Les acteurs de la lutte contre le terrorisme et leurs
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Les acteurs de la lutte contre le terrorisme et leurs
1 SOMMAIRE INTRODUCTION ……………………………………………....... 3 PREMIERE PARTIE : DE L’EFFICACITE DE LA GUERRE ANTI-TERRORISTE …………………………........ 8 CHAPITRE 1 : Les acteurs de la guerre contre le terrorisme et leurs missions …………………………………………………………….….. 9 CHAPITRE 2 : La guerre contre le terrorisme : une “politique” anti-terroriste unilatéraliste bénéficiant d’un soutien international mitigé …….……………………………………………... 34 CHAPITRE 3 : Des acquis et de l’efficacité de la guerre antiterroriste…………………………………………………………..…... 74 DEUXIEME PARTIE : DES IMPLICATIONS DE LA GUERRE ANTI-TERRORISTE SUR LES RELATIONS AMERICAINES …………………….…. 98 CHAPITRE 4 : Les réactions au 11 septembre, à la guerre contre le terrorisme et leurs motivations …………………………………….… 99 CHAPITRE 5 : Les implications de la guerre anti-terroriste sur les relations Etats-Unis/Europe et Etats-Unis/Russie .......................... 138 2 CHAPITRE 6 : Les implications de la guerre contre le terrorisme sur l’opinion publique musulmane et sur les relations Etats-Unis/Régimes proaméricains ………………..……… 159 CONCLUSION …………………………………………….…… 189 DOCUMENTS ANNEXES ……………………………...…… 194 BIBLIOGRAPHIE …………………………………………..… 247 3 INTRODUCTION 4 Le 11 septembre 2001, à l’heure où les New-yorkais, dans leur grande majorité, se rendaient au travail, deux avions de lignes américaines percutent les Tours jumelles du World Trade Center (le symbole de la puissance économique américaine). En même temps on apprenait qu’un autre avion avait percuté le Pentagone (les locaux du Département de la Défense et symbole militaire des Etats-Unis). Un autre avion s’écrasera le même jour en Pennsylvanie ; officiellement les passagers se sont rebellés contre les pirates pour leur empêcher d’atteindre leur objectif qui était le Capitole ou la Maison Blanche. En tout, quatre avions de lignes ont été utilisés comme armes le 11 septembre pour frapper, les symboles de la puissance américaine. Plus de 3 000 personnes seront tuées dans ces attaques. L’Amérique furieuse et le monde ahuri se demandent « qui a osé faire cela ? ». Quelques jours après cette tragédie, à la suite d’une gigantesque opération d’investigation, Ossama Ben Laden et son organisation Al Qaïda sont désignés comme les responsables des attaques1. La « quatrième guerre mondiale » est déclenchée. Une guerre contre le terrorisme international qui mobilise l’Amérique entière et ses moyens (diplomatiques, militaires, économiques, judiciaires, etc.). Ce n'était pas la première fois qu’Ossama Ben Laden et son organisation Al Qaïda s’en prenaient à la puissance américaine. Dans les années 90 au cours de la guerre somalienne, Al Qaïda avait publié une fatwa demandant l’attaque par les musulmans des forces américaines dans la Corne de l’Afrique. Par la suite, après le massacre de soldats américains dans l’opération ″Restore Hope″, le groupe islamiste était soupçonné d’y être lié. En 1993, Al Qaïda est impliqué dans l’explosion d’une bombe au World Trade Center. L’attentat avait fait six morts. En 1996, 19 soldats américains sont tués dans un attentat vraisemblablement orchestré par Al Qaïda à Dharan en Arabie Saoudite. En 1998, deux attentats contre les 1 Voir Annexe I pour plus d’informations sur Ossama Ben Laden et Al Qaïda. 5 ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie avaient fait plus de 200 morts dont la plupart étaient des ressortissants kenyans et tanzaniens. En 2000, un destroyer américain, le USS Cole, est attaqué dans le port d’Aden au Yémen, par des terroristes financés par Ossama Ben Laden : bilan de l’opération 17 marins américains tués2. Jusque là, les Etats-Unis n’avaient pas pris de sérieuses options pour neutraliser Ben Laden et son organisation. La seule chose qu’ils ont fait, pour répliquer à certaines des attaques, a été de bombarder, avec des missiles Tomahawk, des infrastructures supposées appartenir à Al Qaïda (au Soudan et en Afghanistan). Mais depuis le 11 septembre, le ton est tout autre : l’Amérique est décidée à éradiquer le terrorisme international et à mettre la main sur ses cerveaux. Depuis les terribles événements du 11 septembre, le terrorisme international est devenu la préoccupation majeure de tous les Etats et de toutes les organisations internationales. Il a remplacé, pour les Occidents, le nazisme, le fascisme et le communisme d’hier. C’est le nouvel ennemi de l’Occident mais pas seulement. Les pays musulmans, également, notamment l’Arabie Saoudite, le Pakistan et autres, y voient une menace crédible à leur stabilité. Ces pays, qui hier, avec la complicité de l’Amérique, avaient soutenu et attisé l’intégrisme islamiste contre l’ennemi soviétique, le voient aujourd’hui se retourner contre eux et les empêcher de dormir tranquillement. La guerre que l’Amérique mène aux terroristes est au centre de l’actualité internationale et n’est pas sans conséquences sur les Relations internationales. D’où notre intérêt d’avoir entrepris un travail de recherche sur le sujet : notre objectif étant de voir si cette guerre a produit les effets escomptés et si elle a des implications notables sur les relations entre les Etats-Unis et le reste du monde. 2 Une chronologie sur les attaques terroristes commises par Al Qaïda ou dans lesquelles il est lié est disponible en Annexe II 6 Noter bien que notre travail ne consiste pas à traiter la lutte internationale contre le terrorisme. Il consiste uniquement à traiter la question du côté américain. Plus clairement cela veut dire que ne sera pris en compte que ce qui rentre dans le cadre de la guerre américaine contre le terrorisme. Toutefois, les actions internationales se rapportant ou en réaction à cette guerre seront développées. Quand on évoque la guerre anti-terroriste, il est intéressant, à notre avis, de se poser ces questions : Comment est-elle organisée ? Quelles sont les mesures prises ? Comment les acteurs de la scène internationale y réagissent-ils et quelles sont leurs motivations ? Bénéficie t-elle d’un soutien international ? Produit-elle les effets escomptés ? A-t-elle bouleversé les relations entre les Etats-Unis et le reste du monde ? Nous organiserons notre réflexion autour de deux principaux axes dans les quels nous chercherons à répondre à deux questions principales englobant l’ensemble des réponses ou tentatives de réponse aux questions que nous venons de soulever : ¾ dans une première partie, notre démonstration consistera à voir si vraiment cette guerre anti-terroriste produit des résultats positifs ou si elle est contre productive (Chapitre 3). Mais avant cela, nous allons identifier, dans un premier temps, les acteurs de cette guerre et leurs missions (Chapitre 1) et ensuite, dans un second temps, nous verrons les mesures anti-terroristes mises en place par les Etats-Unis pour mener cette guerre, l’appui international (notamment pour geler les avoirs des terroristes) et la coopération militaire américaine avec certains pays (Chapitre 2). ¾ dans une seconde partie, notre objectif consistera à voir si la guerre contre le terrorisme a eu des implications notables sur les 7 relations qu’entretiennent les Etats-Unis avec le reste du monde, notamment leurs pays alliés et amis (en Europe et dans le monde musulman) mais aussi avec leur adversaire d’hier la Russie (Chapitres 5 et 6). Avant d’en arriver là, nous verrons d’abord quelles ont été les réactions des acteurs de la scène internationale (les Etats, les Organisations internationales et les Organisations non gouvernementales) au 11 septembre et à la guerre antiterroriste (Chapitre 4). L’intérêt de ces réactions repose sur le fait que, dans la plupart des cas, se sont elles qui ont canalisé les relations des Etats-Unis avec les autres depuis le 11 septembre. 8 PREMIERE PARTIE : DE L’EFFICACITE DE LA GUERRE ANTI-TERRORISTE 9 Chapitre 1 : Les acteurs de la guerre contre le terrorisme et leurs missions La “guerre contre le terrorisme” aux yeux de Washington est une véritable guerre. Ce n’est pas que des mots. A y voir de prés, on assiste à un véritable effort de guerre aux Etats-Unis. Tout le monde est mis à contribution. Cela va du président au simple citoyen. Des plus hautes autorités au “bas peuple”. Chacun a un rôle bien défini à y jouer. Une grande partie de ces rôles est définie dans le document “National Strategy for Homeland Security” (NSHS). Avant donc d’identifier les acteurs de cette guerre et de présenter leurs missions, il serait utile d’avoir un aperçu de ce qu’est la NSHS ; qu’est ce qu’elle cherche à réaliser ; et comment elle compte faire pour y arriver. I. Une brève présentation de la NSHS La “National Strategy for Homeland Security” (Stratégie nationale pour la sécurité de la Patrie) a été publiée en novembre 2002. Elle a été le fruit d’une large consultation qui a duré huit mois3. Elle cherche a répondre à « quatre questions fondamentales » que sont : Qu’est-ce-que c’est que la “Homeland Security”, et quelles missions lui attribuer ? Que cherche t-on à accomplir à travers cette Stratégie nationale de sécurité, et quels sont ses objectifs primordiaux ? Quel est le rôle de l’Exécutif américain dans la réalisation des objectifs de cette Stratégie nationale de sécurité ? 3 Les concepteurs de la NSHS ont prie le soin de consulter, avant de l’élaborer : des gouverneurs ; des maires ; des membres du Congrès ; des hommes d’affaires ; des professeurs ; des soldats ; des pompiers ; des policiers ; des familles des victimes du 11 septembre 2001 ; des journalistes ; des scientifiques etc. 10 Quels sont également les rôles des gouvernements non fédéraux, du secteur privé, et des citoyens américains ? La NSHS a pour objectifs4 : d’empêcher des attaques terroristes sur le sol des Etats-Unis ; de réduire leur vulnérabilité aux actes terroristes et de réduire également au maximum les dégâts que pourraient leur causer de tels actes. Pour atteindre ses objectifs, elle a défini dix domaines sur lesquelles elle va s’appuyer. Chaque domaine renferme des objectifs précis à atteindre. Ces domaines sont : le Renseignement et l’alerte (Intelligence and Warning) ; la Sécurisation de la frontière des Etats-unis et du transport (Border and Transportation Security) ; le Contreterrorisme domestique5 (Domestic Counterterrorism) ; la Protection des infrastructures critiques et des capitaux (Protecting Critical Infrastructures and Key Assets) ; la Protection contre les menaces catastrophiques (Defending against Catastrophic Threats) ; l’état de préparation des secours et de la réaction [face aux attaques terroristes] (Emergency Preparedness and Response) ; la Loi (Law) ; la Science et la technologie (Science and Technology) ; le Partage de l’information (Information sharing and Systems) [entre les acteurs de la guerre contre le terrorisme à l’intérieur des Etats-Unis mais aussi entre les Etats-Unis et leurs partenaires internationaux] ; enfin la Coopération internationale (International Cooperation). Pour éviter de rentrer dans des détails inutiles, il ne serait pas nécessaire de développer les objectifs de chaque domaine. Toutefois, les objectifs de trois domaines (la Sécurisation de la frontière et du transport ; le Contreterrorisme domestique ; la Protection contre les menaces catastrophiques et l’état de préparation des secours et de la réaction) seront développés. 4 Voir la lettre de George W. Bush qui est au début du document de la NSHS. Aux Etats-Unis, le mot « domestique » remplace celui de « intérieure » dans le langage politique. Cela pour éviter que l’expression « intérieure » renvoie à la Commission sur la « sécurité intérieure » créée pendant le maccarthysme pour réprimer les comportements politiques anti-américains. 5 11 Cela pourra permettre aux lecteurs d’avoir une idée de ce qu’envisage les Etats-Unis dans la “Homeland Security”. La Sécurisation de la frontière et du transport6 Dans ce domaine, les Américains envisagent, avec l’aide de leurs voisins (le Mexique et le Canada) mais certainement aussi avec la coopération des autres pays, de mieux contrôler les flux de personnes, de marchandises et de services vers leur pays. La Stratégie nationale de sécurité a fixé six objectifs dans ce domaine parmi lesquelles : la création de « frontières futées » : c’est à dire des frontières qui ne permettront pas aux personnes mal intentionnées de rentrer aux Etats-Unis. A vrai dire cela signifie des contrôles accrus et très stricts aux frontières ; la mise en application de l’"Aviation and Transportation Security Act" ; la restructuration de la “US Coast Guard” (la Garde côtières américaine); la réforme des services d’immigration ; etc. Egalement, dans le cadre de la sécurisation de la frontière et du transport, le Président Bush avait demandé au Congrès de permettre le transfert de certaines agences nationales (s’occupant de la surveillance de la frontière et du transport) au nouveau Département de la Homeland Security7. Les agences en question étaient : le Service d’immigration et de naturalisation (relevant du Département de la Justice) ; le Service des douanes (relevant du Département du Trésor) ; l’“Animal and Plant Health Inspection Service” (relevant du Département de l’Agriculture) ; l’Agence pour la sécurité du transport (relevant du Département du 6 Pour plus de détails sur ce domaine voir p. 21 à 24 du document de la NSHS. A l’époque où le président Bush faisait cette demande, le Département n’était pas encore créé ; il était en projet. 7 12 Transport) et de la Garde côtière des Etats-unis. Aujourd’hui ces agences dépendent du Département de la sécurité intérieure (DHS). Le Contre-terrorisme domestique8 : la Stratégie nationale de sécurité recommande dans ce domaine : de faciliter l’appréhension des terroristes potentiels : par le vote de nouvelles lois qui le permettent par exemple ; d’achever la restructuration du FBI pour accentuer la prévention des attaques terroristes ; de cibler et d’attaquer les finances des terroristes ; de traquer les terroristes étrangers et de les traduire en justice ; etc. La Protection contre les menaces catastrophiques9 Ces menaces sont liées à l’utilisation des armes biologiques, chimiques, radiologiques ou nucléaires par des terroristes ou toute autre personne ou groupe hostile. Parmi les initiatives majeures définies dans ce domaine par la Stratégie nationale de sécurité, nous pouvons relever : la nécessité d’améliorer les techniques de décontamination et les détecteurs chimiques ; la mise au point de vaccins et d’antidotes [contre les agents biologiques pouvant servir comme arme de destruction massive (ADM)] ; l’exploitation à fond de la connaissance et des outils scientifiques pour contrer le terrorisme ; etc. 8 9 Pour plus de détails sur ce domaine voir p. 25 à 28 du document de la NSHS. Pour plus de détails sur ce domaine voir p. 37 à 40 du document de la NSHS. 13 L’état de préparation des secours et de réaction10 Dans ce domaine la Stratégie nationale de sécurité prône : l’augmentation des stocks de médicament et de vaccin ; la mise en place de “Citizen Corps”11 (Corps de Citoyen) ; la préparation à la décontamination chimique, biologique et nucléaire ; la mise en place de formation [pour organiser les secours en cas d’attaques terroristes] et d’un système d’alerte national [contre les attaques terroristes] ; etc. Parallèlement à la Stratégie nationale de sécurité, qui est (comme la “United State National Strategy” ou Stratégie nationale des Etats-Unis) une stratégie globale, d’autres stratégies plus spécifiques ont été confectionnées. Il s’agit de : la “National Strategy for Combatting Terrorism” : qui définie la stratégie des Etats-Unis pour la guerre contre le terrorisme international ; la “National Strategy to Combat Weapons of Mass Destruction” : qui a pour objectif d’empêcher aux Etats non nucléaires et aux terroristes d’accéder aux matériels, à la technologie et au savoir nécessaire pour développer des ADM; la “National Strategy to Secure Cyberespaces” : qui vise à protéger les systèmes informatiques des Etats-unis contre des personnes ou groupes de personnes mal intentionnées comme les Hackers, les Crackers ou encore les terroristes ; la “National Money Laundering Strategy” : elle a pour but d’empêcher le blanchiment de l’argent qui, selon les autorités américaines, servirait de financement aux terroristes ; 10 la “National Defense Strategy” ; enfin Pour plus de détails sur ce domaine voir p. 41 à 46 du document de la NSHS. Voir la partie sur la mission des citoyens américains dans la guerre contre le terrorisme dans ce chapitre. 11 14 la “National Drug Control Strategy” : pour lutter contre le trafic et la consommation de drogue. II. Le rôle des autorités fédérales américaines dans la guerre contre le terrorisme A la suite du 11 septembre, les autorités américaines ont mis en place un bureau de rang ministériel pour coordonner les actions des acteurs de la lutte contre le terrorisme. Ce bureau a servi de fondement au nouveau ministère de la sécurité intérieure (DHS) qui aujourd’hui est censé protéger les Etats-Unis contre des attaques terroristes dans le futur. Le nouveau ministère, à l’instar des autres ministères, comme ceux du Département de la défense, du Département d’Etat, du Département du Trésor et autres, joue un rôle central dans la guerre contre le terrorisme. Chaque ministère impliqué dans la guerre contre le terrorisme joue un rôle spécifique et qui rentre dans ses compétences. A. L’OHS : une agence de rang ministériel pour coordonner la guerre contre les terroristes en attendant la création d’un ministère de sécurité intérieure Le “White House Office of Homeland Security” (Bureau de la Maison Blanche pour la sécurité de la Patrie) est une agence de rang ministériel créée le 20 septembre 2001. Il avait reçu pour mission de diriger la mise en œuvre de la Stratégie nationale de sécurité du pays contre la menace terroriste12. Le premier directeur de cette agence fut Tom Ridge actuel Secrétaire du Département de la sécurité intérieure. M. Ridge avait pour mission de coordonner l’ensemble des politiques de guerre contre le terrorisme du gouvernement fédéral qui impliquait prés d’une 12 En novembre 2002 l’"Office de la Homeland Security" a publié le document de la NSHS. 15 quarantaine d’agences, un certain nombre de ministères et le secteur privé. Après la création du nouveau Département de la sécurité intérieure, l’OHS, qui lui a servi de fondement, a continué à fonctionner. Actuellement, sa mission est, entre autre, de conseiller le Président des Etats-Unis et, en collaboration avec l’“Office of Management and Budget”, de développer et de défendre les propositions de budget du Président Bush (c’est à dire le budget pour la défense de la Patrie). Il est également chargé de certifier que le budget alloué aux ministères leur permet d’assumer leurs responsabilités dans la guerre contre le terrorisme. B. La naissance du ministère de sécurité intérieure et sa mission dans la guerre anti-terroriste « L’idée de créer un “super ministère” de la sécurité intérieure n’a pas germé dans les heures qui ont suivi la catastrophe du 11 septembre 2001 ; celle-ci a plutôt donné l’impulsion finale »13. Le président Bush n’a fait que reprendre l’idée de son prédécesseur le président Clinton. De 1993 à la fin des années 90, les Etats-Unis ont subi de nombreux attentats terroristes très meurtriers (les attentats contre le Wold Trade Center en 1993, les attentats contre un immeuble fédéral à Oklahoma City en 1995, les attentats de Nairobi au Kenya et de Dar-es-salaam en Tanzanie en 1998 etc.). A cela, s’était ajoutée « [une] multiplication des attaques informatiques, contre les sites gouvernementaux ou les réseaux civils »14. 13 Jean François RANCOURT et Stéphane ROUSSEL, « Le Département de la Homeland Security (DHS) Tour de Babel Bureaucratique Américaine ? », Bulletin d’information de l’institut LE MAINTIEN DE LA PAIX, n° 61, décembre 2002, p. 1 14 ibidem. 16 Tout cela a participé à ce qui poussera les autorités fédérales américaines à réactualiser le concept de “lead agency” ou “agence directrice” (apparu aux Etats-Unis dans les années 80) dont le rôle est conféré, par la “Directive 39” du Président Clinton, au FBI. La “lead agency” a pour mission de coordonner les efforts des différents organismes fédéraux dont les activités touchent aux mesures anti-terroristes. Rôle qu’a joué l’OHS juste après le 11 septembre et que joue actuellement le DHS. En novembre 2002, la loi de la Homeland Security est adoptée par le Congrès. C’est elle qui a permis la création du Département de la sécurité intérieure dont le Secrétaire est Tom Ridge. M. Ridge est né le 26 août 1945 (60 ans). Il a grandi dans une famille de la classe ouvrière. Il a été enrôlé dans l’Armée américaine lors de la Guerre du Vietnam comme sergent de personnel d’infanterie. En 1982, il est élu au Congrès pour ainsi devenir l’un des premiers vétérans de la Guerre du Vietnam à y siéger. Avant d’occuper le poste de Secrétaire du DHS, il a été le Directeur de l’OHS et auparavant le gouverneur de la Pennsylvanie. Sa mission consiste à développer et à coordonner la stratégie nationale de guerre contre le terrorisme pour renforcer la protection des Etats-Unis contre les menaces et les attaques terroristes. 1) Les missions du DHS Le DHS est chargé de renforcer la coordination entre les acteurs de la lutte anti-terroristes, de faciliter la circulation de l’information entre eux et de réduire les chevauchements et l’étendue des “zones grises” entre les différents services et agences gouvernementaux à caractère fédéral, étatique ou municipal. Il contribue également à la “guerre contre la drogue” (par l’élimination des liens unissant le trafic de drogue au terrorisme et en participant à la lutte contre les trafiquants) ; il participe à la formation des “Citizen Corps” par l’intermédiaire du “Community 17 Emergency Response Teams"15 ; enfin il gère le "Homeland Advisory System"16 2) La structure17 du DHS Les hauts fonctionnaires du Département sont : le Secrétaire, l’Assistant spécial au secrétaire et les Officiers. Il compte cinq “Divisions” ou Directions générales que sont: la Direction générale de l’analyse du renseignement et de la protection des infrastructures critiques (Information Analysis and Infractructures Protection ou DG de l’IAIP) ; la Direction générale de la Science et de la Technologie (Science and Technology ou DG ST ) ; la Direction générale de la sécurité frontalière et des transports (Border and Transportation Security ou DG BTS) ; la Direction générale de la gestion des mesures d'urgence (Emergency Preparedness and Response ou DG EPR) et la Direction générale du “Management”. Chaque direction générale est dirigée par un Sous-secrétaire. a) Les cinq directions générales du DHS et leurs missions La DG de l’IAIP La DG de l’IAIP a pour mission de centraliser les données provenant des services fédéraux, étatiques et locaux impliqués dans la guerre contre le terrorisme. Ces informations permettent à la DG de l’IAIP d’identifier les secteurs vulnérables du territoire, de détecter et d’évaluer les menaces terroristes. Cette Division joue également un rôle de coordinateur entre 15 Voir la partie sur la mission des citoyens dans la guerre contre le terrorisme dans ce chapitre. 16 Voir la DG de l’IAIP un peu plus loin dans cette partie du chapitre. 17 Jean François RANCOURT et Stéphane ROUSSEL, op. cit., p. 2 - 4 18 les différentes agences de renseignement mais aussi avec les acteurs privés. Le “Homeland Advisory System” est géré par la DG de l’IAIP. C’est un système qui informe la population et les autorités sur le niveau de risque d’attaque terroriste sur le territoire des Etats-Unis. Les niveaux d’alerte sont au nombre de cinq et vont du “vert” au “rouge” en passant par le “bleu”, le “jaune” et l’“orange”. « Le niveau vert signifie qu’il faut évaluer les mesures d’urgence et maintenir les activités de formation, tandis que le rouge indique aux autorités de se tenir prêtes à intervenir, de fermer les édifices publics et de porter une attention particulière aux transports. Entre ces deux extrêmes, les recommandations vont de la réévaluation des mesures d’urgences (bleu), au renforcement de la surveillance (jaune), jusqu’à l’annulation d’événements d’envergure (orange). »18 La DG ST La DG ST a pour mission de constituer suffisamment de stocks de vaccin, d’antidote, de médicament et de matériel (des dispositifs de détection par exemple) pour permettre aux Etats-Unis de faire face à d’éventuelles attaques terroristes de type ADM ou de limiter leurs effets. Elle travaille en étroite collaboration avec le secteur privé, les agences de la Santé et de l’Energie (impliquées dans la lutte contre terrorisme) et les institutions de recherche et d’enseignement. La DG BTS La DG BTS regroupe les “Douanes”, le Bureau de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’“Office for Domestic Preparedness” (Bureau pour l’état de préparation domestique), le Bureau de la Sécurité des Frontières, 18 Jean François RANCOURT et Stéphane ROUSSEL, op. cit., p. 3 19 l’Administration de la Sécurité des Transports et la “Garde côtière”. Elle a pour mission de « (…) renforcer la sécurité aux points d’entrée (postes frontière, ports et aéroports) aux Etats-Unis par l’achat d’équipement et par l’établissement de mécanismes de contrôle. »19 Et de « (…) veiller aux fonctions d’émission de visas, de documents douaniers, et de coordination entre les différentes agences. »20 La DG EPR La DG EPR a pour mission de maintenir un certain “état de préparation” pour permettre aux Etats-Unis de réagir efficacement à une attaque terroriste ou à une catastrophe d’envergure. La “Federal Emergency Management Agency” (FEMA) est la pièce maîtresse de cette Division. Elle a pour mission de planifier et de coordonner les efforts visant à atténuer l’impact d’une catastrophe21 sur les Etats-unis. La DG Management : elle est chargée de tout ce qui est de la gestion matérielle et financière du DHS. b) Les hauts fonctionnaires du DHS et leurs missions Le Secrétaire est nommé par le président des Etats-Unis, avec l’assentiment du Sénat. Il attribue les tâches et définit les fonctions des différentes unités administratives et des services qui font partie du Département. Il peut octroyer des contrats ou conclure des ententes avec d’autres agences. Le Secrétaire est également responsable de la comptabilité des systèmes et des banques de données au sein du DHS. 19 ibidem. Ibidem. 21 Tornades, feux de forêt, pluies diluviennes, tremblements de terre, attaques terroristes et autres. 20 20 L’Assistant spécial au secrétaire a pour mission de faire le lien entre le DHS et le secteur privé. Il doit informer le secrétaire des impacts des nouvelles législations sur le secteur privé, promouvoir des partenariats publics/privés et transmettre au Secrétaire les informations sur le développement, par le secteur privé, de produits ou méthodes de travail pouvant être utiles au Département. Les Officiers sont : le Secrétaire adjoint, le Conseiller général et les Sous-secrétaires. Ces personnes sont désignées par le Président des EtatsUnis, avec l’assentiment du Sénat. En plus de ces officiers, il s’y ajoute : le Directeur des Services secrets, le Chef de la Direction des Finances, le Chef de la Direction de l’Information, le Chef de la Direction des Ressources humaines et un “Officiers” pour les droit et libertés. Ces officiers sont nominés par le Président sans l’assentiment du Sénat. C. Les rôles des autres ministères dans la guerre contre le terrorisme Les ministères les plus en vue dans la guerre contre le terrorisme, en dehors du DHS, sont le Département de la Défense, le Département de la Justice, le Département d’Etat, le Département de la santé et des services humaines ; le Département du Trésor et le Département de l’Agriculture. Avant de présenter le rôle de chacun de ces départements, il est utile de préciser leurs rôles d’origine et de faire une présentation de ceux qui sont à leurs têtes (les Secrétaires). La présentation de certains des secrétaires de département qui suit peut sembler trop détaillée ou banale mais elle aidera à comprendre ou à mieux interpréter leurs engagements dans cette guerre contre le terrorisme. 21 Le Département de la Défense22 (DoD) Le DoD, qui a remplacé le “National Military Establishment” qui regroupait les anciens départements de la Guerre, de la Marine et de l’Armée de l’air, a été créé en 1949. Son premier Secrétaire fut Lyndon Johnson président des Etats-Unis de 1964-1968. Son Secrétaire actuel est Donald Rumsfeld. M. Rumsfeld, qui fait partie de ceux qu’on appelle les “Faucons”23 dans l’administration Bush, a pris ses fonctions de 21e Secrétaire à la défense le 20 janvier 2001. Il est né en 1932 (72 ans) dans l’Illinois. Il a servi dans l’US Navy (ancien pilote de l’aviation naval) de 1954 à 1957. Il est entré très tôt dans la politique. En 1962, à l’âge de 30 ans, il est élu à la Chambre des Représentants. En 1975, sous la présidence de M. Nixon, M. Rumsfeld est nommé Secrétaire à la défense et devient ainsi la plus jeune personne à avoir occupé ce poste dans l’histoire des Etats-Unis. Auparavant, de 1973 à 1974, il a été Ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’OTAN à Bruxelles (Belgique). M. Rumsfeld a souvent servi dans le secteur privé. Avant de devenir Secrétaire à la défense en janvier 2001, il était le Président de Gilead Sciences Inc. Il a également occupé des postes de cadre supérieur dans des entreprises de renom comme GD Seale and Co. (compagnie pharmaceutique) et General Instrument Corporation (spécialisé dans la technologie des télécommunications). Son Département participe à la protection du territoire américain, dans le cadre de la “Homeland Security”, en menant des opérations militaires à l’extérieur (comme en Afghanistan en octobre 2001) et en venant en aide 22 La plupart des informations sur les ministères ont été extraites de l’ouvrage de JeanTacques LAVENUE, « Dictionnaire de la vie politique et du droit constitutionnel américain ». 23 M. Rumsfeld, à l’instar de Condoleezza Rice et Dick Cheney, fait partie de la “ligne dure” de l’administration américaine (c’est les “vas t’en guerre”) 22 aux autorités civiles dans certaines situations où elles sont débordées ou incapables d’intervenir (par exemple : une attaque terroriste d’ampleur, des feux de forêt, des inondations, des tornades etc.). Egalement, le Département de la défense peut être appelé à appuyer les autorités civiles dans des missions dites de “Portée limitée” comme les événements spéciaux (Coupe du monde de football, Jeux Olympiques etc.). Le Département de la justice (DoJ) Il a été créé en 1870. Le “Federal Bureau of Investigation” (FBI), le LEAA24, le Service d’immigration et de naturalisation et le Community Relation25 dépendent de lui. Il contrôle également l’administration des prisons ainsi que les “US district attorneys” et les “US marshall” sur tout le territoire américain. Son Secrétaire est John Ashcroft (l’Attorney General). M. Ashcroft est né le 9 mai 1942 (62 ans) dans la même ville et le même Etat que Donald Rumsfeld (à Chicago dans l’Etat de l’Illinois). Il a été gouverneur de cet Etat de 1984 à 1993. En 1994, il est élu au Sénat où il a été, entre autre, président de la Sous-commission de la Constitution et membre de la Commission judiciaire. L’Attorney General est chargé de veiller à l’application de la loi pour permettre d’enquêter, de prévenir et d’empêcher les activités terroristes sur le sol américain. Son Département, à l’instar d’autres départements, est également chargé de l’entraînement des intervenants civils des plus grandes villes américaines pour affermir la capacité d’intervention rapide dans des environnements contaminés par des agents chimiques, biologiques ou 24 LEAA = Law Enforcement Assistance Agency (Agence d’assistance à la mise en vigueur de la loi). Cette Agence a pour objectif d’aider les forces de police locale dans l’accomplissement de leurs missions. 25 Le Community Relations Services ou Bureau intercommunautaire a été créé par le Civil Rights Act de 1964 pour coordonner l’ensemble des activités du gouvernement fédéral relatives aux droits civiques. 23 radiologiques. Il est responsable de la formation des VIPS26. Tout ce qui concerne les arrestations, les autorisations de perquisition, la présentation des terroristes devant la justice civile et autres relèvent de ses compétences. Le Département d’Etat (DoS) Ce Département a été créé en 1789 et est chargé des relations extérieures des Etats-Unis, de son personnel diplomatique et consulaire ainsi qu’une bonne partie de son aide non militaire. L’aide est distribuée à travers des agences comme l’AID27 et la “Peace Corps”28. Colin Powell y occupe actuellement le poste de Secrétaire. Monsieur Powell est né le 5 avril 1937 (67 ans) à New York. Issu d’une famille d’origine jamaïcaine, il a grandi dans l’un des endroits les plus “chaud” de New York (le Bronx). Il a été nommé Secrétaire d’Etat le 16 décembre 2000 et a pris ses fonctions le 20 janvier 2001. Avant d’occuper cette fonction, M. Powell a été pendant 35 ans soldat professionnel. Il a un rang de Général de quatre étoiles. De 1989 à 1993, il fut le patron du Joint Chiefs of Staff, la position militaire la plus élevée au Département de la défense. Pour terminer, en 1991 lors de la Guerre du Golfe, il a été l’un des principaux acteurs militaires, avec le Général Schwartzkopf, de l’“Opération Desert Storm” (Tempête du Désert). Colin Powell, dont le Département joue un rôle déterminant dans la guerre contre le terrorisme notamment au niveau de la coopération internationale, est le détenteur de la “liste d’exclusion terroriste”. Sur cette liste est inscrite toute organisation que Washington considère 26 Voir la partie sur la mission des citoyens américains dans la guerre contre le terrorisme dans ce chapitre. 27 AID = Agency for International Developpement (Agence pour le développement international) créée le 4 septembre 1961 pour la gestion des programmes d’aides et de développement économiques et militaires. 28 Peace Corps (Corps de la paix) est un programme de recrutement de volontaire pour servir dans les pays sous-développés. Il a été lancé par le président Kennedy. 24 comme terroriste. L’habilitation de désigner un groupe comme étant terroriste est donnée au Secrétaire d’Etat par l’article 411 de l’“USA PATRIOT ACT” de 2001. Cette désignation se fait après consultation de l’Attorney General (par le Secrétaire d’Etat) ou sur la demande de ce dernier. Le Département est chargé de rechercher la coopération des autres pays à la guerre contre le terrorisme, d’informer et de protéger les citoyens et les intérêts américains à l’étranger contre les menaces terrorismes, etc. Le “Programme d’aide anti-terroriste” (ATA) est géré par le Département d’Etat ; plus précisément par le Bureau de la sécurité diplomatique. L’ATA a été créé en 1983 sur autorisation du Congrès. Il a pour mission de dispenser une formation aux forces de police et de sécurité à l’étranger pour lutter, dissuader et élucider des crimes de nature terroristes. A ce propos, si l’on en croit au Département d’Etat, « depuis sa création, l’ATA a permis de former plus de 25 000 personnes de 117 pays »29. Le Département de la santé et des services humaines (DHHS) Le Département a été créé en 1979. Il a en charge la santé et les services sociaux, et contrôle la "Food and Drug Administration" (FDA). Son Secrétaire est Tommy Thompson. Monsieur Thompson, né le 19 novembre 1941 (62 ans) dans l’Etat du Wisconsin, a prêté serment le 2 février 2001 pour ainsi devenir le 19e ministre de la santé et des services humaines des Etats-Unis. Avant d’occuper ce poste de ministre, M. Thompson a été pendant 14 ans (quatre mandats consécutifs dont le dernier date de 1998) gouverneur du 29 Alan BIGLER, « Le Programme américain d’aide à la lutte contre le terrorisme », fiche d’information diffusé par le Bureau des programmes d’information internationale du Département d’Etat, le 14 novembre 2001, p. 1 25 Wisconsin. Il a également été réserviste dans l’armée et a servi dans la “Garde nationale du Wisconsin”. Le DHHS est chargé de l’acquisition des stocks d’antidote et des ressources médicales pour le traitement des victimes d’attaques d’armes de destruction massive [au cas où il y’en aurait]. Les “Centers for Disease Control and Prevention”, les “National Institutes of Health”, qui relèvent de ce ministère, sont chargés, d’une part, de fournir des informations et de faire des recherches approfondies sur les maladies pouvant être causées par les armes biologiques, et d’autre part, de limiter les effets de ces armes sur les victimes en cas d’attaque. Le Département du Trésor (DoT) Le DoT a été créé la même année que le Département d’Etat (en 1789). Il perçoit les impôts, émet les bons du Trésor, rembourse les dettes de l’Etat américain, supervise l’émission de la monnaie et réglemente les transactions financières internationales. Il dirige le Service des douanes et le “Service secret” chargé de la protection du Président des EtatsUnis, de son Vice-président et de leurs familles. Son Secrétaire actuel est John W. Snow. M. Snow, né le 2 août 1939 dans l’Ohio (65 ans), a pris ses fonctions en février 2003 en remplacement de Paul O’Neil. Le DoT intervient dans la lutte contre les finances terroristes. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, il a monté un certain nombre d’opérations visant à geler les avoirs des terroristes (l’“Opération Green Quest” par exemple)30. Il est également très actif dans la lutte contre le blanchiment de l’argent. Le Département de l’agriculture (USDA) 30 Nous reviendrons sur ces opérations dans le deuxième chapitre. 26 Créé un siècle après le DoS et le DoT en (1889), l’USDA31 a pour mission de favoriser le développement de l’agriculture et de superviser le commerce des produits agricoles pour maintenir des prix raisonnables. Ann M. Veneman en est l’actuelle Secrétaire. Mme Veneman a pris ses fonctions en janvier 2001. Elle a eu à occuper le poste de Sous-secrétaire de ce département de 1991 à 1993 sous la présidence de Bush (père). L’USDA a pour mission, dans la guerre contre le terrorisme, d’empêcher à ce que les produits agricoles et les infrastructures alimentaires (par exemple les stocks alimentaires, les fermes agricoles, les industries alimentaires etc.) des Etats-Unis soient menacés par les terroristes. En quelques mots, sa mission consiste essentiellement à lutter contre l’“agroterrorisme”. En outre des départements et de leurs secrétaires, on retrouve des personnes qui eux aussi jouent un rôle central dans la guerre contre le terrorisme. Parmi elles, nous pouvons citer : Richard B. Cheney (Viceprésident des Etats-Unis) et Condoleezza Rice (“National Security Advisor” ou Conseiller national à la sécurité). M. Cheney est devenu vice-président des Etats-unis après l’élection de George W. Bush à la présidence américaine. Il est né dans le Nebraska le 30 janvier 1941 (63 ans). De 1989 à 1993, sous l’administration de George Bush (le père), M. Cheney a été Secrétaire à la défense et a joué un rôle crucial dans les campagnes militaires “Just Cause” (en 1989 au Panama) et “Desert Storm” (dans le Golfe persique en 1991). Mme Rice, nommée Conseiller national à la sécurité le 22 janvier 2001, est née le 14 novembre 1954 (49 ans) à Birmingham dans l’Etat de l’Alabama. Elle est professeur de sciences politiques et a enseigné à l’université de Stanford où elle a été un membre du “Center for 31 USDA = United State Departement of Agriculture. 27 international Securiry and Arms Control” (Centre pour la sécurité internationale et la limitation des armements). Elle a eu à côtoyer, dans le cadre de son service administratif, des entreprises et des fondations de renom comme : Hewlett Packard, Carnegie Corporation, Carnagie Endowment for International Peace, Rand Corporation, National Council for Soviet and East European Studies, etc. Pour terminer, elle a été l’une des plus proches collaboratrices de Georges Bush (le père) lorsque celui-ci était président. III. Les autres acteurs de la guerre contre le terrorisme et leurs missions La guerre contre le terrorisme aux Etats-Unis est l’affaire de tout le monde. En dehors des ministères, les services de renseignement, notamment le FBI et la CIA, sont naturellement impliqués. Les citoyens américains, le secteur privé, les autorités des Etats fédérés et locales ont eux aussi chacun un rôle à jouer dans cette guerre dans la mesure de leurs compétences. Les actions des uns complètent celles des autres et chacun fait son travail pour que l’autre puisse faire le sien. A. Les agences de renseignements et la guerre antiterroriste Le FBI et la Central Intelligence Agency (CIA) ont subi de vives critiques pour n’avoir pas été capables d’empêcher les attaques du 11 septembre. Par la suite, ils se sont fixés de nouveaux objectifs, se sont dotés de meilleurs moyens pour atteindre ces objectifs et se sont restructurés pour mieux affronter le terrorisme. 1) Le FBI 28 Le FBI, police fédérale des Etats-unis, a vu le jour en 1924. Son premier directeur fut John Edgar Hoover. M. Hoover occupera le poste de directeur pendant 48 ans (1924-1972). Le Bureau relève du Département de la Justice. Il a pour mission d’enquêter sur les délits fédéraux à l’intérieur des Etats-Unis. Robert S. Mueller en est actuellement le directeur. M. Mueller a été nommé Directeur du FBI une semaine avant les attentats du 11 septembre 2001 (le 4 septembre 2001). Originaire de New York, et vétéran de la Guerre du Vietnam, il a surtout travailler dans le domaine judiciaire. En 1982 à Boston, où il travaillait pour le compte du Département de la justice, il a eu à traiter plusieurs cas de fraudes financières, de terrorisme, de blanchiment d’argent et de corruption. Avant d’occuper sa fonction, il a été procureur général à Francisco. L’implication du FBI dans la guerre contre le terrorisme date du début des années 80. Depuis la moitié des années 90, il s’occupe non seulement de la menace terroriste sur le territoire américain mais aussi à l’étranger. Il s’occupe aussi de la lutte contre les cyber-menaces. Le FBI s’est fixé comme nouvelles priorités, pour lutter contre le terrorisme mais aussi contre la criminalité, de « protéger les Etats-Unis contre des attaques informatiques et contre la corruption dans la fonction publique à tous les niveaux ; protéger les droits civiques ; s’opposer aux entreprises et réseaux criminels tant transnationaux que nationaux ; combattre la délinquance d’affaires ; réprimer la criminalité violente ; appuyer les organismes de police fédéraux, locaux et internationaux ; enfin, moderniser les moyens techniques qui assurent l’exécution de toutes ces missions. »32 32 Wendy ROSS, « La réorganisation du FBI à la suite des attaques du 11 septembre », diffusé par le Bureau des programmes d’information internationale du Département d’Etat, 30 mai 2002. Pour voir l’article vous pouvez consulter l’adresse suivante : http://usinfo.state.gov/regional/af/security/french/f2053003.htm 29 Pour réaliser les objectifs qu’il s’est fixé dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, le FBI compte non seulement sur un partenariat renforcé avec les autres acteurs mais aussi sur l’augmentation de ses capacités de renseignement et d’analyse. Dans le cadre du partenariat, il « entend améliorer ses échanges d’information avec l’Agence Centrale de renseignement [CIA] »33. Il a mis en place ou intégré des groupes de travail notamment les “Joint Terrorism Task Forces” (JTTFs), le “National Joint Terrorism Task Force” (National JTTF), le “Foreign Terrorist Tracking Task Force” (FTTTF) etc. Les JTTFs, dont la première équipe a été créée en 1980, sont des équipes au sein desquelles sont réunis des “officiers de la loi” des Etats et des comtés ainsi que des agents du FBI et d’autres agents et personnels fédéraux. Ces équipes ont pour mission de collecter du renseignement en vue de prévenir des actes terroristes sur le sol américain. Le National JTTF, qui a été créé par le FBI en 2002, est chargé de collecter du renseignement et des informations sur le terrorisme (à l’instar du JTTFs) pour ensuite en faire une redistribution aux JTTFs, aux unités du FBI (impliquées dans la guerre contre le terrorisme) et aux agences partenaires. Le FTTTF a été créé en octobre 2001 par l’Attorney Général. Il se compose des représentants du FBI, du Service d’immigration et de naturalisation, du Service des douanes et d’autres agences fédérales. Les membres du FTTTF ont pour mission d’empêcher des terroristes ou des personnes suspectées comme telles d’entrer aux Etats-Unis. Si ces personnes s’y sont déjà infiltrées, ils [les membres du FTTTF], doivent les identifier et les localiser pour qu’elles puissent être arrêtées. 33 ibidem. 30 Comme nous l’avons déjà annoncé ci-haut, le FBI compte également multiplier ses capacités de renseignement et d’analyse pour accomplir sa mission dans la guerre contre le terrorisme. C’est ainsi qu’il a entrepris un certain nombre d’initiatives parmi lesquelles : la mise en place de l’“Office of Intelligence”, du “Counterterrorism Watch” (CT Watch), du “College of Analytical Studies”, etc. L’“Office of Intelligence” est chargé de créer des opportunités professionnelles pour des analystes et d’assurer le partage des données des analyses et du renseignement au sein et à l’extérieur du FBI. Le “CT Watch”, qui fonctionne 24h/24, est chargé de la prévention des opérations terroristes au niveau national mais aussi à l’étranger. Le “College of Analytical Studies” a élu domicile à l’Académie du FBI à Quantico dans l’Etat de la Virginie. Il a pour mission de permettre à des analystes du FBI et à ceux de ses partenaires, pendant une période de six semaines, de se perfectionner dans les méthodes d’analyse. 2) La CIA La CIA a été créée en 1947 par la “Loi sur la Sécurité Nationale” (National Security Act.). Sa mission consiste à veiller sur la sécurité des intérêts américains dans le monde. Elle a eu comme directeur Georges Bush ancien président des Etats-Unis (1989-1993). Aujourd’hui, George J. Tenet occupe le poste de directeur. M. Tenet a pris ses fonctions de patron de l’“Intelligent Community” (qui regroupe l’ensemble des agences de renseignement des Etats-Unis à l’étranger et la CIA) le 11 juillet 1997 sous le second mandat du Président Clinton. M. Tenet n’est pas un “bleu” à la Central Intelligence. Il a été le Directeur adjoint de John Deutsch (Directeur du Central 31 Intelligence ou DCI jusqu’en 1996). Après le départ de ce dernier, M. Tenet avait assuré la transition. La CIA recueille et analyse toute les informations liées aux menaces terroristes potentielles à l’étranger. Il a joué un rôle très important dans les campagnes militaires américaines menées dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et notamment la campagne en Afghanistan en 2001. B. Le rôle des citoyens américains Le peuple américain participe à la Homeland Security essentiellement à travers des “Citizen Corps” (Corps de citoyen) qui sont une initiative de l’“USA Freedom Corps”. C’est un regroupement de citoyens américains volontaires pour participer à la Homeland Security. Dans chaque Etat américain il existe un "Conseil des Corps citoyens" (Citizen Corps Council) et dans chaque comté un "Conseil local des Corps citoyens" (Local Citizen Corps Council). Ces conseils sont chargés d’informer, d’encourager et d’orienter les citoyens pour qu’ils puissent participer aux “Citizen Corps”. L’action des “Citizen Corps” est coordonnée par la FEMA en collaboration avec le DHHS, le DoJ et d’autres agences fédérales. Les volontaires sont appelés à participer dans une variété de programmes dont la plupart sont gérés par des ministères (DoJ, DHS et DHHS). Parmi ces programmes on trouve : le “Volunteers in Police Services (VIPS) Program” (Programme des volontaires du service de la police), qui est sous l’aile du Département de la Justice. Il forme des volontaires pour aider la police dans l’exécution de fonctions non-assermentées. Ce qui permet aux officiers de la police de pouvoir effectuer des fonctions plus essentielles; 32 Le “Medical Reserve Corps” (Corps médical de réserve) dépend lui du DHHS. Il a pour objectif de constituer des réserves de personnel médical pour aider les services locaux de santé à répondre efficacement, à une urgence de type catastrophe naturelle ou attaque terroriste en tant que premiers secours ; Les “Community Emergency Response Teams” (CERT) permettent aux citoyens américains de participer à la planification et à la gestion des secours dans leurs localités ; Le “Terrorist Information and Prevention System” (TIPS) encourage les citoyens américains à identifier et à dénoncer toute activité ou toute personne qu’ils soupçonnent d’être liées aux terrorisme ou au crime. C. Le rôle du secteur privé et des autorités étatiques et locales Le secteur privé, principal fournisseur des Etats-Unis en marchandises et services, est propriétaire de 85% des infrastructures (économiques et industrielles). En partenariat avec les autorités fédérales, il investit dans la protection physique et informatique des infrastructures critiques. Il peut être appelé par les autorités fédérales à fournir les ressources nécessaires à la guerre contre le terrorisme. Les compagnies pharmaceutiques doivent produire des vaccins contre les maladies pouvant être causées par des armes biologiques susceptibles d’être utilisées par les terroristes. Les industries de haute technologie sont chargées de faciliter les contrôles aux frontières et la détection des ADM par la mise au point de dispositifs de détection répondant à ces besoins. 33 Les Etats34 et les gouvernements locaux35 ("Local governement") ont la responsabilité primaire de placer, de préparer et d’actionner les services de secours adaptés en cas d’attaque terroriste. Les gouvernements des Etats sont chargés, à l’instar du gouvernement fédéral, d’encourager leurs communautés à participer aux "Citizen Corps". Après avoir déterminé "qui est qui" et "qui fait quoi" dans cette guerre américaine contre le terrorisme, voyons maintenant quels sont les instruments mises en place pour éradiquer cette nouvelle menace. 34 Le State ou l’Etat désigne les 51 Etats fédérés des Etats-Unis ainsi que le District de Columbia, Porto Rico, les Îles Vierges, les Samoa américaines, le Guam, la Zone du canal etc. Chacun des Etats est régi par une constitution qui le dote d’un législatif (Legislature) et d’un exécutif (Gouverneur et Lieutenant-gouverneur) et d’un système judiciaire (Cour Suprême de l’Etat et juridictions). 35 Le Local governement désigne toute comté, ville, village, district etc. 34 Chapitre 2: terrorisme : La une guerre contre “politique” le anti- terroriste unilatéraliste bénéficiant d’un soutien international mitigé A y voir de prés, la politique anti-terroriste américaine est beaucoup plus unilatérale. Les Etats-Unis ont défini leur propre stratégie pour combattre le terrorisme international dans un document intitulé "National Strategy for Combatting Terrorism" publié au mois de février 2003. Leur unilatéralisme se manifeste beaucoup plus dans le domaine militaire et sécuritaire : domaines dans lesquels ils décident de tout et dirigent tout selon leur “bon vouloir”. Toutefois, au niveau de la lutte financière, sans trop avoir le choix, ils composent plus ou moins bien avec les autres Etats et Organisations internationales (OI). I. Présentation de la "National Strategy for Combatting Terrorism" Cette stratégie a pour objectif non seulement d’empêcher toute attaque terroriste contre les Etats-Unis, leurs citoyens, leurs intérêts, leurs alliés et amis mais également d’ôter toute liberté d’action et de mouvement aux terroristes. Pour ce faire, les Américains comptent agir de quatre manières : attaquer les sanctuaires terroristes, leurs leaderships et commandements, perturber leurs communications et, enfin, leur ôter tout soutien matériel et financier ; renforcer la coopération avec leurs partenaires régionaux pour mieux isoler les terroristes ; 35 aider les Etats faibles ("Weak States") à mettre en place des institutions et à disposer des moyens nécessaires pour exercer leur autorité sur l’étendue de leurs territoires et empêcher qu’ils servent de refuges aux terroristes ; enfin forcer, s’il le faut par l’usage de la force militaire, les Etats réticents à ne pas soutenir le terrorisme. Les Etats-Unis se sont, également, fixés quatre objectifs majeurs, dans cette guerre contre le terrorisme, qu’ils ont appelé les 4D (Defeat, Deny, Diminish, Defend)36. Ces 4D consistent à : défaire les terroristes et leurs organisations ; leur priver de tout parrainage, de tout soutien et de tout sanctuaire ; diminuer les conditions qu’ils cherchent à exploiter ; enfin défendre les intérêts et les citoyens américains sur leur territoire et à l’étranger. Dans chacun des éléments 4D est défini un certain nombre d’objectifs à atteindre et les moyens adéquats pour y parvenir. Défaire les terroristes et leurs organisations (1D) Les objectifs ici consistent à identifier les terroristes ainsi que leurs organisations et à les localiser. Pour ce faire, les Etats-Unis comptent s’appuyer sur le renseignement technique (avec leurs moyens technologiques et informatiques) mais aussi sur le renseignement humain. La Communauté de l’intelligence et le FBI, entre autres, sont chargés de collecter le renseignement, de le traiter et de le distribuer aux acteurs de la lutte anti-terroriste. Il est possible également qu’il soit 36 Cf. "National Strategy for Combatting Terrorism" 36 distribué aux alliés des Américains si les autorités fédérales l’estiment nécessaire. Priver les terroristes de parrain, de soutien et de sanctuaires (2D). Cet élément comporte comme objectifs : l’élimination du parrainage du terrorisme par les Etats : le Département d’Etat est chargé de mettre en place une politique visant à encourager ou à décourager les Etats parrainant le terrorisme à cesser de le faire. Les Etats-Unis se disent prêts à coopérer avec tous pays le désirant, et à aider les pays faibles à faire face aux terroristes qui voudraient utiliser leurs territoires comme sanctuaires ou refuges ; l’interdiction de tout soutien matériel et financier aux terroristes ; enfin l’élimination de tous sanctuaires et refuges terroristes à travers le monde : la Communauté de l’intelligence, en collaboration avec d’autres ministères (DoD, DoS, etc.), est chargée chaque année de faire le point sur les sanctuaires terroristes dans le monde et de mettre en place des plans pour les détruire. Diminuer les conditions que les terroristes cherchent à exploiter (3D) Pour ce faire, les Américains estiment qu’il est capitale de gagner la « guerre des idées » ("The war of ideas")37 . Comment ? En montrant que les actes terroristes sont illégitimes et en faisant de sorte que le terrorisme soit vu comme l’esclavage, la piraterie ou le génocide. Bref ce qu’aucun gouvernement responsable ne pourrait soutenir ou tolérer. 