Sepsis sur prothèse pariétale - Chirurgie

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Sepsis sur prothèse pariétale - Chirurgie
SOMMAIRE
redi 5 octobre 2011
Modérateurs :
J.-P. FAVRE (Poitiers)
J.-L. CAILLOT (Lyon)
Toutes les prothèses ont-elles le même risque infectieux
J.-P. FAURE (Poitiers)
Peut-on mettre une prothèse non résorbable en cas de hernie ou éventration
étranglée ?
J.-L. CAILLOT (Lyon)
Quels gestes peut-on associer à une cure d'éventration prothétique sans
augmenter le risque infectieux ? (Texte remis à part)
J.-P. PALOT (Reims)
Conduite à tenir face à un sepsis sur prothèse
J.-L. BOUILLOT (Paris)
Traitement conservateur en cas de sepsis sur prothèse
C. SABBAGH, M. VERHAEGHE,
M. REGIMBEAU (Amiens)
Peut-on utiliser des prothèses en milieu infecté : quand, lesquelles ?
N. BRIEZ, C. MARIETTE (Lille)
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
TOUTES LES PROTHESES ONT-ELLES LE MEME RISQUE INFECTIEUX ?
JP Faure
Service Chirurgie Viscérale Digestive
Hôpital Jean Bernard
2 rue de la Milétrie
86025 Poitiers Cedex
[email protected]
Introduction :
L’infection est un risque pour toute intervention chirurgicale, ainsi, on retrouve des bactéries pathogènes dans
plus de 90 % des plaies opératoires lors de la fermeture. Ceci existe quelle que soit la technique chirurgicale et
quel que soit l’environnement (le flux laminaire ne supprime pas complètement ce risque). Ces bactéries sont
peu nombreuses mais peuvent proliférer. Elles trouvent dans la plaie opératoire un milieu favorable
(hématome, ischémie, modification du potentiel d’oxydoréduction...) et l’intervention induit des anomalies des
défenses immunitaires. La chirurgie pariétale ne saurait donc pas échapper à ce risque majeur redouté lors de
l’insertion d’une prothèse. Ce risque est variable selon les séries, le site d’implantation et le type de prothèse
mise en place (1). Le nombre de prothèses disponibles sur le marché est important, avec même pour certains
matériaux « tolérants » une possibilité de pose en milieu septique. De fait devant cette offre pléthorique et le
risque infectieux toujours présent quelle prothèse choisir et donc « toutes les prothèses ont-elles le même
risque infectieux ? »
Epidémiologie :
Annuellement en France sont réalisés chaque année environ 300 000(dont environ 200 000 cures de hernie de
l’aine) traitement de défects pariétaux par mise en place de matériel prothétique. L’incidence de l’infection du
matériel prothétique doit être analysée en fonction du site opératoire. Pour les cures de hernies de l’aine la
méta analyse de Sanchez-Manuel et al, estime le taux d’infection de prothèse à 1,4% en cas
d’antibioprophylaxie et de 2,9% en l’absence d’antibioprophylaxie (2). Pour la chirurgie des éventrations, les
infections de prothèse sont décrites aussi bien après chirurgie ouverte que lors d’un abord coelioscopique. Ce
taux est de 6 à 10% pour la voie ouverte et de 0 à 3.6% pour la voie laparoscopique(3).
Ces infections du matériel prothétique sont des pathologies graves pour les patients et couteuses pour le
système de santé. En effet 4.5% des prothèses enlevées le sont pour infection (4) et dans ces cas les patients
doivent subir en moyenne 2.1 procédures opératoires pour une prothèse enlevée (moyenne 1 à 5 procédures)
(5).
La voie d’abord en chirurgie pariétale est aussi prise en compte dans l’analyse du taux d’infection. Une étude
de l’European Hernia Society en 2001 montrait que lors du traitement de ces infections de matériel
prothétique, il était plus souvent nécessaire d’enlever le matériel lorsque celui-ci était mis en place lors d’un
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abord coelioscopique : 0 à 7% des cas alors qu’il était nécessaire d’enlever le matériel uniquement dans 0 à 4%
lors des abords par voie ouverte (6).
DIAGNOSTIC : Le diagnostic d’une infection prothétique peut prendre différentes formes depuis un simple
érythème cicatriciel jusqu’au sepsis grave et peuvent être classées en infections précoces et infections
« tardives » en raison de leur étiologie probable. Les infections précoces sont dues le plus souvent, à une
infection cutanée superficielle ou une fistule digestive alors que les infections chroniques surviennent sans
fistule digestive associée (3).
Les infections prothétiques précoces doivent être distinguées des réelles infections cutanées superficielles qui
elles peuvent parfois être traitées par une antibiothérapie lorsque l’unique manifestation clinique est un aspect
de cellulite (3). Ainsi le diagnostic Clinique d’une infection prothétique précoce est difficile, un sérome peut
être confondu avec une collection en avant de la prothèse. Les clefs du diagnostic d’infection semblent devoir
associer des signes généraux communs à toutes les techniques chirurgicales : douleur, abcès péri cicatriciels ou
péri prothétiques, fièvre, hyperleucocytose, augmentation des protéines de l’inflammation et de la vitesse de
sédimentation à des signes locaux associés à la technique chirurgicale. La présence d’un écoulement purulent
par un orifice de drainage après chirurgie ouverte ou par un ou plusieurs orifices de trocart après cœlioscopie
doit faire suspecter une infection. Les examens radiologiques peuvent être d’une assistance importante,
cependant la présence de liquide péri prothétique peut être normale, c’est la présence de gaz au sein de cette
collection qui fera suspecter une infection. Bien évidement une image de fistule avec une structure digestive
affirmera le diagnostic (Fig. 1).
Figure 1 : TDM : liquide péri prothétique avec fistule
Cependant certains patients présentent des infections prothétiques tardives avec suppuration persistante, cela
semble survenir lorsqu’il existe formation d’un abcès sans signes de sepsis (7).
Aussi le diagnostic certain d’une infection prothétique ne peut il parfois se faire qu’après culture du liquide
abcédé péri prothétique ou après culture de la prothèse elle-même.
Microbiologie :
81% des infections de prothèse sont liées à Staph. Aureus dont 52% sont méthicilline-résistants (5). Dix sept %
de germes gram négatifs sont impliqués. Les bacilles Gram négatif d’origine digestive sont plus souvent
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retrouvés lorsqu’associé au geste de chirurgie pariétale on retrouve un geste de chirurgie digestive et lorsqu’il
existe une fistule entérocutanée tardive.
Causes de l’infection des prothèses
L’infection du matériel prothétique est associée à plusieurs causes associant le patient, le type de défect
pariétal, la technique et la prothèse elle-même.
o
Le facteur patient :
L’obésité, un traitement corticoïde au long court, le tabac… augmentent le risque infectieux. Le traitement
d’une récidive herniaire et une durée opératoire prolongée accroissent ce risque. Le site de mise en place du
matériel dans le traitement des éventrations n’influence pas le taux d’infection, cependant la couverture
aponévrotique diminue ce risque (3).
Le facteur prothèse:
Afin de connaitre le « risque infectieux » d’un matériel, il est important de savoir ce qu’est une prothèse. La
prothèse idéale serait composée d’un matériel inerte, qui induirait une réponse inflammatoire minime, qui
favoriserait la colonisation vasculaire et fibroblastique en évitant l’encapsulation du matériel et son érosion.
