Journal de la ligne – 1ère phase – n°4 – 2006
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Journal de la ligne – 1ère phase – n°4 – 2006
le journal de la ligne N ° 4 D é c e m b r e 2 0 0 6 Les rails de la grande vitesse sont au rendez-vous. La pose de la voie se termine dans les délais impartis à RFF. La ruée vers l’Est est en bonne voie. « Juin 2007 : elle arrive ! » E LGV est entrée en 2006 dans une phase cruciale : les longs rails soudés sont en place, les 12 000 poteaux caténaire sont implantés de part et d’autre de la plate-forme, les nouveaux systèmes de signalisation et de télécommunication, qui rendent compatibles les réseaux ferroviaires de la France et de ses voisins européens subissent leurs premiers essais. Tout doit être vérifié pour obtenir l’homologation de la ligne. La construction de trois gares nouvelles par la SNCF et RFF – Champagne-Ardenne TGV, Meuse TGV et Lorraine TGV – se poursuit, tandis que vingt-et-une autres situées en centre-ville se métamorphosent. Bref, l’infrastructure de transport en gestation depuis plusieurs années est sur le point de naître. Une naissance prévue et qui sera fêtée par RFF au printemps 2007, après la réalisation, au cours de l’automne et de l’hiver, des essais de montée en vitesse. La saga du rail continue donc encore quelques mois. Appréciez-là à travers ses pages et son histoire. Les futurs voyageurs, dont l’engouement est perceptible, peuvent désormais rêver : la grande vitesse arrive à grand pas ! ©L. Rothan CAPA/RFF lle ? Oui, « elle » : la grande vitesse ferroviaire arrive. Et avec elle, des temps de parcours réduits de moitié, Reims à 45 minutes de Paris, Metz et Nancy à 1 h 30, Strasbourg à 2 h 20. Tout cela et bien plus encore, c’est pour juin 2007. RFF conduit son premier chantier – le plus grand d’Europe – avec une précision millimétrique. La L’éditorial de Michel Boyon, Président de Réseau Ferré de France ©RFF Le Premier Ministre Dominique de Villepin a présidé en Seine-et-Marne, le 20 septembre dernier, la manifestation marquant l’achèvement de la pose de la voie de la LGV Est européenne. En soudant les deux derniers rails, il a eu un geste hautement symbolique. Le chantier que dirige Réseau Ferré de France est à l’heure : un an après la fin des ouvrages de génie civil, la voie est en place sur les 300 kilomètres de ligne nouvelle. Les travaux d’équipement seront terminés à la fin de cette année. Après le réglage de la caténaire et la pose de la signalisation en voie, les essais de montée en vitesse vont avoir lieu comme prévu. Tout sera prêt pour la mise en service commercial le 10 juin 2007. Cette manifestation a permis au Premier Ministre de rendre un hommage appuyé aux milliers d’hommes et de femmes qui ont œuvré et œuvrent encore sur le chantier de construction ; chacun peut mesurer combien ils sont dignes d’éloges. Elle a été aussi l’expression de la reconnaissance officielle d’un partenariat fort avec les collectivités territoriales, sans lequel le projet n’aurait pu voir le jour. La soudure des derniers rails matérialise le nouveau lien qui s’établit entre les régions de l’Est et qui les arriment aux grands réseaux de transport de demain, en France et en Europe. Ce n’est pas pour autant la fin d’une histoire. Il reste encore beaucoup à faire jusqu’à l’autorisation d’exploitation de la Ligne, qui sera donnée par l’Établissement public de sécurité ferroviaire, récemment créé. Il faudra Pour tout savoir sur la LGV Est : infos, photos et vidéos sont sur le site internet ensuite que tous fassent en sorte, avec la SNCF, que les voyageurs soient au rendez-vous des trains pour que le TGV Est soit le succès collectif et commercial que l’on attend. Réseau Ferré de France, quant à lui, restera présent pour parachever la Ligne, pour régler ce qui doit l’être encore, et pour rendre compte des effets sur l’environnement. D’ores et déjà, il a engagé un programme d’observations nécessaire à l’établissement du bilan environnemental. Mais RFF demeure bien évidemment présent pour préparer les travaux de la seconde phase de la Ligne, entre Baudrecourt et Vendenheim. Le Premier Ministre a souligné toute l’importance, pour les régions de l’Est, de ce maillon manquant sur le vaste corridor ferroviaire qui reliera demain notre pays au centre de l’Europe. Les volontés et les énergies sont mobilisées au service de cet objectif. ❚ www.lgv-est.com Partenaires LGV Est Ouvrages d’Art En Direct du Chantier Environnement L e G ran d E s t c o n n e c La nouvelle carte de la Fra Énergie de la Ligne Source : Création Moviken La mise en service de la LGV Est européenne consolidera l’ensemble du réseau ferroviaire français. Développement Économique Elle mettra notre réseau à grande vitesse à la pointe de la technologie ferroviaire en Europe. Dès juin 2007, Archéologie depuis Paris, des millions de voyageurs gagneront l’Est grâce à des liaisons réalisées à 320 km/h. Riverains Europe Régions Innovations Jean-Marc Charoud, directeur des projets de développement de RFF : « Un réseau ferroviaire en plein essor, une révolution culturelle en cours » ©B. Levy CAPA/RFF Comment RFF voit-il le futur paysage ferroviaire de la grande vitesse ? J-M. C. : En 2007, la réalisation de la première phase de la LGV Est européenne complètera notre réseau en étoile qui irrigue l’Hexagone à partir de Paris. Dans le même temps émergera la plate-forme de la LGV Rhin-Rhône, première grande liaison province/province, entre Dijon et Mulhouse. Ce développement se poursuivra au-delà de 2007. Des axes radiaux seront progressivement mis en chantier, comme la LGV Sud Europe Atlantique (tronçon Tours-Bordeaux) ou la LGV Bretagne – Pays de la Loire (tronçon Le Mans-Rennes) alors que de nouvelles liaisons performantes province/province verront le jour, du type de la future LGV Bordeaux-Toulouse. Comment financer ce programme ambitieux ? Les financements publics traditionnels – limités – ne permettent pas la réalisation simultanée de plusieurs grandes infrastructures ferroviaires. Le recours aux partenariats public/privé (PPP) apparaît comme une nécessité et un complément précieux pour le propriétaire de l’infrastructure que nous sommes. - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne Quelles formes pourront prendre ces PPP ? Soit la délégation de service public (DSP) ou concession, soit le contrat de partenariat. Dans le premier cas, le « concessionnaire » – à l’instar de ce qui se passe dans le secteur autoroutier – est chargé de financer, concevoir et exploiter l’infrastructure de transport et se rémunère par la perception d’un « péage ». Dans le second cas, le « partenaire », qui exerce les mêmes missions qu’un concessionnaire, reçoit un loyer versé par RFF. C’est un nouveau défi pour le manageur d’infrastructure que vous êtes ? Il s’agit pour nous de créer les opportunités afin d’accélérer le développement du réseau ferré national en réalisant un plus grand nombre de projets en un temps plus court. L’adoption de PPP fera évoluer les métiers de RFF, puisque nous aurons à déléguer une bonne part de nos responsabilités à un autre maître d’ouvrage. RFF s’y prépare et a, aujourd’hui, à la veille de ses 10 années d’existence, les capacités pour répondre à cette révolution culturelle. Il nous faudra définir, au cas par cas, le mode de gestion le plus pertinent. C’est un défi d’avenir et la condition pour que notre pays dispose demain d’un réseau ferroviaire grande vitesse dense et performant, capable de répondre aux nouvelles attentes des voyageurs et à leurs nouveaux modes de déplacement. ❚ Propos recueillis par Y.H. et T.J. t é au r és eau S o mm a i r e nce à grande vitesse p.4 Une infrastruture en gestation Le rail en vedette, de sa fabrication à sa pose. Une nouvelle politique de la mobilité dans l’Hexagone se dessine aussi. Les liaisons province-province mobilisent aujourd’hui les énergies. La LGV Est européenne mettra ainsi les voyageurs lorrains à 2 h 05 de Lille ou à 3 h 50 de Rennes et de Nantes, et les Rémois à 1 h 50 de Strasbourg. Le lancement, le 3 juillet dernier, de la construction de la LGV Rhin-Rhône, s’inscrit dans le sens des relations interrégionales à grande vitesse. Le maillage des territoires, liés par la grande vitesse ferroviaire, est mis sur les rails par Réseau Ferré de France. Les projets ferroviaires sont donc appelés à se développer, notamment grâce à des modes de financement innovants. Plus dense, plus efficace, plus tourné vers les besoins des régions et de leurs nécessaires relations, le réseau ferroviaire du futur, avec le premier maillon de la LGV Est européenne réalisé, annonce une qualité de service renouvelé qui bénéficiera à l’ensemble du système de transport par le train. p.8 Parlez-vous l’ERTMS ? Les systèmes de signalisation harmonisés, nouveau langage commun de l’Europe ferroviaire. Pascal Lupo, directeur des Gares et de l’Escale à la SNCF « Une nouvelle génération de gares » © Yves Hardy La création des trois gares nouvelles et la rénovation des gares de centre-ville relèvent-elles d’une démarche innovante ? P.L. : Nous sommes en train de concevoir une nouvelle génération de gares. Nous changeons d’approche en fait. Jusqu’en 2001, le culte du bâtiment – les « cathédrales ferroviaires » – était prédominant. Avec le TGV Est européen, la satisfaction des besoins des usagers et des personnels va devenir notre préoccupation principale. La gare est d’abord un lieu qui doit rendre des services. Quelles sont les attentes des voyageurs ? D’abord, passer aisément d’un mode de transport à l’autre. Ensuite, les gares s’affirment comme des lieux de vie : ainsi, les espaces consacrés à tous les types de commerce s’accroissent. Les handicapés doivent pouvoir facilement accéder aux trains. Aussi, la coopération avec Réseau Ferré de France, qui s’occupe des quais et de l’accessibilité à nos trains, est exemplaire dans ce domaine. Les gares deviennent modulables, c’est-à-dire qu’il doit être aisé de les agrandir ou d’adjoindre des services de billetterie, selon l’évolution du trafic au fil des ans. Enfin, elles doivent délivrer une meilleure information aux voyageurs. p.10 Bilan environnemental Le rail est le meilleur allié du développement durable. Vérification concrète. Au point que demain, on parlera de « gares interactives » ? Oui. Les grands tableaux d’affichage des halls laisseront la place à des dizaines d’écrans plats disséminés un peu partout. Ils communiqueront les heures de départ et d’arrivée des trains, la composition des rames avec les numéros des voitures. En situation perturbée, ces écrans relaieront les informations qui parviennent aux techniciens. Le système wi-fi sera aussi généralisé. ❚ Propos recueillis par Y.H. p.12 À quoi servent les trois gares nouvelles ? Les trois gares nouvelles, Champagne-Ardenne TGV, Meuse TGV et Lorraine TGV, situées respectivement à Bezannes (51), Trois-Domaines (55) et Louvigny (57), serviront d’abord aux liaisons province/province et province/Ile-de-France. C’est là que les habitants de Champagne-Ardenne et de Lorraine pourront prendre leur TGV pour un accès direct vers le Nord, l’Ouest et le Sud-Ouest, ou encore pour l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle ou Marne-la-Vallée. Les Lorrains pourront aller à Francfort depuis Louvigny. La desserte de Paris est aussi prévue depuis ces gares. Les Alsaciens auront accès à toutes