37 Cf. "National Security Strategy of the United States" 37 En soutenant les gouvernements modernes et modérés, en particulier ceux du monde musulman, pour que les terroristes ne puissent trouver dans aucune nation les idéologies et les conditions qui leur sont avantageuses. En s’assurant que la communauté internationale focalise ses efforts et ses ressources sur les zones à risque. En promouvant la liberté de penser, de s’exprimer librement, de s’informer et en faisant naître l’espoir et les aspirations à la liberté de ceux dont les sociétés sont sous la joug de tyrans et de dictateurs doublés de terroristes ou qui les protégent. Enfin, en résolvant le conflit israélo-palestinien : les Américains admettent que la résolution de se conflit est un élément crucial pour gagner la « guerre des idées ». Défendre les intérêts et les citoyens américains sur leur territoire et à l’étranger (4D) Ce dernier élément des 4D inclus la protection physique et informatique des Etats-Unis et ses principes démocratiques. Il est fait appelle à tous les autorités fédérales, les autorités étatiques, les gouvernements locaux, le secteur privé et à tous les citoyens américains pour faire face au terrorisme. Il est à noter que la stratégie de guerre contre le terrorisme vise plus particulièrement les organisations terroristes de portée mondiale comme Al Qaïda et les Etats qui sponsorisent le terrorisme et qui ne ménagent aucun effort pour se doter d’ADM. Les Etats-Unis envisagent, pour mener à bien cette stratégie, d’user de tous les moyens en leur disposition (économique, juridique, diplomatique et militaire). 38 II. Les mesures américaines de lutte contre le terrorisme : des mesures unilatéralistes Ces mesures vont des mesures juridiques aux mesures financières en passant par des mesures sécuritaires et militaires. C’est dans ces deux dernières que l’unilatéralisme américain se manifeste le plus. La plupart de ces mesures sont très contestées et contestables. Les détracteurs sont en général les Etats et les associations de défense des droits de l’Homme et des libertés publiques. Mais, envers et contre de tous, les autorités américaines fond la sourde oreille. A. Les mesures juridiques et sécuritaires Suite aux attaques du 11 septembre, les Etats-Unis ont adopté un certains nombre de mesures très contestées et contestables pour faire face au terrorisme. Parmi ces mesures controversées on retrouve le plus souvent le Patriot Act, les commissions militaire etc. Toutefois, il y a eu quelques mesures, dans le cadre des mesures sécuritaires, qui ne sont pas aussi mauvaises que cela puisqu’elles permettent aux Etats faibles de bénéficier d’une assistance pour pouvoir faire face au terrorisme : c’est le cas du Programme de l’ATA. 1) L’USA PATRIOT Act Adoptée par le Congrès le 25 octobre 2001, l’USA PATRIOT Act est signée le lendemain par le Président Bush. Elle renforce les pouvoirs des « organes chargés de l’action pénale » en matière d’enquête et de surveillance. Elle étend les perquisitions, les écoutes téléphoniques, ainsi que la surveillance des communications électroniques. Enfin, elle facilite la collecte et l’analyse des informations sur certaines personnes suspectées d’être liées au terrorisme ou à la criminalité. 39 La loi a été très critiquée aux Etats-Unis mais également dans la plupart des pays démocratiques. Les détracteurs les plus acharnés sont les organisations de défense des droits de l’Homme et les organisations de défense des libertés publiques38. Elle définie le terrorisme. Elle considère comme étend un acte de terrorisme tout acte qui est illégal en vertu du droit américain ou du droit du lieu où il a été commis et qui prend les formes suivantes39 : détournement ou sabotage d’un aéronef, d’un navire, d’un véhicule ou d’autres moyens de transport ; prise d’otages ; attaque violente contre une personne protéger par le droit international ; assassinat ou emploi d’un agent biologique, d’un agent chimique, d’une arme ou d’un dispositif nucléaire ou encore d’un explosif, d’une arme à feu ou de toute autre arme ou d’un dispositif dangereux (autrement qu’à des fins monétaires d’ordre personnel) dans l’intention d’attenter directement ou indirectement à la sécurité d’une ou de plusieurs personnes ou de causer d’importants dommages à des biens. Et considérait également comme acte de terrorisme, par la loi, « toute menace, toute tentative ou association en vue d’exécuter l’un de ces actes ». La définition américaine du terrorisme, n’est pas partagée par la plupart de leurs alliés et amis. Certains la trouvent très large et d’autres trouvent, sans le dire officiellement, qu’elle va à l’encontre de leurs intérêts. Cette 38 Cf. au Chapitre IV Cf. à « La Nouvelle Liste d’Exclusion Des Organisations Terroristes », Fiche d’information diffusée par le Bureau des programmes d’information internationale du Département d’Etat, le 21 novembre 2002, p. 1 39 40 absence de consensus autour de ce qu’est le terrorisme met à rude épreuve la coopération internationale (en particulier la lutte financière40). Pour terminer, il faut également noter qu’en vertu de la loi, le secrétaire d’Etat est habilité à inscrire une organisation sur la "Liste d’Exclusion des Organisations Terroristes" (TEL) si celle ci41 : commet ou incite à commettre des actes de terrorismes dans des circonstances révélant son intention de causer la mort ou des blessures ; prépare ou envisage un acte de terrorisme ; recueille des informations sur les éventuels objectifs d’un acte de terrorisme ; enfin fournit un soutien matériel en vue de faciliter un acte de terrorisme. 2) Des commissions militaires pour juger les terroristes Le 13 novembre 2001, le Président Bush a émis un décret autorisant la mise en place de commissions militaires pour juger « des terroristes internationaux ». Le décret ne s’applique qu’aux non citoyens américains « qui [se sont] livré [s] à des actes de terrorisme international ou à des actes préparatoires, s’en [sont] rendus complice [s] ou [ont] comploté en vue de les commettre menés au détriment des Etats-Unis ou qui [ont] sciemment abrité un ou plusieurs individus répondant aux critères précités. »42 40 Cf. au Chapitre III du doc. « La Nouvelle Liste d’Exclusion Des Organisations Terroristes », op. cit., p. 1 42 Paul HOFFMAN, « Libertés Publiques Aux Etats-Unis Après le 11 Septembre », Bureau du secrétariat de presse de la maison Blanche, 13 novembre 2001, p. 3 41 41 Le président des Etats-Unis est seul habilité à désigner les personnes concernées par le décret. Les juges remplissent aussi le rôle des jurés. Il est précisé qu’ « il n’y aurait aucune obligation d’apporter des éléments probants au-delà du doute raisonnable, et ce ne serait pas à l’accusation qu’incomberait la tâche de fournir des preuves. »43 Les sentences sont rendues à la « majorité des deux tiers » des membres qui composent la commission et ne sont susceptibles d’aucun recours ni devant une cour internationale ni devant une cour américaine. Toutefois, le président des Etats-Unis et le secrétaire à la Défense (sur autorisation du Président) peuvent « demander une révision du jugement ». Il est à noter que les jugements peuvent se tenir à huis clos pour éviter la divulgation de renseignements classifiés ou susceptibles de l’être, pour garantir la sécurité des membres du tribunal, des représentants du ministère public et des témoins éventuels ou pour ne pas compromettre les sources d’information, les méthodes ou les activités des services de renseignement et d’action pénale, ou encore, toute autre question touchant à la sécurité nationale. L’instauration de ces commissions, à l’instar de l’USA PATRIOT Act, a été objet à de très vives critiques à travers le monde. A la suite de ces critiques, les autorités américaines avaient promis de revoir certaines des dispositions les plus controversées du décret. Ainsi, le 21 mars 2002, elles ont affirmé que lors des procès, la « présomption d’innocence » et la « conviction au-delà du doute raisonnable » seront pris en compte et que les inculpés pourront se faire assister de l’avocat de leur choix dans certains cas. En outre, elles ont décidé que la condamnation à la peine de mort se ferait à l’unanimité des membres de la commission. Avec ce décret, les Etats-Unis adoptent ce q’ils ont toujours récusé des autres pays : le recours aux tribunaux militaires, « au mépris des 43 Rapport Général de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La Lutte Contre le Terrorisme Résultats et Questions », paragraphe 66. 42 garanties de procès juste et équitable ». En guise d’exemple, selon B. Hoffman, les Etats-Unis ont émis des protestations à l’encontre de la condamnation du citoyen américain Lori Berenson par un tribunal militaire péruvien et a obtenu qu’il soit rejugé en appel par une cour civile. Les Etats-Unis ont également émis des critiques similaires à l’encontre du jugement de l’activiste nigérian Ken Sara Wiwa devant un tribunal militaire et de son exécution. 3) L’US-VISIT44 : un programme pour filtrer les entrées aux Etats-Unis L’US-VISIT a été voté par le Congrès américain juste après les attentats du 11 septembre 2001. Il a été lancé le 5 janvier 2004. Cette nouvelle procédure d’entrée sur le territoire américain a recours à la biométrie, en particulier au balayage électronique des empreintes digitales, pour confirmer l’identité du visiteur étranger et vérifier son statut au plan des visas. Le programme se sert aussi des données obtenues par les consulats des Etats-Unis à l’étranger pour vérifier l’identité des visiteurs. A la fin de l’année 2004, la même procédure devra être suivi par les étrangers à leur sortie du territoire des Etats-Unis. L’US-VISIT est présent dans les 115 aéroports et 14 [c’est 15] ports américains45 et va être étendu d’ici peu à 50 postes aux frontières canadiennes et mexicaines. Sur une année pleine, 24 millions de voyageurs munis de visas devront se soumettre à ces contrôles46. Les autorités américaines affirment, pour défendre le programme, qu’il dissuade les terroristes ou criminels fichés de se rendre aux Etats-Unis, protége les visiteurs en empêchant l’usurpation de leurs documents de voyage et enfin garantie l’intégrité du 44 Voir également Annexe III Voir Annexe IV pour les aéroport et ports concernés 46 Pascal RICHE, « Aux frontières américaines : souriez vous êtes fichés », Libération, 6 janvier 2004, p. 9 45 43 système d’immigration américain en facilitant les voyages et en respectant la vie des visiteurs. Mais ce qui inquiète dans ce programme, notamment pour les organisations de défense des doits de l’Homme et les organisations de défense des droits civiques, « c’est la fiabilité des informations que contient la base de données fédérale ». En plus, « des tas de gens y figurent par erreur et, une fois qu’ils y sont, il est très difficile de les en faire sortir »47. Ils affirment également craindre que le FBI s’en sert pour y faire entrer qui bon lui semble. Pour réfuter l’argument selon lequel le programme empêcherait aux terroristes d’entrer aux Etats-Unis, M. J. Gohel (spécialiste de la Sécurité à l’Asia Pacific Foundation à Londres) affirme que « les terroristes sont souvent des jeunes gens de bonne famille, ayant fait des études et sans aucun casier judiciaire. »48 Toutefois, la plupart des ressortissants français, n’ayant pas besoin de visa pour se rendre aux Etats-Unis, ne sont pas concernés par le programme mais certaines catégories de voyageurs comme les étudiants, les journalistes et autres, ayant besoin d’un visa américain, devront se plier aux nouvelles règles. A l’instar des ressortissants français, les ressortissants de 27 autres pays49 sont exemptés de l’US-VISIT (la durée du séjour ne doit pas dépasser 90 jours). Cependant, au plus tard avant la fin de l’année, ces 27 pays et la France, devront fournir à leurs ressortissants des passeports avec une puce « contenant leur photo et des informations biométriques : empreintes digitales scannées ou reproduction de l’iris »50 47 Crystal WILLIAMS (porte parole de l’American Immigration Lawyers Association) cité par Pascal RICHE, op. cit., p. 9 48 Pascal Riché, op. cit., p. 9 49 Allemagne, Andorre, Australie, Autriche, Belgique, Brunei, Canada, Danemark, Espagne, Finlande, Grande-Bretagne, Islande, Irlande, Italie, Japon, Liechtenstein, Luxembourg, Monaco, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Saint-Marin, Slovénie, Suède, Suisse, Singapour. 50 Pascal RICHE, op. cit., p. 9 44 En dehors de l’US-VISIT, les autorités américaines envisagent de mettre en place à partir de cette année : le CAPPS II. Il consiste en une utilisation d’informations communément fournies par les passagers ainsi que les banques de données commerciales et les banques de données sur les criminels afin de repérer les passagers qui pourraient faire peser une menace sur les autres. Selon les autorités fédérales, le CAPPS II aidera à protéger la vie privée des gens tout en protégeant les vies et n’aura pas accès aux informations bancaires, aux informations médicales ou aux données relatives aux transactions commerciales par carte de crédit. Enfin, les autorités assurent qu’une bonne partie des données concernant les passagers sera effacée immédiatement après le vol. 4) Le programme d’aide anti-terroriste (ATA) : un programme pour aider certains pays à former leurs forces de sécurité L’ATA, évoqué au premier chapitre, est l’un des programmes que les Etats-Unis ont mis en place pour aider certains pays à lutter contre le terrorisme. Ce programme n’est ni une aide militaire ni une aide économique ; il se rapproche beaucoup plus à une coopération policière. Pour rappel, l’ATA forme les forces de police et de sécurité, de certains pays, à combattre, à dissuader et à élucider les crimes de nature terroriste sur leurs territoires. Après demande du pays intéressé, auprès des autorités diplomatiques américaines sur son sol, de bénéficier du programme, une équipe d’experts est envoyée sur place pour évaluer « les capacités de dissuasion et de riposte du pays face aux terroristes » dans cinq domaines : 45 application des lois, maintien de l’ordre et protection des personnes et des biens ; protection des détenteurs du pouvoir national, du siége et des fonctions du gouvernement, et du corps diplomatique, y inclus celui des Etats-Unis ; surveillance des frontières internationales ; protection des infrastructures essentielles ; et gestion des crises de portée nationale. C’est à partir de là que les Etats-Unis vont déterminer de quel type de formation le pays hôte nécessite et avec quel type d’équipement. Toutefois, avant qu’un pays puisse participer au programme, les Américains s’assurent d’abord s’il respect les droits de l’Homme (condition essentielle pour bénéficier du programme). La formation dure de deux à cinq semaines et se focalise essentiellement sur la prévention, la gestion et le règlement des crises et sur les investigations. L’ATA a le mérite, comme l’affirme les autorités fédérales, de fournir « aux forces de police et de sécurité des pays un cadre d’officiers spécialisés qui connaissent les valeurs et la façon de penser des EtatsUnis et sur lesquelles les officiers de sécurité régionaux et autres responsables Américains peuvent compter en temps de crise. »51 B. Les mesures financières pour bloquer les avoirs des terroristes Les attentats du 11 septembre 2001 ont convaincu les Etats-Unis combien il était important pour eux de lutter contre ce nouveau 51 Alan BIGLER , « Le Programme américain, d’aide à la lutte anti-terroriste », op. cit., p. 4 46 phénomène qu’est le terrorisme et en particulier leurs finances sans lesquelles ils ne pourraient pas fonctionner efficacement. Sans argent, les auteurs des attentats du 11 septembre n’auraient, certainement, jamais pus suivre des cours de pilotage, rester des mois sur le territoire américain pour préparer minutieusement et sereinement leurs actes et s’acheter des billets pour embarquer dans les avions qui leur ont servi d’armes. Il semblerait que la préparation des attentats a coûté aux terroristes environ 400 000$ US. Pour lutter contre les finances du terrorisme, les Etats-Unis font appel à deux types d’outils : le gèle des avoirs appartement à des terroristes à titre individuel, à des groupes terroristes et aux Etats qui parrainent le terrorisme ; le second outil est l’interdiction de tout soutien matériel aux terroristes. Un certain nombre de mesures a été mis en place par les autorités. Parmi les plus importantes nous pouvons noter : le décret 13224, l’"Opération Green Quest" et l’US PATRIOT Act. Le décret 13224 Le décret 13224 a été signé par le président Bush le 23 septembre 2001. Il habilite au Département du Trésor de bloquer les avoirs et transactions, aux Etats-Unis, de personnes (donateurs, agents de transfert d’argent etc.) ou institutions (banques, organisations charitables etc.) liées à des terroristes ou à des organisations terroristes. Le DoT a également l’autorisation de geler les avoirs des banques et institutions financières étrangères sur le territoire américains, qui refuseraient de coopérer au blocage des avoirs terroristes, ou de leur bloquer l’accès aux marchés et capitaux Américains. Ce décret n’est pas le premier du genre. Le président Clinton avait, sous ses deux mandats, signé trois décrets similaires. Il s’agit des décrets 12947, 13099 et 13129. 47 Le décret 12947 a été signé en janvier 1995. Il devait permettre la saisie des capitaux des personnes ou organisations considérées comme étant nuisibles au processus de paix au Moyen-orient. Le décret 13099, signé en août 1998, prohibait toute transaction effectuée aux Etats-Unis avec un certain nombre de groupes terroristes inscrits sur une liste tenue par le DoT. Enfin, le décret 13129 a été signé en juillet 1999 en réponse aux attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. Il interdisait toute transaction financière avec les Taliban. Il avait permis le gèle de prés de 300 millions de dollars US. L’"Opération Green Quest" Juste après les attentats du 11 septembre 2001, c’est à dire en octobre 2001, le gouvernement des Etats-Unis a mis en place : le "Foreign Terrorist Asset Tracking Center" (FTAT), l’"Opération Green Quest" et le "Terrorist Financing Task Force". En plus de traquer les avoirs des terroristes, ces organismes avaient pour missions de faciliter le partage des informations, dans le domaine financier, entre les agences de renseignement et les agences chargées de veiller à l’application de la loi. Ils étaient également chargés d’aider et d’encourager certains pays à identifier, à perturber et à faire échec aux réseaux de financement du terrorisme. L’"Opération Green Quest" a été déclenchée le 25 octobre 2001 par le DoT. Il a mobilisé : les douanes ("US Customs Service"), les agents des impôts (IRS), le Secret Service, le Bureau de contrôle des avoirs étrangères (OFAC), le Réseau de répression de la criminalité financière 48 (FinCen52), le Service d’inspection des postes et le Service naval d’enquêtes criminelles. D’après Antoine Colonna53, l’Opération a permis, entre octobre 2001 et février 2002, c’est à dire en l’espace de quatre mois, le gèle de 14,6 millions de dollars US d’avoirs. Le USA PATRIOT Act. En matière de lutte contre le financement du terrorisme, la loi invite les institutions financières privées à augmenter la transparence de leurs transactions, de rechercher un système commun d’identification du client et à trouver les moyens nécessaires pour empêcher leurs services financiers d’être utilisés par des criminels ou des terroristes pour blanchir de l’argent. En outre, elle encourage une coopération entre le gouvernement et le secteur privé et facilite le partage de l’information entre le gouvernement et les agences nationales. C. Les mesures militaires Les mesures militaires concernant la guerre contre le terrorisme, notamment les opérations militaires, sont exclusivement unilatérales. Les Etats-Unis ont agi en dehors des Nations Unies et n’ont pas beaucoup sollicité l’aide internationale (pour ce qui est de la façon de mener les opérations). Les opérations concernent essentiellement l’Afghanistan et l’Irak. Même si elles se sont déroulées avec succès (techniquement), on ne peut pas assurer qu’elles ont permis à avancer la guerre contre le terrorisme. Dans un souci de mieux mener leurs opérations militaires à l’extérieur mais aussi pour protéger leur territoire, les Américains avaient opéré des changements assez importants dans le domaine militaire. 52 Le FinCen est un groupe inter-agence créé récemment par le Trésor américain et le Secret Service. 53 « Guerre secrète contre Al-Qaeda », dir. Eric DENECE, p. 52 49 1) Des changements intervenus dans le domaine militaire depuis le 11 septembre Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis estimant qu’ils font face à de nouvelles menaces et à de nouveaux ennemis, affirment que les principales priorités pour leurs armées sont de défendre le territoire national et de réaffirmer leur rôle dans le monde. Ils estiment également que leurs institutions militaires doivent être transformées pour faire face aux défis du 21e siècle. Pour cela l’armée doit assurer les alliés et les amis des Etats-Unis ; dissuader toute future concurrence militaire et toutes menaces contre les intérêts américains, de leurs alliés et amis ; enfin défaire de manière décisive tout adversaire si la dissuasion ne fonctionne pas. Pour parvenir à cela, les Etats-Unis ont défini leur stratégie de défense (Quadrennial Defense Review) et mis en place un nouveau commandement (Northern Command ou Northcom). a) La Quadrennial Defense Review (QDR) La QDR est un document de référence relatif à la stratégie de défense des Etats-Unis. Depuis 1993, la loi oblige chaque nouvelle administration d’en établir un. L’administration Clinton en avait élaboré deux (en 1993 et en 1997). Celui de septembre 2001, le 3e du genre, a été élaboré par l’administration Bush. La QDR a été présentée au Congrès le 30 septembre 2001. Le contenu de ce document a été très largement influencé par les événements du 11 septembre 2001. Face aux menaces terroristes, mais aussi face à la prolifération des missiles balistiques et des CBRNE, le QDR a assigné quatre objectifs à l’armée américaine54 : 54 Cf. Rapport d’information du Sénat français, n° 313, Session ordinaire de 2001-2002, p. 31 - 32 50 le premier est d’assurer la « défense du territoire des EtatsUnis », ce qui demande une implication beaucoup plus forte du pentagone dans la « Homeland Defense » ; le deuxième objectif est de « dissuader les agressions » grâce à la présence militaire extérieure et à la capacité de réaction, notamment par le redéploiement des troupes ; le troisième objectif consiste, en cas de conflit, à « pouvoir l’emporter simultanément sur deux théâtres majeurs », de manière décisive sur l’un d’entre eux ; le quatrième et dernier objectif vise à pouvoir conduire un nombre limité d’opérations dans des « crises de faible intensité ». Pour donner à l’armée les moyens d’atteindre ces objectifs, la QDR prône une hausse du budget de la défense et la « transformation » des forces armées américaines. Cette transformation s’appuie sur quatre piliers55 : le premier d’entre eux concerne le renforcement de la coordination (« jointness ») à tous les niveaux : entre les armées, notamment en matière de commandement et de contrôle, avec les alliés et les pays partenaires dans le cadre de coalitions, entre le Pentagone et les différentes pilier repose agences gouvernementales américaines ; le deuxième sur un développement de l’expérimentation et de l’évaluation de nouveaux concepts opérationnels, matériels ou équipements, afin de disposer d’une plus large variété d’options ; le troisième pilier consiste à exploiter l’avantage dont disposent les Etats-Unis dans le domaine du renseignement, par le renforcement du renseignement humain, par les développements technologiques concernant les drones et les moyens aériens, 55 Cf. Rapport d’information du Sénat français, op. cit., p. 33 - 35 51 navals et spatiaux, dédiés au renseignement et surtout pour une meilleure intégration des diverses sources de renseignement ; enfin le quatrième pilier concerne les capacités des forces. La « transformation » implique également de doter à l’armée la capacité de pouvoir « déjouer les stratégies de déni d’accès » et d’ôter à l’ennemi toute possibilité de bénéficier d’un « sanctuaire ». b) La création d’un nouveau commandement pour protéger le territoire américain : le Northcom Jusqu’en 2002, les Etats-Unis comptaient huit commandements unifiés : quatre à vocation géographiques et quatre autres à vocation fonctionnelles. Les quatre commandements à vocation géographiques sont : le Southern Command (Southcom), le Pacific Command (Pacom), l’European Command (Eucom) et le Central Command (Centcom). Les quatre commandements fonctionnelles sont : le Strategic Command, le Transportation Command, le Special Operations Command et le Joint forces Command. Le Centcom joue un rôle très important dans la guerre contre le terrorisme. Il a été créé en 1983 et son Quartier général se trouve à Mac Dill (Floride). Il couvre une zone de responsabilité de 25 pays parmi lesquels les pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient et les pays de l’Asie centrale. Depuis le début de cette guerre, les opérations militaires anti-terroristes menées l’ont été sous son commandement. C’est le cas des opérations en Afghanistan (en 2001) et en Irak (en 2003). 52 Suite aux attentats du 11 septembre, les Etats-Unis ont mis en place un neuvième commandements unifié : le Northcom qui est à vocation géographique. Le Northcom est entré en fonction le 1e octobre 2002. Il couvre les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, une partie des Caraïbes et les eaux environnant jusqu’à 500 miles (l’Océan Pacifique et l’Océan Atlantique). Sa mission est de défendre le territoire américain (terre, mer et air) et de coordonner l’assistance militaire fournie aux autorités civiles nationales en cas d’attaques avec des ADM. Ce qui implique « des actions militaires (protection des infrastructures critiques, de l’espace aérien et des approches maritimes), tout autant que civilo-militaires (participation aux plans d’évacuation et aux secours aux populations, protection nucléaire, biologique, chimique et radiologique). »56 Désormais, le Commandant en chef du Northcom est aussi celui du Norad. Le Norad est un organisme binational (Etats-Unis et Canada) chargé de la surveillance aérospatiale et de l’espace aérien de l’Amérique du nord. Le Northcom emploie au moins 1000 personnes (militaires et civiles) et possède un budget annuel qui tourne autour de 70 millions de dollar US. 2) Les opérations militaires L’Opération Enduring Freedom (OEF) en Afghanistan et l’Opération Iraqi Freedom (OIF) en Irak sont les opérations militaires les plus importantes que les Américains ont mené dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, depuis le 11 septembre. Ils n’ont pas mis beaucoup de temps à défaire leurs adversaires lors de ces opérations. L’OEF qui est intervenue en riposte aux attaques du 11 septembre a été plus ou moins soutenue par les Etats et les Nations Unies (l’ONU avait dépêché une force d’assistance dans le pays après la chute des Taliban). Par contre 56 Rapport d’information du Sénat français, op. cit., p. 48 53 avec l’OIF les Etats-Unis n’ont pas bénéficié dont soutien international à quelques exceptions prés. a) OEF En Afghanistan, les gens étaient brutalisés par le régime en place. Beaucoup de personnes ont souffert de famine. Les femmes n’étaient autorisées ni à aller au travail ni à aller à l’école. Un homme risquait la prison si sa barbe n’atteignait pas une certaine longueur. On pouvait très facilement être arrêté et mis en prison pour avoir regardé la télévision. En résumé, sous le régime des Taliban, les Afghans vivaient en esclavage. En dehors de cela, Ben Laden, le présumé responsable des attentats du 11 septembre 2001, vivait dans ce pays avec la bénédiction des Taliban. S’appuyant sur l’idée qu’il fallait libérer l’Afghanistan de son régime archaïque qui réduisait son peuple à l’esclavage et ; voulant riposter aux attaques du 11 septembre et mettre la main sur Ben Laden et ses amis, les Américains ont monté une opération militaire sous l’appellation de Enduring Freedom ou Liberté Immuable. Elle a été lancée le 7 octobre 2001. L’opération militaire américaine, Enduring Freedom, en Afghanistan avait quatre objectifs selon le Center for Defense Information57 (CDI). Ces objectifs étaient : ôter à Al Qaïda son refuge afghan ; arrêter Oussama ben Laden et ses hommes pour les traduire en justice ; rendre Al Qaïda incapable de poser des menaces aux intérêts américains ; enfin stopper le parrainage du terrorisme islamiste par le régime des taliban en le détruisant si nécessaire. En voulant détruire le régime des Taliban, il était clair pour les Etats-Unis que cette guerre était une guerre totale. 57 Sofia ALDAPE, « The US Campaign In Afghanistan : The Year In Review », Center for Denfense Information (CDI), 10 octobre 2002, p. 1 (Doc. Word) 54 Une fois sur le champ de batailles, l’objectif principal des militaires américains était de « s’assurer la maîtrise du ciel ». Pour cela, il fallait « détruire par des frappes aériennes de nuit et à haute altitude l’aviation des Taliban, les installations aériennes au sol et leur défense antiaérienne, mais aussi les centres de contrôle et de commandement et les camps d’entraînement des terroristes »58. L’atteinte de cet objectif devait permettre aux Américains d’éliminer les risques auxquels leur aviation s’exposer : la Défense contre avion (DCA) et l’aviation des taliban (presque inexistante). Elle permettait également de briser la cohésion des forces taliban et des hommes d’Al Qaïda en leur ôtant tous moyens de communication, de surveillance, de renseignement et toute liberté de mouvement et ainsi faciliter une intervention terrestre. Cette intervention va se dérouler en deux phases : une première phase aérienne et une seconde terrestre. La première phase a porté sur des frappes aériennes ciblées et des bombardements. Elle devait permettre aux Américains d’avoir la « maîtrise des airs ». Les premières frappes ont d’abord visé les défenses aériennes, l’aviation, les centres de commandement et de contrôle des taliban et les camps d’entraînements d’Al Qaïda. Après dix jours de frappes aériennes, pour permettre aux Forces de l’Alliance du Nord (FAN) de progresser vers Kaboul et le sud du pays, les bombardiers américains commencèrent à s’attaquer aux lignes taliban. En guise d’exemple, le 31 octobre, des bombardiers B-52 avaient sévèrement pilonné les lignes des taliban situées au nord de Kaboul. D’après Loup Francart, dans les premières heures qui ont suivi le début de l’Opération, les Américains ont tiré 50 missiles Tomahawk qui ont 58 Loup FRANCART et Isabelle DUFOUR, « Stratégies et décisions : la crise du 11 septembre », p. 225. 55 tous atteint leurs cibles. Ces missiles ont été tirés à partir de trois croiseurs et un destroyer positionnés en mer d’Arabie59. Cette première phase a été accompagnée d’opérations de guerre psychologiques qui consistaient à larguer des tracts à diffuser des messages radios à la population afghane pour leur expliquer que leurs actions [les Américains] visées uniquement les Taliban. Après quatre semaines de bombardement, les défenses aériennes, les installations militaires, les moyens de communication des taliban étaient presque tous détruits et leurs lignes sérieusement atteintes. C’est à partir de se moment que débute, véritablement, la seconde phase. La seconde phase de l’Opération a porté sur une intervention des Forces spéciales au sol. Cet intervention ne s’est pas faite par un envahissement massif du territoire afghan par les troupes de la coalition. Elle s’est faite plutôt au « coup par coup » et selon les besoins. La principale mission des Forces spéciales était de traquer et d’arrêter les terroristes et les Taliban. Sur le champ de bataille, elles étaient chargées d’encadrer et de conseiller les FAN d’une part et de désigner les objectifs au sol au profit des forces aériennes d’autre part. Dans certains cas, 20 minutes après avoir reçu les détails sur leurs cibles, l’aviation frappée. Les frappes aériennes intensives et précises combinées avec une intervention au sol des Forces spéciales agissant en concert avec les FAN ont ôté aux taliban tout espoir et toute possibilité de transformer l’Opération Enduring Freedom en une guerre d’usure. Moins d’un mois après l’offensive terrestre, les taliban avaient perdu plus de 90% du territoire qu’il contrôlait avant le début de l’Opération. Mazar-i-Sharif, la première ville à être prise, est tombée le 9 novembre ; moins de deux 59 Loup FRANCART et Isabelle DUFOUR, op. cit., p. 206 . 56 semaines plus tard, Taloqan, Kaboul, Herat, Bamiyan tombaient ; le 25 novembre la ville de Kunduz tombe. Avant la Chute de la capitale Kaboul le 13 novembre, les taliban s’étaient repliés dans leur fief Kandahar. Cette ville tombera le 7 décembre. Le dernier refuge des taliban et d’Al Qaïda, l’enclave de Tora Bora, tombera le 16 décembre. A la fin de l’année 2001, l’Afghanistan était sous contrôle des FAN et de la coalition américano-britannique. Les taliban et les membres d’Al Qaïda qui ont eu la chance d’échapper à la mort ont eu le malheur d’être prisonniers des Américains ou de vivre en cachette entre l’Afghanistan et le Pakistan. Pour capturer ceux qui sont en fuite, les Américains ont monté d’autres opérations. Parmi elles : l’Opération Harpoon et l’Opération Anaconda respectivement en mars et en d’avril 2002, et l’Opération Lions des Montagnes. b) OIF A la suite des événements du 11 septembre 2001, les Américains affirmaient que leur principal soucis était de voir des groupes terroristes lancé des attaques à partir du territoire irakien ou que l’Irak utilise ces groupes pour attaquer les pays occidentaux. Soupçonnant l’Irak de détenir des ADM (Chimiques et biologiques), les Américains craignaient que le régime de Saddam Hussein donne ses armes aux terroristes. Ils affirmaient aussi que l’Irak avait probablement des liens avec Al Qaïda. Se fondant sur tout cela, ils ont estimé, à tort ou à raison, qu’il était urgent de mener une action militaire contre l’Irak. Pour justifier leur intervention, les Américains ont essayé par tous les moyens, sans trop convaincre, de prouver le lien entre l’Irak et le terrorisme ainsi que la détention d’ADM. Le président Bush avait à de nombreuse reprises déclaré que l’Irak représentait « une menace imminente » et que son pays disposait d’élément tendant à prouver 57 l’existence de programmes interdites en Irak. Colin Powell s’était présenté au Conseil de sécurité des NU, devant les médias du monde entier, avec des photos prise par satellites (camions et sites), des enregistrements téléphoniques (entre des personnes supposées appartenir à l’armée irakienne et d’un groupe terroriste) et un flocon contenant de l’Anthrax, pour convaincre les NU d’intervenir en Irak ou au moins de cautionner leur intervention. D’après certaines personnes, la volonté de l’administration Bush d’intervenir en Irak date bien avant les attentats du 11 septembre. En guise d’exemple, selon un rapport du sénat français, bien avant le 11 septembre, « l’élimination du régime de Saddam Hussein revêtait un caractère prioritaire pour une large partie de l’administration. » En outre, dans ses discours de politique étrangère, avant son élection, George Bush ne cachait pas sa volonté d’en finir avec le régime de Saddam Hussein. Malgré l’opposition de la Communauté internationale, l’OIF débutera le 19 mars 2003 après plusieurs semaines de suspense. Cette guerre, comme l’illustre les propos du président Bush, s’inscrit dans une logique de guerre préemptive qui consisterait à s’attaquer au mal avant qu’il n’émerge. En effet, le président Bush disait que l’intervention en Irak consistait « de faire face à cette menace [irakienne] maintenant avec [l’] armée de terre, [l’] armée de l’air, [la] marine, [la] garde côtière et [les] Marines, pour ne pas avoir à y faire face plus tard avec des armées de pompiers, de policiers et de médecins dans les rues de [leurs] villes. »60 Les objectifs, aussi bien politiques que militaires que les Américains s’étaient fixés dans cette guerre, étaient les suivantes61 : 60 Cité par Bruno TERTRAIS, «Analyse et enseignements de la campagne Iraqi Freedom», FRS (Fondation pour la Recherche Stratégique), 24 avril 2003, p. 2 (Document Word) 61 ibidem 58 mettre fin au régime de Saddam Hussein ; identifier, isoler et éliminer les ADM ; rechercher, capturer et expulser les terroristes ; obtenir des renseignements sur les réseaux terroristes ; obtenir des renseignements sur le commerce illicite d’ADM ; d’apporter une aide humanitaire ; sécuriser les installations pétrolières ; enfin aider les Irakiens à créer un gouvernement représentatif. Pour atteindre leurs objectifs, les militaires américains avaient planifié ou envisagé un certain nombre d’options. Parmi elles : l’envahissement de l’Irak par au moins deux fronts. Au nord à partir de la Turquie et au sud à partir du Koweït. Une autre option était de procéder à des attaques aériennes pour ensuite, soit en même tant que les frappes ou après, lancer une offensive terrestre à partir du Koweït. Finalement, face au refus des Turcs de l’utilisation de leur territoire, c’est la dernière option qui sera adoptée. Le 21 mars débute la campagne aérienne "Shock and Awe" (choc et stupeur) assimilée par certaines personnes à une Blitzkrieg (guerre éclair). Elle consistait à bombarder massivement la capitale irakienne Bagdad dans le but de saper le moral de l’armée mais aussi de détruire le système de commandement et de contrôle des forces irakiennes. En même temps que se déroulait cette campagne aérienne, les Américains et les Britanniques opéraient une offensive terrestre, à partir de la frontière koweitienne, le long de l’Euphrate et du Tigre pour remonter jusqu’à Bagdad. Quelques jours après le début des combats la coalition américanobritannique avait réussi à mettre la main sur les villes du sud comme Bassora et le port de la ville d’Oum Qasr (le seul débouché de l’Irak à la 59 mer). Les Britanniques devaient rester au sud pour sécuriser les villes conquises. Quant aux Américains, ils devaient poursuivre leur avancée vers Bagdad en tâchant d’éviter les villes qui ne revêtaient pas un intérêt stratégique à leurs yeux. Le 4 avril, soit prés de deux semaines après le début de l’opération, la 3e Division d’infanterie américaine mettaient la main sur l’Aéroport International à la périphérie de Bagdad après avoir défait la Division irakienne Médina. A partir du 5 avril les troupes américaines commençaient à investir la ville. Au 10 avril, Bagdad était entre les mains des Américains. Saddam Hussein et compagnie s’étaient évanouis dans la nature. A partir de cette date, en moins de trois jours, Kirkuk et Mossoul (villes kurde se trouvant au nord de l’Irak) sont tombées sans résistance entre les mains des Peshmergas. Tikrit, la ville natale de Saddam Hussein où l’on croyait que le raïs s’était retiré avec sa Garde républicaine et ses Feddayins, tombera sans grande difficulté le 14 avril. En résumé, nous pouvons dire qu’à la mi-avril la guerre était gagnée par la coalition américano britannique. A la déception de certaines personnes, la « mère de toutes les batailles », qu’avait promise Saddam Hussein, n’a pas eu lieu. 3) Le soutien international aux campagnes américaines De source militaire américaine, « 15 des 18 Alliés américains membres de l’OTAN » ont participé à la campagne militaire en Afghanistan et 11 pays de l’OTAN ont déployé des forces terrestres sur le théâtre des opérations et aux alentours. 60 Selon un rapport présenté en novembre 2002 devant l’Assemblée parlementaire de l’OTAN62, 23 pays ont mis des installations à la disposition des Américains pour leurs opérations militaires en Afghanistan ; 89 ont donné une autorisation de survol de leurs territoires et 76 une autorisation d’atterrissage. Toujours selon le rapport, plus de 100 pays ont offert des forces militaires ; 27 pays partenaires de la coalition ont fourni en matériels et en soldats : 104 avions, plus de 60 navires et 14 000 soldats (il faut noter que la plupart des soldats se trouvaient à bord de navire opérant dans la région et non sur le terrain des combats). Le Royaume-Uni, la France et l’Italie ont fourni des groupes aéronavals. Noter bien qu’une bonne partie des pays ayant participés, à la campagne militaire en Afghanistan l’ont fait dans le cadre de la Force de sécurité et d’assistance internationale (ISAF). L’ISAF est une force de maintien de la paix envoyée en Afghanistan par les Nations Unis63 vers la fin de l’année 2001. Elle se composait, en 2003, de 4000 à 6000 troupes de prés d’une vingtaine de pays64. Au mois d’avril 2003, l’Allemagne avec prés de 2500 troupes était le pays qui possédé le plus grand nombre de troupes dans l’ISAF. A la même date, la France possédait prés de 550 troupes dans la force. La plupart des troupes françaises étaient des troupes de déminage, de reconnaissance ou de logistique. La mission de l’ISAF est de sécuriser l’Afghanistan et en particulier la capitale Kaboul; d’aider le gouvernement afghan à mettre en place ses propres forces de sécurité et de défense et d’aider à la reconstruction du pays. 62 Cf. Rapport Spécial de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La guerre contre le terrorisme », paragraphe 30 63 Résolution 1386 du Conseil de sécurité des NU adoptée le 20 décembre 2001. 64 Albanie, Australie, Azerbaïdjan, Bulgarie, République Tchèque, Danemark, Finlande, France, 61 Il lui est reproché d’être présente uniquement dans les grandes villes du pays comme Kaboul. Il est à noter que l’ISAF, comme les forces américaines, les agents et fonctionnaires des OI et les autorités afghanes, est la cible d’attaques terroristes, orchestrées vraisemblablement, par les taliban déchus et les membres d’Al Qaïda. En dehors de l’ISAF comme nous l’avons évoqué, des pays ont participé à titre individuel à la campagne afghane. Le Royaume-Uni, lors de l’Opération Enduring Freedom, a eu à effectuer de nombreuses missions de reconnaissances aériennes. Ses forces navales ont mené des attaques avec des missiles Tomahawk sur le territoire afghan (à bord de leurs sous-marins HMS Superb, HMS Trafalgar et HMS Tiumph par exemple) lors de la première phase de l’Opération. Leurs forces spéciales ont participé à la seconde phase de l’Opération. Le porte-avions français le Charles de Gaulles a été déployé de décembre 2001 à juin 2002 sur le théâtre des opérations. Les forces aériennes françaises ont eu à effectuer des missions de reconnaissance au cours de l’OEF65. La France avait également déployé des appareils de transport (C-160 Transall et C-130 Hercules) à Douchanbe au Tadjikistan ; des avions ravitailleurs au Kirghizstan « à des fins d’aide humanitaire, de transport d’appoint pour les troupes de la coalition et de ravitaillement en vol ». Des Mirage 2000 basés à Manas, au Kirghizstan, avaient été mis à la disposition de la coalition pour servir à des missions de soutien aérien rapproché. D’autre pays, comme l’Allemagne, le Canada, la Pologne, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et autres ont contribué diversement à la réussite de la campagne militaire américaine en Afghanistan. 65 cf. Rapport Spécial de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La guerre contre le terrorisme », paragraphe 37 62 Contrairement en Afghanistan, les Etats-Unis n’ont pas bénéficié d’un très large soutien international dans la guerre en Irak. Avant le début de l’OIF, les autorités américaines affirmaient que leur coalition comptait prés de 50 pays « représentant au total plus d’un milliard d’êtres humains. » parmi ces pays, selon Colin Powell le secrétaire d’Etat américain, 15 n’ont pas souhaité que leurs noms soient divulgués. Donc on se retrouvait avec une coalition de 50 pays dont les 35 étaient connus et les 15 autres inconnus. Toutefois, il faut retenir que ces pays, à l’exception du Royaume-Uni et de l’Australie, n’ont pas participé militairement à la campagne ; ils n’ont fait que déclarer leur soutien politique. En outre, une bonne partie de ces 50 pays n’avait aucun pouvoir de décision ou même de visibilité sur la scène internationale. Tout ce qu’ils voulaient, c’étaient de gagner l’amitié ou la confiance des Etats-Unis en perspective d’un éventuel soutien économique ou financier. III. La coopération internationale à la guerre contre les terroristes A la suite des attaques du 11 septembre, de nombreuses OI et institutions financières, notamment l’ONU, l’Union européenne, le Front monétaire international (FMI), la Banque mondiale et autres, ont mis en place des mesures pour lutter contre les finances des terroristes. Sur le papier ces mesures sont très intéressantes et laissent croire que la traque des avoirs des terroristes va être féroce. En dehors de l’appui international à cette traque, l’autre forme de coopération entre les Etats-Unis et les autres pays de la planète s’est faite bilatéralement. C’est ainsi que les Philippines, la Georgie et le Yémen, entre autre, ont reçu une importante assistance militaire pour pouvoir faire face aux terroristes sur leurs territoires. 63 A. L’appui internationale à la lutte contre les finances des terroristes : l’un des rares domaines où l’étranger coopère plus ou moins sérieusement Après les attentats du 11 septembre 2001, prés de 197 pays et quelques organisations intergouvernementales ont exprimé leur souhait d’aider les Etats-Unis à bloquer les avoirs des terroristes. Certains de ces pays ont aussitôt mis en place des mesures de gèle des avoirs terroristes et d’autres ont sollicité l’aide des Américains pour y arriver. Ceux qui se sont le plus illustrés dans cette lutte financière sont : les OI et les institutions financières notamment les NU, l’Union européenne et un certain nombre d’institutions et organisations régionales ou internationales. 1) Les NU et la lutte contre le financement du terrorisme Bien avant que se produisent les attentats du 11 septembre les NU avaient pris des mesures pour lutter contre le financement du terrorisme. Le 9 décembre 1999, l’assemblée générale des NU avait adopté à l’unanimité une convention sous l’appellation de « Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. » Cette convention mettait en garde les membres de l’organisation contre tous soutien financier à des terroristes et tout financement d’opérations terroristes. Au lendemain des attaques du 11 septembre, elle n’était ratifiée que par quatre pays66. Les Etats-Unis eux même ne l’avait pas ratifié ; ce qui n’est pas surprenant. Toutefois, ils ont promis, suite au 11 septembre, d’encourager tous les pays de ratifier, la convention ainsi que les résolutions qui vont suivre et qui concernerait le terrorisme. 66 Le Royaume-Uni, le Botswana, le Sri Lanka et l’Ouzbékistan. 64 Après le 11 septembre, le Conseil de sécurité des NU dans sa résolution 7158, avait demandé les pays membres de geler les avoirs des organisations terroristes et des personnes liées au terrorisme figurant sur la liste du DoT. A la suite de cette résolution, le Conseil de sécurité adoptera deux autres résolutions beaucoup plus contraignantes, sérieux et célèbres (ou plus connues). Il s’agit des résolutions 1373 et 1390. La résolution 1373 a été adoptée le 28 septembre 2001. Elle oblige les Etats membres des NU à considérer comme délit l’usage ou la collecte de fonds à des fins terroristes, geler les fonds de ceux qui sont impliqués dans la planification d’attaques terroristes, coopérer aux enquêtes internationales et refuser d’accueillir ceux qui exécutent, planifient ou cautionnent des actes de terrorisme. Les Etats membres sont tenus de faire part aux NU, par des rapports, de leurs efforts d’appliquer la résolution. La résolution 1390 a été adoptée le 16 janvier 2002. Elle oblige les gouvernements des Etats membres à bloquer les avoirs des taliban (le mollah Mohammad Omar et ses ministres) d’Oussama ben Laden, d’Al Qaïda et de tous ceux qui y sont associés. Il est à noter que les noms, de ceux dont les actifs sont bloqués, sont communiqués à la Commission des sanctions des NU qui a 48 heures pour soulever d’éventuelles objections. En l’absence d’objection, les noms concernés sont placés sur la liste terroriste du Conseil de sécurité et tous les Etats sont tenus de geler leurs actifs et d’empêcher qu’ils ne soient mis à disposition67. 2) L’Union européenne (UE) et le gèle des avoirs terroristes 67 Cf. au Rapport Général de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « Les Conséquences économiques du 11 septembre 2001 et la dimension économique de la lutte contre le terrorisme », paragraphe 41 65 Prés des trois quarts des avoirs terroristes gelés, depuis le 11 septembre 2001, l’ont été au sein de l’UE et des Etats-Unis. L’Europe joue un rôle très important dans la lutte contre le financement du terrorisme. Des sommes considérables d’argent appartenant à des terroristes ont été gelées par les Etats membres de l’Union. Le 8 novembre 2002, les autorités britanniques annoncées avoir gelé, sur 38 comptes bancaires appartenant à des individus suspectés d’être liés au terrorisme, prés de 103 millions de dollars américains. Le lendemain (9 novembre), le ministre de l’économie de l’Italie déclarait que son pays avait, moins de deux mois après les attentats du 11 septembre, gelé 20 comptes bancaires et surveiller attentivement les mouvements d’argent sur prés de 100 autres comptes suspects. En Allemagne, 214 comptes bancaires contenant prés de 4 millions de dollars US ont été gelés par les autorités, dans les premiers mois qui ont suivi les attaques du 11 septembre. L’UE, probablement piquée par l’émotion qu’avait suscitée les attentats, avait activement et presque sans réserve participer à la vague de gèle des avoirs terroriste. Cela a été également le cas de nombreux pays à travers le monde. Au fur et à mesure que l’on s’éloignait de ces attentats, on remarquait que la coopération avec les Etats-Unis, sans s’interrompre, se compliquait. En guise d’exemple, quand les Etats-Unis ont demandé à l’UE d’inscrire sur sa liste terroriste le Hamas palestinien pour geler ses avoirs, l’UE n’avait pas accepté sur le coup ; il a fallu quelques semaines de tractations pour voir le Hamas inscrit sur la liste. 