifier les investissements. Pourtant, les nombreuses recherches dans ce domaine mettent en doute l’efficacité réelle qu’ont les publicités sur les attitudes et les comportements et ce, malgré leur intégration des découvertes de la psychosociologie et de la psychologie de la consommation ainsi que les résultats de nombreux travaux sémiologiques et psychanalytiques représentant le consommateur comme ayant des motivations, une capacité à choisir ainsi qu’à résister. Les résultats de ces travaux semblent bien avoir touché le monde professionnel, comme le fait remarquer un publicitaire : « Il faut se demander : d’où peut nous venir cette prétention à croire que la pub, quelque soit son message, va être capable de vraiment remuer les masses ? » Impact des nouveaux médias sur les pratiques et les processus professionnels Dans les années 80-90, on assiste au niveau mondial à une évolution non seulement sémantique mais aussi fondamentale dans le métier de la publicité : les agences de publicité se métamorphosent en agences de communication, résultat, selon Armand Mattelartxv, des défis économique, politique, culturel et écologique auxquels l’entreprise doit faire face. Converties en agences de communication, au métier de la création s’ajoutent ceux de gestion de la communication totale, du marketing et du planning média. Puis, à partir du milieu des années 90, l’importance croissante des nouveaux médias influence la réorganisation de plusieurs agences de communication, soit par le biais de la création de nouveaux départements intégrant des spécialistes techniques des nouvelles technologies, soit à travers la création de partenariats avec des entreprises informatiques. On assiste donc à une transformation partielle des pratiques professionnelles, différents profiles devant travailler ensemble et ne parlant pas forcément le même langage. De même, les divers acteurs en présence n’ont pas nécessairement la même perception des nouveaux médias ni ne subissent les mêmes impératifs (informaticiens, créatifs et commerciaux). Une convergence de métiers distincts qui se côtoyaient sans se croiser provoque de nouvelles difficultés de communication au sein des agences. Malgré ces bouleversements, la description des métiers de la communication que présente la Fédération des Professionnels de la Communication ne mentionne que superficiellement les nouvelles technologies dans les métiers liés à la gestion ou à la conception de la communication. Seule la fonction d’achat d’espace en fait mention : « A noter que de nouveaux moyens de communication s'ajoutent aux médias traditionnels : télématique, panneaux électroniques, supports multimédias… ». Notons aussi qu’avec la technicisation du métier de la communication, nombreuses entreprises informatiques ont été amenées à s’improviser publicitaire à la demande des clients ne trouvant pas satisfaction auprès des agences « traditionnelles » qui tardaient à emboîter le pas aux nouvelles technologies. Corollaire de ce phénomène (?), au niveau du processus de création du message publicitaire, la majorité des responsables d’agences interviewées ne semblaient pas considérer l’avènement des nouvelles technologies comme un changement radical nécessitant une redéfinition des processus déjà en place : « Ce sont des supports avec lesquels il faut compter…mais ils ne révolutionnent pas fondamentalement notre approche. (…) Ce qu’on ne trouvait que sur papier jusqu’il y a peu, se trouve aussi maintenant sur le Net. Il s’agit donc là d’une interface technique supplémentaire, ce qui ne change absolument rien à notre travail de base. » Consultants et journalistes, discours utopiques ? Contribuant de façon importante à « l’utopie de la société de la communication », les consultants et les journalistes ne cessent de prédire une révolution, statistiques à l’appui donc « scientifiquement » justifiée, clamant que les nouvelles technologies de l’information et de la communication, synonyme de progrès et de modernité, changeront le monde ainsi que sa façon de faire du commerce, de communiquer, etc.. Et quiconque refusera de « surfer » sur cette vague se fera phagocyter par les requins de la « nouvelle économie »… L’interactivité et les nouveaux médias incarnent, déjà aujourd’hui, l’avenir. Reprenant essentiellement le discours des industriels, ne le critiquant que très peu, les porte-parole du milieu professionnel et même les politiciens alimentent l’illusion de la société de l’information, aussi appelée « société cognitique » ou « société du savoir ». Faisant partie intégrante de ce flot discursif, les articles sur la publicité génèrent de nombreuses variations sémantiques (en-ligne, online, interactive, e- marketing, e-publicité, etc.) et s’interrogent principalement sur la manière de mesurer son efficacité, perpétuel débat économique peu importe les avancées technologiques. Vers une mutation de la publicité ? Actuellement, les publicitaires semblent reproduire la même démarche et le même processus créatif pour les nouveaux supports publicitaires. De la télévision à la télévision interactive, de l’imprimé à l’Internet, de l’Internet au téléphone mobile et au PDAxvi, les permutations possibles se multiplient très rapidement et les professionnels procèdent par tâtonnement pour tendre vers une adaptation technique acceptable. Il semblerait toutefois, d’après nos entretiens, que la prise en compte du rôle de plus en plus actif du consommateur ainsi que toute adaptation au niveau de la conception du message serait superflue. « Internet n’a pas été une priorité auparavant. Nous nous contentons de la mise en page car finalement, nous n’imprimons pas nos brochures non plus (…) Nous assumerons les responsabilités des mises en page et de la stratégie commerciale (...) Le nouveau média est utilisé comme les supports classiques, sauf que les gens l’abordent différemment. Il permet aussi de faire de belles animations. » Seule une agence semblait considérer qu’Internet, sous toutes ses déclinaisons, représente un changement sérieux : « Il s’agit