LES BASES ANATOMIQUES DE LA GENIOPLASTIE
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LES BASES ANATOMIQUES DE LA GENIOPLASTIE
UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES M.S.B.M MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE 2003-2004 UNIVERSITE DE NANTES LES BASES ANATOMIQUES DE LA GENIOPLASTIE Par OILLIC Hélène LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. J. LE BORGNE Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • • • • • Laboratoire : Pr. O. ARMSTRONG Dr. O. BARON Pr. C. BEAUVILLAIN Pr. P. COSTIOU Pr. D. CROCHET Pr. A. DE KERSAINT-GILLY Dr. H. DESAL Pr. B. DUPAS Pr. Y. HELOURY Pr. P.A. LEHUR Pr. N. PASSUTI Pr. R. ROBERT Pr. D. RODAT Dr VALETTE S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES M.S.B.M MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE 2003-2004 UNIVERSITE DE NANTES LES BASES ANATOMIQUES DE LA GENIOPLASTIE Par OILLIC Hélène LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. J. LE BORGNE Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • • • • • Laboratoire : Pr. O. ARMSTRONG Dr. O. BARON Pr. C. BEAUVILLAIN Pr. P. COSTIOU Pr. D. CROCHET Pr. A. DE KERSAINT-GILLY Dr. H. DESAL Pr. B. DUPAS Pr. Y. HELOURY Pr. P.A. LEHUR Pr. N. PASSUTI Pr. R. ROBERT Pr. D. RODAT Dr VALETTE S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique REMERCIEMENTS Je remercie Messieurs les professeurs J. LE BORGNE, J.M. ROGEZ, R. ROBERT et O. AMSTRONG, qui ont su, dès le début, me passionner pour l’anatomie et ainsi me mener à ce travail. Tous mes remerciements au professeur J.M. ROGEZ pour sa disponibilité et son écoute. Je souhaite également exprimer ma reconnaissance au Docteur LUMINEAU pour l’intérêt qu’il a porté à mon projet et ses précieux conseils. Je remercie le Docteur K. ELAMRANI pour m’avoir ouvert les portes de son bloc opératoire et messieurs Y.BLIN et S. LAGIER, pour leur gentillesse et leur aide tout au long de cette étude. Evidemment, je n’aurais pas réussi ce travail sans le soutien de ma famille et de mes amis. SOMMAIRE I. Introduction II. Phylogenèse III. Ontogenèse et Embryogenèse IV. Rappels anatomiques V. Matériel et méthodes VI. Résultats A. Vue générale anatomique B. La région mentonnière a) Le muscle abaisseur de l’angle de la bouche, de la lèvre inférieure, le muscle mentonnier et le muscle buccinateur b) La vascularisation : - Artérielle - Veineuse c) L’innervation - Motrice : le nerf facial - Sensitive : le nerf mandibulaire (V3) VII. Anatomie fonctionnelle et dysfonctionnement de l’ensemble musculaire labiomentonnier VIII. Techniques chirurgicales A. La chirurgie d’affaiblissement B. La génioplastie a) Imagerie b) Protocole IX. Discussion et Conclusion X. Bibliographie I. INTRODUCTION La génioplastie est une intervention visant à modifier la forme du menton. Elle consiste essentiellement à pratiquer une ostéotomie de la partie basilaire de la symphyse mandibulaire, puis une ostéosynthèse en position d’avancée, de recul, d’élévation ou d’abaissement. Elle présente des applications à la fois fonctionnelles et esthétiques, ce que nous démontrerons à partir d’un tableau clinique : l’hyperactivité des muscles labio-mentonniers. Cette dernière est à l’origine d’une problématique clinique s’exprimant de plusieurs façons : • par une hyperactivité des muscles buccinateurs qui peut engendrer : - Une rétroalvéolie globale inférieure : l’ensemble du tiroir alvéolo-dentaire se situe en retrait par rapport au support squelettique mandibulaire, alors même que les axes des incisives sont correctement vestibulés, - Une récidive d’encombrement antérieur ou l’apparition d’un surplomb incisif augmenté après traitement orthodontique ; • par une hyperactivité des muscles mentonniers (le muscle abaisseur de l’angle de la bouche, de la lèvre inférieure et le muscle mentonnier) qui engendre des récessions parodontales. Ainsi, l’arcade alvéolo-dentaire est dépendante de la musculature environnementale antérieure et latérale. Pour assurer un équilibre dento-alvéolosquelettique ainsi qu’une intégrité osseuse et une stabilité des traitements (notamment orthodontiques), il apparaît nécessaire de « décomprimer » la partie antérieure (voire latérale) des arcades par une chirurgie d’affaiblissement des muscles labio-mentonniers, associée ou complétée par une génioplastie. Avant d’aborder le traitement chirurgical et l’anatomie fonctionnelle de cet ensemble musculaire labio-mentonnier, intéressons-nous à l’anatomie de cette région mentonnière. Dans un premier temps, nous préciserons la phylogenèse et l’ontogenèse du menton ; puis dans un second temps, nous exposerons nos résultats à partir de nos travaux de dissections. II. PHYLOGENESE Le menton est, dit-on, « le propre de l'Homme ». Pour Hippocrate, l'articulation des mâchoires se situait au milieu du menton et, en haut, à la tête. Il y avait deux mandibules, l'une gauche, l'autre droite, articulées au niveau du menton. Nous savons aujourd'hui qu'à la naissance, chez l'Homme comme chez les autres singes, les deux hémi-mandibules se soudent et ne forment plus qu'un seul os, tandis que de très nombreux mammifères n'ont jamais de synostose mandibulaire. Certes la variabilité de l'Homme actuel est grande mais, en dehors de certaines pathologies ou malformations, il possède toujours un menton saillant. Chez les Hommes fossiles, cette région antérieure de la symphyse mandibulaire pose souvent des problèmes. Chez certains, des éléments du menton y sont reconnaissables et chez d'autres moins alors que les angles symphysaires sont semblables. Mais qu'entend-t-on exactement par "menton"? Il est souvent admis que lorsque la mandibule repose par sa base sur un plan horizontal, si la partie antérieure et inférieure de la symphyse mandibulaire se projette en avant de la verticale abaissée de l'infradental (à la mandibule, point médian, le plus saillant du rebord alvéolaire antérieur, entre les deux incisives médianes), il y a "menton vrai" (fig. 1), ce menton est dit positif et l'angle symphysaire est aigu. Il est dit nul s'il est tangent à cette verticale, l'angle symphysaire est droit et négatif s'il se positionne en retrait, l'angle est alors obtus. Fig.1 Mise en évidence du menton positif d’après J. Granat « De l’étude du menton à l’anatomie dentaire au XVIème siècle » Ce menton est composé de plusieurs éléments disposés en triangle dont la base correspond au bord inférieur de la mandibule et le sommet se situe sur la ligne médiane à environ mi-hauteur. Une fossette sépare le menton de la partie