Radiographie du Recrutement et de la Sélection de
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Radiographie du Recrutement et de la Sélection de
Radiographie du Recrutement et de la Sélection de personnel : Tendances actuelles et Défis pour demain “A call for action: going beyond business as usual” Prof. dr. Dirk Buyens Veroniek De Schamphelaere Jasmijn Verbrigghe Sarah Verhaeghe Vlerick Business School Executive Summary ‘R&S : Tendances et Défis’ Les mutations actuelles du contexte économique et démographique fonctionnent comme des catalyseurs qui vont dans le sens d’un renouvellement et d’une professionnalisation accrue du domaine du R&S. Cela signifie que le rôle du R&S est en pleine évolution. On est en effet de plus en plus conscient que les talents sont un élément-clé dans l’économie concurrentielle et basée sur la connaissance qui est la nôtre aujourd’hui. Les experts en recrutement et sélection ont un rôle de premier plan à jouer pour identifier et attirer ces talents. D’un autre côté, nous observons que cette idée ne s’est pas encore imposée dans toutes les entreprises ; le R&S, dans cette perspective, est surtout considéré comme un poste de dépenses, et l’attention se focalise au premier chef sur la rapidité et l’efficience du processus. Si ces facteurs étaient autrefois suffisants pour évaluer le processus, aujourd’hui, les entreprises sont encore souvent en train de se demander comment implémenter ce rôle en mutation du R&S. La question cruciale est donc : quand un processus R&S est-il une réussite aujourd’hui ? Une revue de la littérature récente et une enquête menée auprès de 100 organisations nous ont apporté des réponses éclairantes à ces questions. Nous examinons d’abord les tendances qui sont à l’œuvre dans le cadre du processus R&S et de ses acteurs. Nous passons ensuite en revue les facteurs de succès, et nous terminons par une analyse des déterminants et des indicateurs de performance qui sont pertinents pour le nouveau rôle du R&S. Ainsi, nous constatons que recruter et sélectionner de manière efficace passe de plus en plus par une mentalité nouvelle de gestion stratégique des talents. Les talents des candidats, leur potentiel d’évolution et leur employabilité à long terme prennent une place au premier plan. Dans le prolongement de cette tendance, on voit davantage les activités de sélection comme le début d’un long trajet de développement du collaborateur. En d’autres termes, la pénurie croissante de talents relègue de plus en plus au second plan la réflexion axée sur le court terme. En outre, pour attirer des candidats, il y a un besoin croissant de canaux de recrutement innovants, c’est-à-dire idéalement des canaux sur mesure qui permettent d’atteindre le candidat par le biais d’un message et d’une approche personnalisés. Mais, bien que toutes ces pratiques soient en pleine évolution, on constate souvent que cela ne s’inscrit pas encore dans une stratégie R&S mûrement réfléchie. A côté de cela, les organisations doivent travailler de la manière la plus efficiente possible et utiliser tous les moyens disponibles de manière optimale afin de rester compétitives. Cela a assurément un impact important sur le fonctionnement du département R&S. Outre un processus efficace, celui-ci doit assurer le meilleur service possible à un coût minimal. Dans cette optique, le R&S est obligé de repenser les processus actuels de manière structurelle : qui fait quoi et qui est responsable de quoi ? Différentes options sont possibles. Une tendance qui gagne du terrain consiste à faire appel à un partenaire externe pour relever ces défis. Nous observons que différents facteurs ont une influence dans la décision de recourir ou non à des partenaires externes. Généralement, c’est la culture de l’entreprise qui joue, ainsi que la taille de celle-ci et le type de fonction, et en outre, l’externalisation ne s’inscrit pas dans un modèle du ‘tout ou rien’. Accès à des connaissances spécialisées, visibilité offerte par le vaste réseau du partenaire, et flexibilité en cas de fluctuations du volume des activités R&S sont quelques-uns des avantages qu’apporte la collaboration avec un partenaire externe. D’un autre côté, le sentiment de perte de contrôle et l’authenticité sont les principaux éléments auxquels il faut veiller lorsqu’on décide d’externaliser une partie du processus R&S. Quant à savoir si ce choix est toujours fait de manière aussi réfléchie, la question reste posée. Quoi qu’il en soit, en fonction des caractéristiques et des besoins d’une organisation, l’externalisation du R&S peut être un instrument utile pour contribuer à pérenniser la valeur du département R&S au sein de l’organisation. Quand pouvons-nous affirmer de manière catégorique que le processus R&S est une réussite ? Comment pouvons-nous vérifier que les acteurs impliqués dans le processus fournissent du bon travail ? C’est LA question à laquelle les professionnels de terrain ont du mal à répondre très concrètement. Ou bien ils font une évaluation en se basant sur leur intuition, ou bien ils se réfèrent à quelques paramètres pas toujours clairement démontrables. Bien que le R&S s’affirme de plus en plus comme la science de la décision par excellence, l’évolution dans le domaine de l’évaluation reste donc quelque peu en panne. On observe souvent qu’au niveau du processus comme au niveau du candidat, les organisations ne vérifient pas systématiquement après coup si les attentes ont été rencontrées. Ce manque de suivi restreint les possibilités d’apporter des améliorations mûrement réfléchies au processus et cela constitue en même temps un obstacle important à la réussite du processus R&S : faute d’évaluation effective, le R&S se met lui-même ‘en veilleuse’. C’est avec ce défi devant les yeux que nous résumons dans ce rapport les éléments que les professionnels de terrain pointent comme facteurs de coût et facteurs de succès du processus R&S. Citons par exemple, pour les facteurs de coût, les coûts directs comme aller à des salons de l’emploi, le temps consacré au screening des CV, l’achat de batteries de tests ou les honoraires des partenaires externes. Dans la catégorie des coûts indirects, pensons au back office et aux managers opérationnels qui participent aux interviews de sélection. Nous constatons toutefois que les gens de terrain n’ont généralement pas une vue claire des coûts qui sont liés à l’orientation d’un nouveau collaborateur ou des coûts inhérents au remplacement d’un collaborateur inadéquat. En d’autres termes, dans bien des cas, une vision globale de l’ensemble des coûts du processus R&S fait défaut, ce qui favorise une réflexion axée sur le court terme. A côté des facteurs de coût, nous récapitulons les facteurs qui ont un impact sur le succès du processus. Souvent, c’est le credo suivant qui prévaut : le R&S est un succès quand on arrive à engager rapidement un nouveau collaborateur à un coût limité. Mais, cela conduit à un cadre décisionnel plutôt restreint. Pour identifier les autres facteurs qui sont déterminants pour le succès du R&S, il faut prendre en compte différentes perspectives. Ce qui est important, ce n’est pas seulement l’organisation efficiente du processus et la perspective financière ; il y a aussi le développement des collaborateurs R&S et la valeur qu’ils fournissent à leurs clients. Les facteurs de succès à partir de ces différentes perspectives donnent une image de la manière dont le R&S contribue au rendement à long terme. A ce propos, les responsables R&S répètent à l’unisson que pour assurer le succès du processus R&S aujourd’hui, il est essentiel que les acteurs R&S soient de véritables experts dans leur domaine (experts dans l’engagement de personnel et dans l’utilisation de tous les (nouveaux) canaux de recrutement) et que ces acteurs puissent faire passer un message authentique auprès des candidats. La rapidité, la flexibilité et des services de qualité sont, selon nos répondants, des facteurs de succès à ne pas sous-estimer. Tout cela permet de pourvoir les postes vacants de manière réussie, ce qui produit à terme de la valeur ajoutée. En outre, toutes sortes d’interventions, parmi lesquelles l’optimalisation de la structure R&S, ont un impact sur un ou plusieurs facteurs de succès. Grâce ces interventions, on peut finalement influer sur le succès du processus. Après avoir analysé les déterminants qui jouent plus particulièrement un rôle, il s’agit ensuite de passer à la phase de mesure et d’évaluation. Lorsque la structuration du processus R&S est intégrée dans la stratégie, que les acteurs ont un rôle clairement circonscrit, que les différents facteurs de coût et de succès sont identifiés, on peut définir des indicateurs pertinents qui donnent des informations quant à l’efficience et l’efficacité du processus et quant à l’impact de celui-ci sur les objectifs de l’organisation. Sur la base de ces indicateurs, on peut évaluer le processus R&S et prendre des décisions utiles concernant les investissements futurs. La question de savoir si l’on considère le R&S surtout comme un investissement utile est d’ailleurs étroitement liée à la valeur stratégique que l’on accorde au R&S. Et, vu les évolutions économiques et démographiques actuelles, la valeur stratégique du R&S suit une courbe ascendante. Dans ce contexte, il est plus que jamais important d’investir dans le R&S. Tout ceci indique que le paysage du R&S est en pleine mutation. Les professionnels R&S doivent relever le défi suivant : aborder le marché de l’emploi de manière plus proactive en utilisant des outils innovants et en adoptant une approche sur mesure, adaptée à chaque candidat. Parmi les défis, épinglons aussi la nécessité de mettre en œuvre des tests qui évaluent le potentiel à long terme des candidats et de convaincre les autres parties de la valeur ajoutée que ce testing peut apporter. La question qui se pose est de savoir si les professionnels R&S sont suffisamment conscients de ces défis et s’ils y apportent une réponse suffisante. Alors que certains exploitent ces opportunités, d’autres continuent à s’accrocher aux bonnes vieilles méthodes éprouvées. Dans ce rapport, nous souhaitons indiquer des pistes et opportunités concrètes à l’intention des experts R&S, de manière à leur permettre de renforcer encore dans l’avenir leur influence au sein des organisations. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ..................................................................................................................................................................... 3 Méthode .......................................................................................................................................................................... 3 Fil conducteur pour le lecteur… ...................................................................................................................................... 4 I. FAITES UNE RADIOGRAPHIE DE VOTRE PROCESSUS DE RECRUTEMENT ET DE SELECTION......................................... 6 1. Ce que nous apprend la littérature… ....................................................................................................................... 6 1.1. Définition des objectifs du recrutement ......................................................................................................... 6 1.2. Recrutement ................................................................................................................................................... 6 1.3. Sélection.......................................................................................................................................................... 6 1.4. Accueil et socialisation .................................................................................................................................... 7 1.5. Processus d’évaluation ................................................................................................................................... 7 2. Ce que nous apprend la pratique…............................................................................................................................. 7 2.1. Définition des objectifs du recrutement ......................................................................................................... 7 2.2. Recrutement ................................................................................................................................................... 8 2.3. Activités de sélection .................................................................................................................................... 11 2.4. Accueil et socialisation .................................................................................................................................. 13 2.5. Résultats du processus R&S .......................................................................................................................... 14 3. Tendances .............................................................................................................................................................. 15 4. Synthèse ................................................................................................................................................................ 20 II. QUI IMPLIQUEZ-VOUS DANS LE PROCESSUS ? ........................................................................................................... 22 1. 2. Ce que nous apprend la littérature… ..................................................................................................................... 22 1.1. Structure du département R&S .................................................................................................................... 22 1.2. Les compétences des experts R&S ................................................................................................................ 23 1.3. Responsabilité partagée ............................................................................................................................... 23 Ce que nous apprend la pratique… ........................................................................................................................ 24 2.1. Le rôle de la fonction R&S ............................................................................................................................. 24 2.2. Le rôle du management opérationnel .......................................................................................................... 24 2.3. Travailler avec des partenaires externes ...................................................................................................... 25 3. Tendances .............................................................................................................................................................. 32 4. Synthèse ................................................................................................................................................................ 35 III. QUELS SONT LES FACTEURS DE COUT ET LES FACTEURS DE SUCCES ? ...................................................................... 38 1. 2. Ce que nous apprend la littérature... ..................................................................................................................... 38 1.1. Les facteurs de coût ...................................................................................................................................... 38 1.2. Les facteurs de succès ................................................................................................................................... 39 Ce que nous apprend la pratique… ........................................................................................................................ 40 2.1. Les facteurs de coût ...................................................................................................................................... 40 1 2.2. Les facteurs de succès ................................................................................................................................... 42 2.3. Réflexion ....................................................................................................................................................... 48 3. Tendances .............................................................................................................................................................. 49 4. Synthèse ................................................................................................................................................................ 51 IV. MAKE YOUR CASE ...................................................................................................................................................... 53 1. 2. Ce que nous apprend la littérature... ..................................................................................................................... 53 1.1. Indicateurs de performance.......................................................................................................................... 53 1.2. Un pas plus loin… .......................................................................................................................................... 54 Ce que nous apprend la pratique... ....................................................................................................................... 55 2.1. L’importance de l’évaluation ........................................................................................................................ 56 2.2. Evaluation du processus R&S ........................................................................................................................ 57 2.3. Comment les ICP influencent-ils les décisions R&S ? .................................................................................... 64 2.4. Les ICP en cas de recours à des partenaires externes .................................................................................. 65 3. Tendances .............................................................................................................................................................. 65 4. Synthèse ................................................................................................................................................................ 67 CONCLUSION ...................................................................................................................................................................... 68 1. Vision du Recrutement & Sélection ....................................................................................................................... 68 2. Les facteurs clés de succès et le lien avec l’internalisation ou l’externalisation ................................................... 68 3. Théorie et pratique ................................................................................................................................................ 69 4. Message aux experts R&S ..................................................................................................................................... 70 5. Message aux providers R&S .................................................................................................................................. 73 ANNEXE 1 .............................................................................................................................................................................. 1 ANNEXE 2 : L’indice ToCoErs ................................................................................................................................................. 4 REFERENCES .......................................................................................................................................................................... 6 2 INTRODUCTION Le recrutement et la sélection de talents sont deux activités RH fondamentales qui sont cruciales pour le bon fonctionnement des organisations. En effet, c’est souvent par l’intermédiaire du département recrutement & sélection (R&S) que les collaborateurs potentiels ont leur premier contact avec l’organisation. D’autre part, un processus R&S efficace peut avoir un impact important sur les performances et sur l’image d’une organisation. En outre, l’engagement de travailleurs de talent est un élément-clé pour être compétitif dans une économie basée sur la connaissance et 1 marquée par les pénuries de main-d’œuvre. A l’inverse, lorsque les activités de recrutement et sélection ne sont pas menées de manière efficace, cela génère toute une série de coûts. Citons notamment une satisfaction moindre dans le chef des travailleurs, une productivité plus faible et un turnover plus important au sein du personnel. Il est difficile de savoir exactement combien les organisations investissent dans les activités de recrutement, mais les informations disponibles permettent de supposer que cela constitue un coût important. Ainsi, on estime que les frais de recrutement équivalent à un tiers du salaire annuel d’un travailleur. Des frais annexes, tels que les frais de formation, viennent encore s’ajouter et représentent environ un 2 dixième de ce même montant. En outre, certaines évolutions dans le contexte externe renforcent l’importance d’un processus R&S efficace et de qualité. Parmi ces évolutions, épinglons entre autres la mondialisation, les évolutions technologiques et des tendances 3 démographiques telles que le vieillissement de la population ou l’entrée en scène de la génération Y. Ces défis stimulent le besoin de disposer de collaborateurs R&S performants et de conditions adaptées pour pouvoir assurer un processus de recrutement efficace. Ainsi, par exemple, le passage d’une économie basée sur la production à une économie basée sur les services a relégué les hard skills (i.e. les compétences techniques) au second plan et mis en avant les soft skills (i.e. les compétences personnelles et relationnelles), mais pour les line managers, il peut être plus 4 difficile d’évaluer ces compétences non techniques. Compte tenu de tous ces éléments, il est clair que le domaine du recrutement et sélection évolue progressivement vers une nouvelle réalité. Le danger, c’est que certaines organisations s’accrochent à l’ancienne réalité et considèrent la transition vers une nouvelle manière de travailler comme un obstacle infranchissable. Dans ce contexte, l’objectif du présent rapport est de présenter un panorama complet du paysage du R&S aujourd’hui, des tendances actuelles et des défis de demain. Pour ce faire, nous analysons dans le rapport les différentes phases du processus de recrutement et de sélection, les facteurs qui sont déterminants pour le succès de chacune de ces phases, les avantages et les inconvénients de l’externalisation (de certains aspects) du processus, les facteurs de coût, etc… Très concrètement, nous apportons des réponses aux questions suivantes : I. Comment le processus de recrutement & sélection se déroule-t-il de A à Z ? II. Quels sont les acteurs impliqués dans le processus et quels sont les facteurs qui déterminent ce choix ? III. Quels sont les éléments au sein du processus de recrutement & sélection qui ont un impact sur le succès ? IV. Comment les différentes phases et leur exécution sont-elles évaluées ? Méthode Dans le cadre de cette étude, nous avons consulté et synthétisé différents ouvrages et articles spécialisés. Outre cette revue de la littérature, nous avons effectué une enquête exploratoire par le biais de groupes de discussion. Pour ce faire, nous avons rédigé un guide de discussion basé sur les indications que nous avons pu recueillir dans la littérature. 3 Ce guide contenait dans un premier temps les questions ouvertes de l’enquête, qui ont ensuite été complétées par des questions plus détaillées en fonction des réponses données par nos interlocuteurs. Notre enquête est, comme nous venons de le mentionner, de nature exploratoire et vise à présenter des résultats et des commentaires explicatifs approfondis plutôt qu’à générer des conclusions. Dans ce type d’enquête, le point de départ n’est pas la représentativité, mais le lien avec la réalité. Pour avoir une radiographie suffisamment complète de la manière dont les choses se passent sur le terrain, nous avons interrogé 100 organisations. En outre, les participants ont été sélectionnés de manière à constituer un groupe le plus représentatif possible de la population considérée. Dans la sélection, on a tenu compte de la taille de l’organisation, de la région et du secteur. D’autre part, nous avons également interviewé des service providers actifs dans le secteur du recrutement & sélection et le secteur de l’intérim. Fil conducteur pour le lecteur… Afin d’apporter une réponse aux questions centrales de l’étude énoncées ci-dessus, nous avons divisé le rapport en quatre chapitres, qui étudient chacun une de ces questions. Nous précisons ci-après le contenu de ces chapitres pour fournir un fil conducteur au lecteur. Signalons encore que les chapitres sont tous structurés de la même manière : tout d’abord, nous nous penchons sur ce que la littérature nous apprend à propos du thème concerné ; ensuite, nous faisons la synthèse des observations que nous avons recueillies au sein des groupes de discussion ; puis, nous exposons quelques tendances que nous avons pu identifier et enfin, nous donnons quelques idées-clés à retenir. Au chapitre 1, nous expliquons comment se déroule le processus de recrutement et de sélection en Belgique aujourd’hui. Nous décrivons les différentes phases qui font partie de ce processus et nous récapitulons, pour chaque phase, ce que les professionnels de terrain trouvent essentiel. En suivant les questions de l’étude, nous passons en revue au chapitre 2 les acteurs qui jouent un rôle dans ce processus. Nous analysons aussi comment les différents acteurs peuvent jouer un rôle dans le futur pour favoriser un recrutement efficace. Ensuite, nous étudions au chapitre 3 les facteurs qui ont une influence déterminante sur le processus R&S : quels sont les facteurs de coût et les facteurs de succès qui complètent le cadre décisionnel du R&S ? Le processus R&S, tout comme d’autres processus, crée en effet une certaine valeur ajoutée pour les clients et les parties prenantes. Dans cette optique, il est important d’identifier les facteurs déterminants qui maximalisent cette valeur ajoutée. Le chapitre 4, enfin, en se fondant sur les chapitres précédents, explique comment évaluer le processus R&S, comment déterminer si les décisions R&S sont efficaces et comment apporter ensuite des améliorations au processus. Nous terminons par une synthèse finale en guise de conclusion. Précisions complémentaires : Les témoignages recueillis dans le cadre des groupes de discussion figurent dans le rapport sous la forme de “citations” illustratives. Ces citations sont retranscrites littéralement, en italique et entre guillemets. Les références sont indiquées au moyen de numéros. Ces numéros renvoient aux sources de la littérature dont le lecteur trouvera la liste à la fin de ce rapport. Notes du traducteur : Dans ce rapport, les mots ‘candidat’, ‘expert’, ‘consultant’, ‘recruteur’… sont toujours considérés comme masculins, mais il va de soi qu’ils s’entendent comme masculins ou féminins. Toutes les organisations n’ont pas un service des Ressources Humaines ou un département Recrutement & Sélection. Par souci de simplification, nous utilisons donc souvent (comme en néerlandais d’ailleurs) le terme ‘les RH’ pour désigner le service RH ou la fonction RH, et ‘le R&S’ pour désigner le département R&S ou la fonction R&S. 4 Nous remercions tout d’abord les membres de Federgon pour leur précieux concours. Grâce à leur apport, nous avons pu compléter notre radiographie du recrutement et de la sélection de personnel. Nous remercions également les entreprises suivantes qui, par leur collaboration enthousiaste, ont permis la réalisation du présent rapport : 3B Fibreglass Deloitte Kinepolis Group Randstad Belgium Fondation Roi Baudouin Santens Metaalwaren KPMG Securex Akzo-Nobel Deloitte Services & Investments Dexia Group Association Pharmaceutique Belge Diamond spring Company Landsbond der Christelijke Mutualiteiten Sibelga Armonea D'Ieteren LCM Mutualités Socialistes Arseus Dredging International L-Door group Sofina Asci Conseil de l’U.E. Levi Strauss & Co SPIE ASCO Industries Eandis LMS International SPX Cooling Technologies AviaPartner Belgium Electrabel LU Kraft Foods STIB Banque Van Breda Enfinity Manpower Swing SCRL-CVBA Belgacom Euroclear Medtronic Belgium Talent for you Belgian Defence Familiehulp Mobistar Telenet B-Holding Flightcare Belgium Möbius TNT Express Belgium BNP Paribas Fortis Vlaamse overheid | Departement Landbouw en Visserij Euro Immo S.A.-N.V. Total Raffinaderij Antwerpen Callataÿ & Wouters Fortis Bank S.A.-N.V. Certipost Fujitsu Technology Solutions Banque Nationale de Belgique Netlash-bSeen, Webdesign & Online Marketing Cevi GDF SUEZ in Belgium NTGent UCB Pharma CFE Brabant HDC software Ogone USG People Belgium CNH HRD Brico Group Oleon Van Hoecke ClimaWorld Hunter Douglas Belgium Helioscreen Omnimesh Vito S.A.-N.V. Coca-Cola Services IBM ONE New Holland Cofinimmo Infrabel Partena Ziekenfonds & Partners Vlerick Leuven Gent Management School Deba S.A.-N.V. ING Belgium Peltracom België Informazout asbl Delema Insites Pfizer Croix Jaune et Blanche Delhaize Group KBC Philips Xylos Actemium Touring Truvo Belgium 5 I. FAITES UNE RADIOGRAPHIE DE VOTRE PROCESSUS DE RECRUTEMENT ET DE SELECTION 1. Ce que nous apprend la littérature… Le talent est pour les organisations le moteur qui permet de créer de la valeur et de conserver un avantage compétitif. Dans une organisation performante, savoir identifier et recruter les talents dont on a besoin est souvent la clé du succès. Dans le même temps, il est clair que de plus en plus d’entreprises et de secteurs font état d’un nombre croissant de postes difficiles à pourvoir. En outre, on constate que ce problème des pénuries de main-d’œuvre se manifeste plus souvent de manière aiguë. Afin d’analyser la manière dont les organisations gèrent ces défis, nous allons examiner dans ce chapitre comment les entreprises organisent leur processus de recrutement et comment elles l’adaptent en fonction de l’environnement interne et externe. Le cycle de recrutement et de sélection commence avec l’ouverture d’un poste et se termine quand un candidat adéquat remplit sa fonction de manière satisfaisante. Nous allons passer en revue ci-dessous, pour chaque phase, les enseignements que l’on peut puiser dans la littérature ; nous verrons ensuite comment ça se passe dans la pratique, et nous terminerons par quelques considérations générales. 1.1. Définition des objectifs du recrutement La première étape de ce cycle, à savoir l’ouverture d’un poste, s’inscrit idéalement dans le cadre de la planification stratégique des effectifs qui est effectuée au niveau de l’organisation. Le workforce planning décrit comment l’entreprise peut adapter ses ressources actuelles en personnel de manière à se doter d’effectifs qui lui permettront de répondre aux défis qui l’attendent. Cette planification est essentiellement guidée par la stratégie de l’organisation, mais elle identifie également les facteurs contextuels qui jouent un rôle important. Au final, on obtient un document ciblé qui analyse dans quelle mesure certaines compétences sont nécessaires pour renforcer les effectifs de l’organisation. D’autre part, les collaborateurs R&S définissent, en concertation avec les line managers - c’est-à-dire les managers opérationnels - les besoins par fonction. Quel est le profil recherché ? Quelles compétences sont indispensables et lesquelles sont souhaitables ? Une fois que l’on sait clairement qui l’on recherche, on peut mettre en place tout un processus adapté (search, sélection, parcours d’intégration,…) afin d’obtenir un résultat optimal de manière efficiente. 1.2. Recrutement Le recrutement de collaborateurs englobe l’ensemble des activités qui ont pour but d’encourager des candidats 5 adéquats à réagir à une offre d’emploi. Les entreprises utilisent pour ce faire différents canaux. On peut faire une 6 classification de ces différents canaux de recrutement en fonction du degré de contact. Selon cette classification, on peut distinguer trois groupes : a) degré de contact faible : bannières sur Internet, sites de recrutement et annonces dans des journaux ou magazines ; b) degré de contact moyen : e-mails ciblés et salons de l’emploi ; c) degré de contact élevé : réseau des travailleurs de l’entreprise ou de partenaires externes et recrutement direct. Le type de canal qui convient le mieux dépend généralement du contexte et du type de fonction à pourvoir. 1.3. Sélection La sélection est vue comme un processus d’appariement bilatéral. Plus spécifiquement, cette phase permet de déterminer quel candidat est capable et désireux d’occuper la fonction vacante et s’il est en adéquation avec l’équipe dans laquelle il serait amené à travailler. L’importance de la sélection est liée à un concept qui est connu dans la littérature sous le nom de “SDy” ; ce paramètre désigne l’écart de performance pour une fonction donnée. Plus l’écart de performance potentiel pour une fonction est grand, plus il est important d’engager les meilleurs candidats possibles. Diverses études montrent que les écarts de performance peuvent atteindre jusqu’à 40% par rapport à un travail moyen, ce qui signifie en d’autres termes que le gain généré par un bon collaborateur peut être de 40% supérieur à 7 celui qui est produit par un collaborateur moyen . Finalement, ce concept nous ramène à une question qui est centrale 8 dans le processus de sélection, à savoir la question du coût des écarts de performance. 6 Pour évaluer la valeur ajoutée d’un candidat à terme, on peut utiliser différents instruments qui permettent d’éclairer certains aspects du candidat. On sait en outre, par la recherche scientifique, que les méthodes de sélection n’ont pas toutes un aussi bon rendement. Cela signifie qu’elles présentent certaines différences en termes de valeur prédictive, 9 de coût, de durée... Par conséquent, lors de l’élaboration d’une procédure de sélection efficace, on met toujours en balance différents paramètres comme la valeur prédictive de ces instruments ou prédicteurs, l’objectivité et des 10 considérations pratiques telles que le coût et la durée. Cet exercice d’appréciation, entre autres facteurs, fait que l’on travaille souvent avec un système de sélection qui comporte différentes phases et où tous les candidats ne passent pas 11 tous les tests. 1.4. Accueil et socialisation Une fois que la décision est tombée et que le candidat signe son contrat, vient la phase d’accueil et de socialisation du nouveau travailleur, ce que les Anglo-Saxons appellent l’on-boarding. La socialisation englobe les processus qui font 12 que la personne va s’adapter plus ou moins bien à la culture et au fonctionnement de l’organisation. Pendant la phase de socialisation, le nouveau travailleur apprend à se faire une place, il se familiarise avec la culture socio-normative de l’organisation et il reçoit des explications sur le contenu technique de sa fonction. Plusieurs études montrent qu’une socialisation adéquate des travailleurs peut faire la différence entre une bonne et une excellente nouvelle recrue. En outre, les organisations qui accordent une attention suffisante à l’on-boarding peuvent compter à terme sur une satisfaction plus grande de leurs collaborateurs, sur une rotation moindre au sein de leur personnel et sur une 13 meilleure productivité que les organisations qui investissent peu dans ce domaine. 1.5. Processus d’évaluation Le but final d’un processus de recrutement et sélection est de créer de la valeur au bénéfice du client. Pour déterminer si le processus R&S atteint les objectifs fixés, il est nécessaire de procéder régulièrement à une révision de ce processus. Pour ce faire, on peut effectuer une comparaison quantitative et qualitative entre les objectifs fixés et les résultats obtenus, comme la rotation (in)volontaire et la satisfaction au travail. Cela permet aux entreprises de retirer des enseignements de leur expérience et d’ainsi accroître l’efficacité des recrutements qu’elles effectueront dans le futur. D’autre part, cette révision permet d’adapter le processus en fonction des changements survenus au sein de 14 l’organisation et de son environnement. Il apparaît en outre que les organisations qui assurent un tel suivi 15 enregistrent des bénéfices annuels plus importants et une croissance annuelle plus forte de leurs bénéfices. 2. Ce que nous apprend la pratique… A partir des groupes de discussion et des interviews approfondies que nous avons organisés, nous avons examiné comment ces principes se concrétisent dans la pratique. Nous allons maintenant passer en revue, pour chaque phase, les témoignages que nous avons recueillis et ce qu’ils nous apprennent sur le processus R&S aujourd’hui en Belgique. 