Elle devrait de plus s’intégrer dans les tissus voisins et limiter l’infection (8).
Qu’est ce qu’une prothèse pariétale? (1)
Les prothèses pariétales initialement fabriquées sous forme d’un filet («mesh» des anglo-saxons) ont
actuellement la structure d’un treillis textile fait de fibres mono-ou multibrins tissées, tricotées ou collées. Les
textiles prothétiques sont caractérisés par la taille des pores qu’ils présentent. Elles sont fabriquées à partir de
fibres non résorbables de polypropylène, de polyesters saturés à bas poids moléculaire (Dacron), ou de PTFE
expansé. Certaines autres prothèses sont fabriquées à partir de fibres à résorption lente type Vicryl®.
Il existe plusieurs classifications des types de prothèse. Estour propose trois types basée sur la taille des pores
(9). Amid les a classés en quatre groupes basés sur la taille des pores et le type de fibre constituant la prothèse,
nous verrons que cela est important dans la prise en compte du risque infectieux (10). Autre élément souvent
mis en avant par l’industrie pour différencier les prothèses et qui peut avoir un intérêt lors d’infection, le poids
de la prothèse. Celui-ci varie de 30 à 200g/m², et dépend donc de l’épaisseur (donc du mode de tricotage) et de
la quantité de matériel utilisé pour former la prothèse.
• le type I correspond aux prothèses macroporeuses : elles contiennent des pores de diamètre supérieur à 75
microns autorisant ainsi le passage des macrophages, des fibroblastes, des néovaisseaux et des fibres
collagènes sans constitution d’une gaine fibre d’encapsulation et d’exclusion. Dans ce groupe se trouvent les
différentes prothèses monofilamentaires à base de polypropylène (Marlex®,Prolène®, Surgipro®,Biomesh®);
• le type II correspond à des prothèses microporeuses avec des pores < 10µ. Cette porosité semble insuffisante
car elle ne permet pas la pénétration et l’adhésion cellulaire précédant la colonisation du matériau. Ces
prothèses sont essentiellement fabriquées à base de ePTFE (Gore-tex®);
• le type III correspond à des prothèses macroporeuses faites de multifilaments, type Mersilène® ;
• le type IV correspond à des prothèses imperméables faites de silastic ou autre.
Actuellement sont développées des prothèses dites « biomatériaux »
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Ces prothèses ont fait la preuve de leur utilité en chirurgie pariétale, cependant le concept de renfort pariétal
mis en avant par l’utilisation de ce type de matériel est actuellement bousculé par la notion Anglo-Saxonne de
« remodelling » pariétal. Les prothèses classiques dont le principe est d’intégrer la paroi se voit balayé par une
incorporation biologique de la prothèse permettant de créer un nouveau tissu pariétal comparable en fonction
et en histologie au tissus de l’hôte. Pour cela de nouvelles prothèses « biologiques » ont été développées. Elles
sont constituées par une matrice acellulaire. Ces prothèses peuvent avoir deux origines :
•
Animale :
o
Sous muqueuse d’intestin grêle porcin (Surgisis Cook, Bloomington, Indiana),
o
Derme porcin (Permacol, Covidien ; Collamend, Bard/Davol ; Stratice, LifeCell ; XenMatrix,
Brennan Medical)
•
o
Derme de fœtus bovin (Surgimend, TEL Bioscience)
o
Péricarde Bovin (Tutopatch, Tutogen Medical ; Véritas, Synovis)
Humaine :
o
Derme humain (Alloderm, Lifecell ; AlloMax, Bard/Davol ; FlexHD, MTV ; Tutomesh, Tutogen
Medical)
Concernant ces prothèses dites « biologiques », elles présentent des propriétés spécifiques (11) en particulier
dans le domaine de l’infection. Elles ne serviraient pas de « foyer » d’infection, ne « favoriseraient » pas
l’infection et permettraient d’éviter le retrait du matériel si l’antibiothérapie contrôle l’infection.
Ainsi ce type de matériel prothétique permettrait de traiter un défect pariétal y compris en milieu septique
(12).
Comment s’infecte une prothèse?
Nous avons vu en introduction qu’il existait des germes dans 90% des plaies lors de la fermeture (13) ainsi
l’infection du matériel prothétique est une contamination opératoire dans la majorité des cas (1).
Dès 1967 (14) il a été montré que les sutures pariétales en milieu septique étaient de meilleur qualité avec des
sutures type monofilament que multifilaments, l’explication de cela vient dix ans plus tard avec la mise en
évidence de la propagation cinq à huit fois plus importante des bactéries dans les sutures type multifilament
(15).
Enfin dans les années 80, il est montré que les bactéries infectant les prothèses sont protégées de la
phagocytose macrophagique dans les fils de suture multifilamentaires : les micropores ne permettant pas le
passage cellulaire (16).
Cette porosité liée aux filaments constitutifs de la prothèse peut aussi être liée au mode de tricotage de la
prothèse. Bien que formée de fibres monofilamentaires une prothèse tricotée à mailles serrées, sera résistante
mécaniquement mais la colonisation cellulaire y sera plus difficile : cela diminue l’intégration de la prothèse et
augmente en théorie le risque infectieux.
Ainsi il existerait un risque infectieux plus important avec les prothèses formées de fibres multifilamentaires et
dont la mise en forme serait un maillage serré. Les prothèses de type I selon Amid, avec une mise en forme à
maillage large, supérieure à 1mm selon Estour (9) permettrait une colonisation harmonieuse par des micro-
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capillaires et les bourgeons fibroblastiques, sans constitution d’une gaine fibreuse d’exclusion et
d’encapsulation.
Revue de la littérature :
L’analyse de la littérature permet de mettre en avant plusieurs points.
•
Dans le traitement des éventrations, l’utilisation de prothèses de grande taille (300cm² vs.200cm²) est
un facteur de risque infectieux (5),
•
Les prothèses dites “light” seraient à risque infectieux moindre que les prothèses “heavy” (17).
•
Le traitement des prothèses infecté comprend l’ablation du matériel : dans 2 larges séries
rétrospectives l’ablation du matériel prothétique a été réalisée 3 fois plus souvent lorsque la prothèse
était en ePTFE plutôt qu’en polypropylène (18,19).
•
Une étude Française prenant en compte des éventrations avec des cicatrices potentiellement
infectées et utilisant des prothèses de type III placées en position retro-musculaire ne montre pas de
risque infectieux surajouté (20).
•
La durée opératoire serait un facteur de risque infectieux dans le travail de Stremitzer (17), en effet
l’analyse statistique retrouve une durée augmentée de 42 min dans le groupe prothèses infectées.
Cependant cela n’est pas retrouvé dans le travail de Cobb (5).
•
La présence d’un sérome en avant du matériel prothétique serait un facteur un facteur de risque
infectieux (21)
•
Cependant le drainage du sérome est associé à un risqué accrue d’infection (3).
•
Les prothèses biologiques : ce type de matériel pourrait présenter l’avantage de ne pas nécessiter
d’ablation en cas d’infection, cependant leur cout est important et leur efficacité à long terme dans
ces cas complexes d’infection est encore inconnu(22).