alvéolo-dentaire et accuse la proéminence sous-jacente. Il se trouve que plusieurs de ces éléments existent chez certains des Hominidés fossiles mais aucun fossile ne possède une réelle saillie mentonnière. Depuis plusieurs années avait été émise l'hypothèse que le phylum qui conduit à l'Homme actuel s'était individualisé depuis au moins 2.400.000 années à partir de Homo habilis. Les fossiles mis au jour en 1991 à Dmanisi dans le Caucase géorgien et qui sont datés de 1.750.000 ans pouvaient se situer sur ce rameau. Des découvertes récentes sur ce même site vont dans ce sens et confortent cette idée. L'Homme de Dmanisi, baptisé Homo georgicus, pourrait bien être l'un de nos très anciens ancêtres. Les études menées sur ces fossiles concluent à la présence, chez eux d'éléments du menton avec même parfois, une légère dépression mentonnière sus-jacente, mais cette morphologie demeure en arrière de la verticale décrite plus haut et l'angle symphysaire n'est pas encore aigu. Plus proche de nous, les fossiles de Omo Kibish (Ethiopie) datés d'environ 120 000 ans et ceux de Qafzeh et de Skhūl (Israël) datés de 95.000 à 100 000 ans, sont considérés comme des Hommes anatomiquement modernes, probablement parmi les plus anciens. Chez eux, la région symphysaire est proche de celle de l'Homme actuel. Omo Kibish possède une éminence mentonnière et le trait le plus frappant de la mandibule de Qafzeh 9 est la présence d'une forte saillie mentonnière. L'examen du profil de la symphyse montre une forte incurvation surmontant le triangle mentonnier. D'un point de vue biométrique, et « Compte tenu que 2,4 millions d'années, au moins, se seraient écoulées depuis la naissance du genre Homo, il suffit qu'à chaque génération apparaisse un individu dont l'angle symphysaire mandibulaire soit d'un epsilon plus aigu que le plus aigu de la génération précédente, pour passer d'une symphyse quasi verticale comme chez Homo habilis à une saillie mentonnière très prononcée comme chez Homo sapiens sapiens ». III. ONTOGENESE ET EMBRYOGENESE Chez l’homme, cinq paires d’arcs pharyngiens apparaissent, de chaque côté de l’intestin pharyngien, à partir du 22ème jour. Ces formations correspondent aux arcs branchiaux 1, 2, 3, 4 et 6 des vertébrés primitifs. Chaque arc a un revêtement extérieur d’ectoderme, un intérieur, d’endoderme ainsi qu’un axe mésenchymateux dérivé de la lame latérale tout en comprenant également des éléments issus des somitomères adjacents, des somites ou encore de la crête neurale. Chaque arc contient : • Un support cartilagineux • Un arc artériel aortique • Un nerf crânien Les arcs sont séparés, extérieurement, par les fentes pharyngiennes, recouvertes d’ectoderme, et, intérieurement, par les poches pharyngiennes, tapissées par l’endoderme. Le premier arc pharyngien se remanie pour donner un bourgeon maxillaire, crânial, et un bourgeon mandibulaire, caudal. Ces bourgeons, à l’origine des mâchoires correspondantes, contiennent un axe central cartilagineux, issu de la crête neurale du mésencéphale et du métencéphale. Le cartilage central du bourgeon mandibulaire est le cartilage de Meckel. Après le développement des mâchoires, le cartilage du second arc : le cartilage de Reichert, a été recruté comme élément d’ancrage destiné à les soutenir. Le mésoderme para-axial de chaque arc pharyngien est à l’origine d’un groupe musculaire fonctionnel innervé par une branche de nerf crânien spécifique de chaque arc. Chaque muscle se déplace avec son nerf lorsqu’il migre. Ainsi les muscles de la région mentonnière et le buccinateur, appartenant aux muscles de la mimique, sont issus des myoblastes du deuxième arc pharyngien. Ils sont innervés sur le plan moteur par le nerf facial et par le nerf mandibulaire (troisième branche de division du trijumeau) sur le plan sensitif. Devenir de la musculature et des nerfs crâniens des arcs pharyngiens d’après Larsen IV. RAPPELS ANATOMIQUES 1. Le muscle buccinateur D’après Rouvière, il est placé à la partie profonde de la joue, entre les maxillaires et la commissure des lèvres. Il est aplati, large, irrégulièrement quadrilatère. Ses attaches postérieures se font : - au bord antérieur du ligament ptérygo-mandibulaire ; - au processus alvéolaire des maxillaires et de la mandibule, le long des trois dernières molaires. L’insertion au processus alvéolaire se prolonge sur la crête buccinatrice et s’unit en arrière, au faisceau tendineux du temporal qui s’attache à la lèvre interne du bord antérieur de la branche mandibulaire. De cette ligne d’insertion qui représente un U ouvert en avant, les fibres gagnent la commissure labiale, les fibres supérieures un peu obliquement en bas et en avant, les fibres moyennes à peu près horizontalement, les fibres inférieures obliquement en haut et en avant. Les fibres s’entrecroisent au voisinage de la commissure et du tiers externe des lèvres. L’entrecroisement est tel que les fibres supérieures vont à la commissure et à la lèvre inférieure, tandis que les lèvres inférieures se terminent sur la commissure et la lèvre supérieure. Action : les buccinateurs tirent en arrière les commissures labiales et allongent la fente ou l’orifice buccal. Ils participent à l’action de souffler, de siffler, et prennent part à la formation du bol alimentaire. La direction des fibres et leurs rapports sont décrits bien différemment par d’autres auteurs : - Paturet précise le trajet et la direction des fibres musculaires : les faisceaux du muscle convergent vers la commissure labiale ; à ce niveau, les fibres charnues du buccinateur s’entrecroisent de telle sorte que les fibres des faisceaux supérieurs ou descendants passent dans la lèvre inférieure, alors que les fibres des faisceaux inférieurs ou ascendants passent dans la lèvre supérieure ; les fibres moyennes se croisent avec celle de l’orbiculaire des lèvres et toutes se terminent en se fixant à la face profonde de la peau de la commissure labiale et de la partie adjacente des lèvres ; - Testut souligne les rapports avec l’orbiculaire : arrivés aux commissures, ces divers faisceaux ne passent pas dans la région labiale pour s’y continuer avec les demi-orbiculaires ; cette continuité du buccinateur et de l’orbiculaire n’est qu’apparente. En réalité les faisceaux du buccinateur se perdent, au niveau des commissures, sur la face profonde de la muqueuse buccale, de la même manière que ceux de l’orbiculaire ; - Crépy n’observe aucun croisement des fibres buccinatrices. En effet, il décrit le rapport de ces fibres avec le tiers latéral des lèvres et précise : les lèvres inférieures allant à la lèvre inférieure, les fibres supérieures à la lèvre supérieure. - Frédérick se réfère au Gray’s Anatomy qui décrit les fibres du buccinateur convergentes vers la commissure labiale, où les fibres moyennes se croisent et se continuent avec le muscle orbiculaire, tandis que les fibres supérieures et inférieures ne se croisent pas et se continuent elles aussi avec l’orbiculaire. Ces différences d’opinion mettent en avant la complexité de la topographie et de rapports de ce muscle, dont le rôle est pourtant fondamentalement dans de multiples fonctions. 