3) Le G7, le G20 et la lutte contre le financement du terrorisme Le G768 a été fondé en 1975 par les sept pays les plus industrialisés du monde. On y a ajouté la Russie dans les années 90 d’où l’appellation actuelle G8. Le groupe tient chaque année un sommet sur le territoire de 68 Le G7 ou Groupe des 7 se compose de l’Allemagne, du Canada, des Etats-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et le Royaume-Uni. 66 l’un des Etats membres. Lors des sommets les Chef d’Etats et de gouvernement discutent des problèmes de l’économie mondiale, de la mondialisation, des crises internationales etc. Ils arrêtent ensuite des mesures, non obligatoires, censées régler les « problèmes » de la planète. Le 6 octobre 2001, au cours d’une réunion des ministres des finances du groupe et des dirigeants des banques centrales, un plan d’action pour combattre le financement du terrorisme a été établi. Le plan avait défini comme priorités : l’« application vigoureuse des sanctions internationales, dont le gel des avoirs des terroristes, [le] développement et [la] mise en œuvre rapide de normes internationales, [l’] accroissement du partage des informations entre pays et [le] renforcement des efforts des superviseurs financiers pour contrer l’utilisation pernicieuse du secteur financier par les terroristes »69. Le plan prévoyait aussi la création d’unités de renseignement financier pour faciliter le partage des informations sur le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme. Le G2070 a pour rôle de favoriser le dialogue entre les pays industrialisés et les pays en développement, particulièrement sur des sujets globaux (comme la mondialisation ou la lutte contre le financement du terrorisme), où la coopération internationale est un impératif. Le groupe avait établi le 17 novembre 2001, un plan d’action similaire à celui du G8. Le plan prévoyait de fournir une assistance technique aux 69 Rapport Général de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « Les Conséquences économiques du 11 septembre 2001 et la dimension économique de la lutte contre le terrorisme », paragraphe 38 70 Le G20 a été créé en 1999 par le G7. Il réunit les pays membres du G8 (les EtatsUnis, le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie et la Russie), un certain nombre de grands pays émergents ou intermédiaires (Indonésie, Corée, Chine, Afrique du Sud, Brésil, Argentine, Mexique, Turquie, ainsi que l’Arabie Saoudite et l’Australie), et plusieurs institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, Comité du développement, Comité monétaire et financier international). Outre les Etats membres, l’Europe est fortement représentée au sein du G20 (Présidence de l’Union, Banque centrale). Les pays sont représentés par leurs ministres des finances et leurs banquiers centraux. 67 pays nécessiteux pour qu’ils puissent lutter efficacement contre le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme. 4) Le GAFI et la lutte contre le financement du terrorisme Le GAFI est un organisme intergouvernemental créé à l’origine pour lutter contre le blanchiment de capitaux. Il se compose actuellement de 33 membres71 : 31 pays et gouvernements et deux OI. A la suite des attaques du 11 septembre 2001, lors d’une réunion extraordinaire tenue à Washington DC en octobre 2001, le GAFI a décidé d’élargir sa mission au financement du terrorisme. Il a ainsi adopté « Huit Recommandations Spéciales » susceptibles d’empêcher aux terroristes et à ceux qui les soutiennent d’accéder au Système financier international. Ces « Huit Recommandations Spéciales » engagent les membres du GAFI à72 : prendre des mesures immédiates pour ratifier et mettre en œuvre les instruments appropriés des NU ; ériger en infraction pénale le délit de financement du terrorisme, des actes terroristes et des organisations terroristes ; geler et confisquer les avoirs des terroristes ; fournir la gamme la plus vaste possible d’assistance aux autorités opérationnelles et de réglementation d’autres pays dans les enquêtes sur le financement du terrorisme ; 71 Afrique du sud, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Commission européenne, Conseil de coopération du Golfe, Danemark, Espagne, EtatsUnis, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Hong Kong, Chine, Irlande, Islande, Italie, japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume des Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Singapour, Suède, Suisse et Turquie. 72 Cf. Site du Gafi : www.fatf-gafi.org 68 imposer des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux aux systèmes alternatifs de paiement ; renforcer les mesures d’identification dans les transferts électroniques de fonds internationaux et domestiques ; s’assurer que les personnes morales, notamment les organisations caritatives, ne puissent pas faire l’objet d’abus pour financer le terrorisme. 5) Les institutions financières internationales et la lutte contre le financement du terrorisme Les institutions financières internationales en question sont le Fond monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ces institutions fond parties du « Système des Nations Unies ». Le FMI et la Banque mondiale ont été fondés suite à la conférence internationale de Bretton Woods (d’où le nom d’institutions de Bretton Woods) dans le New Hampshire aux Etats-Unis. Lapidairement, leur mission consiste à rehausser le niveau de vie des pays membres. Plus précisément, le FMI œuvre en faveur de la coopération monétaire internationale et offre aux pays des conseils stratégiques et une assistance technique pour les aider à bâtir et à maintenir des économies solides. Quant à la Banque mondiale, elle favorise le développement économique à long terme et la réduction de la pauvreté en offrant aux pays un appui technique et financier pour les aider à conduire des réformes sectorielles ou à réaliser des projets particuliers (constructions de routes, d’écoles, de structures hospitalières etc.). A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les institutions de Bretton Woods ont adopté des plans d’actions devant leur permettre de lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et les finances du terrorisme. Basiquement, les plans invitaient les deux institutions à 69 partager leurs stratégies de lutte contre le blanchiment d’argent pour éviter que les terroristes se servent d’eux pour financer leurs opérations. Les deux institutions avaient également promis d’étudier les systèmes de transfère monétaires informels, comme le Hawala, pour empêcher que les terroristes l’utilisent ; et de fournir une assistance technique aux Etats nécessiteux pour qu’ils puissent combattre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. 6) Les autres soutiens à la lutte contre les finances des terroristes L’ASEAN a été créée en août 1967 par la déclaration de Bangkok. Elle a pour mission de promouvoir le développement économique, social et culturel des Etats membres, ainsi que la paix et la sécurité collective. Elle se compose actuellement de 10 pays73. L’ASEAN et le Conseil de coopération du Golfe avaient également pris un certain nombre de mesures pour manifester leur bonne volonté de combattre les finances du terrorisme. En novembre 2001, lors du sommet de l’ASEAN à Brunei, les Etats membres avaient signé une déclaration conjointe en vue de lutter contre le terrorisme. Ils avaient promis de coopérer étroitement pour stopper les flux monétaires des terroristes dans la sous région. L’Arabie Saoudite, d’où est originaire la plupart des commanditaires des attaques du 11 septembres, et ses partenaires du Conseil de coopération du Golfe avaient promis aux Américains de geler les avoirs des organisations terroristes mais malheureusement cela est resté à l’état de vœux pieux. 73 Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei (1984), le Vietnam (1995), la Birmanie, le Laos (1997) et le Cambodge (1999). 70 B. La coopération militaire bilatérale Au niveau militaire, les Etats-Unis ont fourni une assistance à certains pays dont les territoires sont considérés comme des sanctuaires pour terroristes ou comme pouvant l’être du fait de l’incapacité de ces pays à exercer leur autorité sur l’ensemble de leurs territoires. Cela a été le cas des Philippines, de la Georgie et du Yémen. 1) L’assistance militaire apportée aux Philippines Les Philippines sont un archipel qui se trouve en Asie du Sud-Est. Il est situé entre la mer des Philippines, le sud de la mer de Chine et l’Est du Vietnam. Le pays a été cédé aux Etats-Unis par l’Espagne en 1898 suite à la guerre hispano-américaine. En 1946, après la fin de la seconde guerre mondiale qui a mis fin à l’occupation japonaise, les Etats-Unis accordent aux Philippins leur indépendance tout en y maintenant des bases militaires. La dernière de ces bases a été fermée en 1992. Depuis quelques années, les autorités philippines font face à des mouvements d’insurrections musulmans dont le plus connu et le Groupe Abu Sayyaf. Ce groupe est spécialiste des prises d’otages (notamment d’otages occidentaux). Les otages sont souvent échangés contre de l’argent qui sert, avec les fonds fournis par certaines ONG et pays musulmans, à financer la guérilla. D’après les Etats-Unis et les autorités philippines, le Groupe Abu Sayyaf est étroitement lié à Al-Qaïda. C’est ainsi, et dans le cadre de la lutte mondiale contre le terrorisme, que les Américains (en accords avec les autorités philippines) ont décidé de déployer des troupes sur l’archipel. 71 D’après un rapport de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN74, un contingent américain de 660 hommes (dont 160 soldats des forces spéciales) a été déployé sur l’archipel en février 2002 pour une période de six mois. Ce contingent était chargé de former les forces philippines aux opérations de contre guérilla. Les autorités américaines avaient promis à leurs homologues philippins de leurs fournir des équipement d’« une valeur d’environ 100 millions de dollars U. »75 Le partenariat entre les deux pays a pris fin officiellement en juillet 2002, et « l’armée philippines a annoncé que le nombre de membres d’Abu Sayyaf avait considérablement diminué, passant de 2000 environ à 200. »76 Pour relativiser ces propos, certains analystes « ont […] observé que cette diminution s’expliquait d’avantage par le nombre de déserteurs que de prisonniers. »77 Ces mêmes analystes laissent entendre qu’il n’est pas exclu que le Groupe Abu Sayyaf se reconstitue à l’avenir. 2) L’assistance militaire apportée à la Georgie La Georgie est un pays de l’Asie du sud-ouest entouré au nord par la Russie, au sud par la Turquie et l’Arménie, à l’ouest par la mer noire et à l’est par l’Azerbaïdjan. Elle faisait partie de l’ex-URSS. Elle est devenue indépendante après la dislocation de l’URSS en 1991. Le pays connaît des troubles ethniquo-sécessionnistes (en Abkhazie, en Ossétie du sud et en Adjarie), institutionnels et économiques très sérieux depuis son accession à l’indépendance. Les Gorges de Pankisi, près de la frontière troublée de la Tchétchénie, sont suspectées d’abriter des combattants tchétchènes alliés supposés du 74 Rapport Spécial de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La guerre contre le terrorisme », paragraphe 66 75 ibidem 76 Rapport Spécial de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La guerre contre le terrorisme », paragraphe 67 77 ibidem 72 groupe Al Qaïda. En plus, suite à la chute des taliban en 2001 avec l’OEF, les autorités géorgiennes ont affirmé que des taliban et des membres d’Al Qaïda se cachaient dans ces gorges. Les Etats-Unis, craignant que la Georgie (qui n’a pas les moyens de faire face à cette menace) devienne un abri pour les terroristes, ont offert leur soutien pour les chasser. En mars 2002, avec l’accord de la Russie, les Etats-Unis ont déployé dans le pays environs 200 soldats de leurs forces spéciales dans le cadre d’un programme de formation. Le programme prévu pour un an, avait pour objectif de former « quatre groupes géorgiens à déploiement rapide aux opérations de la lutte anti-terroriste et anti-guérilla. » 3) L’assistance militaire apportée au Yémen Le Yémen se trouve au Moyen-Orient. Il est situé au nord par l’Arabie Saoudite, au sud par la Mer d’Arabie, à l’ouest par la Mer Rouge et à l’est par l’Oman. Jusqu’en 1990, la République du Yémen était divisée en deux : le Yémen du sud et le Yémen du nord. Après la réunification, en 1994, un conflit sécessionniste va éclater mais sera très vite subjugué. Le Yémen a eu un différent frontalier assez sérieux, avec son voisin l’Arabie Saoudite. Ce différent a été réglé en 2000. La même année (en 2000), un attentat terroriste contre l’USS Cole (navire militaire), dans le golfe d’Aden, avait tué 17 marins américains. En 2002 un pétrolier français, le Limburg subissait une attaque terroriste à 5 kms des côtes du Yémen. Après les attentats du 11 septembre 2001, plusieurs membres d’Al Qaïda arrêtés à travers le monde étaient d’origine yéménite ce qui laisse à penser que le groupe avait une base solide dans le pays. En outre, selon un rapport de l’Assemblée parlementaire de l’Otan cité ci-dessus, les services américains de renseignement avaient localisé, plusieurs campements, le long de la 73 frontière entre le Yémen et l’Arabie Saoudite, pouvant servir de refuges aux combattants arabes fuyant l’Afghanistan. En raison de tous cela, en mars 2002, suite certainement à des pressions américaines sur les dirigeants yéménites, le Yémen a accepté de recevoir sur son territoire des centaines de soldats américains dont la mission est de former les troupes du pays à la lutte anti-terroriste. Les Etats-Unis avait promis de former les gardes côtes yéménites et de leur « fournir 15 bateaux équipés de haute technologie pour effectuer des patrouilles dans le golfe d’Agen. »78 En septembre 2002, pour avouer que la coopération avec le Yémen n’avait pas fonctionné, le second de Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, avait reconnu que les Etats-Unis « n’avait pas réussi à atteindre au Yémen le niveau de coopération ou de réussite atteint aux Philippines. »79 78 Rapport Spécial de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La guerre contre le terrorisme », paragraphe 70 79 Rapport Spécial de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La guerre contre le terrorisme », paragraphe 71 74 Chapitre 3 : Des acquis et de l’efficacité de la guerre anti-terroriste Le bilan de la guerre contre le terrorisme n’est pas assez mauvais mais on ne peut pas non plus dire qu’il est reluisant. Autant les opérations militaires en Afghanistan et en Irak ont été des succès techniques autant ces pays restent instables. Autant la lutte financière avait pris un élan considérable dans les premiers mois qui ont suivi les attaques du 11 septembre, autant elle s’est essoufflée maintenant. Quant à la coopération judiciaire, qui paraît être l’une des meilleures solutions pour lutter contre le terrorisme, elle n’existe presque pas. Tout cela fait qu’aujourd’hui les attentats sont de plus en plus nombreux et les gens se posent des questions sur l’efficacité de cette guerre contre le terrorisme. Est-elle vraiment efficace ou lui manque t’il quelque chose ? I. Le bilan des opérations militaires en Afghanistan et en Irak : un bilan mitigé Même si les opérations militaires en Afghanistan et en Iraq ont été de véritables succès pour les Américains au niveau technique, elles sont loin, pour le moment, d’avoir éradiqué le terrorisme international. Et il reste beaucoup à faire dans la reconstruction et la stabilisation politique des deux pays. A. Les acquis des opérations Le bilan de l’opération "Enduring Freedom" en Afghanistan a été en général positif pour les Etats-Unis. Ils ont réussi à chasser le régime des taliban qu’ils présentaient comme étant un régime abominable et cruel. Ils ont ôté à Al Qaïda leur principal refuge, détruit leurs camps d’entraînement, tué certains de leurs dirigeants (par exemple : Ali 75 Mohamed adjoint de Ben Laden et responsable financier de l’Organisation) et arrêté de nombreux membres du groupe. Ils ont installé un gouvernement qui leur est favorable (H. Karzaï a la nationalité américaine et y à vécu pendant longtemps). Enfin, la rapidité de l’Opération et sa réussite ont permis aux Etats-Unis de faire taire les critiques autour de la campagne. Au niveau économique, si les Américains parviennent à stabiliser totalement le pays, ils pourront réaliser leur projet de pipeline. Ce pipeline permettra de faire passer le pétrole et le gaz de la mer Caspienne, tant convoités par les Etats-Unis, de l’Afghanistan au Pakistan pour ensuite être récupérés par des pétroliers et acheminés vers les pays Occidentaux. Il [le pipeline] permettra également d’éviter le passage par la Russie ou l’Iran. Au niveau militaire, l’Opération a été un véritable succès. La presque totalité des objectifs militaires ont été atteints. L’Opération s’est déroulée très rapidement (moins de deux mois) avec un minimum de pertes matérielles et humaines. Le bilan des pertes matérielles, à la fin de l’Opération, s’élevait à moins d’une dizaine d’hélicoptères dont la plupart ont été détruits par accident. En plus de ces hélicoptères, le 2 novembre 2001, les autorités militaires américains avaient déclaré avoir perdu un drone qui s’était écrasé en raison du mauvais temps. Les pertes humaines quant à elles tournées entre 10 et 20 hommes tués dont, là aussi, la plupart ont été victimes d’accident ou de « tirs amis » (par exemple : le 5 décembre 2001, trois soldats américains avaient trouvé la mort à Kandahar à la suite d’une erreur de bombardement). La campagne irakienne, à l’instar de celle de l’Afghanistan, a été un véritable succès au point de vu militaire. Aucun des scénarios du pire ne s’est réalisé, Donald Rumsfeld, qui avait prédit que la campagne durerait « peut-être six jours, peut-être six semaines », avait gagné son pari 76 comme le souligne M. Tertrais. Selon lui80, engagée avec moitié moins d’hommes qu’en 1991 (280 000 vs 600 000), la guerre de 2003 a été remportée en moitié moins de temps (21 jours) et moitié moins de morts dans la coalition (157 vs 358). Le total des victimes et le nombre de morts par jour de combat étaient en fait proches de ceux du conflit des Malouines (293, avec une moyenne de 7,5 morts/jour), et sans commune mesure avec les conflits précédents. Toujours, selon M. Tertrais, de la première guerre mondiale au Vietnam, le ratio entre pertes et forces engagées s’établissait à environs 1/15, à comparer avec 1/480 pour l’Opération en Iraq. Selon les estimations, entre le 20 mars 2003 et le 19 mars 2004, c’est à dire un ans après le début de l’Opération Iraqi Freedom, la guerre a fait au moins 8500 victimes civiles, 13 500 militaires irakiens, 563 américains, 59 britanniques et 42 soldats d’origines diverses. De nombreuses victimes de cette guerre ont péri dans des attentats. Parmi eux, nous pouvons citer : L’attaque du 12 novembre 2003 prés du quartier général du contingent italien à Nasiriya. Cet attentat à la bombe a fait au moins 27 victimes dont 16 militaires italiens. D’après le journal arabe Al-Majallah, Al Qaïda aurait revendiqué l’attentat. L’attaque du 19 août 2003 contre le siége de l’ONU à Bagdad. Cet attentat au camion piégé a fait 22 morts dont l’envoyé spécial des NU en Irak Sergio Vieira de Mello. L’attaque du 29 août 2003 à Nadjaf au sud de l’Irak. Cet attentat, devant le mausolée d’Ali (le premier imam chiite et gendre du prophète Mohamed PSL), a fait au moins 83 victimes. Al Qaïda est soupçonné d’avoir orchestré l’attaque. L’attaque du 1e février 2004 contre les siéges des partis politiques kurdes (UPK et UDK). Cet attentat a fait prés de 105 morts. 80 Bruno TERTRAIS, op. cit., p. 6 77 L’attaque du 2 mars 2004 contre des mosquées à Kerbala et Bagdad. L’attentat a fait 170 morts. Ces attentats terroristes montrent nettement que le terrorisme est loin d’être éradiqué en Irak. On peut même dire qu’il a fleuris, s’il existait bien sûr. B. Les opérations militaires n’ont pas éradiqué le terrorisme en Afghanistan et en Irak ; et la paix est loin d’être gagnée dans ces pays La paix n’est pas encore totalement acquise en Afghanistan. Les taliban essaient de se regrouper dans les zones où l’autorité du gouvernement afghan est absente. Les règlements de compte entre pro et anti-taliban n’ont toujours pas cessé. Les "Seigneurs de guerre" ne sont pas tout à fait sous le contrôle de l’autorité politique et se livrent, sans cesse, à de petits conflits d’influence très meurtriers parfois. A tout cela, s’ajoutent les attaques terroristes, les assassinats et les tentatives d’assassinats sur les autorités politiques (par exemple : la tentative d’assassinat sur Hamid Karzaï en septembre 2002 et l’assassinat du vice-président afghans Abdul Qadir). Bref, en s’appuyant sur les FAN, sur un effort significatif en matière de renseignement et à l’emploi massif de l’aviation et des forces spéciales, en ayant atteint la plupart de leurs objectifs en peu de temps et subit très peu de pertes, les Américains ont fait de "Enduring Freedom" un succès militaire incontestable. Toutefois, l’Opération n’a pas éradiqué le terrorisme islamiste, n’a pas permis de capturer le chef du groupe Al Qaïda (Ben Laden) et son ex-protecteur le mollah Mohammad Omar. Et, paradoxalement, elle a renforcé la raison d’être du terrorisme islamiste et sa popularité dans les pays arabes. 78 En Irak, même si la guerre a été remportée très vite par la coalition américano-britannique, les effets escomptés par Washington ne se sont pas réalisés pour le moment. En effet, les Etats-Unis n’ont pas pu donner aux Irakiens la responsabilité en ce qui concerne la sécurité et le gouvernement de leur pays. Certes, il faut du temps pour cela mais la situation de désordre et d’insécurité qui règne dans ce pays ne présage pas un Irak stable et démocratique d’ici quelques bonnes années. Ajouté à cela, l’Irak connaît aujourd’hui une rivalité ethnico-religieuse très prononcée qui risque de déboucher, si jamais la coalition évacuée le pays, dans une guerre civile. La détention d’ADM par le régime de S. Hussein et ses liens avec Al Qaïda, qui avaient justifié la guerre, ne sont toujours pas mis en évidence. Aujourd’hui, des voix s’élèvent à Washington et à Londres pour dénoncer la manipulation qu’il y a eu autour de cette affaire irakienne. Aux Etats-Unis, Richard Clarke, un ancien responsable de la lutte antiterroriste au sein du « Conseil National de Sécurité », dans son livre "Against All Ennemies", accuse le président Bush d'avoir négligé la menace des activistes islamistes avant le 11 septembre 2001 et d'avoir privilégié l'Irak comme « cible », au détriment d'Al Qaïda. En dépit de la situation qui règne dans le pays de S. Hussein, les autorités américaines insistent, persistent et signent qu’ils ont fait de considérables progrès dans la reconstruction du pays. D. Rumsfeld affirmait, le 25 septembre 2003 dans un article qu’il a publié au Washington Post qu’« en deux mois de temps, toutes les principales villes irakiennes et la plupart des municipalités avaient des conseils municipaux – ce qui avait pris huit mois après la guerre en Allemagne. Il a fallu quatre mois au Conseil de gouvernement pour nommer un cabinet – ce qui avait demandé quatorze en Allemagne. Une Banque centrale irakienne indépendante a été établie et une nouvelle monnaie annoncée seulement deux mois plus tard – il avait fallu trois ans à l’Allemagne pour ce faire 79 après la guerre. Au bout de deux mois, une nouvelle force de police irakienne effectuait des patrouilles avec les forces de police irakiennes, et à l’heure actuelle quelque 56 000 irakiens participent à la défense de leur pays. A l’opposé, il a fallu 14 mois pour établir une force de police en Allemagne et dix ans pour commencer à former une nouvelle armée allemande ». Même si la reconstruction en Irak est allée beaucoup plus vite qu’en Allemagne , comme le démontre M. Rumsfeld, nous sommes convaincus que les résultats, pour le moment, sont très loin d’être les mêmes. En outre, loin de briser le terrorisme en Irak, l’une des objectifs majeurs de la campagne, les Etats-Unis ont transformé le pays en une base du terrorisme internationale. En conclusion, dans ces affaires de campagnes militaire, nous pensons qu’il serait prématuré de dire que les Etats-Unis ont échoué en Afghanistan et en Irak. Dans toute chose, il est plus facile de détruire que de reconstruire. Cela vaut pour les Américains comme pour tout le monde. Les Etats-Unis ont besoin de temps en Afghanistan et en Irak. Ce n’est que dans le long terme que nous pourrons véritablement les juger. Peut-être ils pourront réussir à faire dans ces deux pays ce qu’ils ont réussi à faire en Europe et au Japon après la 2nd guerre mondiale même si nous sommes conscients que les situations et les caractéristiques des pays ne sont pas les mêmes. Toutefois, pour espérer que cela puisse se faire, les Etats-Unis doivent d’abord juguler le terrorisme qu’ils ont contribué à augmenter par leurs actions militaires dans ces pays. II. Les difficultés de la lutte internationale contre les finances des terrorismes Le fait de saisir les avoirs des terroristes n’a pas été chose facile. Comme nous l’avons montré dans le chapitre précédent, durant les premiers mois qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001, prés de 200 pays ont participé ou manifesté leur désir de geler les avoirs des terroristes. C’est 80 ainsi que des dizaines de millions seront gelé. Cette réussite a été l’œuvre non seulement des nouvelles mesures mises en place par les Etats-Unis, les OI, les institutions financières internationales mais aussi par la bonne volonté et la disponibilité des Etats à coopérer. Malheureusement, plus nous nous éloignons du 11 septembre, plus la coopération internationale s’estompe ; cela pour des raisons diverses. A. Les difficultés liées à la détermination et à la traque des avoirs des terroristes Les principales difficultés liées à la détermination des avoirs des terroristes résident dans l’origine de ces avoirs, dans les systèmes de transfert alternatifs et dans l’existence des Paradis fiscaux. 1) Les sources de financement des terroristes compliquent le gèle de leurs avoirs La difficulté de déterminer les avoirs des terroristes est liée aux provenances de ces avoirs. Voyons dans les lignes qui vont suivre quelques sources de financement des terroristes et les difficultés que cela pose pour geler leurs avoirs. D’après certains, Ben Laden aurait hérité entre 250 et 300 millions de dollar US de sa famille. Cet argent, il l’a investit dans des affaires légitimes et illégitimes à travers le monde. Cet argent a également largement servis à financer Al Qaïda et ses filiales. Selon le FBI, Ben Laden a mené des affaires tout a fait légitimes en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Europe et en Asie. Au Soudan, par exemple, entre 1991 et 1996, il a eu à investir dans l’agriculture, la construction, le transport et dans des entreprises soudanaises. Selon le Département d’Etat américain, Ben Laden a aidé le gouvernement soudanais à financer des infrastructures civiles, des projets de développements et autres. Par 81 ailleurs, on le soupçonne d’avoir des investissements à l’île Maurice, à Singapour, en Malaisie, aux Philippines et probablement à Panama. Il est soupçonné également d’avoir des comptes bancaires à Hong Kong, en Malaisie, à Vienne, à Dubaï et à Londres même. La plupart de ces pays, craignant que le gèle des avoirs (qui mine de rien sont très importants) ait des répercutions sur le bon fonctionnement de leurs économies, refusent de jouer le jeu ou fond traîner les choses. En dehors des fonds propre à Ben Laden, Al Qaïda bénéficie du soutien de certains citoyens du Golfe très riches et influents dans leurs monarchies. Ils est très difficile voir impossible de geler les avoirs de ces personnes surtout si elles appartiennent aux familles royales. Les Organisations non gouvernementales islamiques (ONGI) jouent eux aussi un rôle très important dans le financement des activités terroristes. Les Etats-Unis ont inscrit un grand nombre de ces ONGI dans la liste d'exclusion des organisations terroristes (TEL) diffusée par le Département d’Etat américains en novembre 2001 et en novembre 2002. Pour vous donner une idée des activités humanitaires et des liens que ces ONGI peuvent entretenir avec les groupes terroristes, nous vous citons ces trois81 : La Holy Land Foundation. Initialement connue sous le nom de Occupied Land Fund, la Holy Land Foundation a été établie en Californie en 1989 en qualité d’organisation caritative non imposable et non pas en tant que groupe religieux. En 1992, elle a transféré son siége à Richardson (Texas). Elle a des bureaux en Californie, dans le New Jersey et dans l’Illinois et des représentants répartis à travers les Etats-Unis, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Moussa Mohamed Abou Marzouk, haut responsable du Hamas, a fourni d’importantes sommes à la Holy 81 Les informations sur ces ONGI sont extraites du site du Département d’Etat américain et de l’ouvrage d’Ali LAÏDI, « Le Jihad en Europe ». 82 Land Foundation dans les années 1990. En 1994, Marzouk (qui a été désigné comme terroriste par le ministère américain des finances en 1995) a choisi la Holy Land Foundation comme principal responsable des collectes de fonds pour le Hamas aux Etats-Unis. La Holy Land Foundation finance les écoles administrées par le Hamas et qui servent les objectifs de cette organisation en « encourageant les enfants à devenir de futurs kamikazes ». Le Hamas des kamikazes en offrant de soutenir leurs familles ; ce soutien est assuré en partie par les contributions de la Holy Land Foundation. Beit Al Mal Holdings. Beit Al-Mal Holdings est une société d’investissements publics qui a des bureaux à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Bien qu’officiellement, ses activités commerciales consistent en prêts d’investissements dans les projets de développement économique et social, Beit al-Mal a d’importants liens avec le Hamas. La plupart de ses fondateurs, actionnaires et employés sont associés au Hamas. La majorité de ses actions appartiennent à des personnes identifiées avec le Hamas et Beit Al-Mal investit, à Gaza et en Cisjordanie, dans des projets appartenant à des militants du Hamas ou gérés par ces derniers. Al Haramein Islamic Foundation (AH) est basée à Djeddah et est dirigée par un Saoudien: Akil Ben Abdel Aziz. Elle est bien implantée en Albanie, Algérie, Autriche, Birmanie, Bosnie, Cachemire, Grande-Bretagne, Kenya, Maroc, Russie et Tunisie. L’AH est accréditée auprès du HCR et est financée par les riches Saoudiens, ainsi que par le Saudi High Committee. Elle fournit de l’aide aux réfugiés sous forme de logement, d’assistance médicale, de nourriture et de vêtement. Ces ONGI, bien qu’officiellement ayant pour activités de financer des causes humanitaires, financent des terroristes. Le problème avec, ces 83 ONGI, est qu’elles sont extrêmement populaires dans le monde musulman pour les actions de solidarité qu’elles conduisent. De ce fait, geler leurs avoirs pour de nombreux Etats musulmans demeurent difficiles. « En Extrême-orient, selon Antoine Colonna, nombre d’entre elles ont joué un rôle important lors de la crise asiatique, contribuant, notamment en Indonésie et en Malaisie, à la stabilité des Etats lors du mécontentement des populations affamées. »82 Selon le même auteur, les autorités américaines maintiendraient « une liste d’ONG suspectes, dont la divulgation serait mal comprise par les opinions publiques de nombreux pays. »83 En dehors des ONGI, certaines activités criminelles constituent également une source de financement du terrorisme. Ces activités sont le plus souvent le trafic de drogue, la contrefaçon, la contrebande etc. Les terroristes ont également recours à l’extorsion de fonds pour financer leurs causes. 2) Hawala et Paradis fiscaux : un casse tête chinois pour les traqueurs des avoirs terroristes Il est très difficile de suivre la trace des fonds des terroristes à cause des Hawala et des Paradis fiscaux. Le Hawala est un moyen de transfert de fonds traditionnel reposant sur la confiance. Ce système de transfert est souvent utilisé par les ressortissants de l’Afrique, du Moyen-orient, de l’Asie centrale et du sudest. Il leur permet d’envoyer de l’argent à leurs familles, restées au pays, sans avoir à payer des frais d’envoie très importants. Le système n’a rien d’illégal mais il a été constaté que des organisations terroristes et des organisations mafieuses s’en servent pour financer leurs opérations ou pour blanchir de l’argent. Selon un rapport de l’Assemblée parlementaire 82 83 « Guerre secrète contre Al-Qaeda », dir. Eric DENECE, p. 72 ibidem 84 de l’OTAN, « Al Qa’ida avait auparavant utilisé […] des sociétés locales de transfert hawala pour financer les attentats à la bombe contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. »84 Toujours, selon le même rapport, « des organisations criminelles Russes impliquées dans le trafic de drogue ont utilisé beaucoup de ces institutions pour blanchir et transférer de l’argent. »85 L’avantage que constitue le Hawala, pour ce type d’organisation, est qu’il ne laisse pas la moindre trace des opérations effectuées. Pour ceux qui traquent les fonds des terroristes les Hawala constituent un véritable problème. Se ne sont pas des structures financières qu’on peut localiser comme une banque ou une agence de transfert d’argent du genre WESTERN UNION. Souvent c’est de « petits propriétaires d’épicerie utilisant un simple téléphone mobile pour procéder à leurs transactions. » Et c’est surtout cela qui pose problème. Malgré la difficulté de la tâche, depuis le 11 septembre, les Etats-Unis et certaines institutions financières internationales ont décidé de réguler les Hawala. C’est ainsi que la loi USA PATRIOT oblige aux Hawala se trouvant sur le territoire américain de s’enregistrer comme des "Money services businesses" (MSBs). Et à l’instar des MSBs, ils seront, désormais, soumis aux règles concernant le blanchiment de l’argent et doivent signaler aux autorités américaines les transactions suspectes ou qui impliquent des sommes d’argents assez importantes. Le GAFI a demandé à tous les pays d’exiger aux entreprises pratiquant des systèmes alternatifs de transfert de fond, comme le Hawala, de respecter les mesures d’anti-blanchiment d’argent mises en place. En dehors des Hawala, les Paradis fiscaux constituent un véritable casse tête chinois pour ceux qui traquent les avoirs des terroristes. 84 Rapport parlementaire de l’OTAN, « Les conséquences économiques du 11 septembre 2001 et la dimension économique de la lutte contre le terrorisme », paragraphe 31. 85 ibidem 85 Les Paradis fiscaux, dans la majorité des cas, sont de petites entités géographiques de moins de 100 000 habitants. Ils n'ont pas d'ententes fiscales avec les pays industrialisés. La confidentialité absolue y est assurée et le secret bancaire intégral y est de rigueur. Toutes les grandes banques occidentales y sont fortement représentées. Parmi les paradis fiscaux, vous avez : les îles Caïmans, les Bermudes, les Bahamas, les îles Turks et Caicos, l'île De Man, les Barbades, Luxembourg, Malte, Monaco, Saint Marins, etc. De tout temps, les gouvernements des pays européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Portugal, France, Espagne, etc.) ont laissé se développer ces territoires qui, dans la plupart des cas, dépendent en fait plus ou moins directement de leur juridiction. Les élus de ces pays ne veulent pas abolir ces Paradis fiscaux, puisque, en dehors des terroristes et des mafias, ils sont aussi utilisés par leurs riches concitoyens et entreprises desquels ils sont largement tributaires. Même les Etats-Unis se montrent réticent à lutter contre ces Paradis fiscaux. Ils y a de cela quelques temps, les Etats-Unis ont décidé de ne pas suivre une initiative de l'OCDE visant à obtenir un minimum de coopération de 35 Paradis fiscaux : au nom du principe de la liberté du commerce et des affaires, et aussi pour continuer d'aider nombre de multinationales à échapper à la fiscalité de leur pays d'origine. Sans intention de prendre partie, nous pouvons dire que les Etats-Unis, en agissant ainsi, ont choisi de ne pas s'opposer à l'essentiel de la criminalité financière. Le succès de la guerre contre le terrorisme passe forcément par la suppression ou au moins par le contrôle des Paradis fiscaux. Autrement on peut toujours courir derrière les avoirs des terroristes sans succès total. 86 B. Les autres facteurs de blocage de la lutte financière contre les avoirs des terroristes Parmi les autres facteurs de blocage de la lutte financière contre les avoirs des terroristes, nous pouvons citer l’absence d’une définition commune de ce qu’est le terrorisme ou de ce qu’il n’est pas et l’« absence de volonté » des Etats à coopérer sérieusement. 1) L’inexistence d’une définition universelle du terrorisme Le problème de la définition du terrorisme porte un coup sérieux au bon déroulement de la guerre anti-terroriste, et en particulier à la coopération internationale pour la lutte financière. Il faut savoir que jusqu’à présent, et malgré la prolifération du terrorisme dans le monde, il n’existe aucune définition universellement admise de ce phénomène. Chacun y va de son bon vouloir et dans la mesure ou cela lui arrange. Parmi les définitions que l’on fait du terrorisme, nous pouvons retenir celles-ci : « Le terrorisme […], s’il est d’abord action, […] dépassant souvent le stade de l’initiative ponctuelle pour devenir une véritable stratégie, […] postule l’emploi systématique de la violence, pour impressionner soit des individus afin d’en tirer profit, soit, plus généralement, des populations, soumises alors, dans un but politique, à un climat d’insécurité ». [Encyclopedia universalis] Le terrorisme est un « ensemble d'actes de violence (attentats, prises d'otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d'insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l'égard d'une communauté, d'un pays, d'un système. » [Le Petit Larousse illustré 1999. © Larousse, 1998]. 87 Le Code Pénal français (art. 421-2), définie le terrorisme comme « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. » Pour d’autres, tout recours à la violence pour imposer sa volonté peut être assimilé au terrorisme. Il est également défini comme le recours à la violence ou à la menace de la violence afin de semer la panique dans la société, d'affaiblir ou de renverser les autorités en place et de susciter des changements politiques. Ces définitions ne sont certes pas contradictoires et nous pouvons même dire, en relativisant, qu’elles sont les mêmes, mais là où réside le problème c’est quand vient le moment de les appliquer. Certains vous dirons, par exemple, que le Hamas palestinien est un groupe terroriste et vous le prouverons, tandis que d’autres vous dirons le contraire et vous convaincrons que c’est un mouvement de libération nationale. La définition américaine du terrorisme dans l’USA PATRIOT Act86 par exemple reste très controversée. Les européens estiment qu’elle est très large et ne fait pas la distinction entre mouvements de libération nationales et organisations terroristes. Si les Américains considèrent que toute personne ou organisation finançant des groupes terroristes est terroriste, donc (si jamais les pays du Golfe acceptent cet argument) cela entraînerait l’implication de nombreux dignitaires respectueux des monarchies du Golfe. Des pays refusent de geler les avoirs de certains groupes, supposés être terroristes par les Américains, pour la simple et bonne raison, qu’à leurs yeux, ces groupes ne le sont pas. En guise d’exemple, la Syrie et le Liban avaient refusé de geler les fonds du Hezbollah (Parti de Dieu) quand les Etats-Unis le leur ont demandé. 86 Cf. au Chapitre II. 88 Au delà de la difficulté de trouver une définition universelle du terrorisme, la nonchalance de certains Etats à coopérer a également donné un véritable coup de frein à la lutte contre les finances des terroristes. 2) La « mauvaise volonté » des Etats à coopérer entièrement pour bloquer les avoirs terroristes Les Américains sont convaincus de la présence d’avoirs terroristes dans certains pays sans que ces pays aient fait quoique ce soit pour les bloquer. Cela est dû soit à une absence de volonté politique soit à un manque de moyens efficaces. Au Moyen-Orient, par exemple, des pays comme le Bahreïn, le Koweït, l’Oman, le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes unis, ont accepté les « Huit Recommandations » du GAFI concernant le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme. Cependant, la plupart de ces pays n’appliquent pas convenablement ces recommandations. Certains d’entre eux, comme l’Arabie Saoudite, dépistent à peine les fonds des terroristes et refusent poliment de travailler avec les Etats-Unis. En outre, l’Arabie Saoudite nie catégoriquement l’implication de certaines de ses organisations de charités islamiques dans le financement d’activités terroristes ; ce qui ne facilite pas les choses. En Afrique, en Asie centrale et dans le Caucase, le problème est beaucoup plus dû à un manque de moyens pour dépister et bloquer les avoirs des terroristes qu’à une absence de volonté politique. Les banques dans ces régions ne sont pas bien équipées pour contrer efficacement le blanchiment de l’argent. La faiblesse des institutions financières, en plus d’attirer des fonds terroristes et mafieuses, favorise considérablement les systèmes alternatifs de transfert de fonds comme le Hawala. 89 Par ailleurs, certains pays se confectionnent des listes de terroristes qui sont tellement différentes qu’une personne peut être considérée comme terroriste dans un pays A et comme un homme d’affaire ou un simple commerçant dans le pays B voisin. Pour clore ce sous-chapitre, il faut savoir que la lutte financière contre le terrorisme, à l’instar de la campagne militaire en Afghanistan, a eu pour effet de décentraliser Al Qaïda. Nous assistons aujourd’hui à une multiplication sans précédent des cellules terroristes. Ces cellules agissent actuellement en petits groupes autonomes. Elles ont pris la charge de leurs propres opérations et de leurs emplois du temps. Les fonds sont désormais trouvés sur place avec des activités légitimes (comme le commerce), l’extorsion de fonds, la contrebande, le trafic de drogue, etc. C’est ces groupes qui, aujourd’hui, ont frappé en Turquie, en Arabie Saoudite, au Maroc ou encore en Espagne. III. L’absence d’une coopération judiciaire internationale affaiblie la guerre anti-terroriste alors que la recrudescence des attaques terroristes à travers le monde sème le doute quant à son efficacité La disproportion des efforts des Etats à lutter contre le terrorisme, notamment l’absence d’une véritable coopération judiciaire, pourtant si importante, explique en partie la recrudescence des actes terroristes dans le monde. Aujourd’hui, aucun pays n’est à l’abri de tels actes. Même les pays où sont originaires les terroristes sont sévèrement frappés. La recrudescence des actes terroristes dans le monde depuis le début de la guerre anti-terroriste sème incontestablement le doute quant à son efficacité réelle. 90 A. La coopération judiciaire internationale : un élément essentiel de la guerre contre le terrorisme mais inexistant Le fait de recourir à la justice pénale peut efficacement freiner le terrorisme de plusieurs façons. Un terroriste condamné à la prison à perpétuité ou exécuter est une assurance qu’il ne commettra plus d’attentats. Le risque de se faire arrêter et condamner peut avoir un effet dissuasif sur les terroristes et limite leurs mouvements. En guise d’illustration, à la question de savoir pourquoi ils n’ont pas commis l’attentat aux Etats-Unis, en Australie, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore dans d’autres pays alliés de Washington, l’imam Samudra (l’un des islamistes arrêtés et condamnés à mort à la suite de l’attentat de Bali en octobre 2002), répondait : « Parce que j’étais wanted. »87 La médiatisation des procés, aux accents dramatiques incontestables, peut également contribuer à conforter l’attachement du public à la lutte anti-terroriste, à démonter la volonté de pourchasser les terroristes et à encourager d’autres à faire pareil. Toutefois, il faut noter que l’effet dissuasif que nous venons d’évoquer est à relativiser. C’est une considération manifestement sans intérêt pour un terroriste qui est prêt à se faire sauter, et peut-être pour celui qui n’est qu’un pion sur l’échiquier, mais qui se révèle tout aussi déterminé et désespéré. Il faut savoir que malgré son efficacité, l’instrument judiciaire n’est pas si simple à manier. Intenter un procés à un terroriste, comme le constate Paul Pillar88, présente une difficulté concrète qu’est de réunir 87 Source : COURRIER INTERNATIONAL n° 680 du 13 au 19 novembre 2003. Paul PILLAR, « La lutte contre le terrorisme et ses instruments », diffusé par le Bureau des programmes d’information internationale du Département d’Etat américain, le 6 décembre 2001, p. 2 88 91 suffisamment de pièces à conviction qui soient juridiquement admissibles. Aux Etats-Unis au moins, et contrairement à ce qu’on observe dans les milieux du renseignement ou de la politique générale, les tribunaux ne vont pas se contenter d’informations qui portent à croire que telle personne ou telle autre est un terroriste. Il est particulièrement difficile de produire des éléments matériels directs de nature à prouver que telle décision ou tel ordre a été donné par des chefs de file du terrorisme. Et M. Pillar de poursuivre, « la dispersion du processus de planification et de prise de décision des groupes terroristes internationaux fait qu’un grand nombre de démarches destinées à aboutir à un attentat ont lieu à l’extérieur du pays visé, et donc en dehors de la juridiction des principaux enquêteurs. »89 Donc, il est nécessaire d’avoir une coopération sérieuse entre Etats pour pouvoir arrêter et traduire les terroristes en justice. Mais l’implantation de cette coopération est rendue difficile par la divergence de point de vue entre Etats et en particulier entre les Etats-Unis et l’Europe. D’après un rapport de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN90, les ministres de la Justice de l’Union européenne avaient, lors d’un Conseil JAI (Justice et Affaires Intérieures) à Luxembourg entre le 25 et 26 avril 2002, autorisé « l’ouverture de négociations autour d’un accord d’extradition et de coopération judiciaire » avec les Etats-Unis. L’accord devait normalement être conclu à la fin de l’année 2002 ou au début de l’année 2003. Face à la réticence des Européens à la peine de mort dans certains Etats américains et face à la différence de perception quant à l’utilisation des « données personnelles » des personnes suspectées, il était évident que l’aboutissement de l’initiative n’allait pas être simple. Mais pour éviter tout blocage ou malentendus, le mandat excluait toute aide judiciaire (communication de preuves) et toute extradition si l’intéressé risquait une condamnation à la peine capitale. Il excluait 89 ibidem Rapport de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « La lutte contre le terrorisme : résultats et questions », paragraphe 50. 90 92 également « toute assistance judiciaire si la personne poursuivie est susceptible d’être traduite devant un tribunal spécial »91 (les commissions militaires par exemple). Beaucoup de personnes, liées à Al Qaïda92, ont été arrêtées en France, au Pays-Bas, en Espagne, en Belgique, en Italie et en Grande-Bretagne sans pour autant être extradées vers les Etats-Unis à cause des raisons déjà évoquées. L’Allemagne, où Mohammed ATTA coordonnateur des attaques du 11 septembre a résidé, a été l’un des premiers pays en Europe à avoir jugé un terroriste impliqué dans les attaques. En effet, le 19 février 2003 le nommé Mounir Motassadek, un étudiant Marocain en Allemagne, est condamné à 15 ans de prison ferme pour « complicité de meurtres dans 3066 cas ». M. Motassadek, avait été arrêté le 28 novembre 2001 à Hambourg et faisait parti du groupe chargé du soutien logistique de la « cellule de Hambourg. » Au début du mois d’avril 2004, à la surprise générale, son jugement sera cassé. Actuellement il est en liberté et attend d’être rejugé. En dehors de l’Europe, d’autres personnes liées à Al Qaïda seront arrêtées un peu partout. Les arrestations les plus importantes ont eu lieu au Pakistan et ont concerné certains des membres les plus influents du groupe terroriste de Ben Laden. Il s’agit de : Abou Zoubeida, un Palestinien de 32 ans né en Arabie Saoudite et proche collaborateur d’Oussama Ben Laden, arrêté au Pakistan le 28 mars 2002. Il est considéré comme le responsable du recrutement et des opérations du groupe Al Qaïda. Sheikh Ahmed Saleem, un Soudanais, arrêté le 12 juillet 2002. Il est considéré comme étant l’un des conseillers financiers de Ben Laden. 91 ibidem Voir Annexe V pour les arrestations à travers le monde liées aux événements du 11 septembre. 92 93 Ramzi ben Al-Shaiba, un Yéménite, arrêté le 11 septembre 2002. Il faisait parti de la « cellule de Hambourg » et est présenté comme l’un des coordinateurs présumés des attentats du 11 septembre 2001. Khaled Cheikh Mohammed, arrêté le 1e mars 2003. Il est considéré comme le numéro trois du réseau, après Ben Laden et le docteur Ayman Al-Zawahiri. Il figurait sur la liste du FBI des 22 suspects d’Al Qaïda les plus recherchés. Yassir al-Jazeeri, un Marocain, arrêté le 16 mars 2003. Il est présenté comme le « responsable des affaires » d’Al Qaïda et fait parti des « sept principaux » responsables du réseau terroriste. Abou Zoubeida, Khaled Cheikh Mohamed et Ramzi ben Al-Shaiba seront remis aux autorités américaines. Quant aux autres, nous ne savons pas s’ils sont toujours au Pakistan, s’ils ont été extradés vers leurs pays d’origines ou aux Etats-Unis. Mais il est très probable qu’ils soient entre les mains des Américains. Même si le Pakistan a accepté d’extrader ses prisonniers vers les EtatsUnis, il faut reconnaître, comme nous l’avons vu précédemment avec l’Union européenne, que cela n’a pas été le cas avec la plupart des pays. Enfin, pour en terminer avec les limites de l’instrument judiciaire et parler de la recrudescence des attentats depuis le 11 septembre, il faut noter que les Commissions militaires américaines n’ont, à ce jour, jugé aucun terroriste. Zacarias Moussaoui, ressortissant français arrêté le 25 août 2001 et inculpé dans le cadre des attentats du 11 septembre 2001 pour « complot visant à commettre des actes internationaux de terrorisme », remplit bien les conditions pour y être jugé. Finalement, son procés se déroulera devant une juridiction civile. Est-ce que la France y est pour quelque chose ? C’est probable. 94 Contrairement à Zacarias Moussaoui, les prisonniers de Guantanamo, estimés à plus de 600, ont de réelles chances de passer devant ces commissions militaires. Parmi eux, figurent des dizaines de ressortissants occidentaux de la Grande-Bretagne, de la France, du Canada, etc. Delà, nous pouvons nous demander si ces pays accepteront que leurs ressortissants soient jugés devant ces commissions. B. La recrudescence des attaques terroristes à travers le monde laisse croire à une inefficacité de la guerre contre le terrorisme Depuis le 11 septembre, malgré les mesures mises en place pour contrer le terrorisme, nous constatons une recrudescence sans précédent des actes terroristes dans le monde. Parmi les plus importants, à l’exception de ceux qui ont eu lieu en Iraq et que nous avons précédemment cité, nous pouvons retenir : L’attentat-suicide contre la synagogue de la Ghriba en Tunisie le 11 avril 2002 qui a fait 21 victimes, dont 14 Allemands. L’attentat-suicide contre un hôtel à Mombasa, sur la côte du Kenya le 28 novembre 2002 qui a fait 18 victimes. Dans le même temps, un avion de la compagnie israélienne Arkia échappait au tir de deux missiles lors de son décollage de Mombasa. L’attentat à la voiture piégée contre une discothèque sur l’île indonésienne de Bali le 12 octobre 2002 qui a fait 202 morts et 300 blessés, en majorité des Australiens. Cet attentat a été attribué à la Jamaah Islamiyah, un réseau terroriste lié à Al-Qaïda. Le 5 août 2003 un autre attentat-suicide au fourgon piégé contre l’hôtel américain Marriott, en plein centre de Jakarta, fera 12 morts, et quelque 150 blessés. Il est attribué lui aussi à la Jamaah Islamiyah. 