Euthanasie et suicide assisté - The Royal College of Physicians and
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Euthanasie et suicide assisté - The Royal College of Physicians and
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Après une consultation avec son médecin, John, visiblement anxieux, dit : « Docteur, lorsque j'irai très mal, j'aimerais que vous m'aidiez à mettre fin à ma vie... ou achevez-moi en m'injectant quelque chose ou autre chose du genre. Ne me laissez pas souffrir! » Questions 1. Quelle est la demande de John N., et qu'êtes-vous habilité à faire légalement en tant que médecin? 2. Quels soins allez-vous apporter à John N. compte tenu de son attitude et de vos obligations éthiques et cliniques? Discussion La première suggestion de John à son médecin est considérée comme étant une demande de suicide assisté, un acte par lequel une autre personne fournit le moyen, les outils ou les conseils, mais c'est la personne qui souhaite mourir qui pose le geste qui tue. La seconde suggestion à l'effet que, dans une certaine situation à venir, il préfère que son médecin, motivé par la compassion face à sa souffrance, mette un terme à sa vie directement, sciemment et intentionnellement et sans souffrance est considérée comme étant une demande d'euthanasie volontaire. Le tableau ci-dessous présente les définitions des différents types d'euthanasie décrits par l'Association médicale canadienne et liés au cas à l'étude1,2. Il existe d'autres définitions de ces termes en circulation, ce qui complique et rend plus confus le débat sur la moralité de ces actes. À propos de l'euthanasie Type d'euthanasie Description liée au cas à l'étude Euthanasie volontaire John N. avait donné son consentement libre et éclairé de mettre fin à sa vie avant de recevoir l'injection létale. Euthanasie non volontaire John N. n'était plus apte à donner son consentement, pourtant il a reçu l'injection létale sans son consentement. Euthanasie involontaire Une personne (médecin ou autre), motivée par la compassion, met fin à la vie de John contre sa volonté ou sans son consentement libre et éclairé. Remarque : Les personnes qui appuient l'euthanasie suggèrent parfois que la cessation des interventions qui prolongent la vie ou le refus d'y avoir recours comme la dialyse ou la ventilation mécanique constitue aussi une forme d'euthanasie, qu'ils appellent « euthanasie passive »3. À l'opposé, la plupart des auteurs diront que l'élimination de ces interventions, lorsque la cause de la mort est une maladie sous-jacente, n'est pas de l'euthanasie, mais plutôt un acte qui permet de « laisser la personne mourir ». La distinction entre « laisser la personne mourir d'une maladie sous-jacente » et « causer la mort » est logiquement défendable et essentielle sur le plan éthique et juridique. Parallèlement, certaines personnes affirment qu'il y a euthanasie lorsque l'administration de médicaments antidouleur réduit la durée de vie d'une personne. La plupart des auteurs, y compris les spécialistes des soins palliatifs, insistent qu'une telle situation est un effet indésirable d'un soin palliatif désirable et que ce n'est pas une euthanasie. Il y a une énorme différence entre une mort intentionnelle et une mort simplement attendue par rapport à la conduite morale2. C'est pourquoi le terme euthanasie passive n'est plus utilisé. Questions juridiques et réglementaires Au Canada, le suicide a été décriminalisé en 1973, mais le suicide assisté est toujours un crime. L'article 241 du Code criminel du Canada énonce que quiconque conseille, aide ou encourage une personne à se donner la mort est passible d'une infraction punissable par mise en accusation. En 1994, Mme Rodriguez a contesté cet article du code en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Bien que cette cause ait été présentée devant la Cour suprême, elle a finalement été rejetée par une faible majorité de juges4. Le statut juridique de l'euthanasie dans la loi canadienne est sans équivoque. Selon le droit pénal, l'euthanasie équivaut à un homicide coupable, qu'un consentement