ces liaisons à grande vitesse à partir de la gare de Strasbourg. Pour se rendre à Paris, les voyageurs pourront prendre leur TGV dans les 20 gares existantes desservies, au cœur de leur ville. La SNCF est le maître d’ouvrage de ces gares nouvelles. RFF, quant à lui, est maître d’ouvrage des voies, des quais et des accès. À Vandières, RFF a pris des mesures conservatoires pour permettre de réaliser dans le futur une gare de correspondance avec le TER. ❚ Le rêve de la grande vitesse Micro-trottoir tout au long de la Ligne et points de vue de présidents de Conseils généraux. Des quais accessibles à tous p.14 P * Ce montant n’intègre pas le coût des travaux réalisés à la Gare de l’Est à Paris. Une seconde phase déjà en préparation © RFF La LGV Est, maillon d’une future liaison européenne Est-Ouest. p.16 Une grande étape ferroviaire franchie Achèvement des travaux de pose de voie. © SNCF ropriétaire des voies mais aussi des quais de gare et de leur couverture, Réseau Ferré de France pilote un programme de construction et de rénovation des gares concernées par la mise en service de la LGV Est européenne. Avec en ligne de mire, un meilleur accès aux quais et aux trains des personnes à mobilité réduite. « Un effort particulier est entrepris en matière d’accessibilité dans le cadre de l’arrivée du TGV Est européen sur la vingtaine de gares existantes qui l’accueilleront », précise Philippe Laumin, directeur régional Grand Est. « La direction régionale pilote à ce titre un programme ambitieux, d’une quarantaine de millions d’euros*, avec le concours financier des collectivités et de l’État ». Il s’agit d’installer des ascenseurs pour relier les souterrains et les quais, des dispositifs de guidage facilitant le cheminement des voyageurs malvoyants, des bandes d’éveil et de vigilance qui leur permettent de repérer les bordures des quais. Il s’agit également de porter la hauteur de ces quais à 55 cm : cette hauteur permet un accès dans de bonnes conditions au TGV mais aussi au TER. Dans les trois gares nouvelles construites sur la ligne nouvelle, et qui seront achevées début 2007, des dispositions particulières sont également prises en faveur des personnes handicapées. « Des ascenseurs vont être installés, explique Gérard Lebailly, expert à RFF. À la gare Champagne-Ardenne TGV et Lorraine TGV, des passerelles installées au-dessus des voies permettent aux voyageurs et à ceux qui les accompagnent de se rendre aisément d’un quai à l’autre. À la gare Meuse TGV, le passage d’une voie à l’autre se fait en souterrain. Par ailleurs, poursuit-il, des bandes d’éveil et de vigilance placées en bordure des 2,7 kilomètres de quais Denis Couty sont posées, pour aider les personnes à cheminer. » ❚ le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - Innovations Équipements ferroviaires Événement Partenaires LGV Est Ouvrages La naissanced’Art officielle de la LGV Est européenne en tant qu’infrastructure de transport est programmée RFF pour le printemps 2007. Au mois d’avril, les tests d’intégration En Direct duparChantier seront achevés, la Ligne devra encore faire l’objet d’une homologation, avant sa mise en service Environnement Une infrastructure Énergie de la Ligne La saga du rail Développement Économique Incursion dans les coulisses du chantier. Pour découvrir l’histoire peu banale de ces barres d’acier qui supporteront, Archéologie stoïques, nos futurs déplacements à grande vitesse. Tout sur le rail, la star du projet. Riverains est l’usine Corus Rail La production des rails de la LGV obtenir des qualités de surface France, créée en 1897, Est s’est conformée, dès le lance- impeccables et de structure irré- Frédéric Bezy, 36 ans, conducteur d’engin Europe « En ce moment, je pilote une machine unique en France, et située à Hayange, ment du projet, à un process indus- prochables. un mastodonte de plus de 50 tonnes, la PPVH, la Poutre près de Thionville, ber- triel de très haute qualité. L’usine Transféré vers le refroidisseur où Régions de pose de voie hydraulique pour le groupement ETFceau de la sidérurgie lorraine, qui d’Hayange importe ses « blooms » la température tombe à 60 °C, le Meccoli-Vecchietti. Elle s’empare de panneaux de 10 a fourni l’ensemble des rails de la de Scunthorpe, l’aciérie britannique rail est ensuite redressé. « Les tolétonnes, composés de 18 mètres de rails, 30 traverses LGV Est européenne à Réseau du groupe, basée sur la côte est de rances maximales de rectitude autoInnovations Ferré de France (RFF). L’équivalent de 8 tour Eiffel Le rythme de fourniture des rails est monté en régime au fil des mois. D’octobre 2004, date de la pose du premier rail à Vadenay/ Saint-Hilaire-au-Temple (Marne), à mars 2005, l’usine Corus a livré 3 000 tonnes de rails par mois. Puis 4 500 tonnes en moyenne. « Du juste à temps », relève-t-on sur le site lorrain, qui aura livré au total près de 80 000 tonnes de rails pour la LGV Est européenne. Soit l’équivalent du poids de l’acier de huit tour Eiffel ! l’Angleterre, à raison de six trains par semaine. Les blooms sont de grosses poutres d’acier longues de 7,7 mètres, pesant 5 tonnes. Réchauffées à 1 250 °C dans l’un ou l’autre des deux fours du site entièrement automatisés, elles passent ensuite, sans la moindre intervention humaine, dans les cages de laminoirs permettant de multiplier par dix leur longueur. Puis elles pénètrent dans un laminoir à cage universelle. Température intérieure : 960 °C. Objectif de cette opération : Abdelkader Brahmi, 21 ans, contrôleur qualité de la pose de voie © Yves Hardy « L’amusant est que nous utilisons à la fois des outils rudimentaires et sophistiqués. En amont, nous traçons le linéaire qui figure l’axe de la voie grâce à un fil de pêche, accroché à des clous, plantés dans le sol tous les 20 mètres. En aval, une fois la voie posée, nous mesurons la distance au millimètre près entre les poteaux caténaire implantés en bordure et l’intérieur du rail grâce un distomètre équipé d’un signal laser. Je suis d’origine algérienne et content de ma bonne intégration dans l’équipe. Au sortir de ma terminale STI (Sciences et techniques de l’industrie), j’ai été embauché par la Champenoise de travaux publics. J’ai commencé par faire du renouvellement de voie fin 2002, avant d’entamer en juin 2005 mon premier chantier de LGV. Je compte bien en faire beaucoup d’autres. » ❚ risées sont de 3/10e pour 3 mètres. Quant à la longueur, la tolérance est de plus ou moins 2 millimètres. Si nécessaire, nos techniciens procèdent à une coupe à froid », explique Bernard Dorchy, directeur de l’usine d’Hayange. Le rail subit enfin une batterie de contrôles dimensionnels et techniques par ultrasons dans le bâtiment de parachèvement. Des « spaghettis » d’acier de 400 mètres La fabrication d’un rail dure environ 7 heures : 3 heures 30 dans le four, 7 minutes au laminage, 3 heures au refroidissement et de 8 à 10 minutes au parachèvement. Chargés directement dans les wagons d’un train d’une capacité de 1 000 tonnes (17 km de rails), les rails arrivent le lendemain matin dans une autre unité industrielle spécialisée, les ateliers SNCF de Saulon, près de Dijon, où ils sont soudés pour RFF. Résultat : un long rail soudé (LRS), gigantesque « spaghetti » d’acier de 400 mètres de long. Destination finale : la plate-forme de la LGV Est européenne, via les trois bases travaux : Ocquerre en - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne ©C. Sasso CAPA/RFF Rail chauffé à 1 200 °C sortant du four. © Yves Hardy C’ bi-blocs en béton et leurs attaches fast-clip, et dépose l’ensemble avec précision sur la voie. L’important est de bien respecter l’alignement. Le chef d’équipe présent sur la trace guide la manœuvre par gestes. Je dois veiller aussi à la sécurité des personnels qui travaillent autour de la machine. Le plus délicat, c’est dans les tunnels ou lorsqu’il faut épouser les légères courbes de la Ligne. C’est mon aîné, Yves Pichard, qui m’a formé au maniement de ce gros engin, d’ailleurs rebaptisé “la Picharde”, inscription qui figure sur ses flancs. » ❚ Seine-et-Marne, Vadenay/SaintHilaire-au-Temple dans la Marne et Pagny-sur-Moselle en Meurtheet-Moselle. Une espérance de vie durable « La durée de vie d’un rail sur une LGV est élevée : de 25 à 30 ans. Ainsi, sur la LGV Paris-Lyon mise en service en 1981, les rails seront progressivement renouvelés à partir de 2009 », indique Gérard Glas, PDG de Corus Rail France, qui a notamment développé et breveté un procédé de laminage universel, aujourd’hui utilisé dans le monde entier. 1 288 km de rails de qualité Si un défaut interne est constaté par les opérateurs, le rail est immédiatement déclassé et ferraillé. « Nous assurons une traçabilité irréprochable, afin de pouvoir répondre aux exigences de Réseau Ferré de France, notre client. À Hayange, notre force est de posséder une logistique capable de répondre aux attentes les plus fortes », confie Bernard Dorchy, le directeur de l’usine. Au cours de ces dix dernières années, quelque 50 millions d’euros ont été investis par l’entreprise dans les domaines de la sécurité, de la productivité et de l’automatisation de l’outil industriel. Les voyageurs circuleront à 320 km/h en toute sécurité sur ces fameux rails. Imagineront-ils, en filant confortablement sur la voie, les prouesses technologiques successives qu’il a fallu déployer pour produire et poser les 1 288 km de rails nécessaires à la réalisation de ce projet d’exception ? ❚ Éric Delon en gestation le 10 juin 2007. Retour sur une gestation de plusieurs années, de la fabrication des rails aux premiers essais de montée en vitesse, en passant par les auscultations de la voie. Très encourageantes échographies… • Depuis 1999, Corus Rail France fait partie du groupe anglo-néérlandais Corus, 8 e producteur mondial d’acier et 2e producteur européen. • Effectif de l’usine d’Hayange : 380 personnes. • Production annuelle : 300 000 tonnes de rails (environ 5 500 km). Les 80 000 tonnes de rails fournis à la LGV Est ont représenté 30 % du chiffre d’affaire annuel. • Le rail est loin d’être un produit standard. Près de 80 profils de rails figurent dans l’offre commerciale de Corus. • Principaux marchés : France (55 %), Europe (20 %). • L’usine d’Hayange façonne également des rails pour les réseaux à trafic mixte (voyageurs et marchandises) et urbains (tramways). Au total, elle a produit 450 000 tonnes de rails depuis la mise en service en 1981 de la LGV Paris-Lyon. Joël Marchand, 59 ans, ingénieur commercial ©C. Sasso CAPA/RFF « Pour le groupement d’entreprises Secorail-TSO, j’ai traité des aspects logistiques, comme la planification en matériel et en personnel, pour la pose de voie entre les kilomètres 100 et 300 de la ligne nouvelle. J’ai assumé aussi des tâches de communication, pour faire connaître à l’extérieur l’activité du groupement, dans un bon climat d’entente avec RFF qui suivait de près les travaux. Nous avons pu recruter localement du personnel de qualité. Et valoriser les innovations technologiques que nous avons mises en œuvre sur la LGV Est : les attaches « fast-clip » fixées sur les traverses, ainsi qu’une machine performante de relevé de profil du ballast, la Profus. Ce chantier a été stimulant pour l’ensemble de nos équipes. Les seules plaintes enregistrées tenaient à la rigueur des hivers dans l’est de la France… » ❚ ©C. Sasso CAPA/RFF La poutre de