2.1. Définition des objectifs du recrutement Dans notre étude, nous avons distingué, de manière générale, deux situations de départ qui peuvent déclencher le lancement d’un processus R&S. D’une part, le processus peut partir d’un besoin ad hoc : il y a un poste vacant qu’il faut pourvoir le plus rapidement possible. D’autre part, les entreprises peuvent aussi se baser sur une planification stratégique des effectifs qui dresse de manière anticipative une carte des besoins en matière de recrutement. Nous analysons ci-dessous ces deux approches. Beaucoup d’entreprises travaillent de manière réactive, le processus commence pour elles avec l’ouverture d’un poste. Cette approche est plutôt de type business driven : l’initiative vient généralement du management opérationnel. Après la signature éventuelle de la demande (dans certaines entreprises, cette signature est obligatoire) a lieu un entretien préparatoire avec le département où se situe le poste à pourvoir. C’est à ce moment qu’on se met d’accord sur toutes les modalités de l’ensemble du processus : la rédaction de l’annonce, les canaux qui seront utilisés, comment le processus sera structuré, qui réalisera les interviews,… Pour certains, cette approche réactive est indispensable : les 7 PME doivent, dans de nombreux cas, répondre de manière flexible à des besoins en provenance du terrain (bottomup). D’autre part, il est également difficile, pour des secteurs très sensibles à la conjoncture et qui évoluent rapidement, d’anticiper pour faire correspondre exactement la demande et l’offre, comme en atteste le témoignage de ce manager RH : “Le nombre d’embauches varie d’une année à l’autre, cela dépend de la conjoncture. L’année dernière, nous avons connu une croissance importante en R&D et nous avons engagé 90 ingénieurs, soit deux fois plus que l’année précédente.” Le besoin d’une approche plus proactive dans certaines entreprises procède du fait que l’on a trop souvent le sentiment de courir après les faits. Le R&S aide à éteindre des incendies, jusqu’à ce qu’on en vienne à calculer combien d’argent on dépense pour des recrutements inadéquats, effectués à la hâte. Nous avons donc constaté que les entreprises décident souvent, et de plus en plus, d’opter pour une approche proactive : “Actuellement, les collaborateurs R&S ne savent pas assez ce qui se passe du côté du management opérationnel, ils ont une attitude trop réactive. Notre objectif pour l’avenir est de mettre sur pied une planification des besoins en personnel, en mettant l’accent sur le recrutement. Une fois que ce processus sera un peu plus naturel, il pourra faire partie d’un cycle de formation complet, de la stratégie ‘Compensation & Benefits’…”. Plus spécifiquement, les entreprises qui travaillent avec une planification des effectifs mettent en avant deux avantages. Tout d’abord, une approche proactive permet de gérer les effectifs en relation avec la stratégie. Par le biais de la planification des effectifs, le service RH peut, en tant que partenaire stratégique, participer à la réflexion sur les structures de l’organisation (par ex. ‘Est-ce que c’est une fonction d’encadrement ?’). Cela donne aussi la possibilité d’identifier les fonctions-clés de manière proactive en fonction des objectifs de croissance de l’entreprise et de constituer un vivier de talents. En outre, c’est un outil qui permet de maîtriser les coûts du processus R&S. Dans certaines entreprises, par exemple, on fixe un objectif clair en nombre d’ETP (FTE-target), et cet objectif est réévalué régulièrement. Le revers de la médaille, c’est que la planification des effectifs peut parfois devenir un carcan trop étroit : lorsque le motif de réduction des coûts prend le pas sur le reste, cela peut empêcher les entreprises d’analyser de manière créative quels effectifs 16 leur permettront de faire face aux défis du futur. Le témoignage ci-dessous montre combien les choses peuvent alors devenir rigides : “Obtenir l’approbation des demandes de recrutement mobilise la moitié de notre énergie. C’est devenu la phase la plus difficile de tout le processus. Il y a des ‘business reviews’ trimestrielles, qui sont l’occasion de faire des révisions. Après chaque ‘business review’, vous avez une chance de voir vos demandes approuvées. Si vous manquez cette opportunité, vous devez attendre trois mois.” Nous pouvons déduire de ce qui précède que les organisations partent, bien souvent, d’une approche réactive. Dans certains cas, on opte, dans les entreprises moyennes à grandes, pour une planification des effectifs. Il est important dans ce cadre d’être suffisamment attentif aux avantages que cette méthode offre au niveau stratégique. Il y a en effet le risque que la planification des effectifs soit utilisée uniquement comme un outil pour réduire les coûts, alors que le but est de développer un instrument flexible qui découle de la stratégie de l’entreprise, qui intègre les influences bottom-up et qui reste entre les mains des RH. 2.2. Recrutement De manière générale, le recrutement est aujourd’hui une priorité de premier plan, dans un contexte où l’on met de plus en plus l’accent sur le ‘capital humain’ et où les talents sont de plus en plus une denrée rare. Dans le rapport relatif aux tendances sur le marché de l’emploi flamand, on parle d’une économie en pénurie de main-d’œuvre (knelpunteconomie) : en 2011, le nombre de postes vacants a augmenté de 37,8%, alors que la hausse du nombre d’offres d’emploi reçues a été quasiment stoppée. Cela indique que les difficultés de recrutement en Flandre 8 17 aujourd’hui sont très grandes et qu’il faut intensifier les efforts dans ce domaine. Sur le terrain, ces difficultés se font très nettement sentir : “Nous avons toujours été forts en sélection de personnel. Nous avons pour cela toutes sortes de processus et d’outils à notre disposition. Le gros problème aujourd’hui, c’est de trouver des gens et c’est pour cela qu’on se concentre surtout sur le recrutement. Certains postes restent vacants en permanence.” Dans cette situation de pénurie de main-d’oeuvre, il est donc de plus en plus important pour les entreprises de concevoir une stratégie de recrutement efficace. Nous allons examiner ci-après les différents canaux de recrutement et l’opinion de nos répondants à leur sujet, et nous en tirerons ensuite une conclusion. 1. En premier lieu, les entreprises qui utilisent les job boards (sites de recrutement en ligne) apprécient la visibilité qu’offre ce canal de recrutement. En outre, ce système permet de générer des rapports sur la base du nombre de clics. En revanche, certaines entreprises indiquent que cela ne semble pas être un outil efficace pour les fonctions critiques (i.e. les fonctions difficiles à pourvoir). Pour ce type de fonction, on opte plutôt pour des sites de recrutement spécialisés ou pour les sites des services régionaux de l’emploi (FOREm, VDAB, Actiris) qui sont également efficaces au niveau local. En outre, le fait que les candidats doivent s’enregistrer constitue une barrière. 2. Pour beaucoup d’entreprises qui engagent des jeunes diplômés, le campus recruitment est le principal canal. Ce canal est jugé efficace, y compris pour les fonctions critiques. De plus, c’est un moyen pour les entreprises de promouvoir leur marque employeur (Employer Brand) sur le marché, et l’aspect visibilité joue donc ici aussi. Ce dernier aspect s’avère toutefois souvent le plus difficile à gérer : “Dans le recrutement sur campus, il est difficile d’attirer les bons profils. Il faut se profiler en se démarquant des autres, mais ce n’est pas si facile.” 3. De nombreuses entreprises font appel à des partenaires externes dans la phase de recrutement, surtout en raison du réseau que ceux-ci offrent et de leur capacité à convaincre les candidats de venir à une interview. Certaines organisations décident de collaborer avec des partenaires externes parce qu’elles estiment leur propre notoriété insuffisante. Le simple fait de travailler avec des intervenants externes peut améliorer l’image de l’entreprise : “Actuellement, notre nom n’est pas encore très connu. Si nous publions nous-mêmes nos offres d’emploi, nous risquons de perdre beaucoup d’argent, alors qu’en passant par des partenaires, cela nous coûte moins cher et c’est plus efficace." 4. Les entreprises participent à des salons de l’emploi parce que cela offre des avantages dans le domaine de l’Employer Branding. La manière dont l’entreprise se profile vis-à-vis des visiteurs est cruciale dans la construction d’un lien avec les travailleurs potentiels : “Les salons de l’emploi sont un canal important. Je le dis toujours à mes recruteurs : vous êtes la vitrine de notre entreprise, vous devez en être bien conscients et adapter votre attitude en conséquence”. Pour les fonctions critiques, les organisations mentionnent l’avantage qu’offrent les salons spécialisés par rapport aux salons généralistes. Pour cette raison et pour des raisons de coût, les entreprises deviennent plus sélectives lorsqu’il s’agit de choisir un salon de l’emploi. 5. Un certain nombre d’entreprises indiquent qu’elles recrutent beaucoup par le biais de la presse écrite. Pour ce canal, on observe que la zone visée joue un rôle important. D’une part, les acteurs locaux optent pour la presse régionale, car cela leur permet d’atteindre facilement leur groupe cible, par exemple pour des profils techniques. D’autre part, certains répondants optent délibérément pour un support à couverture nationale, où l’aspect visibilité entre autres joue un rôle. 9 “Nous avons un plan de recrutement et un des principes de ce plan est que tous les mois, nous devons être publiés quelque part. Chaque mois, un candidat potentiel doit donc tomber sur une de nos annonces, dans un magazine ou ailleurs.” 6. Nous constatons que l’utilisation des médias sociaux permet aux entreprises de faire passer leur message de manière authentique auprès de leurs publics externes : “Se profiler de manière authentique sur un réseau social, un blog… : c’est par là qu’il faut faire passer le message. Les recruteurs doivent stimuler cela et savoir sauter sur l’occasion au bon moment : vous connaissez untel et untel, pouvons-nous entrer en contact avec lui ou elle ?“ Selon les répondants, l’efficacité de ce canal dépend toutefois du type de fonction que l’on recherche. Ils estiment qu’il est surtout efficace pour les fonctions de management ou les fonctions d’expert. D’autre part, il faut noter qu’actuellement, la pratique qui consiste à utiliser les réseaux sociaux pour recruter est mieux implantée dans certaines entreprises que dans d’autres. Certains participants à l’enquête indiquent que cela mobilise pas mal d’énergie, ou trouvent que cela coûte cher et que les résultats ne sont pas toujours probants. Dans l’avenir, ce canal devrait gagner en importance, car il est favorisé par les évolutions à l’œuvre sur le marché du travail, comme les pénuries de main-d’œuvre et l’arrivée de la génération Y. Mais, pour le moment, les entreprises n’ont pas toutes le sentiment d’avoir suffisamment d’expertise en interne dans ce domaine. 7. Une autre approche proactive dans le domaine du recrutement consiste à utiliser le réseau de relations de l’entreprise (networking). Ce canal de recrutement relationnel offre des avantages, car il y a un premier tri qui s’opère via le réseau. Plus spécifiquement, beaucoup d’entreprises aujourd’hui mettent sur pied un referral programme (programme de recommandation) qui incite les collaborateurs actuels de l’entreprise à rechercher activement des candidats au sein de leur propre réseau. Pas mal d’entreprises considèrent ce programme de recommandation comme un moyen efficace de nouer un lien avec des travailleurs futurs. Les collaborateurs actuels sont ainsi stimulés à être les ambassadeurs de l’entreprise, ce qui a en soi une influence positive sur leur implication. “Nos meilleurs ambassadeurs sont nos travailleurs. Lorsqu’un travailleur trouve quelqu’un et que cette personne passe avec succès la période d’essai, le travailleur reçoit un bonus important. Le collaborateur connaît la culture, connaît l’entreprise, il sait comment les choses se passent.” Les opinions divergent en ce qui concerne le bonus à prévoir dans le cadre du programme de recommandation. Il y a des entreprises qui donnent jusqu’à 5.000 euros de bonus, compte tenu des bons résultats que permet d’obtenir ce canal. Dans d’autres entreprises, le bonus est de 1.000 euros, tandis que d’autres encore parlent de 200 euros ou d’un cadeau ayant une valeur plus symbolique. Certaines entreprises accordent un montant différent selon le niveau de la fonction ou s’il s’agit d’une fonction critique. Mais, on entend aussi certains échos négatifs à propos de ce canal de recrutement. Quelques entreprises font remarquer que cela entraîne une diminution de la diversité, que la qualité des candidats recrutés par ce biais n’est pas toujours égale, que le système n’est pas toujours sans faille et qu’il exige un suivi important. Enfin, lorsqu’un candidat recommandé n’est finalement pas choisi, cela peut influencer négativement la motivation du collaborateur qui l’avait recommandé. 8. Quasiment toutes les entreprises postent leurs offres d’emploi sur leur propre site Internet. Cette solution offre sans aucun doute l’avantage de l’automatisation : les CV sont directement enregistrés dans la base de données, ce qui permet de suivre plus facilement les candidats. Cela constitue un gros progrès par rapport à la paperasserie classique. En outre, c’est un canal que les entreprises peuvent facilement adapter et actualiser elles-mêmes. Cela nécessite toutefois un certain suivi. 10 9. Avec les candidatures spontanées, les entreprises reçoivent des CV de manière passive. Le nombre de candidatures spontanées dépend beaucoup de l’image de l’entreprise, qui résulte de l’attractivité de sa marque employeur. Si certaines organisations renvoient les candidats qui s’adressent spontanément à elles vers la page ‘carrières’ de leur site en les invitant à répondre à une offre d’emploi spécifique, d’autres, souvent des PME, sont conscientes des avantages qu’elles peuvent retirer de ces propositions spontanées. En effet, s’il s’agit d’un candidat de talent, celuici peut être intégré dans la base de données, ou bien on peut même adapter une offre d’emploi existante aux compétences spécifiques de cette personne. C’est ce qu’on appelle le job sculpting : “Souvent, des personnes postulent de manière spontanée. Si ces personnes ont une bonne mentalité, nous sommes enclins à rechercher une fonction pour elles. Si nécessaire, nous réécrivons l’offre d’emploi existante. C’est un processus très organique. Mais, si l’on trouve un très bon candidat, pourquoi ne pas chercher une fonction pour ce candidat ? On ne va tout de même pas le laisser filer à la concurrence ?". 10. Enfin, nous observons que les entreprises misent de plus en plus sur l’utilisation de différents canaux plutôt que de se focaliser sur un seul. Cette approche est souvent discutée avec un partenaire externe qui peut offrir le savoirfaire nécessaire : “Les candidats utilisent une multitude de canaux (transmission de leur CV à un bureau de recrutement, envoi de candidatures spontanées,…), et les entreprises doivent faire de même. Nous travaillons avec une agence qui gère pour nous un mix de canaux de recrutement, combinant le Web, la presse écrite et d’autres médias.” Les observations qui précèdent nous permettent de tirer deux conclusions. Tout d’abord, l’expérience montre que, pour pourvoir des fonctions critiques, les stratégies de type plutôt ‘passif’ comme la diffusion d’annonces ne suffisent pas. On constate que les entreprises s’adressent aux travailleurs potentiels par le biais d’une communication plus directe, et souvent de manière originale : salons de l’emploi spécialisés, organisation d’événements grand public comme les career days, … En d’autres termes, les entreprises sont conscientes de la nécessité d’opter pour des canaux plus interactifs, mais souvent, elles n’ont pas encore bien intégré cela dans leur stratégie de recrutement et, pour 18 cette raison, elles se rabattent sur des canaux de recrutement plus classiques. Diverses études font le même constat. La deuxième conclusion que l’on peut tirer, c’est qu’une approche sur mesure est de plus en plus essentielle : les entreprises modulent leur manière de procéder en fonction du profil spécifique qu’elles recherchent. Ainsi, une fonction critique nécessite une approche différente, plus proactive, qui passe par les médias sociaux, les salons de l’emploi spécialisés, le campus recruitment…: “Ces dernière années, nous avons engagé 10 à 20 personnes et nous avons utilisé des canaux différents selon la fonction. Pour les fonctions de direction, nous nous adressons à un chasseur de têtes. En ce qui concerne les profils d’exécution, nous n’en recherchons pas pour l’instant. Pour les universitaires, nous travaillons avec un bureau de sélection spécialisé. Pour les fonctions critiques, enfin, nous utilisons notre réseau de contacts et travaillons par le biais du bouche-à-oreille.” D’autres paramètres jouent en outre un rôle, comme le secteur d’activité de l’entreprise, le niveau de la fonction à pourvoir et l’échelle où l’on se place (locale, nationale ou mondiale). En d’autres termes, la communication, idéalement, doit être conçue sur mesure en fonction du groupe cible à atteindre. 2.3. Activités de sélection L’objectif central de toute procédure de sélection est de prédire le comportement futur des candidats, ce qui n’est 19 clairement pas un exercice facile. Les entreprises recherchent un candidat qui est capable et désireux d’occuper la fonction vacante et qui est à même de s’intégrer au sein de l’organisation et au sein de l’équipe dans laquelle il serait amené à travailler. Pour ce faire, elles utilisent différents outils qui vont du screening de CV à l’interview finale en passant par le testing. Ces outils permettent de mettre en lumière différents aspects du candidat de manière à assurer 20 une sélection finale efficace et efficiente. La manière dont est conçu le système de sélection dépendra de la fonction à 11 pourvoir et du contexte dans lequel opère l’entreprise. Nous donnons ci-dessous un aperçu de la manière dont les entreprises gèrent la sélection en Belgique aujourd’hui et nous exposons ensuite quelques considérations à ce sujet. 1. Le screening de CV est la première étape de ce processus. Cette étape est déterminante pour la qualité du pool de candidats et elle est donc essentielle. Souvent, elle est prise en charge par les RH, sauf s’il s’agit de profils très spécifiques, auquel cas le screening des CV est assuré par le management opérationnel. 2. Après le screening des CV, une présélection est souvent opérée. Certaines entreprises signalent qu’elles optent pour cette solution lorsqu’elles sont submergées par un flot de CV, d’autres l’utilisent comme une manière d’optimaliser l’efficience du processus : “Le processus de sélection exige un gros investissement en temps, et une bonne présélection est donc cruciale. Je ne peux pas me permettre de retenir des line managers pendant une demi-journée pour voir des candidats qui ne conviennent pas.” Eventuellement, une première sélection peut aussi être réalisée par le biais d’entretiens téléphoniques. Cela nécessite toutefois un investissement en temps non négligeable. C’est pourquoi certaines grandes entreprises ont un avis positif sur l’utilisation de tests en ligne ou Unproctored Internet Tests (UIT) que les candidats peuvent effectuer seuls chez eux. 3. Dans tous les cas, des interviews de sélection sont réalisées. Pour les fonctions d’ouvrier, cette interview est parfois très courte ( 20 minutes), mais l’interview de sélection constitue toujours un élément essentiel de la procédure. Pendant le premier entretien, on évalue souvent la motivation, les compétences et les attentes du candidat. L’entretien en face-to-face est mené selon les cas de manière structurée ou plus informelle. Alors que les collaborateurs R&S utilisent généralement une méthode structurée (méthode STAR), les chefs d’entreprise adoptent souvent une approche non structurée et intuitive. La parole à un dirigeant de PME : “Je ne suis pas moi-même au recrutement ou aux RH, mais je me charge du recrutement de personnel pour notre ‘business unit’. Cela va assez vite. Après quelques minutes, je sais déjà si le candidat va recevoir une appréciation favorable. Je me fie assez bien à mon intuition. Je vois vite quand quelqu’un veut travailler et est prêt à collaborer.” La recherche scientifique montre toutefois que la réalisation d’interviews non structurées est sujette à divers effets qui faussent l’appréciation, ce que l’on appelle aussi des biais de perception. La citation ci-dessus, en particulier, décrit l’’effet de première impression’, c’est-à-dire la tendance des interviewers à se faire systématiquement une impression globale en quelques minutes. Ce type de biais, de même que d’autres, conduit à des jugements plus 21 subjectifs, qui produisent à leur tour des prédictions moins exactes. 4. Ensuite, le candidat doit souvent, mais pas toujours, passer des tests. Il apparaît que l’opportunité d’utiliser ou non des tests est une question très controversée sur le terrain. En outre, nous constatons que la taille de l’organisation a une influence sur la réponse à cette question : ce sont souvent les petites ou moyennes entreprises qui se fient surtout à leur intuition au détriment du testing, tandis que les grandes entreprises exploitent largement les différents outils disponibles dans ce domaine. Parallèlement, nous observons que la fonction du recruteur a un impact important : les collaborateurs RH puisent souvent dans la ‘boîte à outils’, alors que chez les managers opérationnels, c’est plutôt l’intuition qui prime. Nous examinerons de plus près cette dualité un peu plus loin (cf. tendance 5). Le type de tests que l’on utilise comprend généralement un test de personnalité et/ou un test de QI. Il peut s’agir de tests que l’on a achetés pour les utiliser en interne ou d’épreuves psychotechniques pour lesquelles on passe par un partenaire externe. A côté de cela, il y a les adversaires résolus qui ont banni le recours aux tests de QI. C’est un constat qui ressort clairement de diverses recherches : les professionnels de terrain ont moins confiance dans les 22 tests d’intelligence que ce que les chercheurs conseillent. Des études montrent en effet qu’il y a toujours une 12 relation positive entre l’intelligence et les performances professionnelles ultérieures, même pour des emplois requérant moins de qualifications. D’autres formules, comme un test d’intégrité ou un test de mise en situation (work sample test), dont il est beaucoup question dans la littérature, ne font pas toujours partie du processus. Pour des fonctions d’expert et de management, l’entreprise charge parfois un partenaire externe spécialisé d’effectuer un assessment. Certaines grandes entreprises développent aussi elles-mêmes des tests sur mesure, comme un jeu de rôle ou des études de cas. 5. Lors de la dernière interview, on discute des conditions du contrat. Quelques étapes peuvent encore s’ajouter, comme par exemple un test médical pour certaines fonctions spécifiques. La vérification des données, diplômes,… gagne également en importance, comme en témoigne le développement de bureaux spécialisés dans la vérification de CV. Ce qui précède décrit la vision des professionnels de terrain à propos des différentes activités de sélection. La manière dont est conçue la procédure de sélection dépend de la culture de l’entreprise et résulte de la mise en balance de différents facteurs (coût, durée,…). En outre, notre étude montre que la pratique et la théorie n’ont parfois pas la même vision d’une sélection efficace, ce qui confirme que la sélection est un des domaines RH où le fossé entre la 23 théorie et la pratique est le plus grand. Dans tous les cas, on essaie, sur la base des activités de sélection, de prédire la performance future du travailleur. A côté de cela, on porte une attention croissante aux résultats des tests qui permettent d’évaluer le fonctionnement à long terme et l’employabilité des candidats, ce que ce manager RH reconnaît non sans une certaine amertume : “Nous sommes confrontés au fait que la sélection consiste à voir avec quels handicaps nous allons devoir composer. Soit on ne trouve personne, soit on trouve quelqu’un avec qui on va devoir faire quelque chose.” D’autre part, étant donné qu’il est plus difficile de trouver des candidats dont le profil répond à toutes les exigences posées, le processus de socialisation revêt une importance croissante. 2.4. Accueil et socialisation On remarque que, dans de nombreux cas, le processus R&S s’arrête au moment où le candidat signe finalement son contrat, à l’issue de la phase de sélection. Dans cette optique, on considère le R&S comme une activité RH purement basée sur des faits et chiffres plutôt que comme un processus plus ‘soft’, axé sur le développement et sur une vision à long terme. Mais en fait, cela ne devrait pas être le cas : “J’ai toujours pensé que le processus R&S ne s’arrête pas à la signature du contrat ; la phase d’intégration et de suivi en fait aussi partie. Mais, ce suivi prend énormément de temps, et dans la pratique, j’étais coincé par des contraintes de temps.” La cellule Training & Development organise souvent une journée d’accueil, mais après, l’accueil est entièrement géré par le management opérationnel. Les line managers accueillent le nouveau travailleur au sein de l’équipe, avec le soutien d’un parrain ou d’une marraine. Certains répondants sont toutefois critiques à propos de cette manière de procéder : “Dans le domaine de l’on-boarding et de la socialisation, nous avons un certain retard. Pourtant, cette phase est importante pour la rétention du personnel, le sentiment d’appartenance à une équipe prend de de plus en plus d’importance. Mais, lorsque la socialisation est assurée uniquement par le management opérationnel, cela ne se passe pas toujours très bien.” 13 La littérature montre que la phase d’intégration et de rodage est une phase cruciale qui influe sur la rétention et la satisfaction au travail et sur les performances et la motivation des collaborateurs. Sur le terrain, certaines entreprises 24 misent fortement sur cet aspect et investissent beaucoup dans cette phase de socialisation : “Nous investissons énormément dans l’accueil des nouveaux collaborateurs afin qu’ils apprennent à connaître l’entreprise de A à Z. Nous voulons que les gens connaissent parfaitement notre métier et nos activités. Un décrochage au cours de la première année est quelque chose qui n’existe pas chez nous.“ “Nous avons une ‘BU academy’, chaque nouveau collaborateur reçoit pendant 21 jours une formation dispensée par la cellule Learning & Development du service RH. Ainsi, nous avons des gens qui sont prêts à assumer leur job. Grâce à cela, le taux de départ a diminué de 50%.” “Lorsqu’un nouveau collaborateur commence, nous avons à chaque fois un parrain technique et un parrain social : ceux-ci s’occupent du rodage technique du nouveau collaborateur et le familiarisent avec la culture de l’entreprise. Cette phase fait l’objet d’un suivi assuré par un responsable RH, d’abord toutes les semaines, puis toutes les deux semaines et enfin tous les mois. Le suivi prend la forme d’un entretien avec le nouveau collaborateur et avec le parrain social et le parrain technique.” 2.5. Résultats du processus R&S La littérature souligne que les résultats du processus R&S doivent être évalués de manière approfondie en fonction des objectifs qui ont été fixés au début du processus. Dans la pratique, nous observons que cette évaluation ne fait pas partie des premières préoccupations des entreprises. Les enseignements que l’on retire des résultats du processus R&S ne sont pas encore suffisamment transposés dans des décisions visant à adapter ce processus : “Il y a quelque chose qui manque un peu dans une organisation comme la nôtre : dans un processus de sélection, on fait une prédiction à propos de la performance future du candidat, cela englobe beaucoup d’aspects, mais il faut être plus attentif à la validation de la décision d’embauche !” La manière dont le processus R&S est structuré et évalué dépend de la vision implicite qui a cours dans l’entreprise à propos de ce processus. D’après les témoignages recueillis dans les groupes de discussion, nous constatons qu’il y a deux manières de voir les choses. Dans le premier point de vue, le département R&S est décrit comme une ‘sourcingfabriek’ (‘usine d’approvisionnement en personnel’) ou une ‘machinerie’. Ces entreprises évaluent surtout les coûts et l’efficience du processus et vont juger le R&S sur ces indicateurs. Comme l’approche est axée sur le résultat, le processus pour atteindre ce résultat est rationalisé au maximum. Ainsi, on peut s’efforcer d’aller vers une standardisation par le biais d’une stratégie ‘one-size-fits-all’ en vue de réduire les coûts. Dans cette optique, on considère donc le R&S plus comme un coût. Cela conduit à l’extrême à des situations comme celle-ci : “A la direction, ils sont beaucoup trop loin des réalités, ils voient le département R&S comme une usine. Ils disent par exemple: ‘Nous avons besoin de 1.000 ouvriers pour tel jour’. Il y a 25 ans, le R&S était très personnalisé, mais maintenant c’est une procédure rationalisée comme n’importe quelle procédure d’achat.” Dans le second point de vue, on considère implicitement le processus R&S comme un processus dynamique et on met l’accent sur la vision à long terme. On va plus loin que la réflexion en terme de standardisation et on réfléchit à la meilleure manière d’atteindre un résultat efficace : “J’ai essayé de faire valoir l’idée que le R&S, cela va beaucoup plus loin que ‘placer des gens’. Je voulais mettre en place une stratégie plus intégrée pour les RH. J’ai donc introduit la réflexion en termes de compétences, le processus préparatoire et la phase de suivi. Pourquoi ? Parce que ce sont les hommes qui font vraiment la différence, c’est notre principale ressource. Nos concurrents travaillent avec les mêmes machines que nous, mais avec les hommes, nous pouvons faire la différence.” 14 “Il faut investir suffisamment de capacité, d’argent et de temps dans le processus de recrutement. On y gagne au niveau de la qualité du processus de choix, et donc de la qualité du personnel engagé. Les risques d’échec, de décrochage ou de départ prématuré sont moindres.” Dans cette optique, les entreprises considèrent le R&S comme un investissement, et ce modèle de pensée conduit à adopter d’autres critères d’évaluation. La question des implications de ce modèle de pensée sous-jacent sur la structuration et l’exécution du processus R&S est traitée en détail à travers le présent rapport. 3. Tendances Pénuries de main-d’oeuvre, guerre des talents, technologie, mondialisation,… ce sont là des termes que l’on entend de plus en plus un peu partout et qui jouent en outre un rôle de catalyseur dans le sens d’un renouvellement interne et d’une professionnalisation accrue du domaine R&S. Nous passons ci-après en revue sept tendances que nous avons pu identifier à partir des données de ce chapitre. Nous verrons comment les trois premières tendances, à savoir ‘Vers une mentalité nouvelle de gestion stratégique des talents’, ‘Du Post & Pray à l’Employer Branding’ et ‘Exploiter les nouvelles tendances de manière créative’, sont liées à la gestion des pénuries de main-d’oeuvre. D’autre part, nous examinerons quatre autres tendances que nous avons décryptées en discutant avec les managers RH et qui sont en relation avec la professionnalisation de la fonction R&S : ‘Nécessité d’un Labour Market Maker’, ‘L’utilisation des tests comme un investissement à long terme’, ‘Optimaliser plutôt que maximaliser’ et ‘D’une approche standardisée à une approche sur mesure’. Tendance 1 : Vers une mentalité nouvelle de gestion stratégique des talents Face à la guerre des talents, les organisations reconnaissent qu’une nouvelle mentalité est essentielle. En raison de la pénurie de main-d’oeuvre, l’expérience ou l’expertise dans certains domaines sont souvent absentes sur le marché du travail, ce qui a pour conséquence que les entreprises élargissent leur champ de recherche. En d’autres termes, elles voient si les candidats qui se présentent disposent des compétences nécessaires pour apporter, à plus long terme, une contribution utile à l’organisation. Dans la littérature, cette tendance se fait jour entre autres avec des titres comme 25 “Get rid of job descriptions”. Nous décrivons ci-après trois approches différentes que nous avons rencontrées sur le terrain. 1. Une pratique que l’on observe assez souvent est celle du ‘job sculpting’ : lorsqu’elles repèrent un candidat de talent, les entreprises élaborent une fonction et un contexte de travail qui permettent d’attirer cette personne et d’exploiter au maximum ses compétences. Ce manager RH souligne l’importance croissance de ce ‘modelage’ des fonctions : “Lorsqu’une personne compétente se présente chez nous, nous essayons de la convaincre de travailler pour nous et, si nécessaire, nous réécrivons la fonction. Dans l’avenir, nous investirons encore plus dans la sélection, notamment parce que nous devons davantage travailler avec des profils ‘atypiques’.” 2. D’autre part, on met la priorité sur la formation et le développement des compétences. Par le biais d’un programme de formation, on peut augmenter l’employabilité des travailleurs au sein de l’organisation et dans cette optique, le processus de développement du candidat commence dès la phase de sélection. Cela signifie que l’utilisation de tests s’inscrit ainsi dans la construction d’une relation à long terme avec le candidat. On fait l’inventaire des besoins du candidat en matière de formation afin d’analyser son potentiel d’évolution et son employabilité à plus long terme. “Nous faisons un screening en visant le long terme ; les gens chez nous ne doivent pas toujours être directement opérationnels, mais ils doivent être en adéquation avec la culture d’entreprise et présenter le potentiel 15 d’apprentissage que nous recherchons. Nous regardons la personne dans son ensemble et nous voyons comment nous pouvons l’intégrer chez nous de manière optimale. Si l’approche et la mentalité sont bonnes, c’est le principal. Cela suppose un investissement en temps et en formation, mais de nos jours, c’est comme ça que les choses doivent se passer.” 3. Par ailleurs, on est plus attentif à une approche de la politique de recrutement à un niveau plus global. Ainsi, certaines organisations vont entre autres soutenir des formations de base et rechercher activement des moyens de toucher des groupes cibles spécifiques. La gestion des talents est en train de devenir peu à peu une réalité. On part de plus en plus des talents que les candidats possèdent déjà, de leur potentiel de développement et de leur employabilité à long terme. Cette réflexion en termes de talents peut se révéler être une stratégie-clé dans le contexte des pénuries de main-d’œuvre, et en outre, on peut déplacer les priorités en mettant davantage l’accent sur la sélection plutôt que sur le recrutement. Tendance 2 : Du Post & Pray à l’Employer Branding A travers les différentes phases du processus, nous observons que l’employer branding, c’est-à-dire la promotion de la marque employeur, apparaît clairement comme un facteur essentiel dans la lutte pour attirer les talents. L’employer brand se définit comme l’ensemble des perceptions qu’un candidat a à propos d’une entreprise. Si la manière dont une entreprise se profile n’est pas conforme à ces perceptions, c’est une erreur qui coûte très cher et c’est une raison qui 26 peut inciter le candidat à ne pas choisir cette entreprise. On parle de plus en plus à ce propos de l’importance de ce que l’on appelle l’’expérience candidat’ (candidate experience) dans le cadre du processus R&S. Voici la clé de l’expérience candidat : même si ce ne sont pas les personnes que vous recherchez, les candidats doivent tout de même se sentir bien tout au long du processus R&S. Ainsi, ils deviendront des brand ambassadors pour votre entreprise et ils 27 feront passer un message positif dans leur réseau d’amis et connaissances. En dépit de son importance, on constate que l’employer branding ne fait pas toujours partie intégrante du processus R&S dans la pratique. Bien que les entreprises soient très nombreuses à souligner l’importance de la marque employeur, elles n’ont pas toutes intégré ce concept de manière proactive dans leur pratique. D’autre part, les entreprises indiquent qu’elles n’ont pas encore une vision stratégique en matière de construction de la marque employeur et que les prestataires externes n’ont pas toujours une réponse à proposer en la matière. En outre, on observe fréquemment que le département R&S n’a pas suffisamment son mot à dire dans l’employer branding. Souvent, c’est le marketing qui gère cet aspect, mais le savoir-faire spécifique pour le recrutement n’est pas toujours associé à cette gestion. Enfin, certaines entreprises hésitent encore parce que la marque employeur est difficile à contrôler, et selon certains managers RH, tout doit d’abord être en ordre en interne : “La manière la plus facile de recruter, c’est de passer par nos propres travailleurs, mais pour cela, il faut être sûr qu’ils feront passer un message positif. C’est pourquoi nous allons d’abord travailler en interne à notre image employeur avant de nous profiler vraiment en externe." Donc, bien que l’employer branding soit un thème abondamment traité dans la littérature, il subsiste manifestement dans la pratique quelques obstacles qui retardent son implantation définitive. Pourtant, on est de plus en plus attentif au fait que, dans le cadre d’une décision de recrutement et de sélection, la communication va dans les deux sens. En outre, une marque employeur forte permet aussi de s’adresser aux candidats passifs ; ainsi, l’entreprise, en est moins réduite à attendre passivement en espérant que des candidats réagiront à l’offre d’emploi qu’elle a publiée (‘Post and Pray’). Tendance 3 : Recruitment 2.0 – Exploiter les nouvelles tendances de manière créative Les professionnels de terrain disent très clairement que la créativité laisse encore à désirer actuellement dans le monde du R&S, alors qu’elle devrait en fait être au premier rang des priorités (cf. la gestion des pénuries, l’arrivée de nouvelles 16 générations sur le marché du travail,…). Les répondants indiquent que dans l’avenir, ils devront davantage exploiter des canaux de recrutement innovants comme les médias sociaux. Pour être créatif, il est également nécessaire de recourir aux nouvelles technologies. Un exemple de bonne pratique : “L’an dernier, nous avons organisé pour la première fois un recrutement de groupe par le biais d’un ‘business game’. Cette expérience s’est avérée positive pour la sélection spécifique de fonctions de management. La prochaine fois, nous ferons appel à des professionnels pour nous assister.” Pour les idées créatives, les entreprises regardent du côté des partenaires externes, dont certains, estiment-elles, maîtrisent déjà mieux que d’autres les nouvelles compétences nécessaires. En d’autres termes, la question de savoir comment exploiter les nouvelles tendances de manière créative est une question qui n’a pas encore complètement reçu une réponse dans la pratique. Tendance 4 : Nécessité d’un Labour Market Maker Pour procurer un avantage compétitif à l’entreprise, la direction générale attend de plus en plus une attitude proactive. Le R&S est encouragé à anticiper dès aujourd’hui les problèmes et les opportunités de demain. En travaillant avec une planification des effectifs, les collaborateurs R&S peuvent développer cette vision à long terme et ainsi jouer un plus grand rôle sur le plan stratégique. Cette approche proactive implique, comme nous l’avons dit, la nécessité de connaître les besoins futurs en personnel et la disponibilité future des effectifs au sein de l’organisation. Cela permet aux collaborateurs R&S de suivre de près les évolutions sur le terrain et de gérer les effectifs de manière stratégique en concertation avec le management opérationnel. Pour anticiper de manière proactive les besoins en matière de recrutement, les entreprises doivent en outre disposer d’informations concernant le marché du travail externe. Les organisations indiquent toutefois que ce besoin n’est pas suffisamment rencontré pour l’instant. Un manager RH souligne qu’il peut y avoir là une opportunité pour les prestataires externes : “Le secteur est confronté à une tâche énorme. C’est ce sur quoi nous devons travailler aux RH en interne, éventuellement aussi avec des partenaires. Nous devons nous ouvrir à d’autres gens, à d’autres profils, à d’autres diplômes. Mais, il est difficile de changer les mentalités, cela demande un ‘massage intellectuel’. Ce serait bien si quelqu’un venait attirer notre attention là-dessus, car chez nous en interne, tout le monde n’est pas encore convaincu.” Bref, les entreprises sont à la recherche de partenaires qui les tiennent au courant des évolutions à l’œuvre sur le marché du travail, ce que l’on appelle aussi des Labour Market Makers, de manière à leur permettre d’adapter leurs besoins en matière de recrutement en fonction de ces évolutions. Tendance 5 : L’utilisation de tests comme investissement à long terme Dans la pratique, nous observons une dualité dans l’utilisation des tests, dualité liée d’une part à la taille de l’organisation, et d’autre part à la fonction de la personne qui est responsable des activités de sélection. Les entreprises qui recourent moins ou pas du tout aux tests mettent en avant les arguments suivants : 1. Comme nous l’avons déjà mentionné, certains préfèrent se fier surtout à leur intuition. Souvent les managers opérationnels ou les chefs d’entreprise privilégient les interviews plutôt que les tests. 