ait été donné ou non, que le geste ait été posé par un médecin ou une autre personne ou que l'euthanasie ait été volontaire, non volontaire ou involontaire5. Il arrive que les tribunaux canadiens donnent des sentences plus clémentes dans le cas d'aidants naturels, désespérés et incapables de soulager la douleur, ayant commis un acte sous forte pression et enlevé la vie de leur proche, mais sans gain personnel6. Toutefois, les tribunaux s'attendent à ce que les professionnels répondent à des normes plus strictes et soient toujours respectueux des lois. Par exemple, un médecin d'Halifax a fait l'objet d'accusations après avoir injecté une solution de chlorure de potassium (KCl) à un patient mourant et miséreux. Plus tard, un juge a affirmé avoir déclaré un non-lieu seulement en raison du manque de preuve que l'injection de KCl, si le médecin avait effectivement injecté cette solution, avait causé la mort du patient, parce que ce dernier avait reçu une grande quantité d'analgésiques7. Par contre, l'administration de médicaments antidouleur en dosage et en fréquence nécessaires pour soulager le patient n'a jamais été condamnée par les tribunaux canadiens, même si les médicaments ont contribué à raccourcir la vie du patient. Il existe des lignes directrices aidant à distinguer les soins palliatifs de l'euthanasie8. Les décisions judiciaires ainsi que la politique publique expriment un consensus général voulant qu'il soit acceptable de suspendre ou de cesser des traitements visant à prolonger la vie lorsque la décision a été prise avec soin. La loi fait une claire distinction entre mettre fin activement à la vie d'une personne, ce qui est contraire à la loi, et laisser une personne mourir d'une maladie sous-jacente, ce qui est souvent permis et qui peut même être requis si le patient ou la personne appelée à décider au nom du patient n'a pas consenti ou a retiré sont consentement à une intervention visant à prolonger la vie. La politique de l'Association médicale canadienne énonce que l'organisme n'admet pas l'euthanasie ni le suicide assisté1. L'Association reconnaît que la décision de changer ces lois revient à la société et elle souhaite participer à ce débat en offrant la perspective et les inquiétudes de la profession médicale. De nombreux organismes médicaux (comme les associations médicales britannique, américaine et australienne) s'opposent à l'euthanasie et au suicide assisté. Selon l'Association médicale mondiale, l'euthanasie est contraire à l'éthique9. L'euthanasie et le suicide assisté sont aussi contraires à la loi dans la plupart des pays du monde. Certains pays d'exception comme la Hollande, la Belgique et certains cantons de la Suisse admettent les deux actes et, depuis 1994, l'État d'Oregon permet le suicide assisté dans certaines conditions2. Il est fortement conseillé aux médecins de ne pas pratiquer l'euthanasie ni le suicide assisté, quelle que soit leur opinion à ce sujet10. Questions déontologiques Il y a une grande différence entre l'euthanasie et le suicide assisté du point de vue pratique et juridique, mais les deux actes soulèvent des questions de déontologie similaires qui seront abordées ensemble. Selon l'éthique médicale traditionnelle, l'euthanasie et le suicide assisté sont des actes dommageables et constituant une transgression inacceptable des règles du corpus d'Hippocrate « primum non nocere » [D'abord, ne pas faire de mal]. À l'heure actuelle, toutefois, les points de vue sont divergents. Les enquêtes indiquent qu'un grand pourcentage de la population, y compris des médecins, considère l'euthanasie et le suicide assisté acceptables moralement dans certaines conditions. Les principaux arguments en faveur de l'euthanasie et du suicide assisté sont les suivants : a) le respect de l'autonomie ou le principe d'autodétermination de vivre ou de mourir nous demande de permettre aux personnes compétentes de décider si la vie a encore de la valeur pour le patient, si le patient peut choisir le moment de sa mort et s'il peut obtenir de l'aide pour mettre un terme à sa vie; b) par