pose de voie hydraulique en action. Échographie ferroviaire L’infrastructure en gestation est auscultée grâce à une voiture-laboratoire. Les spécialistes procèdent ainsi à de multiples tests de contrôle de la qualité des voies. À l’occasion d’une des tournées de la voiture Mauzin sur la LGV Est européenne, reportage en compagnie des « médecins » ferroviaires. V ue de loin, la voiture a des allures de train ordinaire. À y regarder de plus près, l’observateur remarque des palpeurs et des capteurs accrochés aux bogies, le système des essieux et des roues. À l’intérieur, le décor est plutôt original. Pas de sièges ni de couloir de circulation, tout l’espace est occupé par des appareils de mesure et l’abondante électronique qui les accompagne. L’examen de passage s’effectue en roulant. « Sur une Ligne à Grande Vitesse de ce type, tout se joue au millimètre près, voire au demimillimètre. » Lorsque le petit convoi s’ébranle, tracté par une classique locomotive BB diesel – il peut atteindre les 200 km/h – les imprimantes dotées de stylets s’animent. Elles dessinent une succession de graphiques qui intriguent le profane. L’un des « médecins opérateurs », Patrick Helluin, procède à un décryptage général. « Tout est passé au crible. Le repérage d’éven- Patrick Helluin, 46 ans, opérateur de mesures sur voiture Mauzin « Même si cette voiture-laboratoire est truffée d’électronique, on réclame d’abord aux deux opérateurs qui surveillent le bon enregistrement des données les qualités des touche-à-tout. Nous devons nous débrouiller en mécanique, pneumatique ou informatique pour pallier les éventuelles défaillances des divers appareils. La SNCF n’a que cinq voitures Mauzin en activité sur l’ensemble du territoire. Autant dire que nous sillonnons l’Hexagone du lundi au vendredi. Sur la LGV Est européenne, c’est surtout la nuit que nous procédons aux contrôles de qualité de la voie, pour ne pas gêner les équipes qui travaillent durant la journée. » ❚ tuels trous ou bosses, ce que nous appelons le nivellement longitudinal de la voie. Le relèvement à hauteur correcte du rail extérieur dans les virages de manière à compenser la force centrifuge. La mesure du rayon de courbure de la voie, opération qualifiée de dressage. Nous nous assurons également que les quatre roues de chaque wagon reposent bien sur les rails et que ceux-ci respectent un strict parallélisme, soit un écartement constant entre les deux files de rails fixé à 1,435 mètre. » Le règne de la précision Alain Cuccaroni, directeur adjoint de la LGV Est européenne à RFF, explique cette minutie obligée : « Plus la vitesse est grande, plus la sensibilité aux petits défauts s’accroît. Ainsi, sur une voie classique, empruntée par exemple par des trains express régionaux, on peut tolérer des différences de nivellement de l’ordre de 3 mm, mais sur une Ligne à Grande Vitesse de ce type, tout se joue au millimètre près, voire au demi-millimètre. » Quelles sont les anomalies les plus fréquemment enregistrées ? « Au lendemain de la pose de la voie, répond Pascal Croce, de la maîtrise d’œuvre SNCF à la base d’Ocquerre, nous avons constaté des tassements non uniformes du ballast. Pour corriger ces défauts, la ■■■ Découpe de rails et mesure. le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - ©C. Sasso CAPA/RFF « J’assure, au sein de la Direction de l’ingénierie de la SNCF, le pilotage de l’une des trois bases travaux de la LGV Est européenne en tant que maître d’œuvre de RFF. Il faut maîtriser des technologies de plus en plus sophistiquées. L’homme reste, cependant le pivot du système. Ce sont près de 600 personnes – ingénieurs, techniciens, employés et ouvriers, tant de la SNCF que des entreprises de travaux – qui œuvrent autour d’Ocquerre à la pose de la voie et des équipements ferroviaires. Je me suis surtout attaché à bien articuler les compétences des uns et des autres, et à mettre régulièrement de l’huile dans les rouages relationnels. Ce chantier restera pour moi une expérience humaine formidable. » ❚ Corus, fournisseur lorrain du rail de la LGV Est ©C. Sasso CAPA/RFF © Yves Hardy Jean-Michel Laurent, 50 ans, chef de la base d’Ocquerre Innovations Équipements ferroviaires Événement Partenaires bourreuse, un mastodonte de plu- là, une vingtaine de passages sur sieurs tonnes compacte, à l’aide de les 300 kilomètres de double voie puissants vibreurs, les cailloux sous auront été nécessaires. De nouLGV Est velles campagnes de vérification les traverses. » auront lieu début 2007 lors des Voie sans défaut tests de montée en vitesse, et jusOuvrages d’Art Tout au long du trajet, les données qu’à l’homologation de la LGV au recueillies sont interprétées par printemps prochain. En Direct du surChantier ordinateur, tandis que les rouleaux Sourires les visages chez le des imprimantes se noircissent de maître d’ouvrage RFF, les résullignes plus ou moins tremblotan- tats des mesures sont satisfaisants. Environnement tes. Les tracés presque lisses sont En quittant la voiture laboratoire, ■■■ Du haut de la tour de contrôle (suite de la page 5) autant d’indicateurs de bonne nous songeons aux futurs voyageurs Énergie dequi fileront la àLigne santé, les signes rassurants d’une 320 km/h sans subir voie sans défaut. Pour en arriver aucun à-coup. ❚ Y.H. ©W. Daniels CAPA/RFF Développement Économique Plus d’un million de traverses Archéologie Le 8 juin 2006, la millionième traverse a été posée près de Pomponne (Seine-et-Marne), en présence de Patrick Trannoy et d’Alain Cuccaroni, Riverains respectivement directeur et directeur adjoint de la LGV Est européenne à RFF. Cette traverse « millésimée » était peinte en verte pour la circonstance, comme pour signifier la ferme espérance de Europe travaux menés à bien. Régions Innovations Le Tableau de contrôle optique (TCO) du PCD de Pagny-sur-Moselle. Bienvenue dans le centre névralgique de la LGV, un véritable concentré de haute technologie mis au service du ferroviaire à grande vitesse. Sous la surveillance vigilante des aiguilleurs du rail. Philippe Arnould, 45 ans, chef de la base de Pagny-sur-Moselle ©S. Elkaïm « J’ai 23 ans de métier à la SNCF, qui intervient ici en maître d’œuvre de RFF. Cela fait six ans que je suis à Pagny-surMoselle. J’ai connu toutes les phases, des études préalables à l’achèvement de la base. C’est un poste passionnant mais très prenant. Et mon futur ? J’entrevois deux possibilités : m’installer à Nancy, dont je suis originaire, pour assurer par exemple des tâches de maintenance des équipements ou poursuivre à la direction des projets de la SNCF, en quête d’une nouvelle aventure ferroviaire. À présent, mes enfants sont grands. C’est le moment où l’on peut privilégier un projet professionnel. » ❚ - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne À la pointe de la technologie Avec un courant de 25 000 volts, il faut rester vigilant. Au moindre incident – un court-circuit par exemple – l’alarme se déclenche automatiquement et l’alimentation électrique est interrompue. Sur le terrain, les agents qui détectent une anomalie peuvent aussi utiliser les postes téléphoniques le long des voies pour avertir le CSS. De l’autre côté, le Poste de commande à distance a établi ses quartiers. Là, travailleront cinq agents de circulation, dont le chef et son adjoint, en phase d’exploitation de la LGV. Sur le Tableau de contrôle optique de cette salle, chaque train est suivi point par point tout au long de son parcours. Le PCD sera aussi actif la nuit ; toutes les petites réparations, par exemple, sont plus faciles à gérer que le jour, quand circulent plus de trains. Les techniciens s’affairent : il faut sécuriser les chantiers en voie avant de délivrer le feu vert aux équipes d’intervention. Le PCD pilotera aussi le nouveau système de signalisation européen, l’ERTMS (European Railway Traffic Management System), mis en place par RFF pour la première fois Boîtier de signalisation hors voie. ©C. Sasso CAPA/RFF Contrôle de la qualité de la voie dans la voiture laboratoire Mauzin. « Grâce à l’informatique, explique Laurent Maubray, de la maîtrise d’œuvre SNCF, on centralise toutes les informations. En temps normal, toutes les lumières du TCO sont éteintes : cela signifie que les installations sont sous tension. Aujourd’hui encore, plusieurs lumières rouges sont allumées car des équipes interviennent sur la LGV. » ©C. Sasso CAPA/RFF ©C. Sasso CAPA/RFF L a « tour de contrôle » de la Ligne à Grande Vitesse Est européenne est hébergée dans un bâtiment clair et moderne posé à l’écart du centre-ville de Pagny-sur-Moselle (Meuthe-et-Moselle). Le rezde-chaussée accueille les installations techniques. À l’étage, trônent en vis-à-vis le Central sous-station (CSS) et le Poste de commande à distance (PCD). Dans le CSS, derrière de grandes baies vitrées, six agents contrôlent toute l’alimentation électrique de la Ligne et aussi, à terme, du réseau de l’Est de la France, grâce à un Tableau de contrôle optique (TCO), l’un des plus grands de France. Il offre une vue panoramique qui facilite la surveillance des installations. Le premier TGV « signalé » sur la LGV « Je suis marseillais d’origine. Je suis entré à la SNCF en 1985. Je me suis porté volontaire pour la LGV Est européenne. Ici, je supervise le travail des aiguilleurs du rail, afin que la circulation des trains sur la Ligne en construction soit la plus performante possible. Je garde les yeux rivés sur le Tableau de contrôle optique. Mais je dois être aussi capable de gérer les circulations en cas de panne temporaire du système informatique. Pour moi, c’était vraiment un objectif que de travailler dans ce poste doté du matériel dernier cri. » ❚ En juillet dernier, entre la Marne et la Meuse, les radars ont pu détecter un objet ferroviaire roulant à grande vitesse sur un parcours de quelque 90 kilomètres. Il s’agissait d’une rame TGV, composée de deux motrices et de huit voitures, qui participait à l’un des premiers tests de signalisation en grandeur nature effectués à la demande de Réseau Ferré de France. ©S. Elkaïm Alain Prud’homme, 44 ans, agent de circulation au PCD Premiers essais L’ensemble du dispositif est testé depuis la fin juin 2006 à l’occasion des premiers essais de signalisation et des premières circulations techniques. « Maintenant que la Ligne est mise sous tension sur une portion de 210 km, précise Vincent Rousselot, nous réalisons des essais à une vitesse de 10 % supérieure à la vitesse commerciale de 320 km/h, retenue pour l’exploitation de la ligne. » « Nous nous sommes organisés, complète Philippe Arnould, l’un des chefs de base, pour qu’une partie du personnel qui a participé à la mise en place des équipements reste disponible pour assurer la maintenance. Elle connaît en effet tous ces systèmes sur le bout des doigts. » À l’automne 2006, 80 agents, y compris le personnel du Central sous-station, exercent déjà leur vigilance dans la tour de contrôle high-tech de Pagny-sur Moselle. ❚ ©J-B. Vetter CAPA/RFF en France. Ce nouveau système sera compatible au niveau européen. Les données sont transmises par fibres optiques et par ondes hertziennes en utilisant – autre innovation – le GSM-R, un GSM spécial ferroviaire (« R » pour rail). « C’est un bouleversement pour tous, explique Vincent Rousselot, chargé des équipements ferroviaires chez le maître d’ouvrage RFF. En la matière, la LGV Est européenne fera œuvre