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IV magdimanche dimanche DIMANCHE 12 JUILLET 2015 CENTRE FRANCE V magdimanche dimanche CENTRE FRANCE DIMANCHE 12 JUILLET 2015 Reportage Tunisie Reconquérir la clientèle européenne Moins de touristes qu’avant depuis le Printemps arabe, et plus récemment, les attentats de Tunis et Port ElKantaoui. Pour la Tunisie, la clientèle touristique européenne est vitale : autorités et professionnels cherchent à la faire revenir. François Desnoyers «U n hôtel, un autre ici, un complexe là… » Sur la route qui mène de Sousse à Port ElKantaoui, sur la côte orientale tuni sienne, Ahmed n’en finit pas de compter les ensembles immobiliers dédiés aux tou ristes. Au volant de son 4x4 blanc, le guide contemple quarante années de déve loppement urbanistique in tensif. À grande vitesse, a été construit ici un « prêt à consommer » pour touristes européens. Cette côte s’est imposée comme une desti nation prisée, attirant tant pour son climat et son splendide cadre naturel que pour ses tarifs peu onéreux. L’inquiétude derrière le sourire des petites mains Pourtant, Ahmed est sou cieux. Car l’euphorie écono mique portée par le secteur touristique est totalement retombée. Ces policiers pré sents en nombre à chaque intersection, multipliant les contrôles, sont là pour le rappeler : le pays vit dans « l’après attentats ». Après l’attaque terroriste du musée du Bardo, à Tunis, en mars (22 morts), les en trées touristiques dans le pays ont nettement chuté (21,9 % entre le 1er janvier et le 20 juin 2015 par rap port à la même période en 2014). Ahmed, lui, n’a plus eu de demande pour effec tuer un circuit dans le dé sert, au sud du pays, depuis un mois et demi. D’ordinai re, il pouvait en organiser plusieurs par semaine. Le massacre perpétré sur le front de mer de Port El Kantaoui fin juin (38 morts) a réduit à néant les maigres espoirs des Tunisiens de « sauver la saison ». En France, une majorité des touristes ont fait le choix d’annuler leur voyage. « Sur place, il n’y a toutefois pas eu de phénomène de pani que des Français, très peu ont demandé un retour an ticipé, note Richard Sou bielle, du Syndicat national des agences de voyage. Pour autant, il est sûr que la sai son estivale sera durement touchée, tout particulière ment la catégorie des dé parts de dernière minute. » La Tunisie compte 12 % de la population active dépen dant directement ou indi rectement du tourisme. La présence des visiteurs étrangers est un enjeu vital pour le pays et ses habi tants. « Si le tour isme s’ é c r o u l e , l ’ é c o n o m i e s’écroule », résume la mi nistre du Tourisme. « Je ne sais rien faire d’autre que mon métier, et beaucoup de gens autour de moi sont dans le même cas, les nom breuses femmes de ménage des hôtels par exemple, ex plique un vendeur de sou venirs de Port ElKantaoui. Sans les tour istes nous n’avons plus rien. » L’inquiétude qui se devine derrière les sourires des pe tites mains du tourisme ne date pas des attentats de cette année. « La situation s’est considérablement dé gradée après la Révolution de 20102011, les touristes ont alors perçu la Tunisie comme un pays instable », explique une source diplo matique française présente à Tunis. « Cela a été tout particulièrement le cas des Français. Ils représentaient un touriste sur cinq avant la Révolution, et seulement un sur neuf aujourd’hui. » Cela fait déjà plusieurs an nées que les vendeuses de paniers des villages balnéai res peinent à vendre le fruit de leur travail. Et si l’activi té semblait donner des si gnes de redémarrage en 2014, l’attentat du Bardo a douché les espérances. Quelle parade ? Dès lors, quelle parade pour la Tunisie ? Face à la crise, le pays a déployé un imposant dispositif de sécu rité. Dans un pays où l’état d’urgence a été décrété, il a été décidé d’armer la police touristique. De fait, dans la zone côtière, les hommes