95 Le double attentat à la voiture piégée contre deux synagogues à Istanbul en Turquie, le 15 novembre 2003, qui a fait au moins 23 morts et plusieurs blessés. Al Qaïda a revendiqué la double opération, selon le journal Al-Qods Al-Arabi. Le 20 du même mois, un autre double attentat-suicide contre le consulat britannique d'Istanbul et les bureaux de la banque HSBC fera au moins 27 morts dont le consul général britannique, Roger Short, et plus de 450 blessés. Les attaques ont été revendiquées au nom d'Al-Qaïda et du groupe turc Front islamique des combattants du Grand-Orient (IBDA-C). L’attentat-suicide de Casablanca au Maroc le 16 mai 2003 qui a fait 45 morts, dont les 12 kamikazes. Il est attribué à Al Qaïda aussi. Le triple attentat-suicide dans un complexe résidentiel à Riyad en Arabie Saoudite le 12 mai 2003 qui a fait 35 morts et 194 blessés. Selon Washington et Riyad, les attaques ont été perpétrées par 15 kamikazes liés au réseau Al-Qaïda. Le 8 novembre 2003, un nouvel attentat-suicide à la voiture piégée frappe encore une résidence de la banlieue Ouest de la capitale, Riyad, faisant au moins 17 morts, dont cinq enfants, et 122 blessés. Cet attentat a été également attribué à Al-Qaïda. Enfin, les attentats contre des trains de banlieue à Madrid en Espagne le 11 mars 2004 qui ont fait prés de 200 morts et 1500 blessés. Ils ont été revendiqués par Al Qaïda. Des ressortissants maghrébins ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête. Il faut à voir à l’esprit que, même si des attentats frappent le monde de plus en plus, les forces de sécurités de la planète, notamment en Europe, déjouent de plus en plus beaucoup d’autres. En guise d’exemple, le 30 mars 2004, au cours d'une grande opération anti-terroriste menée à Londres et dans sa banlieue ouest, la police britannique a découvert 500 kilos de nitrate d'ammonium (un engrais chimique qui, mélangé à du 96 fioul, peut constituer un explosif redoutable) dont la quantité, selon les experts, est cinq fois supérieure à ce qui avait été nécessaire à Bali. Du nitrate d'ammonium avait aussi été utilisé dans les attentats de Riyad et d'Istanbul. Huit personnes, d'origine pakistanaise pour la plupart, ont été arrêtées. Elles sont toutes de nationalité britannique et vivaient dans des quartiers résidentiels de la banlieue londonienne. Les attentats et les tentatives d’attentats terroristes sont plus que jamais fréquents depuis le 11 septembre comme on l’a constaté. A notre avis cela veut dire deux choses. La première est que la guerre contre le terrorisme, en particulier celle menée par les Etats-Unis, est incapable de juguler le terrorisme international et pire elle l’aggrave. La deuxième est qu’elle souffre d’handicap majeur qui l’empêche de tenir l’équilibre et d’être efficace. Toutefois, nous pensons que même si elle est encore loin d’être gagnée, il serait injuste et malveillant d’affirmait qu’elle est improductive. Des résultats notables ont été acquis. Des dizaines, voir même des centaines, de millions d’avoirs terroristes ont été gelés ; des régimes corrompus et autoritaires, qui parrainaient le terrorisme, ont été mis à terre ; et des centaines de terroristes croupissent aujourd’hui dans les prisons. Même si les groupes terroristes, notamment ceux liés à Al Qaïda, se sont restructurés en s’autogérant maintenant, la guerre que le "monde" leur mène les a sérieusement affaiblie et à long terme, il est probable qu’ils n’arriveront plus à s’autogérer et seront totalement étouffés. Ce qu’il faut pour rendre cette guerre beaucoup plus efficace, et en particulier pour les Etats-Unis, c’est d’instaurer la confiance entre les Etats en acceptant par exemple de partager leurs informations ; de prendre en compte les sensibilités politiques, sociales et culturelles des Etats ; et de ménager les intérêts de chacun. Cela est certes difficiles à réaliser mais pas impossible. C’est ainsi seulement qu’on pourra 97 renforcer la coopération internationale pour lutter efficacement contre le terrorisme. Car sans cette coopération, il est impossible, en particulier pour les Etats-Unis, de vaincre cette nouvelle menace. Autrement, les points de vue différeront toujours sur cette guerre et ses implications risquent de mener le monde vers une catastrophe. 98 DEUXIEME PARTIE : DES IMPLICATIONS DE LA GUERRE ANTI-TERRORISTE SUR LES RELATIONS AMERICAINES 99 Chapitre septembre, 4: à Les la réactions guerre au 11 contre le terrorisme et leurs motivations Tous les Etats, à quelques exceptions prés, ont condamné les attaques du 11 septembre. Cependant, ils ont vivement réagi contre les opérations militaires américaines en Afghanistan et en Irak qu’ils trouvent trop unilatéralistes et imprudentes de la part de Washington. C’est la campagne irakienne qui a le plus soulevé les critiques des Etats à l’égard de la politique anti-terroriste de Washington. Les OI et les associations de défense des droits ou des libertés ont elles aussi, à l’instar des Etats, condamné les attaques du 11 septembre. Les OI ont apporté un soutien plus ou moins important (direct ou indirect) aux Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme. Elles ont presque tous adopté de nouvelles mesures ou ont révisé les anciennes pour faire face au terrorisme. Toutefois, elles se sont abstenues de tout soutien aux Américains dans leurs campagnes militaires et en particulier dans la campagne irakienne. Quant aux associations de défense des droits et des libertés, elles ont réagi par rapport aux mesures mises en place pour lutter contre le terrorisme mais aussi par rapport à la manière dont les journalistes ont été traités lors des campagnes militaires en Afghanistan et en Irak. Elles s’inquiètent de la violation des droits de l’Homme, des libertés publiques et de l’atteinte aux libertés de la presse constatées depuis le début de la guerre contre le terrorisme. I. Les réactions des Etats : des réactions à motivations diverses Dès l'annonce des attentats, les dirigeants de la planète (du continent américain jusqu’en Asie en passant par l’Afrique, l’Europe et l’Australie) 100 ont exprimé émotion et solidarité à l’Amérique. Mais, dés l’instant où les Etats-Unis ont décidé de mener des actions militaires en Irak, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les Etats se sont dans leurs grande majorité opposés au projet. Chacun avait ses propres raisons. Ces raisons étaient le plus souvent une volonté d’apaiser les esprits ou de composer avec les terroristes, une défense d’intérêts particuliers, un rejet de l’unilatéralisme américain etc. A. Les réactions aux attaques du 11 septembre et à la guerre anti-terroriste en Europe En Europe, la France et l’Allemagne se sont vivement opposées à l’intervention en Irak. La France fut d’ailleurs le plus farouche opposant à la guerre en Irak. Elle a annihilé toute espoir américain au cautionnement de la guerre par les Nations Unis. La France et l’Allemagne se sont opposées à la guerre non seulement pour défendre des intérêts économiques (France) et respecter des promesses électorales (Allemagne) mais aussi pour faire de l’Europe un interlocuteur privilégié des Américains sur la scène internationale. En quelques sortes, les deux pays voulaient imposer la diplomatie européenne, presque inexistante, sur la scène mondiale. Toutefois, la position de la France et de l’Allemagne ne traduisait pas systématiquement celle de l’UE. Il faut reconnaître que de nombreux pays européens soutenaient les Américains notamment, la Grande Bretagne, l’Espagne, l’Italie, le Danemark et un grand nombre des nouveaux pays de l’Union. 1) La réaction de la France La population française, comme la plupart des populations des autres pays, a été très choquée par les attentats du 11 septembre 2001. Elle a fait 101 preuve d’une très grande compassion à l’égard de l’Amérique meurtrie. Les autorités françaises affirmeront apporter tout leur soutien et leur détermination à aider les Etats-Unis à trouver et punir les auteurs des actes. Le président français Jacques Chirac fut l’un des premiers chefd’Etats à se rendre sur le sol américain pour non seulement constater les dégâts mais aussi pour discuter avec le président Bush de la manière dont il envisageait de mener la riposte aux attentats. Après que les Américains aient identifié les coupables des attentats, qui étaient Ben Laden et Al Qaïda, et envisagé de frapper l’Afghanistan pour débusquer les terroristes, Jacques Chirac affirmait : « La coopération militaire naturellement peut se concevoir, mais dans la mesure où nous nous serions préalablement concertés sur les objectifs et les modalités d'une action ». Nous pouvons comprendre par là que, dés le départ, les Français souhaitaient que la guerre contre le terrorisme se fasse dans le cadre d’une coopération internationale. Ils souhaitaient aussi qu’elle se fasse dans le cadre d’une coopération judiciaire et dans d’autres cadres comme la lutte contre les finances des terroristes et l’échange de renseignements. Et pas seulement par des actions militaires. La France n’était pas catégoriquement contre des actions militaires pour éradiquer cette menace qu’est le terrorisme. Elle a même fournie un soutien assez notable aux forces américano-britanniques lors de la guerre d’Afghanistan en octobre 2001. Elle a aussi activement participé à l’ISAF93. Là où se sont corsées les choses c’est quand Washington a ouvertement manifesté sa volonté de mener une action militaire en Irak pour des raisons déjà évoquées94. La France a manifesté une opposition radicale et n’a ménagé aucun effort pour empêcher une telle action. 93 94 Cf. au Chapitre II ibidem 102 Selon Martin Laberge95, l’opposition de la France contre le projet américain en Irak s’est déroulée en trois phases successives : Premièrement, à la fin de l’été 2002, face aux menaces d’une intervention américaine en Irak, la France utilise la voie diplomatique et l’opinion internationale pour exiger que le règlement de la crise passe par les Nations Unies. Deuxièmement, à l’automne 2002, la France fait pression sur les États-Unis, à l’aide de la résolution 1441, pour que le litige soit encadré par l’ONU et que le Conseil de sécurité détermine le casus belli justifiant une intervention militaire. Troisièmement, devant l’insistance américaine de régler la crise par la force, Paris menace de bloquer le Conseil de sécurité en utilisant son veto. M. Chirac réaffirmera sa détermination de mettre le veto français, au début du mois de mars 2003, pour s'opposer à un projet de résolution déposé par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne donnant jusqu'au 17 mars à Baghdad, pour se conformer pleinement à ses obligations. Le président de la république française affirmait en ces termes : « Quelles que soient les circonstances, la France votera non »96. Pour éviter à avoir utilisé ce veto, ce qui aurait été très mal vu à Washington, les autorités françaises avaient entamé une grande manœuvre diplomatique au sein du Conseil de sécurité. Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, s'était rendu en Angola en Guinée et au Cameroun, certains des membres du Conseil de sécurité indécis à propos du projet de résolution américano-britannico95 Martin LABERGE, « La France et la politique américaine en Irak », POINTS DE MIRE, Vol. 4 no 3, 27 février 2003, p. 1 (Doc. PDF). Disponible à l’adresse : http://www.er.uqam.ca/nobel/cepes 96 Cité dans l’article « La France et la Russie opposeront leur droit de veto », Radio Canada, 10 mars 2003. Vous pouvez voir l’article l’adresse : http://www.radiocanada.ca/url.asp?/nouvelles/special/nouvelles/irak/200303/10/005-ONU--chefsEtat.shtml 103 espagnole. Le basculement de ces trois pays dans le « camp de la paix » ou leur abstention au vote de la résolution permettait à la France de ne pas avoir à utiliser son veto. Les Etats-Unis et la Grande Bretagne courtisaient eux aussi les trois pays africains. La secrétaire d'État britannique pour l'Afrique, Valerie Amos, avait, comme M. de Villepin, entamé une tournée dans les trois pays. Le Cameroun avait de réelles chances de basculer dans le camp de la France. Quant aux deux autres pays rien n’était sûr. La Guinée entretient des relations étroites avec la France, son principal bâilleur de fonds. Mais les États-Unis, qui finançaient à hauteur de 400 000 dollars l'acquisition d'équipements de transmission, apparaissaient comme un allié de plus en plus important pour Conakry97. En 2002, l'assistance américaine à Luanda, essentiellement humanitaire, s'élevée à 128 millions de dollars98. Par conséquent, il n’était pas évident que l’Angola aurait suivi la France au détriment des Etats-Unis. Pour beaucoup de personnes, en s’opposant si ardemment au projet américain, la France entendait sauvegarder sa position privilégiée dans le monde arabe et musulman qui lui assure une part substantielle de son approvisionnement pétrolier mais aussi de ses ventes d’armements. Pour les Français la survie du régime de Bagdad était nécessaire pour préserver leurs intérêts dans ce pays. Alors que pour les Américains la chute du dictateur irakien renfermait un grand intérêt pour leurs approvisionnements en pétrole mais aussi pour leurs entreprises. 97 « Londres et Paris se disputent l'Afrique », Radio Canada, 10 mars 2003. Vous pouvez visualiser l’article à l’adresse internet suivante : http://www.radiocanada.ca/url.asp?/nouvelles/special/nouvelles/irak/200303/10/001-villepinafrique.shtml 98 ibidem 104 Selon Thierry Gadault et Gilles Tanguy du magazine l’Expansion99, depuis la mise en application du programme de l'ONU « Pétrole contre nourriture », en 1996, la France est le premier fournisseur de l'Irak. En 2001, les entreprises françaises assuraient près de 14% de ses importations, pour quelque 660 millions de dollars. En chiffre d’affaire, la France doublait l'Australie, la Chine, l'Italie, le Vietnam et l'Allemagne. Selon les mêmes auteurs100, en décembre 2000, Peugeot avait signé un contrat pour 1 000 modèles 406 et 5 000 modèles 306 avec l’Irak. En outre, depuis 1997, chaque année le constructeur français lui vendait 200 ambulances (en partenariat avec la PME vendéenne Gifa, pour 8 à 10 millions de dollars par an). Renault, via sa filiale agricole, avait signé en 2001 un contrat portant sur 200 tracteurs avec l’Irak. La BNP avait le privilège de gérer les fonds provenant du « Programme pétrole contre nourriture » par lequel transitait, chaque trimestre, environ un milliard de dollars. TotalFinaElf avait prospecté des sites pétroliers en Irak et tenait à coeur à en profiter. En plus des intérêts économiques, l’opinion publique française était défavorable à une participation de leur pays à une intervention militaire en Irak sans l’encadrement de l’ONU. Seuls 19% des Français étaient favorables selon un sondage de l’IFOP publié dans le Journal du dimanche le 12 janvier 2003. On peut voir également à travers l’opposition française, une volonté d’imposer l’Europe comme un interlocuteur privilégié des Américains sur la scène international. En guise d’exemple, Jacques Chirac déclarait 99 Thierry GADAULT et Gilles TANGUY, « L'Irak, terre de contrats français », L’EXPANSION, 26 février 2003. Retrouvez l’article à l’adresse : http://www.lexpansion.com/art/17.303.65831.0.html 100 ibidem 105 en janvier 2003, devant des députés français et allemands et en présence de Gerhard Schröder : « Il est urgent que l'Europe s'impose comme un acteur international. Elle est aujourd'hui un exemple pour tous ceux qui refusent la fatalité de la guerre. Son rêve n'est pas une vaine gloire (...) mais de mettre sa puissance au service de la paix ». En Europe, à côté des pays « pacifistes » comme la France et l’Allemagne, d’autres faisaient campagne sans relâche pour une guerre en Irak. 2) Les réactions dans le reste de l’Europe A l’instar de la France, la totalité des pays Européens ont été sidérés par les attentats du 11 septembre 2001. Ils ont tous proposé leur soutien à Washington pour trouver et punir les auteurs des attentats. Comme la France également, la majeure partie de ces pays a participé à la lutte financières contre les avoirs des terroristes et à la campagne militaire américaine en Afghanistan. Ils ont également arrêté et jugé des centaines de personnes liées directement ou indirectement aux attentats du 11 septembre. Mais quand les Etats-Unis ont décidé de s’en prendre à l’Irak les Européens se sont scindés en deux blocs. D’un côté les pays qui sont contre la guerre et de l’autre ceux qui sont avec Washington. L’Allemagne, à l’instar de la France, était contre. Tandis que la GrandeBretagne, l’Italie, l’Espagne et les nouveaux pays entrant dans l’Union Européenne étaient pour. L’Allemagne et la France, souhaitaient que les inspections de l’ONU en Irak soient prolongées jusqu’à ce qu’on découvre ou non les ADM. Ils n’excluaient pas une action militaire mais si est seulement si l’Irak gênait les inspections ou les refusait. Les deux pays ont mené une concertation étroite et exemplaire pour donner toutes ses chances à la paix. 106 L’attitude de l’Allemagne était dictée par une promesse électorale du SPD de Gerhard Schroeder aux dernières législatives. C’est une simple position de principe. Il faut noter aussi que l’Allemagne, qui rencontrait des difficultés économiques au moment des préparatifs de la campagne en Irak, ne tenait pas à financer cette guerre comme elle l’avait fait lors de la guerre du Golfe. En outre, elle possédait des intérêts en Irak même s’ils n’étaient pas assez importants. La Grande-Bretagne, comme de coutume, était totalement acquise à la cause américaine. Le premier ministre britannique, Anthony Blair, a octroyé au Président Bush un soutient sans faille. Il n’a reculé ni devant la pression de son peuple qui était contre la guerre, ni devant certains membres de son parti et des parlementaires britanniques, ni même devant la démission de l’un de ses ministres de renom Robin Cook. M. Blair a même fabriqué des preuves pour montrer la culpabilité du régime de Baghdad. Il sera, à un moment de la crise qualifié de « Secrétaire d’Etat » des Etats-Unis tellement il menait des actions diplomatiques pour le compte des Etats-Unis dans le but de convaincre le monde de chasser Saddam Hussein du pouvoir. L’Italie et l’Espagne, face à la détermination de l’Allemagne et de la France de se faire les portes paroles de l’Union européenne, avaient décidé de se ranger du côté des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour contrer leur influence. A l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne s’étaient ajoutés le Portugal, le Danemark (également membres de l’Union européenne). Mais de tous ces pays, exception faite à la GrandeBretagne, c’est l’Italie et l’Espagne qui iront le plus loin dans l’affaire irakienne. Vers la fin du mois de janvier 2003, des journaux européens publiaient une lettre d'appui aux États-Unis signée par les dirigeants de huit pays européens. Les cinq que nous venons de citer plus la Hongrie, la Pologne 107 et la République tchèque nouveaux membres de l’Union. Dans la lettre, les huit pays avertissaient que la crédibilité des Nations Unies était en jeu dans cette crise. « Notre force réside dans l'unité », indiquait elle. Elle était vue comme une rebuffade à la France et à l'Allemagne, qui plaidaient sans cesse pour une poursuite des inspections et des discussions dans le cadre de l'ONU pour éviter la guerre. La Hongrie qui avait signé le document, avait fait savoir que les premiers ministres des gouvernements britannique et espagnol en étaient à l'origine. Exaspéré par l’attitude des nouveaux membres, le Président Chirac déclarait le 17 février, pour les remettre à l’ordre et leur signifier que l’Allemagne et la France sont des poids lourds dans l’Union, « [c]es pays ont été à la fois […], pas très bien élevés et un peu inconscients des dangers que comportait un trop rapide alignement sur la position américaine »101. Le soutien des dirigeants de ces Etats au Etats-Unis ne traduisait aucunement la volonté de leurs populations. Dans la presque totalité des pays la majeur partie de la population était contre la guerre. Dans certains, comme l’Espagne et l’Italie, les deux tiers de la population étaient contre. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de ces Etats pour protester contre la perspective d'une guerre en Irak. Selon Radio Canada102, moins d’une semaine avant le déclenchement de la campagne en Irak, plus de 700 000 personnes, auraient manifesté à Milan (Italie) pour protester contre l'adhésion de Berlusconi à la politique guerrière des États-Unis. En Espagne, quelques 500 000 manifestants sont descendus dans les rues de Madrid. En Grande Bretagne, Au Portugal, au Danemark, en Pologne, en Hongrie pour ne citer qu’eux les 101 Cité par Martin LABERGE, op. cit. p. 2 « Les voix de la paix s'élèvent partout dans le monde », Radio Canada, 15 mars 2003. Vous pouvez visualiser l’article à l’adresse internet suivante : www.radiocanada.ca/url.asp?/nouvelles/special/nouvelles/irak/200303/14/008-manif-paixirak.shtml 102 108 populations ont vivement protesté contre le soutien de leurs pays à la guerre. La crise irakienne a une fois de plus démontré que la diplomatie européenne n’existait pas et qu’elle aura beaucoup de mal avec certains des nouveaux membres qui se sentent beaucoup plus proche des EtatsUnis que de l’Allemagne ou de la France. Comme dans la plupart des pays européens, les pays arabes et musulmans ont eux aussi vivement réagi à la guerre en Irak. Il y en a eu qui ont également protesté contre la guerre en Afghanistan. B. Les réactions des pays musulmans au 11 septembre et aux opérations militaires américaines Dans le monde arabe et musulman, la plupart des autorités politiques ont condamné les attentats du 11 septembre. Toutefois, dans certains pays les populations se sont réjouies de ces attentats. Elles l’ont fait non pas parce que les 3 000 victimes n’avaient aucune valeur à leurs yeux mais parce que pour elles l’Amérique venait de récolter ce qu’elle avait semé. Ces populations ont fait de Ben Laden leur nouveau héros. Pour elles, le chef d’Al Qaïda venait de faire ce que leurs dirigeants n’ont jamais osé faire : c’est à dire défier l’Amérique et lui dire « nous en avons a assez ». Comme beaucoup de pays européens, les pays arabes et musulmans ont été contre certaines des opérations militaires américaines menées dans le cadre de la guerre contre le terrorisme notamment la guerre en Irak. Cependant, des pays comme le Pakistan, la Turquie, l’Egypte, la Jordanie et autres, bien qu’officiellement n’étant pas pour les opérations, ont manifesté leur soutien aux Américains. Cette attitude était surtout motivée par les relations qu’ils entretiennent avec Washington et qu’ils comptaient sauvegarder. 109 1) La réaction du Pakistan à la riposte américaine contre les Taliban Le Pakistan, qui a mis au pouvoir les taliban et qui les avait formé dans ses madrassas (écoles coraniques), a subi de très fortes pressions venant des Etats-Unis pour coopérer dans la riposte contre l’Afghanistan. En outre, les Etats-Unis avaient promis aux autorités d’Islamabad de sortir leur économie de la situation où elle se trouvait. Le 22 septembre 2001, les sanctions imposées au pays, suite aux essais nucléaires effectués en 1998, seront levées. Cette levée des sanctions fut un moyen pour les Américains de s'assurer la coopération d’Islamabad. Le président pakistanais qui était un peu réticent à une coopération de son pays au début va finalement céder. La coopération entre Washington et Islamabad concernait : le partage d'informations, l'utilisation des couloirs aériens pakistanais et un support logistique. Les autorités pakistanaises devaient également prendre des mesures et mener des actions contre les intégristes soupçonnés d’être liés à Al Qaïda et qui se trouvaient sur leur territoire. L’une des premières mesures prises fut de mettre en place un fichier informatique, créé en collaboration avec les Américains, pour surveiller enseignants et élèves des madrassas. Le président pakistanais, le général Musharraf, restreindra, début novembre 2001, l'usage des haut-parleurs sur les mosquées ; seuls les appels à la prière étaient autorisés ; les prêches et les discours politico-religieux étaient proscrits. Selon le journal "Dawn", « le pouvoir voulait éviter que les mollahs se servent des minarets pour critiquer son soutien aux Etats-Unis ». Autre revirement : alors que le Pakistan était l’un des rares pays à avoir reconnu le gouvernement des taliban et à lui offrir une représentation diplomatique sur son sol, l’ambassadeur taleb sera renvoyé. 110 Le général Pervez Musharraf, pour éviter d’être évincé du pouvoir par certains de ses proches collaborateurs qui n’appréciaient pas son soutien aux Etats-Unis, procédera discrètement à des changements importants au sein des forces armées du pays. C’est ainsi qu’il nommera le général Mohammad Aziz Khan au poste de président du comité d'état-major des forces armées (CJCSC) et le général Mohammad Yusuf au poste de chef d'état-major adjoint. Ces généraux sont jugés beaucoup plus fidèles au président Musharraf. Il ordonnera également, la mise en résidence surveillée de Fazlur Rahman, le chef du parti Jamiat Ulema-e-Islam (JUI), principal supporter pakistanais de Ben Laden et des Taliban. La réaction au soutien des autorités pakistanaises aux Etats-Unis ne s’était pas fait attendre. Les réactions les plus vives sont venues des partis islamistes. Quand les Américains ont désigné Al Qaïda comme responsable des attaques du 11 septembre, les représentants des partis islamistes avaient fait part de leur opposition à la collaboration de leur pays avec la coalition anti-terroriste et à l'intervention armée des forces américaines et britanniques contre leur voisin afghan. Certains hauts responsables de l’armée et des services secrets, sans trop faire de bruit, n’appréciaient également pas ce soutien. Quand les frappes ont débuté au mois d’octobre 2001, les mouvements islamistes pakistanais, pro-taliban, les ont dénoncé et appelé au djihad. Munawar Hassan, numéro deux du Jamiat, Jamaat-e-Islami, principal parti religieux du pays, avait qualifié les frappes sur Kaboul d’« attaques contre l'Islam » et prédit des conséquences graves pour le président Pervez Musharraf. Ils avaient mobilisé la population qui avait vivement protesté par des manifestations, à Lahore (est) et à Peshawar (ville frontalière avec l'Afghanistan au nord-ouest du pays). Certaines de ces manifestations ont été très violentes. Les villes Islamabad la capitale administrative, Karachi la capitale économique et Quetta avaient elles 111 aussi été les théâtres d'opérations « coup de poing » menées par des groupes de plusieurs centaines de manifestants. 2) La réaction des pays arabes au 11 septembre Comme nous l’avions déjà souligné, la majeure partie des autorités des pays arabes a condamné les attentats du 11 septembre. Même la Libye ennemi juré des Etats-Unis. Ce qui n’était pas le cas de Saddam Hussein. Le raïs irakien s’était félicité des attaques : chose non surprenante quand on connaît ses sentiments à l’égard de Washington. Dans les rues arabes, comme en Palestine, les populations ont manifesté leur joie sans retenue. Les autorités palestiniennes avaient réprimé ces manifestations et M. Arafat, par un geste symbolique et pour exprimer à l’Amérique mais aussi au monde son soutien et sa compassion ainsi que celle de son peuple, fera un don de sang aux blessés des attaques devant des caméras. L’Arabie Saoudite, premier pays exportateur de pétrole au monde et allié des Etats-Unis depuis des décennies, a très vivement condamné les attentats. Chose tout a fait normale si on se réfère aux relations des deux pays mais aussi à l’implication de ressortissants saoudiens dans les attentats que les autorités saoudiennes n’ont certainement jamais souhaité. Cette implication de saoudiens a beaucoup gêné l’Arabie dans la contestation des mesures anti-terroristes américaines qu’elle ne partage pas du tout. Elle a mis un peu de temps avant de protester, mollement, contre les attaques en Afghanistan. Les relations entre les deux amis sont tendues103. Washington accuse Riyad de ne pas coopérer, notamment en ce qui concerne le gèle des avoirs des terroristes et des personnes qui les finances, et Riyad exige de Washington des preuves pour sévir contre les groupes terroristes et les personnes soupçonnés de financer le terrorisme. 103 Cf. au Chapitre VI 112 Le leader libyen Mouammar Kadhafi avait qualifié de « terribles » les attaques et avait, malgré les « différends politiques » qui opposaient son pays aux Etats-Unis, proposé l'aide de Tripoli au peuple américain. A cet égard, il avait déclaré : « Les différends politiques et les conflits avec l'Amérique ne devraient pas constituer un obstacle psychologique à l'envoi d'une aide humanitaire au peuple américain et toutes les personnes en Amérique, qui ont été profondément touchés par ces attaques terribles »104. Il avait ajouté : « Cette vague d'attentats terrifiants ne peut qu'éveiller la conscience humaine et il est de notre devoir humanitaire de nous tenir aux côtés du peuple américain malgré le conflit politique. »105 Le 27 septembre 2001, la Fondation Kadhafi de bienfaisance, présidée par Seif al-Islam, fils du colonel Kadhafi, avait fait un don en espèces d'un montant non précisé aux familles des victimes des attentats du 11 septembre. Le Soudan que Washington qualifiait d’« Etats voyous », comme la Libye, avait lui aussi dénoncé les attaques. Lors d’une visite en Arabie Saoudite, quelques jours après les attentats, le ministre des Affaires étrangères, Moustapha Osman Ismaïl, avait, dans un communiqué, dénoncé les attaques, présenté ses condoléances au gouvernement et au peuple américain et réaffirmé « la volonté du gouvernement soudanais de coopérer entièrement avec les Etats-Unis et la communauté internationale pour combattre toutes les formes de terrorisme et de traduire leurs auteurs devant la justice »106. Le Soudan qui subissaient des sanctions économiques mis en place par les Nations Unies mais aussi par les Etats-Unis, pour avoir soutenu le terrorisme, voulait saisir l’occasion pour réchauffer ses relations avec Washington et montrer à la Communauté internationale sa volonté de 104 Cité par Christophe CHAMPIN « Les Etats «voyous» solidaires de Washington », Radio France (RFI), 13 septembre 2001. Retrouvez l’article sur : http://www.rfi.fr/Fichiers/evenements/10septembre/chronologie_annee.asp#1 105 ibidem 106 ibidem 113 combattre le terrorisme. Objectif atteint. Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité votait la levée des sanctions en vigueur contre le pays pour sa coopération avec les Etats-Unis à la campagne anti-terroriste internationale. Le 19 janvier 2002, suite à une promesse antérieure au 11 septembre d’aider le pays à trouver une solution à la guerre civile qui le divise depuis des années, un accord de cessez-le-feu entre l'armée soudanaise et la branche Nuba du SPLA est conclu sous l'égide des EtatsUnis. En fait la coopération du Soudan à la guerre contre le terrorisme n’est pas la seule explication du changement d’attitude de Washington à l’égard de Khartoum. Les Etats-Unis lorgnent également sur les ressources pétrolières du pays. D’autres pays arabes amis ou partenaire de Washington (ou seulement des pays opportunistes), ont apporté leurs soutiens au Président Bush. Parmi eux l’Egypte, la Jordanie, le Maroc, l’Algérie etc. Toutefois, il faut retenir que ce soutien des pays arabes et même des pays musulmans non arabes, la plupart du temps, ne s’est pas traduit en actes. Les musulmans, loin d’aider les Américains, ont vivement protesté contre la façon dont ils mènent la guerre contre le terrorisme notamment les opérations militaires. 3) Les réactions de certains pays musulmans aux opérations militaires Beaucoup de dirigeants des pays musulmans ont dénoncé la campagne en Afghanistan tout en comprenant la volonté des Américains de riposter aux attaques du 11 septembre. Toutefois, les populations très remontées contre les Américains et se sentant humiliées, avaient manifesté contre les frappes. Pour ce qui est de la campagne irakienne, la presque totalité 114 des dirigeants des pays musulmans était contre. La population plus encore. a) Iran : une réaction neutre Dans l’affaire afghane, l’Iran, autre pays de l'« axe du mal » selon George Bush, qualifiera les taliban de fanatiques religieux et les Américains d’agresseur militaire hégémonistes. Elle n’excluait pas une coopération avec les Etats-Unis mais à la seule condition que celle-ci soit dans le cadre des Nations Unies. Selon le Financial Times l’attitude du gouvernement iranien était avant tout pragmatique : Téhéran, comme Washington, souhaitait le renversement du régime des taliban, contre lequel il a failli entrer en guerre en 1998. En collaborant avec Washington, l’Iran espérait en outre un allègement des sanctions américaines à son encontre, notamment concernant l’exploitation des ressources de la mer Caspienne. Pour ce qui est de l’Irak, l’Iran avait condamné le déclenchement de la guerre lancée par les Américains contre son voisin, la qualifiant d'«injustifiable et illégitime». Malgré cette condamnation, l’Iran penchait incontestablement pour la chute de Saddam Hussein pour un certains nombre de raisons. D’abord parce que Saddam Hussein lui a mené une très longue guerre au cours de laquelle elle a perdu beaucoup d’hommes et beaucoup de temps : Saddam Hussein était un ennemi. Et ensuite parce que le régime irakien réprimait les chiites (majoritaire en Irak), interdisait leurs rites et en même temps leur ôtait toute liberté politique. b) Les autres réactions Suite au déclenchement des opérations en Afghanistan, des milliers de personnes avaient défilé dans les grandes villes en Indonésie (le plus grand pays musulman par sa population) notamment dans la capitale 115 Jakarta. Ces manifestations se sont parfois accompagnées de violentes affrontements entre forces de l'ordre et étudiants islamistes. Elles étaient le plus souvent orchestrées par des groupes islamistes radicaux jugés proches de Ben Laden et d’Al Qaïda. Quand la guerre contre l’Irak a débutait, le gouvernement indonésien s’y était fermement opposé. La population avait de nouveaux réagie par des manifestations en menaçant l’Amérique et en appelant au Djihad (guerre sainte). Les autorités turques ne se sont pas vigoureusement opposées aux frappes contre l’Afghanistan. Là aussi c’est surtout la population qui s’était distinguée en manifestant et en scandant des slogans hostiles aux Etats-Unis. Elle fera la même chose lors de la crise irakienne. Quant aux autorités turques, contrairement à la guerre en Afghanistan, elles adopteront un autre ton. Ankara était contre une intervention unilatéraliste américaine en Irak. Le président turc Ahmet Necdet Sezer avait estimé que le processus de désarmement de l'Irak par les Nations Unies devait se poursuivre. Les Tucs avaient refusé que leur territoire serve à l’offensive terrestre contre leur voisin. Toutefois, le parlement avait voté l'ouverture de l’espace aérien aux avions américains. Ce qui inquiétait les Turcs dans l’affaire irakienne c’est surtout la question kurde. En effet la Turquie, qui compte une importante communauté kurde aspirant à l’indépendance, ne veut pas que les Kurdes d’Irak, avec la chute de Saddam Hussein, s’affirment totalement et donnent des idées ou du soutien aux siens. Dans les pays musulmans de l’Afrique noire les populations ont dans l’ensemble vivement protesté contre les opérations militaires des EtatsUnis. Leurs autorités quant à eux ont soutenu les Etats-Unis sans pour autant approuver à cent pour cent leurs actions. Au Nigeria les populations musulmanes s’en sont prises aux populations chrétiennes : 116 chose très fréquente dans ce pays. La plupart des pays africains ont soutenu Washington pour s’attirer leurs bonnes grâces. En dehors des pays que nous venons de citer d’autres pays comme le Yémen, le Liban, la Syrie, le Bahreïn et autres ont condamné les attaques américaines. Dans l’ensemble, les pays musulmans (arabes ou non arabes) ont dénoncé les opérations en Afghanistan et en Irak. C. Les réactions au 11 septembre et à la guerre antiterroriste dans le reste du monde Nous allons voir la réaction de la Russie et leurs motivations ainsi que les réactions de certains pays comme le Canada, l’Australie, la Chine ou encore Cuba. 1) La réaction de la Russie : « oui à la guerre contre le terrorisme et non à la guerre contre le “partenaire” irakien » Les jours qui ont suivi les attaques du 11 septembre ont vu Washington et Moscou, les deux anciens adversaires de la guerre froide, se retrouver pour déclarer la guerre au terrorisme. Les Russes avaient fermement condamné les attentats et avaient promis de coopérer avec Washington pour éradiquer ce fléau qu’est le terrorisme qui selon eux les touche également. C’était là pour Vladimir Poutine le président russe une occasion de mater la résistance tchétchène qu’il ne considérait rien d’autre qu’un terrorisme. Quand les Américains ont décidé de s’en prendre à l’Afghanistan, les Russes leur ont bien facilité la tâche. En effet la Russie avait permis aux avions de la coalition d’utiliser les bases aériennes des pays d'Asie centrale. L’espace aérien russe fut également ouvert aux vols transportant 117 de l'aide humanitaire, et la Russie s’était dite prête à prendre part, si nécessaire, à des opérations de sauvetage et de recherches internationales. Quand les taliban furent chassés du pouvoir, la Russie fut l’un des premiers pays étrangers à entrer en Afghanistan pour officiellement rapporter de l’aide à la population afghane. Mais on peut voir à travers cette intrusion une volonté de Moscou d’être à nouveau présent en Afghanistan. En ce qui concerne la crise irakienne, le ton était tout autre. La Russie était radicalement opposée à une intervention en Irak car elle avait des intérêts non négligeables dans ce pays. Elle s’était rangée du côté du « camp de la paix » avec la France et l’Allemagne, et avait menacé, à l’instar de la France, d’opposer son veto à une résolution autorisant le recours à la force contre le régime de Saddam Hussein. Quand la guerre sera déclenchée, le président russe Vladimir Poutine avait demandé un « arrêt rapide de l'opération militaire », et trouvé qu'elle était « une grave erreur politique ». L’ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev ira dans le même sans que M. Poutine. Au cours du Troisième Forum mondiale de l'eau qui se tenait au Japon, il avait qualifié cette guerre de « grosse erreur politique » et accusé l'administration américaine de considérer le monde comme sa «propriété». Il avait ajouté : « La guerre va miner la sécurité du monde et discréditer le Conseil de sécurité ». Pour ce qui est des intérêts russes en Irak, il faut savoir que des entreprises russes avait conclu des marchés pétroliers avec le régime de Saddam Hussein. LUKoil, l’une des plus grandes compagnies de pétrole de la Russie, avait signé un contrat de production de pétrole de plusieurs milliards de dollars avec le raïs irakien, lui octroyant un enjeu majeur au Kourna Occidental, un gigantesque champ pétrolifère irakien qui recèle plus de 11 milliards barils de pétrole. Les entreprises russes ne pouvaient pas exploiter le pétrole de l’Irak en raison de l’embargo. Mais, une fois 118 l’embargo levé, elles avaient le droit de profiter des marchés qu’elles avaient conclu. Au delà des marchés pétroliers, que la Russie ne voulait pas perdre, Moscou craignait également que la chute de Saddam Hussein entraîne une hausse de la production du pétrole qui aurait pour conséquence de faire baisser le prix du baril. Ce qui ne l’arrangeait pas du tout. En avril 2002, le Bureau d’Information Energétique du Departement de l’Energie des Etats-Unis notait : « l’exportation de pétrole brut est une des sources de revenus majeure pour la Russie, accordant au gouvernement 25% de tous ses revenus. Une augmentation d’un dollar par baril du Blend Oural apporterait presque 1 milliard de dollars de revenus supplémentaires à la Russie. Inversement, une chute d’un dollar par baril est un sérieux revers pour le budget russe ». 2) Les réactions des autres pays beaucoup plus liées à une volonté d’apaisement Des pays comme le Canada, la Chine, l’Australie, le Japon et autres avaient vivement condamné les attaques du 11 septembre et avaient apporté leurs soutiens aux Etats-Unis. Même Cuba, « Etat voyous » selon Washington, lui avait assuré sa solidarité. Le gouvernement de La Havane avait ainsi fait part de sa « douleur et de sa tristesse » à son adversaire de toujours, allant même jusqu'à proposer une aide « à caractère humanitaire ». Mais là aussi comme partout ailleurs c’est la guerre en Irak qui a posé problème. La Chine n’avait pas fait beaucoup de bruit dans l’affaire irakienne mais s’était dite favorable à un règlement pacifique de la crise et à un rôle plus important des Nations Unies si une action militaire devait être déclenchée. Toutefois, Pékin s'était rangé aux côtés de Paris, Moscou et Berlin. 119 Le Canada, voisin des Etats-Unis, s’était dit contre toute action militaire en Irak. Le ministre canadien de la Défense, M. John McCallum, avait fait savoir qu’à moins de recevoir la preuve que Saddam Hussein envisageait de s’en prendre au monde occidental son pays ne serait pas favorable à une attaque contre l’Irak. Le 15 mars 2003, quelques jours avant le début de l’intervention contre le régime de Saddam Hussein, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans les grandes villes du pays. A Montréal, par exemple, plus de 250 000 personnes avaient défilé ce jour là contre la guerre107. L’Australie a soutenu les deux campagnes militaires en Afghanistan et en Irak et le gouvernement s’est toujours inscrit sur la ligne de conduite des Etats-Unis. La population australienne, contrairement au gouvernement, était contre la guerre et des manifestations ont eu lieu dans les principales villes du pays notamment à Sydney et Melbourne. Selon des sondages, plus de 80% des Japonais étaient opposés à une intervention contre l'Irak. Le gouvernement n'en a pas moins marqué sa solidarité avec Washington. En dehors des protestations qu’il y a eu autour des opérations militaires américaines, certains Etats ont eu à protester contre les conditions de détentions de leurs ressortissants sur le sol américain. Par exemple, en janvier 2002, certains diplomates étrangers en poste aux Etats-Unis avaient fustigé les autorités américaines qui ne respectaient pas, selon eux, les droits fondamentaux de leurs ressortissants incarcérés depuis les attentats du 11 septembre. A l'instar du Consul général du Pakistan à New York, ils avaient rapporté que dans la plupart des cas, ils n’avaient ni l'identité, ni le lieu de détention de leurs ressortissants. On affirmait 107 « Les voix de la paix s'élèvent partout dans le monde », Radio Canada, 15 mars 2003. Vous pouvez visualiser l’article à l’adresse internet suivante : http://www.radiocanada.ca/url.asp?/nouvelles/special/nouvelles/irak/200303/14/008-manif-paixirak.shtml 120 également que les autorités américaines faisaient pression sur les détenus pour qu'ils n'accèdent pas à leurs droits à contacter leurs représentations consulaires ou des avocats. Les associations de défense des droits ou des libertés ont elles aussi dénoncé ces abus. II. L’inquiétude des associations de défense des droits et des libertés face aux nouvelles normes anti-terroristes Les associations comme Amnesty internationale et entre autres Reporters sans frontières ont à plusieurs reprises affirmées avoir constaté des violations des droits et des libertés des personnes depuis le 11 septembre un peu partout dans le monde. Des lois préventives et restrictives ont vu le jour. Les pouvoirs policiers ont été étendus, les arrestations préventives se sont multipliées, des processus sécuritaires sont mis en place. Une législation de guerre s’est développée. Les étrangers sont suspectés de tous les maux et expulsé ou sous surveillance. Les libertés et la vie privée (écoutes, surveillance) des citoyens sont menacées. L'Etat de droit est méprisé. La conservation des secrets d'Etat est arbitrairement étendue. Les libertés s’érodent. Les violations des règles de la défense et de la présomption d'innocence sont violées. Des journalistes sont tués ou enlevés. L’information censurés, etc. A. Une inquiétude justifiée Aux Etats-Unis, dans les premiers jours qui ont suivi les attaques, des centaines de personnes ont été interpellées et détenues. La plupart sont restées sans jugement pendant longtemps. Dans la majeure partie des cas, les prévenus (essentiellement interpellés pour infractions à la législation sur les visas) n’ont pas pu rencontrer un avocat ou contacter leurs familles. La communauté arabe et musulmane était la principale visée. Cette communauté, dans les premiers mois qui ont suivi le 11 septembre, a vécu de durs moments. Ses ressortissants ont été victimes de meurtres, 121 d’agressions physiques, de pressions morales, de licenciements abusifs, etc. Le 13 novembre 2001, le ministère de la Justice avait demandé, aux services de sécurité américaines d’interroger cinq mille personnes de cette communauté, tous d’origine moyen-orientale, entrées régulièrement aux Etats-Unis avec un visa de touriste. Le but de cette opération était d’identifier d’éventuels complices des auteurs des attentats du 11 septembre ou des « agents dormants » du réseau Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden. Cet interrogatoire "géant" a contribué à mettre à l’index et à marginaliser des étrangers moyen-orientaux, arabes ou musulmans et à faire naître chez eux un sentiment de suspicion et d’injustice. A cela, s’ajoutent ; le vote de la loi USA PATRIOT Act ; l’autorisation de l'Attorney général, John Ashcroft, (le 31 2001) de mettre sur écoute les conversations téléphoniques entre les suspects incarcérés dans le cadre de l’enquête sur les attentats et leurs avocats ; la mise en place de tribunaux militaires d’exception pour juger des terroristes présumés et dans une moindre mesure la création du ministère de sécurité intérieure. Les conditions de détention des 600 prisonniers suspects sur la base de Guantanamo sont elles aussi décriées. Pour ce qui est du DHS l’opposition n’était pas très grande car sa création était motivée par la protection du territoire américain. Toutefois, certaines associations de défenses des libertés publiques aux Etats-Unis avaient manifesté leurs inquiétudes de voir ce ministre interférer dans la vie privée des citoyens ou encore restreindre leurs libertés. L'American Civil Liberties Union (ACLU) avait demandé aux législateurs d’exiger un mécanisme de surveillance des activités du ministère. Laura Murphy, directrice du bureau de Washington de l'ACLU, avait déclaré par voie de communiqué : « Si ce nouveau ministère renforce les pouvoirs du gouvernement, le Congrès doit également s'assurer qu'il existe des 122 mécanismes appropriés pour éviter les abus. De tels mécanismes, comme la nomination d'un inspecteur général, sont cruciaux étant donnée l'ampleur des pouvoirs accordés au nom de la sécurité intérieure, des pouvoirs qui toucheront à tous les recoins de nos vies et libertés. » En résumé, aux Etats-Unis, ce qui inquiète le plus les associations militant pour la défense des droits de l’Homme et des libertés (comme l’Union américaine des libertés civiques [ACLU], la Commission des droits de l’homme des Etats-Unis, Human Rights Watch, le Centre pour la démocratie et la technologie et l’Association nationale des Arabes américains)108 c’est : la définition juridique du terrorisme, si vaste qu’elle pourrait donner lieu à des mesures répressives arbitraires et discriminatoires ; le traitement réservé aux personnes incarcérées sur le territoire américain à des fins d’enquête, et plus spécialement aux détenus arabes et musulmans, qui sont soumis à des gardes à vue et à des interrogatoires dont la durée a été dénoncée, sans parler de leurs difficultés à s’entretenir avec un avocat ; la révision des procédures d’immigration et d’expulsion, qui autorise la détention sans procès, pour une période indéterminée, d’immigrés et autres ressortissants étrangers si le ministre de la Justice " est raisonnablement fondé " à les soupçonner de mener des activités terroristes ou d’aider à la commission d’actes de terrorisme, suivant l’acception lato sensu du terme ; l’absence de lignes directrices quant à la durée autorisée de conservation de données à caractère personnel et la possibilité pour les autorités fédérales d’accéder à des renseignements financiers d’ordre privé sans contrôle adéquat de l’usage qui en 108 Rapport parlementaire de l’OTAN, « La lutte contre le terrorisme : résultats et questions », paragraphe 63. 123 est fait ni obligation d’informer les particuliers concernés de la surveillance exercée sur leurs transactions ; enfin les limitations fixées aux procédures de révision judiciaire et de supervision judiciaire. En dehors des Etats-Unis, plusieurs pays à travers le monde ont adopté des mesures très controversées dont certains ont servi à faire passer des mesures impopulaires qui ne seraient jamais passées avant le 11 septembre et qui, dans la plupart des cas, n’ont rien à avoir avec la guerre contre le terrorisme. En Europe, si nous reprenons Volker Kröning109, la législation anti-terroriste française a prévu la possibilité d’incarcérer et d’interroger pendant quatre jours, en l’absence de tout avocat, les personnes soupçonnées d’aider des réseaux terroristes sur le territoire et à l’étranger et, en cas d’inculpation, de les maintenir en détention préventive pendant une période pouvant aller jusqu’à quatre ans. En Italie, la période de détention préventive a été portée de 18 à 24 mois. Le code pénal espagnol autorise désormais la détention d’auteurs présumés d’actes terroristes pendant trois jours, délai susceptible d’être prolongé de 48 heures par ordonnance judiciaire. En plus, les forces de l’ordre ont l’autorisation de leur bander les yeux, les coiffer d’une cagoule et les garder au secret sans leur laisser le choix d’un avocat. Au Royaume-Uni, la nouvelle loi sur le terrorisme (l’Anti-Terrorism Act 2001) permet l’internement sans procès des personnes dont le ministre de l’Intérieur juge qu’elles sont une menace pour la sécurité nationale. D’autres pays, si l’on en croit à certaines ONG, ont profité de leur soutien aux Etats-Unis pour détourner l’attention de la situation des droits de l’homme chez eux et de la répression qu’ils exercent sur les opposants politiques. 109 Rapport parlementaire de l’OTAN, « La lutte contre le terrorisme : résultats et questions », paragraphe 28. 124 La liberté de la presse, elle aussi, n’a pas été ménagée par les mesures anti-terroristes. Les associations militant pour la défense de la liberté de la presse à l’instar de Reporters sans frontières et du collectif FEN110 ont vivement protesté contre ces mesures et dénoncé les conditions dans lesquelles les journalistes travaillent depuis le 11 septembre. B. Une liberté de la presse mal éprouvée par la guerre antiterroriste A la suite des attentats, les autorités américaines ont mis en place (ou ont voulu le faire) un certains nombre de mesures pour contrôler l’accès de l’information, relevant de la guerre contre le terrorisme, aux médias. Au mois octobre 2001, le président des Etats-Unis avait interdit que des documents confidentielles de la Maison Blanche soient transmis aux élus du Congrès (ce qui est d’usage), par crainte de "fuites" dans la presse. Cette décision était motivée par une fuite d’information venant de parlementaires et publiée dans le Washington Post. Mais face à une vive réaction des élus, la décision restera sans suite. Egalement, les autorités américaines avaient demandé aux grands médias du pays de ne pas diffuser les messages de Ben Laden au motif que ces messages pouvait être des codes envoyés par le chef d’Al Qaïda à ces agents dormants sur le sol américain. D’après certaines sources, le Pentagone avait mis en place un bureau d’influence (Office de l'Information Stratégique) dont le but était vraisemblablement de faire de la propagande et de désinformer les médias étrangers. Mais face aux protestations, la Maison Blanche affirmera que le Président Bush n’était pas mis au courant de l’existence de ce bureau et demandera sa fermeture. Lors des campagnes militaires, notamment en Irak, le Pentagone avait imposé des contrôles très stricts à l’accès des images de guerre aux journalistes. Il avait même choisis ses propres journalistes pour couvrir les opérations militaires. 110 Le Free Expresion Network est un collectif qui regroupe une douzaine d'organisations non gouvernementales anglo-saxonnes dont les mandats concernent la liberté d'expression, la cyberliberté et la liberté de la presse. 