2. Le muscle abaisseur de l’angle de la bouche (anciennement triangulaire des lèvres) Il s’insère par sa base à la partie antérieure de la ligne oblique de la mandibule au-dessous de l’attache du muscle abaisseur de la lèvre inférieure. Les fibres charnues vont se terminer à la face profonde de la peau de la commissure labiale en s’entrecroisant avec les fibres des muscles releveurs. Action : il attire la commissure en bas et en dehors. 3. Le muscle abaisseur de la lèvre inférieure (anciennement carré du menton) Sous-jacent au muscle abaisseur de l’angle de la bouche, c’est un muscle quadrilatère, aplati, très mince, qui occupe la partie latérale du menton et de la lèvre inférieure. Ses fibres sont dirigées en sens inverse de celles du muscle abaisseur de l’angle de la bouche, c’est-à-dire obliquement en haut et en dedans. Il s’insère : - en bas, par une courte et mince lamelle tendineuse, sur le tiers antérieur de la ligne oblique immédiatement au-dessus des insertions du muscle abaisseur de l’angle de la bouche et audessous du foramen mentonnier ; - en haut, sur la face profonde des téguments de la lèvre inférieure ; quelques fibres traversent l’orbiculaire pour se fixer à la muqueuse. A leur terminaison, ces deux muscles sont fusionnés par leurs bords internes. Action : il abaisse la lèvre inférieure et éverse en dehors son bord libre. Associé au muscle abaisseur de l’angle de la bouche, il intervient dans les expressions tristes : c’est le muscle du dégoût, de la moue. 4. Le muscle mentonnier (anciennement houppe du menton) Le muscle mentonnier est un petit muscle aplati, triangulaire, paramédian : juxtaposé à celui du côté opposé, il occupe la région mentonnière. Il s’insère : - d’une part sur la mandibule, dans la partie supérieure de la fossette mentonnière, s’étendant en dehors jusqu’à la saillie alvéolaire de la canine ; - d’autre part par un pinceau de fibres divergentes, sur la face profonde de la peau de la région mentonnière et sur le ligament de la houppe. Sa face profonde repose directement sur le menton osseux. Le ligament mentonnier (de la houppe du menton) est un cordon fibroélastique médian interposé entre les deux muscles. Inséré sur la symphyse mentonnière, il s’épanouit en bas et en avant de chaque côté de la ligne médiane sur la peau de la région mentonnière, où il se fixe. La fossette du menton est due à ce ligament, ainsi qu’à l’écartement des muscles mentonniers. Action : il est élévateur des parties molles du menton : c’est le muscle releveur du menton. Il détermine également l’ascension de la lèvre inférieure et fronce la peau du menton. C’est le muscle qui intervient dans le marmottement des lèvres. Schéma général d’après Rouvière V. MATERIEL ET METHODES 1. Matériel Au cours des dissections, nous avons utilisé : - Manches de bistouris n°3 et 4 Lames 15 et 23 Ciseaux droits pointus Ciseaux courbes mousses Pinces à disséquer standards avec et sans griffes Pinces à champs Ecarteurs type Faraboeuf Scie Scie à main Fraise à os Rugines Marteau 2. Méthodes Nous avons disséqué cinq sujets adultes, un de sexe masculin et quatre de sexe féminin, allant de 75 à 94 ans avec une moyenne d’âge d’environ 84 ans. Ils ont tous, au départ, été travaillés frais puis fixés dans un second temps par une solution formolée. Notre première dissection fut réalisée sur un sujet frais de sexe masculin âgé de 76 ans. Réalisée dans un souci de familiarisation avec le sujet, nous avons choisi un abord antérieur. Très rapidement nous nous sommes rendus compte de la difficulté que présente la peau masculine (poils de barbe) ; c’est pourquoi - non par féminisme - nous avons choisi des sujets de sexe féminin pour la suite de notre travail de dissection. Nous avons également noté l’intérêt de sujets présentant une dentition relativement suffisante, d’une part pour faciliter la dissection et d’autre part par raison d’esthétique. VI. RESULTATS A. Vue générale anatomique : Les muscles des lèvres se répartissent en deux groupes : les constricteurs : le muscle orbiculaire de la bouche et le muscle compresseur des lèvres. les dilatateurs : (De haut en bas) les muscles releveurs superficiel et profond de la lèvre supérieure et de l’aile du nez, le muscle releveur de l’angle de la bouche, les muscles petit et grand zygomatiques, le muscle buccinateur, le muscle risorius, le muscle abaisseur de l’angle de la bouche, le muscle abaisseur de la lèvre inférieure, le muscle mentonnier et le platysma. Les muscles dilatateurs sont des lames musculaires qui rayonnent des lèvres vers les différentes régions de la face. Ils sont disposés sur deux plans principaux : le plan profond et le plan superficiel. le plan profond est constitué : en haut, par le muscle releveur de l’angle de la bouche ; à la partie moyenne, par le muscle buccinateur ; en bas, par le muscle abaisseur de la lèvre inférieure et le muscle mentonnier. Le plan superficiel est représenté : en haut, par les muscles releveurs de l’aile du nez et de la lèvre supérieure ainsi que les muscles petit et grand zygomatiques ; à la partie moyenne, par le muscle risorius ; en bas, par le muscle abaisseur de l’angle de la bouche et le platysma. Haut Gauche Muscle releveur de l’angle de la bouche Muscle releveur de la lèvre supérieure Muscle grand zygomatique Muscle abaisseur de l’angle de la bouche Muscle orbiculaire de la bouche Muscle abaisseur de la lèvre inférieure Muscle mentonnier Vue antérieure de la face Photo n°1 Haut Avant Muscle grand zygomatique Couche profonde du masséter Muscle buccinateur Muscle abaisseur de l’angle de la bouche Muscle abaisseur de la lèvre inférieure Couche superficielle du masséter Vue latérale droite Photo n°2 B. La région mentonnière : a) Le muscle abaisseur de l’angle de la bouche, de la lèvre inférieure le muscle mentonnier et le muscle buccinateur • Le muscle abaisseur de l’angle de la bouche, de la lèvre inférieure et