Manger du cheval est une honte!

Transcription

Manger du cheval est une honte!
12 JANVIER 2014
INTERVIEW 17
I LeMatinDimanche
Militante Brigitte Bardot mène «un combat féroce» contre l’hippophagie
EN
DATES
1934
c Naissance
Brigitte Anne-Marie
Bardot voit le jour
le 28 septembre à
Paris, dans une famille
bourgeoise qui lui
délivre une éducation
stricte.
La fondation de l’actrice
française a publié une pleine
page dans Le Figaro de vendredi
pour soutenir une proposition
de loi visant à faire du cheval
un animal de compagnie.
1949
c Découverte
A l’âge de 15 ans,
elle fait déjà
la couverture de Elle.
Lors d’une audition, elle
rencontre Roger Vadim,
dont elle tombera
amoureuse.
Camille Krafft
[email protected]
Brigitte Bardot, pourquoi le cheval?
1956
Ça fait trente ans que je me bats contre
l’hippophagie, que je vois des choses
qui me soulèvent le cœur. Dans les années 1980, j’ai pu être témoin des
transports des chevaux venus de Pologne, qui se brisaient les pattes lors des
trajets. Depuis ce moment-là, je lutte.
Un cheval, ça ne vit pas pour être
mangé. Avant les véhicules à moteur,
cet animal a tout fait pour que l’homme
puisse évoluer, se déplacer d’un point à
un autre, transporter du courrier… et
combien sont morts sur les champs de
bataille? La vie n’aurait pas été possible
pour les humains sans eux.
c Sex-symbol
Elle devient un mythe
vivant après avoir joué
dans «Et Dieu… créa
la femme».
1967
c Gainsbourg
L’homme à tête de
chou lui compose
«Je t’aime… moi non
plus» et «Bonnie and
Clyde» en une nuit.
1973
c Animaux
Elle met un terme
à sa carrière d’actrice
pour se consacrer à
la défense des bêtes.
Vous demandez que le cheval soit
considéré comme un animal
de compagnie en France. Pourquoi?
2014
c Chevaux
Elle fait de la lutte
contre l’hippophagie
le combat de sa vie.
Cette proposition de loi de Nicolas Dupont-Aignan (ndlr: député de l’Essonne, président de Debout la République) est la seule façon d’empêcher que
les chevaux partent à l’abattoir. C’est
une horreur de les considérer comme
des animaux de rente, au même titre
que la vache ou le mouton. Un cheval
année. J’ai écrit une lettre ouverte, à la
main, à tous les sénateurs et députés.
Je leur demande de tenir compte du
fait que le cheval n’est pas un animal
de boucherie, et de soutenir le projet
de Nicolas Dupont-Aignan. Mais je
crois que je ne vivrai pas assez vieille
pour voir les résultats.
«
Les Suisses
doivent donner
le bon exemple:
ne mangez plus
de cheval!»
doit être envisagé comme un animal de
compagnie, de même que le chien ou le
chat. C’est un compagnon extrêmement proche de l’homme, qui lui permet de gagner de l’argent à travers les
courses, et qui finit à l’abattoir.
Les scandales alimentaires survenus
dernièrement n’ont-ils pas déjà
freiné drastiquement la
consommation de viande de cheval?
Les gens sont choqués qu’on fasse passer du cheval pour du bœuf, mais en
soi, que ce soit du cheval ou du kangourou, ils s’en tamponnent le coquillard.
L’être humain n’est pas sensible à la
souffrance animale, même s’il y a des
exceptions. Il est sensible à ce qu’il y a
dans son assiette. 600 000 de ces bêtes sont abattues chaque année en
France, dans des conditions de terreur
épouvantables. Quand on sait que le
cheval a peur de tout, d’une branche
d’arbre, d’un geste vif… Vous êtes au
courant que sa vision est multipliée par
quatre? Et puis, il a l’instinct de la
mort, comme tous les animaux. Il vit la
terreur de passer à la chaîne, d’être
supplicié, suspendu par les pattes…
Mais une vache mérite-t-elle
davantage qu’un cheval d’être
abattue et mangée?
Non, toute consommation d’animal
est une honte, du poisson au bœuf en
passant par le mouton. Mais qu’est-ce
que vous voulez, on ne peut pas rendre
le monde végétarien! Bon, peut-être
que les nouvelles formes d’élevage intensif vont produire tellement de miContrôle qualité
En 1980, Brigitte Bardot sauve «Duchesse» de la boucherie. La jument vivra encore 17 ans de bonheur avec elle.