Cependant l’étude de Shah (23) portant sur 58 patients traités par “bioprothèse” pour éventration
infectée entre 2002 et 2007, montre qu’à un an les résultats sont très hétérogènes : infections de
bioprothèses nécessitant leur ablation, récidive à 1 an de 27.9%...
Conclusion:
Dans un travail publié en 2007 dans Hernia, l’équipe de Gerard Champault (24) titrait que dans le cadre de la
réparation des hernies de l’aine le choix de la prothèse est plus important que le choix de la technique (24). Il
est donc indispensable que chaque chirurgien « choisisse » en connaissance de cause le matériel prothétique
qu’il utilisera pour ces patients. Dans le cadre plus spécifique du risque infectieux lors de la mise en place de
matériel prothétique, un élément majeur reste une sélection rigoureuse des indications et une technique
chirurgicale parfaite.
Références
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FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
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FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
PEUT-ON TRAITER UNE HERNIE OU UNE EVENTRATION ETRANGLEE PAR UNE
PROTHESE NON RESORBABLE ?
JL CAILLOT, EJ VOIGLIO
Département de Chirurgie Générale
Digestive, Oncologique,Endocrinienne et d’Urgence
Centre Hospitalier Lyon-Sud
69495 Pierre-Bénite, FRANCE
[email protected]
Le traitement en urgence d’une hernie ou d’une éventration étranglée a évolué ces dernières années avec
l’avènement de la coeliochirurgie. La chirurgie ouverte laissait- et laisse toujours - le choix à l’opérateur
d’utiliser ou non un renfort prothétique. La chirurgie cœlioscopique l’oblige à la pose d’une prothèse, quelles
que soient les circonstances, et seule la conversion lui permet à nouveau de choisir.
La question peut-on mettre en place une prothèse ne se pose donc que dans le cadre d’une chirurgie ouverte
ou d’une chirurgie cœlio-convertie.
Devant une hernie ou une éventration étranglée, le chirurgien doit donc prendre en compte plusieurs éléments
pour décider de la réparation qu’il va entreprendre et de la voie d’abord la plus adaptée. La pose d’une
prothèse non résorbable (PNR) dépendra donc de critères non exhaustifs dont le principal est le risque
d’infection de la PNR. Outre la gravité de l’étranglement et des constations opératoires déterminantes,
l’expertise du chirurgien et l’état général du patient devront être intégrés dans cette réflexion. Compte tenu
des conclusions de la conférence de consensus de 2009 de l’EHS qui laisse la place à une non utilisation de
prothèse en cas de hernie de l’aine étranglée (Figure 1) [1], nous proposerons une hiérarchisation des
situations pour aider à la prise de décision considérant à la fois le risque infectieux et les possibilités de
réparation pariétale.
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Figure 1 : Recommandations sur la prise en charge des hernies inguinales [1]
I.
L’étranglement :
Définition : La hernie ou éventration étranglée correspond à une irréductibilité du contenu hernié associé à une
souffrance du contenu, ce qui la différencie de la simple incarcération où le contenu ne souffre pas [2,3].
Physiopathologie : La constriction des viscères herniés au niveau du collet engendre tout d’abord un œdème,
puis une stase veineuse avant d’aboutir à des lésions ischémiques d’abord réversibles puis irréversibles. Une
translocation microbienne est concomitante aux phénomènes ischémiques [4].
Clinique : Classiquement il s’agit d’une tuméfaction douloureuse irréductible, non impulsive à la toux. La
douleur est constante. L’évolution se fait, lorsqu’un segment intestinal est hernié, vers une occlusion
intestinale laquelle peut évoluer vers une perforation et une péritonite.
Imagerie : Le scanner injecté permet d’apprécier le niveau d’occlusion (syndrome jonctionnel) et le niveau de
souffrance intestinale (état pariétal, vascularisation de l’anse et épanchement associé).
II.
Les constatations peropératoires
Elles aident le chirurgien à apprécier d’une part le niveau du risque septique et d’autre part les possibilités de
réparation pariétale immédiate.
IIA. Evaluation du risque septique.
On propose de coter de 0 à 3, selon une gravité croissante, l’état viscéral, l’état péritonéal et la suture digestive
éventuellement réalisée.
1.
L’état viscéral (V): Le contenu du sac herniaire peut être épiploique, intestinal ou colique. La vitalité
du segment intestinal peut être parfaite (V0), correcte après réchauffement (V1), douteuse (V2) ou
manifestement dépassée en cas de nécrose ou de perforation(V3).L’ouverture du sac est donc indispensable.
2.
L’état péritonéal (P) : Le péritoine peut apparaitre sain (P0), inflammatoire (P1). Dans les hernies d e
l’aine, il pourra s’agir d’une péritonite le plus souvent localisée au sac herniaire (P2). Dans les grosses hernies
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ombilicales et les éventrations étranglées complexes communicant avec la grande cavité péritonéale, il pourra
s’agir d’une péritonite généralisée après perforation digestive (P3).
3.
Suture digestive (S) : Dans les cas les plus favorables, le segment intestinal étranglé récupère et peut
être conservé (S0) ; une épiplocèle peut être réséquée (S0). Parfois une résection anastomose du grêle isolée
s’impose (S1), mais elle peut intéresser plusieurs segments du grêle imposant plusieurs sutures(S2), voire dans
certaines éventrations mixtes complexes obliger à une colostomie du fait d’un colon non préparé(S2) voire à
une résection anastomose colique (S3), aggravant les conditions septiques générales.
L’addition de ces critères (V+S+P) permet au chirurgien d’apprécier globalement et rapidement l’état septique.
Cette note varie de 0 à 9, en trois paliers de gravité croissante : [0-3] ; [3-6] ; [6-9].
IIB. Evaluation des possibilités de réparation pariétale immédiate :
Nous proposons 3 cotations de perte de substance notées A, B, C.
La réparation de la paroi peut être possible sans prothèse (et a fortiori avec prothèse) (A), vouée à l’échec sans
un renfort prothétique (B), voire totalement impossible du fait d’une nécrose des parties molles(C).
Dans les hernies de l’aine, la paroi est pratiquement toujours réparable sans prothèse (A), à quelques
exceptions près :
-
récidive étranglée sur prothèse contraignant à l’ablation de l’ancienne prothèse et débouchant sur une
perte de substance difficilement réparable sans nouvelle prothèse (B),
-
délabrement musculaire inguinal ou crural (B)
Dans les éventrations, lorsque le plan musculo-aponévrotique est suffisamment mobilisable pour recouvrir la
masse viscérale, une raphie pariétale avec ou sans plastie est possible, la pose d’une prothèse étant possible
mais non obligatoire (A). A l’opposé, quand la perte de substance ne peut être compensée par des manœuvres
de mobilisation bien conduites et poussées - dissection sous cutanée jusqu’aux crêtes iliaques, contre-incisions
de refend sur la face antérieure de la gaine des muscles larges, procédé de Velti -, la réparation per primum du
defect pariétal est impossible sans pose de prothèse (B). Les grandes éventrations médiane avec perte de droit
de cité de la masse viscérale herniée peuvent conduire - outre à des résections intestinales majeures de
nécessité- mais également à une impossibilité physique de rapprocher les berges musculo-aponévrotiques des
grands droits (B). Un délabrement musculo-cutané d’origine septique (gangrène, fasciite nécrosante) peut
conduire à de larges mises à plat pariétales musculo-cutanées avec impossibilité totale de recouvrement de la
masse viscérale (C).