de la sécurité publique sont partout. Dans des régions moins fréquentées, la pré sence des policiers est moins visible. Certains sont ■ REPÈRES Sécurité. Jeudi, le Foreign Office a recommandé aux touristes britanniques de quitter la Tunisie et déconseillé tout voyage « non essentiel » dans le pays. La Belgique et le Danemark ont fait de même. Le gouvernement français appelle uniquement ses ressortissants « à la vigilance » en déconseillant les régions frontières avec l’Alégrie et la Libye (www.diplomatie.gouv.fr) DIVERSITÉ. Forte d’un patrimoine historique (ici le ribat de Monastir) et de plages prisées, la Tunisie espère, dans le futur, séduire une gamme plus large de touristes. toutefois présents en civil dans les sites touristiques, prenant discrètement con tact avec les guides et ac compagnateurs. Les autorités ont égale ment appelé les hôtels à renforcer leur sécurité. « Ils nous demandent une plus grande vigilance, confirme Anouar Mosbeh, directeur de l’hébergement de l’hôtel Seabel, à Port ElKantaoui. Nous avons transmis le message à nos équipes qui ont suivi une formation dé diée ». Dans les aéroports, des contrôles de bagages sont effectués dès l’entrée des voyageurs dans l’infrastruc ture. « Les fouilles ont été renforcées, confirmeton à la compagnie Tunisair. Mais nous travaillons de façon discrète, afin de ne pas créer un climat anxiogène. » Dans le même temps, les autorités ont déployé des opérations de communica tion en direction du public européen, donnant à voir son meilleur atout : la beauté brute des paysages et du patrimoine tunisiens. Majestueux remparts de la médina de Sousse, grande mosquée de Kairouan, villa ges berbères accrochés à des éperons rocheux… Des campagnes ont été lancées après l’attentat du Bardo pour mieux les faire connaître. La Tunisie a ainsi cherché à amplifier le mou vement de solidarité qui s’est mis en place après l’at taque perpétrée au cœur de Tunis. La campagne « Tuni sie moi j’y vais » a permis à des personnalités publiques comme à des anonymes d’exprimer leur soutien au pays. S’il a connu un net ralen tissement après les événe ments de Port ElKantaoui, ce vent solidaire souffle toujours. Des Français se rendent en Tunisie cet été comme un acte de résistan ce de « l’après Charlie », un élan de solidarité avec le peuple tunisien. Selon les spécialistes du Maghreb, permettre aux Tunisiens de vivre de ce tourisme est une nécessité absolue pour évi ter que ne grossissent les rangs des intégristes. ■ PHOTOS LA MONTAGNE Nouvelle offre pour une clientèle plus aisée PLAN NATIONAL. Afin d’attirer une nouvelle clientèle, la Tunisie mène actuellement une réflexion sur une évolution de son modèle touristique. « Le low cost montre des signes d’essoufflement, les autorités veulent désormais diversifier l’offre, résume une source diplomatique présente à Tunis. Ce sera probablement l’angle d’attaque du plan national pour le tourisme qui est attendu en novembre. » En mettant en avant certaines activités (tourisme culturel, golf…) ou types d’hébergement (maisons d’hôte…), le pays espère attirer des étrangers au pouvoir d’achat supérieur. Certains établissements s’inscrivent d’ores et déjà dans cette logique. À Port ElKantaoui, l’hôtel Seabel a lancé il y a quelques années un spa de 2000 m² qui propose des soins haut de gamme. « Nous cherchons à élargir notre public et la vente de cures s’inscrit dans cette stratégie », confirme Anouar Mosbeh, le directeur de l’hébergement de l’hôtel. Auvergne Tourisme. Le pays possède près de 1.300 km de côtes. Les rivages orientaux attirent ainsi la grande majorité des flux de visiteurs étrangers. Mais le pays brille également par son patrimoine culturel. Fort d’une situation de carrefour, la Tunisie a vu se succéder sur son sol un grand nombre de civilisations (Phéniciens, Romains, Byzantins, Arabes…). Plusieurs sites sont inscrits au Patr imoine mondial