2. Le facteur temps et le facteur coût jouent aussi un rôle dans le choix d’utiliser des tests. Cet argument est à mettre en rapport avec une tendance à réfléchir de plus en plus en termes économiques, où l’on demande au département 28 R&S de veiller au rendement des procédures de sélection et de mettre sur la table des chiffres concrets. 17 3. Dans un secteur où les bons profils sont une denrée rare, recourir au testing peut être, selon certains, préjudiciable pour la marque employeur et ressenti comme une menace. De leur côté, les entreprises qui travaillent avec des tests citent les arguments suivants : 1. Les tests sont utilisés pour inventorier les compétences du candidat, ce qui aide à évaluer de manière objective le potentiel de celui-ci. Certaines entreprises voient cela comme une première étape dans la planification de carrière et investissent dans le testing, surtout quand elles veulent nouer une relation à long terme avec le candidat. Dans cette optique, l’utilisation de tests s’inscrit dans le cadre de la construction d’une relation à long terme avec les candidats, où le développement et l’évaluation des compétences deviennent de plus en plus un processus continu. On regarde le potentiel de développement et l’employabilité de la personne. 2. En outre, cela a une influence sur l’expérience candidat, ce qui peut avoir à son tour des répercussions positives sur la marque employeur : “Les candidats veulent être vus comme des experts dans leur domaine. Et donc, un entretien motivationnel ne suffit pas. Nous utilisons les tests davantage comme un exercice de développement. Ils reçoivent de toute façon un feedback, négatif ou positif. C’est important pour l’expérience candidat, les gens reçoivent le jour-même un feed-back et des conseils utiles pour leur développement.” 3. C’est une manière objective de sélectionner les gens, ce qui aide pour donner ultérieurement un feed-back aux candidats. “Lorsque vous avez beaucoup de candidats, vous devez à un certain moment dire stop, car vous ne pouvez pas voir tout le monde. Grâce aux tests, les gens se montrent parfois sous leur vrai jour. Au début, quand je faisais des interviews de sélection,… vous savez ce que c’est, on a ce réflexe naturel de prendre les “chouettes candidats”. Les tests sont bons pour dégonfler ça.” Il ressort de ce qui précède que de plus en plus souvent, l’utilisation de tests va plus loin que le contexte de la sélection proprement dite. Dans un premier temps, les résultats des tests sont un outil d’aide à la décision, mais de plus en plus, ils orientent aussi le parcours de développement ultérieur des collaborateurs. Etant donné que l’on travaille plus souvent qu’auparavant avec des profils ‘atypiques’, cette tendance est susceptible de gagner encore en importance. Tendance 6 : Optimaliser plutôt que maximaliser On pense classiquement qu’une décision de sélection doit être prise idéalement à partir d’un pool de candidats le plus large possible. Dans cette optique dite de maximalisation, il faut s’efforcer d’attirer le plus grand nombre de candidats présentant les plus hautes qualifications. Aujourd’hui, on est en train de revenir sur cette approche et l’on vise plutôt l’optimalisation de la quantité et de la qualité. Le pool de candidats idéal peut être plus restreint et peut même être moins qualifié. Ainsi, un des grands défis est le fait que le recrutement en ligne génère une grande quantité de candidats, ce qui augmente le coût du screening des CV. Il s’agit alors d’optimaliser la quantité en fonction de la possibilité qu’ont les 29 organisations de traiter cette quantité. A propos de la collaboration avec des partenaires externes, un manager RH cite aussi explicitement l’optimalisation du nombre de candidats comme un point important : “L’important quand on travaille avec des partenaires externes, c’est qu’ils fassent une bonne présélection des CV pour nous envoyer uniquement les bons candidats. Lorsqu’on voit que l’un retient 2 personnes sur 40, et que l’autre en retient 8 sur 10, on peut en tirer des conclusions. Les prestataires externes doivent aussi jouer leur rôle. Lorsque je travaille avec des partenaires externes, je veux vraiment qu’ils fassent le premier tri.” 18 L’optimalisation vaut aussi pour la sélection : il vaut mieux ne pas choisir un candidat dont les qualifications sont trop au dessus des exigences de la fonction. Il ne s’agit donc pas de prendre le meilleur candidat dans l’absolu, mais celui qui convient le mieux pour le poste, et pour cela, il faut travailler idéalement avec des cut-off scores (scores minimums) bien étudiés par technique de sélection. Généralement, en effet, lorsqu’un employeur devient plus sélectif (et fixe un score minimum plus élevé), la qualité et la valeur financière du nouveau collaborateur augmentent. Mais alors, les coûts augmentent également, ainsi que le risque d’avoir des candidats surqualifiés qui quitteront prématurément l’entreprise. Tendance 7 : D’une approche standardisée à une approche sur mesure Conformément à ce qui est décrit dans la littérature spécialisée, nous observons que le domaine R&S se professionnalise en adoptant de plus en plus une approche sur mesure. D’une part, nous observons une différenciation du processus R&S selon le type de fonction concerné ; d’autre part, les professionnels R&S ont de plus en plus tendance à contextualiser les techniques de recrutement et de sélection. Nous explicitons ci-après ces deux concepts. La contextualisation des techniques R&S signifie que l’on utilise des items et tests spécifiquement adaptés à la fonction plutôt que des instruments de sélection génériques. Cela permet d’accroître la pertinence et la validité faciale des instruments de sélection. Les candidats donnent en effet la préférence à des instruments qui ont l’air de mesurer ce 30 qu’ils doivent mesurer, comme les interviews et les mises en situation. Différenciation. Certaines entreprises choisissent plutôt de rationaliser le processus en adoptant une stratégie onesize-fits-all. Ceci s’inscrit dans une vision qui part d’une approche standardisée, uniforme pour tous les collaborateurs, ce que ce manager RH résume comme suit : “La sélection de nos travailleurs se fait de manière très rationalisée, nous travaillons avec un processus tout à fait identique indépendamment de la fonction ou du profil recherché : nous testons la personnalité et la capacité de raisonnement. On ne peut pas se permettre au sein d’une même organisation d’avoir un processus différent pour chaque type de profil. N’oubliez pas la manière dont vous êtes perçu sur le marché.” 31 D’autres entreprises, en revanche, décident d’adapter leur processus R&S en relation avec le type de fonction. Cela signifie que le processus peut être modulé en tenant compte de la valeur stratégique, du caractère unique, … d’une fonction pour l’entreprise. Le processus est différent pour des fonctions d’expert ou de management, pour des starters ou des techniciens… C’est ce que décrit le témoignage suivant : “Personnellement, je trouve que c’est bien que nous puissions adapter le processus en fonction du profil recherché. Nous allongeons ou raccourcissons le processus selon la fonction. Cela fait l’objet d’une réflexion approfondie au sein d’une commission spécifique composée de gens des RH et de l’opérationnel.” En fonction du poste à pourvoir, le processus R&S peut donc avoir des composantes différentes, avec d’autres acteurs, d’autres facteurs de succès et indicateurs clés de performance. En outre, la différenciation dépend de la gestion stratégique de la planification des effectifs et de la gestion des coûts du processus de recrutement. Cette tendance nous amène à la question suivante, qui est assez controversée : faut-il partir du principe ‘tous égaux devant la loi’ ou bien doit-on délibérément approcher les travailleurs de manière différenciée ? La littérature et la pratique montrent en tout cas qu’une approche personnalisée et adaptée en fonction du rôle du candidat ou du 32 collaborateur au sein de l’entreprise donne de bons résultats. 19 4. Synthèse Le processus R&S a une grande portée, non seulement de par les activités qu’il englobe, mais aussi de par son impact intrinsèque : trouver ou ne pas trouver un candidat a une grande importance pour une entreprise. D’autre part, nous remarquons qu’il y a de grandes différences dans l’organisation du processus R&S selon les entreprises : présence ou absence d’une planification stratégique des effectifs, utilisation ou non de tests, … Nous observons que cela dépend de plusieurs facteurs. Souvent, il existe un ‘code de conduite’ par secteur. Le processus présente généralement aussi un visage différent selon le type de fonction : les fonctions techniques sont souvent difficiles à pourvoir, de sorte que l’accent est mis surtout sur le recrutement, tandis que pour les profils d’expert et de management, l’attention se focalise davantage sur la sélection. Enfin, la taille de l’organisation joue également un rôle : les PME se fient plutôt à leur intuition et tablent sur un processus réduit à l’essentiel (lean and mean), comportant essentiellement des questions ad hoc. Lorsqu’on confronte la théorie et la pratique, on identifie encore plusieurs défis pour les professionnels R&S : 1. De manière générale, nous observons que l’on met de plus en plus la priorité sur le recrutement. Les bons candidats deviennent une denrée rare. Par conséquent, les entreprises sont plus attentives à l’aspect proactif et au fait de pouvoir toucher les candidats actifs et passifs. De ce fait, le besoin de nouveaux outils et de nouvelles compétences capables de répondre à cette demande augmente. On adopte de plus en plus une mentalité de gestion stratégique des talents et on est à la recherche de nouveaux canaux, mais ceci n’est pas toujours intégré dans une stratégie de recrutement. Ces constats sont conformes à ce qui est décrit dans la littérature. 2. La procédure de sélection n’occupe souvent que la deuxième place et, pour des contraintes de temps, est écourtée le plus possible. Dans les entreprises qui travaillent avec des fonctions critiques, c’est la réalité. Pourtant, sous l’influence d’une vision orientée talents, l’importance de la sélection augmente et on est plus attentif à l’évaluation du potentiel des candidats, même si certains continuent à approcher la sélection de manière très intuitive. La littérature nous apprend que la sélection est un des domaines RH où le fossé entre la théorie et la pratique est le plus grand. Notre étude confirme la persistance des ‘gaps’ classiques : Les entretiens de sélection sont souvent menés de manière intuitive et peu structurée, alors que la littérature indique clairement que des entretiens structurés permettent de mieux d’évaluer la performance future. Ce type d’approche s’observe surtout dans les petites entreprises. Les entretiens de sélection sont souvent la seule technique utilisée. Certains sont critiques à propos de l’usage des tests en général, d’autres rejettent plus particulièrement les tests de QI et ne jurent que par leur intuition ou par tel ou tel test de personnalité. Les auteurs spécialisés conseillent pourtant de recueillir des informations provenant de différentes sources pour prédire la performance du candidat. L’utilisation d’un mix de tests valides est l’option la plus efficace. En d’autres termes, le besoin d’une expertise spécialisée dans le domaine des techniques de sélection reste grand. Pour obtenir une sélection efficace, il est essentiel d’intégrer encore davantage les idées et conseils fournis par la littérature. En tout cas, une connaissance insuffisante des principes généraux de la sélection peut coûter cher aux entreprises. Cela a en effet des répercussions sur toutes les autres pratiques RH qui suivent l’engagement. L’impact d’une sélection efficace est clairement mis en évidence par le résultat d’une analyse de grande ampleur qui résume 25 années de recherche : “People don’t change that much… great managers know there is a limit to how much 33 remolding they can do to someone”. 3. En ce qui concerne les étapes qui précèdent et qui suivent le processus R&S proprement dit, nous constatons qu’elles font l’objet de beaucoup moins d’attention que ce que les théoriciens préconisent. Généralement, toute l’attention se concentre sur l’objectif de trouver du personnel et dans cette optique, on axe surtout les efforts sur le résultat (approche output-oriented). La planification préalable du processus et le suivi ultérieur du candidat et du 20 processus restent limités. Nous observons donc que le R&S n’assure pas un suivi suffisant des décisions prises, au niveau du candidat et au niveau du processus. Nous analyserons les implications de ces lacunes au chapitre 4. Tous ces constats mettent le doigt sur la nécessité d’une professionnalisation accrue et poussée du domaine R&S. Le monde du R&S est en pleine mutation, ce qui est pour certains un catalyseur de changement, tandis que d’autres vont au contraire davantage s’accrocher aux méthodes existantes et bien rodées. Les différents acteurs du processus R&S ont la possibilité de réaliser ces défis, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant. Pour terminer ce chapitre, nous donnons au lecteur quelques idées-clés qui résument avec force les tendances à l’œuvre au sein du processus R&S : Tendances Idées-clés Vers une nouvelle mentalité de gestion stratégique des talents Les entreprises élaborent un contexte adapté pour les candidats L’accent est mis sur l’employabilité à long terme Plus d’attention portée à la politique de recrutement à un niveau global Dans le contexte actuel de la guerre des talents, il essentiel d’attirer aussi les candidats passifs L’expérience candidat gagne en importance L’importance de l’Employer Branding est claire, mais ce concept n’est pas pleinement intégré dans la pratique Appel à de nouvelles compétences pour relever les défis L’utilisation des nouvelles technologies comme bonne pratique On peut exploiter encore bien davantage les médias sociaux Faire l’inventaire des évolutions à prévoir au sein du personnel Tenir compte des données du marché du travail externe Un partenaire qui fournit régulièrement des informations sur l’évolution du marché du travail Objectivité et possibilité de donner un feed-back Aspect relation à long terme en plus de l’évaluation à court terme L’expérience candidat qui met en lumière l’expertise des candidats Un pool de candidats optimal peut être plus restreint Optimalisation importante pour les partenaires externes Le candidat qui convient le mieux au lieu du meilleur candidat dans l’absolu Contextualiser les techniques de sélection selon le type de fonction Une stratégie one-size-fits-all permet une standardisation La différenciation permet une approche personnalisée Du Post & Pray à l’Employer Branding Exploiter les nouvelles tendances de manière créative Nécessité d’un Labour Market Maker L’utilisation de tests comme investissement à long terme Optimalisation au lieu de maximalisation Vers une approche sur mesure 21 II. QUI IMPLIQUEZ-VOUS DANS LE PROCESSUS ? 1. Ce que nous apprend la littérature… Les processus englobent diverses activités qui sont exécutées par différents acteurs en interactivité constante. En outre, ces acteurs, dans le cadre des actions qu’ils effectuent, ajoutent de la valeur au processus par le biais des services qu’ils prestent. Mais, pour cela, il est essentiel que les responsabilités, les compétences et les tâches de chacun soient clairement réparties. Constituer des effectifs qui produisent des résultats positifs est en effet une responsabilité partagée entre le CEO, la direction générale, les managers opérationnels, les collaborateurs et la fonction RH au sein de l’entreprise. Une fois que la stratégie R&S est bien définie sur la base de la stratégie générale de l’entreprise, on voit clairement quels sont les rôles à attribuer et quelles compétences sont nécessaires pour effectuer ces tâches. Nous allons examiner dans un premier temps ci-après la structure du département R&S et les compétences des experts R&S, et nous verrons comment d’autres intervenants sont impliqués dans le processus. 1.1. Structure du département R&S Pour être et rester compétitives, les organisations doivent travailler de la manière la plus efficiente possible et utiliser tous les moyens disponibles de manière optimale. Dans un environnement qui change de plus en plus vite, les entreprises sont en effet soumises à une pression intense qui les oblige à s’améliorer constamment et à se concentrer sur leurs compétences de base. Le département R&S doit également pouvoir réagir rapidement aux besoins en constante mutation de l’environnement interne et externe. En outre, les acheteurs qui s’adressent à la fonction R&S se voient de plus en plus comme des clients plutôt que comme des acheteurs. Cela veut dire qu’ils attendent à chaque fois un service efficace, rapide et orienté client. En d’autres termes, la structure et le fonctionnement du département du personnel doivent permettre à l’organisation d’atteindre ses objectifs, ce qui dans de nombreux cas signifie le meilleur service possible à un coût minimum. Pour répondre à ces besoins, les organisations, dans le cadre de la structuration de leur fonction RH, ont actuellement 34 tendance de manière générale à aller vers la centralisation. Cette évolution a un impact important sur le fonctionnement du département R&S. Deux phénomènes notamment vont de pair avec cette tendance. 1. Premièrement, nous observons que cette tendance à la centralisation dans l’organisation se traduit généralement par la mise en place de Centres de Services Partagés (CSP - Shared Service Centers) et de Centres d’excellence (Centers of Excellence). Un Centre de Services Partagés comprend des tâches regroupées et standardisées qui sont utilisées par plusieurs départements. Les tâches R&S qui sont typiquement gérées dans le cadre d’un CSP sont notamment la gestion de bases de données, la planification des entretiens, le premier screening, la planification 35 du testing et l’établissement du contrat. Un Centre d’excellence, quant à lui, présente plusieurs avantages : il offre une spécialisation qui est accessible à l’ensemble de l’organisation, et il permet un partage des connaissances et des expériences ; en outre, les experts peuvent travailler sur la base de projets en fonction des 36 besoins de l’organisation. Les activités R&S que l’on trouve au sein d’un Centre d’excellence comprennent les activités des recruteurs qui soutiennent et planifient les processus R&S et qui apportent leur expertise pour des sélections où les collaborateurs RH généralistes locaux et les managers opérationnels ne disposent pas euxmêmes des ressources nécessaires. Souvent ce sont eux aussi qui gèrent la marque employeur. 2. Deuxièmement, nous constatons que les entreprises, pour avoir le meilleur service au meilleur coût, ont tendance à opter pour l’externalisation (outsourcing). Pour cela, les collaborateurs R&S internes doivent trancher toute une série de questions et faire notamment une évaluation objective de la valeur ajoutée qu’ils apportent et souhaitent 37 apporter par rapport aux fournisseurs externes et du rôle qu’ils veulent jouer au sein de l’organisation. En outre, il existe différentes formes d’externalisation : une organisation peut décider d’externaliser une tâche en particulier 22 ou bien la totalité du processus R&S. La littérature parle dans ce dernier cas de Recruitment Process Outsourcing (RPO). 1.2. Les compétences des experts R&S Après avoir examiné la structure du département R&S, nous nous penchons maintenant sur les rôles des différents collaborateurs. Le terme d’‘expert R&S’ que nous utilisons dans le présent rapport recouvre en fait des activités très diverses, et donc souvent des fonctions et des profils différents. Ainsi, on a des recruteurs qui recherchent activement des candidats, des recruteurs qui optimalisent la marque employeur et des experts en sélection qui sont spécialisés dans l’évaluation du potentiel. Nous passons ci-après en revue d’une part les compétences génériques qui valent pour tous les experts R&S, et d’autre part les rôles plus spécifiques selon la fonction précise. 38 En ce qui concerne les compétences génériques des experts R&S, la littérature distingue différentes dimensions. Les professionnels R&S doivent avoir une bonne connaissance de l’organisation et de son ou ses métier(s). Ils peuvent apporter de la valeur ajoutée à l’organisation lorsqu’ils comprennent comment celle-ci fonctionne et en outre, cela leur permet d’adapter leurs activités en fonction de l’évolution des circonstances. D’autre part, il est essentiel qu’ils soient des experts dans leur domaine et qu’ils soient en mesure de fournir des services performants et innovants. Ainsi, leur crédibilité s’accroît et ils jouissent du respect des autres membres de l’organisation. La difficulté est toutefois que les dimensions de cette expertise évoluent rapidement. Cela signifie que les professionnels R&S doivent être suffisamment investis pour se former de manière continue. Enfin, citons aussi la fiabilité (en général et en relation avec le respect des aspects légaux), ainsi que la réactivité et l’empathie par rapport aux besoins du management opérationnel et des candidats. De nombreuses études montrent que ces caractéristiques ont une influence positive sur l’attractivité de l’organisation auprès des candidats et sur le taux d’acceptation des offres d’emploi. Comme les candidats ne disposent que d’informations limitées, ils reçoivent, à travers le contact avec les experts R&S, des signaux qu’ils extrapolent à l’ensemble de l’organisation. Par exemple, les candidats peuvent penser que si l’intervieweur est sympathique, c’est un signe positif qui permet de supposer que les 39 collègues le seront aussi. A côté de cela, nous observons, comme déjà signalé plus haut, que le recrutement et la sélection de candidats demandent des compétences plus spécifiques qui sont de moins en moins regroupées dans une seule fonction. En outre, suite à l’augmentation de l’importance du recrutement, le périmètre de l’activité de recrutement s’élargit et on y 40 voit apparaître différents sous-rôles. Tout comme pour les fonctions de vente, il y a une subdivision entre les hunters, les ‘chasseurs’ qui sont actifs dans le direct sourcing et les farmers qui préfèrent cultiver les relations existantes dans un environnement corporate. Ces ‘fermiers’ sont des recruteurs qui ne se sentent pas à l’aise dans le démarchage de candidats passifs et qui préfèrent gérer les relations avec le management opérationnel et les candidats par le biais de 41 canaux plus traditionnels. 1.3. Responsabilité partagée Tout comme les autres activités RH, le recrutement et la sélection de personnel ne sont pas l’affaire d’un seul acteur. D’autres parties sont impliquées dans l’implémentation de ces différentes contributions. Tout d’abord, les professionnels R&S ont la responsabilité de s’assurer que chacun joue son rôle. Ensuite, ils doivent veiller à ce que les tâches soient exécutées de manière optimale : en fonction du processus qui a été conçu pour atteindre l’objectif, le travail peut être réalisé en collaboration avec les managers opérationnels, des consultants externes, des collaborateurs de l’organisation, … Les professionnels R&S doivent garantir le résultat et aider à définir les responsabilités des uns et des autres pour arriver à ce résultat. En nous basant sur les témoignages que nous avons recueillis, nous allons maintenant voir comment cela peut s’appliquer aux activités R&S. 23 2. Ce que nous apprend la pratique… Le recrutement & sélection devient de plus en plus un travail d’équipe où les professionnels R&S jouent des rôles multiples. Ils doivent assumer à la fois des rôles opérationnels et des rôles stratégiques, ils ont la responsabilité de réaliser des objectifs tant qualitatifs que quantitatifs, à court et à long terme,… Pour que les professionnels R&S puissent apporter de la valeur ajoutée dans un contexte organisationnel sans cesse plus complexe, ils doivent donc assumer des rôles complexes et parfois aussi paradoxaux. C’est pourquoi il est nécessaire de bien répartir les différentes tâches, responsabilités et compétences entre les différents acteurs. 2.1. Le rôle de la fonction R&S Différents acteurs sont impliqués dans le processus de recrutement & sélection. Leurs rôles varient souvent en fonction de la taille de l’entreprise, du secteur ou du degré d’internationalisation de l’entreprise. Dans les grandes entreprises, le manager RH définit, en concertation avec le comité de direction, la stratégie RH et la stratégie R&S qui en découle, ce qui conduit à la planification stratégique des effectifs. Le hiring manager traduit cela dans un processus R&S concret par type de fonction et contrôle le bon déroulement des opérations. Lorsque le nombre d’embauches réalisées sur un an est élevé, on peut avoir un responsable R&S spécifique, assisté ou non par des prestataires externes. Le recruteur traduit les attentes du manager vis-à-vis du nouveau collaborateur en une approche efficace pour rechercher et sélectionner des candidats adéquats. Dans une grande entreprise, le rôle du spécialiste R&S peut même encore se subdiviser, avec ceux qui font du direct sourcing d’une part, et d’autre part ceux qui recrutent par le biais de canaux : “On a besoin de gens qui connaissent très bien l’organisation, ils doivent savoir quels sont les profils que l’on recherche, et d’autre part, vous avez les gens qui se concentrent uniquement sur l’externe. Cela, vous ne pouvez pas l’avoir dans une seule et même fonction, c’est trop de travail.” Il y a par exemple les campus recruiters, qui vont repérer des candidats lors de journées de sélection, organisent éventuellement des interviews sur place et assurent le suivi jusqu’à la signature du contrat. Enfin, il y a aussi des specialist recruiters qui observent ce qui se passe sur le marché et qui examinent quelle politique ils vont devoir adopter dans l’avenir, quels partenaires ils vont contacter et ce qu’il en est de la qualité des embauches réalisées. Beaucoup de grandes entreprises indiquent qu’elles passent au crible l’organisation du R&S en leur sein et qu’elles sont en train de rationaliser davantage, de transformer les systèmes. Un monitoring strict permettant d’assurer un suivi de semaine en semaine devient possible. Dans les petites entreprises, il n’est pas toujours possible d’avoir une personne spécialement affectée au recrutement, comme l’illustre la citation suivante : “Dans les petites entreprises, par exemple des entreprises qui viennent de démarrer, vous n’avez pas encore d’experts R&S. Il faut donc un certain volume pour pouvoir travailler avec des spécialistes.” Dans une petite entreprise, c’est souvent le chef d’entreprise ou le responsable RH qui prend en charge l’activité de recrutement et sélection. Il est possible que l’on fasse appel à des partenaires externes pour la phase de recrutement ou pour la phase de sélection. La décision finale est prise la plupart du temps par la direction de l’entreprise. 2.2. Le rôle du management opérationnel Le line management ou management opérationnel joue un rôle clé dans le processus de recrutement : le line manager participe à la définition du profil recherché, indique souvent les critères pour la sélection, joue un rôle actif dans la sélection des candidats les plus prometteurs, mène les entretiens avec ces candidats et choisit au final le ou la meilleur(e). Une bonne coordination entre l’opérationnel et le spécialiste en recrutement & sélection est essentielle pour assurer le succès du processus R&S. Dans les groupes de discussion, nous avons interrogé les managers RH et les 24 responsables R&S à propos de la répartition des tâches entre le management opérationnel et les RH dans ce processus. Il y a différents scénarios : 1. Le R&S se charge des premières étapes, et ensuite le management opérationnel entre en jeu. Cette option est intéressante pour le gain de temps qu’elle offre. Dans la suite du processus, le R&S veille surtout à l’adéquation du profil des candidats avec l’entreprise. 2. Le R&S et le management opérationnel se chargent conjointement du processus de recrutement & sélection. Dans le contexte actuel de ‘guerre des talents’, il est essentiel d’agir rapidement pour ne pas laisser échapper des candidats ; c’est pourquoi le management opérationnel peut être impliqué dès le premier contact. Le service RH participe et veille à ce que le processus se passe bien ; il peut aussi proposer des formations en sélection au management opérationnel. Il apparaît cependant que la présence des line managers ne favorise pas toujours la rapidité. Quoi qu’il en soit, le candidat travaillera ultérieurement avec les collègues de l’équipe, et cela peut être vu comme un argument essentiel pour impliquer le line management dès le début du processus de recrutement. 3. Le R&S réalise seul le processus de recrutement et sélection. Il peut arriver que le management opérationnel ne participe pas à la sélection et au choix, mais qu’il soit impliqué dans la dernière phase pour donner son feu vert. Cette option ne se rencontre que rarement. Le département R&S joue un rôle central dans le processus, mais ce n’est pas le seul acteur. Il arrive pourtant, surtout pour des profils juniors, que des candidats soient engagés sans avoir eu de contacts avec le line management. Cela dépend du type de fonction. Cela s’avère aussi être la solution la plus efficiente pour une entreprise qui a en permanence des postes à pourvoir et où les travailleurs ont peu de contacts avec leur supérieur hiérarchique dans le cadre de leurs tâches quotidiennes. De manière générale, nous observons que le management opérationnel investit moins de temps que le R&S dans le processus. Dans la plupart des cas, cependant, c’est le line manager qui a la décision finale. Au bout du compte, le nouveau collaborateur travaillera dans son équipe et c’est donc à lui qu’il appartient de décider avec qui il veut travailler ou pas. Il est à noter que l’investissement en temps du line management est plus grand à mesure que l’importance du R&S augmente, et nos interlocuteurs mentionnent une tendance à impliquer davantage le management opérationnel dans le processus de sélection (voir tendance 4 : Vers plus de Management Self-service). En principe, les tâches R&S peuvent dans tous les cas être exécutées en interne ou confiées à des prestataires externes. 2.3. Travailler avec des partenaires externes Dans la littérature sur l’externalisation (ou outsourcing), on met surtout l’accent sur les RH comme un système collectif 42 d’activités, et seuls quelques auteurs approfondissent spécifiquement l’externalisation du recrutement & sélection. Dans la pratique, en revanche, nous observons que de nombreuses organisations expérimentent l’externalisation de diverses composantes et diverses combinaisons du processus R&S. Ceci est apparu clairement lors de notre enquête. Nous allons examiner maintenant si et comment les professionnels de terrain collaborent avec des partenaires externes, en passant successivement en revue les questions suivantes : pourquoi externaliser, quelles tâches externaliser, comment externaliser et à qui ? Nous nous pencherons également ensuite sur la gestion de la relation 43 d’externalisation et sur l’évaluation de cette relation. Pourquoi externaliser ? Il existe dans la littérature deux points de vue à ce sujet. Dans la première approche, on indique que la décision d’externaliser ou non est principalement guidée par des considérations de coût (approche par la théorie des coûts de transaction). Dans la seconde, les entreprises sont à la recherche de capacités uniques que le partenaire externe peut 44 offrir et qui apportent de la valeur ajoutée (approche par la théorie des ressources). Or, que constatons-nous dans la pratique ? Les organisations citent plusieurs raisons pour externaliser qui s’inscrivent dans les deux approches. D’un côté, la collaboration avec des prestataires externes peut apporter toute une série d’avantages, et d’un autre côté, nous entendons aussi des commentaires critiques. Nous allons voir ci-après dans un premier temps pourquoi certaines entreprises décident de travailler avec des partenaires externes, et ensuite, nous passerons en revue les raisons pour lesquelles d’autres préfèrent gérer le processus R&S surtout en interne. 25 Externaliser 1. Accès à des connaissances spécialisées. Les entreprises font appel à des partenaires externes particulièrement en raison de l’expertise que ceux-ci peuvent offrir en relation avec les domaines suivants : connaissance du marché de l’emploi, connaissance des activités de recrutement et connaissance des pratiques de sélection. Par exemple, étant donné que les recruteurs professionnels ont accès à un réseau de talents plus vaste et disposent d’une grande expérience en matière de recrutement, ils peuvent identifier un petit groupe de candidats qualifiés de manière plus efficace. 2. Focus sur les activités essentielles. Etant donné que les activités de support sont confiées à des partenaires externes, cela laisse plus de marge aux collaborateurs R&S internes pour se concentrer sur d’autres tâches. Toutes les activités sont passées au crible, et seules celles qui sont essentielles pour l’entreprise sont maintenues en interne. Il est également possible de réintégrer, de ‘réinternaliser’ des activités que l’on avait auparavant externalisées. 3. Visibilité. Les entreprises collaborent parfois avec des partenaires externes parce que leur nom n’est pas encore suffisamment connu sur le marché de l’emploi. Un partenaire externe peut aider à acquérir de la notoriété sur un marché spécifique ou dans une région déterminée. 4. Efficience. Comme les providers R&S (i.e. les bureaux de recrutement et sélection externes) ont un grand nombre de clients, ils peuvent engager des spécialistes qualifiés pour effectuer ces activités avec une efficience plus grande que leurs clients qui organisent cela en interne. Les entreprises qui externalisent des composantes du processus R&S peuvent donc profiter des économies d’échelle qu’offre le partenaire externe. D’autre part, il peut être plus rentable de s’adresser à un prestataire externe pour lancer une pratique nouvelle, comme par exemple le recrutement via les médias sociaux. 5. Fonctions critiques. L’externalisation du recrutement est plus fréquente dans un contexte de pénurie sur le marché de l’emploi. Lorsqu’il s’agit d’un poste difficile à pourvoir, les partenaires spécialisés s’appuient sur leur réseau et ils peuvent trouver plus facilement des candidats pour des fonctions très pointues. “Pour certaines fonctions spécifiques, nous travaillons avec des chasseurs de têtes, souvent pour des postes où il faut une très bonne connaissance technique des produits. Au début, nous faisions cela entièrement par nousmêmes, mais nous nous sommes rendu compte que nous n’arrivions pas bien à toucher ces personnes. Nous ne recevions pas de bons CV. Nous avons donc décidé de travailler avec un partenaire. Ce sont des spécialistes qui vont vraiment à la chasse aux candidats, ils contactent des personnes qui en fait ne sont pas activement à la recherche d’un emploi.” 6. Discrétion. Lorsqu’il s’agit d’approcher des candidats passifs (cold calls), on hésite, dans certains secteurs, à contacter soi-même des experts reconnus au niveau sectoriel pour leur faire une proposition d’emploi, et l’on préfère faire appel pour cela à des partenaires externes. En outre, le fait de travailler avec des partenaires externes dans le cadre d’activités de sélection témoigne d’un souci d’objectivité dans le processus. 7. Flexibilité opérationnelle et financière. Un motif souvent cité pour collaborer avec des partenaires externes est le cas où il y a une augmentation temporaire du volume des recrutements à effectuer au sein de l’entreprise et où celle-ci ne souhaite pas renforcer le personnel R&S à long terme. Affecter une personne à temps plein au recrutement & sélection peut représenter un coût trop important, surtout si le nombre d’embauches par an est limité. Pour cette raison, on observe souvent que dans les PME, le chef d’entreprise lui-même se charge de réaliser le recrutement, en collaboration avec un partenaire externe. Il s’agit surtout ici d’une question de gestion de la capacité : ou bien on opte pour l’engagement de collaborateurs supplémentaires, avec le risque d’être en 26 surcapacité lors du retour à une période plus calme, ou bien on fait appel à des collaborateurs externes pour compléter l’équipe lors de pics d’activité. 