photo-protection par application topique d`antioxydants
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photo-protection par application topique d`antioxydants
Université de Rennes 1 U.F.R. de Sciences de la Vie et de l’Environnement Guillard Carine Master STS mention BAS spécialité Biologie Gestion Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Tuteur Pr Josiane Cillard Service Pharmacie : Biothérapies innovantes Composante Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Remerciements Je remercie Madame le Professeur Josiane Cillard pour ses précieux conseils et pour le temps qu’elle m’a accordé. Merci également à Céline Adenot, ma collègue de master, pour son soutien. 2 Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Carine Guillard Master STS mention BAS spécialité Biologie Gestion Université de Rennes 1, 263 avenue Général Leclerc, 35 000 Rennes Résumé L’exposition chronique aux UV est en majorité responsable du vieillissement prématuré de la peau. Les altérations induites par les UV s’ajoutent aux signes du vieillissement intrinsèque, génétiquement programmé ; on parle alors de photovieillissement. La peau dite photo-vieillie, présente alors des caractéristiques cliniques et histologiques particulières et distinctes des zones photo-protégées. Celle-ci est profondément ridée, tachetée, rougie, déshydratée, rigide et fragilisée. Les fibres de collagènes et d’élastine, constituant la matrice extracellulaire du derme, sont désorganisées et dégradées, les tissus cutanés sujets à l’inflammation. La production excessive de ROS, induite par les UV, est un facteur clé du photovieillissement. Les ROS sont en effet responsables de lésions oxydatives touchant les acides nucléiques, les protéines et les lipides. L’expression des facteurs de transcription AP-1 et NFκB, modulant entre autre, la synthèse des MMP et des cytokines pro-inflammatoires (IL et TNF-α), est alors stimulée par les ROS. L’utilisation d’antioxydants semble en conséquence, être une bonne stratégie de photo-protection : l’effet positif de leur application dans la prévention du photovieillissement a en effet été démontré dans des études cliniques. Les vitamines C et E ainsi que les rétinoïdes sont les antioxydants les plus utilisés par les laboratoires de cosmétiques ; les polyphénols, issus des végétaux, sont également de plus en plus formulés. Les polyphénols extraits du thé vert (EGCG), des graines de soja (Génistéine et daidzéine), des Carine Guillard | Mars 2011 3 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants pépins et de la peau de raisin (Resvératrol), des graines de Chardon-Marie (Silymarine), du fruit du grenadier (Pomegrante) ou des extraits d’écorce de pin (Pycnogénol) présentent des capacités antioxydantes et photo-protectrices parfois supérieures à celles des vitamines. L’utilisation de filtres solaires reste toutefois indispensable, les antioxydants supplémentent la protection apportée par ces derniers. Sommaire Abréviations p.5 Introduction p.6 L’action des UV sur la peau p.8 Rappel : la structure et les fonctions de la peau p.8 Rappel : les UV p.12 Les effets des UV sur la peau p.14 Le photo-vieillissement p.18 Les aspects cliniques et histologiques du photo-vieillissement p.18 Les mécanismes impliqués dans le photo-vieillissement p.20 L’application topique d’antioxydants p.28 Rappels : les systèmes de défenses endogènes et exogènes p.28 Les vitamines p.34 Les polyphénols p.38 Les antioxydants présents dans les cosmétiques p.49 Conclusion p.52 Références bibliographies p.54 Carine Guillard | Mars 2011 4 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Abréviations AP-1 : Activator protein 1 PTK : Protein tyrosine kinase PTP : Protein tyrosine phosphatase COX-2 : Cyclo-oxygenase-2 CPD : Cyclobutane pyrimidine dimers OPCs : Oligomeric proanthocyanidins EGCG : Epigallocatechine-3-gallate ROS : Reactive Oxygen Species EGF : Epidermal growth factor ERK : Extracellular regulated kinase SOD : Superoxide dismutases FGF : Fibroblast growth factor TGF-β : Transforming growth factor beta TIMP : Tissue inhibitor of GSH : Glutathion metalloproteinase 5 TNF-α : Tumor Necrosis Factor-α IκB : Inhibitory protein NF-κB IL : Interleukine UV : Ultraviolets JNK : c-Jun-N-terminal kinase VEGF : Vascular endothelial growth factor MAPK : Mitogen activated protein kinase 8-OH-dG : 8-hydroxy-2’deoxyguanine MMP : Matrix metalloproteinase NF-κB : Nuclear factor kappa B Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Introduction Le vieillissement cutané est un processus complexe et multifactoriel entraînant de nombreux changements fonctionnels et esthétiques. L’exposition chronique aux ultraviolets A et B est en majorité responsable du vieillissement prématuré de la peau (Zussman et al., 2009 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les altérations induites par les ultraviolets s’ajoutent aux signes du vieillissement intrinsèque, génétiquement programmé ; on parle alors de photovieillissement ou d’héliodermie (Yaar et Gilchrest, 2007). Le cou, le visage et les mains souffrent davantage de la surexposition aux ultraviolets (Makrantonaki et Zouboulis, 2008). La peau dite photo-vieillie, présente alors des caractéristiques cliniques et histologiques particulières et distinctes des zones photo-protégées. Ces caractéristiques ne diffèrent non pas selon l’âge de l’individu mais bien selon le degré de protection de la peau vis-à-vis du soleil (Berneburg et al., 2000). 6 Les travaux récents en biologie cutanée ont permis d'accroître les connaissances sur le processus de vieillissement, ainsi que sur les mécanismes et la contribution des ultraviolets dans le photo-vieillissement. Le stress oxydant, induit par une exposition aux ultraviolets et plus particulièrement aux ultraviolets A, joue un rôle majeur dans l’initiation du photo-vieillissement (Berneburg et al., 2000 ; Afaq et Muktar, 2006). La production excessive d’espèces réactives de l’oxygène, associée à la réduction des capacités antioxydantes naturelles de la peau, provoque alors des lésions oxydatives, préférentiellement sur les acides nucléiques, les protéines et les lipides (Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Palmer et Silverman, 2010). Les ultraviolets B sont quant à eux impliqués directement dans les dommages de l’ADN (Park et Lee, 2008). La compréhension des mécanismes biologiques et moléculaires responsables des modifications cliniques et histologiques de la peau photo-vieillie a conduit au développement de stratégies de traitement visant à prévenir le photo-vieillissement voire à relancer certaines activités biologiques ; on parle de stratégie de photo-protection. Pour exemple, l’application topique d’antioxydants permet de renforcer les défenses naturelles du corps et plus spécifiquement celles de la peau (Palmer et Silverman, 2010). En Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants consolidant les capacités antioxydantes de la peau, l’excès des lésions oxydatives est alors prévenu. Dans les sociétés occidentales où l’image est prépondérante, le photo-vieillissement et sa prévention sont aujourd’hui devenus des sujets de préoccupation aussi bien en thérapeutique qu’en cosmétique (Hillion, 2003 ; Afaq et Muktar, 2006). L’envie de bronzer et l’intérêt porté à la lutte contre les effets visibles du temps n’ont jamais été aussi importants comme en témoigne la demande en protections solaires et en soins dits « anti-âges ». Les marchés mondiaux des soins solaires (protections solaires, autobronzants et après-soleil) et des « anti-âges » ont généré respectivement 3,8 milliards de dollars en 2005 et 162,2 milliards de dollars en 2008 (World Health, 2009 ; Premium beauty news, 2010). Ces marchés devraient atteindre les 5,6 et les 291,9 milliards de dollars en 2015 selon le Global Industry Analyst,Inc. Afin de répondre efficacement à la demande actuelle et future en termes de photo-protection, une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans l’induction du photo-vieillissement est nécessaire. 7 L’objectif de cette synthèse est, d’une part, de comprendre les effets des ultraviolets sur la peau et les mécanismes impliqués dans le photo-vieillissement et, d’autre part, de répertorier les antioxydants connus pour leurs capacités photo-protectrices. Dans ce sens, une première partie portera sur l’action des ultraviolets sur la peau. Un rappel sera fait sur les structures de la peau et sur les connaissances acquises sur le rayonnement ultraviolet. Dans un deuxième temps, les mécanismes impliqués dans le photo-vieillissement seront détaillés après que les caractéristiques cliniques et histologiques de la maladie aient été évoquées. Enfin, la dernière partie sera consacrée à la photoprotection par application topique d’antioxydants. Un rappel sera fait sur les systèmes de défenses endogènes et exogènes, puis l’application topique de vitamines et de polyphénols sera détaillée par la suite. Pour finir, le point sera fait sur les antioxydants proposés par les marques de cosmétiques. Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants L’action des UV sur la peau Rappel : la structure et les fonctions de la peau Par ses dimensions, la peau est l’organe le plus important chez l’homme : sa surface est comprise entre 1,5 et 2 m2, son épaisseur varie de un à quelques millimètres selon les parties du corps considérées et son poids représente environ 7% du poids total du corps (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003). Une de ses fonctions principales est de protéger l’organisme des agressions extérieures, agressions d’ordre chimique, physique, mécanique ou biologique (Saliou, 1998 ; Nichols et Katiyar, 2010). La peau participe également à la régulation de la température et agit comme un organe auxiliaire de la respiration et de la sécrétion. Par ailleurs, elle constitue une réserve importante de graisse et participe à la production de la vitamine D (Hillion, 2003). La peau est constituée de trois couches cellulaires distinctes par leur structure, leur type cellulaire et leur fonction. De l’extérieur vers l’intérieur, on retrouve : l’épiderme, le derme et l’hypoderme ou tissu adipeux sous-cutané. L’épiderme L’épiderme constitue la couche la plus superficielle de la peau, son épaisseur varie de 0.04 mm aux paupières à 1.5 mm sur les paumes et la plante des pieds (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003). Cet épithélium est constitué de cinq strates correspondant à plusieurs stades de différenciation des kératinocytes, type cellulaire le plus abondant de l’épiderme (Figure 1). On retrouve de l’intérieur vers l’extérieur : - La couche basale ou stratum basal, - La couche de Malpighi ou stratum sipinosum, - La couche granuleuse ou stratum granulosum, - La couche claire ou stratum lucidum et, - La couche cornée ou stratum corneum. Carine Guillard | Mars 2011 8 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Couche cornée Couche claire Mélanocyte Couche granuleuse Couche de Malpighi Couche basale Cellules de Langerhans Kératinocyte Jonction dermo-épidermique Fibroblaste Matrice extracellulaire du derme Figure 1 : Structure schématique de l’épiderme. L’épiderme est constitué de cinq couches correspondant à plusieurs stades de différenciation des kératinocytes, type cellulaire le plus abondant dans l’épiderme. 9 La couche basale, couche la plus profonde de l’épiderme, joue un rôle fondamental dans la régénération de l’épiderme : c’est à partir des kératinocytes de cette strate que le renouvellement cellulaire est assuré et que l’épaisseur de l’épiderme est maintenu. Les kératinocytes, produisant la kératine, une protéine participant à l’imperméabilité de l’épiderme, vont se différencier progressivement. Au stade de la couche de Malpighi, le noyau des kératinocytes est en voie de dégénérescence. Les cornéocytes, kératinocytes kératinisés ayant perdus leur noyau, sont retrouvés dans la couche cornée. Perdant leur cohésion, ils vont desquamer peu à peu pour être régulièrement éliminés. De la couche basale à l’élimination par desquamation, le renouvellement de l’épiderme s’effectue entre 40 à 56 jours. Hormis les kératinocytes, l’épiderme est constitué de mélanocytes, cellules produisant de la mélanine et responsables de la pigmentation de la peau, de cellules de Langerhans, macrophages de la peau et de cellules de Merkel, cellules neuro-endocrines. Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants A l’interface entre l’épiderme et le derme, se situe la jonction dermo-épidermique. Cette structure acellulaire assure l’ancrage de l’épiderme au derme grâce à des structures spécifiques : les hémidesmosomes, les filaments et les fibrilles d’ancrage (Figure 1). Le derme Le derme fournit une base structurale et nutritionnelle à l’épiderme (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003). C’est un tissu conjonctif dense fibro-élastique constitué principalement de fibres de collagènes et d’élastine, de protéoglycanes et de protéines de structure. Cette matrice extracellulaire complexe, donnant à la peau son élasticité, est synthétisée par les fibroblastes, type cellulaire dominant du derme. D’autres cellules sont également présentes : des phagocytes, responsables de la phagocytose et de l’élimination des bactéries, des lymphocytes ou encore des cellules de Langerhans. Le derme est composé de deux strates : le derme papillaire, à l’extérieur, est un tissu conjonctif lâche, finement fibrillaire et le derme réticulaire, à l’intérieur, est un tissu conjonctif dense. Ce dernier est constitué de faisceaux épais de fibres de collagènes et d’élastine s’entrecroisant et est richement vascularisé et innervé. On y retrouve les annexes pilo-sébacées, les glandes sudoripares et les corpuscules nerveux (Figure 2). L’hypoderme L’hypoderme est un tissu graisseux conjonctivo-élastique constitué de lobes et lobules graisseux laissant passer les vaisseaux et les nerfs destinés au derme (Figure 2) (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003). Réserve énergétique, l’hypoderme amorti les coups et les chocs et protège l’organisme contre les variations de température extérieure, il est le siège de la thermorégulation. Carine Guillard | Mars 2011 10 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Poil Film hydrolipidique (Sébum + Sueur) Epiderme (80-100 µm) Pores Glandes sébacées Derme (3mm) Nerf Follicule pileux Glandes sudoripares Hypoderme 11 Réseau sanguin Cellules adipeuses Figure 2 : Structure schématique de la peau. La peau est composée de trois couches cellulaires : l’épiderme, le derme et l’hypoderme. L’épiderme, ayant un rôle de barrière, est composé de cinq strates correspondant à plusieurs stades de différenciation des kératinocytes. Le derme, soutenant l’épiderme et donnant de l’élasticité à la peau, est un tissu conjonctif fibroélastique constitué d’une matrice extracellulaire (collagènes, élastine, protéoglycanes et protéines de structure) synthétisée par les fibroblastes. L’hypoderme est un tissu conjonctivo-élastique richement vascularisé et innervé, protégeant des coups et des variations de températures extérieures. Après ce rappel sur la structure de la peau, le point suivant portera de la même manière sur les ultraviolets (UV). Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Rappel : Les ultraviolets (UV) Le soleil émet des rayonnements d’énergies différentes, certains d’entre eux parviennent jusqu’à la surface de la Terre : 56% des Infra-Rouges émis par le soleil (spectre de longueurs d’ondes comprises entre 780 et 5 000 nm), 39% de la lumière visible (400-780 nm) et 5% des UV (200-400 nm) nous atteignent (Hillion, 2003 ; Gonzàles et al., 2008). Les longueurs d’ondes les plus courtes étant les plus énergétiques, les UV constituent la portion du spectre solaire la plus active biologiquement. La profondeur de pénétration de ces rayonnements dans la peau va dépendre de leur longueur d’onde et de leurs interactions avec les cellules cutanées. Les UV sont communément décomposés en 3 segments : les UVC ayant les longueurs d’ondes les plus courtes (200-290 nm), les UVB (230-320 nm) et les UVA ayant les longueurs d’ondes les plus longues (320-400 nm) (Saliou, 1998 ; Berneburg et al., 2000 ; Hillion, 2003 ; Baron et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). 12 Les UVC Les UVC sont les rayonnements les plus énergétiques et donc les plus nocifs (Hillion, 2003 ; Nichols et Katiyar, 2010). Absorbés en totalité par la couche d’ozone, ils n’atteignent pas la surface de la Terre. Hautement mutagènes, ils servent à détruire les germes et à stériliser les blocs opératoires. Les UVB Les UVB sont stoppés à 95% par la couche d’ozone (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003 ; Baron et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les rayons atteignant la Terre, pénètrent jusqu’à 160-180 µm dans l’épiderme et le derme papillaire et affectent principalement les kératinocytes (Figure 3). Les UVB sont principalement absorbés par la couche cornée, 10% seulement atteignent le derme. Provoquant les coups de soleil après une exposition de quatre heures, les UVB sont dits « érythématogènes » et sont également responsables de la pigmentation tardive appelé bronzage. Les UVB sont par ailleurs impliqués dans le processus de carcinogenèse et Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants participent au vieillissement prématuré de la peau en agissant directement sur les biomolécules telles que l’ADN (Saliou, 1998 ; Berneburg et al., 2000 ; Hillion, 2003 ; Yaar et Gilchrest, 2007 ; Baron et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les UVA Les UVA, dont 90 à 95% des rayons atteignent la surface de la Terre, pénètrent profondément dans l’épiderme et le derme : jusqu’à 1 000 µm à l’intérieur de la peau (Figure 3). Ils peuvent alors affecter à la fois les kératinocytes et les fibroblastes (Berneburg et al., 2000 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les UVA traversent l’épiderme et sont absorbés par la mélanine, 20 à 30% atteignent toutefois le derme. Contrairement aux UVB, les UVA sont peu absorbés par les biomolécules et sont 1 000 fois moins « érythématogènes » (Baron et al., 2008). Toutefois, ils n’en sont pas mois dangereux : leur rayonnement génère la formation d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), puissants oxydants cellulaires s’attaquant à l’ADN, aux protéines et aux lipides (Berneburg et al., 2000 ; Baron et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les UVA induisent donc un stress oxydant, mis en cause dans le photo-vieillissement de la peau. Les UVA sont également impliqués dans la formation de cancers de la peau. Il est a noter par ailleurs que les quantités d’UV atteignant la surface de la Terre dépendent de la saison, de l’heure, de la latitude, de l’altitude et des conditions météorologiques (Kromann et al., 1986 et Moise et Aynsley, 1999 dans Wang et al., 2010). La quantité d’UVB augmente de 4% par pallier de 300 mètres d’altitude et de 3% pour chaque degré de latitude perdu. L’été quand le soleil est au zénith la quantité d’UV atteignant la surface de la Terre est maximale. Les nuages, le brouillard ou la pollution peuvent réduire de 10 à 90% la transmission des UV alors que l’eau, le sable, la neige peuvent réfléchir jusqu’à 90% des rayons. Carine Guillard | Mars 2011 13 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants UVA (320-400 nm) UVB (230-320 nm) Epiderme (80-100 µm) Derme (3 mm) Hypoderme Figure 3 : Profondeur de pénétration des UV dans la peau. 5% des UV atteignent la surface de la Terre. Les UVB (230-320 nm), dont seulement 5% des rayons parviennent à la surface de la Terre, pénètrent jusqu’à 160-180 µm à l’intérieur de la peau, 10% atteignent le derme. Les UVA, dont 90 à 95% des rayons parviennent à la surface de la Terre, pénètrent jusqu’à 1 000 µm dans la peau, 20 à 30% atteignent le derme. Les effets des UV sur la peau Les UV émis par le soleil parvenant jusqu’à la peau entraînent des réactions au niveau des structures biologiques qu’ils rencontrent. La réponse de la peau face à ce rayonnement dépend du phototype de la peau (peau claire vs peau foncée), de la composition spectrale, de la durée et de la fréquence d’exposition. Les effets peuvent être bénéfiques mais également délétères. Carine Guillard | Mars 2011 14 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants La synthèse de Vitamine D Les UVB induisent la synthèse de la vitamine D3 (1,25 dihydroxycholecalciférol) à partir de la provitamine D3 d’origine alimentaire (7-dehydrocholestérol) (De Haes et al., 2005 dans Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Gonzàles et al., 2008). Impliquée dans l’homéostasie calcique et dans l’intégrité des os, la vitamine D3 joue également un rôle dans la réponse immunitaire cutanée et dans la libération de cytokines inflammatoires. Elle protégerait ainsi les cellules cutanées contre la mort cellulaire en inhibant l’activation de protéines kinases et la production d’interleukine-6 (IL-6) consécutifs à une exposition aux UV. Avec l’âge, la synthèse de la vitamine D3 à partir de la provitamine D3 diminuerait considérablement du fait de la réduction des capacités de synthèse, d’un manque d’exposition au soleil et de la modification de certains comportements alimentaires. Le taux de provitamine D3 diminuerait de moitié entre 20 et 80 ans (MacLaughlin et Holick, 1985 dans Makrantonaki et Zouboulis, 2008). 15 La production de mélanine La production de mélanine est une réaction d’adaptation de l’organisme à l’exposition solaire (Hillion, 2003). Elle se déroule en deux étapes : la pigmentation immédiate puis la pigmentation tardive ou bronzage. L’absorption des UVA par la mélanine dans l’épiderme provoque la pigmentation immédiate. C’est un phénomène photo-chimique rapide et passager lié à photo-oxydation non enzymatique de la mélanine et de ses précurseurs. Ce processus cesse dès l’arrêt de l’exposition aux UVA. Le bronzage est un processus de long terme apparaissant 48 à 72 heures après les premières expositions aux UV. Les UVB stimulent la mélanogenèse : le nombre de mélanocytes augmente et la production de mélanine, protégeant contre les UVB et neutralisant les ROS, est favorisée. Le bronzage est une forme de défense du corps contre les UVB et constitue le mécanisme de photo-protection naturel le plus important. La pigmentation tardive varie selon le phototype de l’individu, son âge et le bronzage acquis. Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Les érythèmes actiniques ou coups de soleil L’érythème actinique est une réaction photo-toxique inflammatoire provoquant des nécroses cellulaires dans l’épiderme et des phénomènes vasculaires et inflammatoires dans le derme (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003). Il est la conséquence d’une exposition excessive et aiguë aux UVB et est renforcé par les UVA qui majorent l’irradiation des UVB. Le coup de soleil, associé à une sensation de chaleur et à un œdème local, apparaît 2 à 24 heures suivant l’exposition aux UV. Les UV déclenchent la libération d’eicosanoïdes (prostaglandines, leucotriènes et prostacyclines) provoquant une vasodilation des capillaires dermiques et une réaction inflammatoire localisée (Saliou, 1998 ; Hillion, 2003 ; Yaar et Gilchrest, 2007). La destruction de la membrane plasmique des cellules de l’épiderme ainsi que l’incapacité des cellules à réparer les dommages de l’ADN, induits par les UV, provoquent une mort précoce des cellules épidermiques. 16 La photo-immunosupression Les UV sont de puissants immuno-modulateurs (Hillion, 2006). D’une part, ils entrainent une baisse de l’immunité cutanée en altérant les capacités fonctionnelles des cellules de Langerhans. D’autre part, ils stimulent la production de substances immunodépressives au niveau de l’épiderme, telles que l’acide cis-uronique et les cytokines proinflammatoires (IL et TNF-α). La production de ROS L’exposition aux UVA génère un stress oxydant via la production excessive de ROS dans les cellules cutanées et plus particulièrement l’oxygène singulet, le peroxyde d’hydrogène et l’anion superoxyde (Murray et al., 2008 ; Agar et al., 2004 dans Matsui et al.,2009 ; Hillion, 2006). Les UVB génèrent également la production de ROS (Jurkiewicz et Buettner, 1994 dans Xu et Fisher, 2005 ; Zang et al., 1997 dans Zang et al., 2004 ; Afaq et al., 2005 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Nishigori, 2006 ; Yaar et Gilchrest, 2007). Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Les ROS, produits en excès, saturent les systèmes de défenses de l’organisme et induisent alors des lésions oxydatives graves. Les ROS oxydent plus particulièrement les phospholipides des membranes, les acides nucléiques et les protéines cellulaires et extracellulaires. Les dommages des biomolécules Les rayonnements UV, de longueurs d’ondes inférieurs à 320 nm, sont absorbés par les chromophores c'est-à-dire par la mélanine, l’ADN, l’ARN, les protéines, les lipides, les acides aminés aromatiques (phénylalanine, tyrosine et tryptophane) ou encore par l’acide trans-urocanique (Afaq et al., 2005 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Gonzàles et al., 2008 ; Matsui et al., 2009 ; Wang et al., 2010). Les bases pyrimidiques de l’ADN sont particulièrement touchées : les lésions peuvent être réparées par des enzymes spécifiques de réparation ou bien transmises aux cellules filles après mitoses (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Gonzàles et al., 2008). Les UVB induisent le plus fréquemment la formation de dimères de pyrimidines à cyclobutane (CPD) mais également des photo-produits pyrimidine (6-4) pyrimidone (Saliou, 1998 ; Wang et al., 2010). Les ROS induits par les UVA peuvent par ailleurs oxyder les bases nucléiques de l’ADN : le plus fréquemment, la guanine est oxydé en 8-hydroxy-2’deoxyguanine (8-OH-dG) (Agar et al., 2004 dans Matsui et al., 2009 ; Wang et al., 2009). Les UV déclenchent également la mutation de l’ADN mitochondrial, affectant alors les capacités des cellules à produire de l’énergie (Lavker et al., 1995 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Malgré les mécanismes régulateurs permettant l’adaptation de la peau à l’exposition solaire, les altérations répétées, induites par les UV vont s’accumuler et aboutir à des lésions visibles et irréversibles. A terme, les UV vont provoquer un vieillissement cutané accéléré, appelé photo-vieillissement, et/ou l’apparition des cancers de la peau (Hillion, 2003). L’effet chronique est dose-dépendant et cumulatif : le degré de photo-vieillissement est corrélé au niveau de protéines oxydées (Sander et al., 2002 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Carine Guillard | Mars 2011 17 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Le photo-vieillissement Le photo-vieillissement se définit comme étant le vieillissement provoqué par une exposition chronique au rayonnement solaire. Les altérations induites principalement par les UV s’ajoutent aux signes du vieillissement intrinsèque, génétiquement programmée. Après avoir exposé les aspects cliniques et histologiques du photo-vieillissement, les mécanismes impliqués dans cette maladie seront évoqués. Les aspects cliniques et histologiques du photo-vieillissement Les caractéristiques cliniques Les peaux âgées sont caractérisées par leurs rides, plus ou moins marquées, par leur sécheresse et leur rugosité, par l’augmentation de leur épaisseur et par une kératose actinique (Gilchrest et Rogers, 1993 dans Berneburg et al., 2000). Les peaux dites photo-vieillies présentent les mêmes caractéristiques mais ce de façon plus accentuée. Le cou, le visage, les mains et les avant-bras sont les plus touchés : la peau est tannée, tachetée (tache de rousseur et lentigine), rougie (télangiectasie), ridée, déshydratée (xérodermie), rigide (perte d’élasticité) et fragilisée (perte de vitesse de cicatrisation) (Berneburg et al., 2000 ; Hillion, 2003 ; Wang et al., 2010). La peau présente des inégalités d’épaisseur et de pigmentation (hypo- ou hyperplasie et hypo- ou hyperpigmentation). Des cas d’élastose et de maladie de Favre et Racouchot ont également été décrits. Des variations interindividuelles sont observées : les caractéristiques cliniques du photo-vieillissement dépendent du phototype de l’individu, de son degré d’exposition aux UV, de la couleur naturelle de ses cheveux et de sa capacité à réparer les lésions induites par le soleil (Berneburg et al., 2000). Les aspects cliniques du photo-vieillissement sont les causes de modifications histologiques touchant l’épiderme et le derme. Carine Guillard | Mars 2011 18 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Les caractéristiques histologiques Histologiquement, les modifications diffèrent quantitativement et qualitativement chez un même individu selon la partie du corps considérée (Berneburg et al., 2000). Du fait de l’atténuation des UV dans la peau, un gradient vertical des dommages de l’épiderme au derme est par ailleurs observé (Kligman, 1969 dans Berneburg et al., 2000). Le plus fréquemment, les peaux photo-vieillies sont caractérisées par une désorganisation des fibres de collagènes, une diminution du nombre de fibres de collagènes et d’élastine, un aplatissement de la jonction dermo-épidermique et une dilation des vaisseaux sanguins (Rabe et al., 2006 ; Wang et al., 2010). Au niveau de l’épiderme, la couche cornée devient hyper-kératosique avec une alternance des zones hypertrophiques et atrophiques impliquant cliniquement sécheresse et rugosité (Gilchrest et al., 1979 dans Berneburg et al., 2000 ; Hillion, 2003 ; Yaar et Gilchrest, 2007). Les tâches pigmentées, de couleurs plus ou moins foncées, résultent de troubles de la maturation des kératinocytes, d’un retard de leur desquamation à la surface de la couche cornée et d’une désorganisation des mélanocytes (Hillion, 2006). La réduction ou l’augmentation des mélanocytes hypertrophiques dopa-positifs induit l’apparition de tâches de rousseur ; l’augmentation du nombre des mélanocytes et de leur mélanisation impliquent également lentigine et hyperpigmentation diffuse irréversible (Gilchrest et al., 1979 dans Berneburg et al., 2000 ; Yaar et Gilchrest, 2007). L’irrégularité des noyaux kératinocytaires et de l’épaisseur de l’épiderme, les troubles de la maturation des kératinocytes, la perte de l’ordre cellulaire et l’inflammation du derme induisent les kératoses actiniques. La peau prend localement un aspect rugueux avec formation de lésions rosées et croûteuses. Les kératoses sont considérées comme précancéreuses (Hillion, 2006). Au niveau du derme, l’agrégation de fibres élastiques anormales, épaisses et dégradées ainsi que la dégradation des fibres de collagènes dans le derme réticulaire induisent l’élastose. La peau, principalement au niveau du visage, du cou et des mains, perd de son élasticité et de sa souplesse : elle devient flasque et les rides se creusent (Kligman, Carine Guillard | Mars 2011 19 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants 1969 dans Berneburg et al., 2000 ; Hillion, 2003 ; Rabe et al., 2006). La dilation des vaisseaux du derme implique cliniquement la télangiectasie, principalement au niveau du nez et des joues (Yaar et Gilchrest, 2007). Au niveau des annexes cutanées, l’hyperplasie séborrhée s’explique par l’hyperplasie des glandes sébacées et la maladie de Favre et Racouchot par l’obstruction de l’orifice de ces glandes sébacées. Au niveau de l’hypoderme, la contraction des septae, séparant les lobes et lobules de graisses sous cutanés implique et accentue l’apparition de rides marquées et profondes. Les mécanismes impliqués dans le photo-vieillissement L’activation des voies de signalisation membranaires et nucléaires 20 Les ROS tels que l’anion superoxyde et le radical hydroxyle, l’oxygène singulet ou encore le peroxyde d’hydrogène, sont générés pendant le métabolisme aérobie et après une exposition aux rayons UV (Yaar et Gilchrest, 2007). Lorsqu’ils sont produits en excès et qu’ils saturent les capacités antioxydantes de l’organisme, les ROS interagissent au niveau moléculaire et modulent les voies de signalisation membranaires et nucléaires. Activation des récepteurs membranaires des cellules de la peau Dans un premier temps, les récepteurs aux facteurs de croissance, tels que le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGF), le récepteur du facteur fibroblastique de croissance (FGF) ou le récepteur à l’insuline sont activés par les ROS et ce de façon dosedépendante. Les récepteurs aux molécules pro-inflammatoires appelées cytokines tels que le récepteur au facteur alpha de nécrose tumorale (TNF-α) et le récepteur à l’interleukine 1(IL-1) sont également activés tout comme le récepteur à la protéine tyrosine kinase (PTK) (Rossette et Karin, 1996 dans Xu et Fisher, 2005 ; Afaq et Mukhtar, 2006). Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants L’activation du récepteur à l’EGF se fait par phosphorylation d’une tyrosine présente sur ces récepteurs quelques minutes après une exposition aux UV et ce du fait de l’inhibition par les ROS de la protéine tyrosine phosphatase (PTP) (Xu et Fisher, 2005). L’inhibition de cette phosphatase est due à l’oxydation par les ROS des résidus de cystéines, essentiels à l’activité catalytique de l’enzyme. L’activité des kinases est alors trois fois plus importante que celle des phosphatases. Le rôle de la PTP est donc de garder les récepteurs membranaires inactifs c'est-à-dire hypo-phosphorylés (Xu et al., 2006 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Les ROS peuvent également inhiber des récepteurs membranaires, c’est le cas du récepteur aux facteurs de croissance transformant beta de type II (TGF-β de type II) qui joue un rôle dans la régulation de la matrice extracellulaire du derme via la phosphorylation et la translocation dans le noyau de SMAD 2 : son inhibition réduit la synthèse de collagène de type I (Mercurio et Manning, 1999 et Chung et al., 1996 dans Xu et Fisher, 2005 ; Fisher et al., 1998 et Heldin et al., 1997 dans Yaar et Gilchrest, 2007). 21 Activation du facteur de transcription AP-1 Dans un second temps, l’activation des récepteurs membranaires est couplée à l’activation de trois kinases appelées Mitogen Activated Protein Kinase (MAPK) : les kinases régulatrices du signal extracellulaire (ERK), les c-Jun-N-terminal kinases (JNK) et la protéine p38 (Fisher et al., 1998 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Wang et al., 2003 dans Xu et Fisher, 2005 ; Afaq et Mukhtar, 2006). Une fois activées, les MAPK induisent l’expression du facteur de transcription Activator protein-1 (AP-1), composé de deux sous unités protéiques : c-Jun et c-Fos. La phosphorylation de la sous unité c-Jun par la JNK l’active et la stabilise, lui permettant alors de s’associer à c-Fos pour former AP-1. Ce facteur de transcription induit d’une part, l’expression de métallo-protéinases matricielles (MMP), protéines responsables de la dégradation de la matrice extracellulaire du derme et notamment des collagènes et de l’élastine. D’autre part, l’expression des procollagènes de type I et III et des récepteurs au TGF-β de type II est inhibée, en conséquence la formation de la matrice extracellulaire du derme est réduite. Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Activation du facteur de transcription NF-κB Les ROS activent également le facteur de transcription Nuclear factor kappa B (NFκB), facteur induisant l’expression de cytokines pro-inflammatoires (Wang et al., 2003 dans Xu et Fisher, 2005 ; Yaar et Gilchrest, 2007). Ce facteur est composé de deux protéines, p50 et p65. Ces deux sous-unités sont séquestrées dans le cytoplasme par l’inhibiteur de NF-κB : l’IκB. En présence de ROS,κBl’Iest phosphoryl é puis dégradé pa r le protéosome permettant ainsi la translocation de NF-κB dans le noyau (Mercurio et Manning, 1999 dans Xu et Fisher, 2005). L’expression de cytokines pro-inflammatoires telles que IL-1 et -6, du facteur de croissance des cellules endothéliales (VEGF), du TNF-α, des protéines impliquées dans l’immuno-régulation, et des MMP est alors stimulée (Figure 4) (Kang et al., 2001 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Hormis les facteurs de transcription AP-1 et NF-κB, les ROS activentégalement la phosphatidyl-inositol-3 phosphate kinase (PI-3 kinase/AKT), enzyme importante pour la survie de la cellule. Elle prévient de l’apoptose induite par les UV dans les kératinocytes (Wang et al., 2003 dans Xu et Fisher, 2005). Metallo-protéinases matricielles et matrice extracellulaire du derme Les MMP, présentes dans les kératinocytes de l’épiderme et dans les fibroblastes du derme, sont des enzymes dégradant la matrice extracellulaire du derme (Xu et Fisher, 2005 ; Abu Zaid et al., 2007). Celles-ci sont activées de deux façons. Premièrement, les ROS inhibent le tissu inhibiteur des métallo-protéinases matricielles (TIMP) : la diminution du TIMP est suffisant pour activer les MMP (Sato et Seiki, 1993 dans Berneburg et al., 2000 ; Sudel et al., 2003 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Secondairement, les ROS, via les facteurs de transcription AP-1 et NF-κB, activent l’expression des gènes codants les MMP. Le déséquilibre entre les niveaux de MMP et du TIMP est renforcé, la matrice extracellulaire du derme est donc dégradée (Xu et Fisher, 2005). Il est à noter que le facteur de transcription AP-1 induit l’expression de MMP-1, -3, -7, -9, -12 et -13 alors que le facteur NF-κB induit celle de MMP-1, -3, -8, -9 et -13 et Carine Guillard | Mars 2011 22 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants l’augmentation dans les fibroblastes du niveau des ARN messager codant l’élastase, une enzyme dégradant les fibres d’élastine (Chung et al., 1996 dans Xu et Fisher, 2005 ; Afaq et Mukhtar, 2006). La MMP-1 est une collagénase dégradant le collagène de type I, II et III ; la MMP-3 est la stromelysine-2, celle-ci dégrade le collagène de type IV et V tandis que la MMP-9, une gélatinase, dégrade les fragments générés par la MMP-1 (Scharffetter et al., 1991 dans Berneburg et al., 2000 ; Xu et Fisher, 2005 ; Rabe et al., 2006 ; Yaar et Gilchrest, 2007). La MMP-8 est une collagénase neutrophile qui aggrave la dégradation de la matrice (Afaq et Mukhtar, 2006). Les MMP jouent donc un rôle majeur dans la dégradation de la matrice extracellulaire du derme et dans le photo-vieillissement (Oikarinen, 1990 dans Berrneburg et al., 2000 ; Sudel et al., 2003 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Bassiouny et al., 1998 dans Abu Zaid et al., 2007). L’exposition aux UVB, à une dose équivalente à 1/10ème de la dose nécessaire à l’apparition d’un érythème (0.1 MED), induit l’expression des facteurs AP-1 et NF-κB en quelques minutes et l’expression des MMP en quelques heures (Sato et Seiki, 1993 dans Berneburg et al., 2000). 