Vie personnelle du salarié en dehors du temps de travail La

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Vie personnelle du salarié en dehors du temps de travail La
Association des Responsables de
Services Généraux
Facilities Managers Association
Vie personnelle du salarié en dehors du temps de travail
La distinction entre la notion jurisprudentielle de vie personnelle du salarié et sa vie
professionnelle a donné lieu depuis quelques années à une jurisprudence
abondante. L'intérêt de cette distinction réside dans la détermination des activités qui
relèvent de la seule liberté personnelle du salarié et qui, par suite, échappent à
l'autorité de l'employeur et celles qui peuvent être contrôlées par ce dernier,
principalement sur le lieu du travail et l'entreprise.
On appelle vie personnelle, l'ensemble des actes, paroles ou comportements du
salarié qui sont sans rapport avec l'exécution du contrat de travail ou la vie de
l'entreprise. On a, souvent, confondu vie privée avec vie personnelle mais depuis
1997 la Cour de cassation utilise la notion de vie personnelle, plus large que celle de
vie privée. De fait, la vie privée ne concerne que les comportements qui ne sont pas
connus des tiers tandis que vie personnelle doit s'apprécier plus globalement
puisqu'elle reprend les éléments de la vie privée, et inclut des comportements publics
dans sa sphère de protection. Elle recouvre ainsi trois aspects : la vie privée à
proprement parler, l'exercice des libertés civiles (mariage, divorce) et des libertés
civiques (participation à la vie politique ou associative), auxquels s'ajoutent d'autres
éléments qui y sont inclus au fur et à mesure des cas d'espèces soumis aux juges.
On y trouve, désormais, les comportements publics tels que les actes de
consommation, la vie associative, le droit à l'image, les manières de vivre...
La vie personnelle du salarié et sa vie professionnelle ont naturellement vocation à
constituer deux sphères distinctes. C'est le principe de dissociation de la vie privée
de la vie professionnelle.
Pendant les suspensions du contrat de travail (congés par exemple), le
comportement du salarié relève uniquement de sa vie personnelle. De fait,
auparavant il semblait que seuls pouvaient faire l'objet d'un licenciement pourvu de
cause réelle et sérieuse les actes pénalement répréhensibles commis sur le lieu de
travail réel ou potentiel. Mais, depuis un arrêt du 25 janvier 2006, la Cour de
cassation souligne que certains emplois exigent une obligation particulière de
probité. Avant décembre 2002, les juges de la Cour suprême étaient très réticents à
l'idée d'une possible sanction pour des faits commis dans un cadre extra-
professionnel. Cependant, la Cour de cassation considère, désormais, que, dans
certains cas, un fait tiré de la vie personnelle peut se rattacher à la vie
professionnelle et justifier un licenciement. L'étude de ces cas de rattachement
permet de préciser la notion de vie personnelle : l'employeur doit montrer en quoi
l'élément tiré de la vie personnelle interfère avec la vie professionnelle.
Ces différents cas de rattachement sont en mutation ; à la suite de la traditionnelle
obligation de loyauté, la jurisprudence à découvert le trouble caractérisé puis
récemment l'atteinte à la sécurité.
L'obligation de loyauté est violée quand le salarié concurrence son entreprise ou lui
cause un préjudice de façon plus générale. C'est par exemple le cas dans un arrêt
de la Cour du 21octobre 2003 : le mécanicien d'une entreprise avait durant un arrêt
maladie réparé un véhicule pour son propre compte en faisant appel à l'aide d'un
autre mécanicien de l'entreprise.
Cette obligation de loyauté est également remise en question lorsqu'un salarié
effectue une formation dans entreprise concurrente, ou encore lorsque ce dernier se
sert de ses fonctions professionnelles pour réaliser une infraction pénale au
détriment de son employeur, ou manifeste un comportement qu'il est sensé réprimer
dans le cadre de ses fonctions. Comme ce fut par exemple le cas d'un salarié de la
CAF qui avait minoré pendant plusieurs années ses déclarations de ressources afin
de bénéficier de prestations sociales inclues (Cass. soc 25 fev. 2003).
L'absence de concurrence directe avec l'entreprise fixe une limite à l'obligation de
loyauté. Si l'activité exercée par le salarié durant un arrêt maladie est différente de
son activité professionnelle chez l'employeur sa loyauté ne saurait être remise en
cause.
Ainsi, travailler pendant une année sabbatique pour une entreprise non concurrente
ne constitue pas une faute. De fait, le rapport annuel de la cours de cassation de
l'année 2002 précise que le manquement de l'obligation à la loyauté exige que le
salarié ait une activité pendant l'arrêt de travail qui soit incompatible avec son
incapacité de travail.
Le deuxième cas de rattachement de la vie personnelle à la vie professionnelle est
constitué par la notion de trouble caractérisé au sein de l'entreprise. Cette notion est
formulée de façon très explicite par la Cour de cassation : "si un fait tiré de la vie
personnelle ne peut constituer une faute, il en est autrement si le comportement de
l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a
causé un trouble caractérisé au sein de cette dernière". Cette notion de trouble
caractérisé doit être appréciée in concreto par les juges, qui doivent prendre en
compte pour se prononcer sur son existence effective la nature de la tâche, les
fonctions du salarié, la taille de l'entreprise, son secteur, etc.