125 Selon un rapport du FEN, des journalistes ont été licenciés aux EtatsUnis pour avoir osé critiquer le président Bush ou la politique antiterroriste de son gouvernement. En guise d’exemple, le rapport cite, deux journalistes, Tom Gutting (reporter au Texas City Sun) et Dan Guthrie (éditorialiste au Grant's Pass Dial dans l’Oregon). Ces deux ont été licenciés, quelques jours après les attaques du 11 septembre, par leurs employeurs pour avoir, dans leurs articles, reproché à George W. Bush d’être rentré à la Maison Blanche un peu tard après les attentats. Le 3 mai 2002, à l’occasion de la 12e Journée internationale de la liberté de la presse, Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, affirmait que « depuis les attentats du 11 septembre. Au nom de la lutte contre le terrorisme, de nombreux régimes s'en prennent, sans aucune retenue, aux journalistes qui osent les contester en les accusant de faire le jeu des poseurs de bombes. » L’UNESCO ira dans le même sens que M. Ménard. Pour l'organisation onusienne la campagne antiterroriste a facilité la répression de la liberté de la presse et a permis à certains dirigeants d’adopter des mesures restrictives contre la presse qui étaient « depuis longtemps dans les cartons. » Les associations de défense de la liberté de la presse ont dénoncé aussi l’installation de logiciels d’espionnage chez des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). D’après Loïc Coriou et Régis Bourgeat111 quelques heures après les attentats du 11 septembre des agents du FBI se sont présentés dans les locaux des FAI comme AOL, Earthlink et Hotmail pour installer sur leurs serveurs ce genre de logiciels. Le but était de trouver d'éventuels indices laissés sur le réseau par les auteurs des attentats. Cette pratique sera officialisée avec l’adoption de la loi USA PATRIOT Act par la Chambre des représentants. Désormais, ces logiciels peuvent légalement être branchés sur les réseaux des FAI. Selon les défenseurs de 111 Loïc CORIOU et Régis BOURGEAT, « La liberté de la presse à l'épreuve de la politique anti-terroriste de l'administration Bush », 23 mai 2002. Retrouvez l’article sur : http://www.enduring-freedoms.org/article.php3?id_article=314 126 la liberté de la presse, cela remet en cause la confidentialité de l'information sur le Net. Ils craignent que les agents fédéraux abusent de l’opportunité que leur offrent ces logiciels pour espionner qui bon leur semble ou le faire sans mandat. Les logiciels que l’on évoque le plus souvent sont : le logiciel "Lanterne magique" ("Magic Lantern") et le logiciel Carnivore. Le logiciel "Lanterne magique" appartient à la catégorie des "keyloggers". Installé sur un micro-ordinateur, le keylogger surveille et garde en mémoire les touches frappées au clavier par l'utilisateur. Lorsque quelqu'un crypte ses communications avec un logiciel trop difficile à casser, il est beaucoup plus simple de découvrir son mot de passe ou bien le contenu de ses messages en récupérant les données du keylogger. Quand on a évoqué l’existence de ce logiciel dans la presse, le FBI avait nié le posséder tout en reconnaissant travailler sur sa conception. Carnivore est un logiciel d’espionnage installé sur une machine reliée dans les locaux d'un FAI. Il est capable de filtrer les paquets de données qui transitent entre l'utilisateur et le FAI et de reconstituer les messages échangés : courriers électroniques mais aussi pages Web visitées, et conversations en directes (chats). Avant lui il y a eu Etherpeek puis Omnivore (1997) qui scannait 6 Go de données par heure. Carnivore serait moins rapide (quelques millions d'e-mails par seconde quand même !) mais est capable de reconstituer les pages Web et les cessions de discussion en ligne (les chats). Son coût de développement est estimé à 6,8 millions de francs. La façon dont les journalistes ont été traités et l’information censurée, lors des campagnes militaires en Afghanistan et en Irak, a aussi été dénoncée. D’après, Loïc Coriou et Régis Bourgeat, en Afghanistan, des « journalistes et collaborateurs des médias ont été frappés ou menacés 127 d'exécution par des soldats américains ou leurs alliés afghans »112. Toujours selon la même source, le 10 avril 2002, un traducteur et assistant du quotidien américain Boston Globe a été violemment frappé, en présence des forces spéciales américaines, par des combattants des FAN. La façon dont la chaîne de télévision Al-Jazira basée au Qatar a été traitée par les Etats-Unis, en Afghanistan mais également en Irak, a elle aussi été condamnée par les défenseurs de la liberté de la presse. Les Etats-Unis accuse la chaîne de faire passer les messages de Ben Laden et d’« encourager des sentiments anti-américains » au Moyen-Orient. Les locaux de la chaîne ont été pilonnés à Kaboul par l’aviation américaine lors de la guerre d’Afghanistan. Les Américains avaient affirmé qu’ils les soupçonnaient d'abriter des éléments d'Al-Qaida, par conséquent ils étaient une cible militaire. Un journaliste de la chaîne serait prisonnier à la base de Guantanamo et un autre aurait été tué lors de la guerre en Irak par l’armée américaine. III. Les réactions des OI aux attaques du 11 septembre et à la guerre anti-terroriste A la suite des attaques du 11 septembre, l’une des premières choses que les OI (l’ONU et l’OTAN) ont fait, après avoir condamné les attaques, a été d’adopter de nouvelles mesures anti-terroristes ou de réviser les anciennes. Certains des membres de l’OTAN avaient souhaité une transformation de l’organisation pour qu’elle puisse faire face aux nouvelles menaces à l’instar du terrorisme. Comme nous l’avons déjà indiqué, il est à retenir que, l’ONU et l’OTAN se sont gardées de fournir tout soutien aux Etats-Unis dans la guerre en Irak. Cependant, elles leur ont apporté un soutien assez important (non pas dans les opérations militaire) lors de la campagne en Afghanistan. 112 ibidem 128 A. Les nouvelles mesures mises en place par l’ONU et ses organismes et sa réaction à la crise irakienne L’ONU avec douze conventions113 en vigueur sur le terrorisme international, est la seule entité d’envergure mondiale à préconiser une coopération à l’échelle planétaire dans la guerre contre le terrorisme. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations Unies a considéré d'emblée, dans ses Résolutions 1368 et 1373 adoptées les 12 et 28 septembre, les attentats comme une menace contre la paix et la sécurité internationales et il a réaffirmé à cet égard le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, conformément à la Charte des Nations Unies avant même qu'il y ait des preuves tangibles que ces actes émanaient de l'étranger. Il avait promis de prendre toutes les mesures requises pour riposter à ces attaques. Contrairement à ce que d’aucuns ont affirmé, selon Volker Kröning114, les résolutions 1368 et 1373 n’ont pas autorisé les Etats-Unis à recourir à la force armée de la même façon que la résolution 678 de 1990 l’avait fait lors de la crise du Golfe. D’après lui, l’administration Bush s’est appuyée sur le droit naturel de légitime défense inscrit à l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui n’est subordonné à aucune autorisation préalable du Conseil de sécurité. Après l’adoption de ces résolutions, le Conseil de sécurité va adopter d’autres comme la résolution 1377 le 12 novembre 2001, la résolution 1390 le 16 janvier 2002115 etc. Outre le Conseil de Sécurité (CS), divers organismes des Nations Unies ont réagi aux attaques en adoptant de nouvelles mesures ou en émettant la volonté de le faire. On peut 113 Jusqu’en novembre 2002, seuls 24 Etats avaient ratifié les 12 conventions sur le terrorisme. Ces Etats sont: Autriche, Bolivie, Botswana, Bulgarie, Canada, Chili, Cuba, Danemark, Finlande, Grenade, Islande, Japon, Mali, Pays-Bas, Norvège, Panama, Pérou, Slovaquie, Espagne, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Etats-Unis et Ouzbékistan. 114 Rapport parlementaire de l’OTAN, « La lutte contre le terrorisme : résultats et questions », paragraphe 9 115 Cf. au Chapitre II 129 citer parmi eux : le Comité spécial créé par la résolution 51/210 de l’Assemblée générale du 17 décembre 1996, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’Organisation maritime internationale (OMI), l’Union postale universelle (UPU), L’Organisation mondiale de la santé (OMS), et le Conseil économique et social des Nations Unies. 1) Quelques mesures anti-terroristes adoptées par des organismes de l’ONU en réaction au 11 septembre Le Comité spécial créé par la résolution 51/210 de l’Assemblée générale du 17 décembre 1996 a réagi aux événements du 11 septembre dans les limites de son mandat d’harmonisation de la guerre contre le terrorisme par des moyens juridiques. Il a adopté deux traités, l’un portant sur les attentats terroristes à l’explosif et l’autre sur la répression du financement du terrorisme. L’AIEA a pris des mesures pour élargir son examen des installations nucléaires dans les États membres, pour cerner les améliorations de la sécurité nécessaires et pour organiser les contributions financières permettant de mettre en oeuvre ces mesures. L’AIEA a proposé la création d’un mécanisme international de réaction aux menaces nucléaires venant d’acteurs non étatiques et aux attaques contre les installations nucléaires. L’OACI avait annoncé son intention d’intensifier la mise en oeuvre et l’exécution des conventions relatives à la sécurité aérienne, de renforcer les mesures visant à contrer les menaces à la sécurité dans des États donnés et de mettre l’accent sur les besoins des pays en développement. L’OMI a élaboré 12 propositions en vue d’améliorer la sécurité maritime. Ces propositions visent l’identification automatique obligatoire 130 sur tous les navires de plus de 500 tonnes, des lignes directrices sur l’évaluation de la vulnérabilité des ports, une pièce d’identité des gens de mer dont le besoin est urgent, une nouvelle coopération douanière et de nouvelles alarmes anti-terroristes à bord des navires. L’UPU a offert des avis et une formation afin d’éliminer la transmission de matières dangereuses par la poste. Elle a organisé de nombreux séminaires comme celui sur le bioterrorisme organisé avec le Groupe d’action pour la sécurité postale (GASP) en avril 2002. Ce séminaire avait mis l’accent sur les événements bioterroristes survenus aux ÉtatsUnis en octobre 2001. Lors de ce séminaire, des conférenciers de l’US Postal Service (USPS) avaient présenté un aperçu de l’usage du bioterrorisme par l’intermédiaire des envois postaux. Ils avaient également décrit la façon dont ils ont traité la crise, ce qu’ils avaient appris des événements et ce qu’il fallait maintenant pour protéger leurs clients, leurs employés et le public contre les risques chimiques et biologiques. L’OMS a dégagé, à l’intention des responsables de la santé publique, trois enseignements de la crise de l’anthrax d’octobre 2001 : réaction rapide du système de santé au soupçon d’infections délibérées, vigilance de tous les instants et information de la population. Le Conseil économique et social des Nations Unies a voté deux résolutions qui mettent l’accent sur le terrorisme et les droits de la personne. La première résolution, datant du 16 avril 2002, condamne les actes terroristes « en tant qu’actes qui visent l’anéantissement des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la démocratie » et appelle à une action multilatérale vigoureuse « en conformité avec les obligations internationales applicables, aux termes des instruments relatifs aux droits de l’homme et du droit humanitaire international. »116 La 116 E/CN.4/2002/L.50/Rev. 1, le 16 avril 2002. 131 deuxième résolution, demande que le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme fournisse des orientations sur la protection des droits et des libertés dans le contexte de la guerre contre le terrorisme en aidant et en conseillant les États et l’ONU, en soumettant des recommandations à propos d’éléments précis du droit international relativement à des mesures qui sont proposées, en analysant les répercussions des mesures anti-terroristes et en puisant dans les enseignements tirés des interventions, des recommandations et des décisions antérieures, ainsi que de l’expérience. Dans l’ensemble, les Nations Unies ont bien réagi aux attaques du 11 septembre. Elles ont adopté de nouvelles mesures et amélioré les anciennes. Contrairement à avant, depuis le 11 septembres beaucoup de pays adoptent ces mesures par crainte d’être taxés de mauvaise foi pour. Toutefois, l’adoption de ces mesures par les Etats, ne signifie pas qu’elles sont respectées comme il le faut. 2) L’ONU et la crise irakienne Pour ce qui est des campagnes militaires en Afghanistan et en Irak, l’ONU a eu des réactions différentes. La campagne en Afghanistan, sans vouloir dire qu’elle a été autorisée par l’ONU, était acceptée par l’Organisation. Après la chute des Taliban, les Nations Unies ont envoyé en Afghanistan l’ISAF117. Pour ce qui est de l’Irak, les Nations Unies avaient refusé de cautionner une intervention militaire comme les Etats-Unis le souhaitaient. Quand les Américains ont estimé qu’il fallait attaquer l’Irak, les Nations Unies avaient proposé d’envoyer des inspecteurs vérifier si elle possédait des ADM avant toute action militaire. Le 08 novembre 2002 le Conseil de sécurité adoptait la résolution 1441. Par cette résolution, il ordonnait à 117 Cf. au Chapitre II 132 Bagdad de se soumettre aux inspections et de détruire tous ses programmes d’armes de destruction massive sous peine d’un recours à la force. Cette résolution n’était pas ce que les Américains souhaitaient mais ils s’en sont contentés le temps de se déployer dans le Golfe et de trouver une faille pour attaquer l’Irak. Le suédois, Hans Blix, était le chef des inspecteurs. L’AIEA était également présente avec son directeur Mohamed El Baradei. Après plus deux mois d’inspections, Hans Blix déclarait au siège des Nations Unies « Si vous demandez s'ils coopèrent activement, je répondrais non, ils ne sont pas encore arrivés à ce stade. Si nous avons une coopération active, s'ils font véritablement un effort, nous ne devrions pas avoir besoin de beaucoup de temps. Si nous n'avons pas ce type de coopération, cela (le processus d'inspection) peut s'éterniser »118. Toutefois, il avait précisé que « des progrès ont été faits (...) »119 et qu’il leur fallait encore un peu de temps. Ce temps, les Américains ne le leur laisseront pas. Au mois de mars (2003) les Etats-Unis agiront unilatéralement pour désarmer l’Irak et couper ses liens avec le terrorisme. Mais auparavant, ils avaient tout fait pour que l’ONU cautionne l’intervention. Et sans l’opposition de la France, de la Russie et de l’Allemagne, ils auraient certainement réussi. B. La réaction de l’OTAN et sa transformation face aux nouvelles menaces comme le terrorisme international A la suite des attentats du 11 septembre 2001, l’OTAN a pris un certain nombre de décisions pour soit soutenir ou soit exprimer sa solidarité avec les Etats-Unis. C’est ainsi qu’elle avait activé l’article 5 du Traité. Certains Etats-membres, notamment les Etats-Unis, avaient jugé 118 « Les positions semblent inconciliables », Radio Canada, 30 janvier 2003. Voir : http://www.radio-canada.ca/url.asp?/nouvelles/Index/nouvelles/200301/22/006irak-mercredi.shtml 119 ibidem 133 nécessaire de transformer l’organisation pour lui permettre de faire face au terrorisme mais également à la prolifération des ADM et autres. Cette probabilité devait être discutée au sommet de l’OTAN à Prague. 1) La réaction de l’OTAN aux attaques du 11 septembre Le Conseil de l'Atlantique nord a commencé par adopter une position assez prudente en convenant, le 12 septembre, que, s'il était prouvé que les attaques du 11 septembre contre les Etats-Unis avaient été commanditées de l'étranger, elles devaient être considérées comme relevant de l'article 5 du Traité de Washington, qui stipule qu'une attaque armée contre l'un ou plusieurs des alliés survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre eux tous. En octobre 2001, pour la première fois dans l'histoire, l’article 5 du traité de Washington sera activé. Dans le même mois d’octobre 2001, après que les Etats-Unis aient demandé à leurs Alliés de l’OTAN de prendre des mesures spécifiques pour appuyer leur campagne militaire en Afghanistan, les Alliés ont décidé120 : d’intensifier leur coopération dans le domaine du renseignement (collecte et partage) sur le plan bilatéral comme à l’intérieur de l’Alliance ; d’accorder - en tenant dûment compte des dispositions requises pour le trafic aérien et des procédures nationales - des autorisations générales de survol pour les appareils des Etats-Unis et de l’OTAN mis en œuvre dans des opérations anti-terroristes ; 120 Rapport parlementaire de l’OTAN, « La lutte contre le terrorisme : résultats et questions », paragraphe 13 134 d’aider les membres de l’Alliance (et des pays extérieurs) qui risquaient d’être exposés à des menaces accrues en raison de leur soutien à la campagne contre le terrorisme ; de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité des installations américaines en Europe ; de remplacer, dans la zone de l’OTAN, les moyens alliés susceptibles d’être nécessaires ailleurs, toujours dans le contexte de la campagne contre le terrorisme ; et de permettre aux Américains et aux autres Alliés engagés dans les opérations anti-terroristes d’accéder aux ports et aéroports situés sur leurs territoires respectifs, notamment à des fins de ravitaillement en carburant, dans le respect des procédures nationales en la matière. L’OTAN en tant que telle n'a pas participé directement aux opérations militaires contre le régime des Taliban. Toutefois, certains de ses membres, à titre individuel, ont apporté un soutien non négligeable aux Américains dans leurs opérations. Retenez que l’ISAF est sous commandement de l’OTAN. 2) La transformation de l’OTAN à la suite du 11 septembre Depuis les attaques du 11 septembre, beaucoup de gens pensent que l’OTAN doit transformer ses institutions et ses capacités pour faire face à cette nouvelle menace qu’est le terrorisme. En septembre 2002 à Varsovie, au cours d’une réunion des ministres de la défense de l’OTAN, Donald Rumsfeld avait proposé la création d’une « force de riposte » au sein de l’organisation. Le délai de déploiement de cette force devrait se situer entre 5 et 30 jours. Elle devrait atteindre sa « capacité opérationnelle initiale » au plus tard au mois octobre de cette année, et devrait être opérationnelle à cent pour cent avant 2006. Selon un rapport 135 parlementaire de l’OTAN, la force de riposte proposée par le Secrétaire à la Défense américain « interviendrait au titre de Groupe de forces interarmées multinationales (GFIM) de l’OTAN, sous le commandement du chef d’état-major des GFIM. Elle pourrait se composer d’un maximum de 21 000 hommes, avec une force terrestre de la taille d’une brigade, des moyens aériens capables d’effectuer jusqu’à 200 sorties de combat par jour, et des forces navales dont la taille pourrait égaler celle des forces navales permanentes de l’OTAN (qui peuvent comprendre de 8 à 15 frégates et destroyers). »121 Sa mission serait entre autres d’« intervenir notamment dans des opérations de réponse aux crises (par exemple, l’évacuation des civils), pour prévenir les agressions en jouant le rôle d’un groupement de forces « proactif » appelé à accepter des renforts, ou comme force d’entrée initiale dans le cadre d’opérations de grande envergure comme celles de l’OTAN au Kosovo (elle assurerait alors la sécurité des ports et des voies de communication, et préparerait le théâtre des opérations). »122 La mise en place de cette force de riposte inquiétait certains membres de l’OTAN pour deux raisons. La première est le risque de la voir concurrencer la « Force de réaction rapide européenne ». La seconde est la crainte de la voir « transformait l’Alliance en une organisation aux responsabilités planétaires ». Les membres s’étaient donnés rendez vous au Sommet de Prague pour examiner cette proposition du Secrétaire d’Etat américain Donald Rumsfeld. Lors de la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord tenue à Prague le 21 novembre 2002, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté un ensemble de mesure pour permettre à l’OTAN de relever les défis pour la 121 122 Rapport parlementaire de l’OTAN, «La guerre contre le terrorisme», paragraphe 59. ibidem 136 sécurité des forces, des populations et des territoires des pays membres. Il a été décidé123 : de créer une force de réaction rapide de 20.000 hommes (utilisant des technologies de pointe, facilement déployable, apte à soutenir des opérations prolongées) comportant des éléments terrestres, maritimes et aériens prêts à se transporter partout où il le faudra ; de rationaliser les arrangements de commandement militaire de l'Alliance. La nouvelle structure consolidera le lien transatlantique, entraînera une réduction sensible du nombre de quartiers généraux et de centres d'opérations aériennes. Il y aura deux commandements stratégiques. Le commandement stratégique "opérations", basé en Belgique, appuyé par deux commandements interarmées en mesure de constituer des groupes de force interarmées multinationales (GFIM) terrestres et maritimes. Le commandement stratégique "transformation" sera basé aux Etats-Unis avec une antenne en Europe ; d’approuver l'Engagement Capacitaire de Prague (PCC) afin d'améliorer les capacités existantes et en développer de nouvelles pour une guerre moderne dans un environnement caractérisé par un haut niveau de menace. Améliorer les capacités dans 8 domaines : défense contre les menaces chimique – biologique – radiologique, surveillance terrestre aéroportée, renseignements, communication protégée, munitions guidées, transport aérien et maritime stratégique, ravitaillement en vol, défense antiaérienne et brouillage électronique ; d’entériner le concept militaire agréé de défense contre le terrorisme ; 123 Ces informations sont extraites à l’adresse : http://www.robertschuman.org/synth69.htm. Vous pouvez vous référer également à la Déclaration du Sommet de l’OTAN à Prague. Retrouvez cette déclaration à l’adresse : http://www.defense.gouv.fr/dga/fr/pdef/declaration_sommet_prague.pdf 137 de souscrire à la mise en œuvre d'initiatives de défense contre les armes nucléaires, biologiques et chimiques (NBC) ; de renforcer les capacités de défense contre les cyberattaques ; et d’engager une étude de faisabilité sur la défense antimissile de l'OTAN. Outre ces mesures, les chefs d'Etat et de gouvernement, dans la Déclaration du sommet, s’étaient engagés à appuyer « pleinement la mise en application » de la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations Unies et avaient appelé l'Irak à se conformer « intégralement et immédiatement » à cette résolution. Ils avaient aussi promis de prendre « des mesures efficaces pour aider et soutenir les Nations Unies dans leurs efforts visant à faire en sorte que l'Irak respecte intégralement et immédiatement, sans conditions ni restrictions, la résolution 1441 »124. En dehors de l’ONU et de l’OTAN, d’autres OI ont réagi aux attaques du 11 septembre en adoptant un certains nombre de mesures pour protéger les populations de leurs Etats membres ou pour soutenir la lutte antiterroriste américaine. C’est le cas de l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) etc. Dans l’ensemble, les attaques du 11 septembre ont été condamnées par tout les acteurs de la scène internationale. Cependant la manière dont les Etats-Unis mènent la guerre contre le terrorisme n’est pas du goût de tout le monde. Ceux qui ont accepté de les suivre comme ce qui ne l’acceptent pas ont vu leurs relations avec Washington se transformaient (positivement ou négativement) ou leurs différents éclater au grand jour. 124 Cf. à la Déclaration du sommet de l’OTAN à Prague du 21 novembre 2002. 138 Chapitre 5 : Les implications de la guerre anti-terroriste sur les relations Etats-Unis/Europe et Etats-Unis/Russie La guerre contre le terrorisme a incontestablement eu un impact négatif sur les relations transatlantiques. Européens et Américains voient de plus en plus le fossé se creuser entre eux. Ils ont des points de vue très opposés dans la façon de lutter contre le terrorisme. Les Américains parlent de “guerre” et prônent l’usage de la force, à l’instar des autres moyens, pour écraser le terrorisme international. Les Européens parlent de “lutte” et n’intègrent l’usage de la force dans cette “lutte” qu’en dernier recours. Mais de tout ceci, c’est l’affaire irakienne qui a mis la poudre au feu sur les relations transatlantiques. Contrairement aux relations transatlantiques, la guerre anti-terroriste a eu des effets positifs sur les relations américano-russes ; même si la Russie s’est vivement opposée à la guerre en Irak. Moscou compte, avec la “bénédiction” de Washington, mater la rébellion tchétchène, nouer un partenariat stratégique et trouver une solution au problème des gorges de Pankisi en Georgie. I. Les implications de la guerre anti-terroriste sur les relations transatlantiques « Samuel Huntington avait raison de prophétiser un choc des civilisations dans le courant du XXIe siècle. Il s’est juste trompé de casting. Le choc, dont les prémices commencent à se faire jour, loin de ressembler à un affrontement généralisé entre l’Orient et l’Occident, est en réalité en train de prendre la forme d’un profond divorce au sein même du bloc occidental. Un divorce entre l’Europe et les Etats- 139 Unis »125. Actuellement, les relations transatlantiques vacillent tellement que l’on se demande si elles ne vont pas se « crasher ». Les disputent entre l’Europe et les Etats-Unis ne datent pas d’aujourd’hui. Déjà à l’époque de l’ennemi soviétique Européens et Américains ont eu des pommes de discorde. A la suite de la chute de l’URSS, de la chute du mur de Berlin et du renforcement de la Communauté européenne, les Etats-Unis et l’Europe ont vu leurs intérêts et leur vision du monde diverger peu à peu. Cette divergence vas éclater au grand jour à partir des événements du le 11 septembre et notamment avec la crise irakienne. Cette crise a mis à jour les différents qui existent depuis longtemps entre l’Amérique et l’Europe. Pour Robert Kagan126, cette divergence est très profonde et porte notamment « sur le rôle que doit jouer la puissance militaire dans la politique internationale, et sur ce que devrait être l’ordre mondial aujourd’hui »127. Malgré tout, Européens et Américains conservent des valeurs communes et des intérêts convergents pour dépasser leurs divergences et préserver leurs relations. Et ceci même si avec certains pays, comme la France, les relations avec Washington sont sérieusement entamées. A. Les pommes de discorde entre le “Vieux” et le “Nouveau continent” Aujourd’hui ce qui oppose l’Europe et l’Amérique est assez notoire. Ces entités s’opposent sur des contentieux commerciaux, politiques et même stratégiques. Il n’y a pas longtemps, quand les Etats-Unis ont augmenté les droits de douane sur les importations d’acier avec pour objectif de protéger leur propre industrie sidérurgique qui ne se portaient pas bien, 125 Samy GHORBAL, « Europe/Etats-Unis : la fracture », JEUNE AFRIQUE L’INTELLIGENT (JAI), n° 2235, du 9 au 15 novembre 2003, p. 27 126 Robert KAGAN est politologue et membre de la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Il fait parti des « faucons » de l’administration Bush qui sont considérés comme des partisans de la stratégie musclée de Bush. 127 Cf. à l’interview de Dominique SIMONNET, « L’Amérique doit mener la politique des forts », L’EXPRESS, 06 mars 2003. Retrouvez cet interview à l’adresse : http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/bush/dossier.asp?ida=383143 140 l’Union européenne a porté plainte devant l’Organisation mondiale du commerce et avait menacé de surtaxer certains produits américains. Cet exemple n’est qu’un parmi les contentieux commerciaux qui oppose le « Vieux continent » et l’Amérique. Autre sujet de discorde, l’environnement, plus précisément le protocole de Kyoto. Ce protocole est issu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adoptée à l'issue du Sommet de la Terre, qui s'est tenu en juin 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil. Son but est de réduire les émissions de six gaz à effet de serre de 5,2 % entre 2008 et 2012, par rapport aux niveaux de 1990. Les EtatsUnis refusent de ratifier le protocole alors même qu’ils sont les plus gros pollueurs de la planète. Washington craint que les mesures auxquelles contraint le protocole ne nuisent son industrie. Cette attitude est jugée égoïste par l’ensemble des pays européens qui se sont fermement engagés pour la protection de l’environnement. D’autres contentieux opposent le « Vieux continent » et le « Nouveau ». Ces contentieux font croire plus que jamais que le fossé se creuse considérablement entre les deux vieux amis de la Guerre froide. Selon S. Ghorbal128 sur le plan intérieur : les Européens sont opposés à la peine de mort et à la libre circulation des armes, alors que les Américains y sont favorables ; ils sont généralement partisans de la protection sociale, alors que les Américains y sont allergiques ; ils sont devenus areligieux, alors que l’Amérique se verse dans la bigoterie et le manichéisme ; ils s’interdisent de mélanger politique et religion, chose que les Américains font en permanence. Sur le plan extérieur, M. Ghorbal avance que les sociétés du Vieux Continent sont multilatéralistes, favorables à l’ONU, et n’envisageant le recours à la force qu’en dernière extrémité alors que les Américains sont unilatéralistes, interventionnistes, partisans des guerres préventives, et « cultivent un mépris sans limites pour les institutions 128 Samy GHORBAL, op. cit., p. 27 141 onusiennes » ; enfin, l’Amérique est contre la justice pénale internationale et l’interdiction des mines anti-personnel alors que l’Europe et pour. Comme nous l’avons déjà souligné, la crise irakienne a véritablement révélé les divergences entre l’Europe et l’Amérique. En effet lors cette crise, globalement, l’Union européenne était contre une intervention contre Saddam Hussein sans l’aval des Nations Unies. Les pays de l’Union qui se sont le plus illustrés dans cette opposition, comme nous l’avons vu antérieurement, ont été la France et l’Allemagne que le secrétaire d’Etat à la défense Donald Rumsfeld a qualifié de « vieille Europe ». Contrairement à la France et à beaucoup d’autres pays de l’Union, l’Allemagne avait fait comprendre qu’elle ne participerait pas à une intervention militaire en Irak quand bien même celle-ci serait approuvée par l’ONU. Certains intellectuels, notamment américains, avaient interprété le refus des Européens, pour des actions militaires, comme une faiblesse. Pour eux, l’Europe étant faible militairement préfère faire appelle aux lois internationales pour écarter les dangers qui menacent le monde ; et que les Etats-Unis étant puissant préfèrent faire disparaître ces dangers par la puissance de leur armée. Pour illustration, d’après R. Kagan « Quand les Etats-Unis étaient faibles, ils pratiquaient les stratégies de la voie détournée, les stratégies de la faiblesse. A présent qu’ils sont forts, ils adoptent le comportement des nations fortes. Quand les grands pays européens étaient puissants, ils croyaient au pouvoir et à la gloire martiale. Mais aujourd’hui, ils voient le monde par les yeux des nations faibles. Ces deux points de vue très différents ont naturellement donné à des prises de positions stratégiques opposées, à des évaluations contraires des menaces et des moyens appropriés pour y répondre, à des calculs d’intérêt différents et à des points de vue différents sur la valeur et la signification du droit international et des institutions 142 internationales. »129. Et Victor Davis Hanson130 d’ajoutait : « au lieu des moyens d’envoyer des divisions aéroportées en Afghanistan, de bombarder l’Irak avec leurs porte-avions ou de lancer des ultimatums à des régimes rétifs comme le Pakistan, les Européens frustrés ont mis leur foi, à tort ou à raison, dans des organismes internationaux tels que les Nations Unies ou la Cour pénale internationale, tout en feignant de ne pas remarquer que seule la puissance américaine leur a permis de rêver qu’ils habitent un monde enchanté peuplé de gens raisonnables »131. Nous précisons à M. Hanson que les Américains n’y sont pas parvenus en solitaire. Ils avaient derrières les Européens et d’autres. Le « monde enchanté » dont il parle est une entreprise collective. D’autres affirment que cette opposition est due en partie à une différence de perception de ce qui constitue un danger. Si l’Irak était une menace pour l’Amérique est-ce qu’elle l’était forcément pour l’Europe dont certains pays y avaient des intérêts économiques ? Et si l’Irak ne constituait pas une menace aux yeux des Européens quel intérêt avaientils pour suivre les Américains dans leur politique ? Selon Steven Everts, rapportait par M. Kagan132, aujourd’hui les menaces pour les responsables américaines ne sont pas tout à fait les même que celles des responsables européens comme c’était le cas durant la Guerre froide. M. Everts avance que pour les Américains, les menaces sont la prolifération d’armes de destruction massive, le terrorisme et les « Etats voyous » alors que pour les Européens les menaces sont les conflits ethniques, les migrations, le crime organisé, la pauvreté et la dégradation de l’environnement. 129 Robert KAGAN, « La puissance et la faiblesse : les Etats-Unis et l’Europe dans le nouvel ordre mondial », p. 20 130 C’est un historien militaire de réputation internationale. 131 Victor Davis HANSON, « Adieu à l’Europe », Le DEBAT, n° 123, janvier-février 2003, p. 20. (Le présent article a initialement paru dans la revue Commentary, octobre 2002. Il est traduit en français par Pierre Emmanuel Douzat). 132 Robert KAGAN, op. cit., p. 54 143 Pour appuyer cet argument, prenons par exemple le cas de la pauvreté. A la suite des attaques du 11 septembre, les Européens, bien que n’étant pas catégoriquement opposés à des actions militaires pour lutter contre le terrorisme, avaient avancé l’idée selon laquelle une réduction de la pauvreté serait l’un des meilleurs moyen de réduire ou de faire disparaître le terrorisme. Plus précisément, pour les Européens la pauvreté est l’une des causes majeures du terrorisme. Argument contestait par les Américains. Pour eux la pauvreté ne transforme pas des personnes en des terroristes et des meurtriers. Toutefois ils admettent qu’elle est une condition que peuvent exploiter les terroristes pour avoir l’appui des populations et qu’elle peut également rendre les Etats faibles vulnérables aux réseaux terroristes et aux cartels de drogue. Si l’on s’y penche de prés, on peut dire, sans intension d’affirmer que les Européens ont tord, que les Américains ont certainement raison. Pourquoi ? Parce que la plupart des kamikazes du 11 septembre sont issus de pays riches et en outre Ben Laden qui est leur chef n’est pas quelqu’un qui a connu la pauvreté. Sa fortune est estimée à des milliards de dollars. Aujourd’hui, le « Vieux continent » et le « Nouveau continent » ont certains de leurs intérêts qui sont divergents. Ils ont une vision du monde et de la menace qui sont différentes. Ils ont une perception de mener la guerre contre le terrorisme qui n’est pas tout à fait la même. Tout cela complique les bonnes relations qu’ils entretiennent depuis des décennies. Pour autant est-ce que cela peut entraîner une rupture complète des relations transatlantiques ? Nous pensons que non. L’Europe et l’Amérique sont liées par des valeurs communes et des intérêts convergents notoires qui leur permettront de veiller à leurs bonnes relations et dépasser leurs différents. 144 B. L’Europe et l’Amérique : des valeurs communes et des intérêts convergents malgré les pommes de discorde Comme le reconnaît R. Kagan, « il y a un Occident culturel, politique, économique » malgré les divergences. L’Europe et les Etats-Unis ont des valeurs, des cultures, des principes communs. Les deux rives de l’Atlantique sont animées par la démocratie, le respect des libertés et du droit. Elles sont les gardiennes du capitalisme et sont issues d’une même origine judéo-chrétienne. En outre leurs intérêts économiques convergent. L’Europe et l’Amérique ont pour objectifs, aujourd’hui comme hier, de promouvoir l’économie de marché, la croissance des échanges commerciaux, l’augmentation de la croissance économique mondiale, etc. En matière commerciale, les deux continents sont étroitement liés et dépendent l’un de l’autre. L’un est le meilleur partenaire commercial de l’autre et vis versa. En outre avec la mondialisation les liens financiers et économiques des deux rives de l’Atlantique se sont densifiés. Face au terrorisme qui sévit aujourd’hui dans le monde, face à la prolifération nucléaire et balistique dans des pays n’ayant pas une culture occidentale, face au mécontentement des populations du Sud qui s’estiment exploitées par les Occidentaux, face à l’instabilité des foyers d’approvisionnement en pétrole de l’Occident, nous pensons que l’Amérique et l’Europe ont tout intérêt à coopération dans la lutte contre ces fléaux. En résumé, si nous reprenons Colomban Lebas133, Européens et Américains ont intérêt à pérenniser les relations transatlantiques. 133 Colomban LEBAS, « Quel avenir pour la relation transatlantique », Etude menée pour la fondation Robert Schuman, septembre 2002, p. 51 – 53 145 Pour l’Europe, les enjeux sont : de bénéficier des retombées de la prospérité américaine à travers un commerce lucratif et stimulant ; de bénéficier de la protection américaine sans en supporter la totalité des coûts ; de bénéficier d’un rôle dans le gouvernement multilatéral du monde, conditionné par le bon fonctionnement des institutions internationales (Conseil de Sécurité par exemple) lui-même dépendant du bon état de la relation transatlantique ; d’être reconnu comme partenaire particulier par les Etats-Unis ce qui permet à la fois de bénéficier d’un accès particulier à la puissance américaine tout en gardant une position de commentateur légitime de l’évolution des affaires internationales et de la gestion de celle-ci par les Etats-Unis (à défaut de réellement maîtriser le calendrier et les thèmes du débat international comme les Etats-Unis), sans représailles américaines, et tout en bénéficiant aux yeux du monde des gains diplomatiques de cette posture critique et un brin moralisant ; enfin pour les Européens de l’Est, la relation transatlantique est une occasion formidable de bénéficier de la paix que procure le parapluie américain. Elle est aussi la perspective de bénéficier à l’avenir d’une relation commerciale nourrie, en particulier par le truchement de l’intégration européenne. Pour les Etats-Unis, les enjeux sont : de maintenir une présence en Europe suffisante pour éloigner la tentation européenne de la puissance tout en les incitant à mieux se prendre en charge militairement afin de libérer des ressources pour augmenter la visibilité américaine dans les zones les plus 146 stratégiques de l’Asie centrale au sens large, du Proche-Orient, de la Chine. Les associer – en contrôlant qu’ils ne développent pas de monopoles dans les techniques militaires clef – au sein des grands programmes militaires américaines (bouclier antimissile, JSF) (meilleur contrôle, maintien de leur dépendance) ; de cultiver le partenariat économique stimulant et irréversible avec une Europe dont les marchés sont relativement proches en termes culturels et de pouvoir d’achat, tout en maintenant des positions fermes de négociation autant que possible (acier) et en défendant l’industrie américaine, et l’agriculture américaine ; de continuer les fructueuses exportations culturelles (en terme de musique ou d’habillement, de comportement et de mode vie) qui induisent des profits économiques directs et indirects, en jouant sur la fascination qu’exerce le mode de vie américain ; l’aspect heurté des relations permet d’éviter un monolithisme trop affirmé du bloc occidental qui donnerait une prise aisée à la critique, tout en maintenant la certitude d’une solidarité sans faille dans les moments historiques cruciaux ; de posséder des alliés inconditionnels en cas de crise ; de maintenir un lien avec d’autres pays culturellement et idéologiquement proches ; enfin d’accroître son influence en Europe centrale et orientale, idéalement de la Mer noire à la Baltique. Mais pour que les relations transatlantiques puissent se pérenniser facilement, il est nécessaire pour l’Europe de relever quelques défis pour mettre en place une relation équilibrée et complémentaire avec les EtatsUnis. Pour cela, elle devra devenir une entité politique forte et se doter d’une véritable politique étrangère. Avant de clore cette partie sur les relations transatlantiques, nous allons voir les implications de la guerre contre le terrorisme, notamment avec 147 l’opposition de la France à la guerre en Irak, sur les relations francoaméricaines. Pour précision, nous ne donnerons qu’une vue d’ensemble de ces implications. C. La relation franco-américaine et la crise irakienne Depuis la fin de la 2nd Guerre mondiale, et peut être bien avant, les relations franco-américaines ont connu des hauts et des bas. A chaque fois que la France n’était pas d’accord avec les Etats-Unis, elle l’a fait savoir. Et cela a toujours agacé les Américains qui y voient une volonté de s’affranchir. Quelqu’est pues être les divergences entre les deux pays, ils sont toujours parvenus à les résoudre ou au moins à les atténuer. « Nos divergences sont parfois crispantes, acides, explique un diplomate. Mais quand cela va trop mal, nous sommes toujours capables de nous prendre la main et de nous dire : est-ce vraiment sérieux ? Et on trouve une solution. »134 Depuis la crise irakienne, Américains et Français ont du mal à surpasser complètement leurs différents. Comme nous l’avons déjà vu dans le Chapitre IV, la France s’était vivement opposée à une intervention américaine en Irak. Elle se fera le porte drapeau du « camp de la paix » et empêchera en quelque sorte le cautionnement de cette intervention par l’ONU. Ce qui n’a pas été du goût des Américains. A partir de là débute une campagne de diabolisation de la France en Amérique. Les Américains avancent que si se n’étaient pas eux « aujourd’hui la France parlerait l’allemand ». Ils prétextent que c’est leurs "boys" qui ont libéré la France de l’occupation allemande et, par conséquent, elle leur doit reconnaissance. Cela n’est pas complètement faux. Mais il faut savoir que cette libération était aussi une victoire et une ″libération″ pour 134 Mireille DUTEIL, « Diplomatie : une amitié houleuse », LE POINT, N°1515, 28 septembre 2001, p. 74 148 l’Amérique, l’Europe et le monde entier. En outre, les Américains n’étaient pas seuls dans cette affaire. La France et l’Amérique, en partie, défendaient chacun ses intérêts en Irak. Et ces intérêts n’étaient pas les mêmes. Delà, l’Amérique mécontente n’a ménagé aucun effort pour le faire savoir à la France. Au mois de mars 2003 la Chambre des représentants avait supprimé du menu de ses cafétérias les ″French Fries″ pour les remplacer par des "Freedom Fries" ("frites de la liberté"). Un représentant républicain du Congrès, Bob Ney (président de la commission chargée de l'administration de la Chambre des représentants), avait affirmé que la mesure était « un effort petit mais symbolique pour exprimer le fort mécontentement de nombreux membres du Congrès à propos des décisions prises par [leur] soi-disant allié, la France»135. Un boycott des produits français, par la population, a également été constaté. Il affecter surtout les produits emblématiques de l'image de la France, comme les vins et les fromages. Il faut reconnaître que si le boycott était bien suivi, il aurait eu des répercutions assez considérables sur les exportations françaises. Les Etats-Unis sont le 6ème client de la France, avec plus de 26 milliards d'euros de biens et de services exportés par an. Les Américains n’avaient aucun intérêt à boycotter les produits français car les entreprises françaises qui sont chez eux emploient des centaines de milliers d’Américains et payent des sommes considérables d’impôts. Si ces entreprises ne fonctionnent pas, c’est des emplois et des impôts de moins. En outre, cela aurait pris assez de temps à la population américaine pour trouver des produits de substitutions. Et rien ne dit qu’ils allaient trouver mieux. En plus du boycott, certains américains, qui 135 « Pas de "French Fries" au Capitole! », RADIO CANADA, 11 mars 2003. Voir : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/special/nouvelles/irak/200303/11/005patriotisme-frites.shtml 149 avaient payé des billets d’avions pour se rendre en France, avaient annulé leurs voyages en guise de protestation à la position française dans la crise. Tout ce que nous venons de citer n’est rien par rapport à ce que les animateurs vedettes des talk-shows et certains journalistes américains disaient sur la France. Leurs propos ne peuvent être qualifiés autrement que d’offenses. David Letterman, dans l’une de ses émissions très suivie aux États-Unis mais aussi dans certains pays européens, affirmait : « La dernière fois que les Français ont demandé des preuves, elles sont arrivées dans les rues de Paris avec un drapeau allemand »136. Le célèbre humoriste Dennis Miller, en arguant donner des conseils à W. Bush, disais : « Je dis qu'il faut envahir l'Irak, puis la France, et installer un pipe-line sous la tour Eiffel. Comme ça on aura le plus grand derrick de la planète ! »137 Malgré toutes ces tentatives de punir ou de diaboliser la France, selon Ulysse Gosset, des millions de gens sur le territoire américain étaient sensibles aux arguments « des chevaliers Chirac et Villepin ». Mary Mac-Grory, une journaliste du Washington Post, avait écrit : « Il y a beaucoup d'Américains qui se surprennent à crier « Vive la France ! » et à murmurer la « Marseillaise », en se retournant tout de même pour vérifier si le ministre de la Justice, l'Attorney général, le très croyant John Ashcroft, ne les entend pas... »138 Avant la guerre en Irak, Dominique de Villepin avait averti les EtatsUnis en tenant ces propos : « L’option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n’oublions pas qu’après avoir gagné il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face : cela sera long et 136 Ulysse GOSSET, « Singes capitulards mangeurs de grenouilles », OUESTFRANCE, mai 2003. Vous pouvez visualiser l’article à l’adresse internet suivante : http://dossiers.ouestfrance.fr/dossiers/irak_article.asp?iddoc=9216 137 ibidem 138 ibidem 150 difficile, car il faudra préserver l’unité de l’Irak, rétablir de manière durable la stabilité dans le pays et une région durement affectés par l’intrusion de la force »139. Actuellement si on voit ce qui se passe en Irak, on peut affirmer que les Français n’avaient pas complètement tort de s’opposer à une intervention militaire contre le régime de Saddam Hussein ; et que s’ils l’ont fait c’étaient, peut être aussi, pour éviter aux Américains les difficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui. L’Amérique a du mal en Irak et il est probable que la France, dont elle se moquait hier, vienne à son secours. La Russie qui comme la France c’était opposée à l’intervention en Irak n’a pas connu le même destin dans ces relations avec les Etats-Unis. II. La guerre contre le terrorisme : une aubaine pour Moscou de nouer un partenariat stratégique avec Washington, de mater la rébellion tchétchène et d’apaiser les tensions au sujet des gorges de Pankisi Depuis le 11 septembre, la page de la Guerre froide semble définitivement tournée, la Russie s’est vraiment rapprochée des EtatsUnis et les deux pays se sont engagés dans une coopération ayant pour credo, la guerre contre le terrorisme. Ils se sont également engagés dans un nouveau partenariat stratégique. Résultat de cette « entente », les Américains ferment les yeux sur la Tchétchénie et les Russes tolèrent la présence américaine dans « l’étranger proche » de Moscou. Malgré cette « entente », Russes et Américains restent opposés sur certaines questions internationales. 139 Extrait de l’intervention de Dominique DE VILLEPIN, ministre des Affaires étrangères français, au Conseil de sécurité le 14 février 2003. 151 A. Le nouveau « partenariat stratégique » entre Moscou et Washington Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont donné une impulsion aux efforts pour l'établissement d'un partenariat stratégique entre la Russie et les Etats-Unis. Les Russes ont accepté de céder face à certains sujets traditionnels de friction comme l’élargissement de l’Alliance atlantique ou la défense antimissile. En contrepartie les Américains s’engagent à soutenir l’économie de la Russie, à financer son désarmement etc. Le 13 décembre 2001, les Etats-Unis annoncent leur retrait du traité ABM (Antiballistic Missile Treaty), clef de voûte à la dissuasion nucléaire depuis 1972. Ce traité, interdisant tout système de défense antimissile balistique, est jugé obsolète par les Etats-Unis qui veulent désormais déployer un bouclier antimissile sur leur sol, face à la menace d'Etats "hors-la-loi" soupçonnés de détenir l'arme nucléaire. Le retrait américain du traité n’a pas compromis les relations bilatérales entre les deux pays. Au mois de mai 2002, les Etats-Unis et la Russie signaient à Moscou un accord portant sur une réduction des deux tiers en dix ans de leurs arsenaux nucléaires stratégiques. Le texte prolonge les deux traités START (1991, 1993). Par cet accord, les deux pays s’engagent à ne disposer, d’ici 2012, que de 2000 têtes nucléaires opérationnelles. L’accord a été présenté comme le symbole d’une nouvelle relation stratégique et d’un partenariat de portée historique, liquidant définitivement l’héritage de la guerre froide. Le 28 mai 2002 à Rome, au sommet OTAN/RUSSIE réunissant les 19 pays membres de l'Otan et la Russie, est avalisé de manière officielle la création du nouveau Conseil OTAN-Russie. Il doit permettre des prises 152 de décision communes en matière de guerre contre le terrorisme, de gestion des crises, de défense, de non-prolifération des armes de destruction massive et de contrôle des armements. Au sommet du G8 à Kananaski les 26-27 juin 2002, Bush a annoncé un budget de 20 milliards de dollars, pour le contrôle et le démantèlement d’armes de destruction massive chimiques et nucléaires russes, y compris les sous-marins nucléaires vétustes, et dans le cadre des accords russoaméricains de réduction en la matière. Le 26 septembre 2002, par un accord de coopération gouvernementale sur la lutte contre le trafic de drogue, le crime organisé et les réseaux de blanchiment d’argent, les Etats-Unis ont prévu un versement de 1,9 millions de dollars à la Russie. Au delà du partenariat stratégique, les Etats-Unis, au nom de la guerre contre le terrorisme et par soucis de ménager la Russie, ont décidé de fermer les yeux sur ce qui se passe en Tchétchénie. En échange, la Russie accepte un « partenariat » pour régler des crises en Georgie, en Azerbaïdjan et en Asie centrale. En d’autres termes, elle tolère les EtatsUnis dans son arrière-cour. Russes et Américains s’étaient également mis d’accord de mener « des efforts pour développer les vastes ressources énergétiques de la Russie et de la région de la Caspienne ». B. La guerre contre le terrorisme : une occasion pour Moscou de mater la rébellion tchétchène et de lui priver sa zone de replie en Georgie (les gorges de Pankisi) 1) La « benladénisation » du conflit tchétchène La Tchétchénie, située dans le Nord-Caucase russe, le 1er novembre 1991 avait proclamé son indépendance. Le 11 décembre 1994 les troupes 153 russes interviennent dans la République tchétchène. Dés lors débute une guerre très sanglante (surtout pour les Tchétchènes) entre indépendantistes tchétchènes et Russes. C’est la « première guerre de Tchétchénie ». Elle s'est achevé en mai 1997 par un accord portant les signatures du Président russe Boris Eltsine et du président tchétchène Aslan Maskhadov. Le 27 janvier 1997, M. Maskhadov devient président lors des premières élections libres, sous la surveillance d’observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). En 1999, à la suite d'attentats meurtriers qui ont endeuillé plusieurs villes de la Russie, et qui ont été attribués aux indépendantistes tchétchènes, l'armée russe intervient une fois de plus dans la république séparatistes. Ce fut le début de la « seconde guerre de Tchétchénie » qui continue jusqu’à présent. Cette guerre a été dénoncée par de nombreux pays, notamment les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne. Ces pays accusent la Russie de ne pas respecter les droits de l’Homme en Tchétchénie. A la suite du 11 septembre, comme l’affirme Hélène Carrére d’Encausse : « L’adhésion de Poutine à la lutte anti-terroriste des EtatsUnis lui a permis d’inscrire la résistance tchétchène dans la catégorie des mouvement terroristes, donc lui a laissé toute latitude pour la briser»140. Moscou a réussi à faire passer les indépendantistes tchétchènes pour des terroristes aux yeux de l’Occident. Maintenant, M. Poutine a les mains libre en Tchétchénie grâce au soutien des occidentaux et notamment celui des Etats-Unis. La prise d’otages à Moscou, le 23 octobre 2002, va accentuer ce soutien. Le président Poutine « répète à l’envi que le combat des indépendantistes tchétchènes correspond à celui des islamistes d’Al Qaïda »141. Les autorités russes ont toujours soupçonné Al Qaïda de soutenir les 140 Cité par Frédéric ENCEL et Olivier GUEZ, « La grande Alliance, de la Tchétchénie à l’Irak : un nouvel ordre mondial », p. 111 – 112. 141 Cité par Frédéric ENCEL et Olivier GUEZ, op. cit., p. 112. 154 tchétchènes. Elles affirment, depuis des années, que le réseau terrorisme fournissait aux islamistes tchétchènes des explosifs, des armes automatiques et même des moyens informatiques. Le réseau de Ben Laden, d’après Moscou, a acheminé en Tchétchénie plus de 10 millions de dollar. La Russie et les Etats-Unis ont maintenant un même ennemi. En septembre 2002, à la suite de la campagne afghane, Russes et américains ont participé à des opérations armées communes et conjointes, pour soutenir des troupes géorgiennes engagées dans les gorges de Pankisi à neutraliser des éléments d’Al-Qaïda. 