8. Rapidité. Lorsqu’on doit trouver et engager rapidement des talents parce que les affaires l’exigent, on fait souvent appel à des partenaires externes. Le manager RH d’une entreprise technologique en forte croissance témoigne : “Nous avons géré cela exclusivement avec des partenaires, en Belgique et dans d’autres pays. Tout devait aller très vite, nous avions besoin de gens immédiatement.” Internaliser 1. Expertise. Certaines entreprises choisissent justement d’internaliser pour faire en sorte de posséder l’expertise en interne. Vu l’importance d’une bonne connaissance du ou des métier(s) de l’entreprise, les collaborateurs R&S internes trouvent qu’il est difficile de travailler avec des partenaires externes. D’autre part, on observe parmi les entreprises une tendance à vouloir développer l’expertise en interne, tendance qui amène à externaliser uniquement certaines activités du processus R&S et non la totalité de celui-ci. 2. Efficience. Certaines entreprises estiment qu’il est plus efficient pour elles de maintenir le processus en interne. Dans de nombreux cas, ceci est lié au fait qu’elles ont mis en place un applicant tracking system qui rationalise l’ensemble du processus. Témoignage d’un manager RH : “Le processus R&S est tellement automatisé chez nous que le gain d’efficience procuré par l’externalisation est limité, excepté lorsque nous avons un volume important de missions.” 3. Fonctions critiques. Il peut être plus difficile pour les bureaux externes de trouver des gens dotés de compétences très pointues, car il faut pour cela une très bonne connaissance de la fonction spécifique et de tout ce qu’elle recouvre. Cela dépend du type de secteur dans lequel on travaille : “C’est un très petit secteur, donc je pense qu’il est parfois plus facile pour nous de contacter quelqu’un nousmêmes que de faire appel à un chasseur de têtes.” 4. Coût. Le coût élevé peut dissuader les entreprises de recourir à des partenaires externes. Cet effet dissuasif est favorisé par les contraintes de réduction des coûts et aussi par le fait que le service des achats est de plus en plus souvent associé aux négociations. Cela incite certaines entreprises à réévaluer la relation avec le prestataire externe et à réinternaliser le cas échéant : “Lorsque nous avons décidé de faire plus de choses en interne, nous n’avons pas rencontré d’opposition de la part de notre management, bien au contraire. Notre CEO avait un seul objectif, qui était de réduire les coûts du R&S, donc quand j’ai pu démontrer que cela coûterait beaucoup moins cher d’engager quelqu’un à temps plein, nous avons eu le feu vert.” 5. Visibilité. Un des freins à l’externalisation, c’est que souvent, l’image de l’entreprise est moins mise en avant quand on fait appel à un partenaire externe. Pour cette raison, certaines organisations préfèrent approcher le marché de l’emploi sous leur propre nom. 6. Perte de contrôle. Certains n’ont pas envie de se décharger du processus R&S parce qu’ils redoutent alors une perte de contrôle. Un des arguments cités contre l’externalisation est la difficulté à identifier les problèmes éventuels au cours du processus et à contrôler les prestations fournies. 7. Positionnement stratégique. Quelques managers RH disent qu’il faut faire beaucoup de lobbying pour arriver à se positionner de manière à ce que la fonction RH soit écoutée au sein de l’organisation. Dès lors, c’est un avantage de 27 travailler avec des collaborateurs internes. Lorsque le R&S lui-même a une valeur stratégique très importante pour l’entreprise, on préfère garder les tâches clés du processus R&S en interne. 8. Authenticité. Les managers RH ont le sentiment que les collaborateurs R&S internes sont perçus comme plus authentiques et qu’ils ont un plus grand pouvoir de persuasion. A travers le processus R&S, en effet, on peut faire passer les valeurs de l’entreprise auprès des candidats. Nous constatons, à la lecture de ce qui précède, que l’externalisation du R&S présente différents avantages et inconvénients et que les professionnels de terrain ont parfois à ce sujet une opinion très tranchée. Nous formulons à ce sujet deux considérations. Les facteurs déterminants dans la décision d’externaliser ou non dépendent de la stratégie de l’entreprise. Ainsi, le coût et la flexibilité financière auront plus de poids dans les organisations où la pression sur les coûts est forte que dans celles qui opèrent dans un environnement stable. Mais, cette pression sur les coûts en soi n’est pas déterminante dans le choix de ‘faire soi-même’ ou d’externaliser, et ce constat est conforme à ce qui a été observé 45 dans des études précédentes. Nous remarquons que les mêmes facteurs reviennent dans les deux perspectives, mais qu’ils sont interprétés d’une manière différente. Ainsi, l’efficience et l’expertise sont des motifs importants pour internaliser, mais dans d’autres cas, ce sont justement des arguments en faveur de l’externalisation. Par exemple, une grande entreprise peut estimer qu’il est plus efficient de rationaliser les activités R&S en mettant en place un centre de services partagés en interne, ou peut dans un même souci d’efficience opter pour l’externalisation. Alors, quels sont les facteurs qui jouent dans la décision du make-or-buy ? Selon notre sentiment, ce sont essentiellement la culture d’entreprise, l’expérience que l’on a en matière d’externalisation et souvent aussi le type de fonction. Dans la pratique, il s’avère que la décision d’externaliser ou non ne s’inscrit pas encore tellement dans une stratégie mûrement réfléchie. D’autre part, il ne suffit pas d’examiner si l’organisation travaille ou non avec des partenaires externes pour avoir une image complète du phénomène de l’externalisation. Souvent, les organisations n’externalisent pas l’ensemble du processus, mais choisissent de collaborer avec un ou plusieurs partenaires externes pour une ou plusieurs tâches bien précises. Cela signifie que l’on ne peut se faire une idée exacte de l’externalisation que si l’on étudie dans le détail 46 quelles sont les activités qui sont externalisées. En outre, on peut organiser certaines activités, selon le type de fonction, à la fois en interne et en externe. On constate donc que la décision du make-or-buy dans le recrutement et la sélection de personnel ne s’inscrit pas véritablement dans le modèle du ‘tout ou rien’ et qu’il y a encore toute une série de formules intermédiaires entre le ‘faire soi-même’ et le ‘faire faire’. Externaliser quoi ? Toutes les activités R&S ne sont pas externalisées. Certaines d’entre elles, comme par exemple la décision de sélection finale, sont plus stratégiques que d’autres pour l’entreprise et sont par conséquent maintenues plus souvent en 47 interne. En revanche, les activités moins stratégiques de type transactionnel ne sont généralement pas uniques pour 48 l’entreprise ; elles peuvent facilement être standardisées et peuvent être exécutées par plusieurs organisations. Ainsi, les annonces de recrutement et les CV sont souvent gérés en collaboration avec un partenaire externe. Ces activités sont plutôt de type administratif, et il est moins vraisemblable qu’elles contribuent à la valeur stratégique de l’organisation. Nous allons maintenant voir quelles sont les activités pour lesquelles les entreprises font appel à un partenaire externe : 1. Définition des objectifs du recrutement. Nous observons que les entreprises gèrent dans tous les cas par ellesmêmes la planification des effectifs. En ce qui concerne la conception du processus R&S et l’analyse de la fonction, on réalise une ébauche en interne, et ensuite, on peut faire appel à des experts R&S externes pour affiner l’approche. En raison de la pénurie croissante de main-d’œuvre, c’est en outre un domaine où l’on attend une contribution plus importante des partenaires externes dans l’avenir (cf. supra tendance 4 : nécessité d’un Labour Market Maker). 28 “Une valeur ajoutée que peut apporter un bureau, c’est que non seulement ils savent où et comment toucher le groupe cible, mais aussi qu’ils connaissent le marché en profondeur : par exemple, combien gagne un spécialiste IT aujourd’hui ? Ils connaissent aussi le contenu des programmes. Imaginons : quelqu’un vient postuler chez nous et dit qu’il ne connaît pas notre programme IT mais un autre. Nous, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer par nous-mêmes si cela pourrait être suffisant ou pas. Ces bureaux, eux, le savent : si le candidat connaît tel programme, il pourra sans problème apprendre tel autre…” 2. Recrutement. Les entreprises moyennes à grandes sont à la recherche d’un partenaire qui puisse les aider à développer une stratégie médias visant à attirer des candidats pour les fonctions difficiles à pourvoir. L’objectif est surtout de toucher des candidats dans des cas où l’on a intérêt à profiter de la visibilité que peut offrir un partenaire externe et de sa connaissance des activités de recrutement. "J’aimerais bien confier l’activité de search à nos recruteurs, les voir prendre en charge activement le direct sourcing, mais j’ai du mal à les emmener sur ce terrain… Si vous faites appel à des spécialistes freelance, vous voyez la différence, car ils ont beaucoup d’expérience dans ce domaine.” 3. Sélection. Dans certains cas, les organisations font appel à des partenaires externes en raison de leur expertise en matière de techniques de sélection. Généralement, cela dépend de la fonction, on externalise surtout pour des fonctions d’expert ou de management. Il ne s’agit généralement pas de fonctions en pénurie, mais de fonctions où on a le choix entre différents profils. En outre, nous observons une augmentation de la demande dans le domaine des development centers. “Pour la sélection, nous faisons tout nous-mêmes, y compris le screening des CV car les informations qu’ils donnent sur les candidats sont tellement précieuses. Bien sûr, pour les postes de haut niveau, les choses sont un peu différentes : le screening des CV se fait en interne, mais l’assessment est confié à un bureau externe. Cela demande une expertise très spécifique que nous n’avons pas en interne.” 4. Accueil et socialisation. Souvent, on n’est pas encore conscient de l’impact que peut avoir la phase d’accueil et de socialisation (on-boarding) dans la réussite d’un recrutement, et cette phase est systématiquement organisée en interne. Nous observons que certains partenaires, de leur côté, proposent déjà des entretiens de suivi avec le candidat. D’autre part, on peut recourir à un partenaire externe non seulement pour des services, mais aussi pour la mise à disposition de personnel. Dans ce cadre, on fait appel à des travailleurs intérimaires, surtout pour des fonctions d’exécution. La période d’intérim est de plus en plus considérée comme une période intermédiaire qui précède l’offre d’un contrat fixe au candidat. Externaliser comment ? Au-delà de la question de savoir quelles activités sont externalisées, on accorde aussi de plus en plus d’attention à la question du comment. Les organisations peuvent en effet choisir entre différents types de relation d’externalisation. On utilise généralement un arrangement contractuel lorsqu’il s’agit de tâches bien déterminées ou d’activités non récurrentes. Un partenariat implique que le partenaire externe devient responsable d’un domaine déterminé ; souvent, il s’agit de services sur mesure. Nous allons maintenant examiner ces deux formes de relation plus en détail. 1. Les grandes entreprises, souvent dans les secteurs industriels, travaillent généralement avec différents partenaires pour les services R&S. Il s’agit souvent de missions ponctuelles, où le partenaire prend en charge une tâche spécifique dans le cadre d’un contrat. Dans de nombreux cas, ce contrat est négocié avec le service des achats. Ce système pose toutefois le problème de la coordination entre les divers partenaires, et souvent, les collaborateurs R&S locaux n’ont pas suffisamment leur mot à dire. Quelques répondants indiquent en outre que des négociations 29 financières serrées peuvent avoir un impact négatif sur la qualité des collaborateurs externes qui sont impliqués dans la mission et sur leur nombre. Autre constat : dans le cadre d’un arrangement contractuel, on travaille plus souvent selon le principe du no cure no pay pour les missions de recrutement. Cela signifie que le prestataire de services n’est rémunéré que s’il a mené la mission à bien. Dans ce système du no cure no pay, il y a donc une obligation de résultat, et l’on attend une grande flexibilité de la part des partenaires externes. On regarde moins comment ils sont arrivés à un résultat déterminé. Dans ce contexte, les entreprises travaillent souvent aussi sans accorder d’exclusivité. Cependant, certains mettent en doute l’efficacité de cette manière de travailler : “Pourquoi j’accorde l’exclusivité à un partenaire ? Parce que je trouve que celui qui trouve finalement ‘the one’, qui obtient des résultats, il faut pouvoir le récompenser. Je trouve cela correct rien que du point de vue déontologique. Faire travailler comme ça tous ces bureaux sans qu’ils en retirent quelque chose, je ne trouve pas ça équitable pour eux. Je veux avoir une entière confiance en mon partenaire.” 2. D’un autre côté, les entreprises moyennes à grandes sont de plus en souvent à la recherche d’un partenaire généraliste qui soit capable de répondre à différentes demandes (pratique du one-stop shopping). Ce partenaire se familiarise au maximum avec la culture de l’entreprise et peut devenir un fournisseur privilégié de celle-ci. On travaille aussi de plus en plus avec des prestataires in-house qui collaborent avec l’équipe interne et qui assistent parfois aux réunions d’équipe. Les candidats ne savent généralement pas que l’expert R&S n’est pas un collaborateur de l’entreprise. Ce manager RH explique comment cela fonctionne dans son entreprise : “Chez nous, l’externalisation porte sur l’ensemble du processus. Nous collaborons avec un seul partenaire, et en principe, ce partenaire est impliqué à toutes les étapes, et ce dès le début lors de la phase de planification. Ce partenaire est physiquement présent chez nous en in-house, et nous pouvons l’affecter à une multitude de tâches.” Pour une externalisation fréquente et approfondie du R&S, la recherche montre qu’il est essentiel que le provider R&S 49 et l’organisation partagent des valeurs communes. Nous allons maintenant passer en revue les facteurs qui sont importants pour les organisations dans le choix d’un partenaire. A qui externaliser ? Il existe plusieurs fournisseurs qui sont en mesure de répondre aux diverses demandes des entreprises. Mais, pour assurer le succès d’une relation d’externalisation, il est essentiel de choisir un partenaire adapté. Nous allons passer en revue ci-après les facteurs qui déterminent ce choix : 1. Adéquation culturelle. L’existence de valeurs communes est cruciale pour qu’il y ait cultural fit, adéquation culturelle. Une adéquation culturelle fait naître un lien de confiance entre l’entreprise et le partenaire externe. A côté des relations entre organisations, les relations interpersonnelles sont également très importantes, voire parfois plus importantes. Le contact avec le consultant est déterminant, souvent même indépendamment de l’organisation pour laquelle celui-ci travaille. Idéalement, il faut donc une adéquation entre les organisations concernées et une adéquation entre les personnes de contact prises individuellement. Témoignage d’un manager RH : “En 2005 et en 2010, nous avons lancé un appel d’offres pour trouver un fournisseur privilégié, et nous avons vu une multitude de consultants. Une des conditions à remplir, c’est que le consultant doit être en phase avec la culture de notre organisation, par exemple qu’il attache comme nous de l’importance à l’esprit d’équipe.” 2. Une vision plus claire. D’autre part, les entreprises signalent que le choix d’un partenaire dépend aussi de l’unique selling proposition (USP) de ce partenaire. Qu’est-ce qui fait que celui-ci se démarque de tous les autres fournisseurs présents sur le marché ? On donne la préférence aux partenaires qui ont une USP claire et qui approchent les clients de manière structurée, sans se contenter de quelques coups de téléphone donnés au hasard. 30 3. Couverture géographique. Les PME préfèrent des partenaires qui sont implantés localement. A l’inverse, les multinationales optent la plupart du temps pour un partenaire qui est à même de leur offrir des services dans tous les pays où elles sont présentes. 4. Coût. Le coût du bureau externe est un élément important dans la décision de l’entreprise de travailler ou non avec ce bureau. En outre, les entreprises demandent une plus grande transparence dans le calcul du coût, comme illustré par le témoignage de ce manager RH : “J’attends des partenaires externes qu’ils me montrent exactement comment ils calculent leur prix. Maintenant, il arrive souvent que le coût ne soit pas suffisamment clair pour moi, que nous exécutions les tâches nous-mêmes ou que nous les confions à un bureau externe.” 5. Réputation. Lorsqu’il s’agit de choisir un partenaire externe, les collaborateurs R&S qui peuvent eux-mêmes faire ce choix indiquent qu’ils demandent spécifiquement des références à propos des bureaux et à propos des consultants individuels. Souvent, la réputation d’un partenaire est un facteur déterminant dans la décision de collaborer ou non avec celui-ci : “Pour déterminer mon choix, j’interroge mon réseau de relations. Avant de me décider, je procède souvent par recommandation, au lieu de me fier à Internet par exemple.” Gestion de la relation d’externalisation Une fois que l’on a clairement déterminé les tâches que l’on compte confier à un partenaire externe, il est important de désigner en interne une personne de contact qui sera chargée de gérer la relation avec ce provider. Cet aspect est essentiel pour le succès de la relation et pour maximaliser le return on investment (ROI), mais il est souvent négligé. Si la relation n’est pas suffisamment encadrée, il peut arriver que le partenaire externe ne dispose pas d’informations suffisantes pour assurer la réussite de la relation. Il s’agit d’un processus qui va dans les deux sens : d’un côté, il est important que les collaborateurs R&S externes s’investissent suffisamment pour apprendre à connaître l’entreprise et leurs interlocuteurs au sein de celle-ci. Pour les providers R&S externes, il est parfois difficile de confronter la direction (opérationnelle et générale) de l’entreprise à certains commentaires émanant de candidats ou à certaines difficultés qu’ils ont pu rencontrer au cours du processus, comme le souligne ce provider : “La communication avec le client, c’est l’élément crucial ! Quand un search marche bien, la communication fonctionne bien aussi de toute façon. Ce qui est difficile, c’est de communiquer quand on ne trouve pas de bons candidats, ou quand on a de bons candidats, mais qu’ils ne veulent pas travailler pour cette entreprise. Là, il faut pouvoir donner un feed-back au client en toute franchise, et ce n’est pas toujours facile. Un bon responsable RH comprend souvent cela. Mais, alors ils nous disent : je sais bien, mais ma direction n’est pas convaincue. Dans ce cas, nous les aidons à faire passer le message auprès de leur direction. De par notre rôle, nous pouvons faire passer un message crédible au management de l’entreprise.” D’un autre côté, les entreprises doivent se montrer suffisamment ouvertes pour permettre aux experts R&S externes de bien cerner le profil recherché. A ce propos, les providers R&S indiquent qu’actuellement, ils ne sont pas toujours considérés comme un prolongement de l’organisation et que souvent, les entretiens préparatoires ne font pas l’objet d’un investissement suffisant. Un manager RH qui a réfléchi de manière approfondie à ce problème témoigne : “Nous avons décidé de commencer par un workshop pour bien définir ce que nous attendons d’un partenaire R&S. Si nous faisons appel à un prestataire externe, le prix n’est pas le premier critère ; ce que nous recherchons surtout, c’est une compétence bien précise. Nous savons dès le départ que nous devrons encore travailler pour développer cette relation, mais si nous sentons que les valeurs et la culture du partenaire sont en adéquation avec les nôtres, alors nous décidons de traiter avec ce bureau. Une fois que ce choix est fait, je les fais venir chez nous, ils peuvent 31 discuter avec moi, avec les managers opérationnels ; cela leur permet de bien savoir ce que nous recherchons et d’apprendre à mieux nous connaître. Et ainsi, j’ai davantage confiance dans les candidats qu’ils présentent.” Evaluation de la relation d’externalisation Dans la littérature, les auteurs spécialisés conseillent de suivre et d’évaluer la relation d’externalisation au moyen d’indicateurs réalistes, bien définis et mesurables. Mais, cela se fait rarement dans la pratique (voir aussi le chapitre 4). En outre, cette évaluation est quelque chose dont les entreprises doivent tenir compte dès le début du processus d’externalisation : si l’entreprise veut un bon retour sur investissement, elle doit définir des objectifs d’amélioration clairs. Cet aspect relatif à l’évaluation de la performance se retrouve dans une définition bien connue de l’externalisation : “The delegation of one or more business processes to an external provider who then owns, manages, 50 and administers the selected processes based on defined and measurable performance metrics”. Dans la pratique, beaucoup d’entreprises optent pour l’externalisation sans avoir d’abord une image claire de ce 51 qu’elles attendent. Bien souvent, les entreprises ne suivent pas les performances du processus R&S, que celui-ci ait lieu en interne ou en externe. Dans la plupart des cas, elles ont du mal à déterminer quand le processus réussit ou échoue, et leur évaluation est surtout basée sur l’intuition. Mais, tant que l’on ne voit pas clairement quels facteurs de succès sont déterminants pour l’entreprise et comment on peut mesurer ces facteurs de succès, toutes les décisions que l’on prend restent de l’ordre du pari (raisonné). Et l’on ne peut donc pas évaluer si la relation client-provider produit de bons résultats. 3. Tendances Attirer et retenir les talents est aujourd’hui une tâche qui est à l’agenda de pratiquement tous les chefs d’entreprise. Alors que le recrutement se faisait auparavant de manière ponctuelle, en fonction des besoins, c’est aujourd’hui dans beaucoup d’entreprises un processus continu. Par conséquent, il faut de nouvelles compétences et de nouvelles 52 approches, comme l’accélération des cycles de recrutement et de sélection et l’évaluation permanente du personnel. En d’autres termes, la fonction R&S est en pleine évolution. Dans le passé, les tâches des recruteurs étaient plus souvent de type transactionnel : diffuser une annonce et ensuite faire le screening des CV. Aujourd’hui, le contenu de la fonction recrutement est plus relationnel (tendance 1). D’autre part, les candidats, qui sont aussi des acteurs du processus, ne restent plus à attendre sur le seuil, mais sont de plus en plus considérés comme des clients (tendances 2 et 3). Enfin, ce contenu de plus en plus stratégique influence aussi le rôle des autres acteurs impliqués dans le processus R&S (tendance 4), et cela peut avoir une influence sur le fait d’externaliser ou non le R&S (tendance 5). Tendance 1 : Du recrutement transactionnel au recrutement relationnel Au cours de ces 30 dernières années, le domaine du recrutement a connu de profondes mutations. Classiquement, le recrutement était associé à des tâches de type plutôt administratif, comme le placement d’annonces et le traitement des candidatures. Suite à l’importance croissante du recrutement et à la montée en puissance des médias sociaux, ces activités transactionnelles ne sont plus au premier plan. De plus en plus, l’accent est mis sur la construction d’une relation, y compris avec les gens qui ne sont pas activement à la recherche d’un emploi. Dans cette optique, les concepts marketing sont plus fréquemment appliqués dans le R&S, comme on le voit notamment avec l’employer branding ou la segmentation des travailleurs en différents groupes. Les candidats et les candidats potentiels sont de plus en plus traités comme des clients et approchés par le biais d’un message personnalisé et sur mesure. Cette tendance, nous la retrouvons parmi les évolutions importantes décrites par Lynda Gratton, qui parle du ‘shift from 53 isolated competitor to innovative connector’. Dans la pratique, les profils des recruteurs ne sont pas toujours adaptés à cette évolution. Souvent, les corporate recruiters préfèrent surtout cultiver les relations existantes (farming). Les managers RH constatent que leurs recruteurs 32 n’aiment pas faire du direct search, mais en raison de la progression du recrutement relationnel, on a de plus en plus besoin de gens qui soient capables de nouer de nouvelles relations de manière proactive. Tendance 2 : Le candidat devient un client Avec l’avènement d’Internet, les candidats sont beaucoup mieux informés que dans le passé et ils disposent d’informations qui ne leur étaient pas accessibles auparavant. En outre, les connaissances et les compétences deviennent de plus en plus une denrée rare. Suite à ces évolutions, le contact entre une organisation et un 54 collaborateur potentiel se modifie, et le pouvoir se déplace en partie vers le candidat. On peut jouer sur cet aspect par le biais de l’expérience candidat : le recruteur est-il à l’heure et comment brise-t-il la glace ? Le candidat reçoit-il un feed-back et reçoit-il dans tous les cas une réponse ? Ce manager RH rend compte de cette évolution : “Avant, mes collaborateurs prenaient leur téléphone et disaient : ‘Vous pouvez venir la semaine prochaine pour un entretien’. Aujourd’hui, je veux qu’ils disent : ‘C’est chouette que vous ayez envoyé votre CV, passez nous voir’.” Dans ce contexte, un instrument important est l’automatisation qui est de plus en plus utilisée comme un outil de gestion de la relation avec le candidat. Dans le cadre de l’expérience candidat, il est en effet essentiel que tous les candidats reçoivent une réponse en temps et en heure. En outre, les collaborateurs R&S peuvent recontacter des candidats au bout de quelques années ou suivre les étudiants jobistes et les stagiaires. Cela représente un progrès par rapport à la manière dont on fonctionnait avant : “Avant, le CV allait chez le responsable opérationnel. Celui-ci devait proposer un formulaire de candidature, lequel était ensuite envoyé au candidat qui devait le remplir. C’était en fait un travail superflu pour le candidat”. “Aujourd’hui, on doit essayer, au moyen des outils informatiques, de donner véritablement aux candidats potentiels le sentiment de travailler chez nous. On peut vraiment permettre au candidat de se familiariser déjà avec les valeurs de l’entreprise, par exemple le respect.” Tendance 3 : Arrivée d’une nouvelle génération dans le monde du travail A la tendance que nous venons de décrire s’ajoute le défi spécifique que constitue pour les experts R&S l’arrivée de la génération Y. Dans la pratique, les professionnels RH observent que les travailleurs de cette génération ont diverses exigences : davantage de flexibilité, jobs intéressants, liberté professionnelle, rémunération plus élevée et meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. S’ils perdent le sentiment de satisfaction et de plaisir au travail, ils 55 peuvent en outre assez vite décider de partir. Les gens de terrain constatent aussi que le jobhopping est vraiment dans l’air du temps. Selon eux, les candidats voient leur carrière professionnelle comme une succession de chapitres de deux à trois ans, de sorte que les entreprises s’exposent au risque d’un turnover élevé si les attentes de cette génération ne sont pas rencontrées. Cet expert R&S décrit ainsi son expérience de la génération Y : “Ce qui me frappe, c’est l’augmentation de l’assertivité dans les questions qu’ils posent. Par exemple : comment ça se passe ici pour les congés ? Est-ce que les horaires sont flexibles ? Quid du salaire, des avantages ? Non seulement l’assertivité a augmenté, mais aussi la nonchalance. Les gens sont moins préparés, n’arrivent pas à l’heure, etc. Lors d’un entretien d’embauche, c’est le candidat qui est censé devoir se vendre. Mais, certains ne se donnent même plus la peine de le faire, ils pensent que c’est l’entreprise qui doit se vendre auprès d’eux.” Mais, en dépit de ces perceptions négatives, on peut aussi voir cela comme une opportunité pour les professionnels R&S. Ils sont le lien entre l’entreprise et les candidats et ils peuvent, via une approche sur mesure, canaliser les besoins de cette nouvelle génération. Ainsi, les consultants en recrutement peuvent répondre à ces besoins en gérant les attentes des candidats en matière de carrière et en les aidant à développer leur parcours de carrière. Ils peuvent aussi anticiper ces besoins en jouant sur les outils R&S qu’ils utilisent et sur la manière dont ils font la promotion de leur marque employeur. Quelques experts R&S conseillent : 33 “On voit beaucoup plus de gens qui changent de fonction au sein de leur entreprise. Les jeunes ne veulent plus faire le même boulot pendant 20 ans. Si vous voulez qu’ils restent chez vous, vous devez leur donner l’opportunité de passer d’une fonction à une autre.” “L’équilibre vie professionnelle-vie privée est quelque chose qui est très important aujourd’hui. Dans notre entreprise, nous avons mis en place un système de homeworking. Les gens peuvent travailler trois jours par semaine à domicile et deux jours au bureau. Nous communiquons pour faire connaître l’existence de cette formule afin d’attirer les jeunes.” Tendance 4 : Vers davantage de Management Self-Service La littérature décrit une tendance qui va vers une prise en charge des processus RH par les responsables opérationnels. Le Management Self-Service s’inscrit dans une évolution générale de la GRH où les managers opérationnels se voient attribuer davantage de responsabilités. Dans la pratique, nous observons qu’il existe différentes visions à ce sujet. Certains managers RH nuancent : “Les RH doivent se décharger au maximum de certaines tâches, de manière à pouvoir se concentrer sur l’essentiel de leur mission, qui est de rechercher des personnes ayant le bon profil et la bonne expérience. Lorsqu’il s’agit d’un profil spécifique, il peut être indiqué d’impliquer les managers opérationnels plus tôt. Mais, si vous avez des gens expérimentés aux RH, vous pouvez sauter cette étape, ce n’est pas nécessaire.” Dans quelques cas, le Management Self-Service est déjà aujourd’hui une réalité, parfois sous l’influence de certains changements survenus dans l’environnement, et c’est souvent une tactique employée par les organisations pour mieux gérer les coûts du processus : “Dans l’avenir, les managers devront pratiquer davantage le self-service, par exemple lancer eux-mêmes une demande, et un budget sera prévu dans le centre de coût du manager. Cela permettra pour une part tout de même une meilleure prise de conscience des coûts." Souvent, on s’efforce donc de plus en plus d’aller vers une formule de cogestion, où le R&S et le management opérationnel travaillent ensemble pour mener le processus à bien. On ne sait pas encore clairement quel sera l’effet de cette formule sur le recours à des partenaires externes. La recherche montre qu’il existe une corrélation positive entre le transfert d’activités RH au management opérationnel et l’externalisation, parce que cela donne justement plus de 56 temps aux collaborateurs R&S internes pour se consacrer à des activités plus stratégiques. Tendance 5 : Différenciation par la segmentation des travailleurs La littérature académique sur le recrutement & sélection accorde beaucoup d’attention à la classification du personnel 57 en fonction de l’importance stratégique des différents groupes de travailleurs. Un modèle qui est fréquemment cité à ce propos est le Workforce Architecture Model de Lepak & Snell (voir Tableau 1). Ces auteurs ont développé une classification sur la base de la valeur stratégique et de l’unicité des groupes de travailleurs. Ils obtiennent ainsi un schéma composé de 4 quadrants qui sont chacun associés à des rôles stratégiques différents. Etant donné que les 4 segments de travailleurs ont des rôles stratégiques différents, Lepal & Snell font valoir l’idée qu’il faut une stratégie de recrutement différente pour chacun de ces groupes. En outre, ce modèle peut permettre de répondre à la question de savoir s’il est opportun ou non d’externaliser le R&S dans un contexte donné. On peut par exemple se poser la question suivante : dans quel quadrant se situe la fonction R&S au sein de mon entreprise ? Nous donnons un exemple ci-dessous. 34 La fonction R&S peut avoir un rôle stratégique. Dans ce cas, on externalisera surtout les activités transactionnelles et l’on développera le plus possible en interne l’expertise R&S qui a un caractère unique. C’est ce que fait cette entreprise : “Nous sommes une société de consultance, donc cela signifie que notre chiffre d’affaires est entièrement fonction du nombre de personnes que nous mettons à disposition. Il s’agit de consultants que nous détachons chez nos clients. Ces consultants sont notre core business, donc le recrutement & sélection est aussi notre core business.” Le R&S peut aussi être considéré comme un rôle nécessaire, dans le cadre duquel on travaille avec des partenaires externes surtout sur la base d’une stratégie de collaboration, axée sur le partage d’informations et l’établissement d’une relation de confiance. Ou bien il est possible que l’on externalise des tâches R&S non uniques, en optant surtout pour un arrangement contractuel. En d’autres termes, le modèle incite les entreprises à prendre davantage en compte les critères stratégiques au lieu de se focaliser sur les critères financiers lorsqu’elles prennent des décisions en matière de R&S. Haute unicité Rôle nécessaire Conclure des partenariats Investir dans la relation Evaluation sur la base du résultat Stratégie basée sur la collaboration Rôle stratégique Adéquation personnelle avec l’entreprise Focus sur la formation Relation à long terme Non disponible sur le marché Stratégie basée sur l’implication Faible unicité Tableau 1 : Workforce Architecture model (Lepak & Snell, 2002) Rôle non essentiel Conclure des arrangements contractuels Accent sur les règles et procédures Travail standardisé Stratégie basée sur la conformité Rôle essentiel Adéquation technique Contribution immédiate Disponible sur le marché Stratégie basée sur la productivité Faible valeur stratégique Haute valeur stratégique 4. Synthèse Dans ce chapitre, nous avons vu quels sont les différents acteurs qui interviennent dans le processus R&S et quels sont leurs rôles respectifs dans ce cadre. Ainsi, nous avons constaté que certaines entreprises n’ont pas de professionnel spécialement affecté au R&S. Parfois, ce sont des généralistes RH qui se chargent des tâches de recrutement et sélection, parfois il y a des experts R&S spécialisés. Mais on remarque généralement que, bien que le processus englobe une multitude d’activités, le nombre de personnes qui sont impliquées dans les missions de R&S est assez limité. C’est aussi pour cette raison que la question de savoir s’il faut faire appel à des compétences externes ou s’il vaut mieux disposer des compétences nécessaires en interne est une question qui préoccupe les organisations dans la pratique. Nous avons résumé ci-dessous de manière schématique les facteurs qui ont été cités par nos interlocuteurs comme incitant à internaliser ou au contraire à externaliser (Tableau 2). Nous avons aussi classé ces facteurs, selon que le processus R&S est conçu surtout comme un coût ou plutôt comme un investissement. 35 Tableau 2 : Facteurs incitant à internaliser ou à externaliser le processus R&S Internalisation Authenticité Efficience Expertise Coût Contrôle sur le processus Fonctions critiques Positionnement stratégique Investissement Coût Flexibilité opérationnelle et financière Expertise Focus sur les activités clés Efficience Visibilité Rapidité Fonctions critiques Externalisation Les facteurs qui sont cités s’inscrivent donc soit plutôt dans une approche ‘orientée coût’, soit plutôt dans une approche ‘orientée investissement’, en fonction de la stratégie de l’entreprise et de la vision stratégique que les organisations ont du R&S. Dans une entreprise qui met la priorité sur les coûts et où les activités R&S ont peu de valeur stratégique, on sera surtout attentif aux critères d’efficience (cf. approche par la théorie des coûts de transaction). Lorsque le R&S a une importance stratégique pour l’entreprise, les facteurs que l’on privilégie surtout sont plus axés sur la production de valeur ajoutée par le biais de compétences uniques (cf. approche par la théorie des ressources). Ceci est également en rapport avec le choix entre des relations d’externalisation de type surtout contractuel et des partenariats. Mais, l’approche que l’on adopte n’aura en soi guère d’influence sur le degré d’externalisation. Des recherches précédentes montrent que les entreprises qui accordent une haute valeur stratégique à la fonction RH externalisent davantage ; il est donc possible qu’une approche orientée investissement conduise à une situation win58 win pour les deux parties. D’autre part, nous remarquons que les facteurs qui sont déterminants dans la décision du make-or-buy sont assez similaires dans les deux points de vue. Et, comme nous l’avons mentionné, ce qui joue surtout, c’est la culture d’entreprise et l’expérience que l’organisation a en matière d’externalisation. En d’autres termes, le passage de l’internalisation à l’externalisation et vice versa va souvent de pair avec un changement de culture. Cela signifie que les partenaires externes ont intérêt à mettre l’accent sur l’authenticité et à cultiver des relations de proximité avec leurs clients. Ceux-ci accordent aussi une grande importance à la transparence dans la communication et dans le calcul du prix, car ils ont ainsi moins le sentiment de perdre le contrôle sur le processus. Enfin, par le biais d’un partenariat entre les collaborateurs R&S internes et externes, le provider peut aider à consolider la position stratégique de la fonction R&S au sein de l’organisation. Une approche sur mesure du client sera cruciale dans ce cadre : “How can we serve you?”