de pionnière. » De nombreuses précautions sont prises à la demande de RFF pour que la « tour de contrôle » ne connaisse aucune panne. Ainsi, toute une série de batteries assure l’autonomie énergétique des installations, si nécessaire. Et pour mieux maîtriser les risques de panne sur la LGV ellemême, un Système informatique centralisé d’aide à la maintenance (SICAM) facilitera la tâche des techniciens : remontée des alarmes, télésurveillance des installations, recherche de dérangements à distance, etc. Une Ligne pleine d’énergie La réalisation des ouvrages d’alimentation électrique de la LGV Est européenne s’est achevée en novembre 2006. Cinq sous-stations – situées à Penchard (Seine-et-Marne), Vézilly (Aisne), Cuperly (Marne), Les Trois Domaines (Meuse) et au lieu-dit Le Rêle (Meurthe-et-Moselle) – sont réparties de manière équilibrée le long de la LGV, à environ 60 km d’intervalle. « Chaque sous-station doit être connectée à notre réseau haute tension. RTE (Réseau de Transport d’Électricité) a été chargé de ces travaux de raccordement », nous explique Éric Vanneaux, le chef de projet dans la Marne. Volts et haute voltige Les techniciens de RTE se livrent à un exercice de haute voltige pour connecter les sous-stations. Grimpés souvent au sommet de pylônes de 45 mètres de hauteur, ils réceptionnent les câbles tirés par un hélicoptère stabilisé au-dessus d’eux. « Le recours à l’hélicoptère permet un substantiel gain de temps, raconte Jean-Pierre Ferraud, directeur de projets chez RTE. Grâce à lui, nous réalisons les raccordements en deux jours, au lieu d’environ deux semaines en utilisant les méthodes traditionnelles. » ❚ Y.H Sarah Elkaïm Alain Gonon, 52 ans, directeur de la mission COP SNCF Une opération de raccordement menée par les techniciens de RTE. ©M. Monteaux/Médiathèque RTE ©B. Levy CAPA/RFF « Je suis ingénieur TP et, entré à la SNCF en 1983 comme chef de District Maintenance, ma vie professionnelle a été jalonnée de divers projets TGV : installations terminales de la LGV Atlantique, puis études de la LGV Interconnexion, ensuite expertise génie civil sur la LGV britannique CTRL, et enfin, responsable de la Mission COP LGV Est à la Direction de l’Ingénierie SNCF. La Mission COP LGV Est répond au besoin du maître d’ouvrage en assistance pour piloter les conception et réalisation d’ensemble de la ligne nouvelle et de ses raccordements au réseau existant, pour se coordonner avec les autres maîtres d’ouvrage concernés par le projet et avec la SNCF en tant que gestionnaire de l’infrastructure délégué, et dans le cadre des opérations d’homologation et de mise en service. Une coordination permanente et une complicité de tous les jours avec la Direction de la LGV Est à RFF ont formé une équipe très soudée face aux aléas de huit années d’aventures captivantes sur le projet. » ❚ Patrick Trannoy, directeur de la LGV Est européenne à Réseau Ferré de France 2006 a été l’année du grand chantier ferroviaire, quelles en ont été les étapes importantes ? P. T. : Effectivement, les travaux de génie civil s’étant achevés fin 2005, cette année a été celle des équipements ferroviaires… En 2006, le chantier de la LGV Est européenne a avancé dans les délais, au rythme des travaux de la pose de la voie, qui ont commencé en 2004 dans la Marne. Aujourd’hui, grâce au travail et à la mobilisation de tous, la totalité de la voie et des poteaux caténaire est en place sur les 300 kilomètres de plate-forme. La Ligne est également mise sous tension progressivement sur toute sa longueur. est opérationnel. Ce que nous réalisons actuellement se voit moins : il s’agit de l’ensemble des tests statiques de l’infrastructure (voie, signalisation, télécommunications, énergie…), et des essais de montée en vitesse, que pilote pour nous la Direction de l’Ingénierie SNCF, engagés en novembre pour vérifier la qualité des installations et leur niveau de sécurité. Une fois ces essais réalisés, RFF pourra demander à l’EPSF (Établissement public de sécurité ferroviaire) l’autorisation de mettre en exploitation la LGV, en vue du lancement du service commercial le 10 juin 2007. ©CAPA/RFF Et concernant la seconde phase, où en êtes-vous ? Réseau Ferré de France a déjà réalisé les études d’avant-projet des deux tronçons de génie civil entre Baudrecourt (57) et Vendenheim (67). Nous menons actuellement les acquisitions foncières et les procédures de remembrement en Alsace. Nous sommes Que reste-t-il à réaliser sur le chantier de la LGV Est européenne ? prêts à poursuivre la préparation des travaux en Lorraine et en Alsace dès que le Les équipes poursuivent, aux deux extrémités du chantier, les opérations de ballastage tour de table financier, pour une convention dite « préparatoire », aura été bouclé par et de réglage de la voie, le déroulage du fil caténaire et l’équipement de la signalisa- Claude Liebermann, en première étape de sa mission de financement. ❚ tion. En novembre, la sous-station de Vézilly, dans l’Aisne, a été la dernière des cinq Propos recueillis par T.J. sous-stations à être mise sous tension. Notre Poste de commande à distance (PCD) le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - Régions Innovations L e f u t u r s u r l es rail s Partout en Europe, un même L’ERTMS (European Rail Traffic Management System) met le Vieux Continent sur la voie d’un langage ferroviaire commun. Cette harmonisation des systèmes de signalisation rendra compatible le réseau à grande vitesse de RFF et de ses voisins. État des lieux d’une démarche où la science du ferroviaire occupe toute sa place. «L L’ERTMS de niveau 2 en cours de déploiement. e rail européen passe à la signalisation unique », « La signalisation de l’interopérabilité devient réalité »… Au vu des titres qui ont fleuri dans les médias ces derniers mois, l’ERTMS semble bel et bien avoir ouvert la voie à une future gestion harmonisée de la circulation des trains européens. « Il s’agit, confirme Christophe Cicard, de la direction des opérations de la LGV Est européenne, d’arriver à une uniformisation du système de signalisation en Europe, élément clé de l’interopérabilité qui permettra à terme à un train de circuler depuis la Pologne jusqu’au sud de l’Espagne sans avoir à changer de motrice, ni de conducteur à chaque frontière. » 23 systèmes de signalisation différents rentes », soulignent Patrick Castan et Éric Le Moal, les experts chargés à RFF du développement de ce nouveau système. Moins coûteux et d’un déploiement relativement plus simple, le niveau 1 d’ERTMS se révèle, dans un premier temps, plus adapté aux lignes classiques, tandis que le niveau 2 est destiné aux nouvelles Lignes à Grande Vitesse ». La technologie du téléphone portable appliquée au rail Le niveau 1 du système ERTMS, en service depuis mai dernier sur le corridor international VienneBudapest, s’appuie sur un mode de transmission sol-bord ponctuel et fonctionne en superposition à la signalisation latérale. Pour le niveau 2 de l’ERTMS – celui de la LGV Est européenne – le mode de transmission entre le sol et le train n’est plus ponctuel mais continu, grâce à une liaison par GSM-R. Basé sur la norme européenne de téléphonie mobile GSM grand public et utilisant les mêmes principes, le système radio GSM‑R a été développé par les acteurs du ferroviaire pour répondre aux Un essai en grave-bitume Une nouvelle structure d’assise de la voie en grave-bitume est testée par RFF sur une section de 3 kilomètres, à proximité de la gare nouvelle Champagne-Ardenne, au sud de Reims. La grave-bitume est un enrobé associant granulats et bitume, dont les caractéristiques permettent de réduire l’épaisseur de la structure d’assise par rapport aux traditionnelles couche de forme et sous-couche. Ce qui se traduit par une économie sur les fournitures de matériaux de carrière et sur les travaux de terrassement. L’expérimentation, menée par RFF, en partenariat avec l’entreprise Colas et SNCF Ingénierie, fera l’objet d’une surveillance particulière durant les quatre prochaines années. L’objectif est de pouvoir ajouter cette solution C.H. dans la panoplie des techniques reconnues. ❚ - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne besoins de l’exploitation future et remplacera, à terme, les systèmes radio analogiques en place. Sur les futures LGV, l’ERTMS niveau 2 offrira les mêmes performances que celles du système existant, la TVM 430 (Transmission VoieMachine). Si les deux premiers niveaux de l’ERTMS, aujourd’hui en cours de déploiement, répondent aux impératifs d’interopérabilité souhaités par la Commission européenne, la technologie développée à par- la liaison GSM-R, ce qui permet de lisser le débit et d’améliorer la fluidité du trafic ». D’une manière générale, l’ERTMS niveau 2 doit permettre d’augmenter la capacité des lignes les plus fréquentées de 10 à 15 %. Double équipement pour la LGV Est européenne Le niveau 3 de l’ERTMS est actuellement en cours de développement (voir encadré), les deux premiers niveaux existants et le système GSM-R constituent un saut techno- poursuivre sa conquête de l’Europe via une douzaine d’ouvertures d’ici 2009, en Allemagne (SarrebruckMannheim), en Italie (MilanBologne et Bologne-Florence), en Espagne (Madrid-Barcelone ou encore Madrid-Valladolid), en Suède, en Grande-Bretagne ou en Belgique (Bruxelles-frontière hollandaise et Bruxelles-Liège). En France, sur le réseau à grande vitesse, le déploiement de l’ERTMS commence par LGV Est européenne superposé avec l’actuelle TVM 430 pour permettre à L’ERTMS niveau 2 doit permettre d’augmenter la capacité des lignes les plus fréquentées de 10 à 15 %. Sur le réseau français, le déploiement de l’ERTMS 2 commence par la LGV Est européenne. tir du GSM-R pourrait offrir des avantages en réduisant les coûts d’exploitation et de maintenance, et en donnant accès aux transmissions de données à haut débit. Le niveau 2 permet d’augmenter la capacité des lignes et de diminuer les temps de parcours par rapport aux systèmes existants, ce que ne permet pas le niveau 1 du fait de son mode de transmission ponctuelle. « En niveau 1, lorsqu’il y a beaucoup de circulation, le conducteur est tributaire d’informations délivrées ponctuellement, d’où d’éventuels ralentissements et relances intempestives. On subit alors un phénomène de « yo-yo » qui peut occasionner une perte de débit et une surconsommation d’énergie, phénomènes similaires sur le boulevard périphérique aux heures de pointe. Grâce au niveau 2, les autorisations de circulation sont délivrées en temps réel au train via logique pour l’ensemble du système ferroviaire européen. Après le démarrage du système sur le trajet Rome-Naples, puis entre Turin et Novara, l’ERTMS va la SNCF d’échelonner l’équipement de ses rames TGV. L’ERTMS équipera la LGV Rhin-Rhône (Dijon-Belfort) en construction, puis les projets de lignes nouvelles en gestation : le contour- ©C. Sasso CAPA/RFF L’Union internationale des chemins de fer (UIC) lance en 1991 une première réflexion sur la mise au point de spécifications européennes dans ce domaine. Une première version est adoptée à Madrid en avril 2000 et la Communauté européenne, par une directive datant de février 2001, rend obligatoire la mise en œuvre de l’ERTMS sur toute Ligne à Grande Vitesse nouvelle ou sur les lignes dont le système de contrôlecommande doit faire l’objet de travaux importants. Ce n’est qu’en janvier 