2) La Russie tolère la présence américaine en Georgie dans l’espoir de priver les rebelles tchétchènes de leur refuge des gorges de Pankisi Trois acteurs géopolitiques se partagent le pays : le pouvoir géorgien évidemment, croulant sous les difficultés économiques et politiques ; la Russie, ancienne puissance tutélaire qui cherche à garder son influence ; les Etats-Unis qui s’intéressent à la Transcaucasie comme acteur privilégié dans les échanges pétroliers, mais également comme fenêtre sur l’Iran et l’Irak. Après leur indépendance, pour échapper à une influence de la Russie sur leur Etat, les Georgiens se sont rapprochés de l’Occident : entrée au Conseil de l’Europe, demande d’assistance à l’Union européenne, appel à une intervention économique américaine dans les domaines culturel, économique, militaire et politique, etc. Les Russes n’ont pas apprécié cette attitude. Ils « se représentent les Georgiens comme un peuple bien ingrat, lui qui bénéficia durant les dernières décennies soviétiques d’une sorte de statut privilégié sinon en droit, du moins en fait : la République autonome était alors la vitrine de l’URSS avec son niveau de vie plus 155 élevé que la moyenne au sein de l’Empire, ses productions d’agrumes, son secteur touristique balnéaire »142. Dés le lendemain du 11 septembre, la Georgie offrait aux Etats-Unis son espace aérien. Les Georgiens pensent que la Russie veut leur empêcher de se constituer en Etat-nation viable. Ainsi lorsque Tbilissi a voulu sortir de la Communauté des Etats indépendants (CEI), a accepté le tracé américain du pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan, a appelé les Américains à l’aider à former une armée contre le terrorisme dans les gorges de Pankisi, Moscou leur a mis la pression. Les Russes affirmes que les gorges de Pankisi abritent des rebelles tchétchènes. Ils ont maintes fois demandé aux autorités de Tbilissi de leur permettre de passer par leur territoire pour prendre les séparatistes tchétchènes à revers. Chose que la Georgie a toujours refusé. En début 2002, face à un nouveau refus de Tbilissi, M. Poutine ordonne une intervention unilatérale qui sera empêchée grâce aux Américains. En septembre de la même année, dans une lettre adressée au Secrétaire général et au Conseil de sécurité des Nations unies, le président Poutine accusait la Georgie de soutenir les rebelles tchétchènes. Il affirmait : « Le succès de notre opération anti-terroristes en Tchétchénie a contraint les terroristes survivants à se réfugier en Georgie où, grâce à la complaisance des autorités, ils se sentent à l’aise et continuent à recevoir des aides militaires et financières. Personne ne peut nier que ceux qui sont impliqués dans les actes de terrorisme aux Etats-Unis et les explosions d’immeubles en Russie se soient retranchés sur le territoire géorgien »143. Il menaçait également de mener une intervention militaire en Georgie « en conformité avec le droit international et la résolution 1368 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée en réponse aux actions 142 Frédéric ENCEL et Olivier GUEZ, op. cit., p. 224 Laurent NICOLET, « Vladimir Poutine menace de suivre en Georgie l’exemple américain », LE TEMPS (Genève), 18 septembre 2002, p. 8 143 156 terroristes barbares commises le 11 septembre aux Etats-Unis »144. En dehors de ces accusations et de ces menaces, les avions russes violaient, de temps en temps, l’espace aérien de la Georgie à la recherche de combattants tchétchènes. Même avec les événements du 11 septembre et la présence de rebelles tchétchènes liés à Al Qaïda sur le territoire géorgiens, les Etats-Unis se sont toujours montrés hostiles à une intervention militaire de Moscou en Georgie. Ils ont même envoyé des instructeurs militaires dans le pays pour aider les autorités à lutter contre le terrorisme145. Moscou, en accord avec Washington, a toléré le déploiement de ces soldats américains sur son arrière-cour. Selon Frédéric Encel, en dehors de la guerre contre le terrorisme, la présence des Etats-Unis en Georgie est motivée par trois raisons : défendre le Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), compléter l’encerclement « amical » de la Russie et avoir une vue imprenable sur l’Iran et l’Irak. Quoiqu’il en soit, il est incontestable que les Etats-Unis ont réussi une percée assez importante en ″Asie russe″. Si dans l’ensemble la Russie a bien coopéré avec les Etats-Unis sur certains dossiers. Il en a été tout autre en ce qui concerne l’Irak et, à un moindre degré, l’Iran. C. La coopération dans la guerre contre le terrorisme n’a pas fait disparaître les divergences russo-américaines Comme nous l’avons souligné dans le Chapitre IV la Russie avait des intérêts géopolitique et économique en Irak sous Saddam Hussein. Elle a insisté sur une solution pacifique de la crise dans le cadre de l'ONU, et 144 145 Ibidem. Cf. au Chapitre II 157 s'est opposé fermement à la guerre. Le président Poutine avait condamné avec des termes forts l'action militaire contre l'Irak et avait accusé les Etats-Unis d’avoir violer le droit international ainsi que la Charte des Nations Unies. « Tous les pays souverains ont perdu le sens de sécurité », avait noté le président russe. Les Américains, de leur côté avaient reproché à la Russie d'avoir vendu des armes à l'Irak. Ils avaient envoyé des avions de reconnaissance près de l'espace aérien de la Russie et bombardé un quartier qui se trouve près de l'ambassade russe à Bagdad. Un acte que les Russes n’avaient pas du tout apprécié. Les relations entre Moscou et Washington ont été très tendues lors de la crise irakienne. Le président russe ira même jusqu’à dire que les relations entre les deux pays ont rencontré la plus grave crise depuis la fin de la guerre froide. Toutefois, la Russie étant consciente qu’elle a besoin des Etats-Unis plus que ces derniers ont besoin d’elle, a tempéré ses ardeurs. M. Poutine avait adouci ses critiques contre la guerre et avait même affirmé qu'un échec des Etats-Unis n'était pas dans l'intérêt de la Russie. L’Iran est considérée comme un « pays voyous » par les Etats-Unis. Le président Bush, après le 11 septembre, l’a classé dans « l’Axe du mal » en compagnie de la Corée du Nord et de l’Irak (sous Saddam Hussein). La Russie est un allié traditionnel de l’Iran et personne n’ignore qu’elle vend des armes à Téhéran. Les Etats-Unis reprochent à Moscou le transfert par la Russie de technologies sensibles vers ce pays dans les domaines nucléaire et balistique. Depuis le 11 septembre, Washington a accentué la pression sur Moscou notamment en ce qui concerne l’aide fournie à Téhéran pour la construction dans le sud du pays de la centrale nucléaire de Boucher. En réponse aux Etats-Unis, tout en rejetant les soupçons, M. Poutine a proposé de placer la centrale, qui devait être mise en route en septembre 2003, sous un régime d’inspection internationale. 158 En guise de conclusion, nous pensons, comme l’on déclarait si souvent les deux pays, que Washington et Moscou doivent coopérer dans les domaines tels que le maintien de la stabilité stratégique dans le monde, le désarmement nucléaire, la prévention de la prolifération des armes de destruction massive et la guerre contre le terrorisme. Les Russes et les Américains ont beaucoup à gagner dans cette coopération. Les Russes peut être beaucoup plus que les Américains. Si cette coopération parvient à bien se mettre en place et perdure, l’Amérique pourra ranger aux oubliettes les différents qui l’ont opposé à l’ex-URSS puis à la Russie depuis la 2nd Guerre mondiale. Elle pourra également se trouver un autre adversaire idéologique pour mettre en exergue sa puissance. Cette adversaire pourrait être le monde musulman. Tout porte à y croire depuis le 11 septembre. 159 Chapitre 6 : Les implications de la guerre anti-terroriste sur l’opinion publique musulmane et sur les relations Etats-Unis/Régimes proaméricains Le monde musulman se sent visé à travers la guerre anti-terroriste. Aux Etats-Unis, dans les mois qui ont suivi les attaques du 11 septembre, des musulmans ont été massacrés, torturés et injustement arrêtés. Jusque là les opérations militaire américaines menées dans le cadre de la guerre contre le terrorisme n’ont visé que des pays musulmans (ce qui est tout à fait logique car, étant donné que les Américains font la guerre au terroristes islamistes ce n’est pas en Corée du nord qu’ils vont aller les chercher). Il s’y ajoute que M. Sharon réprime l’Intifada palestinien sans retenue (avec la bénédiction américaine selon les musulmans). Tout cela fait qu’aujourd’hui l’opinion publique musulmane et très remontée contre le "Grand Satan". Et ceci n’est pas sans conséquences sur les relations entre les Etats-Unis et leurs pays alliés et amis du monde musulman. I. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur l’opinion publique musulmane La guerre contre le terrorisme a attisé l’anti-américanisme et un sentiment d’injustice de plus en plus grandissant dans le monde musulman. Ce sentiment d’injustice est aggravé par des sujets à frustration datant bien avant le 11 septembre et pour lesquels les musulmans estiment que l’Occident, et en particulier les Etats-Unis, est directement ou indirectement impliqué. 160 A. La guerre anti-terroriste attise l’anti-américanisme et exaspère le sentiment d’injustice des musulmans Les réactions des opinions arabes et musulmanes aux attentats du 11 septembre ont été mitigées et ambiguës. D’un côté, les musulmans ont condamné l’acte du fait des milliers d’innocent qui y ont péri; de l’autre, il y a eu une certaine fierté que des musulmans aient eu le courage de s’attaquer aux puissants américains et de défendre leurs frères opprimés. Selon Lahouari Addi, Ben Laden est présenté comme un « défenseur de l’islam bafoué » dans le monde musulman et dans le monde arabe en particulier. « Il y apparaît comme le justicier et le rebelle capable d’organiser des opérations de représailles avec une précision militaire. Il rappelle le héros musulman portant des coups mortels à l’adversaire, en l’occurrence les USA, obligés à l’avenir de tenir compte des réactions des musulmans dans le Proche-Orient. Certains n’hésitent pas à revendiquer ses actions avec fierté, à exhiber son portrait et à écrire son nom sur les murs, nom qui revêt à lui seul une signification antiaméricaine tranchée »146. A cette élévation de Ben Laden à l’ordre de « grand défenseur » du monde musulman contre l’oppresseur américain, certaines personnes rajoutent que les attaques du 11 septembre ne sont rien d’autre qu’une punition divine du fait du mal que cause les Américains dans le monde par leur politique extérieure. Delà, vous imaginez certainement la réaction américaine connaissant leur attachement à la religion. Depuis le 11 septembre, les musulmans ont le sentiment d´être injustement catalogués comme des terroristes à cause d´une minorité d´extrémistes. Dans les pays arabes, plus particulièrement, un sentiment d'incompréhension, d'injustice et de colère vis-à-vis de l'Occident et en 146 Lahouari ADDI, « La perception des attentats du 11 septembre dans le monde arabe et musulman », CONFLUENCES MEDITERRANEE, N°40, Hiver 2001-2002. Voir à l’adresse : http://www.ifrance.com/Confluences/textes/40addi.htm 161 particulier des Etats-Unis a grandi. Les populations accusent les EtatsUnis, sous des prétextes sécuritaires et politiques, de dénigrer l'Islam. Aux Etats-Unis, dans les premiers jours qui ont suivi le 11 septembre des musulmans ont été persécutés non seulement par la population américaine mais aussi par les autorités. Des mesures très controversées ont été mises en place. Des milieux hostiles à l’islam en ont profité pour faire l’amalgame entre islam et terrorisme comme le constate Abdel Majid Al-Khoie, un dignitaire chiite irakien. Il affirme : « Les événements du 11 septembre ont été utilisés par des milieux hostiles à l´islam, bien connus en Occident, qui ont intérêt pour des raisons politiques à faire des amalgames sur le plan des valeurs, des idées et de la religion afin d´en tirer prétexte pour attaquer l´Islam et les pays arabo-musulmans »147. Dans ce contexte du 11 septembre, des restrictions dans la délivrance de visas pour se rendre aux Etats-Unis ont été à maintes reprises constatées dans certains pays arabes et musulmans. Ceux qui parvenaient à avoir ces visas, une fois arrivé à destination étaient sujets à des fouilles exagérées, des délits de faciès, des insultes, des regards soupçonneux au contrôle des passeports et autres. Au sein de la communauté musulmane, aux États-Unis, un malaise s'est installé du fait du lien établi entre les pirates de l'air, le Moyen-Orient, les Arabes et l'islam. La communauté arabo-américaine et musulmanoaméricaine s'est sentie visée et s'est subitement trouvée dans une position très inconfortable. En effet, cette communauté, dans les jours qui ont suivi les attaques, a été contraintes de s’excuser pour des actes qu’elle n’avait pas commis et de « jurer ouvertement fidélité et dévouement » à l’Amérique. Des lieux de culte musulmans ont été attaqués, des ressortissants musulmans injuriés, 147 Christian CHESNOT, « Le monde arabo-musulman refuse les amalgames », RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI), le 5 septembre 2002. Retrouvez l’article sur : http://www.rfi.fr/Fichiers/evenements/10septembre/islam.asp 162 licenciés et dés fois même massacrés par la population. Pourtant, parmi ces gens maltraités figuraient des Américains, originaires du Moyenorient, qui n’ont jamais mis les pieds dans cette partie du monde et ne savent même pas parler l’arabe. Bref des gens qui sont nées et grandis aux Etats-Unis et qui ne connaissent que les Etats-Unis. « Le passage de l’US Patriot Act et les décisions politiques prises par le ministère de la justice, le service d’immigration et de naturalisation et le ministère des Finances ont créé un climat qui laisse croire que les gens venus du Moyen-orient et de l’Asie du Sud sont des populations particulières ne pouvant bénéficier des droits civiques garantis par la Constitution. Cette politique a conduit [des centaines de] personnes en détention, sans que leur nom ni les accusations retenus contre elles n’aient été révélés. Plus de la moitié de ces détenus ont été déportés, des milliers de résidents étrangers venus de pays arabes ont été interrogés alors qu’une déclaration arbitraire (car fondée sur des preuves confidentielles) affirmaient que certaines organisations religieuses ou politiques soutenaient activement le terrorisme, en particulier celles accusées d’avoir des liens avec les opposants à l’occupation par Israël de la bande ouest de Gaza, ce qui légitime le blocage de leurs biens financiers et la criminalisation de leurs membres. Le Patriot Act II […] étend le pouvoir du gouvernement à retirer la citoyenneté américaine, là encore sur une preuve qui reste confidentielle. Ainsi, une personne mise en accusation peut se trouver privée de l’accès aux cours de droit civil et aux protections légales déportée ou détenue indéfiniment, jugée par un tribunal militaire et même exécutée »148. Face à cette situation des musulmans en Amérique, des pays du MoyenOrient et des ONG de défenses des droits et des libertés ont émis de vives 148 Andrew SHRYOCK, « Les Arabes de Detroit et la "guerre contre le terrorisme" de l’Amérique : la remise en question de leur citoyenneté américain », HERODOTE, n° 109, 2e Trimestre 2003, p. 120. 163 protestations. Les autorités américaines, craignant que la situation déborde et en voulant ménager les pays musulmans amis qui étaient sous pression de leurs populations, prirent un certain nombre de mesures pour non seulement stopper la persécution des musulmans mais également pour faire savoir au peuple américain, une fois de plus, qu’islam n’équivaut pas à terrorisme. Dans les jours qui ont suivi les attaques terroristes, le gouvernement avait pris des mesures pour protéger les populations musulmanes sur le territoire américain. Ainsi, dans un mémorandum paru deux jour après la catastrophe, le bureau de l’Attorney général John Ashcroft prévenait que « toutes menaces de violence ou de discrimination envers les AraboAméricains ou les Américains musulmans ou les Américains d’origine sud-asiatique ne sont pas seulement immorales et antiaméricaines, mais elles sont aussi illégales et seront traitées comme telles »149. Le président Bush avait entrepris un certain nombre d’actions pour rassurer le monde musulman, mais aussi ses alliés occidentaux, que la guerre qu’il mène contre le terrorisme n’est pas une guerre contre l’islam. Peu après les attaques terroristes, il a visité le Centre islamique de Washington pour rencontrer les chefs musulmans américains et leur fournir un message de tolérance et de solidarité. Il avait lancé le “Friendship Through Education”, encourageant des enfants en Amérique et des enfants dans des nations musulmanes à se relier par email. L’objectif étant de leur permettre de mieux se connaître et de se comprendre. Le 19 novembre [2001], au cours du mois de Ramadan, M. Bush avait invité, des dirigeants politiques musulmans et des ambassadeurs des nations musulmanes sur le sol américain à une rupture du jeûne à la Maison Blanche. Le 17 décembre [2001], le Président avait accueilli des enfants musulmans à la Maison Blanche en l'honneur de l’Aïd el Fitr (fête de la fin du Ramadan). Il leur avait lu des histoires et 149 Mémorandum 01 408 du département de la Justice américain, 13 septembre 2001. 164 leur avait fait des cadeaux pour la fête. Tout cela avait été une très belle opération de charme en apparence. Mais pour autant le monde musulman ne s’était pas rassuré, sa frustration avait augmenté et l’antiaméricanisme de plus en plus important. Cet anti-américanisme ne date pas d’aujourd’hui. Jusqu’aux terribles événements du 11 septembre, il s’était fait moins apparent et les dirigeants des pays musulmans ont pu le contenir sans une très grande difficulté dans leurs Etats. Mais depuis le 11 septembre, les choses ont bien changé. L’homme de la rue ne décolère pas contre la guerre au terrorisme déclarée par Washington et dont il considère que l'islam est la véritable cible. Les gouvernements du Moyen-Orient sont sur la défensive et tentent de modérer leurs opinions publiques tout en préservant une alliance stratégique souvent cruciale avec la première puissance mondiale. Les musulmans, la plupart d’entre eux et notamment ceux dans les pays arabes, gardent une grande haine pour les Occidentaux et en particulier pour les Américains pour des raisons bien antérieures au 11 septembre comme nous l’avons souligné. Cela est dû en grande partie à un certain nombre de questions pour lesquelles les musulmans se sentent humiliés et injustement traités. B. Les sujets à frustration Parmi les questions qui révoltent le monde musulman et surtout arabe, il y a : le conflit israélo-palestinien, l’Irak et la Tchétchénie (qui ne concerne pas directement les Occidentaux). Pour beaucoup d’observateurs, une réussite de la guerre contre le terrorisme passe nécessairement par le règlement de ces problèmes notamment le conflit israélo-palestinien. 165 1) Le conflit israélo-palestinien En 1948, l’Etat d’Israël a été créé par un plan des Nations Unies dans la colonie de la Palestine qui se trouvait sous mandat britannique. Le plan prévoyait également la création d’un Etat arabe à côté de l’Etat d’Israël. L’idée était de permettre aux juifs, qui avaient été persécutés par le régime nazi d’Hitler, d’avoir un territoire où ils pouvaient vivre et se constituer en Etat-nation. Vu la façon dont le peuple juif avait souffert lors de la 2nd guerre mondiale, l’idée était louable et toute personne ayant du cœur était sensée l’accepter. Les Etats arabes de la région n’étaient pas de cet avis. Au lendemain de la déclaration d'indépendance de l'État juif, le 14 mai 1948 les armées de Transjordanie, d'Égypte et de Syrie, aidées de contingents libanais et irakiens, entrent en Palestine : ce fut le premier conflit israélo-arabe. L’Etat juif remportera le conflit. « Mais tous les Etats arabes ont refusé de reconnaître l’existence d’Israël et ont tenté de l’étrangler en décrétant un boycott économique et en lançant des opérations sporadique de guérilla »150. La guerre de 1948 sera suivie de deux autres en 1967 et en 1973. Mais auparavant Israéliens et Egyptiens s’étaient affrontés lors de la crise de Suez en octobre 1956. La guerre de 1967 dite des "Six Jours", en raison de la durée des opérations militaires proprement dites, c'est également soldée par une écrasante victoire de l'armée israélienne. Israël avait quadruplé la superficie de son territoire avec l'occupation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de Gaza, du Golan et du Sinaï. La guerre de 1973 ou guerre du Kippour est le dernier affrontement militaire entre Israël et ses voisins arabes. Menée par surprise par les arabes, la spécificité de l’opération a tenu à la percée, temporaire, que les troupes égyptiennes et syriennes parvinrent à réaliser dans les lignes israéliennes. Bien que suivie d'un succès militaire d’Israël, cette 150 Henry KISSINGER, « La nouvelle puissance américaine », p. 185 166 provisoire "victoire" fut vécue, du côté arabe, comme la revanche des humiliations subies en 1948 et 1967. Le président Egyptien Anouar elSadate va user du prestige que lui a valu la guerre du Kippour pour négocier la paix et récupérer ses territoires que l’Etat hébreu avait conquis lors des conflits précédents. Mais la normalisation des relations avec Israël fut très mal perçu par les islamistes et les pays arabes, qui voyaient en Sadate un traître. Le 6 octobre 1981, tandis qu'il assistait à un défilé militaire à l'occasion de la fête nationale, Sadate fut assassiné par des soldats islamistes. Les arabes n’ayant pas pu libérer la Palestine par des guerres conventionnelles recourent maintenant au terrorisme. Depuis les années 60-70, la république d’Israël est soumise à des attaques terroristes orchestrées par des mouvements radicaux palestiniens dont la plupart sont financés par des Etats arabes ou musulmans. Aujourd’hui, le conflit israélo palestinien et le point central de la frustration du monde musulman et en particulier du monde arabo-musulman. Les arabes affirment que la souffrance que l’Etat d’Israël fait subir au peuple palestinien est cautionnée par les Etats-Unis. Ils se sentent humiliés par la situation en Palestine. Ce qu’ils souhaitent maintenant, dans leur grande majorité, c’est de voir la création d’un Etat palestinien, alors qu’hier ils voulaient la disparition de l’Etat d’Israël. Chose impossible aujourd’hui car Israël est devenue un grand Etat militaire avec à sa possession l’arme atomique qui le protége de toute tentative d’anéantissement. Les attentats du 11 septembre ont eu des conséquences négatives pour le peuple palestinien. A la suite de ces attaques, les attentats des mouvements palestiniens comme le Hamas, la Brigade des Martyrs d'Al Aqsa et autres, ayant pour objectif la libération du territoire palestinien, ont été tout de suite présentés par Ariel Sharon, le premier ministre israélien, comme des actions terroristes. Il estime que sa lutte est la même que celle des Américains. Ce qui lui a valu sans mal le soutien 167 inconditionnel de Washington. Aujourd’hui, Israël s'est placée à l'avantgarde du front anti-terroriste mondial. La lutte du peuple palestinien est en mauvaise posture, surtout au sein de l'opinion publique américaine. Avec les événements du 11 septembre, M. Sharon a les mains libres dans le conflit qui l’oppose aux palestiniens et il ne se prive pas de l’occasion pour mater la résistance. Face à cette situation, aujourd’hui plus qu’hier, les musulmans ressentent un sentiment d’injustice et sont révoltés par le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël qui opprime les Palestiniens selon eux. L’opinion publique musulmane jusque là craintive de la répression des pouvoirs politiques commence à élever la voix contre le terrorisme d’« Etat d’Israël » mais aussi contre la guerre et l’occupation de l’Irak par les troupes américano-britanniques. Les EtatsUnis concentrent aujourd'hui leurs efforts sur le règlement de la situation au Proche-Orient. Mais leurs récentes tentatives ne suffisent visiblement pas à enrayer l'engrenage terroriste. 2) L’affaire irakienne Pour ce qui est de l’Irak la frustration du monde musulman date de la première Guerre du Golfe. Ensuite, à la fin de la guerre, se seront les sanctions économiques imposées au pays et qui ont durement éprouvées la population. Enfin, c’est la dernière guerre et l’occupation américanobritannique. a) La Guerre du Golfe Avec le conflit israélo-palestinien, c’est la question irakienne qui cristallise et exacerbe toutes les frustrations du monde arabo-musulman. Le problème de l’Irak ne date pas de la récente crise. Elle remonte de la première guerre du Golfe au début des années 90. Ce conflit à servi de marketing à Al Qaïda. 168 Le 2 août 1990, l’Irak de Saddam Hussein envahissait le Koweït. L'émir al-Sabbah et son fils gagnent l'Arabie Saoudite. Le royaume des Saoud n’était pas à l’abri d’une invasion des forces irakiennes. C’est pour cette raison que les autorités ont demandé la protection des Etats-Unis. Les Américains conscients du danger que représentait la mainmise de l’Irak sur prés de 50% des réserves de pétrole mondiale (l'Arabie Saoudite possède à elle seule plus de 25 % des réserves mondiales de pétrole, l'Iraq et le Koweït réunis pourraient disposer de près de 20 % de ces mêmes réserves) acceptent et décident de déloger Saddam Hussein de l’émirat du Koweït. Pour cela, une coalition internationale d’une grande variété de race, de religion, de culture et d’idéologie politique s’est formée autour des États-Unis. Le 17 janvier 1991, après l’expiration de l’ultimatum fixé par les Nations Unies à l’Irak pour se retirer du Koweït, l’opération « Tempête du désert » débute. En un peu plus d’un mois, après le début de l’opération, l’Irak succombe. Bilan : 200 morts du côté de la coalition; 100 000 soldats irakiens périssent, 300 000 sont blessés et des dizaines de milliers de civils meurent. Lors de la crise, remarquant que la rue arabe et musulmane était largement contre la guerre (contrairement à leurs dirigeants), le président irakien avait tenté de gagner leur soutien. Bagdad affirmait mener une guerre des pauvres contre les riches, thème qui touche particulièrement les masses arabes défavorisées. Le raïs irakien avait également appelé tous les Arabes à la "guerre sainte" (le djihad) pour libérer La Mecque lieux saints de l'islam à proximité de laquelle étaient présentes des forces américaines (des non-musulmans). Cette présence américaine, en partie, a favorisé la création d’Al Qaïda par Oussama Ben Laden. b) Les sanctions économiques imposées à l’Irak par la communauté internationale après la guerre du Golfe 169 Juste après l’invasion du Koweït par l’Irak, les Nations Unies avaient décidé de mettre en place des sanctions économiques contre le pays. L’objectif était non seulement d’obliger à S. Hussein de se retirer du Koweït mais aussi de l’affaiblir économiquement et financièrement avant une opération militaire ou avant qu’il n’utilise ses biens pour s’acheter des armes. Cet acte des Nations Unies rentrait dans le cadre de la logique de sa Charte qui recommande de mener des actions non militaires, avant toute action militaire, contre tout pays ayant menacé la paix et la stabilité du monde. L’ONU adoptera la résolution 661. Cette résolution obligeait à tous les Etats d’interrompre leurs relations commerciales avec l’Irak et leur ordonnait de bloquer les avoirs irakiens et koweitiens à l’étranger. Elle avait été votée à l’unanimité par les membres du Conseil à l’exception de Cuba et du Yémen qui s’étaient abstenus. Prés de trois semaines après l’adoption de cette résolution, plus précisément le 25 août 1990, pour faire respecter l’embargo et le boycott, le Conseil adopte une autre résolution (Résolution 665) autorisant la mise en place d’un blocus, c’est à dire l’usage de la force contre toute personne ou Etat qui violerait les sanctions. L’embargo et le boycott, qui frappait l’Irak, étaient totaux et portaient sur les domaines suivants : le domaine financier : avait pour but non seulement de bloquer les avoirs de l’Irak pour l’affaiblir financièrement mais aussi d’empêcher à Saddam Hussein de mettre la main sur les avoirs koweitiens ; le domaine pétrolier : les exportations irakiennes dépendaient à plus de 90% du pétrole. Donc on a cru que si on leur privait de ces exportations, cela les obligerait à se plier à la volonté de la Communauté internationale ; 170 le domaine alimentaire : on interdisait de livrer à l’Irak des céréales, fruits, légumes, viandes etc. L’objectif était d’affamer la population pour qu’elle se soulève contre le régime ; le domaine industriel : suspension des livraisons de pièces détachées nécessaires à la maintenance des usines irakiennes et des unités d’extractions de pétrole ; le domaine militaire : interdiction de livrer des équipements militaires à l’Irak. Selon M. H. Labbé, vers la fin de l’année 1990 début 1991, « les sanctions avaient interrompu plus de 90% des importations et plus de 97% des exportations [et] […] privaient Saddam Hussein de 1,5 milliard de dollars par mois »151. Malgré tout, à l’exception de la libération des otages occidentaux, les Nations Unies n’ont pas atteint leurs objectifs, à savoir : le retrait de l’Irak du Koweït et la restauration du gouvernement koweitien. Finalement, il a fallu l’intervention militaire du 17 janvier 1991 pour voir la réalisation de ces objectifs. A la fin de l’intervention militaire, la résolution 687 avait reconduit les sanctions contre l’Irak pour l’obliger à se désarmer et à stopper son programme nucléaire. Cette résolution était moins sévère que la précédente car elle « prévoyait un système complexe mais souple, pour la levée des sanctions. » Face aux images chocs de la situation alimentaire et sanitaire de la population irakienne, dans une tentative d’assouplir les sanctions, le Conseil de sécurité adopte la résolution 986 du 14 avril 1995 qui en principe permettait à l’Irak d’échanger du pétrole contre de la nourriture d’où l’appellation « Programme pétrole contre nourriture. » 151 87 Marie-Hélène LABBE, « L’arme économique sur les relations internationales », p. 171 Les sanctions économiques contre l’Irak, ont certes permis d’asphyxier son économie et d’affaiblir son armée, mais elles n’ont pas pu obliger Saddam Hussein de quitter le Koweït, provoquer un soulèvement populaire contre son régime ni même changer le comportement du raïs. Par contre, elles ont réussi à exacerber un sentiment d'injustice chez les musulmans et chez les arabes en particulier du fait de leurs effets sur la population irakienne qui a été très éprouvée. Aujourd’hui malgré la levée des sanctions économiques, l’opinion du monde musulman se sent plus que jamais humilié du fait de l’intervention américano- britannique en Irak en mars 2003, mais aussi de l’occupation qui n’est rien d’autre aux yeux des musulmans qu’un néocolonialisme. L’Irak est devenue aujourd’hui le principal front des islamistes radicaux. Et il est à craindre qu’elle devienne pour les EtatsUnis l’Afghanistan de l’URSS. Pour clore cette sous partie sur les implication de la guerre contre le terrorisme sur l’opinion musulmane, il faut noter que la situation en Tchétchénie a également fait naître chez bon nombre de musulmans un sentiment de mécontentement à l’égard de l’Occident bien que celui ci ne soit directement lié à cette affaire. Avant le 11 septembre, les musulmans reprochaient aux occidentaux de ne pas faire assez de précision sur la Russie pour mettre fin aux exactions de l’armée russe en Tchétchénie. Après le 11 septembre, ils leur reprochent (notamment aux Américains) d’avaliser la « brutalité » de Moscou à l’encontre des musulmans de la Tchétchénie au nom de la guerre contre le terrorisme. Depuis les événements du 11 septembre, revendication assumée publiquement ou non et rumeur indiquent l’état d’esprit de la rue arabe et musulmane où l’antiaméricanisme des masses met en difficulté les positions modérées des dirigeants, dont le seul souci est de durer avec 172 l’appui encombrant mais néanmoins indispensable des pays occidentaux et en particulier des Etats-Unis. II. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur les relations Etats-Unis/Régimes proaméricains Nous n’irons pas jusqu’à dire que le 11 septembre a totalement bouleversé les relations entre les Etats-Unis et ses amis du monde musulman, mais il est sûr qu’il les a remis en cause. Avec l’Arabie Saoudite, elles sont très tendues. L’Egypte conteste de plus en plus les décisions américaines : concernant l’Irak, le conflit israélo palestinien ou encore les projets américains au Moyen-Orient. Toutefois, certains pays, comme la Jordanie et le Pakistan, ont saisi l’occasion que leur offrait le 11 septembre pour renforcer ou pour améliorer leurs relations avec Washington. A. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur les relations Etats-Unis/Arabie Saoudite L’Arabie Saoudite entretient de bonnes relations avec les Américains et cela date de l’époque du président Franklin D. Roosevelt. Ces relations se sont renforcées avec la Guerre du Golfe dans les années 90. Mais depuis le 11 septembre 2001, elles sont très tendues. 1) L’historique des relations Etats-Unis/Arabie Saoudite L’Arabie Saoudite, dirigée par la famille Saoud, est une monarchie absolue dont les fondements reposent sur le Wahhabisme. Le Wahhabisme est une doctrine fondée par Abdul Wahhab (1720-1792), qui épousa une des filles de Mohamed ibn Saoud. Cette doctrine est censée être celle des "salafi" (successeurs de Mahomet), les plus 173 fantastiques conquérants de toute l'histoire humaine. La plupart des mouvements terroristes islamistes se réclament d’elle. Elle interdit la mixité, le cinéma, la musique et le tabac. Elle impose le port de la barbe aux hommes et celui du "djelbab" (voile recouvrant le corps et le visage), ou au moins de "l'abaya" (vêtement ample cachant les formes du corps), aux femmes. Tout ce qui s'oppose à cet islam, sévèrement codifié à partir d'une lecture littérale des textes coraniques, est considéré comme "bidâa" (invention humaine), et donc contraire à la charia (loi divine). Pour cette idéologie qui fonde aujourd'hui l'islam politique, la souveraineté populaire ne peut s'opposer à celle de Dieu, telle que définie par le Coran et la Sunna (ensemble de textes juridicoreligieux basés sur les actes et les paroles du Prophète). Au nom de cette conception de la société, la démocratie est "kofr" (péché) et les libertés illicites. La société doit être dirigée par un "majliss echoura" (conseil consultatif) composé d'oulémas (docteurs de la foi). L'islamisme ignore l'Etat-nation qu'il considère comme une hérésie et défend l’Oumma (communauté des croyants) telle qu'elle existait au temps du Prophète (PSL). Les Wahhabites prônent le "tahrib" (contrainte) pour imposer l’islam, tandis que les musulmans modérés sont pour l’"etabligh" (persuasion). En 1744, Mohamed Ibn Saoud et Mohamed Ibn Abdul Wahhab avaient signé un pacte. « Cet accord instituait une alliance entre les religieux et le pouvoir politique, mais établissait une séparation entre les affaires de l’Etat, dont la famille Saoud avait la charge, et la religion, laissée aux mains de l’establishment religieux »152. Ceci explique l’importance et l’influence du Wahhabisme dans le royaume. En dehors du Wahhabisme, l’Arabie Saoudite est réputée pour son « or noir ». En effet, le royaume est le premier exportateur mondial, et le 152 Cité par Alain GRESH, « Lendemain de "Victoire" : les grands écarts de l’Arabie Saoudite », MONDE DIPLOMATIQUE, juillet 2003, p. 16 et 17. 174 deuxième producteur de pétrole, après la Russie et devant les États-Unis. Il possède 25% des réserves mondiales de pétrole prouvé. C’est surtout grâce à ce pétrole qu’il a pu nouer des liens avec les Etats-Unis grand consommateur de la matière. Les bases de la relation Etats-Unis/Arabie Saoudite ont été jetées dans les années 40 entre le roi Ibn Saoud, fondateur du royaume dans les années 30 et le président américain, Franklin D. Roosevelt. A partir de là, se dessine une alliance à long terme, fondée sur de solides intérêts communs. Ibn Saoud compte sur les Etats-Unis pour protéger l’intégrité du royaume et, en contrepartie, les Etats-Unis pouvaient profiter de l’immensité des réserves saoudiennes pour assurer leurs approvisionnements. Toutefois, il serait malveillant de limiter l’alliance américano-saoudienne à un échange "sécurité contre pétrole". L’Arabie a occupé, durant toute la guerre froide, une place particulière dans le dispositif antisoviétique, finançant des mouvements aussi peu musulmans que l’UNITA en Angola ou la Contra au Nicaragua. Elle jouera un rôle pivot dans l’aide aux moudjahiddins afghans et contribuera grandement à la défaite de Moscou dans les années 1980. Mais l’effondrement de l’URSS a fait perdre à l’Arabie une partie de son rôle. Elle a également joué un grand rôle dans la tentative des occidentaux d’isoler le raïs égyptien Nasser dans les années 50 - 60, et dans celle des Américains d’isoler le régime islamiste iranien de Khomeiny. A l’époque du communisme, l’argent saoudien a servi à lutter, au sein des sociétés arabo-musulmanes, contre la montée en puissance des partis marxisants et autres mouvances nationalistes laïques tout au long des années 1950-1970153. En 1979, avec l’arrivée du régime islamiste de Khomeiny au pouvoir et l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique, américains et saoudiens ont estimé qu’ils était plus que jamais nécessaire de renforcer leur partenariat pour faire face à ces périls. 153 Cf. à l’ouvrage de Frédéric ENCEL et Olivier GUEZ, « La Grande Alliance de la Tchétchénie à l’Irak : un nouvel ordre mondial », p. 58 175 Selon Ali Laïdi, la politique étrangère des Etats-Unis dans le Golfe reposait sur ce qu’on a appelé la « Théorie des piliers »154. Le pilier politique en Iran et le pilier financier en Arabie Saoudite. Avec la chute du Shah d’Iran, le premier pilier avait cédé et en plus le nouveau régime était très hostile aux Américains. Washington se devait de revoir sa politique dans la région. L’arrivée de Khomeiny représentait également un danger pour le régime des Saoud. Khomeiny avait manifesté sa volonté d’exporter sa révolution islamique chiite155. Or autour des frontières de l’Arabie Saoudite sunnite, de fortes minorités chiites pouvaient se laisser gagner à la tutelle du grand frère persan, du Sud irakien à la pétromonarchie de Bahreïn en passant par les Zaïdites du Yémen156. Face à cette situation, l’Arabie Saoudite demande une meilleure protection des Etats-Unis. « Cette assistance est formalisée dans le cadre de l’US Central Command qui fait de la région une zone hautement stratégique pour les Etats-Unis. Dorénavant, le contrat entre Saoudiens et Américains est clair : les premiers se chargent de la sécurité militaire du royaume, tandis que les seconds doivent renforcer leur influence dans le monde arabo-musulman. Washington donne ainsi son aval à l’expansion du Wahhabisme. Objectif : contrer la concurrence religieuse des nouveaux maîtres de Téhéran grisés par le succès de leur révolution. Il est vrai que l’Iran est un challenger de taille. Le pays possède, lui aussi, une manne pétrolière qu’il peut mettre au service de son 154 Ali LAÏDI, « Le Jihad en Europe : les filières du terrorisme islamiste », p. 64 Le Chiisme est une branche minoritaire de l'Islam qui regroupe environ 10% des musulmans de par le monde. Les chiites sont issus d'une division survenue au VIIème siècle entre partisans d'Ali, cousin et gendre du Prophète, et partisans du Calife Mouawiya, le fondateur de la dynastie Omeyyade, qui n'avait aucun lien de parenté avec Mohammed. Les chiites estiment que la succession du Prophète doit légitimement être attribuée à un descendant de la lignée de Ali. Cinq pays arabes ont une partie importante de leur population qui se rattache à l'une ou l'autre des branches du Chiisme: l'Irak (+ 50 %, Duodécimains), Bahreïn (+ 50 %, Duodécimains), le Liban (25% environ, Duodécimains), Oman (60%, Kharijites) et le Yémen (55 % environ, Zaydites). Le chiisme est hérétique aux yeux des sunnites. 156 Cf. à l’ouvrage de Frédéric ENCEL et Olivier GUEZ, op. cit., p. 59 155 176 rayonnement extérieur »157. Pour contrer la concurrence de Téhéran, Riyad va investir, à travers le monde musulman, des milliards de dollars dans les mosquées, les organisations humanitaires islamiques, les mouvements politiques (islamistes) et autres. Les Saoudiens ont pratiqué « la politique du chéquier ; une politique à courte vue qui sèmera les graines de l’islamisme radical »158. En décembre 1979, l’URSS intervient en Afghanistan pour aider le régime communiste afghan à se maintenir au pouvoir. Chose qui n’a pas plu aux Etats-Unis. En guise de protestation, comme l’URSS importait une grande partie de son blé des Etats-Unis, les Américains décrètent un embargo contre elle. Malheureusement, cet embargo n’a pas réussi et s’est même répercutée sur les Etats-Unis. Ne pouvant pas intervenir directement dans l’affaire, les autorités américaines décident de se servir de l’Arabie Saoudite, mais aussi du Pakistan, pour monter et financer une rébellion contre les soviétiques. Le royaume wahhabite investira des millions de dollars dans le « djihad » qui a opposé les moudjahiddines afghans et les soviétiques. De nombreux ressortissants saoudiens participeront au conflit. Et c’est de là qu’est née Ben Laden qui, à la suite du retrait soviétique de l’Afghanistan, a jugé nécessaire avec ses compagnons de continuer le djihad qu’ils avaient commencé avec l’aide des Etats-Unis. Maintenant l’ennemi c’est l’Amérique qui s’est installé sur les « Lieux saints » de l’Islam, et le régime des Saoud qui a permis cette installation. Le déploiement en Arabie Saoudite d’environ 4 500 soldats américains après la guerre du Golfe de 1990-1991 a été très contesté par une partie de la population saoudienne et surtout par les islamistes radicaux. C’est cette présence militaire d’« infidèles sur les Lieux saints de l’Islam » qui a le plus poussé Ben Laden à mettre en place Al Qaïda. L’une des objectifs majeurs de l’organisation est de bouter les militaires américains 157 158 Ali LAÏDI, op. cit., p. 64 Ali LAÏDI, op. cit., p. 65 177 hors de l’Arabie Saoudite. C’est également cette présence militaire qui a coupé les liens entre Ben Laden et la famille royale et lui a valu la destitution de sa nationalité saoudienne. Critiquée verbalement au début, la présence américaine va être combattue violemment par les islamistes. Le 13 novembre 1995, un attentat est perpétré contre un immeuble de la Garde nationale saoudienne, abritant des conseillers militaires américains, à Riyad. Bilan de l’attaque 7 morts. L’année suivante, plus précisément le 27 juin 1996, un attentat à la voiture piégée frappe la base américaine d’El Khobar, prés de Dahran. Bilan environ 19 morts et plus de 500 blessés. Ce type d’action contre les Américains se poursuivra en Arabie Saoudite mais aussi dans certains pays arabes comme le Yémen et le Soudan. Comme vous l’avez constatez, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis, dans leurs relations de complicité, ont largement contribué au lancement et à l’éclosion des mouvements islamistes. Ces mouvements qu’ils manipulaient hier pour arriver à leur fin se sont aujourd’hui retournées contre eux et ont jeté le trouble dans leurs bonnes relations d’antan. 2) Les relations américano-saoudiennes depuis le 11 septembre : des relations houleuses Après les attentats du 11 septembre, le FBI a découvert que 15 des 19 pirates de l'air directement impliqués étaient d'origine saoudienne. Il a été découvert que l’argent qui servait à financer Al Qaïda provenait en grande partie du Royaume Wahhabite. Les services de renseignement américains ont découvert que de grandes personnalités du royaume (banquiers, hommes d’affaires etc.) finançaient le réseau de Ben Laden à travers des ONGI caritatives. Il semblerait également que des membres de la famille royale sont impliqués dans le financement d’Al Qaïda. 178 Depuis le 11 septembre et la découverte des liens entre Al Qaïda et l’Arabie, les Etats-Unis font une forte pression sur les Saoudiens pour qu’ils coopèrent dans la guerre contre le terrorisme, notamment dans la lutte financière. Ils leur demandent également de prendre des mesures vigoureuses contre les islamistes radicaux et ceux qui les soutiennent sur leur territoire [le territoire saoudien]. Il faut le reconnaître, cela n’est pas une simple affaire pour les Saoudiens car ils se trouvent devant un dilemme. Ils ont le choix entre soutenir pleinement les Etats-Unis dans leur lutte et s’aliéner leur opinion publique ; ou ne pas le faire et s’attirer la colère américaine. Pour le moment, les Etats-Unis estiment que l’Arabie ne coopère pas assez. Au mois de septembre 2001, l'Arabie a rejeté une demande des EtatsUnis d’utiliser leurs bases aériennes sur le sol saoudien pour mener des frappes contre les taliban et le réseau d’Oussama Ben Laden Al Qaïda. La coopération du régime des Saoud aux enquêtes sur les réseaux finançant Al Qaïda et à leur démantèlement a été jugée timide et manquant de conviction par Washington. Toutefois, selon Alain Gresh, les Saoudiens ont coopéré avec les Etats-Unis sur Al-Qaïda et, notamment, sur son financement, en conformité avec les différentes décisions de l’ONU. La preuve en est qu’un décret gouvernemental oblige désormais toutes les organisations caritatives saoudiennes à transmettre au ministère des affaires étrangères le détail de chaque intervention à l’étranger avant de l’entreprendre159. Comme dans l’affaire afghane, Riyad avait refusé que les bases américaines sur son territoire servent de rampe de lancement aux opérations en Irak. Mais d’après certaines personnes, les Saoudiens ont secrètement coopéré avec les Américains pour chasser Saddam Hussein du pouvoir. La base Prince Sultan a servi de centre de commandement de toutes les opérations aériennes et que parallèlement, des troupes d’élite se 159 Alain GRESH, « ARABIE SAOUDITE : Coup de froid sur les relations avec Washington », LE MONDE DIPLOMATIQUE, juin 2002, p. 14 179 sont installées sur les bases d’Arar et de Tabouk, dans le nord-ouest du pays, d’où elles ont accompli des missions à l’intérieur de l’Irak160. « Jamais nous n’aurions pu mener la guerre contre l’Irak comme nous l’avons fait sans l’aide de l’Arabie »161, commente un diplomate américain. Les attentats du 11 septembre ont beaucoup contribué à ternir l’image de l’Arabie Saoudite aux yeux de l’opinion publique américaine. Aujourd’hui certaines grandes personnalités de l’administration Bush estiment que l’Allié saoudien n’est plus digne de confiance et qu’on doit l’obliger, bon gré mal gré, à coopérer entièrement. Ayant vite compris que les attaques avaient terni ou allaient ternir son image, les autorités du royaume entreprirent des « opérations de charme ». Le prince Al-Walid Ben Talal, neveu du roi Fahd, avait proposé d’offrir 10 millions de dollars à la ville de New York, et plus précisément aux familles des secouristes emportés par l’écroulement des « Tours jumelles ». Le maire de New York, Rudolph Giuliani, avait refusé l’offre. Par la suite la famille royale avait entrepris d’acheter, par dizaines, des pleines pages dans les grands quotidiens américains (notamment Newyorkais) pour y rappeler la qualité de l’ancienneté des relations chaleureuses entre les sociétés saoudienne et américaine, et condamner encore les attentats162. Toujours dans l’optique de redorer son blason, l’Arabie Saoudite par l’intermédiaire de son prince héritier Abdallah avait proposé, en février 2002 lors d’un entretien accordé à une télévision américaine, un plan de paix israélo-palestinien. La proposition s'articulait autour d'une "normalisation complète" des relations entre Israël et les pays arabes, en échange d'un retrait des troupes israéliennes de tous les territoires 160 ibidem ibidem 162 Frédéric ENCEL et Olivier GUEZ, op. cit., p.74 161 180 palestiniens qu'elles occupent depuis 1967. Certains ont vu dans ce plan un moyen d’apaiser les esprits critiques américains de l'Arabie Saoudite et pour les empêcher de s'attaquer aux tensions intérieures du royaume. Pour être effective, l'initiative devait être avalisée par les membres de la Ligue arabe au Sommet de Beyrouth, les 27 et 28 mars 2002. Finalement, elle restera sans suite. Et c’était prévisible au vu de la réaction de certains pays arabes à l’annonce du plan. Les autorités égyptiennes considéraient l’initiative comme une simple conversation. La Libye avait elle offert sa propre proposition, censée être plus "globale et complète". Le Hezbollah par l’entremise de son leader, Mohammed Fadlallah, l’avait définit comme la soumission des Arabes. Enfin, la Syrie exigeait, pour l’accepter, la garantie que ses intérêts au Golan seraient protégés. Cette « offensive de charme » saoudienne avait atténué les critiques américaines mais n’avait pas fait disparaître les soupçons et la méfiance à l’égard du royaume. Certaines personnes à Washington affirmaient haut et fort que l’Arabie Saoudite ferait mieux de mener des réformes internes et de s’ouvrir à la démocratie pour une meilleure poursuite de ses relations avec le monde occidental en général. Une frange de la population saoudienne, notamment des opposants à la famille royale et certaines minorités du royaume, étaient favorables à l’idée. Les Etats-Unis ont également mis la pression sur certains de leurs alliés musulmans, comme l’Egypte, le Pakistan, la Jordanie etc., pour qu’ils coopèrent dans la guerre contre le terrorisme. En plus, comme avec l’Arabie Saoudite, Washington avait estimé qu’il était temps pour ces pays de s’ouvrir à la démocratie (même si on connaît le danger que cela représente pour eux dans certains pays comme le Pakistan par exemple). 181 B. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur les relations Etats-Unis/Autres régimes proaméricains et les desseins américains au Moyen-Orient depuis le 11 septembre Outre l’Arabie Saoudite, les relations des Etats-Unis avec certains de leurs alliés musulmans ont été bien affectées par les événements du 11 septembre : c’est le cas de l’Egypte par exemple. Toutefois certains pays ont su, par opportunisme ou par contrainte, profiter de l’occasion pour améliorer ou pour renforcer leurs relations avec Washington à leurs risques et périls : c’est le cas de la Jordanie et du Pakistan. Mais la Jordanie depuis quelques temps commence à élever la voix pour contester le projet américain de Grands Moyen-Orient (GMO). Projet faisant partie des desseins américains dans cette région pour s’attaquer aux conditions qui favorisent le terrorisme. 1) Les relations américaines avec les autres régimes proaméricains du monde musulman : Egypte, Jordanie et Pakistan a) Egypte/Etats-Unis : des relations éprouvées par la guerre anti-terroriste L’Egypte est l’un des Etats arabes les plus important, démographiquement parlant. C’est également l’un des Etats au MoyenOrient qui entretient le plus de bon rapport avec Washington mais aussi avec l’Etat hébreu. Il se présente comme un Etat musulman modéré et se targue d'être à l'avant-garde de la lutte contre l'islamisme extrémiste. En dehors d’Israël, le régime du président Moubarak est celui qui reçoit la plus forte aide financière américaine au monde. Il reçoit 2 milliards de dollars par an. Cette aide contribue énormément à la survie du régime. 