. Nous avons également noté que les organisations, lorsqu’elles optent pour l’externalisation, ne procèdent pas systématiquement à une évaluation de cette relation. Ceci est à mettre en relation avec le constat que nous avons fait à propos du fait que les entreprises sont souvent également peu attentives à l’évaluation du processus interne. Un service level agreement (SLA) avec des indicateurs de performance clairs et bien définis peut apporter une solution dans 36 ce cadre, comme nous le verrons au chapitre 4. Enfin, nous clôturons ce chapitre en récapitulant les idées-clés qui sont liées aux tendances prédominantes que nous avons pu observer. Tendances Du recrutement transactionnel au recrutement relationnel Le candidat devient un client Arrivée d’une nouvelle génération dans le monde du travail Vers davantage de Management Self-Service Différenciation par la segmentation des travailleurs Idées-clés On met davantage l’accent sur les activités transformationnelles Application de concepts marketing Apparition de nouvelles fonctions qui misent sur de nouveaux canaux Les candidats sont mieux informés qu’avant Les connaissances et compétences deviennent une denrée rare Les jeunes sont plus assertifs et posent des questions très ciblées Gérer les attentes en matière de carrière Anticiper les attentes au moyen de nouveaux outils R&S Approche sur mesure de la génération Y Plus d’internalisation et d’externalisation du processus R&S Manière de mieux gérer les coûts Cogestion entre le R&S et le management opérationnel Le R&S peut avoir une valeur stratégique différente Stratégie de recrutement différente pour chaque rôle A un impact sur la conclusion de partenariats 37 III. QUELS SONT LES FACTEURS DE COUT ET LES FACTEURS DE SUCCES ? 1. Ce que nous apprend la littérature... Identifier et recruter les talents est un des processus les plus importants dans le cadre des RH. Et, bien que beaucoup d’organisations reconnaissent que les talents sont essentiels pour l’obtention d’un avantage compétitif, l’accent est mis de plus en plus sur la réalisation de résultats tangibles à court terme. Ceci a pour conséquence que les collaborateurs R&S ont aussi de plus en plus la responsabilité d’apporter une contribution aux objectifs et aux performances de l’organisation. Mais, on ne sait pas toujours clairement comment déterminer cette valeur ajoutée. Avant de nous pencher sur l’évaluation du processus R&S (voir chapitre 4), nous allons analyser ci-après tout d’abord les facteurs de coût, qui mettent en lumière essentiellement l’efficience du processus R&S. Ensuite, nous examinerons le HR Balanced Scorecard, qui permet de contrôler non seulement l’efficience, mais aussi l’efficacité du processus et son impact sur les objectifs et les performances de l’organisation. 1.1. Les facteurs de coût Les entreprises ont généralement une image globale du budget R&S, mais elles n’ont pas une vue très claire des coûts 59 spécifiques. Une analyse de ces coûts s’inscrit dans le cadre de l’approche Human Resource Accounting (HRA) qui part du principe que le personnel représente une certaine valeur comparable à celle des biens d’équipement et des matières premières. Selon cette approche, il est essentiel d’avoir une vision claire des coûts qui sont liés à l’engagement de nouveaux collaborateurs, de manière à pouvoir gérer et suivre ces coûts. Plus concrètement, on utilise, dans le cadre de cette approche HRA, un modèle pour répertorier les coûts du processus R&S : le modèle Human Resource Replacement Costs. Selon ce modèle, les coûts liés à l’engagement d’un travailleur se divisent en trois catégories : les coûts d’acquisition (recrutement, sélection, engagement, placement), les frais de formation (formation et orientation formelles, apprentissage sur le tas) et les éventuels coûts de séparation (indemnité 60 de licenciement, perte d’efficience, coût lié à la vacance du poste). Dans le cadre de ces trois catégories, on peut dans un premier temps dresser la liste de toutes les activités et inventorier les coûts et facteurs de coût qui s’y rapportent. Dans un second temps, on peut ensuite définir les différents 61 types de coût par activité : les frais de personnel, les frais de matériel et le coût des services. Les frais de personnel 62 sont la traduction du temps qui est investi par les collaborateurs dans l’activité. Les frais de matériel sont par exemple le coût des tests ‘papier-crayon’, les coûts liés à l’infrastructure… Enfin, le coût des services fait référence au coût des prestations des partenaires externes. Dans un troisième temps, à côté des coûts directs, il est important d’identifier 63 aussi les coûts indirects pour chaque type de coût : Coûts directs. Etant donné que les coûts directs sont très visibles et faciles à vérifier, ils jouent généralement 64 un rôle important dans la décision concernant les procédures de recrutement et de sélection à utiliser. Et, bien que le gain qui résulte de l’utilisation de procédures plus efficaces puisse être supérieur à ces coûts directs, ces coûts pèsent souvent plus lourd dans la balance parce qu’ils sont rencontrés beaucoup plus tôt dans le processus. Cet effet est renforcé par la pression des actionnaires qui attendent des performances à 65 court terme. Pour avoir une vue claire des coûts directs, les entreprises peuvent, comme nous l’avons dit, inventorier dans un premier temps les différentes activités. Dans la catégorie des frais de personnel directs, on trouve les frais liés à la coordination, au développement et à l’accompagnement du processus par les 66 collaborateurs R&S. Parmi les frais de matériel directs, on peut citer notamment le coût des tests papiercrayon ou le coût d’une annonce. Si le processus R&S est (en partie) externalisé, les dépenses que cela entraîne sont à ranger dans la catégorie ‘coût des services’. 38 Coûts indirects. Dans l’analyse des coûts du processus R&S, il faut également prendre en compte les coûts indirects. Contrairement aux coûts directs, les coûts indirects sont plus difficiles à imputer à une activité déterminée. On peut citer par exemple les frais de fonctionnement indirects (frais de bureau, téléphone) et les frais de personnel indirects (collaborateurs qui apportent un soutien administratif au R&S ou coûts résultant de la participation de managers opérationnels aux entretiens de sélection). Lorsqu’on confie une procédure de sélection à un partenaire externe, le coût de l’expert en sélection peut être considéré comme un coût direct. En revanche, si l’on organise la procédure en interne, on doit vérifier, pour chacune des activités qu’elle comporte, y compris la préparation et la coordination, qui est impliqué dans les différentes activités et combien de temps chacun y consacre. Sur la base de cet investissement en temps et du coût salarial, on peut ensuite calculer les frais de personnel et les frais de fonctionnement. Il y a encore d’autres coûts indirects, qui sont liés à la rotation des collaborateurs : la perte de bénéfice pour chaque jour pendant lequel un poste reste vacant. L’importance de la perte dépend du type de job. La perte de productivité peut être en partie compensée par les collègues qui prestent des heures supplémentaires ou se chargent du travail à effectuer, mais cela doit bel et bien être considéré comme un coût d’opportunité. Bien que la perte de production soit 67 moindre dans ce cas, le coût de production, lui, augmentera ; la perte de productivité liée au fait que les nouveaux collaborateurs ont besoin de temps pour bien se familiariser avec leur fonction et en maîtriser tous les aspects. Cette perte de productivité dépend du temps qui est nécessaire pour parvenir au niveau de production initial. Généralement, on estime qu’il s’agit de l’équivalent de trois à six mois de salaire. Pour les postes de management, c’est environ une année de salaire. Actuellement, il n’existe guère d’études qui donnent une estimation de ces frais indirects, mais, sur la base de 68 ce qui précède, nous pouvons supposer que ceux-ci sont loin d’être négligeables. En résumé, on peut dire que, lorsqu’on prend en compte à la fois les frais directs et les frais indirects, cela a pour conséquence d’élargir le cadre décisionnel pour la prise de décisions dans le domaine du recrutement & sélection, ce qui permet à son tour de mieux justifier des changements à apporter au processus R&S ou des investissements. En d’autres termes, une analyse des coûts engendrés par le processus R&S est une première étape essentielle, mais cela ne constitue qu’une petite partie du puzzle. 1.2. Les facteurs de succès Comme les bénéfices d’un processus R&S efficace ne sont pas faciles à identifier, les approches actuellement utilisées pour mesurer les performances du R&S se basent dans de nombreux cas uniquement sur des critères d’efficience. Ceci est utile, mais le danger, c’est que les entreprises n’aillent pas plus loin que cette première étape. Idéalement, l’analyse des coûts constitue un input pour une mesure de performances qui va également examiner l’efficacité et l’impact à long terme du processus R&S. En effet, lorsqu’on prend en compte uniquement les indicateurs financiers, on peut faire une évaluation des coûts du 69 R&S, mais pas des performances du R&S ou de la manière dont celles-ci répondent aux objectifs de l’organisation. Donc, bien qu’une analyse des coûts permette déjà d’avoir une vision plus claire du processus R&S, il est essentiel, à côté de cela, d’examiner aussi les données quantitatives et qualitatives qui font que les décisions d’embauche sont 70 rentables dans une perspective à long terme. Cette analyse globale permet de prendre des décisions plus fondées, basées sur une prise en compte de l’ensemble du spectre des déterminants du processus. Ensuite, ces facteurs peuvent être traduits en indicateurs de performance mesurables que les entreprises peuvent adopter, en fonction de leur contexte spécifique (cf. chapitre suivant). Le HR Scorecard ou Tableau de Bord RH, qui est dérivé du Balanced Scorecard 39 (ou Tableau de bord prospectif ), apporte une réponse au défi que nous venons d’évoquer : outre la création de valeur 71 à court terme, il permet aussi de prendre en compte la création de valeur à long terme. Selon le HR Scorecard, il faut idéalement tenir compte de quatre perspectives dans le processus décisionnel : 1. Dans une perspective financière, on définit des facteurs de succès qui permettent de maximaliser la valeur pour les actionnaires, d’accroître la performance des collaborateurs ou de comprimer les coûts. 2. Dans la perspective client, on choisit des facteurs de succès qui améliorent l’image du R&S auprès des différentes parties prenantes. 3. Les facteurs de succès peuvent également avoir une influence positive sur l’efficience et l’efficacité du processus R&S (perspective ‘processus internes’). 4. Enfin, les facteurs de succès peuvent avoir trait au fait que les compétences adéquates sont présentes pour garantir une capacité permanente d’innovation et de croissance pour le département R&S (perspective ‘innovation et croissance’). Donc, pour avoir une vision claire de l’efficacité de la politique R&S, il faut s’appuyer sur ces quatre perspectives. Cela 72 permet aux départements R&S d’apporter une valeur ajoutée à terme. Nous allons maintenant élaborer, sur la base de l’apport de nos groupes de discussion, un cadre qui inventorie les facteurs de succès du processus R&S selon ces quatre perspectives. 2. Ce que nous apprend la pratique… 2.1. Les facteurs de coût Dans le cadre des groupes de discussion, nous avons remarqué que le besoin d’avoir une vue claire des coûts du processus R&S est bien présent : “Nous commençons à nous rendre compte qu’il faut inclure un assessment dans le processus de sélection, suite à certains problèmes d’attitude que nous rencontrons avec quelques nouveaux collaborateurs. Cependant, nous hésitons à prévoir un assessment center, car nous nous posons la question du rapport coût-bénéfices.” La transparence des coûts du processus offre, aux yeux des répondants, l’avantage de permettre une meilleure gestion des coûts et d’identifier clairement qui est responsable parmi les différents acteurs. Cependant, certains reconnaissent qu’en se focalisant unilatéralement sur les frais directs, on n’a qu’une vision partielle des choses. Nous passons cidessous en revue les coûts directs et indirects du processus R&S qui ont été mis en évidence dans les groupes de discussion. 1. Coûts directs Coûts d’acquisition : parmi les principaux postes de frais, les collaborateurs R&S épinglent surtout les premières étapes du processus de sélection : aller à des salons de l’emploi, faire le screening des CV, mener les entretiens de sélection. En ce qui concerne les frais de matériel importants, ils citent l’achat de tests spécifiques ou d’un système d’automatisation. En outre, beaucoup d’organisations pointent comme coût direct important les services pour lesquels ils font appel à des partenaires externes. Frais de formation : même si certaines entreprises sont conscientes des coûts qui sont liés au trajet d’orientation, elles ne sont pas toutes dans ce cas. Faire un bilan des frais de formation, du temps investi par les formateurs, les collègues,… ne va pas de soi. Ce manager RH est toutefois bien conscient de l’importance de ce poste de frais : 40 “Il faut beaucoup investir dans la formation et l’obtention de certificats, donc un collaborateur coûte énormément d’argent. Nous essayons de sensibiliser les gens au fait qu’une secrétaire que vous engagez, c’est 3 à 4 millions que vous dépensez sur l’ensemble d’une carrière. C’est beaucoup !” Coûts de séparation : les organisations sont certes conscientes que la rotation du personnel a un coût. Mais, elles n’ont pas une vue claire de l’ensemble des coûts que cela engendre. Cet hiring manager en reconnaît toutefois l’importance : “Nous avons fait une fois un calcul de tous les coûts : investissement en temps, recherche de candidats, annonces,… et on est arrivé à un total très élevé, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros. Dans une entreprise où la rotation de personnel est forte, ces coûts sont donc gigantesques.“ 2. Les coûts indirects Contrairement aux coûts directs, les coûts indirects sont moins faciles à imputer car moins visibles. Cela constitue un obstacle important à une bonne analyse des coûts. Les coûts indirects, et en particulier les frais indirects de personnel et de fonctionnement, constituent pourtant une part importante de l’addition totale, comme le souligne cet intervenant : “On met fortement l’accent sur les coûts directs, alors que ce sont justement les coûts indirects du processus qu’il faudrait rendre plus transparents. L’absence de ces données dans les réunions du comité directeur font que les gens se focalisent uniquement sur les coûts directs.” Coûts d’acquisition et frais de formation : lorsque le processus R&S est organisé et suivi entièrement en interne, les coûts indirects peuvent atteindre des montants élevés sans que l’organisation en ait une vision claire. Le processus R&S exige en effet un gros investissement en temps de la part des collaborateurs R&S, des managers opérationnels et des candidats : 1. Pensons au temps que les collaborateurs doivent investir dans la conception et la rédaction de l’annonce, dans le tri des lettres de candidature et dans les entretiens de sélection (organisation et présence à ces entretiens). Il y a aussi le suivi administratif des candidats qui n’est pas toujours imputé à l’activité R&S. 2. Il faut bien entendu aussi tenir compte de la perte de revenus qui découle de l’implication de collaborateurs internes, comme les managers opérationnels qui participent au processus et qui investissent du temps dans le screening des CV, la conduite des entretiens de sélection, la formation et l’orientation des nouveaux collaborateurs… Coûts de séparation : les coûts liés au turnover ne sont actuellement pas comptabilisés dans les frais réels d’une organisation, d’une part parce qu’ils ne sont pas calculés, et d’autre part parce qu’ils ne font pas l’objet d’un reporting. On passe donc facilement à côté des conséquences d’un processus R&S pas vraiment efficace, comme par exemple la perte de productivité, une diminution de la motivation des collègues,… Ces coûts sont difficiles à chiffrer, mais c’est assurément un coût qu’il faudrait rendre plus transparent et que les RH devraient mettre sur la table dans les discussions avec la direction générale. “Le coût du recrutement va au-delà de l’activité de recrutement & sélection proprement dite. Une bonne question à se poser par exemple, c’est de savoir combien de départs sont enregistrés dès la période d’essai. Sur l’ensemble des embauches réalisées à un certain niveau de fonction dans notre entreprise, un quart des personnes sont parties après un an. Tout cela, il faut l’intégrer dans les coûts.” 41 La liste récapitulative ci-dessus donne une première image des coûts directs et indirects qui sont liés au processus R&S selon l’avis des participants aux groupes de discussion, mais en fait, on peut dire qu’actuellement, on a rarement une véritable vision de l’ensemble des coûts du recrutement. Deux choses nous frappent en particulier. Primo, nous observons que les professionnels de terrain tiennent surtout compte actuellement des coûts directs du matériel et des services. L’accent est mis plutôt sur ces frais à débourser (out-of-pocket expenses) et beaucoup moins sur les frais de personnel et de fonctionnement directs et indirects. C’est là un phénomène bien connu. Lorsqu’on organise tout en interne, on ne chiffre pas le surcoût que cela génère, tandis que lorsqu’on externalise, les honoraires demandés par le prestataire externe sont vus comme un surcoût important, parce que la somme est inscrite noir sur blanc dans un document. Ceci vaut aussi pour l’utilisation de tests : la somme à débourser pour l’achat d’un test spécifique dissuade les entreprises d’utiliser ce test, et l’on ne prend pas en compte la valeur ajoutée à long terme, laquelle est souvent difficile à quantifier. Secundo, nous avons noté que les gens se focalisent principalement sur les coûts d’acquisition et sont beaucoup moins attentifs aux frais de formation et aux coûts de séparation. Ce qui peut arriver alors, c’est qu’ils vont contrôler minutieusement les coûts du recrutement et de la sélection de personnel, mais qu’ils vont perdre de vue les frais directs et indirects liés à la formation du nouveau collaborateur, alors que ceux-ci peuvent tout de même représenter des montants importants. Ce manager RH critique cette dissociation entre frais de formation et coûts d’acquisition : “Je pense que le rythme d’engagement de nouveaux collaborateurs au début est important, mais lorsqu’on regarde ensuite le temps que cela prend pour former ces gens en interne, est-ce que cela vaut la peine d’adopter un tel rythme au début ?” 2.2. Les facteurs de succès De nombreuses sources décrivent les avantages à long terme d’un processus R&S efficace, et corollairement d’une bonne décision d’embauche (citons notamment une plus grande satisfaction au travail, un turnover moindre, une 73 productivité accrue…). Mais, comment les entreprises peuvent-elles accroître l’efficacité de ce processus ? Et comment cela crée-t-il de la valeur ajoutée pour l’entreprise ? Pour obtenir une réponse à ces questions, nous avons interrogé nos répondants sur les facteurs de succès explicites et plus implicites du processus R&S. Bien que les collaborateurs R&S identifient clairement certains facteurs explicites qui contribuent à l’efficacité du processus, beaucoup d’aspects restent tout de même plus implicites. Ceci a donc constitué un thème important auquel nous avons accordé beaucoup d’attention dans le cadre de nos groupes de discussion. Les facteurs de succès que nous avons inventoriés ont chacun un impact sur l’efficacité du processus R&S sous l’angle d’une des quatre perspectives qui composent la trame du HR Scorecard. Ce cadre de référence précise les connaissances et compétences dont les collaborateurs R&S ont besoin (perspective ‘innovation et croissance’) pour innover et pour développer les processus adéquats (perspective ‘processus internes’). Ces processus doivent permettre à l’organisation d’offrir une certaine proposition de valeur au client du processus R&S (perspective client). Au final, cette proposition de valeur conduit à une augmentation de valeur pour l’actionnaire (perspective financière). En outre, nous faisons une distinction entre les facteurs de succès et les interventions concrètes ou enablers que les entreprises 74 utilisent pour avoir un impact sur ces facteurs de succès. 1. Perspective ‘croissance’ : comment les collaborateurs R&S peuvent-ils constamment améliorer leurs performances ? Dans la perspective innovation et croissance, la question centrale est la suivante : ‘Comment rester en mesure de réaliser notre stratégie ?’. La réponse que nous avons recueillie dans nos groupes de discussion est double : en ayant des collaborateurs R&S compétents qui mettent à profit leur expertise pour engager de bons candidats et en adoptant 42 une attitude authentique qui favorise l’image du R&S et de l’organisation. Ces facteurs de succès constituent une part importante de l’input du processus R&S et constituent la base pour la suite du processus. a. Expertise L’expertise du collaborateur R&S individuel est un facteur de succès déterminant. Comme on l’a vu au chapitre 2, l’expertise R&S comporte différentes dimensions : connaissance des méthodes et techniques, connaissance des métiers de l’entreprise, des bonnes pratiques… Ce participant souligne l’importance de bien connaître ‘son client’ : “Un bon recruteur a une bonne compréhension du métier, de l’activité de l’entreprise, du responsable qui dirige l’équipe, etc. Mieux vous connaissez les ‘décideurs’, plus votre présélection sera réussie (que celle-ci soit réalisée en interne ou par un partenaire externe), et ainsi vous marquerez des points auprès du line management." Pour renforcer l’expertise des collaborateurs R&S, différentes interventions sont possibles. Ce qui est important notamment, c’est de bien réfléchir pour déterminer quelle expertise on va attirer dans l’entreprise et quelle expertise on va acheter à l’extérieur. Si l’on décide de gérer le processus en interne, veille-t-on à organiser suffisamment de formations pour que les collaborateurs R&S restent au fait des dernières nouveautés ? Bien entendu, on connaît les bonnes vieilles méthodes de recrutement et de sélection qui fonctionnaient dans le passé. Mais, pour attirer les candidats aujourd’hui, il faut exploiter de manière créative les nouvelles tendances et technologies. Certaines entreprises décident ainsi de libérer un budget pour tester de nouvelles méthodes de recrutement et de sélection. Cela peut conduire les collaborateurs R&S à aborder le processus de manière plus créative en travaillant avec les médias sociaux, en essayant des tests innovants, en recherchant des candidats d’une autre manière, … b. Authenticité Parmi les facteurs de succès déterminants, nos interlocuteurs ont fréquemment cité l’authenticité. Selon eux, il est aujourd’hui véritablement essentiel de communiquer de manière authentique avec les différents acteurs que sont le candidat (potentiel) et le client interne ou externe. Les professionnels R&S individuels peuvent à cet égard offrir une importante valeur ajoutée : “Un facteur de succès crucial aujourd’hui, c’est l’authenticité. Les candidats posent beaucoup plus de questions, ils veulent véritablement sentir et savoir ce qui caractérise votre entreprise et quelle est sa culture. Ils voient aussi le collaborateur R&S davantage comme une personne de confiance. Vous devez les aider pour les démarches à effectuer auprès de l’employeur qu’ils vont quitter, etc. Il est donc important qu’ils aient une seule et même personne de contact tout au long du processus, quelqu’un qui est pour eux le reflet de la culture de l’entreprise, et ça, c’est une stratégie gagnante. Vous devez faire la différence en expliquant aux candidats quelles sont vos valeurs et votre vision pour les inciter à y adhérer, et pour cela, le mieux est de travailler avec des collaborateurs qui croient en votre entreprise et qui, parce qu’ils en font eux-mêmes partie, sont capables de délivrer un message authentique au candidat.” Certaines interventions peuvent augmenter le degré d’authenticité qui émane des recruteurs. Tout d’abord, de plus en plus d’entreprises soulignent l’importance de la déontologie. Le fait d’adopter un comportement éthique conduit à se montrer authentique vis-à-vis des candidats, des clients et des concurrents. Pensons par exemple au fait de ne pas chercher à approcher des collaborateurs d’entreprises concurrentes (‘cold calls’). D’autre part, il est important de présenter le poste au candidat de manière réaliste (Realistic Job Preview). C’est en effet la seule manière possible d’assurer un engagement à long terme des deux parties. Pour cela, il faut d’abord avoir soi-même une vision claire du poste, ne pas se contenter de vendre le job au candidat et, par une évaluation appropriée, indiquer sur quels points le candidat est ou non en adéquation avec le poste ou l’organisation. Lorsqu’on donne une image réaliste au candidat, il est plus probable qu’il fera son choix en toute connaissance de cause et qu’il sera à long terme un collègue performant. Ce provider R&S traduit cela en ces termes : 43 “Vous devez essayer de décrire le contenu du job au candidat de la manière la plus réaliste possible. Votre objectif est d’aider à trouver le bon candidat pour la bonne entreprise. En tant que provider, votre réputation est essentielle et vous devez penser dans l’intérêt des deux parties.” 2. Perspective ‘processus internes’ : en quoi voulons-nous exceller ? Nous allons voir maintenant comment la rapidité, la flexibilité et un service de qualité conditionnent la réussite du processus R&S et comment une entreprise peut avoir un impact sur ces facteurs. Ces facteurs de succès donnent des indications sur les performances du processus R&S, performances qui lui doivent lui permettre d’apporter de la valeur ajoutée aux clients et aux actionnaires. a. Rapidité Dans le paysage technologique et économique en mutation rapide que nous connaissons aujourd’hui, la rapidité est de plus en plus LE facteur de succès crucial. Les candidats de talent sont rares, et en outre, ils ont facilement accès aux informations émanant de différents employeurs. D’une part, la rapidité est un critère d’efficience pour le processus R&S interne ; d’autre part, une embauche rapide peut accélérer les résultats au niveau de l’organisation, et c’est un facteur que les candidats attendent. Nous examinons ci-après quelques tactiques qui ont un impact sur ce facteur de succès. Lorsqu’on doit trouver rapidement un candidat, on envisage différentes options pour mettre en œuvre le processus. Beaucoup d’entreprises font plus facilement appel à des partenaires externes lorsqu’il faut aller vite, comme illustré par ce témoignage : “Lorsque nous faisons les choses nous-mêmes, cela dure généralement trop longtemps, et lorsque cela ne va pas assez vite en interne, c’est la pagaille, les départements se mettent à chercher eux-mêmes leur fournisseur. Nous sommes une entreprise en très forte croissance, tous les postes doivent être pourvus rapidement. Nous devons aller à l’essentiel, avoir des processus bien rodés, tout doit être extrêmement professionnel.” Parmi les outils qui ont un impact sur la rapidité du processus R&S, il faut citer notamment les applicant tracking systems (ATS), qui sont des systèmes électroniques de suivi des candidats. Les candidats sont enregistrés de manière centralisée dans le système ATS et à partir de là, le processus se poursuit. A la fin, le candidat se rend sur l’offer zone en ligne et il peut accepter la proposition d’emploi. Ensuite, les données des nouveaux collaborateurs sont chargées automatiquement dans la base de données. Les organisations estiment que cela favorise non seulement la rapidité, mais que cela a aussi un effet positif sur le taux d’acceptation. Mais, le principal obstacle à la rapidité se situe souvent au niveau de la planification des interviews. Ainsi, les collaborateurs R&S indiquent qu’il arrive souvent qu’on prenne du retard parce qu’il faut attendre les managers opérationnels : ceux-ci n’ont pas toujours le temps de voir les gens, cela peut durer un certain temps avant qu’ils donnent leur feed-back à propos des candidats ou avant qu’ils prennent une décision, ou bien on perd du temps parce qu’il subsiste des divergences de vues. Parfois, les collaborateurs R&S vont même jusqu’à clôturer des dossiers au beau milieu du processus faute de réaction du management opérationnel. C’est pourquoi il est important de prévoir un service level agreement (SLA) dès la phase préparatoire, comme le souligne ce manager RH : “Nous nous mettons d’accord dès le départ sur la durée maximum du processus. Et nous contrôlons ce paramètre. C’est inscrit dans la demande, c’est négocié pour chaque poste à pourvoir. Cela fait que les recruteurs se concertent avec le management opérationnel ET aussi que le manager comprend que cela dure parfois longtemps avant qu’on puisse trouver quelqu’un. Comme ça, il va rechercher des solutions pour la période de transition.” 44 b. Flexibilité S’adapter de manière flexible aux besoins du management opérationnel, des candidats, de la direction générale… C’est là une exigence à laquelle les professionnels R&S sont confrontés quotidiennement dans leur pratique. On attend aussi de plus en plus des collaborateurs R&S qu’ils fassent preuve de flexibilité pour apporter une réponse sur mesure à la demande des autres parties. Certains participants mentionnent que pour faire face à des pics d’activité, ils font appel à des partenaires externes, et ce pour différentes activités : il peut s’agir d’assessments, d’interviews téléphoniques… Dans certains cas, cependant, la solution de maintenir le processus en interne peut offrir davantage de flexibilité. Quoi qu’il en soit, on attend aujourd’hui une grande flexibilité de la part des collaborateurs R&S. Cette demande de disponibilité est également liée à la globalisation que connaît actuellement le secteur, et dans ce contexte, les gens qui ont une mentalité 9-to-5 laissent souvent passer l’opportunité de dénicher un bon candidat : “On voit énormément de candidats très divers que l’on doit approcher chacun d’une manière différente, y compris sur le plan des horaires. Cela signifie que l’on doit être disponible à tout moment, par exemple le samedi dans la matinée, ou bien à 7 heures du matin. On doit vraiment s’adapter aux demandes du candidat.” c. Qualité des services prestés Le R&S collabore avec différents partenaires internes et externes, et la qualité des services est dans ce cadre un facteur de succès essentiel. Ces partenaires sont notamment le management opérationnel, les candidats, qui sont de plus en plus considérés comme des clients et, lorsque le R&S est externalisé, les personnes de contact au sein de la société avec laquelle on a un accord de collaboration. Nous allons voir ci-dessous comment on peut avoir un impact sur ce facteur de succès vis-à-vis des différentes parties. Vis-à-vis du management (opérationnel), une communication ouverte et franche est, comme nous l’avons déjà souligné, un catalyseur important pour la suite du processus. Il est essentiel de bien se mettre d’accord avec les clients internes ou externes, de bien communiquer et d’être suffisamment transparent. En outre, le fait d’investir dans un véritable partenariat avec des experts R&S internes ou externes permet de fournir des services personnalisés et de construire des relations de confiance et de plus longue durée qui se renforceront mutuellement. Suite aux évolutions externes, le besoin d’un réflexe proactif vis-à-vis des clients internes ou externes augmente également. C’est ce que constate ce professionnel R&S : “Les providers R&S suivent notre entreprise de manière très proactive. Par exemple, lorsque nous diffusons une nouvelle offre d’emploi sur notre site, une heure après, quelqu’un du bureau externe nous appelle spontanément pour dire qu’ils ont de bons profils dans leur base de données et pour proposer des candidats. C’est un changement important que nous observons : les providers deviennent très professionnels sur ce plan et se montrent proactifs.” Vis-à-vis des candidats, les entreprises insistent sur l’importance du suivi, avant, pendant et après le processus R&S. Un terme qui revient de manière récurrente à ce sujet est bien entendu l’expérience candidat. Souvent, c’est par l’intermédiaire du département R&S que les candidats ont leur premier contact avec l’entreprise, et donc, les collaborateurs R&S ont une influence importante sur l’image que les candidats vont se faire de la culture de l’entreprise. 3. Perspective client : quel est le résultat pour nos clients ? Nous allons maintenant passer en revue les facteurs de succès d’une activité R&S dans la perspective du client : comment améliorer le résultat pour les différentes parties prenantes ? Nous allons examiner en particulier comment la quantité de candidats et leur qualité ont un impact sur le résultat de l’activité R&S. Bien que l’image et la réputation 45 soient deux caractéristiques de nature immatérielle, elles peuvent générer une hausse significative des profits de 75 l’entreprise. Si l’on veut examiner dans le détail les facteurs de succès dans la perspective du client, il faut dans un premier temps faire une analyse approfondie des attentes de celui-ci. Généralement, il s’agit avant tout de garantir la continuité au sein de l’entreprise, comme le souligne ce manager RH : “L’objectif du processus est de garantir la continuité des activités de l’entreprise, de répondre à un besoin de croissance en recrutant des candidats qui apportent de la valeur ajoutée. Le management demande au R&S de garantir cela, de satisfaire à ce besoin de base”. a. Quantité La finalité du processus R&S consiste à attirer des talents. Le fait d’avoir un pool de candidats optimal pour une fonction est un facteur de succès dans le sens où le pool de candidats détermine la qualité des collaborateurs que l’on sélectionne et contribue ainsi au potentiel de croissance de l’organisation. Si les postes vacants ne sont pas tous pourvus, cela peut avoir pour conséquence que les tâches clés ne seront pas toutes exécutées, et cela peut donc avoir un impact négatif direct sur les possibilités de croissance de l’entreprise. Les participants à nos groupes de discussion ont souligné très clairement que le R&S est perçu comme un échec ‘lorsqu’il n’y a pas assez de candidats’ ou lorsqu’un candidat retenu ne satisfait pas aux exigences. Et c’est là un aspect qui pèse directement très lourd : ‘Vous ne m’avez envoyé que ces candidats’ est une critique à laquelle de nombreux collaborateurs R&S sont confrontés. Il est clair cependant que des facteurs contextuels tels que la pénurie de main-d’oeuvre compliquent la tâche des recruteurs. Il est difficile de trouver suffisamment de candidats qui répondent à tous les critères fixés à l’avance, singulièrement pour les fonctions critiques. “Si le nombre de candidats par poste vacant est multiplié par deux, on peut prendre une meilleure décision. Mais au final, il s’agit de choisir entre des alternatives. On doit tenir compte de ces limitations pragmatiques, il n’y a pas beaucoup de marge.” Sur le terrain, nous observons différentes manières de réagir au fait que le nombre de candidats est souvent limité. Comme nous l’avons déjà noté, les entreprises partent de plus en plus d’une réflexion en termes de talents. Les entreprises, principalement les PME, ont le sentiment qu’elles ne peuvent pas se permettre de laisser échapper des talents, même si elles n’ont pas de poste vacant à ce moment-là, d’autant plus aussi que les fonctions aujourd’hui évoluent rapidement. Pour les grandes entreprises, c’est parfois plus difficile parce qu’elles sont davantage soumises à des procédures et qu’elles ne peuvent donc pas réagir avec autant de flexibilité. Certains hiring managers de ces entreprises soulignent la nécessité dans ce contexte de faire preuve d’une ouverture d’esprit suffisante : “Ce qu’on fait chez nous, c’est qu’on coche des petites cases. Et de ce fait, on voit assez souvent de très bons profils nous passer sous le nez : ce sont des gens de talent que nous pourrions employer mais qui ne collent pas totalement aux exigences particulières du poste à pourvoir.” Pour constituer un pool de talents optimal, les entreprises font souvent appel à des partenaires externes. Elles utilisent le réseau de providers R&S lorsqu’elles ont reçu peu de réactions directes à leurs offres d’emploi. Indépendamment des fonctions critiques, cette pénurie de candidats peut se rencontrer pour des profils que l’entreprise ne recrute pas en grande quantité. Dans ce cas, les entreprises vont souvent s’orienter vers des partenaires spécialisés qui ont une bonne connaissance d’un marché de niche spécifique. D’autre part, nous observons que l’employer branding a un effet positif sur le flux de candidats. Une image positive permet donc d’élargir la base de données de candidats : “Une conséquence du fait d’avoir une bonne image, c’est que nous avons moins de mal à trouver des candidats, et cela nous permet donc d’éviter en partie le problème des fonctions critiques. Cela contribue aussi à augmenter le nombre de candidatures spontanées.” 46 b. Qualité Des entreprises différentes vont attirer, sélectionner et garder différents types de personnes. C’est ce qu’on retrouve dans le modèle ASA (Attraction – Sélection – Attrition) : les gens sont attirés par une organisation qui correspond à leurs propres centres d’intérêt et à leur propre personnalité (attraction). Lors de la sélection des candidats, les organisations vont être attentives non seulement aux compétences requises, mais aussi à la compatibilité du candidat avec l’organisation (en termes de valeurs, normes et comportements), et les collaborateurs qui n’arrivent pas bien à 76 s’intégrer dans leur environnement de travail décideront de quitter l’organisation (attrition). A terme, un candidat qui est en adéquation avec l’organisation sera plus motivé et plus satisfait, et sera aussi plus 77 performant et moins tenté de quitter l’organisation. En d’autres termes, une bonne compatibilité entre l’individu et l’organisation (Person-Organization fit) est un facteur indispensable pour assurer la capacité de croissance des organisations et pour mener à bien la stratégie. Nous indiquons ci-après quelques enablers que les entreprises peuvent utiliser pour avoir un impact sur ce facteur de succès. Quelques participants soulignent que, indépendamment de certains obstacles pratiques, il faut suivre le processus comme prévu, de manière à accorder suffisamment de temps à l’évaluation de la compatibilité. Ainsi, ils indiquent que la phase de sélection consacrée à cette évaluation doit faire partie intégrante du processus, même si de ce fait, cela prend plus de temps pour trouver un candidat adéquat. Outre la phase de sélection, la phase de socialisation est également importante pour pouvoir mettre à profit le talent des nouveaux collaborateurs le plus rapidement possible. D’autre part, pour faire une évaluation de la compatibilité, il est essentiel que les collaborateurs R&S et les candidats aient une vue suffisamment claire du job, de l’équipe dans laquelle la personne serait amenée à travailler et de l’organisation dans son ensemble. Il s’agit dans ce cadre, comme nous l’avons souligné, d’un processus qui va dans les deux sens. Souvent, les candidats qui sont en adéquation avec la culture de l’organisation et de l’équipe restent plus longtemps dans l’organisation. Le fait d’engager des candidats qui ‘collent bien’ avec l’entreprise, l’équipe et le job est considéré comme un R&S-deliverable, un output final qui est en relation directe avec la stratégie de l’organisation. Dans ce cadre, nous voyons spécifiquement un rôle pour l’expert en sélection et pour le responsable de la socialisation. 