2006, entre Rome et Naples, que l’ERTMS niveau 2 se lance pour la première fois sur les rails, en service commercial. Il a fallu une quinzaine d’années pour que ce langage commun commence à se concrétiser dans une Europe du rail où les spécificités nationales ont donné naissance à 23 systèmes de signalisation différents. La diversité des besoins des réseaux des différents États européens aboutit à l’élaboration d’un système à plusieurs niveaux techniques et de performance. « Il s’agit d’orientations techniques et de modes de fonctionnement destinés à des applications diffé- Christophe Cicard, adjoint au chargé d’opérations équipements ferroviaires à RFF. langage ferroviaire Les innovations et la LGV Est européenne par Alain Cuccaroni, directeur adjoint de la LGV Est européenne ©B. Levy CAPA/RFF « La LGV Est européenne met en œuvre un nombre important d’innovations. RFF déploie des systèmes nouveaux ou mène sur des zones d’essais des tests grandeur nature en vue d’ouvrir les référentiels des LGV du futur. Par exemple, le GSM-R et l’ERTMS niveau 2 conféreront à la LGV Est européenne son caractère de première ligne interopérable de France, avec aussi le synchroniseur destiné à rendre compatibles les détecteurs de boîtes chaudes avec les freins à courant de Foucault des trains européens. Le développement et la mise en œuvre des téléphones de pleine voie GSM-R permettent aussi l’économie d’une importante quantité de câbles en cuivre, onéreux et sensibles aux vols. La mise en œuvre d’accès rail-route et de dispositifs adaptés de prises d’intervalles de la voie, la généralisation des attaches « fast-clip » et la télésurveillance des moteurs d’aiguille des appareils de voie permettront d’optimiser la maintenance et d’en réduire le coût. C’est une des missions de RFF que de se projeter dans le futur de son réseau. Trois zones d’essai ont été réalisées : une zone de 3 km avec la voie posée sur une assise en grave bitume ; 40 km de voie avec des traverses monoblocs au lieu des biblocs utilisées sur les lignes françaises ; enfin, une zone de 1,8 km de voie posée sur dalle béton, que le Premier Ministre a visité le 20 septembre dernier. L’instrumentation et le suivi de ces zones d’essai permettront à RFF de tirer des enseignements et d’offrir aux concepteurs des futurs projets des outils pour optimiser ou maîtriser les coûts complets, y compris la maintenance sur le cycle de vie de l’infrastructure. Il faut également souligner le recours au système de précontrainte par fils adhérents pour les poutres de quelques ponts-rails et viaducs de la LGV Est européenne. Les retours d’expérience sur ces évolutions techniques seront déterminants dans la généralisation de nouveaux dispositifs. La grande vitesse, projet né de l’innovation il y a vingt-cinq ans, n’a pas fini de progresser… » ❚ Demain se prépare aujourd’hui Le passage d’un mode de détection de la position des trains par le sol à un système de géo positionnement constituera la principale avancée de l’ERTMS niveau 3, actuellement à l’étude. Autrement dit, le centre de traitement au sol utilisera la position exacte calculée par chaque train au lieu d’utiliser, comme aujourd’hui, l’état d’occupation de portions de voie, donné par des circuits de voie (système de cantonnement fixe). Cette future génération de l’ERTMS permettra d’accroître encore la fluidité du trafic, en développant le principe du cantonnement mobile. Grâce aux gains réalisés en termes d’équipements au sol, ce prochain niveau de l’ERTMS devrait se révéler particulièrement adapté aux lignes régionales. H.C. Une innovation en béton sur la LGV Est européenne Maîtriser les coûts de maintenance de la voie RFF souhaite évaluer la fiabilité de ce procédé, ses coûts de construction et de maintenance. Atout de la voie bétonnée : l’arrêt des micro-projections de ballast lors du passage des trains, qui endommagent les rails. Cette technique assurerait aussi une meilleure tenue dans le temps de la géométrie de la voie. Si les coûts de construction de la voie sur dalle sont supérieurs à ceux de la voie ballastée, ce surinvestissement initial pourrait être amorti par la diminution attendue des coûts de maintenance sur la durée de vie de l’infrastructure. ©J. Hekimian CAPA/RFF À Chauconin-Neufmontiers, en Seine-et-Marne, RFF réalise en partenariat avec la SNCF Infra un essai de pose de voie sans ballast sur une zone de 1 800 mètres. Pour la première fois au monde, une section de voie comprenant un aiguillage très grande vitesse, posé sur une dalle béton, sera circulée à 320 km/heure. Plusieurs entreprises ont participé à ces travaux, aux côtés de RFF et de la SNCF : Holcim, producteur de béton ; Guintoli, pour la réalisation de la dalle béton ; Cim Béton pour l’instrumentation de la dalle ; Vossloh Cogifer*, fournisseur d’appareils de voie ; le groupement ETF-Meccoli-Vecchietti*, pour la pose de la voie ; Sateba*, fournisseur de traverses ; Railtech*, fournisseur d’attaches fast-clip. C.H. ©J. Hekimian CAPA/RFF * Entreprises qui ont participé financièrement à l’innovation. ©C. Sasso CAPA/RFF nement de Nîmes et Montpellier, la LGV Sud Europe Atlantique, la LGV Bretagne-Pays de la Loire. Le système devrait également concerner à terme la LGV Sud-Est existante (Paris-Lyon). Pour donner de nouvelles armes au fret ferroviaire, la Commission européenne a, par ailleurs, défini six corridors européens prioritaires pour le déploiement de l’ERTMS sur les lignes classiques concernées d’ici 2017. Soit quelque 13 000 km de voies et près de 20 % du trafic. Pour le réseau conventionnel français, la mise en place de l’ERTMS se fera sur le corridor C (entre le Luxembourg et la Suisse, avec une branche allant jusqu’à Lyon) et le corridor D (reliant l’Espagne à l’Italie, via Lyon). Avec un marché mondial de la signalisation estimé à une dizaine de milliards d’euros par an, les acteurs du ferroviaire sont conscients du formidable enjeu industriel et stratégique que constitue le déploiement de l’ERTMS. D’autant qu’au niveau du matériel, une telle standardisation pourrait abaisser les coûts d’investissement. L’ERTMS pourrait ainsi sortir des frontières de l’Europe pour être adopté par d’autres pays intéressés par cette innovation. ❚ Ferraillage et bétonnage de la voie sur dalle à Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne). Henri Cormier le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - En Direct du Chantier Environnement Énergie de la Ligne U n pat ri m o i n e é c o l o g i q u e à s u i v r e Développement Économique Archéologie Riverains Europe Réseau Ferré de France a engagé cette année Régions avec le cabinet Adage Environnement, associé à plusieurs bureaux d’études spécialisés, un Innovations En ligne avec le bil important programme d’observations qui s’étendra sur plusieurs années et lui permettra d’établir le bilan environnemental de la LGV Est européenne. Une kyrielle de spécialistes a été déployée dans les régions traversées par la ligne nouvelle. Sous la houlette de RFF, ils scrutent les paysages, les milieux naturels, surveillent les ressources en eau, inventorient la faune et les richesses floristiques, ou mesurent le bruit. Enfin ils comparent leurs résultats avec ceux anticipés lors des études préalables. Reportage « terrain ». Des libellules aux batraciens Quelques-uns de ses collègues pistent les libellules. D’autres, les techniciens du bureau d’études OGE, s’attachent aux batraciens, durant des opérations de repérage conduites en Ile-de-France, dans les mares de Malpeines, des vallées de la Beuvronne et de l’Ourcq, en Seine-et-Marne, entre février et juin 2006. Cinq autres campagnes sont menées dans les mares de Beney-en-Woëvre dans la Meuse par les spécialistes de « Néomys ». Ils constatent que les mares recréées abritent déjà des populations d’amphibiens, dont le triton crêté, le triton palmé et la rainette. Début mai, après la période des migrations et de reproduction des batraciens, les spécialistes vérifient l’efficacité des batrachoducs, qui permettent aux batraciens de traverser la Ligne. Les animaux suivis au radar Même démarche en ce qui concerne les passages petite faune. Huit d’entre eux sont équipés du dispo- ©L. Rothan CAPA/ RFF D eux cents sites font l’objet d’observations. Parmi eux, une cinquantaine de points de mesures du bruit et une vingtaine d’autres où l’on contrôle le niveau des nappes phréatiques. Ailleurs, des spécialistes de l’évolution des paysages – les paysagistes du bureau d’études Complementerre – exercent leurs talents sur une dizaine de sites, du bois de Vaires-sur-Marne (Seineet-Marne) au vallon du ruisseau de Thillombois (Meuse). Les campagnes de prises de vues photographiques réalisées périodiquement permettent de vérifier la bonne insertion de la Ligne dans son cadre naturel. Côté milieux naturels, le bilan environnemental bat aussi son plein. Le suivi des chauves-souris est à l’ordre du jour (voir encadré). L’objectif est double : vérifier la présence des espèces puis leur adaptation aux nouveaux axes de circulation qui ont été aménagés pour elles. Chaque espèce de chauve-souris disposant de sa propre « signature sonore », le repérage des espèces s’effectue en soirée et la nuit, à l’aide d’un matériel sophistiqué de détection des ultrasons, la « bat box », d’une portée de 20 à 30 mètres. Plusieurs campagnes ont été menées dans les vallées de la Beuvronne (Seine-et-Marne) et du Rupt de Mad (Meurthe-et-Moselle) durant l’été. « Ce travail a en outre permis d’identifier plusieurs nouvelles espèces », se réjouit Jean-Michel Servau, naturaliste. Itinéraire gâté… d’une chauve-souris L es scientifiques s’intéressent aux chiroptères car leur présence est le signe de la bonne qualité écologique d’un territoire. L’infrastructure peut faire obstacle à leur circulation : les spécialistes parlent d’un « effet barrière ». Pour éviter les risques de collision des petits mammifères ailés avec les futurs TGV, des plantations ont été dressées sur leurs parcours de chasse repérés à proximité de la LGV afin de les diriger vers des axes de franchissement « sécurisés ». sitif « Trail-Master », un appareil photo couplé à un radar détecteur de mouvements. Ils sont localisés tout au long du tracé de la LGV Est européenne, en forêt de Fère (Aisne), dans l’Argonne (Marne et Meuse) ou dans la vallée du Rupt de Mad (Meurthe-et-Moselle). Les photos réalisées en avril, puis en juin, par les techniciens d’OGE attestent du passage de petits mammifères (martres, blaireaux, chats sauvages…). « On constate que les espèces empruntent bien les passages », souligne Cédric Doaré, technicien d’OGE. Des suivis floristiques sont réalisés par des équipes de botanistes qui observent la végétalisation des talus de la LGV en déblai, ensemencés avec un mélange 10 - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne spécial, caractéristique des pelouses sèches en milieu calcaire : un au droit de la Côte de Boufé (Meurthe-et-Moselle), un au droit du versant ouest de la vallée du Rupt de Mad, ainsi que deux talus à proximité de la vallée de la Creuë dans la Meuse. Les oiseaux hivernants du massif de l’Argonne et de la vallée de la Meuse ne sont pas oubliés. Leurs parcours type sont listés lors de campagnes de terrain, de janvier à début mars. Sur les mêmes sites, les oiseaux nicheurs sont repérés à leur chant. Toutes ces observations, et les