23 Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Inflammation et immunosuppression locales Les UVB induisent à la fois des dommages directs de l’ADN, une inflammation et immunosuppression locales. A travers l’induction de la cyclo-oxygénase-2, les prostanglandines, facteurs recrutant localement les cellules de l’inflammation, sont synthétisées à partir d’acide arachidonique dans les kératinocytes (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Nichols et Katiyar, 2010). Par ailleurs, les ROS induits par les UV oxydent la membrane lipidique des cellules de la peau induisant la libération d’acide arachidonique, renforçant ainsi le processus. Les UVB induisent également l’ornithine décarboxylase, une enzyme stimulant la synthèse de polyamines (Kochevar, 1995 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Ces dernières favorisent l’activité de la NO synthétase qui induit l’érythème, stimule la mélanogenèse et contribue à l’immunosuppression. De plus, les UV initient, via l’activation de AP-1 et de NF-κB, la production de cytokines inflammatoires et d’immunosuppresseurs : les IL-1, -6, -8 et -10 et le TNF-α (Rabe et al., 2006, Murray et al., 2008 et Wang et al., 2010). Le TNF-α induit par le facteur NF-κB, joue notamment un rôle important dans la réponse immunitaire cutanée en stimulant la phase de réaction aiguë de l’inflammation (Rabe et al., 2006 ; Makrantonaki et Zouboulis, 2008). La fonction immunitaire cutanée s’affaiblie par ailleurs avec l’âge amplifiant alors l’inflammation : on dénombre en moyenne 1 200 cellules de Langerhans par mm² de peau chez les jeunes contre 800 chez les personnes âgées (Makrantonaki et Zouboulis, 2008). Il est à noter également que les ROS induits par les UV entraînent l’isomérisation de l’acide trans-urocanique en acide cis-urocanique, un acide immunosuppresseur (De Gàlvez, 2010 ; Matsui et al., 2009 ; Afaq et al., 2005 dans Afaq et Mukhtar, 2006). Angiogenèse L’exposition au soleil, et plus particulièrement aux UVB, peut induire la formation de nouveaux vaisseaux. Deux facteurs angiogéniques, le VEGF ainsi qu’un dérivé du facteur de croissance des cellules endothéliales, sont surexprimées. Dans le même temps, l’inhibiteur Carine Guillard | Mars 2011 24 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants de la thrombospondine-1, un inhibiteur de l’angiogenèse, est inhibé via les ERK (Yano et al., 2005 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Kim et al., 2006 dans Makrantonaki et Zouboulis, 2008). L’altération des fonctions mitochondriales Les mitochondries sont les organites de la cellule qui produisent de l’énergie sous forme d’ATP tout en consommant de l’oxygène (Berneburg et al., 2000). Chaque cellule dispose de 100 à 1 000 mitochondries et chacune d’elle comporte 1 à 10 copies d’ADN mitochondrial. Cet ADN est circulaire et à double brin, il est composé de 16 559 paires de bases. Bien qu’équipé en système de défense, la présence continue de ROS, surtout dans la dernière étape de conversion de l’ADP en ATP, altère l’ADN mitochondrial (Berneburg et al., 2000 ; Rabe et al., 2006 ; Yaar et Gilchrest, 2007). Les systèmes de défense contre les ROS et de réparation de l’ADN sont peu efficaces dans la mitochondrie, la fréquence des mutations de cet ADN est cinquante fois plus élevé que pour l’ADN nucléaire (Richter, 1995 dans Berneburg et al., 2000 ; Ballard et Dean, 2001 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Le génome des mitochondries codant treize composés de la chaîne de transport des électrons, toutes altérations non réparées affectent la capacité de l’organite à générer de l’énergie pour la cellule (Richter, 1995 dans Berneburg et al., 2000 ; Berneburg et al., 1997 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Rabe et al., 2006). Les mutations de l’ADN mitochondrial et plus fréquemment les délétions augmentent avec l’âge et seraient impliquées dans les maladies dégénératives dont la maladie d’Alzheimer, dans le syndrome de Kearns-Sayre (myopathie oculaire associé à une ophtalmoplégie) et dans le photo-vieillissement. La délétion de la paire de base 4 977 est dix fois plus présente dans les cellules de peau photovieillie. Dans des études in vitro d’irradiation de fibroblastes à des doses physiologiques d’UV, des délétions de l’ADN mitochondrial apparaissent seulement après deux semaines d’exposition (Yaar et Gilchrest, 2007). In vivo, ces délétions de l’ADN sont toujours détectées quatre mois après l’arrêt de l’exposition (Berneburg et al., 2000). L’induction des mutations de l’ADN mitochondrial est dépendante de la durée et de la dose d’exposition aux UV : la fréquence de ces délétions n’est donc pas corrélée Carine Guillard | Mars 2011 25 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants seulement à l’âge chronologique de l’individu mais également à la sévérité de l’exposition aux UV (Berneburg et al., 2000 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Autre phénomène impliqué dans le dysfonctionnement physiopathologique de la mitochondrie : la production excessive de monoxyde d’azote (NO) via l’activation de la NO synthétase par les UV (Gonzales Maglio et al., 2005). La surproduction de NO corrélée à celle de l’anion superoxyde, suite à une exposition aux UV, induit la formation d’acide péroxynitreux (ONOO-) une substance fortement oxydante et très réactive. L’acide péroxynitreux serait impliqué dans la nitration et la nitrosation des protéines : la cytochrome oxydase ou complexe IV de la chaîne respiratoire mitochondriale serait particulièrement touchée. Le fonctionnement de la mitochondrie serait alors fortement altéré. Le NO et l’ONOO-, touchant les mitochondries, sont donc impliqués dans le processus d’érythème cutané, de photo-vieillissement et d’inflammation. Une corrélation a par ailleurs été montrée entre les fonctions décroissantes des mitochondries et l’induction de la MMP-1 (Berneburg et al., 2000 ; Rabe et al., 2006 et Yaar et Gilchrest, 2007). L’oxydation des protéines et des lipides Les lipides membranaires, particulièrement riches en acides gras polyinsaturés, représentent une cible privilégiée des ROS (Hillion, 2003). Les UV, responsables de la peroxydation des lipides via les ROS, vont entrainer une augmentation excessive de la production de peroxydes lipidiques, saturant alors les systèmes de défense de l’organisme. L’oxydation des lipides conduit alors à une désorganisation des membranes modifiant leur perméabilité et leur fluidité. Les protéines et plus particulièrement les acides aminés soufrés sont également la cible des ROS : la cystéine, la méthionine, la tyrosine, la proline, la thréonine sont particulièrement sensibles à l’oxydation (Shacter, 2000 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Une « mort métabolique » des cellules peut alors survenir. La dénaturation de protéines et la Carine Guillard | Mars 2011 26 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants perte d’activité enzymatique qui en résulte seraient fonction de la dose d’UVA reçue (Dalle Carbonare et Palhak, 1992 dans Hillion, 2003 ; Garmyn et Yarosh, 2006 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Les UVA, contribuant majoritairement à l’oxydation des protéines, activent certaines enzymes dont la collagénase, altèrent les groupements sulfhydriles d’autres protéines comme le collagène et inactivent certains antioxydants enzymatiques comme les superoxydes dismutases (SOD) et la catalase en induisant la formation de pontage au niveau de leurs sites catalytiques (Hillion, 2003 ; Yaar et Gilchrest, 2007). Les UVB peuvent également induire des dommages au sein des protéines du derme. Ils sont responsables du remaniement des fibres d’élastine provoquant peu à peu l’élastose. Les protéines oxydées de l’épiderme sont rapidement réparées par les méthionine sulfoxyde réductases contrairement aux protéines oxydées du derme (Sander et al., 2002 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Garmyn et Yarosh, 2006 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Leur accumulation, sous formes principalement de dérivés carbonyles, inhiberait alors le protéosome et donc la capacité de la cellule à dégrader les protéines altérées et à se défendre. Les mutations touchant les télomères Les chromosomes se terminent par des séquences spécifiques de type (TTAGGG)n. A chaque réplication, une séquence de 100 à 200 paires de bases est perdue (Zussman et al., 2009). Quand les télomères atteignent une taille critique et ne peuvent plus protéger l’information génétique, la cellule ne peut plus se diviser et entre en sénescence ou en apoptose. Les UV, et notamment les UVB absorbés directement par l’ADN, induisent la formation de dimères de thymine et provoquent des dommages parfois irréversibles. Une ou plusieurs mutations touchant les télomères et plus particulièrement les thymines peuvent donc entrainer l’arrêt de la réplication de la cellule, son entrée en sénescence ou l’activation des voies apoptotiques (Harley et al., 1990 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Zussman et al., 2009). Carine Guillard | Mars 2011 27 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Par ailleurs, l’oxydation des guanines en 8-oxo-dG induites par les UVA via les ROS touchent particulièrement les télomères du fait de leur séquence répétée riche en guanine. Les mutations touchant les télomères peuvent expliquer une partie des caractéristiques du vieillissement et du photo-vieillissement. Il ne faut pas exclure les autres mécanismes impliqués : l’activation des voies membranaires et nucléaires, l’altération de l’ADN mitochondrial et l’oxydation des lipides et protéines (Yaar et Gilchrest, 2007). L’application topique d’antioxydants La capacité antioxydante de la peau est un déterminant majeur dans la réponse au stress oxydant et dans l’induction du photo-vieillissement (Yaar et Gilchrest, 2007). Avec l’âge, l’action des antioxydants de la peau est moins efficace et a tendance se détériorer (Lin et al., 2005 dans Yaar et Gilchrest, 2007). L’application topique d’antioxydants, ingrédients fréquemment retrouvés dans les produits de minceur et de soins de la peau, semble être une bonne stratégie de photo-protection c'est-à-dire une stratégie visant à protéger la peau contre les effets néfastes du rayonnement solaire (Berneburg et al., 2000 ; Baxter, 2008 ; Gonzàles et al., 2008). L’effet positif d’application topique et d’administration orale d’antioxydants dans la prévention du photo-vieillissement et de la photo-carcinogenèse a en effet été démontré dans des études cliniques de long terme (Yaar et Gilchrest, 2007). Après un rappel sur les systèmes de défenses endogènes et exogènes de la peau face au soleil, l’application topique de vitamines et de polyphénols et leurs effets photoprotecteurs seront détaillés plus particulièrement. Rappel : les systèmes de défense endogènes et exogènes Les systèmes de défenses endogènes La peau possède des antioxydants lui permettant de combattre les incessantes agressions photo-oxydatives et de prévenir ou retarder les lésions des biomolécules. Ces Carine Guillard | Mars 2011 28 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants antioxydants, pouvant neutraliser plusieurs ROS avant d’être inefficaces, sont de deux types : les antioxydants enzymatiques et les non-enzymatiques (Tableau I) (Saliou, 1998 ; Yaar et Gilchrest, 2007 ; De Gàlvez, 2010 ; Palmer et Silverman, 2010). Tableau I : Antioxydants enzymatiques et non enzymatiques présents dans la peau (cellules et matrice extracellulaire) (D’après Saliou, 1999 et De Gàlvez, 2010) Antioxydants enzymatiques Antioxydants non enzymatiques Superoxyde