d’un outil incontournable, et les agences ont intérêt à considérer cet outil révolutionnaire.» Révolutionnaire ou non, les professionnels et les chercheurs constatent les changements qui se manifestent au niveau de la technique, des modalités de contact entre l’entreprise et le consommateur et de l’organisation du travail, et reconnaissent une nette évolution vers une individualisation des goûts et des comportements. Ces changements confèrent simultanément au consommateur les statuts d’usager, de récepteur et d’acteur. L’émergence de ce nouveau consommateur ne paraît pas influencer ni le processus de création, ni les publicités interactives, celles-ci se limitant aux bannières (et ses dérivées) associées à un site Internet. De plus, la création et la production de ce type de publicités ne semblent pas, pour l’instant, relever des agences de communication mais bien d’entreprises de services informatiques. En revanche, la convergence des médias suscite l’intérêt des publicitaires comme média complémentaire devant s’intégrer dans une logique globale de la communication d’entreprise: « La communication online n’étant qu’un médium parmi tant d’autres, il s’agit de faire la convergence avec ceux-ci. » Convergences et divergences des dicours académiques et professionnels Les annonceurs préconisent, souvent au détriment de la créativité ou des aspects socio-politiques de la communication, une approche économique et marchande de la communication publicitaire. Les impératifs de la performance (vendre plus) et de l’efficacité (vendre plus vite) dictent la conduite des agences de communication. Alimentés par les discours médiatiques enflammés prônant l’avènement d’une société de la communication, les professionnels négligent les décalages entre la rapidité des discours souvent liée à la progression des techniques et la lenteur des changements dans les pratiques de communication, essuyant des revers parfois désastreux. La vague des faillites de « dot coms » illustre en partie ce décalage où les pratiques des individus n’ont guère suivi les discours. D. Wolton cerne bien la situation en postulant que les discours sur la communication, bien que tous légitimes, ont tendance à devenir des « théories », ou en tout cas à se présenter comme autosuffisants.xvii L’évolution rapide des technologies de l’information et de la communication entretient le marché des études et des prévisions statistiques qui prend peu ou pas de recul, empêchant l’adoption d’une position plus critique envers les événements. Les professionnels interviewés regrettaient le manque d’études spécifiques au marché luxembourgeois et n’ont fait allusion aux travaux issus de la recherche académique que pour évoquer des théories datant des années 20. Pour tenter d’expliquer ce vide théorique, bien que nous ne puissions tirer de conclusions définitives, nous pouvons suggérer que les propos académiques relatifs aux aspects sémiotiques, au comportement du consommateur et à l’efficacité des supports médiatiques aient été intégrés dans le domaine professionnel et donc ne sont plus considérés comme des propositions théoriques lointaines. Par contre, en ce qui concerne les nouvelles technologies de l’information et de la communication, D. Wolton pose une question fondamentale pour la recherche, question qui peut également rejoindre les professionnels de la communication : « Y a-t-il réellement une rupture du point de vue d’une théorie de la communication entre les médias de masse et les nouvelles techniques ? »xviii Les professionnels interviewés ont répondu « non ». Entre théories, études professionnelles et créativité publicitaire, un professionnel résume bien l’évolution de la communication publicitaire et la relation entre académiques et professionnels: « Je pense que la pub ne peut plus avoir la fraîcheur d'improvisation qu'elle avait encore il y a quelques années, où beaucoup de choses se faisaient de façon plus intuitive (pour ne pas dire « au pif »). Un bon mélange d'intelligence et de culot d'improvisation pouvaient mener à des résultats hors pair. Une fois soumise à l'analyse stricte, un établissement de règles bien définies a enlevé un peu de ce côté sainement instinctif. En se posant des bases plus solides, il y a forcément eu gain du côté du calcul des probabilités, mais peut-être aussi une perte au niveau de l'invention impertinente et très spontanée. Tout cheminement vers la reconnaissance mène tôt ou tard vers une académisation. La pub n'y échappera pas. Et je ne sais pas si cela donne raison à applaudir ou à regretter. »xix i T. Levitt, «The Globalisation of Markets », Harvard Business Review, May-June 1993 T. Bardini, S. Proulx, « Des nouvelles de l’interacteur : phénomènes de convergence entre la télévision et Intenet », ACFAS, 1999 iii D. Wolton, Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Champs/Flammarion, 2000 ii iv V. Mabillot, Mises en scène de l’interactivité, représentations des utilisateurs dans les dispositifs de médiations interactives, thèse de doctorat soutenue en janvier 2000, Université Lyon II v M. Modahl, Forrester Research, conférence lors du Milia à Cannes en février 2001 C. Neu, “La pub’ elle agence” dans PaperJam, Luxembourg, mars 2001 et L.Courtemanche, C.Brochard, Le marché des nouveaux médias au Luxembourg : état des lieux, Centre de Recheche Public Henri Tudor, Luxembourg, janvier 1999 vii A. Mattelart, La Publicité, La Découverte, 1994 viii http://www.fpc.lu ix http://www.statec.lu x A. Mattelart, La Publicité, La Découverte, 1994 xi J.Baudrillard dans P. Breton et S. Proulx, L’explosion de la communication , La Découverte, 1996 xii ibid xiii P. Breton et S. Proulx, L’explosion de la communication , La Découverte, 1996 xiv ibid xv A. Mattelart, La Publicité, La Découverte, 1994 xvi PDA : « personal digital assistant », tel le Palm Pilot, le Handspring Visor, le PSION, etc. xvii D. Wolton, Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Champs/Flammarion, 2000 xviii ibid xix C. Neu, journaliste freelance et publicitaire, Luxembourg vi