4. Perspective financière : que demandent nos actionnaires ? En dernier lieu, les participants ont indiqué des facteurs de succès qui ont une influence positive sous un angle financier. Cette perspective amène donc à pousser la réflexion encore plus loin : de quelle manière le R&S apporte-t-il une contribution concrète et mesurable aux performances de l’organisation ? Nous examinons ci-après les facteurs de succès que sont l’efficience coût et l’augmentation de la productivité. a. Efficience coût Il ressort des commentaires que nous avons recueillis que les acteurs du monde du recrutement et de la sélection sont très conscients de l’importance de l’aspect ‘coût’. Il existe une demande claire d’un meilleur retour sur investissement. On est pour ainsi dire obligé travailler de manière plus efficiente. Une première étape importante est de partir d’une analyse des coûts qui prenne en compte à la fois les coûts directs et les coûts indirects (cf. supra). Nous allons passer en revue quelques interventions concrètes (enablers) qui ont une influence positive sur l’efficience coût. Les entreprises au sein d’un même secteur se retrouvent bien souvent face aux mêmes pressions, aux mêmes restrictions financières et aux mêmes profils de candidats. Donc, lorsque les organisations essaient d’attirer des talents sur ces marchés compétitifs – où la demande de talents est forte, mais où le nombre de candidats est faible –, le coût par embauche est logiquement entraîné à la hausse : citons l’investissement dans le search, l’organisation d’événements… Toutefois, une présence permanente sur le marché de l’emploi par le biais d’initiatives d’employer 47 branding fait que l’on doit publier moins d’annonces de recrutement et que l’investissement en temps dans la recherche réactive de candidats pour des fonctions critiques est moindre. Une autre tactique pour mieux gérer les coûts consiste à engager des collaborateurs de manière proactive. En effet, engager de manière réactive peut avoir pour conséquence que l’on fait beaucoup moins attention aux coûts, étant donné que l’objectif prioritaire est la rapidité. Lorsqu’une entreprise a besoin d’un collaborateur rapidement, elle doit trouver quelqu’un coûte que coûte : “Ce sont surtout les fonctions critiques qui demandent un gros investissement. Que l’on gère cela en interne ou que l’on fasse appel à un partenaire externe, c’est toujours un coût très élevé, probablement même le plus élevé.” b. Augmentation de la productivité Des études montrent que l’engagement d’un collaborateur non performant constitue un des coûts les plus 78 importants. Mais, comme il s’agit d’un coût à long terme – un coût qui découle de décisions prises antérieurement –, ce coût n’est pas enregistré et on y accorde donc moins d’attention qu’aux coûts directs de première ligne. Cependant, lorsqu’un nouveau collaborateur démissionne ou est licencié au bout de quelques mois, tous les frais directs et indirects de recrutement et de formation doivent être comptabilisés une deuxième fois pour le remplacement de la personne initialement engagée. Lorsque celle-ci ne part pas tout de suite, cela signifie en outre souvent un coût encore plus élevé pour l’entreprise : perte de rendement permanente en raison d’une productivité plus faible, implication 79 et/ou satisfaction moindres,… Dans la pratique, tout le monde n’est pas encore conscient de l’importance de cette vision à long terme : ce qui compte avant tout, c’est de ‘remplir la chaise vide’ le plus rapidement possible. On assure rarement un suivi post-recrutement. Pourtant, nous observons que la prise de conscience gagne du terrain, comme illustré par les propos de ce participant : “On voit constamment le coût permanent que représente un recrutement raté. Il est important d’engager des candidats qui sont en adéquation avec l’entreprise et qui pourront y rester. La rentabilité à long terme est super importante.” Lorsqu’on engage des candidats de qualité qui sont en adéquation avec l’environnement et qui passent avec succès la phase de socialisation, il s’ensuit une satisfaction, une rétention et une productivité plus élevées. A terme, la rentabilité sera donc supérieure aux frais qui ont été investis dans le recrutement et la formation de la personne. En annexe 2, nous indiquons une formule pour calculer le ‘Total Cost of Employership’ (ToCoErs), ce qui permet de rapporter le coût de recrutement d’un collaborateur au coût total de ce collaborateur pour l’employeur. 2.3. Réflexion Dans ce qui précède, no us avons passé en revue les facteurs de succès qui ont été mis en exergue dans nos groupes de discussion. En outre, nous avons mentionné quelles sont, aux yeux de nos participants, les interventions et tactiques qui sont susceptibles d’avoir un impact sur ces facteurs de succès. Au terme de cette analyse, on est amené à se poser les questions suivantes : ai-je une vue complète des coûts directs et indirects qui sont générés par le processus R&S ? Quels sont les facteurs de succès cruciaux qui peuvent être déduits à partir de notre stratégie ? Bien qu’une analyse des coûts donne déjà une vue plus claire du processus R&S, il est essentiel d’examiner le processus sous différents angles 80 afin d’éviter de prendre des décisions à courte vue. Nous exposons encore ci-dessous quelques considérations supplémentaires : 1. Dans les groupes de discussion, nous avons remarqué que l’on n’explicite pas toujours ces facteurs de succès au sein des entreprises et que les facteurs qui sont les plus importants sont fonction du contexte de l’entreprise et de sa culture. Une question qui aide à expliciter les facteurs de succès cruciaux est, d’après ce que nous avons observé, la question de savoir ce que les managers RH et les professionnels R&S internes trouvent essentiel dans la collaboration avec des partenaires externes. Souvent, on remarque que ce que les line managers attendent de 48 leurs experts internes, les acteurs internes l’attendent aussi de leurs partenaires externes et que cela met en lumière ce qui est essentiel pour une entreprise. Et par conséquent, le line management aura les mêmes critiques à propos des RH que les RH à propos d’un partenaire externe. 2. D’autre part, nous voyons que les facteurs de succès pris individuellement ne permettent pas d’avoir une vue d’ensemble. C’est souvent la combinaison des différents facteurs de succès qui donne une vision claire du processus. Dans le cas où on met la priorité sur la rapidité, on est bien souvent moins attentif à l’efficience coût. Lorsque, par exemple pour des fonctions d’un niveau élevé, la qualité est essentielle, la rapidité a moins d’importance. Cependant, la vision d’un recrutement réussi est souvent sous le signe du ‘et-et’ : “On attend du R&S qu’il recherche le meilleur candidat possible dans le délai le plus court possible et pour un coût acceptable”. Mais, nous le voyons, cet idéal est difficile à transposer dans la pratique, parce que généralement il faut faire des compromis : si l’on veut la rapidité, cela peut être préjudiciable à l’efficience coût. Il est difficile aujourd’hui de gérer ces attentes, justement parce que dans la plupart des cas, on ne dispose pas d’un cadre décisionnel et que l’on a de ce fait des attentes irréalistes. 3. Troisièmement, nous observons que certaines pratiques R&S ont un impact sur un ou plusieurs facteurs de succès. Avoir une vue claire des interventions qui ont une influence sur les facteurs de succès importants est ce dont les entreprises ont besoin actuellement. Mais pour cela, on a besoin d’indicateurs pertinents qui permettent d’évaluer l’impact d’interventions spécifiques (voir chapitre 4). Quel est par exemple l’impact des initiatives d’employer branding sur le flux de candidats que l’on parvient à attirer pour des profils d’expert ? Ce qui précède est bien entendu un cadre générique qui peut ensuite être complété (ajout de facteurs de succès supplémentaires) ou adapté (accents différents) en fonction des caractéristiques spécifiques de l’entreprise considérée. Au final, l’objectif d’un tel cadre de référence est d’aider à orienter les décisions d’investissement vis-à-vis des différentes parties prenantes. 3. Tendances Alors que la fonction RH soutient le développement de la ressource la plus onéreuse d’une organisation, à savoir le capital humain, elle doit à chaque fois justifier sa valeur ajoutée. Il s’ensuit que la fonction R&S doit, elle aussi, asseoir sa valeur ajoutée de manière définitive. Dans cette optique, la mise sur pied d’un cadre décisionnel R&S qui va plus loin que les seuls critères d’efficience est essentielle. C’est là une évolution qui gagne du terrain dans la littérature spécialisée et aussi déjà dans la pratique. Nous prévoyons donc que le domaine du R&S continuera à évoluer dans l’avenir et que le cadre décisionnel est appelé à s’élargir. Il y a cependant deux tendances contraires qui freinent cette évolution : la rapidité croissante dans l’environnement R&S et les pressions financières accrues qui pèsent sur le R&S. Tendance 1 : ‘Fast R&S’ – de la quatrième à la cinquième vitesse Une tendance qui apparaît très clairement, c’est le besoin croissant de rapidité. Les organisations compétitives doivent veiller en permanence à ce que les connaissances des individus évoluent en fonction du rythme d’évolution de l’environnement. Pour rester compétitifs, les managers, les collaborateurs et les organisations doivent donc changer plus rapidement, voire de manière permanente. Les professionnels R&S ressentent cette exigence d’adaptation en 81 première ligne. Une tâche importante qui revient au R&S dans ce cadre est la gestion du changement : les professionnels R&S contribuent à façonner la culture de l’entreprise, et l’impact qu’ils ont va bien au-delà des limites de leur fonction. Si la direction générale veut donner une nouvelle orientation stratégique à l’entreprise, le R&S a un rôle important à jouer 82 pour contribuer à réaliser ce changement. 49 Dans la pratique, la rapidité est citée à plusieurs reprises comme un facteur de succès important, ou comme le formule un participant : “Speed is everything”. Cela semble également dépendre de différents facteurs, comme le type d’organisation : dans les entreprises en forte croissance, la rapidité est dans tous les cas un élément essentiel. La taille de l’organisation joue aussi un rôle, comme le souligne ce provider R&S : “Dans les petites organisations, tout doit souvent aller très vite. Elles essaient d’abord de recruter par elles-mêmes, et si elles voient que ça ne marche pas, elles se tournent vers nous. Chez certains, le candidat doit déjà être là le lendemain. Chez d’autres, nous reprenons vraiment ensemble le processus et nous le menons à bien en collaboration.” D’autre part, cela dépend également du type de fonction. Pour les fonctions d’un niveau moins élevé surtout, tout doit aller très vite, et les autres facteurs de succès sont moins pris en compte. Tendance 2 : Une pression toujours croissante sur les coûts Autre tendance qui se manifeste aujourd’hui au sein du R&S : la pression qui s’exerce sur les coûts. Cette focalisation sur les coûts a un impact sur le fonctionnement quotidien des experts R&S. En raison de la crise, les entreprises ont souvent décidé de faire des économies sur le recrutement, avec à la clé une réduction du personnel affecté à cette activité. Le R&S est souvent considéré comme un poste de dépenses, ce qui est à mettre en rapport avec le fait que le R&S et le département RH sont généralement organisés en centre de coût. Cette vision peut parfois être en contradiction flagrante avec l’objectif de rendement à long terme. Dans un centre de coût, on vérifie si toutes les activités restent dans les limites du budget prévu, mais on risque d’être moins attentif à l’output, au résultat. Cela signifie que le manager a pour tâche de contrôler l’efficience de son centre et doit s’efforcer de réaliser le résultat souhaité avec un minimum de moyens. Ces témoignages de managers RH le confirment : “Chaque année, on me demande de réduire les coûts. Nous pouvons regrouper les tâches, mais cette fois, j’ai vraiment besoin d’un recruteur supplémentaire. Donc, je promets le même profit et 15% de coûts en moins. Les RH sont un service de support qui ne génère pas de profit direct.” “Lorsque j’ai commencé il y a quatre ans, mon CEO m’a confié une mission claire : réduire le coût du recrutement & sélection. J’organise le processus selon les objectifs qui m’ont été assignés : maîtrise des coûts du processus, contrôle des frais de personnel et des dépenses d’externalisation.” Bien que l’on n’ait généralement pas dans la pratique une vue claire de l’ensemble des coûts générés par le processus R&S et que l’on ne sache pas bien quel est le rapport précis entre les pratiques R&S et la rentabilité à long terme, on prend des décisions qui ont un impact très important. Mais, comme nous l’avons mentionné, il faut souvent troquer un aspect au profit d’un autre. En mettant la priorité sur l’efficience coût, on s’expose au risque d’avoir une qualité moindre ou d’y perdre sur le plan de l’expertise. En d’autres termes, le choix en faveur de la réduction des coûts est une décision que l’on ne doit pas prendre à la légère. Tendance 3 : De l’analyse des coûts à l’évaluation des risques En raison des mutations constantes de l’environnement, il est de plus en plus important pour le R&S de prendre en compte les risques et les incertitudes dans le cadre décisionnel. En effet, dans les décisions d’embauche, il y a un côté demande et un côté offre. D’une part, il y a le risque de ne pas trouver le talent adéquat, d’autre part, il peut arriver 83 que l’on ne parvienne pas à garder ce talent. En effectuant une analyse des risques, on obtient un inventaire et une classification de ces risques. Cette évaluation permet d’augmenter l’efficacité des décisions. Ensuite, on peut prendre 84 des mesures éventuelles pour parer à ces risques. Parmi les modèles de gestion des risques, on citera celui de Cappelli (cf. tableau 3). Les stratégies qui peuvent minimaliser les risques sont, selon lui, la constitution d’un vivier de talents, le fait de faire prester des heures 50 supplémentaires aux travailleurs ou d’engager plus rapidement de nouveaux collaborateurs. D’autres stratégies qui aident à gérer les risques sont la collaboration avec des partenaires externes pour les missions de R&S ou le recours à des travailleurs temporaires. Selon Cappelli, il n’est pas opportun de tout faire soi-même. Lorsque le service du personnel est confronté à une charge de travail importante, cela peut compromettre la qualité de ses prestations, tandis que dans les périodes de creux, il y aura surcapacité. En optant pour l’externalisation, on peut parer à cette incertitude et aux fluctuations de la demande. Tableau 3 : Décisions de HR sourcing (Cappelli, 2011) Minimalisation des risques Circonstances imprévues Fiabilité : parvient-on à fournir des collaborateurs de talent en temps voulu ? Constitution d’un vivier de talents Direct search, recours à des travailleurs temporaires Réactivité : l’offre est-elle capable de s’adapter rapidement à la demande ? Heures supplémentaires, engager plus rapidement de nouveaux travailleurs Externalisation Dans la pratique, on est conscient de la flexibilité opérationnelle qu’offre le fait de travailler avec des partenaires. On utilise également différentes stratégies, comme le recours à des travailleurs intérimaires : “Lorsque nous passons par notre partenaire intérim, cela nous coûte moins cher que si nous le faisions nous-mêmes. Ils ont les bases de données, et l’intérim vous permet également de tester les gens. Cela diminue donc aussi le risque.” 4. Synthèse Jusqu’à maintenant, le cadre décisionnel du R&S se limite souvent à quelques éléments : coût, temps/rapidité et éventuellement qualité du candidat. Dans ce chapitre, nous nous sommes donné pour but de parvenir à un cadre décisionnel plus large qui puisse aider à fonder les décisions dans le domaine du R&S. La littérature affirme que le R&S en tant que discipline peut continuer à évoluer en s’appropriant des cadres de référence forts. De cette manière, le R&S parlera le même langage que les décideurs au sein de l’entreprise. Un obstacle toutefois pour le R&S actuellement, c’est qu’il ne prend pas en compte dans son analyse la totalité des facteurs importants. Les facteurs de succès ne sont pas toujours explicités. Dans ce contexte, le R&S ne peut pas objecter grand-chose face à sa hiérarchie qui demande ‘plus, plus vite et moins cher’. En outre, nos interlocuteurs ont souligné le rôle de différentes interventions qui peuvent avoir un impact en tant que leviers sur un ou plusieurs facteurs de succès. Une de ces interventions qui a été citée à diverses reprises est l’optimalisation de la structure R&S par le biais de l’externalisation. Cela signifie que l’externalisation (d’une partie) du processus peut apporter une contribution à différents niveaux. Bien entendu, il est important que cette intervention s’inscrive dans un cadre de référence qui a été élaboré à partir d’une stratégie R&S mûrement réfléchie et qu’elle fasse l’objet d’une évaluation régulière. Pour terminer, nous pouvons dire que même si l’on voit fleurir de plus en plus dans la littérature des titres du style ‘Strategic Staffing’, dans la pratique, il y a encore du chemin à parcourir pour arriver à une approche et une vision stratégiques du processus R&S. Nous voyons donc dans un élargissement du cadre décisionnel une opportunité pour les experts R&S. Cela peut en tout cas les aider à asseoir définitivement la valeur ajoutée du R&S. Nous terminons à nouveau en rappelant les trois tendances que nous avons identifiées et les idées-clés qui y sont liées : 51 Tendances De la quatrième à la cinquième vitesse Une pression toujours croissante sur les coûts De l’analyse des coûts à l’évaluation des risques Idées-clés Les organisations sont en constante mutation Le R&S joue le rôle de ‘change manager’ Dans certaines entreprises, la vitesse est le principal facteur Davantage de réductions d’effectifs au sein des équipes R&S Le R&S est souvent organisé en centre de coût L’efficience au premier rang des priorités L’incertitude et les fluctuations de la demande augmentent Faire un inventaire des risques permet d’anticiper L’externalisation comme stratégie de gestion des risques 52 IV. MAKE YOUR CASE 1. Ce que nous apprend la littérature... La mission d’un cycle de recrutement est d’ordinaire la suivante : engager le candidat le plus adéquat au moment opportun et au meilleur prix. Mais, comment peut-on évaluer si cet objectif est bien atteint ? Comment savoir si la méthode que l’on utilise est la plus efficace et la plus efficiente ? Par exemple, serait-ce une bonne décision de diminuer le coût par embauche, ou bien cela aura-t-il une incidence négative sur la qualité des candidats embauchés ? En effet, si le R&S revendique une valeur ajoutée, il doit pouvoir apporter des réponses à des questions difficiles. Les organisations ne sont plus prêtes à introduire n’importe quelle procédure ou technique (par exemple, un nouveau canal de recrutement, de nouveaux tests ou un programme d’orientation), car cela nécessite un investissement en temps et 85 en argent, investissement qui doit donc être justifié. Sans critères de performance objectifs, il est presque impossible de partager une vision à propos de la conception du processus R&S avec toutes les parties prenantes, et encore moins de prendre des décisions d’investissement 86 efficaces. Et, étant donné qu’actuellement, les décideurs bien souvent ne disposent pas d’indicateurs de performance objectifs, ils se focalisent surtout sur des indicateurs tels que le volume des embauches réalisées, le temps nécessaire pour pourvoir les postes vacants ou le coût d’un nouvel engagement. Dans certains cas, ils enregistrent également des 87 données relatives à la rotation de personnel ou à la rétention. Prenons par exemple ce cas décrit dans l’ouvrage ‘HR Scorecard’ : sous la pression du management opérationnel, les managers RH de GTE ont raccourci la durée du cycle de recrutement de 50%, ce qui leur a permis de comprimer les frais de recrutement. Cependant, à la suite de cette décision, la qualité des candidats embauchés à baissé, d’où à terme une pénurie de collaborateurs disposant des compétences de base, une hausse du turnover et une augmentation des frais de formation. Bref, les économies réalisées sur le recrutement ont été en fin de compte réduites à néant. Après l’introduction d’un HR Scorecard, il a été 88 décidé de consacrer davantage de temps au processus R&S de manière à engager des profils plus appropriés. Afin de pouvoir, en tant que professionnel R&S, nouer un dialogue avec la direction générale, il faut disposer d’indicateurs concrets permettant de mesurer les facteurs de succès du processus R&S ; ce sont ces indicateurs que 89 nous allons examiner dans ce chapitre. Pour ce faire, nous partirons à nouveau du HR Balanced Scorecard. En effet, pour se garder de toute erreur d’interprétation, les mesures d’efficience selon le cadre de référence doivent s’inscrire dans un contexte d’impact et d’efficacité à long terme. Nous allons voir plus en détail comment implémenter le Scorecard dans la pratique de manière à permettre une évaluation du processus et d’éventuelles adaptations. Nous examinerons successivement les indicateurs de performance que l’on peut utiliser, les étapes de l’implémentation d’un cadre de référence et enfin, nous verrons comment, à l’aide de ces données, il est possible d’aller encore plus loin. 1.1. Indicateurs de performance Parmi les actions fortes que le R&S peut entreprendre pour démontrer sa valeur ajoutée, il y a le développement d’un système de mesure des performances. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, un Scorecard permet d’assurer le suivi des facteurs clés de succès à partir de quatre perspectives. L’étape suivante consiste à déterminer, pour chaque facteur de succès, un ou plusieurs indicateurs clés de performance (ICP – en anglais : Key Performance Indicators ou KPI). Alors que les facteurs clés de succès (FCS) sont d’une importance cruciale pour implémenter avec succès la stratégie R&S, les ICP sont des méthodes de mesure qui permettent de quantifier ces FCS. Ainsi, on peut mesurer la réalisation des objectifs à intervalles réguliers, justifier les décisions et, le cas échéant, rectifier le tir. La question de savoir comment on mesurera les facteurs de succès permet déjà en soi d’éclairer la signification et la portée des différents FCS. La signification de la notion d’‘excellent service’ et d’’efficience coût’ dépend en effet du 90 contexte de l’entreprise. 53 En outre, il existe différents types d’indicateurs de mesure que l’on peut intégrer dans le cadre de référence. Voyons tout d’abord la distinction entre indicateurs chiffrés et objectifs chiffrés. Les indicateurs chiffrés sont des chiffres absolus qui ont une fonction de signal, par exemple le taux de turnover. Ils demandent cependant toujours une analyse plus poussée, car ils doivent être examinés en liaison avec le contexte de l’entreprise : secteur de l’entreprise, conjoncture… Dès que les indicateurs chiffrés sont associés à un critère précis, ils deviennent des objectifs chiffrés, par exemple ‘turnover de 10% maximum’. Les objectifs chiffrés doivent permettre de tirer des conclusions : sommes-nous performants ou non ? Cela conduit à une formulation affinée des actions que l’on peut mettre en place et ensuite contrôler. D’autre part, un cadre de référence comporte des indicateurs financiers, des indicateurs de type quantitatif, objectifs (hard indicators) et des indicateurs de type qualitatif, subjectifs (soft indicators). Les indicateurs financiers sont uniquement un reflet de ce qui a été fait dans le passé. Ils peuvent évaluer l’impact des décisions prises, mais ils n’aident pas à orienter les décisions actuelles. C’est pourquoi, on a aussi besoin d’indicateurs ‘hard’ et ‘soft’ qui donnent une image de l’état des facteurs clés de succès tout au long du processus et qui mettent donc plutôt l’accent sur l’avenir. Donc, après avoir défini les FCS et les indicateurs de performance à partir de la stratégie, il faut fixer les valeurs des indicateurs individuels vers lesquelles on veut tendre et le délai que l’on se donne pour y parvenir. Il faut aussi se mettre d’accord sur la manière dont les différentes valeurs seront mesurées et rapportées dans la pratique. 1.2. Un pas plus loin… Dans la littérature, les auteurs ne se bornent pas à examiner l’enregistrement et l’interprétation des différents indicateurs. Il existe un domaine d’étude au sein du R&S qui va encore un pas plus loin et qui traduit de manière 91 effective l’utilité des différentes étapes du processus R&S en valeur financière. Dans ce cadre, l’accent est mis surtout 92 sur l’utilité de l’activité de sélection, bien que quelques sources traitent aussi de l’utilité du recrutement. Par souci d’exhaustivité, nous allons examiner ci-après comment les auteurs spécialisés déterminent le rendement de la sélection. L’utilité et le rendement des procédures de sélection ont déjà été largement étudiés depuis les années ’80. Déterminer l’utilité d’une technique de sélection consiste à voir dans quelle mesure l’utilisation de cette technique augmente la qualité des travailleurs sélectionnés par rapport à la situation où l’on n’aurait pas recouru à cet outil. Dans cette optique, l’objectif de la sélection est de maximaliser la valeur ajoutée par personne : une personne embauchée doit rapporter plus qu’elle ne coûte, de préférence beaucoup plus. Pour déterminer cela, on se base généralement sur 93 différentes données ; nous en abordons cinq ci-dessous. 1. Primo, on analyse la rotation de personnel : combien de temps un collaborateur reste-t-il en moyenne dans l’entreprise ? Si de bons collaborateurs partent rapidement, le rendement est bien entendu limité. 2. Secundo, on contrôle le ratio de sélection : sur l’ensemble des personnes qui ont postulé, combien en pourcentage ont finalement été engagées ? 3. Tertio, on se base sur l’écart de performance (ou SDy) pour une fonction donnée. Ce paramètre évalue la différence moyenne de productivité entre travailleurs. Des études à ce sujet montrent que la majeure partie des collaborateurs méritent amplement leur salaire : ils produisent plus qu’ils ne coûtent. Les collaborateurs moyens produisent environ le double de ce qu’ils gagnent. Les travailleurs performants produisent environ 40% du salaire annuel moyen en plus que les travailleurs moyens. Les collaborateurs peu performants, en revanche, produisent environ 40% du salaire annuel moyen en moins que les collaborateurs moyens. En d’autres termes, l’écart entre 94 travailleurs performants et peu performants représente à peu près 80% du salaire annuel moyen. Par exemple quand le salaire annuel est de €35.000, un travailleur moyen produira €70.000, un travailleur performant €84.000, et un travailleur peu performant €56.000. Dans cet exemple, la différence de productivité finale s’élève à €28.000. 54 4. Le quatrième indicateur est le coût de la procédure de sélection. Il faut tenir compte dans ce cadre de la distinction entre coûts directs et coûts indirects (cf. chapitre 3). 5. Enfin, on va examiner la validité prédictive de la procédure de sélection. Le Tableau 4 permet de comprendre ce que l’on entend par là. Ce tableau compare le résultat de la sélection lorsqu’on sélectionne sur la base d’un instrument de validité prédictive 0 d’une part et 0.55 d’autre part. Quand la validité prédictive est de 0, cela revient à sélectionner de manière purement aléatoire, sur un coup de dés. Dans ce cas, il y a autant de chances qu’un bon candidat soit retenu ou refusé. En d’autres termes, cet instrument n’a pas de valeur prédictive. Si, au lieu de s’en remettre au hasard, on utilise une technique de sélection dont la validité prédictive moyenne est de 0.55, ce qui est généralement le cas dans un assessment center, cela change la donne. La probabilité d’engager un candidat offrant une valeur ajoutée suffisante augmente considérablement. Donc, même si la sélection parfaite n’existe pas (= validité prédictive de 1.00), le fait d’utiliser des instruments valides permet d’augmenter de manière significative les 95 chances d’embaucher des candidats adéquats. Validité prédictive = 0 / 0.55 Tableau 4 : Validité prédictive Refus Candidat offrant une valeur ajoutée suffisante Candidat offrant une valeur ajoutée insuffisante Embauche 25 / 11 25 / 39 25 / 39 25 / 11 Lorsqu’on couple ensuite ces données concernant la validité avec les autres données, on obtient une vue claire du retour sur investissement de la sélection. Il existe différents modèles qui examinent ces données en une seule et même formule. Nous exposons ci-dessous, à titre d’illustration, un des modèles qui permettent de calculer l’utilité des 96 techniques de sélection, à savoir le modèle de Brogden-Cronbach-Gleser : ∆U=tNs(r1-r2)SDy/-Ns(c1-c2)/ ∆U correspond à l’écart en terme de valeur ou d’utilité résultant de l’utilisation de la nouvelle technique de sélection ; t est l’ancienneté en nombre d’années du travailleur sélectionné moyen ; Ns est le nombre de candidats sélectionnés sur un an ; r1 est la validité de la nouvelle technique ; r2 est la validité de l’ancienne procédure ; c1 est le coût par candidat avec la nouvelle procédure et c2 est le coût par candidat avec l’ancienne procédure ; SDy représente l’écart de performance pour la fonction considérée, correspond à la hauteur de la distribution normale sur le niveau cut-off du prédicteur, et est le ratio de sélection. Cette formule, si l’on tient des statistiques sur toutes ces données, permet de calculer le gain de productivité qui résulte de l’utilisation d’une procédure de sélection plus valide sur un an. La question que nous traitons dans ce chapitre concerne le contrôle de l’efficience, de l’efficacité et de l’impact à long terme du processus R&S. En se basant sur la littérature, on utilise pour ce faire des modèles complexes et très élaborés, mais au final, ce qui importe, c’est que la mesure des paramètres permette d’améliorer à terme les décisions R&S. Cela nécessite des indicateurs qui s’inscrivent dans un cadre de référence sur mesure, constitué d’indicateurs financiers, d’indicateurs dans la perspective des clients, dans la perspective des processus internes et dans la perspective des collaborateurs. 2. Ce que nous apprend la pratique... On demande de plus en plus explicitement au processus R&S d’apporter de la valeur ajoutée. Mais, comment une organisation peut-elle gérer l’évaluation dans ce domaine ? Quels sont les indicateurs spécifiques qui permettent de voir si les objectifs fixés sont atteints ? Sur la base des facteurs de coût et des facteurs clés de succès du processus R&S, 55 nous identifions dans ce chapitre les ICP que l’on peut utiliser d’après les informations que nous avons recueillies dans nos groupes de discussion. 2.1. L’importance de l’évaluation En ce qui concerne l’importance de l’évaluation en général, nous observons qu’il y a pour ainsi dire deux groupes. D’une part, certaines organisations approchent le processus d’évaluation de manière plutôt intuitive ; il s’agit souvent de petites ou moyennes entreprises. D’autre part, dans beaucoup de grandes entreprises, l’évaluation du processus R&S est un élément crucial qui fait l’objet d’un suivi minutieux. En outre, nous remarquons que la différence d’approche ne dépend pas seulement de la taille de l’organisation, mais aussi de l’importance accordée à la politique RH en général : “Nous faisons rapport deux fois par mois au management à propos du R&S, vu le caractère essentiel de cette activité pour notre core business. Dans l’entreprise, on accorde beaucoup d’importance à la valeur ajoutée des RH. Et puis, cela vaut la peine d’examiner les moyens de fonctionnement des RH, car les RH sont source de qualité. On voit constamment le coût permanent que représente un recrutement raté.“ Par ailleurs, nous observons que l’automatisation est aussi un catalyseur important pour le suivi des ICP. Nous examinons ci-dessous plus en détail les deux groupes d’entreprises : Nous remarquons que le suivi des indicateurs clés de performance est certes jugé important dans la pratique, mais que dans beaucoup d’entreprises, il n’y a pas de reporting formel à ce sujet. Souvent, cela est lié à un sentiment d’urgence : on ne se préoccupe des ICP que lorsqu’il y a un problème. Les PME, de manière générale, procèdent davantage de manière intuitive. Ceci est en outre lié au fait que les petites organisations n’ont généralement pas de système automatisé et qu’il leur est donc plus difficile de tenir à jour toutes les données chiffrées. D’un autre côté, l’attention accordée à l’évaluation du processus R&S semble augmenter : “Les RH s’occupent beaucoup plus activement du suivi du R&S ; ils examinent les choses de manière beaucoup plus factuelle, analysent la rentabilité. Il faut vraiment qu’il y ait un gain.” En revanche, nous observons que beaucoup de grandes entreprises attachent une grande importance au fait de travailler avec des ICP. En outre, dans certains cas, le R&S est jugé formellement sur ces ICP lorsque l’objectif n’est pas atteint. Les informations recueillies sont également utilisées pour mettre sur pied des actions visant à améliorer les résultats. D’autre part, il apparaît que la fréquence du reporting peut varier. Certaines entreprises optent pour une fréquence annuelle parce qu’il y a beaucoup de fluctuations au cours de l’année ; d’autres, par contre, prévoient un compte rendu bimensuel à la direction générale. Généralement, cela se fait de manière assez automatique via le dashboard existant et/ou le dashboard du secrétariat social. En matière d’implémentation et de reporting, nous constatons que dans de nombreux cas, un service level agreement est établi avec le management opérationnel. Par le biais de cet accord, les partenaires R&S internes ou externes s’engagent à respecter certains objectifs, en se basant ou non sur des ICP. Souvent, il s’agit aussi d’objectifs qualitatifs. Ce DRH explique pourquoi il estime positif de travailler avec des ICP : “Nous disposons de plus d’un dashboard. Chaque trimestre, on fait un bilan de l’aspect qualitatif du R&S. Chaque semaine, il y a un ‘hire & fire-update’, on est toujours sur la balle. Mon sentiment, c’est qu’au comité de direction, il n’y a que les chiffres qui comptent. Avec un dashboard, vous pouvez parler d’égal à égal, sinon, vous n’êtes pas toujours pris au sérieux. Les discussions au comité de direction se passent différemment. Avec ces instruments, vous pouvez orienter les décisions.“ Souvent, l’évaluation est une initiative qui est suggérée par la direction. Pour le R&S, c’est une opportunité d’être associé à la discussion là où les décisions se prennent dans l’organisation. Il est essentiel dans ce cadre que le département R&S puisse participer à la définition des indicateurs. Si ce n’est pas le cas, le risque est que l’on ne mesure que les indicateurs qui viennent en premier lieu à l’esprit, à savoir les indicateurs d’efficience directs. 56 2.2. Evaluation du processus R&S Les facteurs clés de succès et les facteurs de coût, dont nous avons parlé au chapitre précédent, peuvent être traduits en indicateurs mesurables. Cela permet de vérifier si les objectifs fixés sont atteints. Nous allons passer en revue cidessous, pour chaque facteur de succès, les différents indicateurs que l’on peut mesurer. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les indicateurs qui assurent la continuité, à savoir l’expertise des experts R&S et leur authenticité. Dans un second temps, nous identifierons les indicateurs du processus R&S par lesquels on veut exceller, à savoir la rapidité, la flexibilité et la qualité des services prestés. Enfin, nous examinerons les paramètres qui rendent compte du résultat du processus : quel est l’impact du R&S sur les différentes parties prenantes et comment pouvons-nous mesurer l’impact financier ? Nous indiquerons, pour chaque facteur de succès, les ICP qui sont utilisés dans la pratique, nous pointerons l’importance de l’évaluation du facteur considéré et nous verrons si le R&S est ou non jugé sur cet indicateur. Le lecteur trouvera en annexe, à la fin de ce rapport, une liste récapitulative de tous les ICP que nous avons notés. 