le muscle mentonnier Ces trois muscles appartiennent aux muscles cutanés de la face et de la mimique. En effet par leurs insertions, ils participent avec de nombreux muscles à la mimique de la tristesse : Le muscle abaisseur de l’angle de la bouche tire en bas et en dehors la commissure labiale, il allonge le sillon nasolabial ; c’est le muscle qui donne l’air sombre. Parfois sa contraction volontaire est utilisée pour retenir les cris et les pleurs, comme l’a bien vu Darwin, assurant ainsi une occlusion particulière des lèvres venant renforcer celle du muscle orbiculaire de la bouche et celle des maxillaire et mandibule dues au muscle masséter. Le muscle abaisseur de la lèvre inférieure et le muscle mentonnier agissant plus verticalement sur la lèvre inférieure qu’ils abaissent directement et éversent, donnent au visage un aspect dédaigneux, la lèvre fait la moue. Mimique de la tristesse, schéma d’après Rouvière Haut Photo n°3 Gauche Vue antérieure de la région mentonnière Muscle abaisseur de l’angle de la bouche Muscle orbiculaire de la bouche Muscle mentonnier Muscle abaisseur de la lèvre inférieure • Le muscle buccinateur Ses attaches postérieures se font : - au processus alvéolaire des maxillaires et de la mandibule, le long des trois dernières molaires. L’insertion au processus alvéolaire se prolonge sur la crête buccinatrice et s’unit en arrière, au faisceau tendineux du temporal qui s’attache à la lèvre interne du bord antérieur de la branche mandibulaire. - au bord antérieur du ligament ptérygo-mandibulaire. Le ligament ptérygo-mandibulaire ou fascia bucco-pharyngéal, doit être considéré comme une intersection tendineuse entre les muscles buccinateur et constricteur supérieur du pharynx. Il s’attache en dedans, au sommet et au bord inférieur du crochet de l’aile médiale du processus ptérygoïde. De là le ligament se porte, en s’élargissant, en dehors, en bas et en avant, et se termine sur le côté médial du bord alvéolaire de la mandibule, en arrière de la dernière molaire. Haut Avant Muscle buccinateur Lame ptérygoïdienne médiale Muscle constricteur supérieur du pharynx Ligament ptérygomandibulaire Vue latérale droite du muscle buccinateur Photo n°4 b) La vascularisation artério-veineuse • La vascularisation artérielle : Le travail de dissection s’est déroulé en plusieurs étapes. Nous avons tout d’abord réalisé une injection artérielle, nécessitant le repérage de l’artère carotide externe. Les rapports de cette dernière sont le sterno-cléido-mastoïdien en avant avec le nerf hypoglosse et le tronc veineux thyro-linguo-faciale qui la croisent, en arrière l’artère carotide interne et en dedans, le pharynx. L’artère faciale se détache de la face antérieure de l’artère carotide externe à 5 mm au-dessus de l’artère linguale. Elle se porte en haut et en avant, adossée à la paroi pharyngienne, passe sous le ventre postérieur du muscle digastrique, sous le muscle stylo-hyoïdien et pénètre au-dessus de ces muscles dans la loge sous-mandibulaire. L’artère faciale contourne cette glande de dedans en dehors et d’arrière en avant en passant au-dessus d’elle ; elle décrit ainsi une première courbe pharyngée ou susglandulaire, dont la concavité inférieure repose sur la glande. S’infléchissant ensuite sur le bord inférieur de la mandibule, l’artère faciale décrit une deuxième courbe sous-mandibulaire, dont la concavité embrasse le bord inférieur de la mandibule, en regard de l’angle antéro-inférieur de muscle masséter (photo n°5). Notre dissection s’est avérée proche de la description décrite dans le Rouvière. En effet les artères labiales supérieures et inférieures s’individualisent au niveau des commissures des lèvres. Mais alors que nous nous intéressions à l’innervation des muscles de la région mentonnière, sur un sujet frais féminin de 94 ans, nous avons découvert au cours de la dissection de l’artère faciale, une branche se dirigeant vers la partie antérieure du menton. Cette branche, absente sur le sujet précédemment injecté, naît au milieu du corps de la mandibule, se dirige au bord alvéolaire puis part horizontalement jusqu’à la symphyse mandibulaire en passant au-dessus du foramen mentonnier. Elle ascensionne ensuite vers le muscle orbiculaire de la bouche, pour se jeter finalement dans la lèvre inférieure. Une question s’est alors posée : cette branche a-t-elle été décrite antérieurement et comment se nomme-t-elle ? La réponse s’est trouvée dans le manuel de dissection de Georges Winckler, dans lequel nous avons découvert un schéma d’anatomie identique à notre dissection. Aussi cette branche collatérale de l’artère faciale porte le nom d’artère labiale inférieure. Les surprises se sont succédées avec le repérage de l’artère angulaire, absente également sur le sujet injecté. En effet, après le départ de l’artère de l’aile du nez, l’artère faciale devient l’artère angulaire. Celle-ci monte le long du sillon naso-génien d’abord, du sillon naso-palpébral ensuite, et s’anastomose, vers l’angle médial de l’œil, avec l’artère dorsale du nez, branche de l’artère ophtalmique. Haut Photo n°5 Avant Vue latérale de la région sous mandibulaire Muscle masséter Veine faciale Artère faciale : courbe sous-mandibulaire Artère faciale : courbe susglandulaire L’artère faciale monte sur la face, obliquement en haut et en avant, en décrivant une troisième courbe, la courbe faciale, dont la concavité regarde en arrière et en haut. Elle se dirige d’abord vers la commissure des lèvres, puis se redresse pour longer le sillon naso-génien. Dans son trajet facial, on constate qu’elle est très sinueuse : elle repose sur le muscle buccinateur, le muscle releveur de l’angle de la bouche, le muscle releveur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez ; tandis que le platysma, les muscles abaisseur de l’angle de la bouche et zygomatiques la recouvrent. Haut Arrière Artère temporale superficielle Muscle grand et petit zygomatique Artère transverse de la face Artère faciale Vue latérale gauche de la face Photo n°6 Haut Photo n°7 Arrière Vue latérale gauche de la face Muscle buccinateur Artère faciale Muscle masséter Ensuite nous avons pratiqué une ostéotomie mandibulaire à l’aide d’une scie à main, afin de disséquer l’artère maxillaire, branche de bifurcation médiale ou profonde de l’artère carotide externe. En effet cette artère, très flexueuse sur tout son trajet, donne de nombreuses collatérales dont l’artère buccale, qui nous intéresse tout particulièrement puisqu’elle vascularise le muscle buccinateur et l’artère