éventuels dysfonctionnements, sont soigneusement consignées à la demande de RFF. « Toutes les informations recueillies enrichiront une banque de données environnementales », explique Sandrine Rabaseda, la responsable environnement de la LGV Est européenne. RFF présentera le bilan environnemental devant les comités de suivi des engagements de l’État, présidés dans chaque département par le préfet. Ce retour d’expérience profitera également aux aménagements futurs. ❚ Chloé Houette Les enjeux de la démarche • Vérifier la conformité des mesures réalisées par rapport aux engagements pris par l’État lors de la Déclaration d’utilité publique, et à ceux pris par le maître d’ouvrage dans la vie du projet. • Surveiller l’évolution des milieux au cours du temps. • Évaluer la concordance entre les effets prévus et les effets constatés après la réalisation du projet. • Tirer les enseignements des constatations faites sur le terrain, et proposer le cas échéant les mesures correctives nécessaires. • Contribuer à la politique de transparence et d’information de RFF, en restituant publiquement les résultats du bilan environnemental. d e p r ès an environnemental Trésors de l’environnement de la LGV Jurassique Fish La loche d’étang est un poisson des temps préhistoriques redécouvert au pied du viaduc de la Meuse alors qu’il était en construction. Les anciens avaient coutume de l’appeler le « poisson météo » car il sort de son milieu et s’agite avant un orage. Ce poisson est muni d’un double appareil respiratoire qui lui permet de survivre dans un milieu pauvre en oxygène comme la vase. Méga… végétation Formation végétale rare, constituée de hautes tiges, la mégaphorbiaie se développe uniquement dans les zones où alternent des périodes d’inondation et des périodes de sécheresse, comme l’habitat préservé au kilomètre zéro de la LGV, à proximité du Bois de Vaires, en Seine-et-Marne. La mer en Moselle Prairies naturelles salées, les prés salés de la Nied se situent en Moselle, au sein d’une vallée inondable, à l’extrémité est du Bassin parisien. Très rares en France et en Europe, ils sont caractérisés par des habitats biologiques classés d’intérêt communautaire prioritaire par la directive européenne Habitats, et font l’objet d’un suivi attentif de RFF. Ils marquent la présence lointaine d’une étendue d’eau salée. Hélène Léna et Marc Lansiart, Chargés de mission au Ministère de l’Écologie et du Développement Durable (MEDD), et membres du Comité technique du bilan environnemental de la LGV Est européenne Passage grande faune à Villers-en-Argonne (51). Grillage écologique ! « Des clôtures de sécurité sont implantées tout le long de la LGV Est européenne à la demande de RFF », explique Benoît Le Bouc, de l’entreprise Saniez. Des grillages sont posés et des passages aménagés pour la faune, petite et grande, afin de lui permettre de franchir la LGV sans encombre. La nature des clôtures a été adaptée à la faune présente sur les différents sites. Ainsi, des clôtures avec un retour anti-lapins enterré ont été posées : cela évite qu’ils passent à travers ou en dessous. Dans les zones parcourues par le grand gibier, des grillages plus hauts ont été utilisés. Concernant les batraciens, des filets ont été posés dans le bas de la clôture pour canaliser tritons palmés et autres crapauds sonneurs vers des ouvrages de franchissement aménagés à cet effet. Quel est le rôle du Ministère de l’Écologie dans le suivi environnemental de la LGV ? Nous sommes intervenus dans l’élaboration du cahier des charges des études à réaliser aux côtés du maître d’ouvrage RFF, dans le choix des bureaux d’études ou encore dans le contrôle des interventions sur le terrain, par les Directions régionales de l’Environnement, les DIREN d’Ile-de-France, Picardie, Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace et par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Quel est le rôle du Comité technique de la LGV Est européenne auquel vous participez ? Ce Comité donne son avis et veille à la cohérence scientifique des méthodologies utilisées pour la réalisation du bilan environnemental (collecte, analyse et traitement des données). Il permet des échanges entre les différents acteurs avec des débats sur les priorités et les modalités techniques. Comment s’articule votre travail avec celui de RFF ? Les différentes DIREN apportent leur connaissance des zones à étudier au maître d’ouvrage, ainsi que celle des bureaux d’études régionaux. Nous nous assurons que le bilan environnemental est engagé selon les règles de l’art et que tous les thèmes soulevés lors des différentes procédures sont bien étudiés. Mise en place d’une clôture près de Reims dont la maille réduite en partie basse crée une barrière pour la petite faune. ©O. Guerrin CAPA/RFF Quelles sont les particularités du projet à prendre en compte ? La LGV Est européenne concerne des sites Natura 2000, comme ceux de Lorraine, ainsi que des espèces et des espaces protégés. Pour la première fois, pour réaliser le bilan environnemental prévu par la loi, un maître d’ouvrage s’engage sur un suivi global et pluriannuel. Cette démarche novatrice, que nous soutenons, pourra alimenter la réflexion sur les méthodes de réalisation d’un bilan environnemental et sa consistance pour de telles infrastructures. le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - 11 Europe Régions Innovations Le rêve de la grande vitesse La LGV Est européenne, longtemps perçue comme un véritable mythe, va entrer dans la réalité, et provoquer un déclic autorisant à bâtir des projets ou à caresser de nouveaux rêves. Pour preuve : ces quelques témoignages glanés tout au long du parcours de la LGV. Patrick, 43 ans Sylvie, 51 ans Agnès, 30 ans Mariane, 24 ans Jean-Christophe, 36 ans « Je suis de Freyming-Merlebach en Moselle et je fais régulièrement le voyage de Paris. Alors pour moi, la grande vitesse, c’est la perspective d’échapper enfin au cycle décourageant train-boulotdodo. Ne plus courir après les horaires me laissera du temps pour visiter la capitale. » « Mon trajet domicile-travail se limite au parcours Châlons-enChampagne/Reims. Mais passer demain du TER au TGV, ce sera un changement d’époque. Je crois que le gain de temps m’offrira la possibilité de plus fréquentes escapades à Paris. » « J’habite à Nancy, mais le siège de ma société est à Paris. Ces allers-retours de presque 6 heures en train sont pour moi du temps perdu. Des trajets fatigants donc pénibles. Je vis cette future économie de temps – 50 % de moins dépensés en trajets – comme un véritable cadeau. » « Mon petit ami et moi formons véritablement un “couple ferroviaire”. Il réside à Paris. J’ai habité à Montpellier. En 2007, je devrais m’installer à Reims. La nouvelle Ligne va nous changer la vie. La grande vitesse c’est bien aussi pour les transports amoureux ! » « Je vais assez souvent à Rethel car mon père y réside. Reims va devenir dès l’an prochain une ville attractive, facile d’accès. Rethel, qui sera aussi desservi par le TGV, devrait tirer son épingle du jeu, car les prix de l’immobilier y sont beaucoup moins élevés. Il y a une chance de renaissance des Ardennes qu’il faudra saisir. » René-Paul Savary, Président du Conseil général de la Marne Paris et l’Ile-de-France à notre porte Isabelle, 32 ans ©C.G. de la Marne « Située, demain, à 30 mn de Marne-la-Vallée et à 45 mn de Paris-Est, la Marne révolutionne sa relation avec la région parisienne. Les opportunités sont réelles. L’Est parisien constitue aujourd’hui la zone de développement la plus dynamique de la région Ile-de-France et sera, à la mi-2007, à nos portes. L’enjeu est de créer des activités nouvelles, d’accueillir des emplois et de favoriser les conditions d’un renouveau démographique. Le département a des cartes à jouer : s’inscrire dans le nouveau bassin d’emplois prospère et dynamique de l’Est parisien ; construire des logements et proposer des services pour attirer de nouveaux habitants séduits par notre qualité de vie ; accueillir également les entreprises et relancer le tourisme d’affaires ; ouvrir des perspectives à l’enseignement supérieur et à la formation en les positionnant comme une composante à part entière de l’offre parisienne. Les acteurs sociaux et économiques – publics et privés, ruraux et urbains – ont pris l’initiative de s’engager dans une démarche collective « TGV 2007 », afin d’anticiper et d’accompagner concrètement l’arrivée de la grande vitesse ferroviaire. Conjuguer les initiatives et les moyens pour aboutir à des réalisations effectives dès l’an prochain est l’objectif affiché de cette démarche. Partie prenante de ce dispositif, le Conseil général de la Marne soutient les projets portés par les collectivités locales en sa qualité d’aménageur du territoire marnais. » ❚ « Je viens de réussir mon bac à Paris, mais je me suis inscrite cette année en Sciences de la santé à la fac de Nancy. Je pars un peu à l’aventure. Mais ça me rassure de savoir que je ne serai bientôt qu’à 90 minutes de Paris, au lieu de 3 heures aujourd’hui. Ma famille et mes amis ne seront pas si loin que ça. » Vincent, 32 ans « La voiture va accuser le choc, d’autant que le prix du plein devient prohibitif. Avec l’arrivée de la grande vitesse, vivre à Reims et travailler à Paris pourrait se transformer en pari raisonnable. Une condition tout de même : que les abonnés à la navette bénéficient de tarifs réellement préférentiels. » Gertrude, 76 ans Antoine, 27 ans « Entre Sarrebourg et Paris, je vais gagner 1 heure 20, c’est appréciable. Mais de toute façon, même quand le trajet est long comme aujourd’hui, j’en profite pour lire, écrire, faire les jeux des magazines. Moi, je suis une adepte résolue du train. » « Je termine actuellement un doctorat en Littérature française aux États-Unis. Mais je profite toujours des vacances universitaires pour rejoindre une partie de ma famille qui vit en Alsace. Je passe tant de temps dans les transports que j’attends la grande vitesse avec impatience. » Michel Dinet, Président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle Un formidable levier de développement « La réalisation de la LGV Est européenne met sur les rails quatre dynamiques : • Au carrefour de l’eurocorridor Nord-Sud et d’un axe Est-Ouest, entre Metz et Nancy, bordée par l’autoroute A4 et la RN 4, la Meurthe-et-Moselle est située au centre de la Lorraine. Le Val de Lorraine, autour de Pont-à-Mousson, constitue le noyau de cet espace carrefour. Si la grande vitesse ferroviaire nous rapproche de Paris, elle conforte également la vocation européenne de notre département et de notre région. Les connexions, tant vers la façade atlantique que vers Strasbourg, l’Alsace et l’Europe orientale, sont primordiales. • L’arrivée de la grande vitesse renforcera l’essor de nos deux grandes aires urbaines : Nancy et Metz. Le nombre conséquent de dessertes quotidiennes dont elles bénéficient doit y contribuer. • Une meilleure irrigation de l’ensemble des territoires locaux et régionaux lorrains. C’est la raison de notre participation à l’électrification des lignes vosgiennes. Nous sommes, par ailleurs, très attentifs à la manière dont des villes comme Lunéville et Toul, ainsi que les bassins de Longwy et Briey vont pouvoir bénéficier dans le futur de la présence du TGV. • Une magnifique opportunité en matière de décentralisation. Grâce, notamment, à