dismutase (SOD) Glutathion Catalase Thioredexine Glutathion-peroxydase Métallothionéine Glutathion S-transférases Alpha-tocophérol (Vitamine E) Thioredoxine-peroxydase Ubiquinone ou coenzyme Q10 Thioredoxine-réductase Bêta-carotène Hème oxygénase Acide ascorbique (Vitamine C) Acide urique Mélanines Mannitol Sorbitol Les antioxydants enzymatiques Les superoxydes dismutases (SOD), la catalase et les glutathion-peroxydases sont les principaux antioxydants enzymatiques de la peau (Palmer et Silverman, 2010 ; Wang et al., 2010). Les SOD catalysent la réduction de l’anion superoxyde (0 2 -) en peroxyde d’hydrogène (H 2 O 2 ). Ce métabolite, qui est lui-même une espèce oxydante, est réduit en eau (H 2 0) par la catalase, principalement localisée dans les peroxysomes, et par les glutathion-peroxydases ou la thioredoxine-peroxydase. La réduction des taux de SOD et de glutathion-peroxydases est observée lors de l’exposition aux UV (Rabe et al., 2006). Les antioxydants non-enzymatiques Les vitamines C et E, le coenzyme Q10, le glutathion et l’acide α-lipoïque sont les principaux antioxydants non enzymatiques de la peau (Palmer et Silverman, 2010). Carine Guillard | Mars 2011 29 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Le glutathion (GSH ou γ-glutamyl-cystéinyl-glycine) est un des antioxydants non enzymatiques les plus abondants de la peau. Substrat des glutathion-peroxydases, le GSH oxydé est régénéré en GSH (Saliou, 1998). Protégeant la peau contre le stress oxydant, le GSH régule les voies de signalisation cellulaires activées par le stress oxydant (Abu Zaid et al., 2007). La perte de viabilité de la cellule est associée à la diminution du taux de GSH et à l’augmentation excessive de ROS dans les cellules exposées aux UVB. Le GSH module la prolifération cellulaire. Le GSH est également donneur d’hydrogène pour l’ascorbate ou acide ascorbique (Vitamine C), un antioxydant hydrophile efficace pour piéger les ROS (Saliou, 1998). Il est à noter que l’épiderme contient cinq fois plus d’acide ascorbique que le derme (De Gàlvez, 2010). L’ascorbate participe également au recyclage de la vitamine E. La vitamine E, présente dans toutes les membranes cellulaires, est un antioxydant lipophile piégeant les radicaux libres initiateurs de la peroxydation lipidique et ceux formés au cours de la propagation de la réaction radicalaire et de peroxydation (Saliou, 1998). 30 Le Coenzyme Q10 ou ubiquinone est un antioxydant liposoluble impliqué dans la chaîne de transport des électrons, responsable de la production d’énergie. Le coenzyme Q10 est le premier antioxydant cellulaire à diminuer avec l’âge (Baumann, 2007). Dix fois plus élevé dans l’épiderme que le derme, le coenzyme Q10 réduirait la formation des rides (Rabe et al., 2006). Les systèmes de défenses exogènes Eviter l’exposition au soleil La première recommandation la plus simple et la plus évidente pour réduire les effets néfastes du soleil sur la peau est d’éviter les expositions chroniques et prolongées au soleil (Baron et al., 2008). Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Les vêtements et les lunettes Outils basiques de photo-protection, la capacité de protection du vêtement dépend du tissu, de sa qualité, de son épaisseur, de son humidité et de sa couleur ; le noir étant le plus efficace (Baron et al., 2008 ; Gonzàles et al., 2008). Développés notamment pour les travailleurs en extérieur et les sportifs, les vêtements de protection offrent une protection facile et efficace. Des recherches ont permis d’améliorer les facteurs de protection contre les UV (UPF) de certains vêtements : le Rit Sun Guard® un tissu contenant du Tinosorb®FD, un filtre UV, bloque jusqu’à 96% des rayons UV et peut être utilisé jusqu’à 20 lavages (Baron et al., 2008). Les chapeaux protègent la tête, le front et la nuque, les lunettes les yeux et les gants préviennent des signes du vieillissements des mains (Gonzàles et al., 2008). Les filtres solaires L’image de soi est devenue importante dans les sociétés modernes : l’envie de bronzer est à la fois soutenue par l’intérêt de lutter contre les signes du temps et le vieillissement cutané (Gonzàles et al., 2008). La meilleure connaissance des UV et de leurs effets sur la peau a permis de développer des filtres solaires, permettent ainsi dans la mesure du raisonnable d’allier bronzage et protection de la peau. Les filtres solaires protègent des érythèmes ou coups de soleil mais leur efficacité à long terme n’a pas encore été totalement démontrée dans la prévention et la diminution du photo-vieillissement (Gonzàles et al., 2008). Certaines études ont néanmoins démontré l’efficacité des filtres solaires dans la réduction du nombre de kératoses actiniques et de cancers de la peau alors que d’autres les impliquent dans des effets sur les fonctions immunes de la peau (Green et al., 1999 dans Wang et al., 2010 ; Berneburg et al., 2000). Il existe deux catégories de filtres : les organiques et les minéraux (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Gonzàles et al., 2008). Les filtres organiques ou chimiques absorbent les UV et convertissent l’énergie en chaleur (Palm et O’Donoghue, 2007 dans Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Yaar et Carine Guillard | Mars 2011 31 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Gilchrest, 2007 ; Gonzàles et al., 2008). Ces filtres peuvent être spécifiques aux UVB, aux UVA ou bien absorber les deux types d’UV. Les filtres organiques sont dits invisibles et sont donc compatibles avec une utilisation cosmétique. Toutefois, l’absorption des UV par les filtres organiques n’a pas été sans poser de problèmes : les filtres solaires peuvent être activés par l’absorption même d’UV et interagir avec les molécules de la peau en causant des réactions non désirées. Des recherches ont permis de développer, il y a peu, des filtres organiques photo-stables (Yaar et Gilchrest, 2007). Les filtres inorganiques ou physiques contiennent les UV en les réfléchissant. Laissant souvent apparaître des traces blanches inesthétiques sur la peau, les minéraux ont été réduit à l’état de nanoparticules, c'est-à-dire des particules de dimensions inférieures à 100 nm (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Gonzàles et al., 2008 ; Wang et al., 2010). L’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de titanium (TiO 2 ) sont les plus utilisés, ils protègent à la fois des UVB et des UVA. Ils sont chimiquement inertes et donc ne causent pas d’allergies (Yaar et Gilchrest, 2007). Toutefois, leur emploi en cosmétiques comme dans de nombreux autres secteurs est controversé, les nanoparticules sont suspectées de traverser la peau après application (Wang et al., 2010). De nombreuses questions se posent aujourd’hui sur leur innocuité et leurs interactions avec les tissus. Selon certains dermatologues, elles seraient inoffensives une fois encapsulées avec notamment de la cire de carnauba (Gonzàles et al., 2008). Aujourd’hui, la majorité des protections solaires à fort indice de protection (SPF) contient un filtre physique et au moins deux filtres organiques : un contre les UVB et l’autre contre les UVA (Gonzàles et al., 2008). Hormis les filtres solaires organiques ou minéraux, d’autres stratégies de protection peuvent être développées comme l’application topique de chimio-protecteurs (Matsui et al., 2009). Les enzymes de réparation de l’ADN Le photo-vieillissement est dû, pour une part, aux altérations de l’ADN. L’application d’enzymes de réparation ou de nucléotides améliorerait les capacités endogènes de réparation d’ADN (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Baron et al., 2008) Carine Guillard | Mars 2011 32 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Enzyme dérivant de bactéries, la T4 endonucléase V, appliquée sur la peau après une exposition au soleil, protégerait des coups de soleil, des immunosuppressions locales, des sécheresses de la peau de type xérodermie, des kératoses actiniques et préviendrait l’incidence des carcinomes baso-cellulaires (BCC) (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Baron et al., 2008). La T4 endonucléase V reconnaît notamment les CPD induits par les UVB et initie leur réparation en améliorant leur clivage. Par ailleurs, l’enzyme diminue la synthèse de cytokines immunosuppressives comme l’IL-1 et le TNF-α (Yarosh et al., 1992 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Dérivée de la cyanobactérie Anacystis nidulans, la photolyase diminuerait de 50% les dimères de l’ADN induits par les UVB (Gonzàles et al., 2008 ; Berneburg et al., 2000). La photolyase inhiberait également la cyclo-oxygénase-2 prévenant ainsi la formation de prostaglandines, responsables de l’inflammation cutanée (Baron et al., 2008 ; Berneburg et al., 2000). L’oxoguanine glycosylase 1 (OGG1), dérivée de certaines plantes, répare l’oxydation de la guanine en 8-oxo-dG et les CPD. 33 Pour une application topique efficace, les enzymes de réparation de l’ADN sont encapsulées dans des liposomes (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Baron et al., 2008). Les acides alpha-hydroxylés (AHA) L’application topique d’acides alpha-hydroxylés, extraits du lait ou des sucres de fruit, diminue les rides et la rugosité de la peau et améliore sa pigmentation. Histologiquement, l’hydratation des tissus, la qualité des élastines et la densité des collagènes seraient améliorées (Yaar et Gilchrest, 2007). Les acides alpha-hydroxylés inhiberaient le facteur de transcription NF- κB et moduleraient indirectement l’expression des cytokines (Rabe et al., 2006). Les antioxydants Classiquement, les vitamines C et E et le beta-carotène sont retrouvés dans les filtres solaires, d’autres substances botaniques antioxydantes sont aujourd’hui testées (Pinnell, Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants 2003 dans Gonzàles et al., 2008 ; Baron et al., 2008). La supplémentation des filtres solaires en antioxydants permet de réduire davantage les lésions induites par les UV comparativement aux filtres solaires seuls (Matsui et al, 2009 ; Oresajo et al., 2010). L’ hypoou l’hyperplasie de l’épiderme, la surexpression des MMP-1 et -9, la diminution du nombre de cellules de Langerhans et la formation de dimères de thymine induits par les UV seraient réduites (Hochberg et al., 2006 dans Murray et al., 2008 ; Matsui et al, 2009 ; Oresajo et al., 2010). La seule application d’antioxydants réduirait les dommages causés par les ROS, en empêchant ou en diminuant les lésions oxydatives des tissus et en améliorant leur réparation après une exposition (Matsui et al., 2009 ; Palmer et Silverman Kitchin, 2010). Le photo-vieillissement serait retardé et l’apparence de la peau améliorée. Les antioxydants utilisés en cosmétique sont les vitamines C et E, les rétinoïdes et les polyphénols (Tableau II) (Matsui et al., 2009 ; Afaq et Mukhtar, 2006). 34 Les vitamines Les caroténoïdes et les rétinoïdes Les rétinoïdes et les caroténoïdes sont les deux formes les plus courantes d’apport en vitamine A (Zussman et al., 2009). Les caroténoïdes Les caroténoïdes, retrouvés dans les tomates et les carottes, préviendraient la dégradation des collagènes induite par les UV (Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Draelos, 2009 ; Zussman et al., 2009). Plus particulièrement, le bêta carotène protégerait des dommages de l’ADN mitochondrial dans les fibroblastes (Stahl et al., 2006 ; Zussman et al., 2009). Le bêta carotène, tout comme le lycopène et l’astaxanthine, un pigment xanthophilique, présente une forte capacité à neutraliser l’oxygène singulet et à limiter la peroxydation des lipides (Goto et al., 2001 dans Gonzàles et al, 2008 ; Allemann et Baumann, Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants 2009). L’astaxanthine inhiberait également la synthèse de polyamines induite par les UVA (Tableau II). Les caroténoïdes sont surtout utilisés en tant que compléments alimentaires : il est parfois difficile d’intégrer des pigments de couleur jaune/orangé dans les formules de cosmétique. Les rétinoïdes Le rétinol est la forme naturelle de la vitamine A, trouvée dans les fruits, les légumes et le vin (Draelos, 2009). Appliqué sur la peau, le rétinol est converti en acide transrétinoïque ou trétinoïne via une enzyme de conversion (Sorg et al., 2006 dans Zussman et al., 2009 ; Draelos, 2009). Le beta-carotène peut également être converti en rétinol puis en trétinoïne (Zussman et al., 2009). Les rétinoïdes, contrairement aux caroténoïdes, piégeurs de l’oxygène singulet, agissent via des récepteurs de la signalisation cellulaire impliqués dans le photo-vieillissement. 