alvéolaire, appliquée sur la tubérosité maxillaire. Haut Photo n°8 Arrière Vue latérale gauche de la face : après ostéotomie mandibulaire. Artère maxillaire Artère alvéolaire Nerf lingual Artère faciale Artère buccale Sur un sujet frais féminin de 94 ans, nous avons jugé indispensable de renouveler l’injection au latex en vue de comparaison avec nos découvertes précédentes. L’artère labiale inférieure s’est avérée présenter un trajet similaire. En ce qui concerne l’artère labiale supérieure, celle-ci se détache de l’artère faciale au niveau des commissures des lèvres. Cette variation anatomique des artères labiales a été identifiée sur trois sujets anatomiques sur cinq, élément finalement non négligeable. Haut Avant Artère angulaire Veine angulaire Veine faciale Artère labiale supérieure Artère labiale inférieure Vue latérale droite de la face Photo n°9 • La vascularisation veineuse : La veine faciale commence à l’angle interne de l’œil, où elle porte le nom de veine angulaire (voir photo n°9). La veine angulaire, anastomosée avec la veine ophtalmique supérieure, descend le long et en dehors de l’artère angulaire jusqu’au sillon naso-génien, où elle prend le nom de veine faciale. Trajet et rapports : La veine faciale, toujours placée en dehors de l’artère, se dirige vers le bord inférieur de la mandibule, par un trajet oblique en bas et en arrière qui dessine la corde de l’arc décrit par l’artère. Dans ce trajet, elle passe sous les muscles petit et grand zygomatiques et repose sur le buccinateur. Elle gagne ainsi l’angle antéro-inférieur du muscle masséter, où elle rejoint l’artère faciale. Après avoir croisé le bord inférieur de la mandibule, la veine descend sous le fascia, dans la loge sous-mandibulaire, sur la face latérale de la glande, obliquement en bas et en arrière. La veine se termine tantôt directement dans la veine jugulaire interne ce qui est le cas sur la photo ci-dessous, tantôt en se réunissant aux veines linguale et thyroïdienne supérieure pour former le tronc thyro-linguo-facial. Haut Avant Veine thyroïdienne supérieure Veine faciale Veine linguale Veine jugulaire interne Vue latérale de la région sous mandibulaire Photo n°10 La veine faciale reçoit de nombreuses branches collatérales dont la veine buccale qui draine le muscle buccinateur. Sur cette photo nous insistons sur l’artère et la veine alvéolaires inférieures (branche de l’artère et veine maxillaires) qui accompagne le nerf du même nom dans le canal mandibulaire. Haut Avant Vue latérale droite Artère alvéolaire inférieure Veine faciale Veine alvéolaire inférieure Veine buccale c) L’innervation • L’innervation motrice : le nerf facial Le nerf facial est d’abord le nerf de la mimique. Ainsi le muscle abaisseur de l’angle de la bouche, de la lèvre inférieure, le muscle mentonnier et le muscle buccinateur reçoivent leur innervation motrice du nerf facial. Nous avons choisi d’aborder la dissection non pas par le tronc du nerf facial mais par les branches terminales. Ainsi dans un premier temps, en conservant la glande parotide, nous mettions en évidence la distribution périphérique du nerf facial, avec ses différentes branches : a. b. c. d. La branche temporale Les branches zygomatiques Les branches buccales Le rameau marginal de la mandibule Dessin schématique du nerf facial (principales branches) d’après Rouvière Haut Avant Photo n°12 Vue latérale superficielle de la face Distribution périphérique du nerf facial Branche temporale Artère temporale superficielle Rameau marginal de la mandibule Branches zygomatiques Branches buccales Dans un second temps, la glande parotide fut réséquée pour mettre en évidence le plexus parotidien du nerf facial, puis progressivement nous avons atteint le tronc du nerf facial. Ce dernier, à l’approche de la mandibule se divise en ses deux branches principales : cervico-faciale et temporo-faciale. La branche temporo-faciale : se porte en avant et se divise rapidement en plusieurs rameaux destinés aux muscles cutanés du crâne et de la face, situés au-dessus de l’orifice buccal. On distingue de haut en bas : des rameaux temporaux des rameaux frontaux et palpébraux des rameaux infra-orbitaires des rameaux buccaux supérieurs : pour le muscle buccinateur et la moitié supérieure du muscle orbiculaire de la bouche La branche cervico-faciale : se dirige en bas, en avant et en dehors, se divise en plusieurs rameaux au voisinage de l’angle de la mandibule. Ces rameaux sont destinés aux muscles cutanés de la face et du cou situés au-dessous de l’orifice buccal. Ce sont : des rameaux buccaux inférieurs : destinés au muscle risorius et à la moitié inférieure du muscle orbiculaire de la bouche des rameaux mentonniers : pour les muscles abaisseur de l’angle de la bouche, abaisseur de la lèvre inférieure et mentonnier un rameau cervical : pour le platysma Haut Photo n°13 Avant Vue latérale superficielle de la face Résection de la glande parotide Branche temporofaciale Tronc du nerf facial Branche cervicofaciale Branches buccales • L’innervation sensitive : le nerf mandibulaire (V3) Le nerf mandibulaire transporte les influx sensitifs perçus au niveau de la peau de la région temporale, de la joue et du menton, excepté cependant la région de l’angle de la mâchoire qui reçoit son innervation superficielle du plexus cervical superficiel (CIII). L’unique façon d’aborder le nerf mandibulaire était de le disséquer à partir de ses branches terminales et de le suivre jusqu’à son origine : le ganglion de Gasser. Pour y parvenir, il s’agissait de repérer le foramen mentonnier, traversé par le nerf mentonnier, qui est une branche terminale du nerf mandibulaire et plus exactement du nerf alvéolaire inférieur. D’après le Rouvière, lorsque le nerf alvéolaire inférieur pénètre dans le canal dentaire, il peut présenter deux dispositions bien différentes : Le plus souvent, dans les deux tiers des cas environ, le nerf chemine avec les vaisseaux dentaires inférieurs dans le canal jusqu’au foramen mentonnier. En ce point, le nerf alvéolaire inférieur se divise en deux branches terminales : - le nerf mentonnier : traverse le foramen mentonnier et se résout en de nombreux rameaux terminaux, destinés à la muqueuse de la lèvre inférieure ainsi qu’à la peau de la lèvre inférieure et du menton. - le nerf incisif : se porte en avant et donne des rameaux à la canine, aux incisives et à la gencive. Dans l’autre tiers des cas, le nerf alvéolaire inférieur se divise dès son entrée dans le canal dentaire en deux branches terminales : - le nerf mentonnier : gagne le foramen mentonnier sans donner de rameaux dentaires - le nerf dental : fréquemment anastomosé avec le nerf mentonnier, donne tous les nerfs dentaires. Il n’y a pas dans ce cas, de nerf incisif proprement dit. Nos dissections se révélaient conforme à la première disposition. En effet le nerf mentonnier présente de nombreux rameaux terminaux, destinés à la muqueuse de la lèvre inférieure ainsi qu’à la peau de la lèvre inférieure et du menton. Haut Photo n°14 Avant Vue latérale droite du nerf mentonnier Nerf mentonnier Artère labiale inférieure A l’aide d’une fraise à os, nous avons ouvert le canal mandibulaire, dans le but de suivre le trajet du nerf alvéolaire inférieur. Partant en avant, nous avons disséqué le nerf incisif ainsi que des rameaux dentaires. Malheureusement le sujet anatomique présentait uniquement trois dents. Haut Photo n°15 Avant Rameau dentaire Nerf mentonnier Nerf incisif Nerf alvéolaire inférieur Grâce à l’ostéotomie des branches montantes de la mandibule, nous avons pu identifier, d’une part le nerf mylo-hyoïdien, une des collatérales du nerf alvéolaire inférieur (ce rameau se sépare du nerf alvéolaire inférieur un peu avant l’entrée de ce nerf dans le canal dentaire) et d’autre part, le nerf buccal. Haut Photo n°16 Avant Vue latérale droite du nerf alvéolaire inférieur Nerf buccal Nerf mandibulaire (V3) Nerf alvéolaire inférieur Nerf mylo-hyoïdien Ensuite nous avons procédé à la résection de la paroi latérale de la cavité crânienne, dans l’unique but d’accéder à la face antéro-supérieure de la partie pétreuse de l’os temporal, où se situe le ganglion trigéminal. Il est contenu dans une cavité, le cavum trigéminal, résultant d’un dédoublement de la dure-mère. Du ganglion trigéminal naissent trois branches : 1) de la partie antéro-médiale : le nerf ophtalmique (V1), 2) du bord antéro-latéral : le nerf maxillaire (V2) traversant le foramen rond, 3) en arrière: le nerf mandibulaire (V3) s’engageant dans le foramen ovale. Photo n°17 Haut Droite Vue interne de la base du crâne Nerf ophtalmique (V1) Nerf maxillaire (V2) Nerf mandibulaire (V3) Foramen épineux Dernière étape : la dissection du rameau descendant sensitif du nerf buccal, qui assure l’innervation sensitive du muscle buccinateur. Cela a nécessité la résection de l’arcade zygomatique et de la mastoïde entre autre, pour une meilleure visualisation du trajet et des rapports du nerf mandibulaire. Le nerf buccal est une branche du tronc terminal antérieur. Ce dernier forme avec le tronc terminal postérieur, le nerf mandibulaire. Le nerf buccal descend pour son rameau sensitif, en arrière de la tubérosité du maxillaire, appliqué sur la face profonde du tendon du muscle temporal, près du bord antérieur de ce tendon ; il atteint la face latérale du muscle buccinateur, où il se divise en rameaux superficiels et profonds pour la peau et la muqueuse des joues. Haut Photo n°18 Avant Vue latérale droite du nerf mandibulaire Nerf buccal Muscle ptérygoïdien médial Muscle buccinateur Nerf alvéolaire inférieur VII. Anatomie fonctionnelle et dysfonctionnement de l’ensemble musculaire labio-mentonnier Les buccinateurs et l’orbiculaire de la bouche se regroupent pour former une unité fonctionnelle que l’on peut appeler complexe orbiculo-buccinateur. Il s’étend du bord mésial de la première molaire d’un côté au bord mésial de la première molaire de l’autre côté, comprend une large zone d’insertion et deux bords libres, supérieur et inférieur. Les lois de la physique exigent que cet élastique musculaire fin soit bien soutenu au niveau de ses bords libres pour que cette partie antérieure, libre, conserve sa position dans la dimension verticale. Des études cliniques précises affirment qu’il est possible de contracter volontairement tous les muscles superficiels de la face un par un, mais qu’il n’est pas possible de contracter volontairement les muscles élévateurs de la lèvre supérieure et les muscles abaisseurs de la lèvre inférieure. La véritable fonction de ces muscles est de soutenir les bords libres du complexe orbiculo-buccinateur dans la dimension verticale ; ce sont des muscles suspenseurs supérieurs et inférieurs du complexe orbiculo-buccinateur. Le complexe orbiculo-buccinateur ressemble à un trampoline vertical suspendu au-dessus des procès alvéolaires et de la denture en position de repos. Il peut être distendu lors de la fonction, mais il retourne à sa position de repos en fin d’exercice. Le complexe orbiculo-buccinateur et les « élastiques périphériques » • Qu’elle importance a ce complexe lors des fonctions réalisées par la musculature oro-faciale ? Tous les muscles composant la musculature faciale de l’expression sont placés comme les rayons d’une roue autour de l’orbiculaire. Le complexe orbiculo-buccinateur est l’antagoniste de toute cette musculature faciale superficielle et doit exercer en permanence une activité musculaire, même au repos. Ainsi, nous commençons à comprendre pourquoi ce complexe musculaire exerce une force importante et constante sur les procès alvéolaires : pour conserver sa position et celle de la peau au repos, le niveau d’activité au sein du complexe orbiculo-buccinateur doit être supérieur à celui de la musculature faciale superficielle. Ce phénomène est responsable de la pression qui s’exerce dans cette région, de la vie intra-utérine à la mort de l’individu. Le dysfonctionnement de cet ensemble peut avoir pour conséquence la réduction de l’os alvéolaire : quand on étudie le complexe orbiculo-buccinateur et tout particulièrement ses bandes musculaires supérieures et inférieures, il apparaît clairement que celles-ci traversent la ligne médiane en avant des arcades dentaires sans décussation. Tout au long de la vie, ce complexe va tendre à diminuer la taille de l’os alvéolaires. Cette diminution fragilise l’équilibre qui existe entre la taille des dents et celles de l’os. Si cet équilibre est rompu, cela peut être la cause de lésions paradontales, de malocclusions (la rétroalvéolie globale inférieure)… Les lésions parodontales dues à une hyperactivité du muscle mentonnier dans le secteur incisif mandibulaire ont été les premières reconnues. Puis des destructions tissulaires ont été mises en évidence, non plus limitées au secteur antérieur de l’arcade, mais généralisées à la totalité de celle-ci. La bande inférieure du complexe orbiculo-buccinateur est « aidée » dans la zone incisive mandibulaire par le muscle mentonnier. En effet, d’après leur position sous la bande