la future gare d’interconnexion, chaque Lorrain pourra rejoindre Vandières en TER, pour monter dans une rame TGV qui le conduira à Londres, Nantes, Bordeaux ou Rennes. » ❚ 12 - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne ©C.G. de la Meurthe-et-Moselle Nina, 18 ans « Je suis une habituée des trajets de Paris à Metz où habite ma famille. La réduction des temps de trajet, ça signifie pour moi plus de possibilités de “couper” avec la vie professionnelle et l’agitation quotidienne, de me ressourcer, le temps d’un weekend par exemple, et de profiter aussi de la belle campagne lorraine. » désormais possible Djamel, 29 ans Pascal, 43 ans Wilfried, 72 ans Bertrand, 37 ans Christian, 50 ans « Je travaille à la gare de Rethel. La mise en service de la LGV va transformer à la fois notre gare et mon quotidien. Je rendrai plus facilement visite à ma mère qui qui vit actuellement à Paris. Côté loisir, je sais que j’irai plus souvent à Strasbourg, une ville que j’adore. Les marchés de Noël, là-bas, c’est magique ! Côté métier, la nouvelle gare de Bezannes, près de Reims, m’attire beaucoup. » « Pour moi, comme pour les autres Rémois, ce sera plus aisé de traverser la France d’est en ouest. Je vais avoir l’occasion de découvrir Nantes, une envie inassouvie depuis trop longtemps. Et sans devoir changer de train. Je n’aurais plus aucune excuse. » « J’ai quitté les Ardennes pour Toulon et son chaud soleil, voici quelques années déjà. Mais je reviens régulièrement à CharlevilleMézières où je conserve des attaches familiales. Jusqu’à présent, je faisais le trajet en voiture. Une expédition assez éprouvante. Ce sera une nouvelle liberté, à défaut d’une nouvelle jeunesse ! » « En tant que chef d’entreprise, je viens souvent à Paris pour le travail. La vitesse va me simplifier la vie et me permettre de mieux récupérer. Je rejoindrai aussi plus facilement Marne-la-Vallée, où j’ai des activités. D’une manière générale, c’est un grand plus pour tout l’Est de la France. » « Je suis un habitué des allersretours entre Paris et la Lorraine. Une chose est sûre, je vais bénéficier à plein du gain de temps : 3 heures épargnées dans la journée ! Au lieu de devoir séjourner à l’hôtel, je pourrai prendre le train au petit matin et revenir dormir à la maison. » « J’achève mes cours à l’ENA, à Strasbourg. Comme j’ai une réunion avec des hauts fonctionnaires à Paris à 15 heures, j’ai dû quitter la capitale alsacienne tôt ce matin et je ne pourrai rentrer que demain matin en Alsace. À la mi-2007, j’aurais achevé ma scolarité, mais je pense à tous mes collègues : eux, l’effet grande vitesse, ils en profiteront à plein. » « La mise en service de la LGV Est européenne est de nature à donner un nouvel essor à notre département et à l’Alsace toute entière. L’attractivité de nos territoires s’en trouvera renforcée. Une des grandes préoccupations de la population haut-rhinoise est en effet de pouvoir disposer d’infrastructures de transport de qualité, ainsi que d’une offre multimodale. C’est pourquoi, à l’instar du soutien apporté à l’Euro Airport de Bâle-Mulhouse, le département a investi dans le financement du projet à hauteur de 24,4 millions d’euros. Dans le même élan, nous contribuons pour 53 millions d’euros à la construction du premier maillon de la LGV Rhin-Rhône, qui reliera Dijon à Mulhouse. La LGV Est européenne et la LGV Rhin-Rhône donneront une nouvelle image de notre territoire. La vocation de l’Alsace, trait d’union entre la France et l’Europe, sera confortée. Pour Mulhouse, le Train à Grande Vitesse annonce un regain de développement. Tous les secteurs d’activités liés aux courants d’affaires sont concernés. Pour l’Université de Haute-Alsace, c’est l’occasion d’accroître sa notoriété en attirant des étudiants venus de tout l’Hexagone. Au cœur de notre département, Colmar sera désormais un point central entre les deux métropoles que sont Bâle et Strasbourg. L’axe alsacien Nord-Sud en sera vivifié. » ❚ ©C.G. du Haut-Rhin Christophe, 28 ans Charles Buttner, Président du Conseil général du Haut-Rhin Une nouvelle image de modernité Bruno, 44 ans Samia, 27 ans « J’habite à Fameck, entre Metz et Thionville. Il y a bien une vie culturelle en Lorraine, mais ce nouveau lien me poussera à aller voir plus d’expositions à Paris. Faire du shopping aussi. Sans compter les opportunités de travail qui peuvent se présenter. La distance ne sera plus un obstacle rédhibitoire. » « Paris, j’ai déjà donné, j’y ai vécu huit ans, trop speed pour moi. Je préfère Charleville-Mézières. Mais je pense à mes enfants âgés de 17 et 15 ans. S’ils poursuivent des études universitaires, ce que j’espère, ils pourront choisir une filière à Reims ou Paris, sans multiplier les allers-retours en voiture, qui sont toujours risqués. C’est une source d’angoisse qui disparaîtra. » Thierry, 42 ans « Avec ma femme et ma fille, nous habitons Semuy, une petite bourgade située à l’est de Rethel. Il était temps que la grande vitesse desserve les Ardennes. Nous allons pouvoir attirer les entreprises et donc enrayer le chômage très fort autour de chez nous. Et les touristes viendront plus souvent que quelques jours en été. Je n’attends pas seulement l’arrivée d’un train performant, j’attends surtout le décollage d’une région. » Djamel, 32 ans, sa femme Fatiha, 26 ans, et leurs deux enfants Isabelle, 25 ans « J’habite Metz. Pour aller voir mes amis de fac à Nantes, ou prendre l’avion à l’aéroport Charles-de-Gaulle, je prendrai mon train à la gare de Louvigny. Cela va vraiment me faciliter la vie ! Cette ligne permet de rapprocher les extrêmes. » ❚ Texte et photos Sarah Elkaïm « J’aime énormément Paris. Mais les enfants qui sont encore petits souffrent de la pollution, du bruit et du manque d’espaces verts. C’est pour cela qu’avec mon épouse Fatiha, on a décidé de rester dans les Ardennes. Pour le moment, je passe la semaine seul dans un studio de la capitale et je rentre à la maison le week-end. Après juin 2007, je pense que je ferai l’aller-retour tous les jours, puisque Sedan ne sera plus qu’à deux heures de Paris. » le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - 13 Riverains Europe Régions Innovations Une seconde phase déjà AT ISL AV A BR VIE NN E LIN BU LZ SA Z RG CH RG NI BU MU GS AU UL M Aménagements Am ména nag gements ents : en travaux en étude réalisés Le point sur les avancées de l’axe Paris-Bratislava L a coordination au niveau européen s’intensifie sur l’aménagement du grand axe ferroviaire reliant Paris à Bratislava, en passant par Strasbourg, Munich et Vienne. Le 14 mars 2006, les ministres des Transports français et allemand ont signé un accord pour le remplacement de l’actuel pont de Kehl par un pont à double voie apte à 160 km/h (voir encadré ci-contre). Les quatre ministres des Transports concernés ont signé le 9 juin une déclaration d’intention pour l’aménagement de l’axe Paris-Bratislava dont la LGV Est européenne est le maillon français, en sollicitant des financements communautaires au titre des réseaux de transport transeuropéens. L’Initiative « Magistrale pour l’Europe », présidée par Heinz Fenrich, Maire de Karlsruhe, et l’association du TGV Est européen, présidée par Fabienne Keller, Maire de Strasbourg, ont rassemblé le 14 juin à Strasbourg, à l’initiative de Péter Balázs, coordonnateur européen de ce projet prioritaire, en présence de Jacques Barrot, VicePrésident de la Commission, de nombreux députés européens, des représentants des autorités régionales et des forces vives des territoires desservis, qui ont déclaré leur soutien à ce projet. Dans son premier rapport annuel d’activité présenté à la Commission européenne le 13 septembre dernier, Péter Balázs a fait le point sur l’état d’avancement des aménagements en cours ou prévus. Il y recommande le financement en priorité des trois sections transfrontalières, dont le pont de Kehl, et de trois sections dont la seconde phase de la LGV Est européenne, entre Baudrecourt et Vendenheim. ❚ © Yves Hardy Claude Liebermann, Chargé de mission au Ministère des Transports « La dimension européenne de la ligne est essentielle » Comment envisagez-vous la seconde phase de la LGV Est européenne ? C.L. : Cette seconde phase dépasse les intérêts régionaux et même nationaux. La demi-heure gagnée sur ParisStrasbourg est importante pour les Alsaciens et ses effets induits positifs pour l’agglomération et la région. Plus fort encore, la seconde phase est en fait un maillon clef de la future Magistrale pour l’Europe, cet axe ferroviaire à grande vitesse appelé à relier la France au sud de l’Allemagne, à l’Autriche, la Slovaquie et la Hongrie. Vous êtes au cœur d’un des débats les plus passionnants sur l’aménagement futur de l’Europe ? L’ouverture ferroviaire vers l’Est est inéluctable. Dans le même temps, il faut rééquilibrer les réseaux européens vers le centre et le sud du continent. Le débat est donc loin d’être tranché. La Pologne privilégie naturellement l’axe Varsovie-Berlin, capable de se raccorder à la branche nord de la LGV Est européenne, par Francfort. La construction de la seconde phase accroît la crédibilité de l’axe Strasbourg-Stuttgart-Munich, prolongé demain vers Vienne et Budapest, et après-demain peut-être vers Istanbul. L’Allemagne est tentée de privilégier l’itinéraire Nord, la France celui du Sud. Je crois que notre intérêt comme celui d’une majorité d’Européens est de veiller à ce que les deux futures liaisons avancent de concert. Quels signaux vous parviennent de Bruxelles ? Peter Balazs, le coordinateur pour la Magistrale, et Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports, sont convaincus de la nécessité de cette seconde phase de la LGV Est européenne et plus loin de la Magistrale. L’Europe a donné un accord de principe sur sa participation à son financement. C’est une réelle avancée. Cette impulsion a besoin d’être relayée par les acteurs français. L’État, RFF et les collectivités territoriales doivent se mettre d’accord sur un financement « starter », évalué à 96 millions d’euros. Ensuite, il faudra mettre à plat le financement afin de trouver les fonds pour la réalisation des travaux proprement dits. Comment réagissent les différents acteurs concernés par le projet ? Les Allemands, en raison du nombre important de leurs métropoles urbaines, ne comprennent pas que l’on puisse passer plus d’une heure dans un ICE (ou un TGV) sans qu’il s’arrête. À l’inverse, les acteurs français pensent d’abord à valoriser l’atout de la grande vitesse sur des trajets de trois heures et plus, où le train peut prendre d’importantes parts de marché à l’avion. À propos des investissements, il n’y a pas de formule magique de financement. Le recours aux partenariats public/privé (PPP) peut apporter des solutions. Au bout du compte, c’est l’évolution du marché qui détermine la future carte européenne des transports. Comment, justement, s’exprimeront les besoins de mobilité dans les grandes agglomérations d’ici à 2030 ? Le prix du carburant, durablement orienté à la hausse, peut-il peser de manière notable en faveur de tel ou tel mode de transport ? Je crois que si nous réussissons à faire du transport ferroviaire de qualité à des coûts compétitifs, il sera plébiscité par les voyageurs. ❚ Propos recueillis par Yves Hardy 14 - N°4 Décembre 2006 - le journal de la ligne Source : Rapport annuel d’activité du coordinateur européen Péter