182 Depuis le 11 septembre 2001, les relations entre les deux amis se trouvent éclipsées. Cela est plus dû à la divergence de point de vu sur certains grands dossiers proche-orientaux. Parmi eux : la question palestinienne, l’Irak et le projet du « Great Middle East » (Grand MoyenOrient ou GMO). Dans le dossier palestinien, l’Egypte est plus que concernée, non seulement par solidarité avec les Palestiniens, mais aussi pour des raisons de sécurité. Gaza se trouve à ses frontières et il faudra du doigté pour éviter des troubles potentiels. Pour ce qui est de l’Irak, l’Egypte s’était opposée à une action militaire contre le régime de Bagdad. Ce refus pouvait se comprendre pour quelques raisons : d’abord du fait que la presque totalité des pays musulmans était contre la guerre, ensuite parce que M. Moubarak ne voulait pas s’attirer la foudre de l’opinion publique égyptienne, et enfin parce que des ressortissants égyptiens travaillaient en Irak (même avec l’embargo) et constituaient un soutien financier non négligeable pour leurs familles en Egypte. N’ayant rien pu faire pour éviter la guerre, l'Egypte avait proposé le remplacement progressif des forces américaines en Iraq par d'autres arabes, africaines et asiatiques, comme forces de maintien de la paix sous la surveillance des Nations Unies et de la Ligue arabe. Cette proposition n’avait aucune chance d’aboutir. L’important pour M. Moubarak c’était de faire croire à son opinion publique mais aussi à celui du monde arabomusulman qu’il faisait tout son possible pour empêcher une occupation durable de l’Irak par les forces de la coalition américano-britannique. Les relations entre l’Egypte et les Etats-Unis, certes loin de ressembler à celles entre Américains et Saoudiens, ont été très éprouvées par les événements du 11 septembre. Actuellement, le président Moubarak revient peu à peu vers les Etats-Unis pour éviter toute friction mais aussi pour continuer à profiter des bonnes grâces de Washington à l’instar du 183 Pakistan et de la Jordanie qui ont magistralement su profiter de la guerre contre le terrorisme en se ranger derrière l’Amérique. b) La Jordanie et le Pakistan : deux pays qui ont su tirer profit de la guerre anti-terroriste 1. La Jordanie Répondant au nom officiel de Royaume hachémite de Jordanie, la Jordanie fut l'un des très rare États arabes, avec l'Egypte, à avoir conclu une paix avec l'Etat hébreu. Elle entretient de bonnes relations avec les Etats-Unis qui lui assure une importante part de son aide économique à l’instar de l’Egypte. Au début des années 90, lors de la Guerre du Golfe, le roi Hussein avait choisi de rester à l'écart de la coalition internationale. Il entendait ainsi prévenir une insurrection des Palestiniens de Jordanie (majoritaires dans le pays), favorables à Saddam Hussein. Par mesure de rétorsion, Washington avait supprimé l'essentiel des subsides versés au royaume, qui s'était enfoncé dans une crise économique sans précédent. A la suite des attaques du 11 septembre, le roi Abdallah II, né en 1962 et qui a succédé à son père le roi Hussein (mort en 1999), fut l’un des premiers dirigeants arabes à se rendre aux Etats-Unis pour présenter aux président Bush les condoléances du peuple jordanien et pour lui apporter son soutien dans la guerre contre le terrorisme qui se préparait. Le roi avait pris un certains nombre de mesures dans son royaume pour lutter contre les terroristes. Ces mesures furent très décriées par les ONG de défense des droits de l’Homme qui accusaient les autorités de vouloir asphyxier l’opposition politique et la ″presse libre″. 184 Au moment de la crise récente de l’Irak, le roi se trouvait dans une position très délicate. Sa population, majoritairement palestinienne, soutenait Bagdad. Economiquement, la Jordanie, dépendait à la fois des États-Unis mais aussi de l'Irak, son premier partenaire commercial. Finalement, la Jordanie s'est officiellement opposée à une attaque contre l'Irak, tout en accordant, selon certains observateurs, un appui discret aux Américains à l’instar des Saoudiens. Contrairement à son père (lors de la Guerre du Golfe) le roi Abdallah II s'est montré, cette fois, plus compréhensif envers les Américains. En échange de cette bonne volonté à hauts risques, les Etats-Unis avaient promis de débloquer une aide de 1 milliard de dollars163. 2. Le Pakistan Le fait que la plupart des réseaux terroristes ultra-violents se situent, ou se situaient, en Afghanistan et au Pakistan, est largement dû à un décalage historique de la guerre froide, à partir de l’instant où ces territoires ont été utilisés pour la lutte de Mohamed (PSL) contre Marx, c’est-à-dire les soutiens occidentaux à tous ces pays dans le but d’évacuer les troupes soviétiques de l’Afghanistan dans les années 80. Pour rappel, les Américains, à la suite de l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 s’étaient servis du Pakistan pour former les moudjahiddines afghans à combattre l’URSS. Washington comptait non seulement contrer le communisme mais aussi faire vivre à Moscou ce que qu’elle avait vécu au Vietnam. A l’époque, le Pakistan entretenait de très bonnes relations avec Washington. Après le retrait soviétique de l’Afghanistan en 1989, les relations américano-pakistanaises connurent un coup de froid à cause du nucléaire militaire pakistanais. Vers le milieu des années 90, grâce aux pétrodollars 163 Dominique LAGARDE et Tangi SALÜN, «Guerre d'Irak : le grand écart des régimes arabes», L'EXPRESS, le 3 avril 2003. Retrouvez l’article sur : http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/mondearabe/dossier.asp?ida=387693 185 saoudiens et sous l’oeil attentif des Américains, les services de renseignements pakistanais (ISI) formèrent et portèrent au pouvoir les Taliban. A la suite des attentats du 11 septembre, le Pakistan dont les relations n’étaient pas au beau fixe avec les États-Unis, en a largement profité pour s’attirer ses bonnes grâces. Le président Musharraf a accepté de coopérer dans la guerre contre le terrorisme au péril de son pouvoir. Il a pris un certain nombre de mesures très contestées par sa population largement anti-américaine164. Cette population, notamment les islamistes radicaux, considèrent aujourd’hui M. Musharraf comme un traître qui mérite d’être abattu. Pas moins de deux tentatives d’assassinats sur sa personne ont été tentées cette année et l’année dernière. En s'alliant avec les États-Unis, Islamabad a obtenu la levée de toutes les sanctions américaines, un effacement important de sa dette, la réduction des tarifs et des aides etc. Il n'empêche que peu d'investissements étrangers franchissent les frontières pakistanaises. Les Etats-Unis fond tout pour réchauffer les relations entre le Pakistan et l’Inde et ainsi éviter à Musharraf d’avoir à surveiller deux fronts : les islamistes radicaux dans son pays et l’Inde. En outre, la constitution pakistanaise (très contestée et contestable), adoptée récemment et qui a permis au général Musharraf d’être réélu, a été dénoncée du bout des lèvres par les Etats-Unis champion de la démocratie. Aujourd’hui, les Etats-Unis entretiennent de bonnes relations avec le général Musharraf. Et ils y ont tout intérêt car son éviction du pouvoir ou une défaite à une élection présidentielle pourrait profiter aux islamistes radicaux. Etant donné que le Pakistan est un Etat nucléaire, la prise du pouvoir par des islamistes représente un grand danger pour l’Occident et en particulier pour les Etats-Unis. Comme vous le savez, ces islamistes 164 Cf. Chapitre IV 186 ne portent pas dans leurs cœurs l’Amérique qu’ils accusent, à tort ou à raison, de combattre l’Islam. 2) Les desseins américains au Moyen-orient depuis le 11 septembre Depuis le 11 septembre, et même bien avant, les Etats-Unis ont pour objectifs au Moyen-Orient : d’instaurer la paix entre les pays arabes et Israël (en réglant le conflit israélo-palestinien), de préserver la sécurité et le bien-être d'Israël, d’assurer la libre circulation du pétrole du Golfe, d’endiguer les menaces que font peser l'Iran, l'Irak et la Libye, de lutter contre le terrorisme, d’enrayer la prolifération des armes de destruction massive, d’assurer l'accès des entreprises américaines à la région, enfin de promouvoir des régimes politiques et économiques plus ouverts ainsi que le respect des droits de l'homme. Pour ce qui est du règlement de la crise israélo-palestinienne, les EtatsUnis ont publié, en 2003, un document intitulé la "feuille de route". Ce document prévoit les mesures que les Israéliens et les Palestiniens doivent prendre pour parvenir à un règlement du conflit dans des délais impartis, sous les auspices du Quatuor, qui se compose, en outre des États-Unis, de l'Union européenne, de l'Organisation des Nations Unies et de la Fédération de Russie. Le règlement de ce conflit constitue un point central pour les Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme. S’ils veulent convaincre le monde musulman (que ce n’est pas l’islam qui est visée à travers cette lutte mais le terrorisme) et avoir leur soutien, ils doivent résoudre le problème 187 israélo-palestinien. Pourtant depuis des décennies, les Etats-Unis essayent tant bien que mal de le régler (Oslo, camp David etc.). Il est utile de savoir, même s’ils ont une grande influence sur l’Etat hébreu, ils ne peuvent pas leur obliger à faire une chose que ce dernier considère comme allant de sa survie. Ils peuvent faire pression sur l’Etat hébreu mais pas leur forcer la main. En dehors de la résolution du conflit israélo-palestinienne, les Etats-Unis estiment qu’il est nécessaire pour eux de s'attaquer aux racines économiques, sociales et politiques du terrorisme au Moyen-orient. A cette égard, Mme Rice déclarait : « Nous avons trop longtemps toléré l'oppression au nom de la stabilité. Trop de liens nous ont conduit à fermer les yeux sur les responsabilités des dirigeants. Soixante ans de soutien inconditionnel de la part des États-Unis ont nourri trop de frustrations, de sentiments refoulés, d'idéologies de la haine »165. Le 20 janvier 2004, dans son discours sur l'état de l'Union, George W. Bush synthétise : « Tant que le Proche-Orient demeurera la proie de la tyrannie, du désespoir et de la colère, il produira des hommes et des mouvements qui menaceront la sécurité de l'Amérique »166. C’est dans ce cadre que l’initiative GMO a été lancée. Lapidairement, le projet a pour objectif de pousser les pays moyen-orientaux à entamer des réformes, à adopter la bonne gouvernance et à s’ouvrir à la démocratie. Il a été très critiqué par les pays concernés qui y voient une pure ingérence de la part de Washington. Ces pays pensent que si des réformes doivent intervenir au Moyen-Orient c’est à eux d’en décider et non un intervenant extérieur. Le président Moubarak a pris la tête de la fronde anti-GMO et a enrôlé à ses côtés le roi Abdallah II de la Jordanie et le prince héritier d'Arabie Saoudite, Abdallah. Il s’est rendu dans les principales villes 165 Cité par François SOUDAN, « Rêve ou cauchemar ? », JAI, 14 mars 2004. Vous pouvez consulter l’article à l’adresse internet suivante : http://www.jeuneafrique.com/gabarits/articleJAI_online.asp?art_cle=LIN14034rve ouramehc0# 166 ibidem 188 européennes (Rome, Paris et Londres) pour dénoncer le projet. Il faut le dire, de nombreux pays Européens ne sont pas d’accord avec le projet. 189 CONCLUSION 190 Au début de notre travail, nous nous sommes posés deux questions à savoir si la guerre anti-terroriste produit les effets escomptés et si elle a eu des implications notables sur les relations Etats-Unis/Reste du monde, notamment avec les pays alliés et amis européens et du monde musulman ainsi qu’avec l’ancien adversaire la Russie. La guerre contre le terrorisme, à son lancement, avait pour objectifs d’empêcher toute attaque contre les Etats-Unis, leurs citoyens, leurs intérêts, leurs alliés et amis et d’ôter toute liberté d’action et de mouvement aux terroristes. Trois ans après son déclenchement, il est impossible d’affirmer que ces objectifs ont été atteints. Même si le territoire américain n’a plus été frappé depuis le 11 septembre, il en est tout autre pour leurs citoyens et leurs intérêts à l’extérieur. Leurs pays alliés et amis connaissent une recrudescence sans précédent d’actes terroristes. Ils sont en permanence en alerte et ceux qui ne sont pas encore frappés par les terroristes sont conscients que tôt ou tard ils devront y faire face. Ce n’est qu’une question de temps. Certes les Etats-Unis ont asséné un sérieux coup à Al Qaïda mais ce coup ressemble beaucoup plus à un coup sur une niche d’abeille ou sur une fourmilière qu’à un coup portant atteinte à la survie du terrorisme. En effet, on remarque qu’aujourd’hui, les organisations terroristes sont plus que jamais nombreuses et sont présentes un peu partout dans le monde. Elles s’autogérent et décident de leurs propres emplois du temps. Elles n’ont plus de base centrale, plus de connexion entre eux, et ont des structures très réduites et impossibles à cerner. Elles sont devenues de véritables électrons libres. Et cela rend impossible leur appréhension et met la planète entière en danger du fait que chaque groupe aura désormais ses propres objectifs qui dans certains cas risquent de côtoyer le ridicule. 191 La guerre anti-terroriste, au lieu de neutraliser le terrorisme ou au moins de l’atténuer, a largement contribué à son éclosion. Ce dernier affiche aujourd'hui une capacité de nuisance de plus en plus importante. Cela est en partie lié à l'intervention américaine en Irak. Ce pays est devenu le front des terroristes islamistes et son occupation par les forces américaines est devenue l’un de leurs tremplins favoris pour justifier leur barbarie à travers le monde (comme en Espagne). En bref, les Etats-Unis se voient aujourd’hui engagés dans une véritable escalade de violence dans laquelle ils ont entraîné des pays qui ne l’ont certainement pas voulu. En réponse à notre deuxième question, à savoir si la guerre anti-terroriste a eu des implications notables sur les relations entre les Etats-Unis et le reste du monde, nous répondrons par l’affirmative. En effet, cette guerre a mis au grand jour les divergences entre Américains et Européens mais aussi entre Européens. Elle a fait de la Russie un partenaire et un interlocuteur privilégié des Etats-Unis notamment en ce qui concerne les questions de sécurité internationale. Enfin, dans le monde musulman, les populations sont plus que jamais anti-occidentales ; l’Arabie Saoudite s’éloigne de plus en plus de l’Amérique et connaît une insécurité notable tandis que le Pakistan renoue avec elle en risquant sa stabilité. L’Egypte, le principal allié américain du monde musulman, conteste de plus en plus les décisions de Washington. Nous pensons qu'il y a plusieurs leçons à tirer de cette guerre antiterroriste, et la principale en est la suivante : tant qu'il y a des problèmes urgents assez graves dont souffre une grande partie de l'humanité, qui ne sont pas résolus ou bien ne sont pas discutés, débattus et collectivement réglés, il est certain que nous allons voir arriver dans l'avenir des expressions violentes comme celles du 11 septembre. Il y a dans le monde actuel trop de problèmes, extrêmement complexes et urgents qui 192 n'arrivent pas à attirer l'attention des autorités publiques nationales et internationales et qui risquent d'être pris en charge par des organisations à travers des actes de violence, lesquels constitueront un facteur aggravant qui pourrait mettre en péril la paix et la stabilité dans le monde. Ces problèmes sont : la pauvreté et l’absence de démocratie dans de nombreux pays. C’est aussi, comme l’a si bien constaté Ibn Warraq, « les déséquilibres profonds provoqués par le libéralisme sauvage dans ce monde globalisé qui multiplie les exclusions, aggrave les injustices et cautionne l’absolutisme. Ce sont également les politiques agressives et les humiliations répétées ciblant le monde musulman, justifiées et mises en avant par les néo-conservateurs de la Maison Blanche »167. La pauvreté ne saurait certes pas justifier le terrorisme mais les terroristes peuvent l’exploiter pour gagner le soutien des populations. C’est un terrain fertile pour leurs idéologies. En Algérie par exemple, les islamistes du FIS ont exploité la misère de la population et l’absence de l’Etat pour gagner la ferveur des jeunes chômeurs algériens et des chefs de familles désespérés. Au Pakistan, les familles pauvres, qui n’ont pas les moyens de nourrir, de vêtir leurs enfants et de leur assurer une éducation minimale, les envoient étudier dans des madrassas où on leur offre le gîte et le couvert, ainsi qu’un endoctrinement religieux ; ce qui explique en grande partie le développement de ces madrassas et leur mainmise sur la jeunesse168. A l’heure actuelle, il serait une erreur de croire que la guerre contre le terrorisme est une affaire exclusivement américaine. Aucun pays n’est à l’abri des attaques terroristes. Même si l’Amérique a agis de manière unilatérale, à notre avis, il serait dangereux pour le monde entier de ne pas réagir. Nous devons marcher avec les Américains et non derrière eux. 167 Ibn WARRAQ, « Contre l’islamisme militant », POLITIQUE INTERNATIONALE, n° 95 - printemps 2002. Vous pouvez voir cette article à l’adresse Internet suivante : http://www.politiqueinternationale.com/PI_PSO/fram_revpde_re_0795.htm 168 ibidem 193 Et l’Amérique de son côté doit comprendre qu’elle ne peut pas à elle seule venir à bout du terrorisme international et que son unilatéralisme ne contribuera qu’à creuser le fossé avec ses alliés et amis. Elle doit aussi comprendre que c’est pas elle en tant que telle qui est rejetée et condamnée par le monde musulman mais sa politique extérieure. Maintenant qu’elle est dans l’impasse en Irak, peut être elle repensera à sa stratégie de lutte anti-terroriste et y intégrera les pays avec lesquels elle partage le même combat. 194 DOCUMENTS ANNEXES 195 ANNEXE I Un homme et un réseau terroriste mondial (Article du New York Times du 14 janvier 2001 de Stephen Engelberg) L'article ci-après est le premier d'une série d'articles intitulée « Guerriers du djihad » publiée par le New York Times les 14, 15 et 16 janvier 2001. Cet article-ci se fonde sur une enquête menée par Craig Pyes, Judith Miller et Stephen Engelberg, et a été rédigé par M. Engelberg. Guerriers du djihad Premier d'une série de trois articles : Un réseau terroriste L'article qui suit est basé sur un reportage de Craig Pyes, de Judith Miller et de Stephen Engelberg, et a été rédigé par M. Engelberg. « Le temps est venu de lancer un djihad mondial ! » déclare Oussama Ben Laden, en 1987, à ses amis. Après avoir passé plusieurs années à entraîner des volontaires arabes à guerroyer contre l'armée soviétique pour la chasser d'Afghanistan, il a, dès cette année-là, le projet de mener une guerre sainte islamique contre les gouvernements laïcs corrompus du Moyen-Orient musulman et contre les puissances occidentales qui les soutiennent. Ce milliardaire saoudien va alors commencer à accueillir et former, dans ses camps d'entraînement afghans, des militants islamistes du monde entier - jusque-là préoccupés seulement d'objectifs locaux dans le but d'en faire un réseau mondial chargé de replacer tous les musulmans sous le règne d'une version militante de la loi islamique. 196 Certains de ses compagnons d'armes sont sceptiques et lui disent que son but est hors d'atteinte. « J'ai discuté un jour avec Oussama et je lui ai demandé ce qu'il voulait faire », se souvient Abdoullah Anas, un Algérien qui a combattu en Afghanistan à l'époque et a donné une des rares descriptions personnelles que l'on ait de la formation donnée par l'organisation de M. Ben Laden. « Je lui ai dit : 'Imaginez un Malais qui rentre dans son pays au bout de cinq ans. Comment pourra-t-il ne pas oublier que vous êtes son chef ? Il se mariera, aura des enfants et travaillera dans son pays. Comment pouvez-vous créer un camp pour un djihad mondial ? ». Mais, comme d'autres incrédules, il a été le témoin de la façon dont M. Ben Laden - aujourd'hui le suspect de terrorisme le plus recherché par l'Amérique - a engagé la réalisation de son projet. Son récit, corroboré par d'autres témoignages et par les renseignements recueillis par les polices et services secrets des États-Unis et de pays du Moyen-Orient et d'Europe, nous donne une idée très concrète de la naissance d'un mouvement moderne de guerre sainte, avec nombre de détails inédits. Ce qui a commencé comme une guerre sainte contre l'Union soviétique a pris, selon M. Anas, une nouvelle dimension lorsque M. Ben Laden s'est émancipé et a créé un nouveau mouvement islamiste dont les ambitions allaient bien au-delà de l'Afghanistan. À partir de ses camps afghans, M. Ben Laden a créé et continue de développer un réseau terroriste islamiste qui, selon les responsables américains, non seulement conduit ses propres opérations mais encore forme et soutient les militants de divers pays, reliant les opérations locales pour en faire une croisade mondiale. L'un de ses nombreux noms de code, l'Entrepreneur, évoque bien sa stratégie. Le groupe qu'il a fondé il y a 13 ans, Al-Qaïda, nom arabe signifiant « La Base », est dirigé par des tacticiens hors pair qui adaptent 197 leur action aux conditions du moment, tantôt enseignant la technique des explosifs, tantôt envoyant leurs propres agents, tantôt suivant simplement leur inspiration. Ce groupe est devenu la référence pour ses islamistes malais, algériens, philippins, palestiniens, égyptiens et même américains qui voient les États-Unis, puissance impériale soutenant Ce des gouvernements athées et corrompus, comme leur principal ennemi. M. Ben Laden a multiplié les efforts pour fédérer en un seul mouvement des groupes qu'ont longtemps opposés divergences doctrinales et diversité ethnique et géographique. « Leurs actions sont commandées par des objectifs politiques locaux, mais sous-tendues par une vision commune, explique Robert Blitzer, ancien responsable de l'antiterrorisme au FBI. C'est une affaire mondiale. C'est : 'Nous voulons être là et compter dans une centaine d'années. » Selon les recherches récentes de la CIA, le mouvement Al-Qaïda dirige une douzaine de camps d'entraînement en Afghanistan, qui ont déjà permis la formation de quelque 5.000 militants, aujourd'hui installés dans une cinquantaine de pays où ils ont créé chacun leur cellule. Selon des responsables de services secrets le groupe expérimente des armes chimiques, notamment des gaz neurotoxiques, dans l'un de ces camps. M. Ben Laden et ses partisans s'appuient sur des interprétations séculaires du Coran pour justifier la violence au nom de Dieu, même contre des coreligionnaires et des passants - vision extrémiste de l'une des religions les plus répandues dans le monde. Mais les moyens qu'ils utilisent sont, eux, tout à fait modernes : courrier électronique crypté, CD-ROM où sont exposées des méthodes de fabrication de bombes, liaisons satellitaires entre téléphones portables. 198 Selon des enquêteurs de la police judiciaire américaine, le groupe planifie ses attentats des mois voire des années à l'avance. Un ancien sergent de l'armée américaine, Ali A. Mohamed - qui a travaillé pour M. Ben Laden et est aujourd'hui un témoin à charge - a expliqué au procureur qui l'interrogeait comment Al-Qaïda apprend à ses agents « planqués », ou « sous-marins », à vivre au sein de la population sans se faire remarquer. M. Ben Laden est loin d'avoir atteint ses buts ultimes : il n'a pas augmenté le nombre des musulmans respectant la loi islamique, il n'a renversé aucun des gouvernements arabes qu'il vise et n'a pas chassé les États-Unis du Moyen-Orient. En outre, sa violence, qui rebute de nombreux croyants, a provoqué de sévères répressions dans les États arabes où les libertés politiques étaient déjà restreintes. Mais, avec le noyau de son organisation, il constitue une grave préoccupation pour les autorités américaines, car il est capable de paralyser des ambassades, de contrecarrer des projets d'exercices militaires et d'inquiéter les Américains se trouvant à l'étranger et de mettre en danger leur sécurité. Au début de janvier 2001, les États-Unis ont dû fermer pendant près de deux jours leur ambassade à Rome, en raison d'un risque d'attentat découvert par les services secrets. Les autorités américaines accusent M. Ben Laden d'avoir commandité les attentats de 1998 contre deux de leurs ambassades en Afrique - qui ont fait plus de 200 morts - et le suspectent d'être impliqué dans l'attentat d'octobre dernier contre le destroyer « U.S.S. Cole » au Yémen, qui a tué 17 marins. Quatre hommes ont comparu à partir de janvier 2001 pour les attentats en Afrique devant un tribunal de New York. Les autorités américaines examinent par ailleurs le rôle d'Al-Qaïda dans trois projets d'attentats prévus pour les fêtes du millénaire en 1999 : 199 contre un autre navire de la flotte américaine - une première dans l'histoire récente - et contre des sites touristiques et un hôtel en Jordanie. Plus récemment, le groupe de M. Ben Laden a tenté des opérations contre Israël, un tournant dans sa stratégie, selon des responsables américains et moyen-orientaux. Ceux-ci notent qu'il a assuré la survie de son organisation, au cas où il serait arrêté ou bien qu'il mourrait, en désignant comme successeur son collaborateur de longue date, Abdoul-Aziz Abou Sitta, un Egyptien connu sous le nom de Mouhammad Atef ou Abou Hoffs Al-Masri, dont la fille a, selon Al Djazira, chaîne de télévision arabe diffusée par satellite, épousé son fils au début de janvier 2001, à Kandahar, en Afghanistan. « Nous espérons vivement réussir à l'arrêter, mais ce ne sera qu'une étape. Il nous restera beaucoup à faire pour éradiquer le réseau de ses organisations », a déclaré Richard Clarke, responsable de la lutte antiterroriste à la Maison-Blanche. La cause de la guerre afghane attire de jeunes combattants arabes Al-Qaïda a pour origine le djihad prêché par des intellectuels musulmans contre l'armée soviétique qui avait envahi l'Afghanistan en 1979. Ces hommes ont publié des ordonnances religieuses (des « fatwas ») exhortant les musulmans, où qu'ils soient, à défendre contre les infidèles la terre musulmane de ce pays. Dans les années qui ont suivi, plusieurs milliers de jeunes arabes ont rejoint les rangs de la résistance afghane. L'un des premiers à avoir répondu à cet appel à la guerre sainte a été un jeune Algérien, du nom de Boujema Bounouar, qui devait prendre pour nom de guerre Abdoullah Anas. Dans de récentes interviews accordées à Londres, où il habite aujourd'hui, celui-ci a raconté comment M. Ben 200 Laden est allé en Afghanistan pour combattre les Soviétiques et a été attiré vers un groupe d'Egyptiens qui voulaient lancer un djihad mondial. M. Anas, qui est aujourd'hui chef d'un parti politique islamiste algérien, n'est pas un observateur impartial. Il affirme s'être opposé à M. Ben Laden, dont le programme terroriste a, selon lui, terni la réputation de milliers d'Arabes qui se sont battus honorablement pour la cause afghane. Mais son récit de témoin direct, corroboré par les renseignements obtenus par les services secrets occidentaux, est l'un des rares à décrire comment M. Ben Laden est devenu responsable d'un mouvement islamiste. De nombreux éléments rapprochaient ces deux hommes. M. Anas a raconté son itinéraire d'enseignant du Coran devenu militant du djihad en 1984, alors qu'il avait 25 ans et qu'il vivait avec sa famille dans l'ouest de l'Algérie. À la bibliothèque locale, il lut, dans un hebdomadaire, un article commentant une fatwa selon laquelle faire la guerre aux Soviétiques était le devoir de tout musulman. « Au bout de quelques jours, se souvient-il, tout le monde avait entendu parler de cette fatwa et commençait à se poser des questions : 'Où donc est l'Afghanistan ? Quel est ce peuple ? Comment pouvons-nous aller làbas ? Combien coûte le billet ? ». Cette année-là, il se retrouve dans la foule des musulmans qui participent au Hadj, le pèlerinage annuel à la Mecque, en Arabie Saoudite. « Vous vous sentez sanctifié, explique- t-il. Vous êtes entouré de musulmans du monde entier, du Zimbabwe à New Delhi. Chacun porte deux simples vêtements de coton blanc. Tout le monde est ainsi vêtu. Vous ne pouvez pas savoir qui est ministre, qui est président. Pas de bijoux, pas de beaux costumes. » A la Mecque, les chefs de prière parlent avec émotion du djihad en Afghanistan. 201 Il se trouve, raconte-t-il, sur l'esplanade de marbre de la Grande Mosquée au milieu de 50.000 autres pèlerins lorsqu'un ami lui désigne un intellectuel palestinien radical, du nom de Abdoullah Azzam, qui est en train d'organiser le soutien arabe aux Afghans et dont les écrits, qui vont susciter le renouveau du djihad au XXe siècle, commencent à faire parler d'eux. M. Anas se présente à lui et lui demande si l'article du magazine qu'il lu à la bibliothèque est exact : « - Les chefs religieux sont-ils tous d'accord pour dire que combattre en Afghanistan est un devoir pour tous les musulmans ? « - Oui, répond l'autre, c'est vrai ! « - Bon, d'accord, dis-je. Et si je veux partir en Afghanistan, qu'est-ce que je dois faire maintenant ? » M. Azzam lui donne sa carte de visite. Il y figure un numéro de téléphone à Islamabad, au Pakistan, où il est professeur d'université. Une semaine plus tard, M. Anas est à bord d'un avion l'emmenant d'Arabie Saoudite au Pakistan. Il n'a aucune idée de l'endroit où il va, ni de ce qu'il va y faire. En arrivant, il compose le seul numéro de téléphone qu'il connaisse au Pakistan et parle avec M. Azzam, qui lui offre de l'héberger à son domicile, un lieu de rendez-vous animé, fréquenté par des étudiants et des intellectuels. C'est là qu'il aperçoit pour la première fois la plus jeune des filles de M. Azzam, qu'il épousera cinq ans plus tard. M. Azzam lui présente un visiteur saoudien qui s'identifie à la façon arabe traditionnelle, comme Abou Abdoullah, c'est-à-dire le père d'Abdoullah, son fils aîné. C'était Oussama Ben Laden. Les deux hommes échangent quelques banalités. Le nom de M. Ben Laden est bien connu. Il est présenté comme le plus jeune de 24 frères d'une famille qui dirige l'une des plus importantes entreprises de travaux 202 publics du monde arabe. M. Ben Laden n'apparaît pas différent des autres volontaires arabes qui commencent à arriver au Pakistan, se souvient M. Anas. La conversation porte sur la façon dont les volontaires peuvent aider les Afghans à gagner leur djihad et la façon dont ils peuvent leur en apprendre davantage sur l'Islam. Dans le conflit afghan, les forces soviétiques disposent à ce moment-là d'un atout décisif : la puissance de feu de leurs hélicoptères qui leur donne la maîtrise de l'espace aérien tandis que leurs troupes au sol tiennent les grands axes routiers. Mais les rebelles ont de puissants amis. Les États-Unis et l'Arabie Saoudite dépensent des millions pour fournir des armes aux Afghans par le canal des services secrets pakistanais. M. Anas commence par enseigner le Coran aux rebelles afghans, qui ne comprennent pas l'arabe et apprennent les versets par cœur, sans les comprendre. Il dirige par ailleurs les prières dans une « maison des hôtes » créée par des volontaires arabes. À l'époque, il n'y a, selon lui, dans le pays, guère plus de quelques dizaines d'Arabes épaulant les rebelles. Pas un ne connaît la moindre des langues parlées en Afghanistan. Au bout de quelques mois, M. Anas part à pied pour l'Afghanistan afin de rejoindre une unité combattante. Il l'est l'un des trois Arabes qui se déplacent au sein d'une colonne de 600 soldats afghans. Il apprend le farsi et adopte un rôle de médiateur, se déplaçant d'un camp de combattants rebelles à l'autre. Il passe l'essentiel de son temps, chaque année, en Afghanistan. Il devient un proche collaborateur du Commandant Ahmed Shah Massoud - dont les troupes contrôlent à l'époque le nord de l'Afghanistan et disputent aujourd'hui le pouvoir aux taliban - qui soutiennent M. Ben Laden. 203 Comme beaucoup de musulmans qui ont rejoint les rebelles, M. Anas s'attend à mourir dans le djihad afghan et à mériter le sort réservé, selon le Coran, aux martyrs, dont les péchés sont pardonnés et qui vont au Paradis où ils jouissent de la présence de belles jeunes femmes. « Devenir un sahid ou un martyr n'était ma préoccupation principale mais, reconnaît-il, cela faisait partie de mon projet. » Selon les services secrets américains et moyen-orientaux, c'est vers le milieu des années 80 que M. Ben Laden s'installe à Peshawar, ville du Pakistan proche de la frontière afghane, qui sert à l'époque de base arrière pour la lutte contre les soviétiques et où les officiers de renseignement américains, français et pakistanais intriguent et se concurrencent, cherchant à manipuler la cause afghane chacun à l'avantage de son pays. Dans ce milieu, la fortune de M. Ben Laden, plusieurs centaines de millions de dollars, lui assure un succès immédiat. « Il n'était que l'un de ceux venus faire le djihad en Afghanistan, poursuit M. Anas, mais, contrairement aux autres, il avait beaucoup d'argent. Ce n'est pas un spécialiste de la politique ni de l'organisation, mais c'est un activiste à l'imagination féconde. Il mange et dort très peu. Il est très généreux : pour un peu, il vous donnerait ses vêtements, son argent. » Toujours selon M. Anas, qui revient tous les ans des champs de bataille afghans pour rendre visite à M. Azzam au Pakistan, M. Ben Laden a d'abord dormi dans la maison des hôtes de ce dernier, à Peshawar, sur un coussin posé à même le plancher et, rapporte M. Anas, M. Azzam aimait dire : « Vous voyez cet homme ? Il a tout ce qu'il lui faut dans son pays, mais ici, il vit dans cette pièce au milieu des pauvres ! » C'est en 1984 que M. Azzam créé l'organisation qui va jouer un rôle décisif dans le déclenchement du djihad mondial au cours de la décennie suivante. Il l'appelle le Makhtab al Khadimat, en français « le Bureau des 204 Services ». Son but est de recruter et entraîner des volontaires musulmans pour le front afghan. Il récolte des fonds pour son organisation dans des pays étrangers, jusqu'aux États-Unis, et fait des discours enflammés pour défendre la cause afghane. M. Ben Laden adhère à l'idée dès le début et devient l'un de ses collaborateurs, lui apportant son soutien financier et s'occupant des affaires militaires. M. Ben Laden travaille avec des petits groupes, poursuit M. Anas. « Lorsque vous êtes assis auprès d'Oussama, vous n'avez pas envie de quitter la réunion. Vous voulez poursuivre la discussion avec lui, car il est très calme et très éloquent. » L'un des grands objectifs du Bureau des Services est alors, toujours selon M. Anas, d'empêcher les volontaires, qui arrivent d'ailleurs en nombre croissant, de prendre parti dans les luttes entre factions rebelles. « Nous sommes en Afghanistan pour aider le djihad et l'ensemble du peuple afghan », répète alors M. Azzam. Mais de nombreux jeunes musulmans, préoccupés du sort de leur propre pays, sont de plus en plus insatisfaits de réserver l'action du Bureau des Services à la cause afghane. Certains contactent M. Ben Laden et, rapporte M. Anas, lui suggèrent de « ne pas rester avec Abdoullah Azzam qui ne parle que de l'Afghanistan et ne veut rien faire contre les régimes au pouvoir en Arabie Saoudite, en Égypte ou en Algérie. Ces gens, poursuit M. Anas, répétaient à Oussama : 'Vous devriez créer quelque chose, proposer une orientation claire à tous ces gens-là pour d'autres guerres après celle de l'Afghanistan. ». Parmi les plus assidus auprès de M. Ben Laden, se trouve un groupe d'Egyptiens radicaux, portant le nom de Djihad islamique égyptien, qui a participé à l'assassinat du président Anouar el-Sadate en 1981 et dont le programme est le renversement des gouvernements par le terrorisme et la 205 violence. L'une des figures de proue de ce groupe, le Docteur Ayman alZawahiri, qui s'est réfugié en Afghanistan va, d'après M. Anas et les services secrets occidentaux, avoir une influence décisive sur l'évolution de M. Ben Laden. Il ferait aujourd'hui, selon certains services secrets, partie de la direction d'Al-Qaïda. M. Azzam, lui, a d'âpres disputes avec ces Egyptiens. M. Anas raconte qu'il a, un jour, été témoin d'une vive querelle entre M. Azzam et le Cheikh Omar Abdel Rahman, un intellectuel religieux radical, qui défendait l'idée que le mépris de la loi islamique manifesté par des gens comme le président pakistanais Mohammed Zia ul-Haq et le président égyptien Hosni Moubarak faisait d'eux des infidèles que l'on était en droit d'assassiner. Ce Cheikh s'est ultérieurement installé à Brooklyn, où il s'est associé à une antenne du Bureau des Services. En 1995 il a été condamné pour participation à des tentatives d'attentats visant à détruire des immeubles de New York. C'est en 1986, selon M. Anas, que M. Ben Laden a commencé à suivre sa propre route, information que confirment des responsables de services secrets moyen-orientaux. Il créé son propre camp d'entraînement - qu'il appelle Al Masadah, l'Antre du lion - pour un groupe d'une cinquantaine d'Arabes du golfe Persique qui vivent dans des tentes dressées à l'écart de celles des autres combattants afghans. En à peine plus d'un an, la scission du mouvement est consommée : M. Ben Laden et les Egyptiens ont fondé Al-Qaïda, en français la Base, pour ce qu'ils espèrent être une croisade mondiale. M. Azzam confie alors à M. Anas, toujours selon ce dernier, que les idéologues égyptiens ont courtisé M. Ben Laden pour avoir accès à ses moyens financiers. « Un jour, il m'a confié : 'Je suis très contrarié au sujet d'Oussama. Cet homme est un ange envoyé par le ciel, mais je suis 206 inquiet pour son avenir s'il reste avec ces gens-là. » Mais les différends entre ces deux hommes étaient essentiellement tactiques, indique M. Anas qui note que les deux hommes restaient amis. Ennemi juré d'Israël, M. Azzam pensait que les combattants arabes devaient centrer leur action sur la création d'un État islamique en Afghanistan, ce qui pouvait demander des dizaines d'années. M. Ben Laden, lui, s'était, selon M. Anas, laissé convaincre que la guerre pouvait être menée dans plusieurs pays en même temps. « Ce débat était très secret, poursuit M Anas. À l'époque, trois ou quatre personnes seulement étaient au courant. » M. Azzam voyait peu de différence entre les États-Unis et l'Union soviétique et affirmait dans ses articles et ses discours que tous deux étaient des ennemis de l'Islam, mais, selon M. Anas, il était opposé à l'utilisation du terrorisme contre l'Occident. À la fin des années 80, Peshawar est devenu un centre d'attraction pour les jeunes musulmans mécontents qui partagent les vues de M. Ben Laden. À ce moment-là, se souvient M. Anas, « dix personnes ouvraient une maison d'accueil et commençaient à prononcer des fatwas, proclamaient :'Nous allons faire la révolution en Jordanie, en Égypte, en Syrie !', mais n'avaient aucun contact avec le vrai djihad qui se déroulait en Afghanistan. » Pendant ce temps, le rapport des forces se renversait en Afghanistan, les missiles Stinger, fournis dans le cadre d'un programme secret américain, obligeant l'aviation soviétique à ne survoler les champs de bataille que de très haut. C'était devenu une sorte de Viêt-Nam pour Moscou. En février 1989, les Soviétiques s'étaient retirés. Selon un responsable de la CIA, celle-ci avait conscience du changement de nature du djihad et pris des mesures pour contrer cette menace, 207 mesures que toutefois ce responsable n'a pas voulu préciser. Mais cette affirmation est contredite par Milt Bearden, qui était à l'époque responsable du bureau d'Islamabad de la CIA et, à ce titre, coordonnateur des efforts antisoviétiques de l'Agence en Afghanistan. Selon lui, « l'Union soviétique, armée jusqu'aux dents, s'écroulait et une guerre se déclenchait dans le golfe Persique. Bref, l'Afghanistan n'était plus une priorité. » La guerre s'est terminée « et nous avons décampé ». La lutte des rebelles afghans ne s'arrête pas pour autant. Ils s'en prennent d'abord au gouvernement prosoviétique resté en place, puis se déchirent entre eux. Le 24 novembre 1989, M. Azzam et deux de ses fils sont tués à Peshawar par l'explosion d'une voiture piégée, alors qu'ils se rendaient à la prière du vendredi, un attentat qui n'a pas été élucidé. M. Anas affirme qu'il a alors tenté de prendre la direction du Bureau des Services. Selon la CIA, le groupe s'est scindé ; la faction extrémiste l'a emporté et s'est rangée aux côtés de M. Ben Laden. « Ils aimaient les idées d'Oussama et la personne d'Abdoullah Azzam, mais, raconte M. Anas avec nostalgie, ils ne m'aimaient pas. » La Base : de nombreux pays réunis sous une même bannière Enflammés par leur victoire sur les Soviétiques, les Arabes qui avaient combattu en Afghanistan rentraient chez eux, animés du désir d'appliquer chacun les principes du djihad à son pays. Le Coran fixe des règles strictes sur le moment et la façon d'engager une guerre sainte. Mais, selon Gilles Kepel, grand spécialiste français de l'Islam contemporain, les anciens combattants de l'Afghanistan se fondaient sur une interprétation radicale des textes sacrés de l'islam. « Intoxiqués par la victoire musulmane en Afghanistan, écrit-il, ils ont 208 cru qu'ils pouvaient la reproduire partout ailleurs et que le monde entier était mûr pour le djihad, ce qui est contraire à la tradition islamique. » Ils se sont appelés les Afghans arabes. En Jordanie, ils ont fondé un groupe, Djaich Mouhammad, dont le but, selon ses responsables, était d'abattre le roi Hussein, dont la famille s'honore de descendre du Prophète Mahomet. En Algérie, ils ont participé à la création du Groupe islamique armé (le GIA), le plus radical des groupes islamistes qui sont apparus après l'annulation des élections, en 1991, par le pouvoir militaire. Le GIA a commencé par des attentats contre des cibles militaires, puis s'est lancé dans des tueries de civils algériens n'adhérant pas au djihad. Selon M. Anas, un Algérien qui avait combattu avec lui en Afghanistan et avait rejoint Al-Qaïda à la fin des années 80 faisait partie des fondateurs du GIA. M. Anas a affirmé avoir été informé que M. Ben Laden avait fourni une partie de l'argent ayant financé le GIA à ses débuts. Le début des années 90 est une période difficile pour M. Ben Laden. Il est furieux que le roi Fahd ait laissé des troupes américaines mener la guerre du Golfe à partir d'une base installée en Arabie Saoudite, terre de deux lieux saints, les plus sacrés de l'islam. Sa colère est dirigée contre les États-Unis et le pouvoir saoudien et, avant la fin du conflit, il s'est réinstallé en Afghanistan. Ce nouveau séjour va être bref. Quelques mois plus tard il quitte le pays, disant à ses associés que l'Arabie Saoudite a ordonné aux services secrets pakistanais de le supprimer. On ne possède aucune confirmation de l'existence d'un tel projet. Toujours est-il qu'en 1991 il s'installe au Soudan, où un gouvernement islamiste a pris le pouvoir. Au cours des cinq années suivantes, il s'emploie à développer un réseau, en combinant affaires commerciales officielles et soutien à la guerre 209 sainte. Il s'engage dans l'accomplissement de son but suprême qui est de rassembler les principaux groupes islamistes extrémistes sous une seule bannière. Selon des autorités moyen-orientales, lui ou ses émissaires ont alors rencontré des groupes radicaux du Pakistan et d'Égypte et leur ont proposé la création d'un front islamiste international, devant être dirigé par des anciens combattants d'Afghanistan et lutter contre les Américains et les Juifs. Al-Qaïda va alors commencer à former ses propres agents. Ali Mohamed, témoin à charge qui a reconnu avoir organisé le déplacement de M. Ben Laden au Soudan, a avoué à la police judiciaire américaine avoir formé des membres du groupe à la manipulation des armes et des explosifs, aux enlèvements, à la guérilla urbaine, au contre-espionnage et à d'autres disciplines, dans des camps en Afghanistan et au Soudan. Il a également reconnu avoir montré à certains stagiaires comment créer des cellules « pouvant être utilisées dans des opérations ». L'envoi de troupes américaines en Somalie, fin 92 début 93, dans le cadre d'une mission des Nations unies, que l'Administration Bush a présentée comme une opération humanitaire, constitue pour M. Ben Laden un nouvel affront. Selon des responsables américains, un transfuge d'AlQaïda a déclaré que ce groupe avait vu ce déploiement militaire comme une dangereuse extension de l'influence américaine dans la région et une étape vers la déstabilisation du gouvernement islamique du Soudan. Des fatwas, indiquent des procureurs fédéraux Américains, ont été prises en privé par Al-Qaïda enjoignant à ses membres d'attaquer les soldats américains en Arabie Saoudite, au Yémen et dans la Corne de l'Afrique. Selon cette source, M. Ben Laden a envoyé son responsable militaire, un Egyptien qui est à ses côtés depuis la création d'Al-Qaïda, étudier les faiblesses des forces des Nations Unies en Afrique. Toujours selon cette source, Al-Qaïda créé une cellule au Kenya destinée à constituer un point d'appui pour des opérations en Somalie. Les membres de cette cellule 210 s'intègrent dans la société kenyane, ouvrent officiellement des commerces de vente de poisson et de négoce de diamants et créent une organisation charitable islamique. Toujours selon ces procureurs américains, au moins cinq membres du groupe sont ensuite passés en Somalie, où ils ont entraîné certains des éléments qui ont participé à l'embuscade du 3 octobre 1993 contre les forces spéciales des États-Unis qui a fait 18 morts parmi les américains et plusieurs centaines parmi les Somaliens. Le souvenir de ce revers des forces américaines, le plus notable dans l'histoire récente, va jouer un rôle important dans les débats ultérieurs du gouvernement Clinton concernant l'hypothèse d'une utilisation de troupes au sol. Ce n'est que plusieurs années plus tard que les services secrets américains découvriront le rôle d'Al-Qaïda dans cet accrochage. Toujours selon cette source judiciaire, le groupe a envisagé d'attaquer les Américains au Kenya en représailles de la mission en Somalie. Dans sa déposition, M. Mohamed a affirmé que M. Ben Laden l'avait envoyé à Nairobi, fin 1993, pour y repérer des cibles américaines, françaises, britanniques et israéliennes pour d'éventuels attentats, en accordant un intérêt particulier à l'ambassade des États-Unis. Il a également déclaré avoir pris des photos, dessiné des schémas et rédigé un rapport, tous éléments qu'il a fait parvenir à son chef à Khartoum. « Ben Laden a regardé la photo de l'ambassade des États-Unis, a-t-il déclaré, et désigné l'endroit où devrait se diriger le camion chargé d'une attaque suicide. » Selon les procureurs américains, les plans d'Al-Qaïda étaient encore plus ambitieux : un de ses membres dirigeants, un Irakien, Mahdouh Mahmoud Salim - dont M. Anas a dit qu'il gravitait déjà autour de M. Ben Laden en Afghanistan - a tenté d'acheter de l'uranium enrichi en Europe. 211 Cet Irakien a facilité l'établissement de liens entre le groupe de M. Ben Laden et d'autres soutenus par l'Iran. Il a rencontré un responsable religieux iranien à Khartoum et, peu après, toujours selon les procureurs, des membres d'Al-Qaïda ont reçu une formation du Hezbollah, groupe chiite libanais soutenu par l'Iran et passé maître dans l'organisation d'attentats à la voiture piégée. Selon certains responsables américains, cette alliance avait ceci de notable que c'était la première collaboration entre des radicaux de la branche chiite minoritaire de l'Islam et des extrémistes de la branche sunnite majoritaire. Au Soudan, les entreprises commerciales de M. Ben Laden - une tannerie, une société de transport et une entreprise de bâtiment - lui permettaient d'obtenir de l'argent et, selon des responsables américains, servaient de couverture pour les déplacements de M. Salim et d'autres agents. Selon cette source, ces sociétés ont accaparé le marché des exportations soudanaises de gomme, de tournesol et de sésame et M. Ben Laden a investi 300 millions de francs d'argent de sa famille dans une nouvelle banque islamique à Khartoum. Un réseau comme celui de l'Afghanistan, mais à l'échelle mondiale Le nouveau djihad s'est nourri de la guerre civile qui a ravagé l'Afghanistan au début des années 90. Les camps d'entraînement qui avaient servi à former des moudjahidin contre l'ennemi soviétique accueillaient désormais des islamistes plus intéressés à fomenter la guerre sainte une fois rentrés chez eux - en Amérique, en Europe ou au MoyenOrient - qu'à la lutte pour le pouvoir en Afghanistan. Selon des autorités européennes et américaines, le Bureau des Services, le groupe basé au Pakistan que M. Azzam avait fondé dans les années 80 pour recruter les moudjahidines de la cause antisoviétique, organisait les déplacements de certains de ces nouveaux combattants du djihad. 212 Beaucoup de ceux qui étaient liés à ce bureau partageaient, selon M. Anas, l'optique de M. Ben Laden sur la nécessité d'une stratégie mondiale. Certains responsables américains pensent qu'ils s'étaient mis sous ses ordres, mais les experts du renseignement ne sont pas tous d'accord sur ce point. Quoi qu'il en soit, c'est seulement en 1993 que la police judiciaire américaine est tombée sur les premiers indices du nouveau djihad mondial, au cours de son enquête sur l'attentat du World Trade Center qui avait fait six morts et plus de mille blessés. Cette enquête a en effet révélé que les quatre auteurs de cet attentat avaient des liens avec le Cheikh Omar Abdel Rahman, qui a été accusé de diriger une « organisation djihad » mondiale ayant commencé dès 1989 à projeter la mort d'Américains. Ce Cheikh a été ultérieurement condamné pour tentative d'attentats contre des sites sensibles de New York, notamment contre l'immeuble des Nations unies. Mais ce n'est que quelques années plus tard que les services secrets américains découvriront que cet individu et les auteurs de l'attentat du World Trade Center avaient des liens avec Al-Qaïda. Les éléments de preuve réunis sont concordants, mais pas totalement concluants. Plusieurs de ceux qui ont été condamnés dans l'affaire du World Trade Center étaient liés au centre de réfugiés de Brooklyn qui constituait une antenne du Bureau des Services, l'organisation basée au Pakistan que M. Ben Laden a contribué à financer et à diriger. Ce centre de Brooklyn était, à un moment, dirigé par Mustafa Shalabi, Egyptien assassiné en 1991, dont le meurtre n'est toujours pas élucidé. Or, selon des révélations récentes de la police judiciaire, M. Mohamed, le témoin à charge fédéral, a déclaré que M. Ben Laden avait eu recours à ce M. Shalabi en 1991 lorsqu'il avait voulu s'installer au Soudan. L'un des condamnés pour l'attentat du World Trade Center, Ahmed M. Ajaj, après avoir passé quatre mois au Pakistan en 1992, est revenu aux 213 États-Unis en possession d'un manuel expliquant comment fabriquer des bombes, manuel que les autorités américaines ont saisi plus tard. Selon la traduction en anglais de ce document qui a été présentée à titre de preuve au procès du World Trade Center, ce manuel aurait été daté de 1982, été publié à Amman, en Jordanie, et portait pour titre, sur la première page et sur les suivantes : « La règle de base ». Malheureusement, ces indications étaient erronées. Deux autres traductions distinctes du document, dont une effectuée à la demande du New York Times, montrent que le titre est en fait Al-Qaïda, le nom du groupe de M. Ben Laden, que l'on doit traduire par La Base. En outre, le pays et la date de publication indiqués dans le document sont, non pas Jordanie, 1982, mais Afghanistan, 1989, c'est-à-dire un an après la fondation par M. Ben Laden de son organisation. Ces erreurs, dit Steven Emerson, l'expert du terrorisme qui, le premier, les a signalées, ont privé les enquêteurs d'un indice ténu mais précoce de l'existence de l'organisation de M. Ben Laden. Le procès du World Trade Center s'est achevé en 1994 et ce n'est qu'en 1996 que la justice fédérale a ouvert une enquête criminelle sur les activités de M. Ben Laden et du groupe Al-Qaïda. « Si les autorités judiciaires avaient disposé d'une traduction correcte de ce document, a dit M. Emerson, elles auraient pu comprendre que les auteurs de l'attentat du World Trade Center et le groupe de M. Ben Laden étaient liés. » Interrogé sur ces erreurs de traduction, un porte-parole du bureau du procureur fédéral, qui n'a pas voulu que l'on cite son nom, a simplement déclaré que M. Ajaj transportait « un important volume de documents imprimés de diverses organisations. », ajoutant que leurs titres parlaient de conspiration internationale, d'opérations de commando et de fabrication d'engins explosifs. 