inférieure du complexe musculaire, ces muscles mentonniers agissent comme des élastiques et augmentent la pression dans cette région. Leur hyperactivité augmente la gravité des lésions. La pression peut être tellement importante qu’il est possible d’observer des résorptions- voire des destructions- du tissu alvéolaire et de la gencive du côté vestibulaire et du côté lingual. La résorption osseuse peut être tellement importante que les racines des dents mandibulaires font saillie tout autour de l’arcade. L’encombrement dentaire ne résulte pas de la pression musculaire sur les couronnes. La pression musculaire sur l’os alvéolaire et les racines dentaires dans la région recouverte de gencive libre réduit la taille de cet os et provoque des proximités radiculaires. Il s’ensuit un encombrement dentaire coronaire visible au niveau de l’arcade : la position des couronnes dentaires est le signe clinique de ce qui s’est passé au niveau des racines dans l’os alvéolaire. L’apparition de malocclusion, telle la rétro-alvéolie globale inférieure : la pression du complexe orbiculo-buccinateur ne s’exerce qu’au niveau des procès alvéolaires, et non au niveau du corps de la mandibule. La malocclusion de classe II est le fait d’une position trop distale de l’arcade alvéolo-dentaire mandibulaire, due à la poussée distale de la courte et puissante bande inférieure du complexe orbiculo-buccinateur. Si l’os est suffisamment dense pour résister à la pression importante générée par cette puissante bande musculaire, les lésions se concentrent au niveau des tissus mous. Mais cette résistance peut s’affaiblir avec l’âge, d’où l’apparition ou l’aggravation tardive des malocclusions. • Tableaux cliniques couramment rencontrés Ces hyperactivités sont causes ou conséquences de la dysmorphie. Elles correspondent à une rupture d’équilibre entre l’activité propulsive de la langue et l’activité distalante de la musculature labio-mentonnière. On distingue l’activité prédominante des muscles labio-buccinateurs de l’activité prédominante des muscles mentonniers. 1. Hyperactivité prédominante des muscles labio-buccinateurs (action sagittale) Celle-ci a pour conséquence une hyperpression sur les dents mandibulaires dans les secteurs incisivo-canins et latéraux. En dehors de toute thérapeutique, elle peut être à l’origine de : - une rétroalvéolie globale inférieure ; - un sillon labio-mentonnier marqué, une lèvre inférieure éversée ; - un « mentonisme paradoxal » : le menton paraît proéminent, alors que ce sont l’arcade dento-alvéolaire et la lèvre inférieure qui sont en retrait. Une récidive d’encombrement antérieur ou l’apparition d’un surplomb incisif augmenté après traitement orthodontique, peut également être le résultat d’une hyperactivité des muscles buccinateurs. 2. Hyperactivité au niveau des muscles mentonniers ( action verticale ) Elle se caractérise par : - L’absence d’occlusion labiale spontanée ; - Une respiration buccale ; - Une crispation des muscles mentonniers avec phénomène de « peau d’orange » du menton cutané lors de l’occlusion labiale volontaire ; - Un décalage entre le menton osseux et cutané ; - La disparition du sillon labio-mentonnier ; - Une langue propulsive, antérieure et basse ; - Un menton osseux très plat. Cette hyperactivité a pour conséquence une hyperpression au niveau des insertions musculaires fixes, directement sur l’ensemble du rempart alvéolaire antérieur. En dehors de toute thérapeutique, elle peut être à l’origine de récessions parodontales, osseuses ou gingivales, avec saillie des racines dentaires sous une muqueuse translucide. 3. Hyperactivité mixte labiale et mentonnière Dans certains cas extrêmes, la rétroalvéolie globale inférieure induite par l’hyperactivité buccinatrice est telle que l’occlusion labiale devient spontanément impossible, même sur des surfaces ultra-courtes. Il s’ensuit une hyperactivité simultanée des muscles buccinateurs et de la houppe du menton pour assurer la fermeture labiale rendue difficile par l’augmentation importante de la distance couronnes dentaires-incisives-menton osseux. Une génioplastie doit être associée à la chirurgie musculaire. VIII. TECHNIQUES CHIRURGICALES A. La chirurgie d’affaiblissement Il s’agit d’une intervention s’adressant d’une part latéralement aux muscles buccinateurs (myotomie marginale au niveau de la joue, de la bande inférieure du muscle buccinateurs), et d’autre part au vestibule antérieur qui est approfondi (vestibuloplastie, désinsertion des muscles mentonniers). Protocole : L’anesthésie est strictement locale. L’incision est pratiquée de préférence au laser. Au-dessus de cette incision, on observe les insertions des muscles mentonniers qui se font jusqu’au niveau de la jonction fibro-muqueuse. Au cours de cette dissection, il faut mettre en évidence les deux nerfs « labiaux » situés latéralement en regard des canines. Dès lors, on pratique un décollement sous périosté de l’ensemble de la symphyse jusqu’au bord basilaire et latéralement jusqu’aux foramens mentonniers. Cet abord permet de faire : 1) Une résection plus ou moins importante de la face profonde des muscles de la houppe, réalisée aux ciseaux à disséquer. 2) Une résection du ligament de la houppe aux ciseaux à disséquer, sous lequel se situe une loge graisseuse médiane à conserver. 3) Il peut être utile de réséquer une bandelette périostée basilaire s’étendant de première prémolaire à première prémolaire en cas de tonus très important, ce qui libère simultanément les muscles abaisseurs de l’angle de la bouche. Ces trois premiers gestes permettent d’affaiblir les muscles symphysaires qui, par leur hyperactivité, induisent une résorption alvéolaire et gingivale. 4) On pratique des striations verticales du muscle orbiculaire au laser (si possible, ou au bistouri électrique), s’étendant d’une commissure à l’autre. On teste manuellement l’augmentation de souplesse de la lèvre. 