de l’Unesco (l’amphithéâtre d’El Jem, la cité punique de Kerkouane et sa nécropole, Dougga, Kairouan, les médinas de Sousse et de Tunis, le site archéologique de Carthage, le parc national de l’Ichkeul). Pratique. La langue officielle est l’arabe, de nombreux Tunisiens parlent le français. La monnaie est le dinar tunisien. Une heure de décalage horaire en été avec la France (- 1 heure), pas de décalage l’hiver. GINETTE ET JACQUELINE. Venue maintenue, mais elles ont décidé de ne pas sortir du complexe hôtelier. Un des problèmes des professionnels du tourisme, un manque à gagner pour l’économie locale. « On est venu passer nos vacances ici quand même ! » Elles l’avouent : la question du maintien de leur venue s’est posée. Mais Ginette, 85 ans, et Jacqueline, 65 ans, ont finalement pris l’avion pour Monastir. « Après l’attentat du Bar do (Tunis, 18 mars 2015), j’ai été voir l’agence où la réservation avait été faite, et on m’a rassurée », explique la première. Pour leur quin zaine tunisienne, les deux femmes, or iginaires du nord, ont toutefois décidé de ne pas sortir du comple xe hôtelier où elles séjour nent. « Nous sommes là pour nous reposer ». C’est là l’un des problè mes des professionnels du tourisme. S’ils sont bien moins nombreux, les étran gers sont toutefois encore présents dans les hôtels de la côte orientale. Mais, par goût du farniente ou crainte pour leur sécurité, beau coup d’entre eux font le choix de rester au bord de la piscine pour l’ensemble de leur séjour. Un manque à gagner évident pour l’éco nomie du pays. « On ne b o u g e ra p a s, c’ e s t p l u s prudent », résume une mère de famille. Venu d’Istres avec sa fem me et sa fille, Éric, lui, va « bouger ». La famille s’ap prête à partir ce matin avec un groupe de leur hôtel pour une excursion à Sous se. « Je n’ai pas peur, ça ne risque rien, tranchetil. Il y a des zones sensibles qui sont bien identifiées, no tamment à la frontière li byenne, mais ailleurs, la si tuation est parfaitement normale. » Même analyse pour Lætitia, 25 ans et Pier reAlexandre, 29 ans. Ce couple du Havre séjourne à Port ElKantaoui et multi plie visites et activités. Hier le catamaran, demain le souk. Prix à la baisse « La Tunisie faisait partie des destinations possibles pour notre séjour, explique la jeune femme. Nous avons réservé après l’atten t a t d u Ba rd o m a i s s a n s crainte, un drame peut arri ver n’importe où. Et puis le pays avait un atout majeur : du fait des événements sur venus, les prix sont orientés à la baisse. » Pour Maryse et JeanPaul, la Tunisie n’est pas une es cale éphémère. Ce couple de retraités de l’Ain possède une maison dans la petite ville côtière de Hergla où il se rend régulièrement. De puis plusieurs décennies, il observe l’évolution de la fréquentation touristique tunisienne. « La Révolution a fait chuter notablement l’activité, indique Maryse. Et puis les choses ont un peu repris… Mais l’assassi nat du guide français, Hervé Gourdel, en 2014, en Algé rie, a eu un impact impor tant sur la venue des touris t e s f r a n ç a i s. No t re f i l s organise des chasses aux sangliers en Tunisie. Et après ce drame, les annula tions se sont multipliées. » « Ces mouvements de peur sont logiques, note JeanPaul. Mais, en réalité, il n’y a vraiment pas plus de risques dans ce pays que dans un autre. On voit ce qui a pu arriver à Paris… Alors nous continuons de venir, régulièrement. Tout simplement parce que nous sommes bien ici. » ■ Y aller. Le pays possède des aéroports internationaux dans ses principales villes, la plupart des grandes compagnies les desservent (Tunisair, Air France…). La durée du voyage est d’environ 2h30 pour Tunis ou Monastir depuis Paris. LÆTITIA ET PIERRE-ALEXANDRE. Catamaran et souk, visites et activités multipliées. « Nous avons réservé après l’attentat du Bardo mais sans crainte, un drame peut arriver n’importe où ». Auvergne