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III.
Propositions de CAT
Le tableau 1 ci-joint résume les indications théoriques de pose de PNR que nous proposons en cas de hernie ou
d’éventration étranglée.
Tableau 1 : Indication proposées des PNR dans les hernies et les éventrations étranglées
Hernie de l’aine étranglée
Hernie ombilicale et éventration étranglées
STADES
A [0-3]
B [0-3]
A [3-6]
B [3-6]
PNR possible
PNR possible
PNR conseillée
PNR conseillée
PNR déconseillée
PNR déconseillée / PNR différée si récidive
Abord direct : PNR interdite / PNR fortement déconseillée : Assistance pariétale temporaire
Voie mixte : PNR possible
ou recouvrement cutané simple / PNR à distance
A [6-9]
PNR interdite
PNR interdite : Réparation simple / PNR si récidive
B [6-9] & C[x]PNR interdite : réparation de fortune ou VAC /
PNR interdite : VAC /
PNR différée
PNR différée
Le résumé du tableau en l’adaptant aux voies d’abord utilisées pourrait être le suivant :
1. Hernies inguinales et crurales étranglées
a.
Cœlioscopie : cette technique impose la pose d’une prothèse [5,6]. La voie trans-péritonéale est
recommandée pour faire le bilan lésionnel intrapéritonéal [7]. Le stade septique doit rester inférieur à 3 de
préférence, sinon il est préférable de convertir. L’état pariétal importe peu.
b.
Kélotomie : les choix sont simples [3,8,9] en fonction des stades A et B et de l’évaluation du risque
septique, selon les modalités du tableau 1.
c.
Voie mixte : TAPP puis TEP [10,11] / cœlioconversion puis kélotomie / laparotomie puis kélotomie :
Nous proposons l’attitude suivante : quand une résection anastomose est nécessaire du fait d’une occlusion
franche avec souffrance digestive irrécupérable, dans une ambiance de péritonite localisée bien contrôlée
(score [3-6]), celle-ci est réalisée par voie abdominale à ciel ouvert, cœlioguidée, ou cœlioconvertie, pour
traiter une hernie étranglée occlusive ; elle sera suivie du traitement de la hernie par kélotomie ou par TEP,
sans ouverture péritonéale inguinale : ceci autorisera la pose de PNR prépéritonéale, quel que soit l’état
pariétal (A ou B).
2. Hernies ombilicales et éventrations étranglées
1.
Cœlioscopie : Le traitement d’une hernie ombilicale étranglée ou d’une petite éventration abdominale
étranglée reste possible en cœlioscopie si l’évaluation du risque septique reste inférieur à 3. On terminera
obligatoirement l’intervention par la pose d’une PNR.
2.
Cœlioconversion ou laparotomie d’emblée :
La pose d’une PNR reste possible dans les stades A [0-3], mais n’est pas conseillée dans les stades A [3-6] même
si la prothèse peut être recouverte par un plan musculo-aponévrotique. Par contre, la pose de PNR est
conseillée dans les stades B [0-3].
Dans les stades A [6-9], la PNR est déconseillée puisque la paroi est réparable par plastie et que l’état septique
est sévère. Il sera toujours possible de mettre en place une prothèse en cas de récidive.
Dans le stade B [3-6], la pose de PNR est fortement déconseillée ; une assistance pariétale temporaire type
Ventrofils®, voire plaque de Vicryl®, ou un simple recouvrement cutanée peuvent sauver la situation.
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
Enfin dans les stades extrêmes B [6-9] ou C, la PNR est interdite et un pansement aspiratif de type VAC® est
recommandé. Après guérison du problème septique, le problème pariétal sera réévalué.
Conclusion
En matière d’étranglement sur hernie ou éventration, la bonne question n’est sans doute pas peut-on poser
une PNR, mais quand est-il raisonnable de ne pas la poser… Notre expérience de la chirurgie d’urgence nous a
conduit à cette réflexion et à ces propositions de bon sens dans la prise en charge de cette pathologie, sans
céder aux phénomènes de mode ni dénigrer les avantages procurés par la cœliochirurgie. Les prothèses non
résorbables ont leur place dans l’arsenal thérapeutique, mais savoir raisonnablement de pas les utiliser reste
une option que tout chirurgien d’urgence doit avoir à l’esprit.
Références
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FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
SEPSIS SUR PROTHESE PARIETALE. CONDUITE A TENIR
Jean Luc Bouillot, T Pogoshian, N Veyrie, N Corigliano, G Canard.
Chirurgie Générale
Digestive et Métabolique
Hôpital Ambroise Paré,
Boulogne 92100
Email : [email protected]
L’usage d’une prothèse de renforcement pariétal est devenu le traitement de référence pour le traitement des
hernies et éventrations abdominales. Les études scientifiques ont montré que le risque de récidive était
significativement moins élevé après réparation prothétique (taux variant entre 2 et 10% selon les séries et les
techniques utilisées) vs 25 à 50% après simple raphie (1,-3). Cette technique en contrepartie de son efficacité
peut engendre des complications spécifiques à l’usage de matériau synthétique : Douleurs pariétales,
désinsertion prothétique, migration, fistulisation dans un organe creux, infection (4).
Données du problème :
Les prothèses non résorbables utilisées en chirurgie pariétale se comportent initialement comme des corps
étrangers, entraînant une réaction inflammatoire à corps étranger. elles s’incorporent ensuite à la paroi
abdominale sous l’action des fibroblastes produisant des fibres collagène. Cette incorporation est variable
selon les matériaux utilisés : les prothèses en treillis macroporeuses (polypropylène ou polyester) s’incorporent
facilement à la différence des prothèses en ePTFE microporeuses qui ont tendance à s’encapsuler sans
véritable intégration tissulaire. Le risque infectieux est fonction du type de la prothèse, notamment de ses
capacités d’intégration tissulaire et de la possibilité pour les macrophages d’aller au plus près d’éventuelles
bactéries (cf chapitre précédent).
L’incidence des sepsis sur prothèse est très variable d’une série à l’autre, variant de 0,2 à 8% (5-8). La
contamination de la prothèse semble survenir au moment de l’intervention comme en atteste l’origine cutanée
des germes les plus souvent retrouvés lors des prélèvements bactériologiques : Staphylococcus Aureus et S
Epidermidis (7). Le délai d’apparition de ces infections est très variable, parfois précoce dans les jours suivant
l’intervention, parfois à distance voire très à distance, plusieurs années plus tard, sans qu’on ne comprenne
bien les raisons de telles différences (5). Dans l’étude de Leber, analysant les complications à distance chez 200
patients opérés d’éventration, il a été observé 5,9% d’infection prothétique, infection dont le délai de
manifestation médian est de 6 mois (4).
Les facteurs de risque de surinfection d’une prothèse sont multiples : Intervention pour éventration récidivée,
plaie per-opératoire du grêle, réalisation d’un autre geste chirurgical en même temps que la cure
d’éventration, utilisation d’une prothèse de PTFE (9,10). Dans l’étude de Stremitzer et coll, seuls deux facteurs
ont été retrouvés prédictifs de la survenue d’une infection : un IMC élevé et une durée opératoire allongée
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
(11). Concernant la technique opératoire, on note une tendance à une moindre infection après abord
laparoscopique (0% d’infection) vs abord conventionnel (7%), mais ceci n’est pas statistiquement significatif
(11).