35 Sur une longue période de traitement, l’acide rétinoïque, tout comme ses dérivés (l’isotrétinoïne 0.1% et le tazarotène 0.1 %), entraine la production de collagène et d’acide hyaluronique via l’activation de deux types de récepteurs : les récepteurs à l’acide rétinoïque (RARs) et les récepteurs X des rétinoïdes (RXRs) (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Berson, 2008 dans Palmer et Silverman Kitchin, 2010 ; Zussman et al., 2009). L’application de rétinoïdes avant une exposition aux UVB inhibe les MAPK (JNK et ERK), et donc la formation d’AP-1 et l’expression des MMP (Fisher et al., 1998 dans Berneburg et al., 2000 ; Rabe et al., 2006 ; Yaar et Gilchrest, 2007 ; Makrantonaki et Zouboulis, 2008). Par ailleurs, les rétinoïdes inhiberaient l’angiogenèse via l’inhibition du VEGF. Cliniquement, la télangiectasie disparaît, les rides se réduisent et la rugosité de peau est améliorée (Tableau II) (Gilchrest, 1996 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Rabe et al., 2006 ; Berson, 2008 dans Palmer et Silverman Kitchin, 2010 ; Zussman et al., 2009). Recommandés dans le traitement de l’acné et du photo-vieillissement, les rétinoïdes réduisent significativement l’incidence des carcinomes spino-cellulaires (Baron et al., 2008). Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants La vitamine C La vitamine C ou acide L-ascorbique est une vitamine hydrosoluble non synthétisée par l’homme du fait de sa déficience en L-gulono-alpha-lactone-oxydase. La vitamine C est donc apportée oralement (agrumes notamment) ou topiquement. Avec un taux 15 fois supérieurs à celui du glutathion, 200 fois à celui de la vitamine E et 1 000 fois à celui de l’ubiquinone, la vitamine C est un antioxydant prédominant de la peau, protégeant des dommages causés par les UV (Shindo et al., 1994 dans Wang et al., 2010). Coenzyme de la synthèse de collagène, la vitamine joue également un rôle dans la synthèse du cholestérol, dans la biodisponibilité du sélénium et dans le maintien des capacités antioxydantes de la peau (Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Junkins-Hopkins, 2010 ; Wang et al., 2010). L’acide ascorbique recycle la vitamine E oxydée et inhibe significativement la réduction du taux de glutathion induite par les UV (Yasuda et al., 2004 dans Abu Zaid et al., 2007 ; JunkinsHopkins, 2010). Une supplémentation en vitamine C de filtres solaires améliore la protection cutanée comparativement à un filtre solaire seul (Darr et al., 1996 dans Allemann et Baumann, 2009). Un traitement de trois mois à la vitamine C permet de réduire les rides, les tâches brunes, et améliore la structure du tissu élastique (Rabe et al., 2006 ; Allemann et Baumann, 2009). La vitamine C inhibe d’une part, la MMP-1 et l’activation de NF-κB, responsable de l’expression des cytokines pro-inflammatoires, tout en stimulant d’autre part, le TIMP-1 et la synthèse de collagène (Tableau II) (Rabe et al., 2006 ; Zussman et al., 2009 ; Junkins-Hopkins, 2010). Par ailleurs, la vitamine C réduit l’accumulation de fibres d’élastine dans le derme photo-vieilli et la synthèse de pigments responsables des tâches brunes (Berson, 2008 ; Zussman et al., 2009 ; Palmer et Silverman Kitchin, 2010). L’utilisation de vitamine C en cosmétique n’est pas sans poser de problème : sa stabilité est menacée en présence d’oxygène et sa pénétration dans la peau est faible (Rabe et al., 2006 ; Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Allemann et Baumann, 2009 ; Zussman et al., 2009). Des dérivés modifiés par estérification, l’ascorbyl-6-palmitate et le phosphate de magnésium d'ascorbyl, sont donc utilisés mais sont moins efficaces (Murray et al., 2008 ; Junkins-Hopkins, 2010 ; Wang et al., 2010). Toutefois, en présence d’acide férulique et de phlorétine, un dihydrochalcone retrouvé dans les feuilles de pommier, la stabilité et la pénétration de la vitamine C serait améliorée (Oresajo et al., 2008). Carine Guillard | Mars 2011 36 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants La vitamine E Antioxydant lipidique non synthétisé par l’homme mais apporté par une alimentation riche en légumes, huiles végétales, céréales et amandes, la vitamine E est présente sous huit formes de tocotriénols et de tocophérols dont l’alpha-tocophérol, forme la plus utilisée par l’organisme (Junkins-Hopkins, 2010 ; Wang et al., 2010). La vitamine E est principalement retrouvée dans la couche cornée de l’épiderme et dans le sébum, elle est utilisée pour renforcer les barrières de défense de la peau et pour diminuer les dommages de l’ADN induits par les UV, à moindre mesure que la vitamine C toutefois (Lin et al., 2003 dans Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Berson, 2008 ; Junkins-Hopkins, 2010). Suite à une exposition chronique aux UV, une diminution du taux d’alpha-tocophérol dans la couche cornée est observée (Junkins-Hopkins, 2010 ; Wang et al., 2010). L’application topique de vitamine E prévient des érythèmes, diminue les effets du photo-vieillissement (rides et déshydratation) et l’incidence des carcinomes (Jurkiewicz et al., 1995, dans Wang et al., 2010 ; Berson, 2008 ; Allemann et Baumann, 2009 ; De Gàlvez, 37 2010 ; Junkins-Hopkins, 2010). La peroxydation des protéines et des lipides et notamment des acides gras polyinsaturés est inhibée par la vitamine E qui neutralise les ROS et plus particulièrement l’oxygène singulet (Berson, 2008 ; Zussman et al., 2009 ; De Gàlvez, 2010 ; Wang et al., 2010). La mélanogenèse induite par les UV est également inhibée, réduisant ainsi l’intensité de la pigmentation de la peau (Berson, 2008). In vitro, la régulation de la dégradation des collagènes et de l’élastine par la vitamine E via l’inhibition des MMP a par ailleurs été observée (Tableau II) (Allemann et Baumann, 2009 ; Zussman et al., 2009). La vitamine C, le sélénium et le glutathion sont essentiels à sa régénération et à son recyclage (Lin et al., 2005 dans Wang et al., 2010 ; Zussman et al., 2009 ; De Gàlvez, 2010 ; Palmer et Silverman Kitchin, 2010). L’utilisation de vitamine E en cosmétique est limitée par son instabilité. L’acétate de tocophérol, lentement hydrolysé par la peau en tocophérol, est alors utilisé (Murray et al., 2008 ; Junkins-Hopkins, 2010 ; Wang et al., 2010). Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants La formule aux vitamines C et E et à l’acide férulique (CEFer) La combinaison des vitamines C et E fournit une photo-protection quatre fois supérieure à celle des vitamines C et E évaluées séparément et huit fois plus si de l’acide férulique est ajouté à ce mélange (Lin, 2005 dans Baron et al., 2008 ; Lin et al., 2005 dans Lin et al., 2008 et dans Wang et al., 2010 ; Junkins-Hopkins, 2010). Une formule stable de 15% d’acide ascorbique, de 1% d’alpha-tocophérol et de 0.5% d’acide férulique prévient des érythèmes et inhibe la formation de dimères de thymine ainsi que l’activation de la protéine p53 (Baron, 2008 ; Murray et al., 2008 ; Zussman et al., 2009 ; Junkins-Hopkins, 2010 ; Wang et al., 2010). L’expression des cytokines pro-inflammatoires et immunosuppressives (IL-1, -6, -8, -10 et TNF-α) est également réduite. Les autres vitamines L’application de vitamine B3 réduirait l’hyperpigmentation de la peau dans des études cliniques. Elle augmenterait par ailleurs la production de collagène dans des études in vitro (Zussman et al., 2009). Connue pour réguler la calcémie, la vitamine D protégerait contre la formation de rides induite par les UV et contre l’épaississement de l’épiderme dans des études sur les souris. Le prétraitement de peau de souris exposées aux UV diminuerait par ailleurs la formation de dimères de thymine dans l’épiderme (Dixon et al., 2007 dans Zussman et al., 2009). La vitamine K réduirait les manifestations vasculaires du photo-vieillissement. Peu de données et d’études cliniques sont présentées chez l’homme quant à ces trois vitamines. Les polyphénols Retrouvés notamment dans le règne végétal et donc dans notre alimentation (fruits, légumes, céréales, vin ou encore thé), les polyphénols présentent, pour la plupart, des Carine Guillard | Mars 2011 38 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et anti-carcinogéniques (Gonzàles et al., 2008 ; Junkins-Hopkins, 2010). En application topique, les polyphénols, en prévenant la pénétration des UV dans la peau, réduisent l’inflammation, le stress oxydant et les dommages de l’ADN induits par les UV (Nichols et Katiyar, 2010). Les polyphénols sont notamment composés de phénols simples et acides phénoliques (acide caféique, acide férulique, extraits de Polypodium leucotomos), de flavonoïdes (génistéine, daidzéine, silymarine, équol, quercétine, apigénine, extraits de thé, pomogrenate et pycnogénol) ou encore de stilbènes et de polymères phénoliques variés (resvératrol et curcuminoïdes) (Gonzàles et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les flavonoïdes Fréquemment utilisés en cosmétique, les flavonoïdes présentent une activité antioxydante et anti-carcinogénique : la présence de deux groupes hydroxyles dans leur structure permet le transfert d’hydrogène et donc la neutralisation de certains ROS (Afaq et Mukhtar, 2002 dans Yaar et Gilchrest, 2007 et Gonzàles et al., 2008). Polyphénols du thé vert (Flavanols) Le thé (Camelia sinensis) est une puissante source de polyphénols incluant des catéchines, des épicatéchines, l’épicatéchine-3-gallate (ECG), l’épigallocatéchine (EGC) et l’épigallocatéchine-3-gallate (EGCG) (Afaq et Mukhtar, 2006 ; Rabe et al., 2006 ; JunkinsHopkins, 2010 ; Palmer et Silverman Kitchin, 2010 ; Wang et al., 2010). L’épigallocatéchine-3gallate (EGCG) est le plus abondant et le plus actif (Palmer et Silverman Kitchin, 2010 ; Wang et al., 2010) Les polyphénols du thé présentent des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et anti-carcinogéniques, aussi bien en application topique que par administration orale (Rice-Evans, 1999 dans Palmer et Silverman Kitchin, 2010 ; Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Camousse et al., 2009 ; Wang et al., 2010). La capacité antioxydante de l’EGCG serait 25 à 100 fois supérieure à celle des vitamines C et E (Junkins-Hopkins, 2010). Carine Guillard | Mars 2011 39 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Le thé vert et notamment l’EGCG prévient l’érythème et réduit les lésions oxydatives induites par les UV. L’EGCG piège les ROS et notamment l’oxygène singulet, l’anion superoxyde, le peroxyde d’hydrogène et les radicaux hydroxyl et peroxyl : le niveau de peroxyde d’hydrogène dans l’épiderme et le derme est significativement réduit (Katiyar et Mukhtar, 2001 dans Adhami et al., 2008 ; Afaq et Mukhtar, 2006 ; Baron et al., 2008 ; Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Matsui et al., 2009 ; De Gàlvez, 2010 ; Nichols et Katiyar, 2010 ; Wang et al., 2010). Par ailleurs, l’application topique d’EGCG inhibe l’activité des MAPK et des facteurs de transcription AP-1 et NF-κB (Barthelman et al., 1998 et Chen et al., 1999 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Kim et al., 2001 ; Adhami et al., 2008 ; Allemann et Baumann, 2009 ; Matsui et al., 2009 ; Nichols et Katiyar, 2010). L’expression des MMP-2, -9 et -12 ainsi que celle des élastases des leucocytes sont également réduites (Demeule et al., 2000 dans Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Kim et al., 2001 ; Dell’Aica et al., 2002 dans Adhami et al., 2008 ; Afaq et Mukhtar, 2006 ; Rabe et al., 2006 ; Wang et al., 2010). L’EGCG prévient également la suppression locale de l’immunité induite par les UV (Makrantonaki et Zouboulis, 2008 ; Matsui et al., 2009). Son application réduit le nombre de leucocytes s’infiltrant dans la peau, protège les cellules des Langerhans, inhibe la production de prostaglandines et d’IL-10 malgré l’augmentation de l’IL-12 (Barthelman et al., 1998 et Chen et al., 1999 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Katiyar et al., 1999 dans Adhami et al., 2008 ; Allemann et Baumann, 2009 ; Camousse et al., 2009 ; Munich et al., 2009 ; Nichols et Katiyar, 2010). Par ailleurs, un prétraitement de la peau par l’EGCG avant une exposition aux UV inhiberait d’une part la formation de CPD et ce de façon dose-dépendante, et d’autre part, l’induction de p53 et de l’apoptose des kératinocytes (Katiyar et al., 2000 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Kim et al., 2001 ; Rabe et al., 2006 ; Draelos, 2009 ; Munich et al., 2009 ; De Gàlvez, 2010 ; Nichols et Katiyar, 2010). La peroxydation des lipides et l’oxydation des protéines et notamment des enzymes antioxydantes sont également prévenues (Kim et al., 2001 ; Lambert et al., 2005 dans Gonzàles