compassion, rendre l'euthanasie et le suicide assisté accessibles aux personnes dont la souffrance, sous une ou plusieurs formes, est incontrôlable et aussi aux personnes qui souhaitent éviter une situation de perte de dignité comme d'être totalement dépendants des autres pour obtenir des soins. Les principaux arguments contre l'euthanasie et le suicide assisté sont les suivants : a) il est toujours mal pour une personne de tuer volontairement une autre personne innocente, même à la demande de cette dernière, et de renverser la norme morale qui a toujours eu cours dans l'histoire de l'humanité, ce qui pourrait miner la valeur et le respect de la vie humaine en général; b) l'approbation morale de l'euthanasie et du suicide assisté risquerait d'entraîner une dévaluation des personnes vulnérables — malades, gravement handicapés ou âgées — et constituerait une menace pour ces personnes dans le cas où elles ne souhaitent pas faire appel à l'euthanasie ou au suicide assisté, mais qu'elles sont perçues comme une trop lourde charge pour elles-mêmes et pour les autres, en particulier lorsque les ressources de soins de santé sont restreintes; c) d'un point de vue professionnel, tuer intentionnellement une personne, quelle que soit la circonstance, est tout à fait contraire au rôle des médecins. Un grand nombre de publications abordent en détail ces arguments et d'autres aussi11-14. Essentiellement, celles qui appuient l'euthanasie et le suicide assisté se fondent sur les intérêts de la personne individuelle et celles qui s'y opposent visent davantage les intérêts de la collectivité. Si nous jugeons que l'euthanasie volontaire et le suicide assisté de quelques personnes entraînerait un dommage important à d'autres personnes et au reste de la collectivité en général, alors le rejet de ces actes pour des principes moraux peut représenter une limite raisonnable à l'expression de l'autonomie et de la compassion. La conformité à l'éthique en matière de « laisser une personne mourir » dépend des circonstances. Si le patient ne donne pas un consentement libre et éclairé ou n'a pas retiré un consentement donné antérieurement à une intervention visant à prolonger la vie, le médecin a une obligation morale de ne pas intervenir, même si la mort s'ensuivra. Il est aussi acceptable moralement de suspendre ou de cesser une intervention de maintien ou qui ne fait que prolonger le processus de la mort d'un patient atteint d'une maladie incurable et progressive. Toutefois, il serait moralement déplorable et préjudiciable de « laisser une personne mourir » alors que celle-ci avait consenti à une intervention disponible visant à prolonger la vie, même si l'acte était motivé par la compassion15. Démarche clinique Le médecin doit informer son patient, John N., que les deux actes que celui-ci propose sont interdits par la loi et posent un dilemme moral. Néanmoins, il ne peut simplement écarter la demande en expliquant les contraintes juridiques. Même s'il n'a pas l'intention de satisfaire à la demande du patient, il doit lui expliquer les soins qui lui seront offerts. L'obligation morale d'un aidant professionnel est de comprendre pleinement les motivations, les besoins, les inquiétudes et les objectifs du patient et de chercher tous les moyens possibles d'aborder ces questions du point de vue moral, juridique et cliniquement responsable16. Ce qui est particulièrement le cas dans notre étude parce que la demande de John n'est pas habituelle. La plupart des patients atteints d'une maladie incurable désirent toutes les interventions médicales pouvant prolonger la vie, même si ces interventions réduisent leur qualité de vie. Il est probable que John vit une détresse émotionnelle et d'autres formes d'afflictions en plus de ses symptômes physiques, et le médecin doit prévoir une évaluation psychologique, sociale et spirituelle et des soins multidisciplinaires. Si une dépression est diagnostiquée, il faut lui offrir un traitement. Même si la douleur de John est bien contrôlée à l'heure actuelle, il faut quand même aborder sa peur de la douleur