Le risque infectieux paraît cependant faible en cas de cure laparoscopique des hernies inguinales. On ne
retrouve que 0,6% d’infection après 500 cures laparoscopiques selon TAPP dans l’expérience de Hofbauer (12)
Clinique :
Lorsque l’infection apparaît précocement dans les jours qui suivent l’intervention, elle se manifeste sous forme
d’un abcès (rougeur, chaleur, douleur, tumeur) qui va s’ouvrir spontanément à la peau s’il n’est pas débridé
chirurgicalement. Il est difficile à ce stade de savoir s’il s’agit d’un simple abcès de paroi, superficiel qui va
pouvoir guérir par des soins locaux appropriés ou s’il existe déjà une surinfection de la prothèse. Certes la
visualisation de la prothèse au sein de cet abcès (notamment si elle a été placée en position préaponévrotique) ne laisse pas beaucoup de place au doute, mais bien souvent ce n’est que l’évolution à moyen
terme qui permettra de trancher entre sepsis superficiel et/ou sepsis sur prothèse.
Parfois l‘infection est plus tardive, quelques semaines après l’intervention. Elle se manifeste sous forme d’une
cicatrisation torpide avec infiltration des berges de la cicatrice et secondairement un abcès va survenir.
A l’inverse, en cas de sepsis de révélation tardive, il n’y a guère de doute diagnostique, lorsqu’apparaît un abcès
ou une fistule dans la zone d’implantation de la prothèse. Dans ces cas, l’infection est à bas bruit, sans signes
inflammatoires ni généraux et c’est bien souvent un pertuis qui s’ouvre sur la cicatrice laissant s’écouler un peu
de pus, avant un passage à la chronicité, sans espoir de fermeture. Cette fistule semble parfois se tarir
spontanément ou après des soins locaux, mais elle va réapparaître quelque temps plus tard au même endroit
ou un peu à distance. Certains patients gardent ainsi une suppuration chronique, sans signe inflammatoire ou
infectieux local ou général pendant des années. Le diagnostic peut être confirmé par des moyens d’imagerie :
fistulographie et/ou TDM qui peut montrer un abcès, la présence d’une bulle gazeuse au contact de la
prothèse. Cet orifice parfois laisse s’extérioriser des fragments de prothèse qui s’éliminent spontanément. A ce
stade, il n’y a aucune chance de guérison spontanée définitive, sans geste chirurgical.
En cas de sepsis après cure laparoscopique, c’est parfois l’aspect du drainage laissé en place au contact de la
prothèse qui laisse augurer d’une infection. Ailleurs, notamment en l’absence de drainage ou lorsque
l’infection est plus tardive, c’est l’apparition de douleur ou d’un syndrome infectieux, voire d’une bactériémie
qui font suspecter cette infection qui sera confirmée par des moyens d’imagerie puis par une ponction à visée
bactériologique pour confirmation, isolement du germe et antibiogramme.
Traitement
1 : La prise en charge classique des infections prothétiques après chirurgie d’une éventration est
l’ablation totale de tout matériau étranger (5,13). Ceci permet une guérison de l’infection, mais souvent au prix
d’une récidive de l’éventration. En effet, si la prothèse a été posée superficiellement en pré-aponévrotique, son
ablation peut se faire facilement sans trop de risque. A l’inverse, si la prothèse est en situation intrapéritonéale
ou rétromusculaire, son ablation nécessité l’ouverture de la cavité abdominale avec des risques de lésion du
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
tube digestif sous jacent durant l’intervention. De plus, selon que la prothèse a été placée comme renfort après
fermeture complète du défect pariétal ou au contraire comme pièce de comblement d’une perte de substance
sans fermeture du défect pariétal, les possibilités de refermeture de la paroi après ablation de la prothèse
infectée seront différentes. Si une fermeture pariétale est possible sans trop de tension, il nous semble utile de
laisser en site intrapéritonéal une prothèse résorbable qui évitera la survenue d’une éviscération précoce postopératoire. Si à l’inverse, la fermeture sans tension est impossible, il faut alors se résoudre à laisser le ventre
ouvert avec ou sans système de drainage aspiratif, ou tenter de refermer la paroi au prix d’incisions latérales de
glissement (technique de Ramirez) (14). Szczerba et Dumanian ont rapporté leur expérience de 11 patients
traités de la sorte (prothèse infectée, prothèse exposée, prothèse avec fistule digestive…), avec un intervalle de
1 à 24 mois entre la pose de la prothèse et son ablation. Seul 1 patient a récidivé son éventration et a du être
réopéré secondairement (13). Des techniques plus compliquées de fermeture du défect pariétal avec
transposition musculaire ont été décrites, notamment avec le tenseur du fascia lata (15). Il nous est arrivé une
fois d’avoir eu recours à une greffe libre (technique micro-chirurgicale) pour combler une perte de substance
gigantesque secondaire à une énième réparation qui s’est compliquée de sepsis sévère. Une autre solution de
comblement de ce défect est de remettre en place une nouvelle prothèse. Il ne saurait cependant être
question dans cette situation de replacer une prothèse classique, et quelques équipes ont rapporté leurs
expériences de mise en place de prothèses biologiques dans le même temps que l’ablation de prothèses
infectées. Cf chapitre traitant des prothèses en milieu infecté.
L’ablation d’une prothèse inguinale infectée pose de difficiles problèmes techniques, du fait de la proximité de
la prothèse avec les vaisseaux fémoraux et les éléments du cordon. En présence d’un abcès, il est sans doute
prudent de drainer cet abcès dans un premier temps et d’envisager l’ablation des tissus prothétiques infectés
dans un temps ultérieur avec une inflammation réduite (5)
2 : En cas d’infection de paroi apparaissant rapidement au décours d’une réparation pariétale
prothétique, il importe de débrider la plaie pour évacuation de l’abcès. Bien souvent, il s’agit d’une infection du
tissu sous cutané et sous réserve que la prothèse soit placée profondément, il n’y aura pas d’infection
prothétique ; 1,65% parmi les 423 prothèses placées dans l’expérience de Jezupors (5). Des soins locaux
adaptés suffiront pour obtenir une cicatrisation définitive en quelques jours, semaines. Parfois cependant,
d’emblée, la prothèse est exposée au sein de cet abcès. Se pose alors la question de la conduite à tenir.
Quelques publications font état de traitement local par drainage de l’abcès, mise en place d’un système
d’irrigation lavage et antibiothérapie permettant ainsi de garder en place le filet prothétique. Ahmad et al ont
rapporté ainsi 13 cas de patients avec infection sur réparation de hernie ventrale. Traités de la sorte, avec des
soins locaux répétés (débridements), tous les patients ont cicatrisé et à 3 mois, il n’existait aucune récidive.