214 Le mouvement du djihad s'est également développé en Europe. En août 1994, trois jeunes musulmans français d'origine nord-africaine, portant des cagoules et armés de mitraillettes, ont ouvert le feu sur des touristes dans le hall d'un hôtel de Marrakech, au Maroc, tuant deux Espagnols et en blessant un troisième. Enquêtant sur cet attentat, la police française a découvert qu'il avait été préparé par deux Marocains anciens combattants d'Afghanistan qui avaient recruté à Paris et Orléans des commandos pour cette attaque et avaient envoyé plus d'une douzaine de leurs membres s'entraîner en Afghanistan. L'endoctrinement des jeunes recrues commençait par la religion, selon des pièces à conviction et des dépositions d'un tribunal français. Mohamed Zinedine, professeur de mathématiques et interprète du Coran qui demeurait à Orléans, avait réuni autour de lui un groupe d'hommes des banlieues de cette ville qui souhaitaient apprendre à prier. Selon la même source, il leur a ensuite enseigné l'idée d'un djihad à mener contre les gouvernements corrompus, disant que c'était un stade avancé de l'observance de la loi islamique. Un jeune Marocain a déposé que ce M. Zinedine, actuellement en fuite, lui a présenté une bande vidéo montrant « des musulmans torturés en Bosnie, des bébés ayant eu la gorge tranchée, des femmes enceintes éventrées, les ongles arrachés. Il m'a dit, a-t-il poursuivi, qu'il y avait une façon de les aider et que je devais m'y engager. » Les prières pour des gens comme les musulmans de Bosnie étaient insuffisantes, selon l'instructeur, et, selon les mots de celui-ci, il devait devenir un « humanitaire armé ». Les polices européennes enquêtant sur le réseau afghan en France, en Belgique et en Allemagne ont trouvé trace d'appels téléphoniques entre les islamistes établis en Europe et le Bureau des Services au Pakistan. En mars 1995, les enquêteurs belges ont découvert une autre pièce à 215 conviction : un CD-ROM trouvé dans la voiture d'un autre Algérien, qui avait été entraîné en Afghanistan en 1992 et était membre d'une cellule du GIA à Bruxelles. Les autorités belges ont reconnu avoir ignoré ce CD au début de l'enquête. Elles n'ont fait traduire son contenu que quelques mois plus tard et découvert qu'il contenait plusieurs versions d'un manuel de terrorisme qui circulait au sein des groupes islamistes depuis le début des années 90. Ce volumineux manuel couvre divers sujets, allant de la « guerre psychologique dans l'Islam » à « l'organisation des services secrets israéliens » en passant par le « recrutement selon la méthode américaine ». Ce manuel contient également des méthodes détaillées de fabrication de bombes, indiquant par exemple le moment adéquat pour mélanger les produits chimiques, la façon d'utiliser une montre comme détonateur et de tuer des gens au moyen de toxines, de gaz et de drogues. La préface comporte une dédicace au nouveau héros de la guerre sainte : Oussama Ben Laden. Ce manuel a été largement diffusé sous diverses versions et des exemplaires ont été saisis par les polices de différents pays européens. La CIA, selon Reuel Gerecht, un de ses anciens hauts responsables, n'aurait, d'après ce qu'on lui a dit, pu disposer d'un exemplaire de ce manuel que vers la fin de 1999. « Ce guide terroriste, le plus important jamais écrit, nous faisait défaut, dit-il, depuis des années. » Cette transmission tardive aurait, selon lui, été la conséquence de la réticence de l'Agence à examiner les conséquences de son soutien au djihad antisoviétique. Mais, selon un responsable actuel de celle-ci, elle avait, dès la fin des années 80, « accès à des versions » de ce manuel. « Ce n'est pas le Saint-Graal que Gerecht prétend », a-t-il déclaré, ajoutant que les parties portant sur le terrorisme étaient des ajouts assez récents. 216 C'est vers le milieu des années 90 que les autorités américaines ont commencé à prêter attention à M. Ben Laden et à son entourage au Soudan. Il était, pour elles, la personnalisation d'une dangereuse évolution récente, un promoteur apatride du terrorisme utilisant sa fortune personnelle - qu'un responsable du Moyen-Orient a estimée à près de deux milliards de francs - pour financer les causes extrémistes. Les autorités américaines ont alors demandé au Soudan d'expulser M. Ben Laden et, en 1996, obtenu satisfaction, succès diplomatique qu'elles devaient plus tard regretter amèrement. M. Ben Laden revint alors en Afghanistan, où un nouveau groupe de jeunes militants islamistes, les Taliban, prenait le pouvoir. Selon des responsables américains et moyenorientaux, une partie de l'argent utilisé par les taliban pour se rallier les chefs de guerre locaux leur a été fournie par M. Ben Laden. Sans tarder, ces nouveaux dirigeants intégristes de l'Afghanistan lui ont permis d'utiliser leur pays pour y poursuivre son objectif de créer « un camp pour un djihad mondial », selon les mots de M. Anas. L'édit faisant un devoir sacré pour les musulmans de tuer tous leurs ennemis En février 1998, deux ans après son retour en Afghanistan, M. Ben Laden annonçait publiquement ses intentions. Dans un camp situé à Khost, dans l'est de l'Afghanistan, entouré de dirigeants d'autres groupes islamistes, il annonçait qu'ils avaient fondé le Front islamique international pour le djihad contre les Juifs et les Croisés, regroupant Al-Qaïda et des groupes notamment égyptien, pakistanais et bangladais, et que ce Front prenait la fatwa suivante : « Tuer les Américains et leurs alliés, tant civils que militaires, est un devoir personnel pour tout musulman qui en est capable, dans tout pays où c'est possible. » Le 7 août 1998, huit ans après le débarquement de troupes américaines en Arabie Saoudite, M. Ben Laden mettait, selon le parquet américain, ses 217 menaces à exécution : des bombes explosaient à quelques heures d'intervalle dans les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie. Il s'est agi d'une opération de dimension véritablement internationale, selon les procureurs fédéraux, qui affirment que ces attentats ont été perpétrés par des musulmans de Tanzanie, d'Arabie Saoudite et de Jordanie, qui, pour la plupart, ont été entraînés en Afghanistan. Selon la même source, les terroristes kényans qui ont participé à l'opération se sont entretenus directement avec M. Ben Laden par liaison téléphonique satellitaire pour préparer leur action. Ces attentats allaient coûter cher à Al-Qaïda. Moins de deux semaines après, les États-Unis bombardaient des camps de M. Ben Laden en Afghanistan. Au cours des deux années qui ont suivi, la police et les services de renseignement du monde entier, souvent à l'instigation des États-Unis, ont arrêté plus d'une centaine de ses militants dans une vingtaine de pays. Il ne se passe guère de mois sans que des autorités n'arrêtent et n'interrogent des personnes ayant des liens avec Al-Qaïda. À la fin de l'an dernier, dans le cadre d'une affaire que des responsables américains ont qualifié de particulièrement alarmante, la police du Koweït a arrêté un citoyen de ce pays, ancien combattant d'Afghanistan, qui a avoué être lié au groupe de M. Ben Laden et préparer des attentats contre des cibles américaines et koweïtiennes. Selon les autorités américaines, il a finalement conduit la police à une cache d'armes où elle a découvert près de 150 kilos d'explosifs et plus de 1.400 détonateurs. On a évoqué plus haut la fermeture pendant deux jours de l'ambassade des États-Unis à Rome, il faut y ajouter une alerte plus récente provoquée par la possibilité d'un attentat d'Al-Qaïda qui, selon les autorités américaines, a conduit les États-Unis à détourner un de leurs navires de transport de troupes qui devait accoster à Naples. 218 Les autorités américaines reconnaissent que M. Ben Laden, avec son organisation, s'est révélé un adversaire ingénieux et coriace. Aujourd'hui, une partie importante de sa fortune personnelle a été dépensée ou se trouve sur des comptes bancaires qui ont été bloqués. Mais, indiquent ces autorités, il reçoit de l'argent d'un réseau d'organismes charitables et d'entreprises. Dans de nombreux pays, il reconstitue ses réseaux aussi rapidement qu'ils sont démantelés. Et l'échec conduit parfois à la réussite. Selon des responsables américains, une tentative d'attentat organisée fin 1999 par un groupe de Yéménites contre un navire américain, The Sullivans, alors qu'il transitait par le Yémen, a échoué : le bateau des terroristes, bourré d'explosifs, a coulé à quelques mètres du rivage. Mais, selon la même source, c'est un agent saoudien du groupe de M. Ben Laden qui avait participé à cette tentative d'attentat qui a organisé, avec certains des Yéménites impliqués, l'attentat contre l'U.S.S. Cole au Yémen. Les répressions nationales contre les militants islamistes, tels les efforts largement couronnés de succès du pouvoir algérien pour juguler le GIA au milieu des années 90, ont, dans plusieurs cas, renforcé le djihad international. Selon les autorités américaines, les islamistes algériens les plus radicaux collaborent aujourd'hui avec M. Ben Laden. En 1999, elles ont arrêté Ahmed Ressam au moment où, venant du Canada, il tentait de franchir la frontière avec un chargement d'explosifs. C'était la première fois que des Algériens se trouvaient impliqués dans des opérations terroristes sur le sol américain. Le procès de M. Ressam doit avoir lieu cette année à Los Angeles. Selon des responsables américains et moyen-orientaux, Israël qui, jusque récemment, considérait M. Ben Laden comme un problème « américain », fait maintenant partie des cibles d'Al-Qaïda. Selon ces sources, cette organisation a financé et entraîné un groupe anti-israélien, 219 Asbat al Ansar, qui opère à partir d'un camp de réfugiés palestiniens situé au Liban. Selon une inculpation confidentielle israélienne de juin dernier, un membre du Hamas qui préparait des attentats visant des cibles situées en Israël, notamment des colons et des militaires, avait été entraîné dans un camp afghan de M. Ben Laden. « Al-Qaïda veut participer à la nouvelle intifada contre Israël », a déclaré un responsable américain. Selon Olivier Roy, spécialiste français des activités des groupes islamistes, le grand atout d'Al-Qaïda est de disposer de milliers de partisans du djihad, situés dans le monde entier, qui ne voient plus leur combat en termes strictement locaux ni même nationaux, ce qui les rend insensibles aux pressions politiques ou miliaires ordinaires. « Les actions de M. Ben Laden, dit-il, ne sont pas la continuation de la politique par d'autres moyens. Oussama Ben Laden ne veut pas négocier. » 1979 : Invasion de l'Afghanistan par des troupes soviétiques. Déclaration par les musulmans de ce pays d'un « djihad » contre les envahisseurs, que les États-Unis et l'Arabie Saoudite vont soutenir. 1981 : Assassinat du président égyptien Anouar el-Sadate imputé à des islamistes. 1984 : Création du Bureau des Services par Abdoullah Azzam, islamiste jordanien, dans le but de recruter et soutenir des partisans du djihad. 1984 : Départ d'Oussama Ben Laden de l'Arabie Saoudite pour le Pakistan dans le but d'aider Azzam à créer les camps d'entraînement en Afghanistan. 220 1986 : Création par Ben Laden d'Al Masadah, camp d'entraînement pour les Arabes des États du Golfe. 1988 : Création par Ben Laden d'Al-Qaïda, groupe chargé de mener un djihad mondial. 1989 : Retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan. Fermeture par les États-Unis de leur ambassade dans ce pays. Formation d'un gouvernement provisoire afghan. Retour de Ben Laden en Arabie Saoudite pour travailler dans la société de travaux publics familiale. Mort d'Azzam dans un attentat à la voiture piégée ; scission du Bureau des Services dont la faction extrémiste rejoint Al-Qaïda. 1990-1991 : Envoi de forces américaines et alliées en Arabie Saoudite pour chasser l'Iraq du Koweït. Guerre du Golfe. Installation au Soudan de Ben Laden, furieux de la présence américaine près des lieux saints de l'islam, ainsi que du siège d'Al-Qaïda. 1992 : Annulation par l'armée algérienne des élections législatives en cours. Tentative de renversement du gouvernement par des groupes islamiques armés et début de la guerre civile. Envoi de troupes américaines en Somalie pour une mission humanitaire de l'ONU. Publication par Al-Qaïda d'une fatwa demandant l'attaque par les musulmans des forces américaines en Arabie Saoudite, au Yémen et dans la Corne de l'Afrique, notamment en Somalie. 1993 : Explosion au World Trade Center de New York faisant six morts. Découverte de liens entre le Bureau des Services et Al-Qaïda, sans que cela puisse conduire à une inculpation de Ben Laden. 221 1993 : Attaque d'une opération humanitaire de l'ONU par des tribus somaliennes, qui selon un parquet américain ont été entraînées par AlQaïda. Dix-huit morts américains. 1994 : Montée des taliban comme force décisive dans la guerre civile d'Afghanistan. Retrait par l'Arabie Saoudite de la citoyenneté de Ben Laden qui est désavoué par sa famille. Explosions dans le métro de Paris, imputées à des militants algériens entraînés en Afghanistan, faisant huit morts. 1995 : Explosion à Riyad d'une voiture piégée qui tue cinq Américains et deux Indiens. Exécution par décapitation de quatre Saoudiens qui ont avoué avoir été influencés par Ben Laden. 1996 : Sous l'influence des États-Unis, expulsion du Soudan de Ben Laden, qui se réinstalle en Afghanistan. 1996 : Explosion près des Tours Khobar à Dhahran, en Arabie Saoudite, d'un camion bourré d'explosifs, qui tue 19 soldats américains. 1998 : Publication par le Front islamique international pour le djihad contre les Juifs et les Croisés - regroupement international d'organisations islamistes sous la houlette de Ben Laden - de sa première fatwa : Il est du devoir personnel des musulmans de tuer des Américains, civils comme militaires, partout où c'est possible. Attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie faisant plus de 200 morts. En représailles, bombardement par l'aviation des États-Unis de sites au Soudan et en Afghanistan. 222 Inculpation, pour complicité d'attentats, de Ben Laden, aux États-Unis, qui offrent cinq millions de dollars pour sa capture. 1999 : Annonce par la Jordanie de la découverte du projet, imputé à AlQaïda, d'une série d'attentats contre des sites touristiques à Amman qui devaient avoir lieu pendant les fêtes du millénaire. Arrestation aux États-Unis, à un poste de douane de Port Angeles, État de Washington, d'Ahmed Ressam qui conduisait une voiture de location contenant des explosifs dissimulés. 2000 : Dans le port d'Aden, au Yémen, attentat contre le destroyer U.S.S. Cole, qui fait 17 morts parmi l'équipage, opération qui, selon les enquêteurs, a été montée par Ben Laden. Reconnaissance par Ali Mohammed, ancien sergent de l'armée américaine, de sa participation à la conspiration tramée par Ben Laden dans l'affaire des attentats contre les ambassades des États-Unis en Afrique orientale. 2001 : Début de la sélection du jury pour le procès de quatre personnes accusées dans l'affaire des attentats contre les ambassades des États-Unis, devant le Tribunal fédéral de District de Manhattan. Reconnaissance par un ancien sergent de l'armée américaine de sa participation à une conspiration fomentée par Ben Laden et destinée à réaliser les attentats contre les ambassades des États-Unis en Afrique orientale. (Source : Département d’Etat américain) 223 ANNEXE II Chronologie 3, 4, 5 février 1986, 17, 20 mars 1986, 8, 12, 14, 15 et 17 septembre 1986. Attentats en France attribués au CSPPA (Comité de solidarité aux prisonniers politiques arabes) allié des FARL (Fraction armée révolutionnaire libanaise). Bilan : une quinzaine de morts et plus de 200 blessés. Fouad Ali Salel, le responsable de cette vague d'attentats, est arrêté en avril 1987. 26 février 1993. Attentat contre l'une des tours du World Trade Center. 6 morts. 9 novembre 1993. Première rafle dans les milieux islamistes en France : opération « Chrysanthème ». Principaux visés : les cadres de la FAF (Fraternité algérienne en France), affiliée au FIS algérien. 8 novembre 1994. Arrestation des membres du réseau Chalabi, base arrière de soutien logistique aux combattants de l'Armée islamique du salut (FIS) et des GIA. 24 décembre 1994. Détournement par quatre hommes des GIA du vol d'Air France Alger-Paris. L'affaire se clôt par l'intervention du GIGN à l'aéroport de Marignane (Marseille). 1er mars 1995. Neutralisation du réseau islamiste belge dirigé par Ahmed Zaoui, considéré par la police comme l'homme fort des GIA en Belgique. 224 20 juin 1995. Démantèlement du réseau Salim. 131 personnes interpellées dans le cadre d'un réseau de soutien aux GIA dirigé par Mohammed Kerrouche. 11 juillet 1995. Assassinat à Paris du cheikh Abdelkader Sahraoui, l'un des fondateurs du FIS. 25 juillet 1995. Attentat dans une rame du RER B à la station SaintMichel. 8 morts. 17 août 1995. Une bombe placée dans une poubelle au 44 avenue de Friedland fait 17 blessés. 26 août 1995. La bombe placée sur la voie du TGV Paris-Lyon n'explose pas. 3 septembre 1995. Le système de mise à feu d'un engin explosif placé sur le marché Richard-Lenoir à Paris ne fonctionne pas. 4 septembre 1995. Une bombe est découverte dans une Sanisette place Charles-Vallin à Paris. 7 septembre 1995. Un véhicule piégé explose à proximité d'une école juive de Villeurbanne (Rhône). Un blessé grave. 29 septembre 1995. Khaled Kelkal, principal suspect dans la vague d'attentats de 1995, est abattu à Vaugneray, dans la région lyonnaise. 6 octobre 1995. Un attentat avenue d'Italie à Paris fait 16 blessés légers. 17 octobre 1995. Attentat dans le RER C. 30 blessés. 225 1er novembre 1995. Arrestation de Boualem Bensaid, l'un des chefs du réseau responsable de la vague d'attentats de 1995. 4 novembre 1995. Rachid Ramda, considéré comme le financier du groupe, est arrêté à Londres. 13 novembre 1995. Une bombe tue 7 personnes dans un bâtiment abritant des militaires américains à Riyad (Arabie Saoudite). 29 mars 1996. Neutralisation du réseau Al Qaïda à Roubaix. 3 décembre 1996. Attentat dans le RER B à la station Port-Royal. 4 morts. 27 juin 1996. Une bombe explose dans le camp américain d’Al Khobar (Arabie Saoudite) faisant 19 morts. 17 novembre 1997. 68 touristes sont massacrés à Louxor (Egypte). Attentat attribué à la Jama'a Islamiya égyptienne. 7 août 1998. Attentats contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et Dar es-Salaam (Tanzanie) attribués à Al Qaïda. Plus de 200 morts. 12 octobre 2000. Attaque suicide contre le destroyer américain USS Cole dans le port d'Aden (Yémen). Attentat attribué à AL Qaïda. 17 morts. 9 septembre 2001. Assassinat du commandant Massoud, héros de la résistance afghane, par deux Tunisiens appartenant à AL Qaïda. 226 11 septembre 2001. Quatre avions de ligne détournés par des terroristes s'écrasent sur les tours du World Trade Center, sur le Pentagone et dans un champ en Pennsylvanie. Bilan : près de 3 000 morts. 19 septembre 2001. Opération « Justice sans limites », rebaptisée plus tard « Liberté immuable ». Déploiement des forces américaines dans le golfe Persique. 5 octobre 2001. L'État de la Floride annonce le décès d'une personne dû à la maladie du charbon (anthrax). La crainte d'une attaque biologique gagne l'ensemble du pays. 7 octobre 2001. Début des bombardements américains en Afghanistan 13 novembre 2001. Chute du régime taliban. Les troupes de l'Alliance du Nord entrent à Kaboul. Début de la traque de Ben Laden et de ses hommes dans les montagnes de Tora Bora à la frontière afghanopakistanaise. 6 décembre 2001. Reddition des taliban à Kandahar, fief du mollah Omar. 13 décembre 2001. Un attentat suicide contre le Parlement fédéral de New Delhi fait une quinzaine de morts. Cette action meurtrière est attribuée aux extrémistes musulmans du Cachemire. 22 décembre 2001. Richard Reid, sujet britannique, tente de faire exploser une bombe cachée dans ses chaussures lors du vol Paris-Miami. 23 janvier 2002. Un journaliste du Wall Street Journal, Daniel Pear1, est enlevé à Karachi (Pakistan). Il est assassiné le 21 février par ses ravisseurs. 227 17 mars 2002. Un attentat à la grenade fait 5 morts dans un temple protestant fréquenté par des diplomates à Islamabad (Pakistan). Action attribuée à des terroristes islamistes. 11 avril 2002. Un camion-citerne explose tout près de la synagogue d'El Ghriba sur l'île tunisienne de Djerba. Une vingtaine de morts, dont 14 touristes allemands. Auteur présumé de l'attentat : Nizar Ben Mohammed Nasr Nawar, un Tunisien. 8 mai 2002. Un véhicule bourré d'explosifs percute le bus des ingénieurs français de la Direction des constructions navales (DCN) à Karachi. 14 morts, dont 11 Français. Al Qaïda est fortement soupçonnée. 19 mars 2003. Début de la guerre en Irak*. Avril 2003. chute du régime de Saddam Hussein*. 1 mai 2003. Le président Bush déclare la fin de la guerre en Irak*. 11 mars 2004. Attentats en Espagne. Bilan : 197 morts. Al Qaïda en est le responsable*. (Source : Ali Laïdi, « Le Jihad en Europe », pages 283-286) *Moi même 228 ANNEXE III HOMELAND SECURITY US-VISIT is a U.S. Department of Homeland Security program that enhances our country's entry and exit system. It enables the United States to effectively verify the identity of incoming visitors and confirm compliance with visa and immigration policies. The goals of US-VISIT are to : 9 Enhance the security of our citizens and visitors 9 Expedite legitimate travel and trade 9 Ensure the integrity of the immigration system 9 Safeguard the persona] privacy of our visitors The initiative will involve collecting travel information and "biometric identifiers" (such as fingerprints, using a simple, inkless device) from visitors to assist the border officer in making admissibility decisions. The identity of visitors who need a visa to travel to the U.S. will be verified upon their arrival and departure. These entry and exit procedures address our critical need for tighter security and our ongoing commitment to expedite travel for the millions of legitimate visitors we welcome each year to conduct business, learn, see family, or tour the country. 229 The verification process strengthens security by more accurately verifying the identity of visitors who legitimately travel into the United States. By capturing "biometrics" through the use of simple fingerprint scanners, we will be able to conduct this verification process more quickly and with more certainty than by searching databases by name alone. Upon Arrival Many of the arrival processes will remain unchanged and will be familiar to international visitors. At an airport or seaport, travel documents such as a passport and a visa will be reviewed and a U.S. Customs and Border Protection Officer will ask specific questions regarding the visitor's stay in the U.S. As part of the enhanced procedures, most visitors traveling on visas will have two fingerprints scanned by an inkless device and a digital photograph taken. All of the data and information is then used to assist the border inspector in determining whether or not to admit the traveler. These enhanced procedures will add only seconds to the visitor's overall processing time. All data obtained from the visitor is securely stored as part of the visitor's travel record. This information is made available only to authorized officials and selected law enforcement agencies on a need-to-know basis in their efforts to help protect the nation against those who intend to harm American citizens or visitors to our country. 230 US-VISIT Arrival Process for Visitors Traveling with a Visa 231 Upon Departure The most notable change for international visitors will be new exit procedures. As part of US-VISIT, most visitors who require a visa will eventually need to verify their departure. The US-VISIT system is being designed to make this check out process easy by planning the placement of automated self-service workstations in the international departure areas of airports and seaports. By scanning travel documents and capturing fingerprints on the same inkless device, the system is intended to validate the visitor's identity, verify their departure, and confirm their compliance with U.S. immigration policy. Compliance with these new security procedures is critical because the exit information will also be added to the individual's travel record to protect their status for future visits to the United States. 232 Upon completion of testing and evaluation, the law requires that USVISIT capability be implemented at airports and seaports by December 31, 2003. US-VISIT will enhance the security of the United States while expediting legitimate travel and trade. While this has required some changes in our entry and exit procedures, many things have not changed. The United States of America is still a nation where diversity is celebrated and people from all over the world are welcome. Today we - like most other countries - are working to keep our borders secure while we maintain the freedom to exchange ideas, keep businesses thriving, and enrich lives all over the world. US-VISIT helps to secure our borders, expedite the entry/exit process and enhance the integrity of our immigration system while respecting the environment and the privacy of our visitors. (Source: www.dhs.gov/US-VISIT) 233 ANNEXE IV AIR PORTS OF ENTRY DESIGNATED FOR US-VISIT JANUARY 5, 2004 RANK ENTRY AIRPORT RANK ENTRY AIRPORT 1 MIAMI IAP, FL 33 SAN ANTONIO,TX 2 TORONTO, CANADA 34 FREEPORT, BAHAMAS 3 JFK IAP, NY 35 HAMILTON, Bermuda 4 LOS ANGELES IAP, CA 36 SHANNON, Ireland PFI 5 VANCOUVER, CANADA 37 CINCINNATI, OH 6 MONTREAL, CANADA 38 BALTIMORE, MD 7 SAN FRANCISCO, CA 39 DENVER, CO 8 HOUSTON Intercontinental ,TX 40 TAMPA , FL 9 CHICAGO OHARE, IL 41 SAN DIEGO, CA 10 CHICAGO MIDWAY, IL 42 DUBLIN, IRELAND PFI 11 CALGARY, CAN PFI 43 MEMPHIS, TN 12 NEWARK, NJ IAP 44 Charlotte-Douglas, NC 13 ATLANTA, GA 45 PITTSBURGH, PA 14 DALLAS FT. WORTH, TX 46 TUCSON , AZ 15 DULLES, VA IAP 47 ARUBA 16 HONOLULU IAP, HI 48 ST. THOMAS, VI 17 DETROIT IAP, MI 49 West Palm Beach, FL 18 NASSAU, BAHAMAS 50 SANFORD, FL 19 OTTAWA, CANADA 51 NEW ORLEANS, LA 20 BOSTON LOGAN, MA 52 LAREDO, TX 21 SEATAC IAP, WA 53 Raleigh-Durham, NC 22 SAN JUAN, PR 54 BANGOR, ME 23 EDMONTON, CANADA 55 SALT LAKE CITY, UT 234 24 ANCHORAGE IAP, AK 56 ST. CROIX, VI 25 LAS VEGAS, NV 57 ST. LOUIS, MO 26 MINNEAPOLIS ST. PAUL, MA 58 FORT MYERS, FL 27 WINNIPEG, CANADA 59 BELLINGHAM, WA 28 AGANA, GUAM 60 CLEVELAND, OH 29 ORLANDO, FL 61 SPOKANE, WA 30 FORT LAUDERDALE, FL 62 KONA, HI 31 PHILADELPHIA, PA 63 PROVIDENCE, RI 32 PHOENIX , AZ 64 BRADLEY RANK ENTRY AIRPORT RANK ENTRY AIRPORT 65 PORTLAND, OR 99 KENMORE, WA 66 NORFOLK, VA 100 KING COUNTY, WA 67 ERIE, PA 101 KODIAK, AK 68 Brownsville-South Padre, TX 102 MANCHESTER, NH 69 KEY WEST, FL 103 MCALLEN, TX 70 MILWAUKEE, WI 104 OAKLAND, CA 71 FAIRBANK, AK 105 ONTARIO, CA 72 INDIANAPOLIS, IN 106 OPA-LOCKA 73 WILMINGTON, NC 107 Pease Tradeport, NH 74 PORTLAND, ME 108 RICHMOND, VA 75 MAYAGUEZ, PR 109 SACRAMENTO, CA 78 DOVER, DE 110 SAN JOSE, CA 79 PONCE, PR 111 SARASOTA, FL 80 AUSTIN BERSTROM, TX 112 ST. LUCIE, FL 81 DEL RIO, TX 113 ST. PETERSBURG, FL 82 SANDUSKY GRIFFIN, OH 114 Tamiami Executive, FL 83 NASHVILLE, TN 115 TETERBORO, NJ 84 JUNEAU, AK 85 JACKSONVILLE, FL 86 INTERNATIONAL FALLS, MN 235 87 RENO, AZ 88 CHARLESTON, SC 89 COLUMBUS, OH 90 KANSAS CITY, KS 91 ALBUQUERQUE, NM 92 VICTORIA - SYDNEY, CANADA 93 AGUADILLA, PR 94 BUFFALO, NY 95 EL PASO, TX 96 FAJARDO, PR 97 GREENVILLE, SC 98 ISLA GRANDE, PR SEA PORTS OF ENTRY GALVESTON RCI, TX LONG BEACH CARNIVAL CRUISE, CA MIAMI - RCI, FL PORT CANAVERAL, FL PORT CANAVERAL, TERMINAL 10 FL SAN JUAN PAN-AMERICAN, PR SAN PEDRO WORLD CRUISE CENTER, CA SEATTLE SEAPORT, WA SEATTLE, WA BIRTH 30, CRUISE TERMINAL TAMPA, FL TERMINAL 3 TAMPA, FL TERMINAL 7 VANCOUVER, BALLANTYNE PIER, CAN VANCOUVER, CANADA PLACE, CAN VICTORIA, PRE INSPECTION, CAN WEST PALM SEAPORT, FL (Source : www.dhs.gov/US-VISIT) 236 ANNEXE V 1. Organisations et individus accusés d'activités terroristes par les États-Unis après les attaques du 11 septembre 2001 Les organisations Al Qaïda ; le réseau Abou Sayyaf, essentiellement implanté aux Philippines; les Groupes islamiques armés (GIA algériens) ; le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC algérien) ; Harakat al Moujahidine (Cachemire) ; le Mouvement islamique d'Ouzbékistan ; Jihad islamique (Égypte) ; Jama'a Islamya (Égypte) ; Asbat al Ansar (Liban) ; le Groupe de combat islamique libyen; Al Itihad al Islamiya (Somalie) ; Armée islamique d'Aden (Yémen) ; Jaish-e-Mohamed (Armée de Mahomet) implantée au Pakistan. Les Hommes Oussama Ben Laden ; Mohammed Atef (mort en novembre 2001 en Afghanistan) ; Sayf al Adl ; Cheikh Saïd ; Abou Hafs ; Ibn al Cheikh al Libi ; Abou Zoubeida (arrêté le 3 avril au Pakistan) ; Abdel Hadi al Iraqi; Ayman al Zawahiri ; Tharwat Salah Chihata ; Tarek Anouar al Sayyed Ahmad ; Mohamed Salah ; Mamoun Darkanzali ; Bilal Ben Marouan ; Saad al Sharif ; docteur Amin al Haq ; Hadji Abdul Manan Agha; Mohamed al Hamati ; Sakar al Djadaoui ; Ahmed Saïd al Kader; Yassine al Kadi ; Ayadi Chafik Ben Mohammed ; Raed Hijazi ; Rachid Ahmed Ladehyanov ; Omar Mahmoud Ousman ; Tohir Iouldachev ; Mohamed Zia ; Abdel Rahmane Yassine ; Khaled Cheikh Mohamed ; Ahmed Ibrahim al Moughassil ; Ali Saïd Ben Ali el Houri; Ibrahim Salih 237 Mohamed al Yacoub ; Abdelkarim Hussein Mohamed al Nasser ; Fazul Abdallah Mohamed ; Mustapha Mohamed Fadhil ; Fahid Mohamed Ally Msalam ; Cheikh Ahmed Salim Souedan ; Ahmed Khalfan Ghaïlani ; Abdallah Ahmed Abdallah ; Ahmed Mohamed Hamed Ali ; Mouchine Moussa Matwalli Atwah ; Imad Moughniyeh ; Ali Atwa ; Hassan Izz al Din. Organisations non gouvernementales islamiques (ONGI) Makhtab Al Khidamat ; AL Kifah ; Wafa ; AL Rashid Trust; Al Haramein. Sociétés Al Hamati Sweets Bakeries ; Al Shifa Honey Press for Industry and Commerce; Jamia Ta'awoun Al Islamia; Fonds Rabita. 2. Principales arrestations dans les milieux islamistes liées aux événements du 11 septembre 2001 Nous avons choisi de présenter les principales arrestations dans les milieux islamistes liées aux attentats contre les États-Unis afin de montrer l'ampleur du phénomène dans le monde. Précisons que toutes les personnes citées bénéficient de la présomption d'innocence tant qu'elles ne sont pas jugées. Afghanistan ¾ John Walker Lindh (21 ans). taliban américain, appréhendé le 1er décembre 2001 au fort de Qala-e-Jhangi, près de Mazar-e-Charif. 238 Allemagne ¾ Mounir al Motassadek (27 ans). Marocain, arrêté fin novembre 2001. II aurait été en contact avec les trois kamikazes de Hambourg (Atta, Al Shehhi et Jarrah). ¾ Mandat d'arrêt contre le Marocain Zakariyah Essaabar (24 ans) et le Yéménite Ramzi Bin al Shibh (29 ans), colocataires d'Atta. Bin al Shibh avait tenté d'obtenir en août 2001 un visa pour les ÉtatsUnis. Il a fui le 5 septembre 2001. Autre mandat d'arrêt contre Saïd Bahaji (26 ans) qui aurait vécu dans le même appartement qu'Atta à Hambourg. Il a quitté le pays le 3 septembre 2001 pour le Pakistan. Arabie Saoudite ¾ Le 18 juin 2002, les autorités saoudiennes ont officiellement annoncé l'arrestation de sept hommes présumés appartenir au réseau AL Qaïda. C'est la première fois que Riyad reconnaît l'existence de réseaux à l'intérieur de ses frontières. Parmi ces hommes figure un Soudanais arrêté à Khartoum et expulsé vers l'Arabie Saoudite. Cet homme est accusé d'avoir préparé des attentats au lance-missiles contre la base militaire du PrinceSultan à Kharj. Belgique ¾ Tarek Maaroufi. Belge d'origine tunisienne, arrêté le 18 décembre 2001 et soupçonné d'avoir recruté des activistes pour le compte d'Al Qaïda. 239 ¾ Nizar Trabelsi. Ancien footballeur professionnel tunisien, arrêté le 13 septembre 2001. Il aurait préparé un attentat contre l'ambassade américaine à Paris en relation avec le réseau de Djamel Beghal. ¾ Mohammed Sliti. Arrêté en février 2002 en Iran et extradé en Belgique en raison de sa nationalité belge. A séjourné avec sa famille plusieurs années en Afghanistan. Il se serait occupé du recrutement et de l'entraînement des jeunes recrues. Espagne ¾ Imad Eddin Barakat Yarbas, alias Abou Dahdah. Espagnol d'origine syrienne, chef présumé d'une cellule démantelée à la mi novembre 2001. Serait un proche de l'Algérien Mohammed Bensakhria, détenu en France et soupçonné d'être le relais Al Qaïda (arrêté à Madrid le 22 juin 2001). Abou Dahdah est soupçonné par le juge Garzon d'avoir directement participé à la préparation des attentats du 11 septembre. Il aurait été souvent aperçu à Londres en compagnie d'Abou Qutada, considéré par les policiers comme le guide spirituel d'Al Qaïda en GrandeBretagne. ¾ Najib Chahib Mohammed. Marocain, appréhendé en janvier 2002. Il serait l'auteur d'un manuel de fabrication d'explosifs. ¾ Ahmed Brahim. Algérien, placé en détention le 17 avril 2002. Il est soupçonné d'avoir participé au financement des attentats contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie en 1998. 240 ¾ Mohamed Galeb Kaladje Zouaïd. Arrêté le 23 avril 2002, il est accusé par la police de financer le réseau Al Qaïda en Europe. ¾ Le 16 juillet 2002, la police espagnole a interpellé trois hommes soupçonnés d'appartenir à Al Qaïda : Adbelrahman Alarnaat, Mohammed Khan, considéré comme un financier d'AL Qaïda, et Ghasoub al Abrash, dit Abu Mousab. Etats-Unis ¾ Zacarias Moussaoui (33 ans). Franco-Marocain, arrêté le 16 août 2001 par la police de Saint Paul (Minnesota) pour sa conduite étrange dans une école de pilotage. ¾ Mohammed Jawid Azmath (-47 ans) et Ayoub Ali Khan (51 ans). Arrêtés le 12 septembre en possession d'une grosse somme d'argent et de cutters dans un train au Texas. Ils sont aussi pilotes débutants. ¾ Nabil Marabh (34 ans) et Walid Batouni. Appréhendés par le FBI le 20 septembre à Chicago. Le FBI soupçonne Marahb d'avoir joué un rôle d'intermédiaire entre Ben Laden et les dix-neuf kamikazes. ¾ Bassam Kanj. Chauffeur de taxi arrêté à Boston. Il est soupçonné d'avoir été en relation avec les terroristes du 11 septembre. Il serait lié à Raed Hijazi, Jordanien détenu à Amman (il aurait préparé des attentats), considéré comme un proche de Ben Laden. ¾ Moataz al Hallak. Imam résident à Laurel (Maryland). Il est soupçonné par le FBI d'avoir été en relation avec Ben Laden en 241 1999 dans le cadre d'une collecte de fonds pour une association musulmane. ¾ Omar Bakarbasha (26 ans). Arrêté par le FBI entre les 19 et 21 septembre à San Diego (Californie). L'homme aurait remis de l'argent aux kamikazes et les aurait initiés au Web. ¾ Al Badr Mohammed al Hazmi (31 ans). Saoudien, arrêté à San Diego pour ses éventuels liens avec les pirates de l'air. ¾ Richard Reid. Britannique. Arrêté le 22 décembre 2001 alors qu'il tentait de faire exploser le vol Paris-Miami. Il est accusé d'avoir été entraîné dans les camps d'Al Qaïda. ¾ José Padilla, alias Abdoullah al Moudjahir. Citoyen américain arrêté le 8 mai 2002 à Chicago. I1 aurait été chargé par Al Qaïda d'organiser un attentat à la « bombe sale » : une charge explosive classique entourée d'éléments radioactifs. France ¾ Jérôme Courtallier. Arrêté aux Pays-Bas le 18 septembre 2001 en compagnie de deux autres personnes pour « faux en écriture et fabrication de faux documents en vue de préparer un attentat ». Son frère, David Courtallier, a été arrêté début 1999 à Caen (Calvados), mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Converti à l'islam à Londres, il aurait suivi un stage militaire en Afghanistan en 19971998. ¾ Djamel Beghal. Ce Français est considéré comme une pièce maîtresse en France du réseau Al Qaïda. Il aurait recruté le Belge 242 Trabelsi et Kamel Daoudi. Il a été arrêté le 28 juillet 2001 à Dubaï en provenance du Pakistan et extradé en France le 30 septembre 2001. ¾ Yacine Akhnouche. Arrêté plusieurs fois avant le 11 septembre pour avoir passé trois ans en Afghanistan. Il aurait raconté aux policiers sa rencontre avec Zacarias Moussaoui dans les camps d'Al Qaïda. ¾ Youssef el Aouni (28 ans). Français d'origine marocaine, écroué le 30 novembre 2001 pour «falsification de documents administratifs et association de malfaiteurs dans un but terroriste» ; Adel Tebourski (38 ans), Français d'origine tunisienne, arrêté dans une ferme du Nord, a été mis en examen le 3 décembre 2001 pour « association de malfaiteurs dans un but terroriste ». Tous les deux appartiendraient au réseau qui a livré les faux papiers ayant servi aux meurtriers de Massoud. Deux complices ont été arrêtés le 18 janvier 2002 : l'Algérien Abderahmane Ameroud (24 ans) et le Français d'origine algérienne Mehrez Azouz (34 ans). ¾ Ghulam Mustafa Rama. Pakistanais. Il a été arrêté le 12 juin 2002 avec deux autres hommes. La justice française le soupçonne d'avoir apporté son soutien à Richard Reid, l'auteur de la tentative d'attentat sur le vol Paris-Miami, le 22 décembre 2001. Grande-Bretagne ¾ Lofti Raissi (27 ans). Pilote algérien arrêté le 21 septembre, puis libéré sous caution. Suspecté d'avoir instruit certains kamikazes. 243 ¾ Bagdad Meziane (36 ans) et Brahim Benmerzouga (30 ans). Algériens poursuivis pour leurs liens éventuels avec Al Qaïda, appréhendés en septembre 2001 à Leicester en même temps que Kamel Daoudi, expulsé vers la France. ¾ Amar Makhnulif, dit Abou Doha. Arrêté avant le 11 septembre dans le cadre d'une affaire de réseau italien. Cet Algérien est suspecté d'avoir préparé un attentat contre l'aéroport de Los Angeles. Les Américains ont demandé son extradition. ¾ Seifallah Ben Hassine: Tunisien basé à Londres et recherché par les policiers dans le cadre d'une affaire italienne. ¾ Yasser al Siri (38 ans). Égyptien, arrêté le 23 octobre 2001 et inculpé de complicité dans le meurtre du commandant Massoud. Il aurait fourni la lettre de recommandation. ¾ Abou Qutada (41 ans). Palestinien, réfugié politique. II a disparu après l'adoption d'une loi sur l'élargissement de la détention voté après le 11 septembre. Considéré comme le guide spirituel d'Al Qaïda en Europe. ¾ Khalid al Fawwaz (37 ans). Égyptien. Incarcéré depuis 1998. Les Américains souhaitent son extradition; ils le soupçonnent d'avoir été le chef d'Al Qaïda en Grande-Bretagne et d'être impliqué dans les attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, en 1998 (224 morts). Inde ¾ Mohamed Afroz Abdul Razzak. Libéré le 9 avril 2002 après quatre mois de détention. L'homme a versé une caution de 2 000 dollars environ. 244 Italie ¾ Avril 2001, le réseau des Tunisiens de Milan tombe. Fin février, les membres sont condamnés à des peines allant jusqu'à 5 ans de prison (Ben Khemais ; Mohammed Aouadi Ben Belgacem; ¾ Mokhtar Bouchocha et Tark Charaabi : tous tunisiens). Chef de cette cellule, Essid Sami Ben Khemais, alias « Saber », considéré comme le chef du recrutement d'Al Qaïda en Italie, est soupçonné d'avoir été en relation avec Omar Chaabani, alias Abou Jaffar, l'un des lieutenants de Ben Laden. ¾ Depuis le 11 septembre, la police italienne a opéré 73 arrestations. Trois autres Tunisiens soupçonnés d'appartenir à Al Qaïda comparaissent le 18 février devant le tribunal de Milan : Madhi Kammoun, Abdel Ben Soltane et Jelassi Riadh. ¾ Mi-septembre 2001, le réseau napolitain de Takfir Wal Hijra (16 arrestations) est démantelé. ¾ Entre les 14 et 29 novembre 2001. arrestations d'Abdel Halim Hafed Remadna (Algérien), Yassine Chekkouri (Marocain), Nabel Bennatia (Tunisien). Ils fréquentaient le Centre d'études islamiques de Milan. ¾ Sami Kishk, alias Hammada. Égyptien basé à Paris, arrêté à l'aéroport de Rome, le 20 novembre 2001. Sous le coup d'un mandat d'arrêt italien depuis le 5 octobre, il serait, selon la police, le faussaire d'une cellule du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) installée à Milan. 245 ¾ Huit Marocains sont arrêtés fin février 2002. Ils sont soupçonnés d'avoir préparé un attentat contre l'ambassade des États-Unis à Rome. Maroc ¾ Abou Zoubair el Haili. Saoudien, surnommé « l'ours ». Il a été interpellé au Maroc à la mi-juin 2002. Il est considéré par les services américains comme un cadre important d'Al Qaïda, proche de Ben Laden. ¾ Début juin 2002, les services de sécurité marocains ont neutralisé un groupe de Saoudiens appartenant à Al Qaïda. Les trois hommes - Hilal Djaber Aouad al Assiri, Zouhair Hilal Mohamed al Tbaïti et Abdullah M'Sfer Ali al Ghamdi - sont suspectés d'avoir préparé des attentats suicides contre des navires de guerre américains et britanniques stationnés dans les ports marocains. Pakistan ¾ Cheikh Omar. Soupçonné d'être le commanditaire du rapt et de l'assassinat de Daniel Pearl (journaliste au Wall Street Journal), il est arrêté le 12 février 2002. Les Etats-Unis ont demandé son extradition. ¾ Abou Zoubeida. Responsable du recrutement d'Al Qaïda. Il est arrêté le 3 avril 2002 à Faisalabad et remis aux Américains. Singapour ¾ Début janvier 2002, arrestation de treize suspects liés à Al Qaïda. 246 ¾ Mi-février, arrestation de treize suspects accusés de préparer des attentats à l'explosif (21 tonnes de nitrate d'ammonium). Turquie ¾ Ahmed Mahmud, Mustapha Hassan et Firas Suleiman, qui se sont présentés respectivement comme jordanien, palestinien et irakien à la police turque, ont été arrêtés le 15 février 2002 en Turquie orientale. Soupçonnés de préparer des attentats en Israël, ils provenaient d'Afghanistan via l'Iran. (Source : Ali Laïdi, « Le Jihad en Europe », pages 275-281) 247 BIBLIOGRAPHIE 248 Ouvrages 1) ACHCAR Gilbert, « Le Choc des Barbaries », Paris, Complexe, 2002. 2) BODY-GENDROT Sophie, « La société américaine après le 11 septembre », Paris, Presses de Sciences Po., 2002. 3) BONANATE Luigi, « Le terrorisme international », Rome (Italie), Casterman, 1994. 4) BRISARD Jean-Charles et DASQUIE Guillaume, « Ben Laden la vérité interdite », Paris, éd. Denoël, 2002. 5) CHALIAND Gérard, « L’Arme du Terrorisme », Paris, Louis Audibert, 2002. 6) CHOMSKY Noam, « De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis », éd. 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Vous retrouverez à cette adresse la Déclaration du sommet de l’OTAN à Prague le 21 novembre 2002). 8) www.defenselink.mil (Site du Département de la défense des Etats-Unis). 9) www.enduring-freedoms.org (Site créé par Reporters sans frontières pour dénoncer les atteintes aux libertés collectives et individuelles engendrées par la guerre contre le terrorisme). 10) www.er.uqam.ca/nobel/cepes (Site du Centre d’Études des Politiques Etrangéres et de Sécurité ou CEPES). 11) www.fatf-gafi.org (Site du GAFI). 258 12) www.frstrategie.org/ (Site de la Fondation pour la recherche stratégique). 13) www.globalsecurity.org 14) www.gulfnews.com/ (Site du quotidien Gulf News au Emirats Arabes Unis). 15) www.ifrance.com 16) www.jeuneafrique.com (Site de l’hebdomadaire africain Jeune Afrique l’Intelligent). 17) www.kuwaittimes.net/today/index.php (Site du quotidien koweitien Kuwait Times). 18) www.lefigaro.fr 19) www.lemonde.fr 20) www.lexpansion.com (Site du Magazine l’Expansion). 21) www.liberation.fr 22) www.radio-canada.ca (Site de Radio Canada). 23) www.rfi.fr (Site de Radio France Internationale). 259 TABLE DES MATIERES 260 SOMMAIRE …………………………..…………...…………..…… 1 INTRODUCTION ……………………………..…………….......... 3 PREMIERE PARTIE : DE L’EFFICACITE DE LA GUERRE ANTI-TERRORISTE …………..…………..…........ 8 CHAPITRE 1 : Les acteurs de la guerre contre le terrorisme et leurs missions ……………..……………………………….……….... 9 I. Une brève présentation de la NSHS ……………..……….... 9 II. Le rôle des autorités fédérales américaines dans la guerre contre le terrorisme …………..…………………..……...... 14 A. L’OHS : une agence de rang ministériel pour coordonner la guerre contre les terroristes en attendant la création d’un ministère de sécurité intérieure ………..... 14 B. La naissance du ministère de sécurité intérieure et sa mission dans la guerre anti-terroriste ……...……............... 15 1) Les missions du DHS ………………………...…. 16 2) La structure du DHS ……………..…………...…. 17 a) Les cinq directions générales du DHS et leurs missions ……...………...………...…….. 17 b) Les hauts fonctionnaires du DHS et leurs missions …………………...………...……….. 19 261 C. Les rôles des autres ministères dans la guerre contre le terrorisme ………………………...…………………...….. 20 - Le Département de la Défense (DoD) ……...…...... 21 - Le Département de la justice (DoJ) ……...….......... 22 - Le Département d’Etat (DoS) …...……………….. 23 - Le Département de la santé et des services humaines (DHHS) ……...……………….................. 24 - Le Département du Trésor (DoT) ……………...… 25 - Le Département de l’agriculture (USDA) …......…. 25 III. Les autres acteurs de la guerre contre le terrorisme et leurs missions …………………………………………………...……. 27 A. Les agences de renseignements et la guerre antiterroriste……...……………………………………...…..... 27 1) Le FBI ………………………………...……….... 27 2) La CIA ………………………………………….. 30 B. Le rôle des citoyens américains ……….…………….... 31 C. Le rôle du secteur privé et des autorités étatiques et locales…………...……………………………….…...…… 32 CHAPITRE 2 : La guerre contre le terrorisme : une “politique” anti-terroriste unilatéraliste bénéficiant d’un soutien international mitigé ………………….…………………………………….........…... 34 I. Présentation de la "National Strategy for Combatting Terrorism"……………………………………………………….. 34 II. Les mesures américaines de lutte contre le terrorisme : des mesures unilatéralistes ……………………...…………….…..… 38 262 A. Les mesures juridiques et sécuritaires …………...……. 38 1) L’USA PATRIOT Act …………….....…………... 38 2) Des commissions militaires pour juger les terroristes…………………………...…...………….. 40 3) L’US-VISIT : un programme pour filtrer les entrées aux Etats-Unis ………………………...…… 42 4) Le programme d’aide anti-terroriste (ATA) : un programme pour aider certains pays à former leurs forces de sécurité ……………...………………...…. 44 B. Les mesures financières pour bloquer les avoirs des terroristes ……..…………………………...……………... 45 C. Les mesures militaires ……………………………....… 48 1) Des changements intervenus dans le domaine militaire depuis le 11 septembre ………………........ 49 a) La Quadrennial Defense Review (QDR)………..……………………………..... 49 b) La création d’un nouveau commandement pour protéger le territoire américain : le Northcom…...………………………………... 51 2) Les opérations militaires ……….……...………... 52 a) OEF …………………….……………......... 53 b) OIF ………………………….……….......... 56 3) Le soutien international aux campagnes américaines……………………………...……...…... 59 III. La coopération internationale à la guerre contre les terroristes………………………….………………………….…. 62 263 A. L’appui internationale à la lutte contre les finances des terroristes : l’un des rares domaines où l’étranger coopère plus ou moins sérieusement …………..…………...….….. 63 1) Les NU et la lutte contre le financement du terrorisme……………...……………...…………...... 63 2) L’Union européenne (UE) et le gèle des avoirs terroristes ………………………………...……….... 64 3) Le G7, le G20 et la lutte contre le financement du terrorisme ………………………...……………….... 65 4) Le GAFI et la lutte contre le financement du terrorisme ………………………...…………...…..... 66 5) Les institutions financières internationales et la lutte contre le financement du terrorisme …........….. 68 6) Les autres soutiens à la lutte contre les finances des terroristes ………………………………...…...... 69 B. La coopération militaire bilatérale ……...…………….. 70 1) L’assistance militaire apportée aux Philippines…............................................................. 70 2) L’assistance militaire apportée à la Georgie…………....................................................... 71 3) L’assistance militaire apportée au Yémen ...……. 72 CHAPITRE 3 : Des acquis et de l’efficacité de la guerre antiterroriste………..…………………..……………...…………………... 74 I. Le bilan des opérations militaires en Afghanistan et en Irak : un bilan mitigé ……...………………………...………...…......... 74 A. Les acquis des opérations …….…………………...…... 74 264 B. Les opérations militaires n’ont pas éradiqué le terrorisme en Afghanistan et en Irak ; et la paix est loin d’être gagnée dans ces pays ….………………...….… 77 II. Les difficultés de la lutte internationale contre les finances des terrorismes …………………...……………………..…...….. 79 A. Les difficultés liées à la détermination et à la traque des avoirs des terroristes ……………………………...….. 80 1) Les sources de financement des terroristes compliquent le gèle de leurs avoirs …….…...……... 80 2) Hawala et Paradis fiscaux : un casse tête chinois pour les traqueurs des avoirs terroristes …….……... 83 B. Les autres facteurs de blocage de la lutte financière contre les avoirs des terroristes ………...……...……......... 86 1) L’inexistence d’une définition universelle du terrorisme ………………………...……………........ 86 2) La « mauvaise volonté » des Etats à coopérer entièrement pour bloquer les avoirs terroristes…………………………...………...…….. 88 III. L’absence d’une coopération judiciaire internationale affaiblie la guerre anti-terroriste alors que la recrudescence des attaques terroristes à travers le monde sème le doute quant à son efficacité ………………..…………………...…….. 89 A. La coopération judiciaire internationale : un élément essentiel de la guerre contre le terrorisme mais inexistant ………………...…………….... 90 265 B. La recrudescence des attaques terroristes à travers le monde laisse croire à une inefficacité de la guerre contre le terrorisme………………………………………......…... 94 DEUXIEME PARTIE : DES IMPLICATIONS DE LA GUERRE ANTI-TERRORISTE DANS LES RELATIONS AMERICAINES ……………………….…….... 98 CHAPITRE 4 : Les réactions au 11 septembre, à la guerre contre le terrorisme et leurs motivations …………………….………..……… 99 I. Les réactions des Etats : des réactions à motivations diverses . 99 A. Les réactions aux attaques du 11 septembre et à la guerre anti-terroriste en Europe ………..…………..…… 100 1) La réaction de la France ……………….….…… 100 2) Les réactions dans le reste de l’Europe …......…. 105 B. Les réactions des pays musulmans au 11 septembre et aux opérations militaires américaines ……………........... 108 1) La réaction du Pakistan à la riposte américaine contre les taliban …….............................................. 109 2) La réaction des pays arabes au 11 septembre ..… 111 3) Les réactions de certains pays musulmans aux opérations militaires …………...…………………. 113 a) Iran : une réaction neutre ……….....….…. 114 b) Les autres réactions ……………...…....... 114 C. Les réactions au 11 septembre et à la guerre anti-terroriste dans le reste du monde ……………........... 116 266 1) La réaction de la Russie : « oui à la guerre contre le terrorisme et non à la guerre contre le “partenaire” irakien » ……………...………….…... 116 2) Les réactions des autres pays beaucoup plus liées à une volonté d’apaisement ……...……...…... 118 II. L’inquiétude des associations de défense des droits et des libertés face aux nouvelles normes anti-terroriste ….…...….…. 120 A. Une inquiétude justifiée ……………………………... 120 B. Une liberté de la presse mal éprouvée par la guerre anti-terroriste ………………………………….…....….... 124 III. Les réactions des OI aux attaques du 11 septembre et à la guerre anti-terroriste …………………………………………... 127 A. Les nouvelles mesures mises en place par l’ONU et ses organismes et sa réaction à la crise irakienne …..... 128 1) Quelques mesures anti-terroristes adoptées par des organismes de l’ONU en réaction au 11 septembre………...……………………………….. 129 2) L’ONU et la crise irakienne …….…….……….. 131 B. La réaction de l’OTAN et sa transformation face aux nouvelles menaces comme le terrorisme international……………………..………….…………… 132 1) La réaction de l’OTAN aux attaques du 11 septembre …………………………………………. 133 2) La transformation de l’OTAN à la suite du 11 septembre …………………………...………….…. 134 267 CHAPITRE 5 : Les implications de la guerre anti-terroriste dans les relations Etats-Unis/Europe et Etats-Unis/Russie .................. 138 I. Les implications de la guerre anti-terroriste sur les relations transatlantiques ……………...………………………….……... 138 A. Les pommes de discorde entre le “Vieux” et le “Nouveau continent” …..…………………….………….. 139 B. L’Europe et l’Amérique : des valeurs communes et des intérêts convergents malgré les pommes de discorde……………………………………....………….. 143 C. La relation franco-américaine et la crise irakienne………………………………………...…….…. 147 II. La guerre contre le terrorisme : une aubaine pour Moscou de nouer un partenariat stratégique avec Washington, de mater la rébellion tchétchène et d’apaiser les tensions au sujet des gorges de Pankisi ……...……………………...…....... 150 A. Le nouveau « partenariat stratégique » entre Moscou et Washington ……………………….………………..… 150 B. La guerre contre le terrorisme : une occasion pour Moscou de mater la rébellion tchétchène et de lui priver sa zone de replie en Georgie (les gorges de Pankisi) …..……………...………………………...…. 152 1) La « benladénisation » du conflit tchétchène ..… 152 2) La Russie tolère la présence américaine en Georgie dans l’espoir de priver les rebelles 268 tchétchènes de leur refuge des gorges de Pankisi …………..……………………………...… 154 C. La coopération dans la guerre contre le terrorisme n’a pas fait disparaître les divergences russoaméricaines ………...…………………………………..... 156 CHAPITRE 6 : Les implications de la guerre contre le terrorisme sur l’opinion publique musulmane et sur les relations Etats-Unis/Régimes proaméricains ………………………....……….. 159 I. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur l’opinion publique musulmane …………………………....…... 159 A. La guerre anti-terroriste attise l’anti-américanisme et exaspère le sentiment d’injustice des musulmans ………. 160 B. Les sujets à frustration …………………….………… 164 1) Le conflit israélo-palestinien ………….……….. 165 2) L’affaire irakienne …………….…….…………. 167 a) La Guerre du Golfe…………….…….…... 167 b) Les sanctions économiques imposées à l’Irak par la communauté internationale après la guerre du Golfe ……………...…...... 168 II. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur les relations Etats-Unis/Régimes proaméricains ………..……….... 172 A. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur les relations Etats-Unis/Arabie Saoudite ……..…….…… 172 1) L’historique des relations Etats-Unis/Arabie Saoudite………………………...…………….…… 172 269 2) Les relations américano-saoudiennes depuis le 11 septembre : des relations houleuses …….……... 177 B. Les implications de la guerre contre le terrorisme sur les relations Etats-Unis/Autres régimes proaméricains et les desseins américains au Moyen-Orient depuis le 11 septembre……………………………………...……….... 181 1) Les relations américaines avec les autres régimes proaméricains du monde musulman : Egypte, Jordanie et Pakistan ……………..…..…… 181 a) Egypte/Etats-Unis : des relations éprouvées par la guerre anti-terroriste ……………......... 181 b) La Jordanie et le Pakistan : deux pays qui ont su tirer profit de la guerre anti-terroriste .. 183 1. La Jordanie ………………………...…...... 183 2. Le Pakistan …………………….……..….. 184 2) Les desseins américains au Moyen-orient depuis le 11 septembre ...……………………………......... 186 CONCLUSION ……………………………………………..…… 189 DOCUMENTS ANNEXES …………………………….……... 194 BIBLIOGRAPHIE ……………………………………….…….. 247