Néanmoins les deux notions essentiellement retenues sont celles des fonctions du
salarié et de la finalité propre de l'entreprise et ce depuis la création de ce
rattachement en 1991. Deux cas entraînent presque systématiquement un trouble :
le salarié violent envers ses collègues et le salarié voleur au détriment des clients de
l'entreprise. Son comportement violent est sanctionné quel que soit l'endroit où il
intervienne, qu'il se manifeste sur le lieu de travail ou en dehors. Le salarié voleur est
sanctionné quand ses agissements sont susceptibles de jeter le discrédit sur
l'entreprise. Dans ce cas, la faible valeur de l'objet volé importe peu.
Il existe, toutefois, deux domaines traditionnellement reconnus comme relevant
strictement de la vie personnelle : les goûts et les mœurs ainsi que les incriminations
pénales lorsqu'elles n'ont pas de rapport direct avec l'entreprise. On avait déjà pu
apprécier l'évolution de cette juridiction sur ce sujet. Les goûts et les mœurs relèvent
strictement de la vie personnelle. Deux arrêts fondateurs énoncent ce principe :
l'arrêt "Painsecq" du 17 avril 1991 tout d'abord qui condamne le licenciement d'un
sacristain homosexuel et un plus récent, datant du 22 janvier 1992 et portant sur le
licenciement d'un salarié de Renault qui avait eu le "tort" de rouler en Peugeot. Ces
comportements ne sauraient constituer une faute.
Il existe tout de même une nuance à ce principe. La Cour de cassation a reconnu
depuis l'arrêt Painsecq, que le comportement du salarié, compte tenu de la nature de
ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise pouvait créer un trouble
caractérisé au sein de cette dernière. Cela signifie que la spécificité des entreprises
dont l'activité est la promotion et la défense de convictions et des comportements qui
s'y attachent à condition bien entendu qu'ils soient licites, et ainsi préservés. Mais les
décisions de la Cour de cassation reconnaissant une telle spécificité sont rares et
plutôt anciennes. De plus, sauf dans les cas de vols et de malversations discréditant
l'entreprise, les démêlés d'un salarié avec la justice pénale ne sont pas censés
causer un trouble caractéristique au sein de l'entreprise. Ils ne sauraient donc relever
de la vie personnelle, qu'il s'agisse d'un clerc aidant au séjour d'un irrégulier étranger
ou encore d'un employé de banque émettant des chèques sans provision ;
Cependant, dans une espèce un peu particulière, les juridictions ont pu considérer
que l'arrestation du salarié sur le lieu de travail pour des actes commis contre un
autre salarié dans le cadre de sa vie privée pouvait constituer un trouble objectif
caractérisé.
Il existe enfin un dernier cas de rattachement, plus récent, consacré par un arrêt de
revirement de la Chambre sociale du 2 décembre 2003. La Cour y énonce que "le
fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de
véhicules automobiles de se voir retirer son permis pour des faits de conduite sous
l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se
rattache à sa vie professionnelle". Dans cette espèce, les juges du fond avaient cru
devoir juger que la conduite en état d'ivresse d'un chauffeur de poids lourd et le
retrait de son permis de conduire, constatés, alors qu'il n'était pas dans son temps de
travail, ne pouvaient caractériser une faute disciplinaire et justifier son licenciement.
Mais cette analyse a été censurée par la Chambre sociale estimant que le fait pour
un salarié affecté, en exécution de son contrat de travail, à la conduite de véhicules
automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous
l'empire d'un état alcoolique -même commis en dehors de son temps de travail- se
rattache à la vie professionnelle, et non personnelle du salarié.
On doit conclure de cet arrêt que la vie professionnelle ne se limite pas
nécessairement au seul temps de travail, ni au lieu d'exécution du contrat. En
l'occurrence, on doit constater que l'exécution du contrat de travail était
nécessairement affectée par la suspension du permis de conduire. On doit souligner
plus généralement, que si la jurisprudence a reconnu au salarié une certaine
autonomie le mettant à l'abri de l'autorité de l'employeur dans certains actes de sa
vie personnelle, cela n'exclut pas l'existence de nécessaires limites, ce qui était le
cas dans l'espèce s'agissant principalement d'un fait délictueux et de la nature du
contrat de travail. Le fait se rattache logiquement à la vie professionnelle.
Cependant cette décision ne s'applique que dans des cas bien définis ; en effet, dans
un arrêt de mai 2005, la Cour de cassation a approuvé les juges d'appel de ne pas
avoir retenu la cause réelle et sérieuse de licenciement dans une affaire où le permis
de conduire d'un agent de maintenance d'ascenseur avait été suspendu à la suite
d'un contrôle d'alcoolémie positif alors qu'il conduisait son véhicule personnel. Dans
cette dernière jurisprudence, les juges ont entendu limiter à certaines professions
(chauffeur routier, conducteur de bus notamment) la possibilité de sanctionner sur le
plan disciplinaire le comportement éthylique observé durant la vie privée du salarié.
Les manquements à la probité ou la mise en évidence de la dangerosité du salarié
entraînent ainsi, aux yeux de la Cour de cassation une perte de la relation de
confiance qui doit naturellement exister entre un employeur et son salarié pour
justifier le maintien de ce dernier dans l'entreprise.

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