D’autres auteurs ont rapporté des expériences similaires, mais insistent sur la durée que requièrent ces
hsopitalisations (16-17 )
L’utilisation d’un système de drainage aspiration est préconisée par certains (système VAC). En effet, cette
pression négative permet l’aspiration des exsudats en excès, favorise la néovascularisation et l’apparition d’un
tissu de granulation tout en rapprochant les berges de la plaie. Tamhankar et coll ont rapporté leur expérience
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
de 4 patients traités de la sorte avec succès, sans nécessité de retirer la prothèse de prolène (18). Dans
l’expérience de Stremitzer, la prothèse a pu être laissée en place chez 17 des 31 patients ayant un sepsis sur
prothèse traités de la sorte (11). La probabilité de succès d’une telle approche dépend pour partie du type de
prothèse insérée. Dans l’étude rapportée par Cobb et al de 95 réparations d’éventration avec prothèse de
PTFE, toutes les prothèses infectées ont du être retirées (7). Dans la série rapportée par l’équipe de Stremitzer,
100% des prothèses de Vypro ont pu être sauvées contre 0% des prothèses de prolène pur et 23% des
prothèses en PTFE. Même si les écrits publiés divergent à ce sujet, il semble qu’une infection sur prothèse en
ePTFE n’ait aucune probabilité de cicatriser du fait du caractère hydrophobe de la prothèse Il faut alors la
retirer en totalité même si quelques cas ont été rapportés de succès avec un traitement conservateur (10).
Peut être que l’adjonction d’une partie de prothèse résorbable améliore la migration de leucocytes au sein de
la prothèse macroporeuse, favorisant de fait le traitement de l’infection. Quelle doit être la durée du
traitement conservateur et quand doit-on considérer qu’il s’agit d’un échec ? Il s’agit d’une question encore
non tranchée, sachant les difficultés et le coût de la mise en place d’un traitement conservateur (9).
3 : Ailleurs enfin, l’infection va se manifester très tardivement, jusqu’à plusieurs mois ou années après
la mise en place. Dans cette situation, la majorité des auteurs s’accorde pour penser qu’il n’y a pas nécessité
de retirer l’ensemble de la prothèse, mais seulement la zone infectée. Il faut dans un premier temps,
notamment s’il existe des signes inflammatoires traiter par antibiothérapie.
Du point de vue technique, l’ablation d’une prothèse infectée est relativement simple après cure d’une
éventration médiane. Le premier temps consiste à injecter du bleu dans les orifices fistuleux puis à retirer
l’ensemble des tissus infectés repérés par le colorant. Habituellement une prothèse infectée n’est pas
incorporée dans la paroi et son ablation est simple. Les zones de prothèse incorporées ne doivent pas être
retirées, mais laissées en place, car susceptibles de se défendre correctement contre l’infection. Cette attitude
minimaliste est susceptible de laisser en place des fragments de prothèse infectée et conduire à des
interventions itératives. Il est à noter que dans cette situation de sepsis chronique à distance de l’intervention
initiale, la suppuration a souvent entraîné une grosse réaction fibroblastique et l’ablation de tout ou partie de
la prothèse n’entraîne pas inéluctablement de récidive herniaire.
4 : Bien évidemment, le meilleur traitement de ces sepsis sur prothèse est préventif :
Antibioprophylaxie ou non fonction des antécédents chirurgicaux (19), règles d’asepsie minutieuse comme
pour un geste orthopédique, éviter la pose de prothèse non résorbable en cas de chirurgie contaminée, éviter
toute plaie d’un segment du tube digestif au cours de la viscérolyse souvent requise lors d’une cure
d’éventration, choix adéquat du site d’implantation de la prothèse (éviter les sites superficiels), choix
argumenté du type de prothèse (favoriser les prothèses incorporables), technique opératoire rigoureuse pour
éviter les hématomes, source d’abcès ultérieurs.
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
Conclusion :
L’usage d’une prothèse pariétale pour traitement des hernies et éventrations autorise un taux de réparation
solide à distance élevé. La contrepartie de ce succès est le risque de survenue d’une infection pariétale
superficielle ou profonde. Lorsque l’infection est précoce, il convient de la traiter par voie générale et par des
soins locaux adaptés. A distance, l’infection se manifeste habituellement par une suppuration chronique
torpide. La décision lourde de conséquences d’ablation de l’ensemble de la prothèse infectée
(recommandation classique) ne doit être prise que lorsqu’il n’y a plus d’espoir de guérison de la suppuration
par des moyens conservateurs. La conduite à tenir doit être fonction du type de prothèse, de sa position dans
la paroi et du délai de survenue de la suppuration. Des exérèses partielles de prothèse sont souvent suffisants
pour obtenir une cicatrisation définitive (mais prévenir le patient du risque d’insuccès).
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FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
SEPSIS SUR PROTHESE PARIETALE : CHIRURGIE CONSERVATRICE: QUAND ?
MODALITES DE PRISE EN CHARGE ?
C. Sabbagh, P. Verhaeghe, J.M. Regimbeau
Service de chirurgie digestive et métabolique
CHU Nord
80054 Amiens cedex.
Introduction
Ces dernières années, la mise en place d’un matériel prothétique lors des cures de hernie ou d’éventration à
froid est devenue la règle. Cette technique s’est imposée en faisant chuter le taux de récidives herniaires (1).
Ce matériel étranger provoque une réaction inflammatoire remplacée progressivement par de la fibrose (2). La
réaction inflammatoire initiale peut provoquer la fixation de bactéries et être ainsi le nid d’infections de
prothèses.
L’infection profonde de prothèse est ainsi la complication majeure de ce matériel prothétique. Une infection
profonde est définie comme une infection affectant les tissus ou les espaces situés au niveau ou en dessous de
l’aponévrose. Selon une méta analyse de Sanchez-Manuel et al, le taux d’infection de prothèse est
actuellement estimé à 1,4% en cas d’antibioprophylaxie et de 2,9% en l’absence d’antibioprophylaxie (3).
Lors d’une infection de prothèse, la plupart des auteurs proposent une ablation complète de la prothèse (4, 5).
Cette attitude thérapeutique n’est soutenue que par un faible niveau de preuve scientifique. Une alternative à
l’ablation totale de la prothèse est l’ablation partielle de prothèse.
Comment faire le diagnostic d’infection de prothèse pariétale ?
Les infections de prothèses pariétales peuvent survenir dans la période post opératoire précoce ou plus à
distance. Dans la série de Jezupovs et al ; le délai moyen de survenue d’une infection de prothèse était de 11,3
mois (extrêmes : 2,5-18 mois) (6). Dans la série amiénoise, le délai moyen de survenue d’une infection de
prothèse était de 19 mois (extrêmes : 2-72). Une infection de prothèse est définie par une infection du site
opératoire au contact de la prothèse avec une culture bactériologique positive (7).
Les signes cliniques classiquement associés à une infection de prothèse sont la fièvre, la douleur, un aspect
inflammatoire en regard de la zone opératoire, un écoulement purulent par la cicatrice et un syndrome
inflammatoire biologique. Les diagnostics différentiels sont l’infection superficielle du site opératoire. Il s’agit
d’une infection sous cutané à distance de la prothèse et le sérome qui est une collection stérile en regard de la
zone opératoire.
Quels sont les facteurs de risque d’infection de prothèse après cure de hernie ou d’éventration ?
Un certain nombre de facteurs ont été identifié comme étant significativement associé à une infection de
prothèse.
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
Il s’agit :
- de facteurs liés au patient : le diabète, l’obésité, le tabagisme, la broncho-pneumopathie chronique
obstructive (BPCO), les traitements immunosuppresseurs (8).
