JE M`ACCUSE
Transcription
JE M`ACCUSE
JE M’ACCUSE par Antonio Bertoli (Traduit de l’italien par David G.) JE m’accuse de l’Eau et du Feu, du Ciel et de la Terre Je m’accuse de l’air et du verbe, de la respiration et de la brume Je m’accuse d’avoir aimé le bois, épuisé la rose, goûté au va-et-vient de la colère Je m’accuse de l’inconsistance de la poésie, de ce qui n’est pas lisible Je m’accuse d’avoir oublié le visage de mon père, de ne pas me souvenir du mien JE m’accuse des rois et des reines, du pape, de l’herbe folle, du miroir brisé, de la langue du rabbin Je m’accuse d’avoir aimé l’orbite vide d’une poupée, un crucifix, la poésie Je m’accuse d’avoir écrit des lettres d’amour au moins cinq cents fois Je m’accuse d’avoir commis l’adultère pendant trente ans avec un être ailé Je m’accuse de lui avoir donné tout ce que je possédais et de m’être ainsi ruiné JE m’accuse des saisons, des influences de la lune et des tempêtes solaires Je m’accuse de toutes les révolutions qui ont échoué et des mouvements artistiques Je m’accuse de toutes les guerres et de toutes les religions et de tous les régimes Je m’accuse de la démocratie et de l’imposture JE m’accuse du génocide, de la mort de Dieu e de la mort de l’art Je m’accuse de la mort de ma mère et de celle de mon père Je m’accuse de la maladie de la hyène qui rit sur le dos de la mort Je m’accuse de l’indifférence des passants, de dieu et des étoiles Je m’accuse des yeux verts du vent Je m’accuse de la jeunesse, de la maturité, de la vieillesse Je m’accuse des mystères, des arcanes et des mythes Je m’accuse du sang et de son tumulte Je m’accuse de l’apparence et de la répétition Je m’accuse du sable, de la farine et du lait du moulin d’Hamlet Je m’accuse de l’oubli dans lequel nous sommes tombés, du trou noir de la mémoire Je m’accuse d’avoir toujours cherché à vivre et de faire vivre bien Je m’accuse d’avoir toujours cru dans l’art uniquement comme art de vivre Je m’accuse d’avoir toujours écrit par amour JE m’accuse de ce monde, de la carte céleste où sont tracés nos destins Je m’accuse de manger de la poussière d’étoiles au moins deux fois par jour Je m’accuse d’être heureux Je m’accuse d’être amoureux et pas uniquement de femmes Je m’accuse du plaisir éprouvé, que j’éprouve et que j’éprouverai Je m’accuse de ne pas lire les journaux et leur négativité Je m’accuse de ne pas regarder la télévision Je m’accuse d’être un homme Je m’accuse d’être un révolutionnaire, un néophyte, un postulant, un ami, un prophète Je m’accuse d’exister, de boire, de manger, dormir, et faire l’amour Je m’accuse des soirées passées seul, en compagnie, seul en compagnie Je m’accuse d’aimer la beauté, de ne pas connaître la vérité JE m’accuse des crapauds et des impies Je m’accuse de la graminée et des orages Je m’accuse de la grande mer agitée qui lèche le rivage dont elle est amoureuse Je m’accuse du dieu des murs et des étangs Je m’accuse de la pensée qui vide le cœur Je m’accuse de la coupe pleine du cœur et de son saint sang Je m’accuse des cinq plaies Je m’accuse des sept plaisirs, des douze mois, des vingt-deux arcanes Je m’accuse du temps qui s’écoule et de la mémoire Je m’accuse d’avoir écrit des poésies, supplications, injures Je m’accuse de ne jamais avoir refusé une goutte d’eau à une fleur Je m’accuse de mes lèvres et du doigt sur elles Je m’accuse mille fois d’espérances, mille fois de foi, mille fois de la neige et de la pluie Je m’accuse du vert des prés, du blanc de la lune, du rouge de la passion Je m’accuse du plaisir de ma peau et sous ma peau Je m’accuse d’Arthur Rimbaud, Antonin Artaud, Breton, Dylan Thomas, Ginsberg, Enrique Lihn, Yeats, Caravaggio, Campana, Antonio Porchia, Lautréamont, Arrabal, Jodorowsky, Ferlinghetti Je m’accuse du toujours pour toujours Toujours pour toujours Je m’accuse De tout et de tous, de quiconque et de quoi que ce soit JE m’accuse…