Dukas/Bestimage
«Manger du cheval
est une honte!»
crobes nuisibles à la santé humaine que
notre consommation de viande va se
réduire drastiquement.
Et le lapin, alors?
C’est un scandale de manger du lapin!
C’est dégoûtant. Un petit lapin, c’est
aussi mignon qu’un petit chat. Mais je
ne peux pas tout faire à la fois.
Vous fréquentez des gens
qui mangent du cheval?
En quoi consiste
votre campagne?
Non, j’en connais pas. Mais si j’en croisais, je leur dirais ce que j’en pense, et je
ne les verrais plus jamais. Personne n’a
jamais osé m’avouer qu’il mange du
cheval, les gens ne se risquent même
pas à reconnaître qu’ils consomment
de la viande…
Nous avons d’importants moyens financiers, même si je ne peux pas vous
donner de chiffres, puisque nous recevons sans arrêt des dons. Le but est de
faire accepter cette proposition de loi.
Jusque-là, je n’avais pas mené de
combat féroce. Ça va changer cette
Les éleveurs d’équidés estiment
qu’une telle loi signifierait la mort
de milliers d’entreprises agricoles.
Cela ne vous émeut pas?
Ce n’est pas vrai, parce que le cheval
ne fait pas l’objet d’un élevage intensif. Cela reste très artisanal, c’est plutôt trois par ci, trois par là, qu’on destine à l’abattage. En France, les chevaux ne sont heureusement pas élevés
comme des vaches ou des porcs. Mais
il y aura toujours des boucheries chevalines pour lutter contre une évolution des mœurs. On mange encore
beaucoup trop de chevaux, principalement dans le nord de la France, en
Belgique, en Italie.
Et en Suisse…
Non! Vous me faites de la peine! J’étais
persuadée que non. Je suis déçue. Il
faut leur demander de ma part d’arrêter. Les Suisses ne peuvent pas continuer à me faire ça. Non et non. Ils doivent donner le bon exemple aux Français, qui ne pensent qu’à bouffer.
BB VEUT SE BATTRE «AVANT DE QUITTER CE MONDE»
Vous consacrez combien
de temps à votre combat pour
les bêtes?
BAROUD D’HONNEUR Quarante
Je travaille toute la journée, tous les
jours de toute l’année. Je ne prends pas
de vacances. Je n’ai jamais bossé autant
de toute ma vie. Si je ne mérite pas
qu’on me donne une récompense, le
monde est dégueulasse. Je vais avoir
80 ans cette année, mais j’ai une énergie terrifiante. J’ai de l’arthrose aux
hanches, je ne peux pas beaucoup me
balader. Mais je n’ai pas d’arthrose au
cerveau, croyez-moi.
ans qu’elle ne mange plus de viande,
explique-t-elle, et quarante et un
ans qu’elle a quitté le cinéma pour
s’occuper des animaux, avant de
créer en 1986 sa fondation, reconnue
d’utilité publique. «Et pourtant, je
n’ai toujours pas obtenu ce que je
voulais!» se plaint Brigitte Bardot,
qui fêtera ses 80 ans en septembre.
Séductrice et volontaire malgré son
âge, l’actrice fait de ce combat
contre la consommation de viande
de cheval l’affaire de sa vie. Elle
estime avoir «mérité de remporter
au moins une bataille avant de
quitter ce monde. J’ai été trop
courageuse, trop obstinée pour
qu’on ne m’accorde pas cela.»
Alors que les photos d’elle en
compagnie d’équidés foisonnent sur la
Toile, l’héroïne de «Et Dieu… créa la
femme» admet ressentir «un amour
fou pour les chevaux, même si les
vaches, les moutons et les poules sont
extraordinaires aussi».
Condamnée à plusieurs reprises
pour incitation à la haine raciale,
notamment pour des propos contre
l’immigration ou l’abattage rituel
des animaux, l’actrice a possédé
«pas mal de chevaux que j’ai gardé
toute leur vie. J’ai même eu une
jument, «Duchesse», qui a vécu
jusqu’à 40 ans. Cette jument, je l’ai
sauvée de l’abattoir en l’attrapant
par la culotte.»
A-t-elle beaucoup pratiqué
l’équitation? «Un peu, mais je monte
très mal, et j’ai une peur bleue!»
Désormais, BB se contente d’élever des
chevaux dans son jardin. «Ils viennent
presque jusque dans la cuisine. Je leur
donne des câlins, et ils me suivent, un
peu comme des chiens.» x
Au revoir, merci pour l’interview!
Au revoir, bonne année. Et mangez pas
de cheval, hein! x