- de facteurs liés aux conditions d’intervention : hernie étranglée
- de facteurs liés à la prothèse utilisée : les prothèses en polyester, les prothèses en
polytetrafluoroethylene et les prothèses microporeuses seraient plus associées à une infection de prothèse (911).
L’ablation partielle de prothèse pariétale permet elle de traiter les infections de prothèses ? Résultats de
l’étude amiénoise .
Patients et méthodes
De janvier 2000 à avril 2010, à partir d’une base de données prospective, nous avons sélectionné
rétrospectivement les patients opérés pour infection profonde de prothèse. L’ensemble des patients ayant des
signes locaux ou généraux d’infection profonde de prothèse après une cure de hernie ou d’éventration et
nécessitant une réintervention sous anesthésie générale était inclus dans cette étude. Les signes locaux
d’infections de prothèse étaient un placard inflammatoire en regard de la cicatrice avec un écoulement dans
lequel il était retrouvé des germes à l’examen bactériologique. Nous avons étudié les données
épidémiologiques, la durée opératoire de l’intervention initiale, la présence d’une plaie digestive lors de la
première intervention, l’intervalle moyen entre l’intervention initiale et l’infection de prothèse, la localisation
de la hernie ou de l’éventration, la taille moyenne de la hernie ou de l’éventration, le type de prothèse utilisé,
la position de la prothèse, le type d’intervention réalisée, le nombre moyen d’interventions nécessaires pour
obtenir une guérison, la durée cumulée d’hospitalisation, le taux de récidive herniaire.
Lorsqu’une excision partielle de prothèse était réalisée, elle était réalisée sous anesthésie générale. Lorsque le
mode de diagnostic était un abcès, l’incision de l’abcès était réalisée puis si un trajet fistuleux se constituait, il
était réalisé une exérèse de ce trajet. Lorsque le mode de diagnostic était une fistule cutanée, l’excision de
cette fistule était réalisée d’emblée. Le trajet fistuleux était repéré par du bleu de méthylène puis le trajet était
excisé jusqu’à la prothèse. La portion de prothèse en regard de l’orifice fistuleux et non incorporée était elle
aussi excisée. En cas d’infection de prothèse, une antibiothérapie par voie intraveineuse était systématique
(12).
Résultats
De janvier 2000 à avril 2010, 25 patients ont été pris en charge pour une infection profonde de prothèse au
CHU d’Amiens. Parmi ces patients, 9 avaient été pris en charge initialement dans notre établissement alors que
16 avaient eu leur cure de hernie ou d’éventration dans d’autres hôpitaux. Il y avait 36% de femmes (n=9) et
64% d’hommes (n=16). L’âge moyen était de 59 ans (extrêmes : 37-78). La durée opératoire moyenne lors de la
première intervention était de 185 minutes (extrêmes : 35-220). Les interventions étaient des hernies
inguinales dans 16% des cas (n=4), des éventrations dans 60% des cas (n=15), des éventrations multi récidivées
dans 24% des cas (n=6), il n’y avait pas de hernies ombilicales. La taille moyenne des éventrations était de 75
mm (extrêmes: 8-150). Le type de prothèse mis en place était précisé dans 18 cas. Il s’agissait d’une prothèse
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
en polyester dans 88,8% des cas, et d’une prothèse en polypropylène dans 11,2% des cas. La position de la
prothèse était précisée dans 18 cas. Dans 61,1% des cas elle était en position rétro musculaire, dans 16,6% des
cas elle était en position intra péritonéale, il s’agissait d’une intervention de Lichtenstein dans 16,6% des cas et
d’un plug dans 5.5% des cas. Il était indiqué, dans le compte rendu opératoire, une perforation digestive lors de
la première intervention dans 4% des cas.
L’intervalle moyen entre la première intervention et le diagnostic d’infection de prothèse était de 10 mois
(extrêmes : 2- 72). Il était réalisé une exérèse partielle de la prothèse dans 92% des cas (n=23), une exérèse
totale de la prothèse dans 4% des cas (n=1) et une absence d’exérèse de prothèse dans 4% des cas (n=1). Pour
les patients qui ont eu une exérèse partielle de prothèse, le nombre moyen de réinterventions avant guérison
était de 1,5 (extrêmes : 1-5). Le taux de récidive herniaire était de 20% avec une durée de suivi de 40 mois
(extrêmes : 1-120) (12).
Discussion
L’infection chronique de prothèse pariétale pose de véritables problèmes de prise en charge (13). Son
incidence est influencée par un certain nombre de facteurs liés aux patients que sont le diabète, l’obésité, le
tabagisme, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), les traitements immunosuppresseurs. Ces
patients sont aussi ceux qui sont le plus à risque de développer une récidive herniaire si une prothèse pariétale
n’est pas mise en place (8). Les facteurs de risque liés à l’intervention sont moins clairement identifiés. Leber et
al ont identifiés l’utilisation de prothèses en polyester comme étant significativement plus associée à une
infection pariétale (11). Petersen et al ont identifiés la durée opératoire comme un facteur de risque
indépendant d’infection (14). L’influence de l’antibioprophylaxie peropératoire sur le taux d’infection de
prothèses semble moins claire comme en témoigne les résultats de la Cochrane Database. Les auteurs de cette
méta-analyse concluent que l’on ne peut pas recommander l’antibioprophylaxie à titre systématique pour
réduire le taux d’infection dans les cures de hernie (3).
Le traitement curatif des infections de prothèses pose de nombreux problèmes. La plupart des auteurs
recommandent une exérèse totale de la prothèse associée à une antibiothérapie initialement par voie
intraveineuse (15). Cette chirurgie d’exérèse de l’ensemble de la prothèse peut entrainer des défects pariétaux
majeurs aboutissant à des récidives herniaires. De ce fait il s’est développé des techniques de conservation
prothétique afin de limiter le défect pariétal. Trunzo et al et Aguilar et al ont ainsi proposés un drainage de
l’abcès par voie percutanée associé à une antibiothérapie intraveineuse de 15 jours puis l’instillation par le
drain percutané de Gentamycine 80mg trois fois par jour pendant 4 semaines (8,16). Stremitzer et al ont
proposés l’utilisation du système Vaccum-assisted closure (VAC, KCl Inc. ; San Antonio, TX) lorsqu’il y avait une
cavité de plus de deux centimètres (17).
Pour certains auteurs, la possibilité de réaliser un traitement conservateur était liée au type de prothèse utilisé.
Petersen et al montraient dans leur étude que les infections de prothèse sur des prothèses en polyester ou en
polypropylène pouvaient être traitées de façon conservatrice alors que les infections sur prothèses en PTFE
nécessitaient une exérèse totale de la prothèse (14). Dans notre série, nous avons montré qu’une attitude
conservatrice était réalisable avec une guérison obtenue après 1,5 interventions. Nous n’avons pas mis en
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
évidence de différences entre les différents types de prothèses utilisés ou entre les différentes positions de la
prothèse pour le succès d’un traitement conservateur. L’exérèse du trajet fistuleux comme elle est réalisée
dans notre série nécessite de faibles durés d’hospitalisations, les soins de pansements pouvant par la suite être
menés à domicile ou en consultation.