et al., 2008 ; Rabe et al., 2006 ; Nichols et Katiyar, 2010). La vitamine E et le GSH peuvent être également régénérés par l’application topique d’EGCG tout comme la synthèse Carine Guillard | Mars 2011 40 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants d’enzymes de réparation de l’ADN (Tableau II) (Katiyar et Afaq, 2001 dans Adhami et al., 2008 ; Allemann et Baumann, 2009 ; Draelos, 2009 ; Wang et al., 2010). Toutefois, les polyphénols du thé vert sont instables et perdent rapidement leur fonction antioxydante, l’hydroxytoluène de butylate est alors ajouté pour aider à les stabiliser (Dvorakova et al., 1999 dans Wang et al., 2010 ; Lambert et al., 2005 dans Gonzàles et al., 2008). Génisteine, daidzéine et équol (Isoflavones) Les isoflavones préviendraient du photo-vieillissement : le traitement de culture de fibroblastes par des extraits de soja stimulerait la synthèse de collagène et d’acide hyaluronique (Sudel et al., 2005 dans Lin et al., 2008 ; Haung et al., 2008). Des études sur la peau de porc ont montré que la génistéine, la daidzéine et la biochanine A sont les isoflavones les plus efficaces dans la protection de la peau contre les UV (Lin et al., 2008). Toutefois, leur effet photo-protecteur est moindre comparé à une solution de 15% de vitamine C, 1% de vitamine E et 0.5% d’acide férulique. La génistéine (4’,5 ,7-trihydroxyiso-flavone), retrouvée notamment dans les graines de soja, présente un effet protecteur contre les érythèmes et contre le stress oxydant induit par les UV (Wei et al., 2003 dans Gonzàles et al., 2008 ; Yaar et Gilchrest, 2007 ; Lin et al., 2008 ; Allemann et Baumann, 2009). L’application de génistéine et de daidzéine, une autre isoflavone extrait des graines de soja, inhibe la production du peroxyde d’hydrogène : la génistéine diminuerait de 70% sa production tandis que le daidzéine serait moins efficace du fait de sa structure (groupe hydroxyl manquant en C-5) (Huang et al., 2008 ; Draelos, 2009). La peroxydation des lipides est donc limitée (Afaq et Mukhtar, 2006 ; Rabe et al., 2006 ; Allemann et Baumann, 2009). Par ailleurs, les dommages de l’ADN induits par les ROS sont réduits, l’oxydation de la guanine en 8-OH-dG l’est également dans l’épiderme de modèles de souris (Wei et al., 2002 et Moore et al., 2006 dans Adhami et al., 2008). La tyrosine kinase, enzyme initiant la voie d’activation des récepteurs de surface, est inhibée par la génistéine tout comme la JNK et la MMP-1 (Miyazaki et al., 2002 dans Lin et al., 2008 ; Kang et al., 2003 dans Yaar et Gilchrest, 2007). L’activation de c-Jun et c-Fos est Carine Guillard | Mars 2011 41 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants par ailleurs réduite et ce de façon dose-dépendante à l’application de génistéine chez des modèles de souris (Tableau II) (Wang et al., 1998 dans Afaq et Mukhtar, 2006 ; Adhami et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). L’equol, métabolite naturel des isoflavones tels que la génistéine et le daidzéine, présente également une action photo-protectrice : son application topique réduit la peroxydation des lipides induite principalement par les UVA chez des modèles de souris (Widyarini et al., 2005 dans Lin et al., 2008). Moins efficace que la génistéine et la daidzéine, son action semble dépendre de la metallothionéine (Gonzàles et al., 2008). Compte tenu de l’absorption limitée des isoflavones par la peau, de l’α-terpinéol et de l’acide oléique sont ajoutés aux formulations cosmétiques pour améliorer leur pénétration (Haung et al., 2008). 42 Silymarine (Flavonolignanes) La silymarine est extraite des graines du Chardon-Marie (Silybum marianum), elle contient environ 70 à 80% de flavonolignanes et de 20 à 30% d’une fraction de composés phénoliques non identifiés (Svobodovà et al., 2007). Les flavonolignanes sont composées principalement de trois flavonoïdes : la silybine, la silychristine et la silydianine (Gonzàles et al., 2008). Son application protège des coups de soleil, du stress oxydant et ce façon dosedépendante, des dommages de l’ADN, du photo-vieillissement, de l’incidence des carcinomes et de l’immunosuppression localisée (Svobodovà et al., 2007 ; Gonzàles et al., 2008 ; Wang et al., 2010). En piégeant les ROS et notamment le peroxyde d’hydrogène et l’oxyde nitrique et en protégeant le GSH, la silymarine prévient la peroxydation des lipides (Katiyar et al., 1997 dans Wang et al., 2010 ; Adhami et al., 2008 ; Nichols et Katiyar, 2010). Les dimères de thymine seraient également réduits par son application avant ou immédiatement après une exposition (Chatterjee, 1996 dans Draelos, 2009 ; Katiyar et al., 1997 dans Wang et al., 2010 ; Adhami et al., 2008 ; Allemann et Baumann, 2009). Par ailleurs, la silymarine inhibe Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants l’expression de la cyclo-oxygénase-2 et de la carboxylase ornithine, la production de prostaglandines et de polyamines est donc réduite (Tableau II) (Nichols et Katiyar, 2010). Quercétine (Flavonols) L’application de quercétine ou quercétol (3,3',4',5, 7-pentahydroxyflavone) inhiberait les dommages cutanés induits par les UVB chez la souris (Casagrande et al., 2006 dans Gonzàles et al., 2008). L’activation du NF-κB et la production des cytokines proinflammatoires seraient inhibées par l’application de ce flavonol (Vicentini et al., 2011). Apigénine (Flavones) L’application d’apigénine ou apigénol (5,7,4’-trihydroxyflavone) inhiberait l’expression du facteur de transcription AP-1 et de la MMP-1 (Lim et Kim, 2007 dans Adhami et al., 2008). L’expression de la cyclo-oxygénase-2 serait également inhibée dans les kératinocytes de souris. Pomegranate (Anthocyanidines) Les polyphénols extraits des fruits du grenadier (Punica granatum) ou pomegranate sont de deux types : les anthocyanidines et les tanins hydrolysables (punicalline, pendunculagine, punicalagine) (Afaq et Mukhtar, 2006 ; Abu Zaid et al., 2007 ; Gonzàles et al., 2008). Le pomegranate présente un potentiel antioxydant supérieur de 20% par rapport aux extraits de thé vert (Seeram et al., 2008 dans Allemann et Baumann, 2009). Un traitement au pomegranate avant une exposition aux UV prévient significativement la diminution du taux de GSH et ce de façon dose-dépendante (Abu Zaid et al., 2007). Par ailleurs, l’application topique de pomegranate permettrait de restaurer l’activité de certaines enzymes antioxydantes telles que les SOD ou la catalase chez le rat (Chidambara-Murthy et al., 2002 dans Allemann et Baumann, 2009). La peroxydation des lipides est inhibée par le pomegranate tout comme la phosphorylation des MAPK et l’activation de c-Jun et du NF-κB (Afaq et al., 2005 et Syed et al., 2006 dans Abu Zaid et al., Carine Guillard | Mars 2011 43 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants 2007 ; Afaq et Mukhtar, 2006 ; Gonzàles et al., 2008). Les MMP-1, -2, -7 et -9 sont inhibés contrairement au TIMP (Tableau II) (Abu Zaid et al., 2007). Pycnogénol (Pro-anthocyanidines) Le pycnogénol est issu de l’écorce de pin maritime français (Pinus pinaster). Composé de pro-anthocyanidines monomériques et oligomériques (OPC), le pycnogénol présente des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, photo-protectrices et anti-carcinogéniques (Sime et Reeve, 2004 dans Gonzàles et al., 2008, Baumann, 2007, Berson, 2008 et Palmer et Silverman Kitchin, 2010). Possédant une capacité antioxydante significativement plus importante que les vitamines C et E, le pycnogénol permet de réduire l’hyperpigmentation induite par les UV et d’améliorer la vitesse de cicatrisation de la peau (Berson, 2008). Par ailleurs, il possède la capacité à stabiliser les fibres de collagènes et de l’élastine et améliore donc l’apparence générale de la peau. Le pycnogénol peut par ailleurs recycler les vitamines C et E et améliorer l’activité des enzymes antioxydantes (Palmer et Silverman Kitchin, 2010). L’expression du NF-κB seraitégalement inhibée (Tableau II) (Saliou et al., 2001 dans Allemann et Baumann, 2009). La protection contre les UV est dose-dépendante de l’application du pycnogénol et son utilisation serait plus efficace immédiatement après une exposition aux UV plutôt qu’avant (Sime et Reeve, 2004 dans Gonzàles et al., 2008). Les stilbènoïdes et les curcuminoïdes Resvératrol (Stilbènes) Le resvératrol (3, 5, 4’-trihydroxystilbène) est extrait principalement des graines et de la peau du raisin (Vitis vinifera) (Sieman et Creasy, 1992 dans Baxter, 2008 ; De Gàlvez, 2010). Sujet de nombreuses recherches (plus de 350 en 2008), le resvératrol possède des Carine Guillard | Mars 2011 44 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants capacités antioxydantes, anti-inflammatoires et photo-protectrices (Yaar et Gilchrest, 2007 ; Baxter, 2008). L’application de resvératrol prévient la production de ROS et plus particulièrement de peroxyde d’hydrogène et ce de façon dose dépendante (Afaq et Mukhtar, 2006 ; Baxter, 2008 ; Park et Lee, 2008 ; Allemann et Baumann, 2009). Le resvératrol et plus largement les polyphénols du vin, présentent des capacités antioxydantes supérieures aux vitamines C et E et aux caroténoïdes et rétinoïdes : le resvératrol est efficace à 95% dans la prévention de la peroxydation des lipides contre 65% pour la vitamine E et 37% pour la vitamine C. Le resvératrol présente également des propriétés anti-apoptotiques : un traitement avant une exposition aux UV diminue significativement le taux de cellules endommagées et de cellules en voie d’apoptose. L’activation des caspases-3 et -8 est partiellement inhibée dans les cellules traitées et ce de manière dose-dépendante (Baxter, 2008 et Park et Lee, 2008). Par ailleurs, la sirtuine-1 activée par le resvératrol induit l’expression des gènes codants les enzymes de réparation de l’ADN et les enzymes antioxydantes (De Gàlvez, 2010). Possédant également des capacités anti-inflammatoires, le resvératrol réduit l’infiltration des leucocytes dans la peau (Afaq et Mukhtar, 2002 dans Yaar et Gilchrest, 2007). Par ailleurs, l’application topique de resvératrol inhibe l’induction de la cyclooxygénase-2 et réduit donc la production de prostaglandines impliquées dans l’immunosuppression locale (Afaq et al., 2003 dans Adhami et al., 2008 et dans Nichols et Katiyar, 2010). Plus particulièrement, le resvératrol agit sur les mécanismes impliqués dans le photovieillissement : les MAPK, le NF-κB ainsi que les MMP sont inhib és par son utilisation (Tableau II) (Adhami et al., 2003 dans Park et Lee, 2008 ; Afaq et Mukhtar, 2006 ; Adhami et al., 2008 ; Baxter, 2008 ; Allemann et Baumann, 2009 ; Nichols et Katiyar, 2010). Pour l’ensemble de ses propriétés, le resvératrol est présent dans les crèmes hydratantes, les « anti-âges » et les filtres solaires (Allemann et Baumann, 2009). La curcumine (Curcuminoïdes) La curcumine est un pigment phénolique jaune/orangé issu du curcuma (Curcuma longa). En application topique, ce composé réduit les lésions de l’ADN induits par les UV en Carine Guillard | Mars 2011 45 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants neutralisant les ROS et notamment le radical hydroxyle, l’anion superoxyde et le dioxyde d’azote (Ruby et al., 1995 dans Allemann et Baumann, 2009). Par ailleurs, l’expression de la cyclo-oxygénase-2 ainsi que l’activation des facteurs AP-1 et NF-κB seraient ér duites via l’inhibition de la JNK et de la protéine p38 (Afaq et Mukhtar, 2002 dans Yaar et Gilchrest, 2007 ; Adhami et al., 2008). Ainsi, la curcumine inhibe les productions de facteurs proinflammatoires et notamment de l’IL-1 et des MMP (Tableau II) (Surk et al., 2000 dans Allemann et Baumann, 2009 ; Oguro et Yoshida, 2001 dans Adhami et al., 2008). Du fait de sa couleur jaune/orangé, la curcumine est difficile à formuler en cosmétique. Les acides phénoliques Extraits de Coffea arabica Les extraits de grains de café arabica (Coffea arabica) contiennent des proanthocyanidines et de nombreux acides phénoliques (acide chlorogénique, acide caféique, acide quinique et acide férulique) leurs conférant une forte capacité antioxydante (Allemann et Baumann, 2009 ; Palmer et Silverman Kitchin, 2010). Selon la méthode ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity assay), le pouvoir antioxydant des grains de café est supérieure à celle des polyphénols extraits du thé vert, des vitamines C et E et du pomegranate (Carletto et al., 2000 dans Palmer et Silverman Kitchin, 2010). Les acides caféique et férulique protègent des érythèmes induits par les UV : ils sont donc fréquemment utilisés dans les protections solaires (Saija et al., 2000 dans Gonzàles et al., 2008). Plus généralement, l’application d’extraits de grains de café préviendrait la dépigmentation de la peau, l’érythème et l’induction du photo-vieillissement (Tableau II) (Carletto et al., 2000 dans Palmer et Silverman Kitchin, 2010). Extraits de Polypodium leucotomos L’extrait de la fougère Polypodium leucotomos contient de nombreux acides phénoliques : le 3,4-dihydroxybenzoi-acide, le 4-hydroxybenzoi-acide, l’acide vanillique, Carine Guillard | Mars 2011 46 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants l’acide caféique, l’acide quinique, l’acide férulique, cinq isomères d’acide chlorogénique et l’acide 4-hydroxycinnamique (Allemann et Baumann, 2009). Utilisé dans le traitement du vertigo, des dermatoses atopiques et du psoriasis, l’extrait de Polypodium leucotomos présente des propriétés antioxydantes et prévient les érythèmes et le photo-vieillissement (Gonzàles et Pathak, 1996 et Alonso-Lebrero et al., 1997 dans Allemann et Baumann, 2009 ; Brieva et al., 2002 dans Gonzàles et al., 2008). En application topique, l’extrait de Polypodium leucotomos neutralise les ROS, prévenant ainsi la peroxydation des lipides et améliorant l’intégrité des membranes des kératinocytes et des fibroblastes (Baumann, 2007). Par ailleurs, l’isomérisation de l’acide trans-urocanique est inhibée tout comme la production de cytokines pro-inflammatoires ; le nombre et la morphologie des cellules de Langerhans sont préservés (Brieva et al., 2002 dans Gonzàles et al., 2008 ; Baumann, 2007). D’autre part, l’expression de l’élastine est stimulée et celle de la MMP-1 inhibée (Tableau II) (Baumann, 2007). 