à venir, de l'isolement et de la solitude17. Il faut aussi l'avertir qu'il a le droit de refuser toute intervention, même celles qui peuvent lui sauver la vie, et qu'il peut laisser des directives détaillées de sa volonté, de vive voix ou par écrit, aux membres de sa famille en prévision du temps où il ne pourra plus prendre de décisions. Conclusion Dans le cas de John N., une évaluation plus poussée a révélé que son père avait aussi été atteint d'un cancer et que celui-ci n'avait pas reçu des soins adéquats en fin de vie. John a été très bouleversé par la souffrance de son père et il avait peur de souffrir autant à son tour. Aussi, il ne veut pas être un fardeau pour ses filles. John et sa famille ont reçu les bons soins d'une équipe de soins composée d'un oncologue, d'une infirmière de soins palliatifs, d'un aumônier, d'un travailleur social et de bénévoles. Toute cette attention a beaucoup aidé John à faire confiance à son équipe de soins et à sentir qu'il ne serait pas abandonné. Il savait que toute l'équipe se souciait beaucoup de son confort. Pendant une discussion à propos de ses soins, il a accepté l'idée de viser le contrôle total de ses symptômes, le risque de perte de vigilance et de mort prématurée causée par les médicaments. Les enfants et les amis de John se sont réunis autour de lui et il était satisfait malgré la détérioration de son état physique. Lorsque le médecin lui a rappelé sa demande d'euthanasie et de suicide assisté, John a rejeté l'idée. Références 1. Association médicale canadienne. L’euthanasie et le suicide assisté (Révision 2007), Ottawa, Association médicale canadienne, 2007, accessible en ligne sur le site http://policybase.cma.ca/dbtwwpd/Policypdf/PD07-01F.pdf 2. Keown J. Euthanasia, ethics and public policy, Cambridge, presses de la Cambridge University, 2002. 3. Rachel J. The end of life. Oxford, presses de la Oxford University, 1986. 4. Rodriguez c. la Colombie-Britannique (procureur général), (1993), 3 S.C.R. 519. 5. Lemmens T., Dickens BM. « Canadian law on euthanasia: contrasts and comparison », European Journal of Health Law, 2000, vol. 8. 6. Le comité spécial du Sénat sur l’euthanasie et l’aide au suicide. De la vie et de la mort, Ottawa, Approvisionnements et services, 1995. 7. Sneiderman B., Deutscher R. « Dr. Nancy Morrison and her dying patient: a case of medical necessity », Health Law Journal, 2002, vol. 10, p. 1-30. 8. Hawryluk LH., Harvey WRC., Lemieux-Charles L., Singer PA. « Consensus guidelines on analgesia and sedation in dying intensive care unit patients », BMC Medical Ethics, 2002, vol. 3, no 3. 9. Williams JR. Manuel d’éthique médicale, Ferney-Voltaire Cedex (France), Association médicale mondiale, 2005, accessible en ligne sur se site www.wma.net/e/ethicsunit/pdf/manual/ethics_manual.pdf 10. Lavery JV., Singer PA. « The "Supremes" decide on assisted suicide: what should a doctor do? », CMAJ: Canadian Medical Association Journal, 1997, vol. 157, no 4, p. 405-406. 11. Gorsuch NM. The future of assisted suicide and euthanasia, Princeton, presses de la Princeton University, 2006. 12. Kotalik J. Euthanasia and assisted suicide: comparing and contrasting arguments, Thunder Bay, Centre for Health Care Ethics, Lakehead University, 2006. 13. Misbin RI., éditeur. Euthanasia: the good of the patient, the good of society, Frederick, Maryland, University Publishing Group, 1992. 14. Somerville M. Death talk, Montréal et Kingston, presses des universités McGill et Queens, 2001. 15. Veatch RM. « The principle of avoiding killing » dans The basics of bioethics, Upper Saddle River (N.J.), Prentice Hall, 2003, p. 88-104. 16. Comité d’éthique du Collège des médecins de famille du Canada. La déclaration sur l’euthanasie et l’aide médicale au suicide, Ottawa, Collège des médecins de famille du Canada, 2005, accessible en ligne sur le site http://www.cfpc.ca/French/cfpc/communications/health%20policy/2000%20statement%20concerning%20euthanasia/default.asp? s=1 17. Payne R. « Dying well in America: what is required of physicians? », Virtual Mentor, 2006, vol. 8, p. 609612.