Balàzs - juillet 2006 - Projet prioritaire n°17 « Axe ferroviaire Paris-StrasbourgStuttgart-Wien-Bratislava » RT RU HE ST UT TG A KA RL S ST RA S BO UR G PA RIS L’Europe de la grande vitesse ferroviaire se construit. La seconde phase de la LGV Est européenne en préparation en sera l’un des maillons essentiels. Visions partagées des deux côtés du Rhin. Claude Liebermann, ingénieur des Ponts et Chaussées, est chargé par le Ministre des Transports d’une mission sur le financement de la seconde phase de la LGV Est. Pour lui, la réalisation des 107 km de ce tronçon de LGV entre Baudrecourt (Moselle) et Vendenheim (à proximité de Strasbourg), constitue, avec le nouveau pont sur le Rhin en préparation que vont construire les Allemands, une pièce fondamentale de la Magistrale pour l’Europe. Le futur corridor ferroviaire, sur lequel circulera peut-être un nouvel Orient-Express, pénétrera jusqu’au cœur de l’Europe. Côtés allemand et suisse, la Deutsche Bahn (DB) et les Chemins de fer fédéraux (CFF) souscrivent au dessein européen de la grande vitesse, tout en mentionnant les spécificités de leur réseau et de leurs traditions. Benedikt Weibel, Président des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) « Notre défi : articuler grande vitesse et vitesse classique » Qu’attendez-vous de la mise en service de la LGV Est européenne ? B.W. : La LGV Est européenne apportera d’importantes améliorations pour les clients des relations Bâle–Paris : quatre allers–retours quotidiens, dont trois prolongés jusqu’à Zurich. Les temps de parcours entre Bâle et Paris passeront de 4 h 55 actuellement à 3 h 30, et de 5 h 55 à 4 h 30 depuis Zurich. ©Photo CFF Un nouveau pont sur le Rhin Comment percevez-vous le projet de Magistrale ? Les CFF, dont le réseau se situe au cœur de l’Europe, sont intéressés au meilleur raccordement possible à l’ensemble du réseau à grande vitesse européen. Et il y a encore – c’est le moins qu’on puisse dire – un grand potentiel de progression sur l’axe Est-Ouest. Source : Ingerieurgruppe Bauert La Suisse participe-t-elle au financement de LGV en France ? La Confédération helvétique participe en effet à hauteur de 66 millions d’euros au financement de la branche Est de la LGV Rhin-Rhône. À terme, cette nouvelle ligne rapprochera encore la Suisse de Paris, avec des temps de parcours de 3 heures entre Paris et Bâle, et de 4 heures entre Paris et Zurich. En juin 2007, les TGV utiliseront le pont actuel à voie unique sur le Rhin, entre Strasbourg et Kehl, pour aller à Munich. Dans le même temps, la Deutsche Bahn a lancé les études pour la construction d’un nouveau pont ferroviaire à deux voies, apte à faire circuler des trains à 160 km/h, contre 60 km/h aujourd’hui. Un accord en ce sens a été signé entre les gouvernements français et allemand le 14 mars 2006 à Berlin, qui prévoit une mise en service en 2010. « Le chantier du pont démarrera en 2008 », indique Alain Cuccaroni, directeur adjoint de la LGV Est européenne pour Réseau Ferré de France qui devra dans le même temps adapter le plan de voies en rive française en fonction du nouvel ouvrage. Quelles sont les caractéristiques du réseau ferroviaire suisse ? C’est le plus dense en Europe. Les distances entre les villes principales sont inférieures à 100 km et favorisent la fréquence plutôt que la vitesse. À l’avenir, les trains des CFF rouleront sur des tronçons à 200 km/h, notamment entre Olten et Berne et dans les nouveaux tunnels alpins du Lötschberg et du Gothard. Le réseau suisse est également connecté au réseau européen à grande vitesse : les Pendolinos italiens, les ICE allemands et les TGV desservent déjà plusieurs fois par jour les grandes villes de notre pays. ❚ Propos recueillis par Y.H. Werner Ried, détaché de la Deutsche Bahn (DB) à l’Alliance franco-allemande pour la grande vitesse « La culture ferroviaire allemande est originale » © Yves Hardy Des deux côtés du Rhin, les approches de la grande vitesse sont-elles différentes ? W.R. : L’histoire des deux pays explique l’existence de spécificités. Alors que la France reste centrée sur Paris, l’Allemagne est avant tout un pays polycentrique. Elle est une somme de puissants Länder (Régions), qui abritent chacun de nombreuses métropoles urbaines. Cela est particulièrement vrai dans les zones desservies par la LGV Est. D’aucuns se sont étonnés de notre insistance à faire arrêter les trains à Kaiserslautern, ville située entre Sarrebruck et Mannheim. Ce centre urbain du Palatinat regroupant plus de 100 000 habitants, c’est tout de même une bonne raison ! Nous sommes très attachés à un réseau ferroviaire maillé qui assure le maximum de correspondances. Aller plus vite, certes, mais sans négliger les dessertes, telle est notre philosophie. Les cultures ferroviaires française et allemande ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. On peut dire que la LGV Est européenne incite à leur mariage. Je crois qu’au final il se formera un joli couple. Des ICE allemands entrant à la Gare de l’Est à Paris en juin 2007, ce sera une image forte ? Ce sera un symbole parmi d’autres de la coopération franco-allemande à l’œuvre. De la frontière commune à Paris, des ICE rouleront sous la responsabilité de la SNCF. Inversement, en Allemagne, des TGV circuleront sous celle de la DB. D’un point de vue pratique, les ICE se consacreront à la liaison Paris-Francfort et les TGV au trajet entre Paris, Stuttgart et Munich. Des programmes de formation sont engagés depuis plus d’un an pour former des équipages mixtes bilingues, tant des conducteurs que des agents de service à bord. Qu’en est-il de la seconde phase de la LGV Est européenne et du grand projet de Magistrale pour vous ? Nous procédons par petites touches pour améliorer la liaison entre Stuttgart et Munich. Une nouvelle gare souterraine est en construction à Stuttgart pour supprimer le cul-de-sac qu’elle constitue. La vitesse sera relevée de 200 à 230 km/h entre Augsbourg et Munich d’ici à 2011. D’autres tronçons de la Magistrale seront progressivement aménagés. À l’heure de l’Europe des 25, il apparaît essentiel de mieux nous relier au centre du continent. ❚ Propos recueillis par Julie Teurnier et Yves Hardy le journal de la ligne - N°4 Décembre 2006 - 15 Équipements ferroviaires Événement Partenaires LGV Est Ouvrages d’Art Le 20 septembre dernier, M. Dominique de Villepin, Premier Ministre, a procédé à la soudure du dernier rail de la première En duRépondant Chantier phase deDirect la LGV Est européenne. à l’invitation de Michel Boyon, Président de Réseau Ferré de France, il a ainsi officiellement célébré l’achèvement des travaux de pose de la voie en présence des partenaires du projet. Environnement Une grande étape ferroviaire franchie E n présence de M. Dominique Énergie dePerben, la Ligne Ministre des Transports, de l’Équi- pement, du Tourisme et de la Mer, de Développement Économique M. Jean-François Copé, Ministre délégué au Budget et à la Réforme de l’État, porte-parole du gouvernement, de Mme Anne-Marie Idrac, Archéologie Présidente de la SNCF, et des élus et partenaires du projet, l’événement s’est déroulé en Riverains Seine-et-Marne au point kilométrique 20 de la Ligne, là où RFF teste en vraie grandeur une voie sans ballast, l’une des expérimentations Europe de la LGV Est européenne. Le geste du Premier Ministre, selon Michel Boyon, « marque le franchissement d’une étape Régions essentielle dans la construction de la Ligne à Grande Vitesse Est européenne. Quatre ans après le début des Innovations grands travaux de terrassement, deux ans après la pose du premier rail, un an après l’achèvement du dernier ouvrage de génie civil, nous fêtons aujourd’hui la fin de la pose de la voie. » Hommage aux hommes et femmes du chantier ©Photos : L. Charrier CAPA/RFF Pour réaliser les 300 kilomètres de voie, qui constituent la première phase de la LGV Est européenne (entre Vaires-sur-Marne et Baudrecourt), 1 300 kilomètres de rail, 1 million de traverses et 3 millions de tonnes de ballast auront été nécessaires. En allant au contact de ceux et celles qui ont œuvré sur le très grand chantier ferroviaire, Dominique de Villepin s’est félicité du « savoir-faire et de l’énergie déployée par les entreprises sous la direction de Réseau Ferré de France ». L’excellence française de la très grande vitesse La mise en service de la LGV Est européenne en juin 2007 apportera « un changement essentiel dans la vie de beaucoup de nos concitoyens […]. Pour nous tous c’est une grande fierté […], c’est l’illustration de l’excellence française, de notre savoir-faire et de notre capacité à rassembler nos forces autour de grands projets », a affirmé Dominique de Villepin avant de lancer la phase importante de tests de l’infrastructure qui durera jusqu’en mars 2007. ❚ D.C. Ci-dessus, de gauche à droite : Péter Balàzs, coordinateur pour l’axe Paris-Bratislava à la Commission européenne, Adrien Zeller, Président de la Région Alsace, Dominique de Villepin, Premier Ministre, Dominique Perben, Ministre des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer, Fabienne Keller, Maire de Strasbourg, Jean-François Copé, Ministre délégué au Budget et à la réforme de l’État, Porte-parole du Gouvernement et Michel Boyon, Président de Réseau Ferré de France. Expositions « Cent mille ans sous les rails » L es résultats des opérations de fouilles archéologiques réalisées de 2000 à 2003 sont déjà livrés au public à travers une grande exposition ludique et pédagogique. « Nous avons mené notre partenariat jusqu’au bout avec le Ministère de la Culture et les archéologues de l’INRAP », explique Éliane Mazeran en charge du suivi de ces travaux pour le maître d’ouvrage, RFF. L’exposition s’articule autour de thèmes qui évoquent l’évolution des paysages et des peuplements, de l’homme du Neanderthal aux terroirs médiévaux et la scénographie met en valeur les vestiges mis au jour par plus de 200 archéologues. Pour découvrir l’exposition « 100 000 ans sous les rails » prenez votre billet dans les musées concernés : – Au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Châlons-en-Champagne : jusqu’au 3 décembre 2006. Ouvert tous les jours de 14 heures à 18 heures, le dimanche de 14 h 30 à 18 h 30. Fermé le mardi. – Au Musée lorrain de Nancy : du 16 décembre 2006 au 19 mars 2007. Contacts : www. inrap.fr, www.chalons-en-champagne.net ; www. nancy.fr L’exposition se déplacera également au musée de la Préhistoire d’Ile-de-France à Nemours d’avril à septembre 2007, à l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry de mi-septembre à fin novembre 2007, et au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye de la mi-décembre 2007 à fin février 2008. le journal de la ligne N° 4 Directeur de la publication : Patrick Trannoy (RFF) • Responsable d’édition : Thierry Jankowski (RFF) • Conception-réalisation : STRATIS PRESSE, 16 bis, avenue Parmentier, 75011 Paris, Tél. : 01 55 25 54 54 •R édacteur en chef : Yves Hardy • Rédaction : Henri Cormier, Denis Couty, Éric Delon, Sarah Elkaïm, Chloé Houette, Maud Richardot, Julie Teurnier • Secrétaires de rédaction : Marjorie Lhomme (RFF), Philippe de Brandily • Infographie : Hélène Doukhan • Maquette : Marie-Anne Gominet • Impression : Fabrègue • le journal de la ligne est une édition de Réseau Ferré de France, copyright RFF/LGVEE. 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