1. Perspective ‘croissance’ : comment les collaborateurs R&S peuvent-ils constamment améliorer leurs performances ? De manière générale, ce qui ressort des commentaires recueillis dans les groupes de discussion et interviews, c’est que le succès dépend en grande partie des professionnels R&S individuels : leurs compétences techniques, leur connaissance de l’entreprise, l’authenticité dont ils font preuve dans leurs contacts avec les candidats… Nous allons examiner si et comment les entreprises peuvent mesurer, et donc gérer, ces aspects. a. Expertise Bien que l’expertise soit clairement pointée comme un facteur de succès, on n’y associe généralement pas d’indicateurs de performance spécifiques dans la pratique. L’expertise des collaborateurs individuels constitue pourtant la base pour le déroulement ultérieur du processus. A l’heure où la fonction R&S continue à évoluer et à s’élargir, le monitoring de ce facteur de succès est appelé à prendre de plus en plus d’importance. L’expertise des collaborateurs R&S est actuellement mesurée surtout sur un plan qualitatif, à l’aide de formulaires d’évaluation à compléter par le management opérationnel. Ainsi, dans quelques entreprises, une fois que la mission est terminée, les managers opérationnels remplissent un formulaire qui mesure entre autres l’apport du département R&S et la manière dont il a accompagné le processus. Certaines questions portent également sur l’expertise des collaborateurs R&S. Cet expert R&S témoigne : “Le management attache beaucoup d’importance au recrutement. Parmi les ICP, il y a la satisfaction au sujet de l’accompagnement fourni par les RH, satisfaction qui est mesurée à l’aide d’un formulaire d’évaluation complété par le line manager. Ce formulaire mesure l’apport des RH, l’accompagnement du processus, le déroulement du processus et l’expertise. La plupart du temps, l’évaluation est positive.” D’autre part, il arrive souvent que les entreprises, justement en raison d’un manque d’expertise dans tel ou tel domaine, se tournent vers des partenaires externes. Cependant, l’évaluation de la valeur ajoutée résultant de cette démarche se fait surtout de manière intuitive. Dans certains cas, la relation d’externalisation est entièrement gérée par un collaborateur R&S de l’entreprise. Celui-ci choisit le partenaire externe en se basant surtout sur ses propres expériences et souvent, il continue à travailler avec ce partenaire aussi longtemps que la collaboration reste positive. Comme nous l’avons mentionné au chapitre 2, il s’agit vraiment d’une relation de confiance où le lien personnel entre le collaborateur R&S interne et le consultant compte beaucoup. Et, vu ce contexte de relation de confiance, il n’y a pas d’évaluation formelle. Ceci implique indirectement qu’on hésite à faire une évaluation basée sur des chiffres concrets, et dans certains cas, cela peut même être considéré comme une rupture de confiance : 57 “Chez nous, les partenaires restent des ‘partenaires’ aussi longtemps qu’il n’y a pas de questions qui surgissent. Nous ne les soumettons pas à une évaluation permanente. Pourquoi ? Parce que la personne qui preste les services joue un rôle important, et parce que le sentiment de confiance mutuelle est important pour nous.” L’utilisation de véritables indicateurs quantitatifs pour mesurer l’expertise des collaborateurs individuels n’est guère répandue sur le terrain. Les ‘formations ciblées’ étant un levier possible pour renforcer cette expertise, on peut par exemple se référer au nombre d’heures de formation suivies par les collaborateurs R&S, mais souvent ce paramètre n’est pas quantifié dans la pratique. En soi, il est pourtant important de se préoccuper de cet aspect : les collaborateurs R&S ont-ils suffisamment d’opportunités d’étendre leur expertise et d’exploiter de manière créative les nouvelles tendances ? Si tel n’est pas le cas, comment pouvons-nous y remédier et pouvons-nous éventuellement faire appel à des partenaires externes pour ce faire ? A fortiori dans un contexte où le contenu des fonctions change constamment, il est important que l’entreprise soit très attentive à ces questions, et ce au plus haut niveau. b. Authenticité Il ressort de nos groupes de discussion qu’‘être authentique’ est quelque chose qui compte beaucoup dans le domaine du R&S. Il apparaît toutefois que l’authenticité est un aspect qui est rarement mesuré. L’authenticité fait parfois l’objet d’un suivi qualitatif au moyen d’un questionnaire qui est envoyé ultérieurement aux personnes qui ont postulé. Ce questionnaire peut se décliner sous la forme d’une série d’ICP qualitatifs : le candidat at-il reçu assez d’informations et d’explications lui permettant de bien cerner l’organisation et la fonction, le déroulement du processus lui a-t-il été expliqué, a-t-il été tenu au courant de l’évolution de son dossier, le recruteur s’est-il montré suffisamment proactif ? On peut également demander au candidat s’il a reçu un feed-back et s’il a jugé ce feed-back suffisamment approfondi. Les entreprises font souvent aussi cette petite enquête auprès des candidats en face-to-face, surtout lorsqu’une partie du processus est externalisée. Elles demandent au candidat comment s’est passé le processus pour eux, quelles informations il a reçues du partenaire externe à propos de la fonction et de l’entreprise…. La décision de continuer ou non avec le partenaire externe dépend en partie de cette évaluation : “Savent-ils bien dans quelle direction nous voulons aller avec l’entreprise et sont-ils en mesure de transmettre ce message aux candidats ?” 2. Perspective ‘processus internes’ : en quoi voulons-nous exceller ? a. Rapidité Dans la pratique, les entreprises mesurent souvent la durée du processus. Selon certains, c’est même le principal indicateur à suivre parce qu’il a un lien direct avec le chiffre d’affaires. Certaines entreprises évaluent ce paramètre de manière très approximative, d’autres ont une approche plus précise : elles ont des informations sur la durée des sélections dans les entreprises de leur secteur, pour des fonctions similaires,… Ainsi, un de nos interlocuteurs indique qu’il est opportun de contrôler le timing de chaque étape du processus. Cela permet ultérieurement de localiser de manière précise les points de blocage. Lorsqu’on enregistre le laps de temps qui s’est écoulé avant la diffusion de l’offre d’emploi, avant de toucher un premier candidat, avant la première interview,… alors on sait exactement où le processus achoppe. Ces données peuvent ensuite être utilisées ultérieurement dans le reporting à la direction générale et si, comme on l’entend souvent, c’est le management opérationnel qui retarde le processus, on peut mettre ce problème sur la table et prendre des mesures pour le résoudre. D’autre part, nous observons que les objectifs chiffrés que l’on utilise pour évaluer le processus sont très différents selon les entreprises. Les unes s’assignent un objectif par type de fonction, par exemple trois semaines pour certaines fonctions d’ouvrier et trois mois pour certaines fonctions d’expert, tandis que d’autres fixent une durée moyenne qui, dans notre groupe de répondants, oscille entre 33 et 100 jours ouvrables. Cet objectif est généralement fixé sur la base de la durée moyenne qui a été enregistrée dans une période antérieure. 58 D’après les témoignages que nous avons recueillis, il apparaît qu’il y a des organisations où la durée du processus est un critère très important dans le jugement porté sur la performance du département R&S. Dans ce cas, on détermine à l’avance une date butoir correspondant à la date de la signature du contrat avec le nouveau collaborateur. Cet indicateur fait l’objet d’un reporting formel. Quelques entreprises indiquent qu’un rapport est généré chaque semaine par le système automatisé, rapport qui est soumis au hiring manager : “Le principal point sur lequel on se met d’accord, c’est que la procédure de recrutement doit être clôturée dans les trois mois (service level agreement). Donc, à partir de la décision du comité de direction jusqu’au choix final du meilleur candidat, on compte trois mois. Toutes les étapes, y compris la phase préparatoire avec le service concerné, doivent être bouclées dans ce laps de temps.“ La plupart des collaborateurs R&S ne sont pas vraiment partisans de cette transparence, mais d’autres voient là un moyen d’insister sur l’importance du timing auprès des managers opérationnels. Lorsqu’il y a recours à un prestataire externe, ce paramètre de la durée d’exécution est aussi, dans certains cas, strictement contrôlé et défini dans un service level agreement : “Lorsque le bureau externe nous présente un candidat, nous voyons celui-ci dans les huit jours. Ceci est également inscrit dans le contrat qu’on a avec le bureau : on doit voir rapidement les candidats et donner rapidement un feedback.” Dans bien des cas, cependant, les choses se passent de manière moins stricte. On suit attentivement la durée du processus mais lorsqu’il y a dépassement de la date limite, on voit cela plutôt comme un signe pour les collaborateurs R&S qu’il faut se concerter avec le management opérationnel pour rechercher des solutions. On est donc dans une optique de responsabilité partagée. Les données enregistrées sont alors utilisées comme input pour voir où se situe exactement le problème : est-il difficile de fixer un rendez-vous avec les candidats, est-ce que les line managers demandent des actions trop tard, est-ce que les candidats se désistent au dernier moment… ? A l’issue de cette analyse, on peut mettre au point des actions ciblées. b. Flexibilité du département R&S Dans le contexte d’incertitude actuel, comment un département R&S peut-il se préparer à d’éventuelles demandes ad hoc et garantir tout de même un processus flexible et efficient ? La plupart des entreprises ne s’autoriseront pas à garder un département R&S en sureffectifs, même si les demandes imprévues sont monnaie courante. Comment maintenir le stress à un niveau minimum, tout en gardant les effectifs du département à un niveau acceptable ? Bien que la littérature traite abondamment de l’évaluation de ces risques, les entreprises sur le terrain n’incluent pas tellement cet aspect dans leurs statistiques. Dans la pratique, l’aspect ‘flexibilité’ ne fait quasiment pas l’objet de prévisions ou d’évaluations. Une seule organisation dit : nous engageons 1 recruteur pour 50 offres d’emploi. D’autres managers RH envisagent plutôt ce facteur de succès de manière intuitive : “Je dois dire que j’ai un peu peur quand je vois le nombre de collaborateurs internes que nous avons dans le service : quand mon équipe va-t-elle être en surcapacité ?” En d’autres termes, nous observons que les entreprises, bien souvent, ne font pas encore de planning prévisionnel et que par conséquent, il est difficile de mesurer et d’évaluer efficacement cette flexibilité opérationnelle. De nombreuses interventions R&S, internes ou externes, s’effectuent en effet sur une base ad hoc. Face à ce problème, la littérature préconise d’assurer un monitoring des facteurs qui sont le plus fortement influencés par des demandes de recrutement imprévues, comme la charge de travail des recruteurs et du back office (exprimée en nombre d’offres d’emploi qu’ils traitent), et le nombre d’embauches prévues qui peuvent être traitées par les recruteurs et les assistants sur une période déterminée. Lorsque des adaptations sont apportées au processus (externalisation ou automatisation), cela devrait entraîner une différence dans le nombre d’offres d’emploi que les 59 collaborateurs R&S sont en mesure de traiter. Ensuite, cela pourra être mis en relation avec la planification stratégique 97 des effectifs. On attend aussi une grande flexibilité de la part des partenaires externes. Répondre de manière flexible à la demande d’un client est un must (cf. les missions de type no cure no pay, la prise en charge de tâches modulaires), et c’est là un élément déterminant pour la poursuite de la collaboration. Pour les collaborateurs R&S internes, les choses sont différentes. Ce facteur ‘flexibilité’ n’est guère contrôlé en interne et ne constitue donc pas un critère pour juger le département R&S, tant que l’on reste dans les limites du budget imparti. Ceci fait que l’on peut difficilement définir quand le processus est flexible et répond aux attentes. C’est ce qui ressort d’ailleurs du témoignage suivant: “Nous avons uniquement un budget annuel. Certes, nous nous engageons auprès des managers opérationnels sur le délai d’exécution de la mission, mais pour le reste, nous ne sommes pas jugés sur d’autres critères. Parfois, c’est vrai, le processus dure un peu plus longtemps que prévu, et à la fin de l’année, nous devons un peu ramer.” c. Qualité des services prestés Ce facteur de succès est lié à trois paramètres : le degré de satisfaction des candidats à propos des prestations (internes/externes), le degré de satisfaction des managers à propos des prestations (internes/ externes), et le degré de satisfaction du département R&S à propos des prestations externes. Nous avons observé que l’importance de ce facteur de succès va croissant. Il existe plusieurs indicateurs qui permettent d’évaluer la qualité des services prestés. D’une part, sur le plan qualitatif, on peut mesurer la satisfaction des clients et l’expérience candidat ; d’autre part, il y a le trouble time qui est un indicateur de type quantitatif. Monitoring de l’expérience candidat : une fois que le cycle de recrutement est terminé, l’organisation peut sonder le nouveau collaborateur par le biais d’un questionnaire ou en face-to-face pour voir comment il a perçu le processus R&S, de la même manière qu’elle peut interroger les postulants sur l’authenticité des collaborateurs R&S individuels. Certaines organisations choisissent de ne mener cette petite enquête de satisfaction qu’après quelques mois. Ce questionnaire peut porter notamment sur les aspects suivants : quels points de blocage ont-ils rencontrés, comment ont-ils fait connaissance avec l’entreprise, quelles sont leurs suggestions pour améliorer le processus R&S, qu’ont-ils pensé du testing ? Outre les candidats finalement engagés, les organisations peuvent aussi interroger les candidats qui n’ont pas été sélectionnés ou qui se sont désistés en cours de route. Ces deux derniers groupes ne sont pas toujours inclus dans l’enquête. Pourtant, ils peuvent fournir des informations précieuses sur le processus, et cela est également positif pour l’image. En termes d’employer branding, cela peut donc avoir son importance. Trouble time : sur un plan plus quantitatif, on peut utiliser un indicateur que l’on appelle le trouble time : combien de temps le candidat doit-il attendre avant de recevoir un feed-back sur le résultat ? Cet aspect est important pour les clients internes ou externes, mais il est aussi crucial pour les candidats. L’idéal est de veiller à ce que ce délai soit court, ou bien, si cela n’est pas possible, de prévoir suffisamment d’occasions d’informer le candidat au sujet du déroulement du processus. Ainsi, un expert R&S s’engage à “prendre contact avec le candidat dans les 2 jours après réception de son CV”. Dans le contexte actuel de guerre des talents, c’est là un indicateur dont il faut certainement tenir compte. Satisfaction des clients : la satisfaction des clients est un paramètre important pour mesurer l’excellence du service. En l’occurrence, il s’agit de la satisfaction des managers opérationnels à propos des collaborateurs R&S internes, ou de la satisfaction des managers opérationnels et des collaborateurs R&S à propos des partenaires externes. La satisfaction des managers opérationnels peut donner des indications sur la qualité des prestations des collaborateurs R&S, que l’on ait opté pour l’internalisation ou l’externalisation. Une option indiquée par certains répondants consiste à envoyer quelqu’un du management opérationnel à chaque assessment externe pour que la personne puisse voir comment se passe effectivement le processus. D’autre part, il y a aussi la possibilité 60 d’interroger les partenaires externes sur leur satisfaction à propos de leur partenaire au sein de l’entreprise. En effet, un bon briefing des partenaires externes est indispensable pour parvenir à trouver des candidats de qualité. Sachant qu’il existe une forte corrélation entre l’attitude des travailleurs et l’attitude des clients, l’excellence du service 98 des collaborateurs R&S est un aspect crucial. C’est en effet à travers eux que les candidats ont leur premier contact avec l’entreprise, et pour cette raison, le monitoring de l’expérience candidat peut s’avérer très utile. Dans la plupart des cas, cependant, cet aspect ne fait pas l’objet d’un reporting formel et n’est pas utilisé comme critère d’évaluation du R&S. C’est plutôt un indicateur interne. Il en va souvent autrement pour les partenaires externes. 3. Perspective client : quel est le résultat pour nos clients ? a. Quantité La réussite du processus R&S dépend en grande partie de la capacité à fournir le nombre de candidats demandés et à pourvoir les postes vacants. Ceci est parfois problématique, surtout dans les entreprises qui ont des fonctions critiques, et le pourcentage de postes pourvus est un paramètre important. Outre le pourcentage de postes pourvus, le nombre de candidats qui postulent pour le poste à pourvoir est également révélateur du succès de l’activité de recrutement. C’est la raison pour laquelle sont associés à ce facteur de succès des indicateurs qui mesurent le succès des différents canaux de recrutement et des indicateurs liés à l’employer branding. D’autre part, on peut aussi mesurer le nombre de candidats retenus par activité de sélection. Taux de réussite des canaux de recrutement : bien que quelques entreprises enregistrent de manière très précise le nombre de réponses obtenues par canal, nous remarquons que ce paramètre n’est pas mesuré systématiquement à chaque fois. L’avantage de cet enregistrement, c’est que l’on peut calculer le nombre de candidats adéquats trouvés par activité de sélection, ainsi que les coûts correspondants. Sur la base des informations ainsi obtenues, on peut envisager d’utiliser d’autres canaux de recrutement. Lorsqu’on travaille avec des partenaires externes, on peut aussi leur demander de noter par le biais de quel canal les différents candidats ont pris contact. Là aussi, il est très important d’identifier clairement, pour chaque indicateur, les actions à mettre en œuvre en fonction des signaux donnés. Par exemple, lorsqu’on enregistre le nombre de clics générés par une annonce en ligne, un faible nombre de clics peut être le signe d’un poste peu intéressant ou d’une marque employeur peu attractive. Et, tant que l’on n’est pas en mesure d’interpréter le résultat de manière claire, il est difficile de mettre au point des interventions pertinentes. Activité de sélection : d’autre part, on peut collecter des statistiques par phase : le nombre de candidats qui participent aux interviews, le nombre de candidats retenus à l’issue du screening, le nombre de candidats qui participent à la dernière interview, et finalement, le nombre d’embauches réalisées. Si l’on rapporte cela au nombre de postulants et au nombre de candidats qui ont été testés, cela donne une indication sur l’effet filtrant de ces techniques. Cela aide également à identifier dans le processus certains points critiques qui ont des répercussions positives ou négatives sur le nombre d’embauches : dans quelle phase y a-t-il beaucoup de désistements et d’où cela vient-il ? En revanche, ce n’est pas un indicateur du degré d’efficacité de la sélection réalisée. Monitoring de l’image de marque employeur : certaines entreprises ont des indicateurs pour le nombre de candidatures spontanées. Ceci donne une indication sur le degré de notoriété de l’entreprise (est-elle top of mind ?). L’attractivité de la marque employeur peut aussi être mesurée par un brand monitor ou par des labels existants qui fournissent une indication qualitative sur la force et la visibilité d’une marque employeur. Monitoring de la ‘stratégie talents’ : ici, il s’agit d’analyser dans quelle mesure on implique tous les canaux d’input possibles, ou dans quelle mesure on part d’une réflexion en termes de talents. Par exemple, on peut calculer le 61 pourcentage de postes qui sont pourvus par le biais de la planification des successions (succession planning) ou le nombre de candidats qui sont dans le pipeline. D’autre part, il est assurément indispensable de voir si tous les candidats bénéficient de chances égales dans le cadre des activités de recrutement et de sélection. On peut par exemple mesurer le degré de diversité du pool de candidats et le pourcentage de personnes issues de minorités qui ont finalement été engagées. C’est souvent une question complexe, qui est connue dans la littérature sous le nom 99 d’adverse impact : ne pratiquons-nous pas de discriminations à l’encontre de minorités au sein de l’organisation ? Ainsi, un manager RH explique que dans son entreprise, on collecte des statistiques sur l’égalité des chances entre hommes et femmes dans le processus R&S et que cela constitue un ICP officiel. Cependant, de manière générale, nous observons que le monitoring dans ce domaine est limité. Le nombre de candidats ‘fournis’ est, dans de nombreux cas, un paramètre qui est du ressort du département R&S, et certains sont donc jugés sur le pourcentage de postes pourvus. Une bonne option consiste alors à examiner les taux de réussite par canal ou les taux de désistement par activité de sélection pour voir où se situent précisément les problèmes. Dans d’autres cas, on voit cela comme une responsabilité partagée. Parfois, il se fait que les managers opérationnels ont davantage de contacts et qu’ils peuvent trouver des candidats adéquats via leur réseau. Lorsqu’on travaille avec des partenaires externes, la ‘fourniture’ de candidats est souvent la mission première, et c’est donc un critère important pour évaluer les performances de ces partenaires. b. Qualité Dans la pratique, on trouve important de contrôler la qualité de la décision de sélection finale, mais on indique que ce contrôle qualité n’est pas effectué suffisamment souvent, et ce notamment parce que le suivi est difficile en raison de l’écart temporel entre la décision et le moment où la mesure est susceptible d’être effectuée. Dans les premières phases du processus R&S, des scores tests donnent une indication sur la qualité du recrutement. Par la suite, on peut mettre ces scores en relation avec différents résultats pour voir si la prédiction était plus ou moins exacte. Il y a différentes manières de mesurer la qualité : collecter des statistiques concernant la rotation de personnel, vérifier si la période d’essai est ou non fructueuse, et sur le plan qualitatif, effectuer des entretiens de départ. Dans certains cas aussi, on se fie à son intuition. Nous allons maintenant examiner plus en détail les différents indicateurs. La qualité de la prédiction effectuée dans le cadre de la sélection peut être mesurée tout d’abord en étudiant la rotation de personnel dans un délai déterminé, ou, inversement, en se basant sur le taux de rétention. Dans ce cadre, il est important de définir très précisément le chiffre que l’on veut atteindre. On peut par exemple établir un objectif chiffré sur la base d’une étude comparative (benchmarking). En outre, la littérature conseille de faire la distinction entre la rotation de travailleurs moyens à bons et la rotation de travailleurs peu performants. Dans cette optique, la rotation peut être un avantage, si le remplaçant génère à terme plus de profit que celui qu’il remplace. D’autre part, quelques entreprises tiennent compte du nombre de mutations, parce que, à côté du taux de sortie, ce paramètre donne aussi une indication sur la compatibilité qui a été initialement diagnostiquée entre le candidattravailleur et le poste. Voir si une personne a obtenu ou non un certificat de formation donne parfois une indication sur la question de savoir si cette personne était effectivement en mesure de mener la formation à bien. Enfin, un participant aux groupes de discussion indique que les fautes professionnelles peuvent aussi être un paramètre. Lorsqu’un collaborateur quitte l’organisation, on peut l’interroger sur la raison précise de son départ lors d’un ‘entretien de départ’. D’autre part, un participant signale que des stay interviews sont organisées dans son entreprise. Il s’agit d’entretiens qui permettent, en cas d’augmentation du turnover, de voir pourquoi certaines personnes partent et pourquoi d’autres restent. Cette professionnelle du R&S pointe l’importance des entretiens de départ au sein de son entreprise : “Nous avons un problème de rétention au cours de la première année. Nous pensons que cela vient de l’absence d’un programme d’acquisition de compétences, mais nous espérons pouvoir améliorer cela. C’est pourquoi, nous 62 avons l’intention de faire de ce paramètre un ICP et d’assurer un suivi pour voir si l’engagement du candidat a été ou non une réussite.” Un autre indicateur que l’on utilise pour vérifier la qualité d’un nouveau collaborateur est l’évaluation des performances après un certain laps de temps. Les normes de qualité peuvent être fixées au début du processus R&S par les experts R&S et les managers opérationnels. Rotation, informations qualitatives recueillies lors d’entretiens ou d’enquêtes de départ, scores d’évaluation : ce sont là des indicateurs qui font souvent l’objet d’un reporting formel. L’avantage, c’est que, si la décision d’embauche ne donne pas toujours de bons résultats, on peut coupler des actions à ces indicateurs. Ainsi, cela peut conduire à réviser le profil recherché ou à adapter les techniques de sélection utilisées pour jauger le potentiel des candidats. En outre, nous observons que dans certaines entreprises, le R&S est jugé sur la qualité des candidats, tandis que dans d’autres, on est d’avis que la responsabilité en la matière est partagée. Un aspect important dont on tient compte dans ce cadre est le moment où le travailleur quitte l’organisation. On estime souvent que plus le départ intervient tôt, plus l’organisation peut incriminer des dysfonctionnements dans le processus de sélection, d’orientation et de socialisation. Ceci est confirmé par les propos de cet expert R&S : “Nous regardons si les gens partent au cours de leur période d’essai. Si c’est le cas, alors nous sommes responsables de cet engagement raté.” Lorsqu’on travaille avec des partenaires externes, la qualité des candidats engagés est un critère essentiel dans l’évaluation de leurs prestations. Pour les organisations, une qualité insuffisante peut être un signe que le partenaire externe n’a pas bien compris quel profil il fallait pour le poste à pourvoir. Ainsi, ce professionnel R&S souligne : “Le choix en faveur de tel ou tel partenaire dépend vraiment de la qualité des candidats qu’ils proposent. Si la qualité est bonne, nous revenons chez ce partenaire. S’il y a de temps en temps un candidat qui ne convient pas, alors l’affaire est entendue.” 4. Perspective financière : que demandent nos actionnaires ? a. Efficience coût A côté de la durée du recrutement, le coût par recrutement est aussi un indicateur qui est très largement utilisé. Et, comme c’est un des seuls indicateurs financiers, il a également du succès auprès de la direction générale. C’est une information directe, un indicateur facile à comprendre, à présenter, à surveiller et qui permet de rendre compte de tendances. Il permet aussi de voir où il y a des possibilités de tailler dans les coûts. Etant donné qu’il est difficile d’analyser les coûts indirects, que les canaux de recrutement utilisés se sont multipliés et sont parfois aussi davantage inclus dans le budget marketing,… calculer le coût exact du processus de recrutement n’est pas chose aisée. Comme nous l’avons déjà souligné, on tient surtout compte dans ce cadre des coûts d’acquisition directs. Souvent, on additionne le coût du canal de recrutement, le coût du testing et le coût éventuel des prestations externes, et cela donne le coût par recrutement, comme dans cet exemple : “Nous comptons 5.500 à 6.000 euros pour un recrutement de nouveaux collaborateurs. Dans ce calcul, nous prenons en compte les frais de diffusion de l’annonce, l’éventuelle mission de search et les activités de sélection, mais pas le coût salarial du recruteur.” De nombreuses organisations n’ont donc pas une vue complète du coût par recrutement. En outre, il peut être utile, dans le cadre du calcul des coûts, de surveiller un certain nombre d’indicateurs par phase. Certaines entreprises calculent le montant des dépenses par canal de recrutement, la somme affectée aux tests,... Ainsi, on peut également 63 réfléchir, en ce qui concerne la phase d’orientation, pour voir quels investissements doivent être réalisés et quand. Combien de temps un travailleur doit-il rester pour justifier l’investissement ? Ceci peut-il être optimalisé en réduisant certains investissements au cours des premiers mois et en reportant ceux-ci à une période ultérieure ? D’autre part, on peut enregistrer le coût par recrutement selon le type de fonction. Généralement, un recrutement pour une fonction de top management coûte plus cher. C’est pourquoi une moyenne générale sera moins significative qu’une moyenne par type de fonction. En outre, les normes sur lesquelles reposent les objectifs chiffrés seront différentes. Quant à savoir si le département R&S est jugé sur les coûts, cela dépend souvent de la stratégie de l’entreprise et de la structure des coûts du département. Il est clair que la direction générale suit de près les indicateurs de coûts. Certaines entreprises, comme nous l’avons mentionné, mettent la priorité sur la réduction des coûts. Par exemple, on réduit le coût par recrutement en diminuant le nombre d’activités de sélection, avec le risque de répercussions négatives sur la validité de la procédure, et partant sur la qualité du personnel. Dans le choix de providers R&S externes, l’efficience coût est aussi un paramètre important. A ce propos, les organisations signalent que les partenaires n’offrent pas tous la même transparence en matière de coûts. Lorsque le provider explique de manière claire sur quoi repose le prix demandé, le client sera plus vite enclin à accepter ce prix. En d’autres termes, les partenaires externes manquent parfois aussi d’indicateurs clairs qui permettent de mieux cerner les facteurs de coût directs et indirects au sein du processus. Lorsque leur prix est supérieur au prix du marché, ils doivent expliquer clairement pourquoi et montrer quelle est leur valeur ajoutée. b. Augmentation de la productivité Un processus R&S efficace peut à terme entraîner une amélioration des performances de l’organisation. En d’autres termes, l’augmentation de la productivité constitue bien souvent aussi pour le R&S un deliverable (i.e. un résultat à atteindre) qui influe directement sur les performances de l’organisation. Ce facteur résulte généralement de la qualité des collaborateurs. On peut ainsi également examiner les scores d’évaluation et les chances de maintien dans l’entreprise après l’entrée en fonction, comme décrit plus haut. La mesure de la satisfaction au travail peut aussi contribuer à évaluer les performances des collaborateurs. Ce lien entre 100 satisfaction au travail et performances a été étudié et démontré dans de nombreuses études. Dans la littérature, on 101 décrit également parmi les indicateurs le ROIP ou return on improved performance. Ce terme englobe l’idée d’un investissement optimal et de la valeur d’une amélioration des performances. Mais, comme le ROIP repose sur des modèles complexes, c’est un paramètre difficile à surveiller dans la pratique. Vu la difficulté de l’exercice, l’existence ou l’absence d’une augmentation des performances n’est pas utilisée comme critère d’évaluation du R&S. 2.3. Comment les ICP influencent-ils les décisions R&S ? Les décisions relatives au capital humain sont cruciales pour le succès stratégique des organisations. Lorsque des professionnels R&S sont chargés par leur direction générale de réduire le coût par recrutement de 10%, il est essentiel qu’ils puissent constituer un argumentaire bien étayé pour confirmer ou au contraire infirmer le bien-fondé de cette directive. Le fait d’enregistrer certains indicateurs dans le processus R&S et de les interpréter en se basant sur un cadre 102 de référence bien structuré peut les aider dans cette tâche. Nous avons vu dans ce qui précède que certaines entreprises font du reporting sur des critères financiers et non financiers, mais que cela n’est généralement pas intégré dans un système de mesure global. Pourtant, un avantage important d’un cadre décisionnel est que l’on n’interprète pas les indicateurs chiffrés et les objectifs chiffrés indépendamment les uns des autres. Tous les indicateurs du système sont envisagés conjointement, ce qui permet de voir clairement les relations qu’ils entretiennent entre eux. Comme nous l’avons vu, il faut souvent faire des 64 compromis. Lorsqu’on met davantage l’accent sur l’efficience coût, la qualité risque de baisser. Ainsi, certaines entreprises optent délibérément pour une meilleure qualité, si nécessaire au détriment du prix: “Un chasseur de têtes coûte cher, mais si le recrutement est réussi, cela n’a pas d’importance. Surtout quand il s’agit d’une fonction critique, l’aspect coût n’entre plus en ligne de compte.” D’autre part, il est important, au moment de définir les indicateurs, de prendre en considération certains éléments, comme par exemple : quels sont les critères que nous allons utiliser, que pouvons-nous déduire de la durée moyenne du recrutement, quels coûts prenons-nous en compte dans le calcul du coût par recrutement ? Les organisations se basent souvent pour les indicateurs sur des moyennes, mais souvent aussi, les moyennes masquent des disparités. Comme nous l’avons dit, il peut être utile de différencier les indicateurs par type de fonction et par phase. Ces données 103 segmentées permettent de faire une interprétation plus fine. Enfin, chacun de ces indicateurs peut être défini sur mesure en fonction des besoins spécifiques. Le piège dans lequel on tombe parfois, c’est que l’on enregistre trop d’indicateurs et que l’on ne se concentre pas sur ceux qui font vraiment 104 la différence. On dit souvent qu’un bon système de mesure ne comporte pas plus de 25 indicateurs. Finalement, l’objectif d’un système de mesure est d’améliorer les décisions pour l’avenir. Pour ce faire, il est indispensable de pouvoir interpréter les indicateurs de manière correcte et de pouvoir y associer des actions adéquates. 2.4. Les ICP en cas de recours à des partenaires externes Nous observons que, comme la relation entre experts R&S internes et externes est souvent une relation de confiance, les ICP ne sont pas toujours formulés de manière explicite. Les collaborateurs R&S n’explicitent pas suffisamment les ICP sur lesquels ils doivent rendre des comptes et ils ne les traduisent pas non plus en indicateurs SMART à l’attention des providers. Par conséquent, on constate souvent que les attentes, dès le départ, ne sont pas assez claires, de sorte qu’il est plus difficile d’obtenir un ROI maximal. D’un autre côté, il est certain que le client attend du partenaire externe qu’il respecte des règles implicites strictes. Pour objectiver ces attentes, il est souvent plus facile pour les deux parties de se mettre clairement d’accord au préalable sur les performances que le provider est censé fournir et sur la manière dont ces performances seront contrôlées. Ainsi, on peut définir des ICP qui permettront de mesurer l’efficacité de la relation dans le cadre d’un SLA. D’autre part, les providers externes peuvent aussi enregistrer eux-mêmes des ICP et présenter ceux-ci au client. Les clients apprécient la transparence et ont moins le sentiment qu’ils perdent le contrôle du processus ou que les coûts augmentent de manière injustifiée. En d’autres termes, la tendance à l’externalisation renforce le besoin de disposer 105 d’indicateurs R&S. 3. Tendances Cela est dit clairement dans la littérature : le R&S est une science de la décision où les décisions doivent être abordées de manière scientifique. Ceci s’inscrit dans la lignée de l’évolution générale qui va dans le sens de l’Evidence-Based Management, c’est-à-dire d’une gestion davantage fondée sur des données probantes. Car, comme nous l’avons vu dans ce chapitre, il est essentiel d’étayer les décisions en se fondant sur des donnés quantitatives et qualitatives dont on assure l’enregistrement et le suivi. Pour réaliser ce passage à une approche plus scientifique dans la pratique, un cadre décisionnel peut aider à interpréter correctement les données et à faire des prévisions mûrement réfléchies. Enfin, on peut utiliser le cadre décisionnel pour instruire d’autres acteurs afin de mettre en place un modèle mental partagé. Nous examinons successivement ci-après deux tendances que nous observons aujourd’hui : ‘Shift towards R&S as Decision Science’, et ‘De convaincre à instruire’. 65 Tendance 1 : Shift towards R&S as Decision Science Comme on ne dispose généralement pas dans la pratique de cadres décisionnels complets, les chefs d’entreprise, souvent, prennent uniquement en compte le coût des initiatives R&S, ou bien ils sont confrontés à des chiffres comme les coefficients de validité, sans disposer du contexte qui leur permet d’exploiter directement ces informations. Un système de mesure bien pensé offre deux avantages. Primo, il permet de prendre de meilleures décisions étant donné que l’on met la priorité sur les éléments qui créent de la valeur pour l’organisation. Secundo, il fournit une justification valide et systématique pour l’attribution de budgets au département R&S. Sinon, il est difficile de réclamer tel ou tel budget, tant que l’on ne montre pas clairement comment cette somme contribue au succès de l’organisation. Dans la littérature, on parle de plus en plus du R&S comme une science de la décision où les professionnels R&S de demain opéreront en dehors de la fonction R&S traditionnelle et en dehors des frontières de l’organisation. Pour cela, ils doivent combiner une expertise en marketing avec des compétences en supply chain management, couplées à des bases solides dans le domaine comptable et financier. Le tableau ci-dessous (cf. tableau 5) donne une image du R&S sous l’angle de ce nouveau paradigme. La priorité s’oriente désormais vers des décisions durables qui vont plus loin que les seuls résultats financiers. Cette évolution va petit à petit faire son chemin auprès des professionnels de terrain, comme le montrent les témoignages suivants : “Le R&S est en pleine mutation. Il n’a déjà plus le même visage qu’il y a seulement deux ans d’ici. Avant, quand vous parliez de valeurs, vous étiez considéré comme ‘soft’. Aujourd’hui, si vous mettez ce sujet sur la table, vous faites très bonne impression.” “Dans l’entreprise, nous avions beaucoup de profils techniques qui avaient le statut d’ouvrier. Nous avons alors pris la décision de tous les faire passer sous le statut d’employé. Cela coûte de l’argent sur le moment, mais à long terme, cela donne un énorme avantage compétitif. Parfois, il faut savoir oser”. Tableau 5 : Le R&S sous l’angle du ‘Talentship’ (Management des talents) (Boudreau, 2003) Modèle traditionnel : financier 106 Modèle émergent : durabilité Modèle émergent : Prenons-nous en matière de talents Prenons-nous en matière de talents décisions axées sur d’excellentes décisions qui sont d’excellentes décisions qui sont cruciales les talents cruciales pour nos résultats financiers ? pour un succès stratégique durable ? Modèle traditionnel : ‘HR service excellence’ Notre politique et nos pratiques RH sont-elles efficientes, et génèrent-elles des ROI acceptables ? Notre politique et nos pratiques RH sontelles cohérentes et compatibles avec des relations d’emploi durables ? Tendance 2 : De convaincre à instruire On considère traditionnellement le R&S, et les RH en général, sous l’angle de leur habileté à convaincre les parties prenantes de l’importance de certaines actions, de manière à ce que du temps, de l’argent et des capacités soient libérés pour mener celles-ci à bien. Pour les personnes sans formation RH préalable, la valeur des RH reste en effet parfois abstraite. Ce manager RH nous donne un exemple tiré de son expérience : “Il y a de la concurrence entre les entreprises de notre secteur, nous pêchons toutes dans le même vivier. Nous avons fait le choix de recruter des bio-ingénieurs plutôt que des ingénieurs civils, car ceux-ci ne sont pas disponibles sur le marché. Il a été difficile de convaincre la direction générale du bien-fondé de cette orientation, mais c’était une bonne décision, et nos concurrents ont d’ailleurs fini par nous suivre.” 