5) En présence d’un sillon labio-mentonnier trop marqué, ces striations peuvent être prolongées vers le bas, au niveau de la zone jonctionnelle du sillon. Ces deux derniers gestes affaiblissent le muscle buccinateur dans sa composante labiale inférieure, dont l’hyperactivité se traduit par un encombrement des couronnes incisives et une rétroalvéolie globale inférieure. Ce geste opératoire peut, entre autre, être associé ou complété par une génioplastie fonctionnelle d’avancement et de réduction de hauteur du menton. B. La génioplastie a) Imagerie Sur tout patient susceptible de subir une génioplastie, un examen radiographique est réalisé. Il comprend un cliché panoramique pour évaluer l’état dentaire et certains aspects de la mandibule. Il comprend aussi des téléradiographies de face et de profil qui permettront de tracer l’analyse architecturale et structurale cranio-faciale de Delaire. En effet l’analyse de Delaire est un tracé géométrique dessiné sur la radiographie de l’extrémité céphalique d’un sujet en utilisant ce point osseux comme repère. Avant : Après : Prenons l’exemple de ce patient présentant : - Une respiration buccale ; - L’absence d’occlusion labiale spontanée ; - Une crispation des muscles mentonniers avec phénomène de « peau d’orange » du menton cutané lors de l’occlusion labiale volontaire ; - Un décalage entre le menton osseux et cutané ; - Un menton osseux très plat, fuyant. La génioplastie a permis de ramener le visage dans des dimensions et des rapports harmonieux, en avançant et raccourcissant le menton. b) Protocole (d’après les chirurgies Le Fort I) L’incision est faite de telle façon que la circulation sanguine au bord inférieur de la mandibule est maintenue grâce à un pédicule intact de muqueuses, de muscles et de périoste. Cette incision est réalisée d’un bout à l’autre de la muqueuse labiale inférieure et, dans la partie postérieure, va aussi loin que nécessaire pour bien exposer l’os et le nerf mentonnier de chaque côté. Ensuite, le chirurgien procède à une dissection sous-périostée. On observe parfaitement bien, en bas, la face profonde des deux muscles mentonniers et ligament mentonnier, et en haut les faisceaux horizontaux de l’orbiculaire qui constituent le prolongement du faisceau inférieur du buccinateur (les nerfs mentonniers sont dégagés). Lorsque le site chirurgical est prêt, une ligne verticale est gravée au milieu du menton (dans le plan sagittal). Cette ligne verticale servira de point de référence pour le repositionnement de la symphyse une fois mobilisée. Une ligne horizontale est ensuite gravée à l’endroit où l’ostéotomie sera pratiquée. L’étendue entre le trait d’ostéotomie et le bord inférieur de la mandibule, l’angle et la configuration du trait, la quantité d’os à exciser et l’extension postérieure du trait, sont tous des paramètres qu’établit l’analyse céphalométrique. Le chirurgien scie et retire progressivement les tranches osseuses, jusqu’à obtenir un segment d’os libre qu’il va pouvoir mobiliser et placer à l’endroit planifié. Lors de l’emboîtement des pièces osseuses (rappelant le principe de la mortaise), le chirurgien s’attache à ce que la pointe du menton se situe à l’aplomb des incisives. La symphyse est ensuite immobilisée à l’aide de fils métalliques, dans la position voulue. IX. DISCUSSION Sur les cinq sujets anatomiques étudiés, trois présentaient une artère labiale inférieure avec un trajet similaire. Seul le manuel de dissection (tome I) de Georges Winckler reproduit sur un schéma le même trajet. Cependant, nous savons qu’à l’époque, une dissection anatomique suffisait pour parler du trajet de l’artère faciale, ignorant la possibilité d’une variation anatomique. Nous avons alors poursuivi nos recherches documentaires et découvert un article dans le SRA datant de 1986 portant sur l’artère faciale, ses branches et anastomoses. Les auteurs présentent le résultat de la dissection de 40 artères faciales et de leurs collatérales. L’artère labiale inférieure dit être rencontrée dans seulement deux tiers des cas. Dans le tiers restant, la lèvre inférieure est vascularisée par l’artère labiale inférieure controlatérale ou plus rarement, par une branche de l’artère submentale. Ils décrivent plusieurs variations anatomiques concernant le trajet de cette artère labiale inférieure, notamment celle décrite au cours de nos dissections, qui se révèle être la plus courante. Ils ont rencontré dans deux cas, la naissance de l’artère labiale inférieure au niveau de la commissure des lèvres et dans un cas seulement où elle naissait directement de l’artère labiale supérieure. Cette région mentonnière est richement innervée notamment sur le plan sensitif. C’est pourquoi lors d’une chirurgie, comme la génioplastie, il faut être prudent, prendre le temps de localiser le nerf mentonnier. Après l’opération, en raison de l’étirement des nerfs mentonniers au cours de l’intervention, une perte de la sensibilité ou une sensation d’engourdissement peut survenir au niveau de la lèvre inférieure, du menton, et des dents mandibulaires. En effet nous avons pu constater par la dissection l’existence de rameaux dentaires issus du nerf mandibulaire (V3). Nous avons aussi pu constater en référence à l’étude de l’anatomie fonctionnelle, combien la musculature labio-mentonnière forme un complexe parfois difficile à maîtriser, et souvent responsable de nombreux problèmes occlusaux, parodontaux…Certains auteurs, N. Bedhet, A.Manière-Ervan, M. Delamaire, P. Jan et M. Behaghel se sont penchés sur le dysfonctionnement des muscles labio-mentonniers et les indications de la chirurgie d’affaiblissement. Ils se sont rendus compte de l’importance de ce complexe musculaire pour assurer les fonctions occlusales et esthétiques. CONCLUSION La génioplastie est une chirurgie présentant des applications à la fois fonctionnelles et esthétiques. L’hyperactivité des muscles labio-mentonniers, appelant aussi à la chirurgie d’affaiblissement, en est un bon exemple. Elle illustre la dépendance de l’arcade alvéolo-dentaire avec la musculature environnementale antérieure et latérale. Ainsi à travers les diverses dissections effectuées, exigeant un travail minutieux, de la patience et beaucoup de volonté, nous avons pu étudier l’ensemble des muscles de la région mentonnière avec le buccinateur afin de mieux comprendre leur rôle dans les conséquences cliniques observées lors de cette pathologie. Nous avons montré par la dissection, leurs insertions, leur innervation et leur vascularisation artério-veineuse en constatant tout particulièrement les variations anatomiques de l’artère labiale inférieure, branche collatérale de l’artère faciale. X. BIBLIOGRAPHIE 1. Crépy C. Anatomie cervico-faciale. Vol 1. Paris : Masson, 1967. 2. Paturet G. Muscles de la tête et de la face. Dans : Traité d’anatomie humaine. Tome 1. Paris : Masson, 1951 3. Rouvière H. Anatomie humaine descriptive, topographique et fonctionnelle. Tête et cou. Tome 1. Paris : Masson, 15ème édition, 1924, 2002 4. Testut L. Muscles peauciers de la face. Dans : Traité d’anatomie humaine. 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