47 Tableau II : Antioxydants prévenant les dommages cellulaires induits par les UV, structures et actions. Antioxydants Structure Caroténoïdes Sources principales Actions Références Carottes, tomates, abricots, mangues, légumes verts Prévient la dégradation des collagènes, les mutations de l’ADN mitochondrial et la peroxydation des lipides Gonzàles et al., 2008 Viandes, produits laitiers, foies Stimule la production de collagène Yaar et Gilchrest, 2007 Inhibe l’activation des MAPK et l’expression d’AP-1 et des MMP Zussman et al., 2009 Zussman et al., 2009 Bêta carotène Rétinoïdes Inhibe le VEGF Palmer et Silverman Kitchin, 2010 Coenzyme de la synthèse des collagènes Abu Zaid et al., 2007 Recycle la vitamine E Zussman et al., 2009 Prévient la réduction du taux de GSH Junkins-Hopkins, 2010 Rétinol Agrumes Vitamine C Rabe et al., 2006 Inhibe l’expression du NF-κB, de la MMP-1, des IL et du TNF-α Acide L-ascorbique Stimule l’expression du TIMP et des collagènes Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Antioxydants Structure Vitamine E Sources principales Actions Références Légumes, huiles végétales, amande Prévient les érythèmes et la peroxydation des lipides Allemann et Baumann, 2009 In vitro, inhibe les MMP Zussman et al., 2009 De Gàlvez, 2010, Alpha-tocophérol Wang et al., 2010 Thé vert Polyphénols extraits du thé vert Prévient des érythèmes et de l’immunosuppression locale Afaq et Mukhtar, 2006 Neutralise les ROS Adhami et al., 2008 Prévient la peroxydation des lipides Baron et al., 2008 Régénère la vitamine E et le GSH Makrantonaki et Zouboulis, 2008 Inhibe l’activité des MAPK, du NF-κB et de l’AP-1 Réduit l’expression des MMP et e l’élastase Inhibe la production d’IL-10 et des prostaglandines Stimule la production d’IL-12 épigallocatéchine-3-gallate (EGCG) Inhibe la formation des CPD Graine de soja Génistéine et daidzéine Génistéine Silymarine Chardon-Marie Silybine Pomegranate Grenadier Matsui et al., 2009 De Gàlvez, 2010 Nichols et Katiyar, 2010 Wang et al., 2010 Afaq et Mukhtar, 2006 Prévient l’érythème et la peroxydation des lipides Yaar et Gilchrest, 2007 Inhibe la production d’H 2 O 2 Lin et al., 2008 Inhibe la JNK et la MMP-1 Allemann et Baumann, 2009 Neutralise les ROS et prévient la peroxydation des lipides Adhami et al., 2008 Rabe et al., 2006 Gonzàles et al., 2008 Protège le GSH Allemann et Baumann, 2009 Prévient les CPD Draelos, 2009 Inhibe l’expression de la COX-2 et de la carboxylase ornithine Nichols et Katiyar, 2010 Prévient la peroxydation des lipides Afaq et Mukhtar, 2006 Protège le GSH et les SOD et la catalase Gonzàles et al., 2008 Inhibe les MAPK, AP-1 et le NF-κB Wang et al., 2010 Abu Zaid et al., 2007 Allemann et Baumann, 2009 Stimule le TIMP Pin maritime Pycnogénol Allemann et Baumann, 2009 Stimule la synthèse de collagène et d’acide hyaluronique Inhibe les MMP-1, -2, -7 et -9 Anthocyanidines Rabe et al., 2006 Réduit l’hyperpigmentation Berson, 2008 Améliore la vitesse de cicatrisation Allemann et Baumann, 2009 Stabilise les fibres de collagènes et d’élastine Inhibe l’expression du NF-κB Palmer et Silverman Kitchin, 2010 Procyanidol B-3 (OPCs) Carine Guillard | Mars 2011 48 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Antioxydants Structure Resvératrol Sources principales Actions Références Raisin et vin rouge Prévient la production de ROS et l’apoptose Afaq et Mukhtar, 2006 Inhibe les caspases-3 et -8 Adhami et al., 2008 Stimule l’expression des enzymes de réparation de l’ADN et des enzymes antioxydantes Baxter, 2008 Inhibe la COX-2 Resvératrol Inhibe les MAPK, le NF-κB et les MMP Yaar et Gilchrest, 2007 Park et Lee, 2008 Allemann et Baumann, 2009 De Gàlvez, 2010 Nichols et Katiyar, 2010 Curcuma Curcumine Neutralise les ROS Yaar et Gilchrest, 2007 Inhibe la COX-2 Adhami et al., 2008 Inhibe les MAPK, l’AP-1 et le NF-κB Inhibe l’IL-1 et les MMP Allemann et Baumann, 2009 Prévient l’érythème Baumann, 2007 Neutralise les ROS et prévient la peroxydation des lipides Gonzàles et al., 2008 curcumine Acides phénoliques Grains de café, Polypodium leucotomos Inhibe la production de cytokines proinflammatoires Acide caféique Allemann et Baumann, 2009 Inhibe la MMP-1 Stimule la production d’élastine Avec : AP-1 : Activator protein-1 ; CPD : Cyclobutane pyrimidine dimers ; COX-2 : Cyclo-oxygenase-2 ; GSH : Glutathion ; IL : Interleukins ; JNK : c-Jun-N-terminal kinase ; MAPK : Mitogen activated protein kinases ; MMP : Matrix metalloproteinases ; NF-κB : Nuclear factor kappa B ; OPC : oligomeric proanthocyanidins ; ROS : Reactive oxygen species ; SOD : Superoxide dismutases ; TIMP : Tissue inhibitor of metalloproteinases ; VEGF : Vascular endothelial growth factor. Les antioxydants présents dans les cosmétiques Les vitamines A, C et E et leurs dérivés sont actuellement les antioxydants les plus utilisés dans les cosmétiques. Certains polyphénols sont toutefois formulés, les polyphénols extraits de raisin semblent les plus prisés (Tableau III). Carine Guillard | Mars 2011 49 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Tableau III : Cosmétiques des marchés solaire et « anti-âges » contenants des antioxydants (liste non exhaustive). Marque Gamme/produit Antioxydant présents Actions revendiquées Yves Rocher Gamme Protectyl Végétal Acétate de tocophérol Protection solaire Sérum végétal 3 UV protect Acétate de tocophérol Antirides Gamme Revitalift Palmitate de rétinol L’Oréal Paris Palmitate de rétinol Antirides, effet lissant Caféine Extraits de soja L’Oréal Paris Gamme Code Jeunesse Ascorbyl glucoside Antirides Acétate de tocophérol Caféine Garnier Gamme ultralift Linoléate de rétinol Antirides Tocophérol Gamme Eclat jeunesse Caféine Antirides, effet lissant Extraits de grains de Vitis vinifera Mixa Expert peau sensible soin de jour lissage + éclat Ascorbyl glucoside Tocophérol Acétate de tocophérol Nivea Gamme Q10 plus Coenzyme Q10 Antirides, re-pulpe les rides, accélère le renouvellement cutané Antirides Tocophérol Gamme Vital Extraits de Vitis vinifera Anti-âges Acétate de Tocophérol Acides phénoliques Diadermine Gamme Lift + Acétate de tocophérol Antirides Tocophérol Gamme Docteur Caspari Tocophérol Antirides Caféine Gamme Age excellium Extraits de Vitis vinifera Anti-âges Tocophérol Reactivance Acétate de tocophérol Anti-tâches Tocophérol Estée Lauder Gamme Day wear Extraits de thé rouge d’Afrique du Sud Hydratant teinté et protecteur contre les UV Polyphénols de grains de raisin Acide ascorbique Tocophérol Carine Guillard | Mars 2011 50 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Marque Gamme/produit Antioxydant présents Actions revendiquées Estée Lauder Gamme révélation Acide ascorbique Antirides Acétate de tocophérol Clinique Even Better clinical Dark spot corrector Ascorbyl glucoside Gamme Repairwear Rétinol Anti-tâches Curcumine Acide ascorbique Acétate de tocophérol Antirides, réparation des dommages provoqués par les UV Biotherm Gamme sun vivo Resvératrol Protection solaire Roc Gamme Rétinol A+C+E Rétinol Antirides Gamme Rides Correxion Acide ascorbique Acétate de tocophérol La Roche Posay Gamme Redermic Acide ascorbique Soin de comblement des rides, fermeté pour les peaux sensibles Gamme Derm AOX Pycnogénol Antirides et antioxydant Ascorbyl glucoside 51 Tocophérol Vichy Gamme liftactiv CXP Ascorbyl glucoside Antirides Phosphate de magnésium d'ascorbyl Alpha tocophérol Caudalie Gamme liftactiv retinol HA Pro-rétinol A Antirides Premier cru Resvératrol Anti-âges Véniférine Polyphénols de raisin Gamme Pulpe vitaminée Polyphénols de raisins Antirides et défatiguant Gamme Vinexpert Resvératrol Antirides et raffermissant Isoflavones de soja Avène Gamme Vinoperfect Véniférine Anti-tâches Gamme Soleil Divin Polyphénols de pépins de raisin Protection solaire Gamme très haute protection peaux sensibles et peaux intolérantes Pré-tocophéryl Protection solaire Gamme Ysthéal + Pré-tocopheryl Antirides Retinaldéhyde Gamme Sérénage Pré-tocophéryl Antirides Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Conclusion L’exposition chronique de la peau aux UV provoque des lésions cutanées irréversibles provoquant à terme le photo-vieillissement et/ou la photo-carcinogenèse. La production excessive de ROS, induite par les UV, génère un stress oxydant ; celui-ci détient un rôle majeur dans le développement de ces photo-pathologies (Berneburg et al., 2000). Les ROS sont en effet responsables de lésions oxydatives touchant les acides nucléiques, les protéines et les lipides. L’expression des facteurs de transcription AP-1 et NF-κB, modulant entre autre, la synthèse des MMP et des cytokines pro-inflammatoires (IL et TNF-α), est par ailleurs stimulée par l’action des ROS. La capacité antioxydante de la peau est donc un déterminant prépondérant dans la réponse au stress oxydant et dans l’induction du photo-vieillissement (Yaar et Gilchrest, 2007). Avec l’âge, l’action des antioxydants de la peau est moins efficace et a tendance se détériorer (Lin et al., 2005 dans Yaar et Gilchrest, 2007). L’application topique d’antioxydants semble être une bonne stratégie de photo-protection (Berneburg et al., 2000 ; Baxter, 2008 ; Gonzàles et al., 2008). L’effet positif de leur utilisation dans la prévention du photovieillissement et de la photo-carcinogenèse a été démontré dans des études cliniques de long terme (Yaar et Gilchrest, 2007). Toutefois, l’utilisation de filtres solaires reste indispensable. Leur supplémentation en antioxydants permet d’optimiser la photoprotection et de lutter ainsi efficacement contre les effets des ROS (Wang et al., 2010). Les vitamines C et E ainsi que les rétinoïdes sont les antioxydants les plus utilisés par les laboratoires de cosmétiques ; les polyphénols, issus des végétaux, sont également de plus en plus formulés. Les polyphénols extraits du thé vert (EGCG), des graines de soja (Génistéine et daidzéine), des pépins et la peau du raisin (Resvératrol), des graines de Chardon-Marie (Silymarine), du fruit du grenadier (Pomegrante) ou des extraits d’écorce de pin (Pycnogénol) présentent des capacités antioxydantes et photo-protectrices parfois supérieures à celles des vitamines. Le développement de stratégies visant à prévenir le photo-vieillissement passe par une meilleure compréhension des mécanismes biologiques et moléculaires responsables de la formation des ROS et des modifications cliniques et histologiques de la peau photo-vieillie. Carine Guillard | Mars 2011 52 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants La découverte, dernièrement, de l’implication des UVA dans l’augmentation du pool de fer labile dans les fibroblastes et kératinocytes, fer catalyseur de réactions antioxydantes (réaction de Fenton), permet de discuter des nouvelles approches de photo-protection basées sur les antioxydants chélateurs de fer (Reelfs et al., 2010). 53 Carine Guillard | Mars 2011 Photo-vieillissement : photo-protection par application topique d’antioxydants Références bibliographiques Abu Zaid M., Afaq F., Syed D.N., Dreher M. et Mukhtar H. 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