66 Dans l’avenir, un cadre décisionnel cohérent pourra permettre d’instruire les autres parties au sujet des décisions à 107 prendre. Ainsi, on pourra mettre en place un modèle mental partagé. Etant donné que les chefs d’entreprise se basent souvent sur des cadres et des outils logiques provenant d’autres disciplines, l’instauration d’un cadre de référence commun permettra aux différents acteurs de parler le même langage. Comme nous l’avons noté, il n’est pas rare que les supérieurs hiérarchiques des responsables R&S aient des exigences importantes (des talents de grande qualité, dans un délai court et pour un bon prix). En se fondant sur un cadre de référence et sur les indicateurs de mesure y afférents, on peut développer des arguments pour démontrer pourquoi ces attentes sont réalistes ou irréalistes. 4. Synthèse Pour prendre des décisions financières, l’entreprise dispose d’une analyse de solvabilité, d’une analyse des liquidités,… Pour les décisions dans le domaine du R&S, dans bien des cas, on n’utilise pas d’indicateurs concrets, et on se fie à son intuition. Cela ouvre la porte à toute une série d’erreurs ou biais cognitifs. Dans la littérature, pourtant, les auteurs académiques décrivent de nombreux modèles avancés qui calculent spécifiquement le retour sur investissement d’une activité de recrutement ou de sélection donnée. On peut dire que sur le terrain, actuellement, certains praticiens ne se sentent pas concernés par ces outils. C’est un point où il y a une grande divergence entre la théorie et la pratique, ce qui constitue d’ailleurs un défi pour les deux parties. Ces modèles théoriques sont généralement trop complexes et trop abstraits. On a grand besoin d’outils qui aident à concrétiser la valeur du R&S, mais ceux-ci ne sont pour l’instant pas suffisamment accessibles. En ce qui concerne l’évaluation du R&S, nous voyons donc que la pratique court un peu après la théorie. La pratique R&S n’a pas encore complètement intégré les avancées théoriques, non seulement en ce qui concerne le nombre d’indicateurs, mais aussi en ce qui concerne leur segmentation, les relations que les ICP entretiennent entre eux et les actions associées aux différents indicateurs. Un véritable suivi permettant d’apporter des améliorations au processus reste actuellement souvent implicite. Mais, pour parler le même langage, il est essentiel que les facteurs clés de succès et les indicateurs d’évaluation correspondants soient explicités selon la formule SMART à l’attention de tous les acteurs impliqués dans le processus, y compris donc les partenaires externes. Voici les tendances que nous avons identifiées, ainsi que les idées-clés qui en découlent : Tendances Shift towards R&S as Decision Science De convaincre à instruire Idées-clés Lutter contre les erreurs cognitives Un changement de culture se fait progressivement jour dans la pratique Mise en place d’un système de prise de décision Classiquement, la force de persuasion fait pencher la balance Comment enseigner la valeur du R&S aux autres acteurs Instruire par le biais d’un modèle mental partagé 67 CONCLUSION Dans cette conclusion, nous souhaitons, sur la base des réponses que nous avons apportées aux questions de notre étude, revenir sur quelques questions qui préoccupent les professionnels de terrain : quels sont les défis importants pour le R&S, qu’est-ce qui fait que le R&S est une réussite et quelle est l’influence du choix en faveur de l’internalisation ou de l’externalisation ? Nous nous référons à la relation entre la théorie et la pratique, puis nous terminons par un message aux professionnels R&S. 1. Vision du Recrutement & Sélection Tout au long de ce rapport, nous avons décrit plusieurs tendances et défis que nous avons identifiés à partir des entretiens que nous avons eus avec des professionnels R&S. Un défi important qui est à la base de l’exécution et de l’évaluation du processus R&S et qui a des répercussions importantes sur cette exécution et cette évaluation, c’est la différence de vision que l’on peut observer dans les entreprises. Alors que dans certaines entreprises, le modèle mental qui prévaut est que le R&S est avant tout un poste de dépenses, une ‘usine d’approvisionnement’ qui doit tourner de la manière la plus efficiente et la plus rapide possible, d’autres entreprises se placent plutôt dans une vision à long terme qui met l’accent sur la qualité des candidats. Cette dernière vision est celle qui s’inscrit le mieux dans la nouvelle conception de la concurrence où l’obtention d’un avantage compétitif découle de la capacité de se doter du ‘capital humain’ adéquat. Cela signifie que, plus le R&S obtient une position stratégique au sein des organisations, plus il est considéré comme un investissement. En outre, ces deux visions ne sont pas antagonistes. La perspective ‘investissement’ élargit la perspective ‘coût’ car, à côté des critères d’efficience, elle prend en compte l’efficacité et l’impact du processus. Mais, si l’on n’est pas en mesure de démontrer pourquoi on engage certains frais, par exemple pour tester un nouveau canal de recrutement, cette décision peut conduire à des dépenses inconsidérées. Et lorsqu’on fait des dépenses qui ne sont pas mûrement réfléchies, on n’a pas de garantie de création de valeur à terme. Pour déterminer s’il y a effectivement création de valeur, on peut décider de mesurer et d’évaluer le processus R&S et ses résultats. Un défi dans ce cadre consiste à concevoir un cadre décisionnel pertinent et sur mesure. Lorsqu’on élabore un business case pour le R&S, c’est-à-dire un argumentaire qui instaure un langage commun et un modèle mental partagé entre les collaborateurs R&S, le manager RH et la direction générale, on peut instruire les autres acteurs à propos des investissements qui sont nécessaires et favorables pour l’organisation à long terme. 2. Les facteurs clés de succès et le lien avec l’internalisation ou l’externalisation Le cadre décisionnel du R&S est souvent encore trop limité. La direction générale demande un processus rapide et flexible pour un bon prix, ce qui amène à prendre des décisions qui sont basées sur ces seuls critères. Une bonne vision d’ensemble de tous les facteurs qui déterminent le succès du processus à court et à long terme permet de prendre des décisions plus fondées. Au-delà de l’objectif de pourvoir un poste vacant, il est en effet important d’engager des candidats de qualité qui apporteront une valeur ajoutée pour l’organisation à long terme. On est aussi de plus en plus attentif à la qualité des services fournis, avec les répercussions positives que cela peut avoir sur la marque employeur. En outre, il ne faut pas oublier que les professionnels R&S individuels sont à la base de tout ce processus. Veille-t-on suffisamment à leur offrir des possibilités de développement de manière à ce qu’ils puissent exploiter les nouvelles tendances qui apparaissent dans leur domaine d’activité ? Mais, bien que le processus englobe une multitude d’activités, on remarque généralement que le nombre de personnes qui sont impliquées dans les missions R&S est assez limité. C’est aussi pour cette raison que la décision du make-or-buy 68 est une question qui préoccupe les acteurs de terrain. Et, comme nous l’avons vu, ce qui joue surtout dans ce choix entre ‘faire soi-même’ et ‘faire faire’, c’est la culture d’entreprise et l’expérience que l’organisation a en matière d’externalisation. Ce qui, pour une organisation, est un facteur qui incite à externaliser, par exemple l’efficience, est justement, pour une autre, un facteur qui incite à maintenir le processus en interne. Cela implique que c’est là une décision très importante qui a une influence déterminante sur le succès du processus, mais qui peut être interprétée de différentes manières. En fonction des caractéristiques et des besoins d’une organisation, l’externalisation du R&S peut assurément être un instrument utile pour contribuer à pérenniser la valeur du département R&S au sein de l’organisation. Tableau 2 : Facteurs incitant à internaliser ou à externaliser le processus R&S Internalisation Authenticité Efficience Expertise Coût Contrôle sur le processus Fonctions critiques Positionnement stratégique Investissement Coût Expertise Flexibilité opérationnelle et financière Focus sur les activités clés Efficience Visibilité Rapidité Fonctions critiques Externalisation Finalement, quelle est la corrélation entre le choix d’internaliser ou d’externaliser le processus R&S et la vision que l’on a du R&S ? Ce qui frappe, c’est que le fait d’opter pour l’approche ‘coût’ ou pour l’approche ‘investissement’ n’a pas tellement d’influence sur le degré d’externalisation, mais que cela a, en revanche, un impact sur la relation d’externalisation et sur l’ampleur de l’externalisation. Les entreprises qui envisagent le R&S en interne dans une perspective ‘coût’ adoptent souvent aussi cette perspective vis-à-vis de leurs partenaires externes. Dans cette vision, on opte plutôt pour l’externalisation de tâches ponctuelles dans le cadre d’un arrangement contractuel, et on applique les mêmes critères d’efficience pour les collaborateurs R&S internes et externes. Une approche axée sur l’aspect investissement débouchera plus souvent sur un partenariat de longue durée permettant d’exploiter pleinement l’expertise d’un fournisseur privilégié. En d’autres termes, nous constatons que c’est surtout l’approche ‘investissement’ qui entraîne une situation win-win et des synergies pour les deux parties. 3. Théorie et pratique On sait par les études sur le sujet que la sélection est un des domaines des RH où le fossé entre la théorie et la pratique est le plus grand. Le domaine d’investigation a beau être vaste, ce sont généralement les mêmes gaps qui reviennent dans les différentes études, et la nôtre ne fait pas exception à cet égard. Nous voyons donc là une opportunité pour les praticiens R&S et pour les R&S-tool developers. Les praticiens peuvent consulter régulièrement les sources (semi-) 69 scientifiques et traduire les connaissances ainsi acquises en optant pour des outils pratiques dotés d’un fondement scientifique. Pour les tool developers, la question qui se pose est la suivante : comment élaborer des outils pertinents qui soient en même temps suffisamment accessibles ? Les recherches sur la sélection de personnel sont souvent très techniques ; comment transposer les modèles qu’elles présentent de manière à les rendre plus facilement 108 exploitables ? Dans la sélection comme dans les autres phases du processus R&S, il apparaît clairement que le R&S est en train d’évoluer résolument pour devenir une véritable science de la décision. Dans ce cadre, on utilise de plus en plus, dans la littérature et dans la pratique, des concepts qui viennent d’autres domaines, comme le marketing, la comptabilité et la finance, le supply chain management… D’un autre côté, le rapport montre toutefois qu’au niveau du candidat et au niveau du processus, le R&S n’est pas encore dans la pratique une Decision Science au plein sens du terme. Souvent, il n’y a pas de validation systématique des décisions, ce qui ouvre la porte à des évaluations basées sur l’intuition ou le flair, avec toutes les erreurs cognitives que cela suppose. Pour garantir la qualité, on a donc besoin de gens talentueux et compétents qui accomplissent leur métier avec un grand professionnalisme. 4. Message aux experts R&S Pour relever pleinement ces défis, le talent, la persévérance et l’investissement de l’expert R&S individuel sont déterminants. Un processus de recrutement & sélection efficace s’appuie en fin de compte sur des professionnels R&S compétents. Nous énumérons ci-dessous à l’intention des experts R&S des lignes directrices et opportunités concrètes qui peuvent renforcer leur influence dans l’avenir : 1. Une vision plus stratégique du Total Cost of Employership (ToCoErs). Gérez le processus R&S comme tout autre investissement important. Calculez le coût total que représentent les travailleurs au cours de la période où ils sont actifs dans votre entreprise. Le coût du R&S n’est qu’une fraction de votre Total Cost of Employership (voir aussi annexe 2). Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les professionnels R&S internes : Entrez en interaction avec la direction générale : quels sont les facteurs clés de succès qui sont liés au processus R&S ? Quelles sont les attentes des line managers et de la direction générale vis-à-vis du R&S au sein de votre organisation ? Par le biais d’un cadre décisionnel comportant des indicateurs qui permettent de mesurer l’efficience, l’efficacité et l’impact du processus R&S sur les objectifs de l’organisation, vous pouvez lutter contre les erreurs cognitives et enseigner aux autres acteurs ce qui constitue la valeur du R&S. Informez les autres parties et focalisez-vous sur l’importance d’une vision à long terme. Utilisez les informations fournies par les indicateurs de mesure pour apporter de manière régulière des améliorations au processus. Ces améliorations permettront d’assurer un processus R&S efficace et adapté à l’évolution du contenu des fonctions et à l’évolution du marché du travail. Réfléchissez bien pour déterminer quels tests vous allez organiser par phase. Un processus optimal retient uniquement à chaque phase les candidats les plus appropriés. Pesez mûrement vos choix, car cela est déterminant pour l’impact ou la rapidité du processus d’une part, mais aussi pour la qualité des candidats d’autre part. Anticipez au maximum les risques. Introduisez suffisamment de flexibilité dans votre fonctionnement pour pouvoir faire face aux fluctuations de la demande. 70 2. Faites des candidats vos ambassadeurs en nouant une relation de proximité avec eux Traitez le candidat comme un client : non pas comme quelqu’un qui peut travailler pour vous, mais comme quelqu’un qui doit vouloir travailler pour vous. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les professionnels R&S internes : 3. Attendre en espérant qu’un candidat adéquat va réagir à votre offre d’emploi n’est bien souvent pas une stratégie de recrutement efficace. Créez un lien entre les candidats potentiels et votre entreprise en vous positionnant sur le marché de manière proactive, avec une marque employeur forte. L’expérience candidat prend de plus en plus d’importance, et c’est donc un aspect auquel vous devez être suffisamment attentif. Voici quelques-unes des questions à se poser : comment réagissez-vous face à un poste vacant ? Comment traitez-vous le candidat au cours des différentes rencontres que vous avez avec lui ? Quelles informations lui fournissez-vous ? Reçoit-il dans tous les cas une réponse ? Dans le contexte actuel de la guerre des talents, il est essentiel d’approcher aussi les candidats passifs : construisez activement une relation, y compris avec les gens qui ne sont pas à la recherche d’un emploi. Gérez votre pool de candidats comme une réserve flexible de collaborateurs potentiels qui gravitent autour de votre organisation. Ainsi, vous pourrez apporter une réponse à l’accélération qui se manifeste dans l’environnement R&S. Hire the will not the skill. Distinguez ce qui peut être acquis par la formation et ce qui ne peut pas l’être et faites de votre candidat un oiseau rare. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les professionnels R&S internes : 4. Pensez plus loin que l’objectif à court terme de pourvoir un poste vacant. La sélection est plus en plus un processus qui va dans les deux sens, où l’on s’efforce davantage d’adapter les exigences de la fonction aux talents d’un candidat. Accordez suffisamment d’importance à l’orientation et à la socialisation des nouveaux collaborateurs. C’est là une phase cruciale, qui doit idéalement être cogérée par le R&S et le management opérationnel. Elargissez votre horizon en suivant aussi les évolutions à l’œuvre sur le marché du travail. Quels sont les profils intéressants que vous pouvez attirer pour lutter contre le problème des pénuries de main-d’œuvre ? Caractère unique. Profilez-vous comme un employeur unique. Interrogez vos propres collaborateurs sur ce qui fait votre caractère unique. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les professionnels R&S internes : Anticipez les attentes et les besoins des nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail. En dépit des perceptions négatives que celles-ci peuvent susciter, le R&S a la possibilité de gérer ce changement en utilisant des outils R&S adéquats et en adaptant la marque employeur. Réfléchissez bien pour savoir quelles valeurs vous voulez faire passer en tant qu’entreprise et pour voir si l’expérience vécue par vos candidats dans le cadre du processus R&S est conforme à ces valeurs. 71 5. Misez davantage sur l’utilisation créative des nouvelles technologies et des médias sociaux. Les dimensions de l’expertise R&S évoluent rapidement, et la formation continue est une manière d’affronter ce défi. Gérez bien vos relations. Travaillez à construire une bonne relation avec vos partenaires externes. Faites preuve d’empathie vis-à-vis de votre client interne et démontrez clairement ce en quoi vous faites la différence. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les professionnels R&S internes : 6. Choisissez vos partenaires en fonction de ce qui fait votre caractère unique. L’existence de valeurs communes est cruciale pour qu’il y ait adéquation culturelle, car cela crée un lien de confiance entre les deux parties. Explicitez vos objectifs à votre provider selon la formule SMART, conformément aux ICP définis en interne. Cela n’est possible que si vous avez-vous-même une vision claire des coûts, des besoins et du niveau de performance de l’activité R&S actuelle. Montrez-vous suffisamment ouvert vis-à-vis de votre/vos partenaire(s) externe(s) : investissez dans les entretiens préparatoires et considérez votre/vos partenaire(s) le plus possible comme un prolongement de votre organisation. Procédez à des évaluations régulières pour vérifier si la relation client/provider produit de bons résultats. Ne vous focalisez pas uniquement sur les coûts. Une approche qui considère le R&S avant tout comme un investissement débouchera plus souvent sur un partenariat de longue durée permettant d’exploiter pleinement l’expertise d’un fournisseur privilégié. Une telle approche conduit à une situation win-win et à des synergies pour les deux parties. Apprenez à connaître votre client interne. Insistez sur l’importance d’une préparation approfondie. Cela favorisera une bonne communication tout au long du processus, et cela permettra aussi de se profiler de manière plus authentique vis-à-vis des candidats. Le succès du processus dépend en grande partie du collaborateur R&S individuel. Le contact avec ce collaborateur est déterminant, donc veillez à assurer une continuité suffisante vis-à-vis de votre client interne. Si l’interlocuteur que l’on a en face de soi change tout le temps, cela ne peut pas marcher. Le R&S est un investissement important qui nécessite de plus en plus d’être effectué par des spécialistes chevronnés qui connaissent leur métier sur le bout des doigts. Créez une valeur ajoutée nouvelle et pérennisez votre valeur ajoutée actuelle. Trouver le candidat, parvenir à l’atteindre et entrer en interaction avec lui : c’est là un défi important et l’occasion de créer une valeur ajoutée nouvelle. La qualité du processus de sélection a toujours fait l’objet de beaucoup d’attention, et une grande expertise en matière de sélection, génératrice de valeur ajoutée, ne fera que croître en importance. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les professionnels R&S internes : Une part croissante de la valeur ajoutée se situe de plus en plus au niveau du recrutement. Franchissez le pas et passez d’une approche transactionnelle à une approche relationnelle du recrutement. Assurez un suivi des candidats nouvellement engagés ; l’orientation et la socialisation sont en effet des composantes importantes du processus R&S. Dans le même temps, cela vous aide à évaluer votre propre processus et à démontrer clairement votre propre valeur ajoutée. 72 De plus en plus, les tests vont au-delà du contexte de la sélection proprement dite. Utilisez les tests non seulement comme un outil d’aide à la décision, mais aussi pour orienter le parcours de développement ultérieur des collaborateurs. Sachez que vous avez un rôle important à jouer pour réaliser les changements. Les professionnels R&S jouent de plus en plus un rôle en tant que change managers qui contribuent à façonner la culture de l’entreprise. 5. Message aux providers R&S Dans la lignée des lignes directrices et pistes que nous avons exposées à l’intention des professionnels R&S internes, nous formulons également des opportunités concrètes pour les partenaires externes, en nous basant sur les éléments que nous avons recueillis auprès des participants à nos groupes de discussion. 1. Une vision plus stratégique du Total Cost of Employership (ToCoErs). Sensibilisez les clients au coût total que représentent les travailleurs au cours de la période où ils sont actifs dans une entreprise. Le coût du R&S n’est qu’une fraction du Total Cost of Employership (voir aussi annexe 2). Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les providers R&S : 2. Aidez les entreprises à évaluer vos prestations en enregistrant des ICP. Cela aide les collaborateurs R&S internes à convaincre la direction générale de la valeur ajoutée qu’apporte un partenaire externe. Soyez aussi clair et transparent que possible dans le calcul de votre prix. En raison de la pression actuelle sur les coûts, avoir une vue claire du coût total du recrutement est un avantage que les organisations recherchent auprès des partenaires externes. Faites des candidats vos ambassadeurs en nouant une relation de proximité avec eux. Traitez les candidats comme des clients. Même si ce ne sont pas les candidats que vous recherchez, ils doivent se sentir bien tout au long du processus R&S, et ainsi ils deviendront des brand ambassadors pour votre entreprise. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les providers R&S : Dans le contexte actuel de la guerre des talents, il est essentiel d’approcher aussi les candidats passifs : construisez activement une relation, y compris avec les gens qui ne sont pas à la recherche d’un emploi. Gérez votre base de données de candidats comme une réserve flexible de collaborateurs potentiels. Ainsi, vous pourrez apporter une réponse à l’accélération qui se manifeste dans l’environnement R&S. L’expérience candidat prend de plus en plus d’importance, et c’est donc un aspect auquel vous devez être suffisamment attentif. Voici quelques-unes des questions à se poser : comment réagissez-vous face à un poste vacant ? Comment traitez-vous le candidat au cours des différentes rencontres que vous avez avec lui ? Quelles informations lui fournissez-vous ? Reçoit-il dans tous les cas une réponse ? 73 3. Hire the will not the skill. Distinguez ce qui peut être acquis par le biais de la formation et ce qui ne peut pas l’être et identifiez les points sur lesquels votre candidat peut s’améliorer de manière à ce qu’il puisse devenir un oiseau rare. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les providers R&S : 4. Tenez-vous au courant de ce qui se passe sur le marché du travail externe. Les collaborateurs R&S internes sont généralement moins au fait des évolutions qui ne sont pas directement en rapport avec leur secteur. Positionnez-vous en expert doté de connaissances pertinentes sur la manière de recruter certains profils : quels sont les canaux les plus efficaces, quels sont les programmes informatiques courants dans le secteur, etc… L’employabilité et le potentiel des candidats à plus long terme sont des aspects qui retiennent davantage l’attention. Partez des talents que les candidats possèdent et de leurs possibilités d’évoluer à terme. Gérez bien vos relations. Faites preuve d’empathie auprès de vos donneurs d’ordre et démontrez clairement ce en quoi vous faites la différence. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les providers R&S : 5. Communiquez avec franchise : dites ce que vous savez faire mais aussi ce que vous ne savez pas faire. Une relation à long terme crée des synergies et une situation win-win pour les deux parties. Apprenez à connaître votre client. Insistez sur l’importance d’une préparation approfondie. Cela favorisera une bonne communication tout au long du processus et cela permettra aussi de se profiler de manière plus authentique vis-à-vis des candidats. Gérez aussi la relation avec les line managers internes. C’est généralement à eux qu’il appartient de prendre la décision finale, les professionnels RH internes ont d’ordinaire un rôle d’intermédiaire. Le succès du processus dépend en grande partie du consultant individuel. Le contact avec le consultant est déterminant, souvent même indépendamment de l’organisation pour laquelle celui-ci travaille. Par conséquent, veillez à assurer une continuité suffisante vis-à-vis de votre client. Si l’interlocuteur que l’on a en face de soi change tout le temps, cela ne peut pas marcher. Le R&S est un investissement important qui nécessite de plus en plus d’être effectué par des spécialistes chevronnés qui connaissent leur métier sur le bout des doigts. Une approche taillée sur mesure en fonction des besoins du client est cruciale. Travaillez sur ces facteurs de succès que vos clients recherchent chez un provider. Caractère unique. Profilez-vous comme un partenaire unique. Interrogez vos propres collaborateurs sur ce qui fait votre caractère unique. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les providers R&S : Quelle est l’unique selling proposition de votre bureau ? Qu’est-ce que vous défendez ? Quelles valeurs trouvez-vous importantes ? Les entreprises sont en effet à la recherche d’un partenaire qui partage leurs valeurs. Cela ne signifie pas que les entreprises veulent être inondées de coups de téléphone. 74 6. Faites des choix bien réfléchis : “Professionnaliser, c’est choisir". Vous pouvez choisir de vous spécialiser dans un secteur, un profil de fonction, un niveau de fonction, une région ou dans l’utilisation de certains outils de sélection. A partir d’une marque forte, vous pouvez combiner différentes spécialisations. Créez une valeur ajoutée nouvelle et pérennisez votre valeur ajoutée actuelle. Trouver le candidat, parvenir à l’atteindre et entrer en interaction avec lui : c’est là un défi important et l’occasion de créer une valeur ajoutée nouvelle. La qualité du processus de sélection a toujours fait l’objet de beaucoup d’attention, et une grande expertise en matière de sélection, génératrice de valeur ajoutée, ne fera que croître en importance. Traduction de cette ligne directrice stratégique en pistes concrètes pour les providers R&S : Les entreprises sont à la recherche de hunters qui puissent les aider face au problème des pénuries de maind’œuvre. Une part croissante de la valeur ajoutée se situe de plus en plus au niveau du recrutement. Comment pouvez-vous contribuer à promouvoir la marque employeur d’un client ? Proposez des entretiens de suivi avec les candidats nouvellement engagés. L’orientation et la socialisation constituent une part importante du processus R&S. Dans le même temps, cela vous aide à évaluer votre propre processus. De par leur expertise, les providers peuvent aider à lever les incertitudes sur un marché de l’emploi marqué par les pénuries de main-d’oeuvre et permettre ainsi aux entreprises d’être prêtes pour affronter l’avenir. Soyez créatifs, utilisez les nouvelles technologies. Les organisations sont à la recherche de partenaires qui puissent les accompagner dans l’aventure des médias sociaux et dans l’exploitation des nouvelles technologies. 75 ANNEXE 1 Dans la foulée du chapitre 4, nous énumérons ci-dessous les indicateurs de mesure qui ont été évoqués dans les groupes de discussion. D’autre part, nous mentionnons quels sont les autres indicateurs possibles selon la littérature. Ce que dit le terrain Ce qu’ajoute la littérature Indicateurs de mesure de l’expertise Indicateur financier Indicateur objectif Indicateur subjectif Indicateur financier Indicateur objectif Indicateur subjectif Indicateur financier Indicateur objectif Efficacité par recruteur (temps de réponse + temps pour pourvoir les postes vacants + coût par recrutement + taux d’acceptation + qualité des embauches réalisées/nombre d’indicateurs utilisés) Nombre de formations suivies Feed-back du management opérationnel Indicateurs de mesure de l’authenticité Feed-back du candidat Indicateurs de mesure de la rapidité Time to fill (combien de temps avant qu’un poste soit pourvu) Time to start (quand commence le candidat) Trouble time (combien de temps avant que le candidat reçoive un feed-back) Target hiring date Nombre de postes vacants pourvus par période Durée par phase : laps de temps entre la demande et la première interview, entre la première et la dernière interview … Indicateur subjectif Indicateurs de mesure de la flexibilité Indicateur financier Indicateur objectif Effectifs affectés au R&S en ETP Taux d’externalisation Nombre d’engagements qui peuvent être traités par les collaborateurs R&S sur une période donnée Indicateur subjectif Indicateurs de mesure de la qualité des services Indicateur financier Indicateur objectif Indicateur subjectif Indicateur financier Indicateur objectif Trouble time Indice de satisfaction Feed-back du candidat Feed-back du management opérationnel Indicateurs de mesure de la quantité Pourcentage de postes pourvus Pourcentage de postes pourvus par canal Nombre d’engagements Nombre d’engagements par rapport à la planification des effectifs Nombre de postes pourvus Source de la réponse Nombre de postes pourvus en interne/en externe Nombre d’annonces Nombre de candidats contactés/nombre de candidats qui viennent en interview Nombre de postes vacants retirés Taux de réponse par canal Nombre d’engagements qui peuvent être traités par les collaborateurs R&S internes sur une période donnée Indicateur subjectif Indicateur financier Indicateur objectif Indicateur subjectif Indicateur financier Pourcentage de collaborateurs susceptibles de recevoir une promotion Nombre de candidatures spontanées Nombre d’anciens collaborateurs qui reviennent Nombre de contacts exploitables dans la base de données Nombre d’abonnés au Job Alert ou à la newsletter Nombre d’anciens collaborateurs dans le fichier des alumni Nombre de nouveaux collaborateurs qui sont amenés par d’anciens collaborateurs Diversité : % candidats groupes cibles (CGC) dans le pool de candidats, % CGC gardés après screening, % CGC sélectionnés, % CGC qui reçoivent une proposition d’emploi, % CGC qui acceptent une proposition d’emploi, % CGC qui restent) Brand monitor Notoriété de l’employeur Image de l’employeur Nombre de candidats dans le pipeline Employer brand label Indicateurs de mesure de la qualité Attrition Turnover Survival rate Pourcentage de collaborateurs qui passent avec succès la période d’essai Nombre de mutations Nombre de certifications Nombre de fautes professionnelles Scores d’évaluation après 6 mois/1 an Pourcentage de nouveaux collaborateurs promus dans un délai d’1 an Scores d’évaluation par technique de sélection utilisée Temps d’orientation / Time-tocompetence Turnover par canal Turnover des collaborateurs performants et moyens Turnover des collaborateurs peu performants Rotation par technique de sélection Satisfaction au travail Prestations contre-productives Taux d’acceptation des offres d’emploi Entretiens de départ Dans quelle mesure les candidats invités à Stay interviews la première interview satisfaisaient-ils Ecart entre les exigences de la fonction et aux exigences de la fonction (formation, les qualifications de la personne expérience et compétences) ? finalement engagée Combien de travailleurs satisfaisaient-ils en principe aux exigences de la fonction? Indicateurs de mesure de l’efficience coût Coût par recrutement Coût par phase Ecart entre le salaire fixé au départ et le Coûts de séparation salaire effectif à payer Frais administratifs Frais de publication de l’annonce Coût par interview Coûts liés au recours à un bureau externe Coût par candidat Coût total de la fonction R&S Coût de l’accueil du nouveau collaborateur Indicateur objectif Pourcentage du budget R&S affecté à l’externalisation Temps investi par le management opérationnel Temps investi par les collègues Indicateur subjectif Indicateur financier Indicateur objectif Indicateur subjectif Indicateurs de mesure de l’augmentation de la productivité ROIP (return on improved performance) Rétention Satisfaction au travail Scores d’évaluation ANNEXE 2 : L’indice ToCoErs Nous avons observé, à partir des témoignages recueillis dans nos groupes de discussion, que souvent, les différents acteurs n’ont pas une vue complète des effets à long terme du R&S. Pour stimuler cette prise de conscience, nous calculons, au moyen d’une formule, le coût du R&S par rapport à l’indice ‘Total Cost of Employership’ (ToCoErs). Pour calculer le ‘Total Cost of Employership’ (coût total employeur), nous avons développé un indice simple par analogie avec le concept de ‘Total Cost of Ownership’ qui est souvent utilisé dans les entreprises dans le cadre des décisions d’’achat’. Ingrédients du ToCoErs : 1. Le budget total du ‘département HR sourcing’ (= la cellule recrutement & sélection) : cela englobe tous les coûts salariaux des collaborateurs, y compris le budget de fonctionnement INTERNE de ce département (en euros). Indicateur : IBHR. 2. Le budget total EXTERNE du (département HR sourcing’ : cela correspond au montant annuel qui est déboursé annuellement (‘out-of-pocket expenses’) pour les activités de recrutement et de sélection (en euros). Indicateur : EBHR. 3. Le nombre de recrutements par année budgétaire pour l’ensemble de l’organisation (en # de personnes). Indicateur : # RECRUTEMENTS. 4. Le coût moyen d’un travailleur pour l’employeur : cela correspond au coût salarial total de l’entreprise, cotisations patronales incluses, divisé par le nombre de collaborateurs employés par l’organisation (en euros). Indicateur : ̅ COUT SALARIAL. 5. L’ancienneté moyenne au sein de l’ensemble de l’organisation (en # d’années de service). Indicateur : ̅ années de service. Cela permet de calculer trois ratios simples mais importants : 1. Le ratio INTERNE/EXTERNE (I/E-R) = IBHR/EBHR Cet indice donne une vue du rapport entre le budget interne et le budget externe du département HR sourcing. Tant que ce chiffre est supérieur à 1, cela veut dire que l’organisation internalise plus qu’elle n’externalise ; dès que ce chiffre descend en dessous de 1, cela signifie qu’elle externalise plus qu’elle n’internalise. 2. Le Coût par Recrutement (indice CpR) = IBHR + EBHR # recrutements Cet indice donne une vue du coût total du recrutement par personne engagée sur une année budgétaire. 3. Le Total Cost of Employership (indice ToCoErs) = EBHR + IBHR + [( ̅ coût salarial) X ( ̅ années de service)] # recrutements Cet indice donne une vue du coût moyen total de la décision d’engager un collaborateur, en présupposant que, si c’est le bon candidat pour l’organisation, on peut s’attendre à ce qu’il atteigne une ancienneté moyenne et qu’il représente un coût salarial moyen pour l’employeur. Nous donnons ci-dessous deux exemples pour illustrer notre propos : 1. ‘Unosmall’ est une entreprise moyenne de haute technologie qui emploie 220 travailleurs. Elle compte 5 collaborateurs (ETP) au département RH, dont 2 au service HR sourcing. L’entreprise pourvoit annuellement 35 postes vacants. Le budget annuel interne du service HR sourcing est de 150.000 euros, et le budget externe est de 60.000 euros, somme qui est dépensée pour le ’HR sourcing au sens large’. L’ancienneté moyenne dans l’entreprise est de 12 ans, et le coût salarial moyen (coût pour l’employeur) par collaborateur est de 75.000 euros par an. Cela donne les résultats suivants : 1. Ratio I/E-R = 150.000 = 2,5 60.000 2. Indice CpR = 150.000 + 60.000 = 6.000 euros par recrutement 35 3. Indice ToCoErs = 150.000 + 60.000 + (75.000 X 12) = 906.000 euros 35 Ce dernier chiffre rend compte du Total Cost of Employership d’un collaborateur qui a un salaire moyen et qui totalise 12 années d’ancienneté. Nous voyons que le CpR représente seulement 0,6 % du ToCoErs. En d’autres termes, le coût du recrutement ne représente qu’une infime partie du ToCoErs. Même si l’on doublait l’investissement consacré au recrutement, celui-ci ne représenterait encore que 1,2% du ToCoErs sur une période de 12 ans. 2. ‘Secundogrande’ est une grande entreprise internationale de production qui emploie 5.500 travailleurs. Elle compte 45 collaborateurs (ETP) au département RH, dont 7 au service HR sourcing. L’entreprise pourvoit annuellement 250 postes vacants. Le budget annuel interne du service HR sourcing est de 800.000 euros, et le budget externe est de 500.000 euros, somme qui est dépensée pour le ’HR sourcing au sens large’. L’ancienneté moyenne dans l’entreprise est de 24 ans, et le coût salarial moyen (coût pour l’employeur) par collaborateur est de 65.000 euros par an. Cela donne les résultats suivants : 1. Ratio I/E-R = 800.000 = 1,6 500.000 2. Indice CpR = 800.000 + 500.000 = 5.200 euros par recrutement 250 3. Indice ToCoErs = 800.000 + 500.000 + 65.000 X 24 = 1.565.200 euros 250 Ce dernier chiffre rend compte du Total Cost of Employership d’un collaborateur qui a un salaire moyen et qui totalise 24 années d’ancienneté. Nous voyons que le CpR représente seulement 0,33 % du ToCoErs. En d’autres termes, le coût du recrutement ne représente qu’une infime partie du ToCoErs. Même si l’on triplait l’investissement consacré au recrutement, celui-ci ne représenterait encore que 1% du ToCoErs sur une période de 24 ans. REFERENCES 1 Huselid, M.A. (1995). The impact of human resource management practices on turnover, productivity, and corporate financial performance. Academy of Management Journal, 38, 635-672.; Terpstra, D.E., & Rozell, E.J. (1993). The relationship of staffing practices to organizational level measures of performance. Personnel Psychology, 46, 27-48. 2 Spencer, L. (1984). Recruiting Trends. Resource, 7. 3 Saks, A.M. (2005). The impracticality of recruitment research. In: A. Evers, N. 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