Conclusion
Les infections profondes de prothèse sont des situations rares dont la prise en charge est difficile. Il apparaît
que le traitement classique associant une antibiothérapie à une exérèse complète de la prothèse est délabrant
et ampute le capital pariétal des patients. Dans notre étude nous montrons qu’une attitude plus conservatrice
est réalisable dans la plupart des cas permettant ainsi d’une part d’épargner le capital pariétal des patients et
d’autre part d’éviter une intervention chirurgicale lourde.
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FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
SEPSIS SUR PROTHESE PARIETALE
PEUT-ON UTILISER DES PROTHESES EN MILIEU INFECTE : QUAND,
LESQUELLES ?
N. BRIEZ
Service de chirurgie digestive et générale,
Pr TRIBOULET, CHRU Lille
Généralités
Les éventrations sont définies par des hernies acquises, incisionnelles, survenant donc après une intervention
chirurgicale. Elles sont une complication fréquente après chirurgie abdominale, survenant dans 10 à 20% des
cas après laparotomie (1), mais pouvant également survenir après laparoscopie (2). La gravité potentielle de
leurs complications, en particulier l’étranglement, justifie une prise en charge chirurgicale en situation élective.
Les deux techniques de réparation pariétale validées sont la suture aponévrotique simple (pariétorraphie) ou la
suture aponévrotique associée à l’interposition de matériel prothétique.
Plusieurs essais randomisés ont en effet permis de démontrer que l’interposition d’une prothèse synthétique
non résorbable permettait de diminuer significativement le taux de récidive d’éventration, d’environ 50% par
rapport à la suture aponévrotique simple. Dans l’essai pivotal publié en 2000 dans le New England Journal of
Medicine, le taux de récidive d’éventration à 3 ans était significativement diminué en cas de pose de matériel
prothétique synthétique comparativement à la suture simple (24% vs 43%, p=0,02) (3), et le risque cumulé à 10
ans était également moindre dans ce groupe (32% vs 63%, p<0,001) (4). Des résultats similaires ont été publiés
dans la méta-analyse récente de la Cochrane Library, à partir de huit essais randomisés publiés et 1141 patients
inclus (16,4% vs 33,3%, p=0,00022) (5). L’utilisation d’une prothèse synthétique non résorbable dans la cure
d’éventration est donc la technique de référence.
Cependant, l’interposition de matériel prothétique synthétique est associée de manière significative à la
survenue de complications infectieuses pariétales, décrite dans environ 10% des cas (5), elle-même étant un
facteur de risque indépendant de récidive (4), étant donné le fait que l’infection interfère avec la cicatrisation
pariétale et la nécessité fréquente d’ablation du matériel prothétique dans cette situation (6). En France,
environ 2000 prothèses de paroi ont été explantées en 2009 (source ATIH – CCAM code LMGA001 : ablation
d’une prothèse de la paroi abdominale antérieure, par abord direct).
Les experts américains du Ventral Hernia Working Group (VHWG) ont récemment émis des recommandations
quant à la prise en charge thérapeutique des éventrations en fonction du grade d’infection pariétale (7). Les
stratégies de traitement recommandées sont les suivantes :
•
l’interposition de matériel prothétique synthétique non résorbable dans la cure d’éventration pour
des plaies non infectées, grade 1 (patient à faible risque infectieux) et grade 2 (existence de
comorbidités entrainant un sur-risque infectieux) du fait de la diminution des récidives grâce à la
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
prothèse, même si elle expose en elle-même en un risque infectieux lié à la présence de matériel
étranger non résorbable ;
•
en cas de chirurgie contaminée (grade 3, c’est à dire présence d’une stomie digestive, d’une ouverture
digestive per-opératoire ou d’antécédents d’infection pariétale), les prothèses synthétiques non
résorbables ne peuvent être recommandées de façon systématique en raison d’un risque infectieux
élevée, mais elles ne sont cependant pas contre-indiquées ;
•
l’interposition de matériel prothétique synthétique non résorbable est contre-indiquée chez les
patients porteurs d’une infection pariétale active avec ou sans prothèse déjà en place (grade 4), du fait
d’un risque majeur d’infection chronique en postopératoire.
Cure d’éventration en situation infectée
En cas d’infection pariétale active de grade 4, l’enjeu, en soi paradoxal, est de traiter simultanément l’infection
active et l’éventration sous-jacente. L’éradication première de l’infection par réalisation de soins de paroi
itératifs avec explantation du matériel infecté si présent doit souvent être envisagée (6,8), mais elle expose à
un risque majeur de récidive d’éventration. Après éradication de l’infection, souvent longue, le traitement de
l’éventration est réalisé de façon très différée (6 à 18 mois) avec idéalement pose de matériel prothétique non
résorbable, exposant cependant à une récidive de l’infection pariétale (7).
Le traitement premier de l’éventration, en situation infectée, fait fréquemment appel à l’interposition de
®
®
prothèses synthétiques résorbables, composées d’acide polyglycolique (type Vicryl ou Dexon ), les prothèses
non résorbables étant contre-indiquées. Cette technique peut permettre de restaurer la continuité pariétale,
ème
traitant donc temporairement l’éventration, mais la résorption rapide de ces prothèses, à partir de la 6
semaine, avant la formation d’un tissu cicatriciel de qualité, est à l’origine d’une récidive très fréquente. Par
ailleurs, l’éradication de l’infection liée au corps étranger, peut être obtenue grâce à la résorption de la
prothèse, mais les bénéfices de ces prothèses résorbables dans le traitement de l’infection active sont discutés
(9). Dans tous les cas, en cas d’éventration infectée, en particulier sur prothèse, les procédures décrites cidessus sont à l’origine de soins répétés, longs et coûteux, d’un recours fréquent à des interventions
chirurgicales multiples de parage, débridement, d’explantation du matériel prothétique non résorbable, de
soins visant à favoriser la cicatrisation dirigée et enfin d’une nouvelle chirurgie très à distance pour traiter
l’éventration résiduelle. L’ensemble de cette séquence de soins, correspondant aux pratiques habituelles et
standard des centres chirurgicaux souvent sollicités en recours, est à l’origine d’une morbidité propre
(infection, éventration, douleur), de périodes de traitements longues, de coûts élevés et d’une altération de la
qualité de vie des patients (10).
Les prothèses biologiques ont été développées pour répondre à ce double objectif, dans ces situations
cliniques rares mais difficiles, dans le but de traiter simultanément l’infection active et l’éventration. Ces
prothèses biologiques sont issues de tissus humains, bovins ou porcins, riches en collagène, décellularisés,
offrant ainsi une matrice de collagène, d’élastine et de laminine permettant une invasion fibroblastique rapide
et durable ainsi qu’une néovascularisation. Les prothèses biologiques ont également pour objectif d’induire
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
une réaction inflammatoire minime voire nulle, et moins de réaction à corps étranger que les prothèses
synthétiques. Leur capacité à favoriser rapidement une revascularisation et une recolonisation cellulaire bien
organisée (processus de cicatrisation) permettrait d’obtenir une très bonne résistance du couple implant / tissu
hôte et engendrerait de ce fait, une diminution des récidives d’éventrations tout en limitant le risque infectieux
(11). Le VHWG propose leur utilisation pour le traitement des éventrations en milieu infecté voire à haut risque
infectieux. Cependant, cette préconisation repose sur (i) un nombre de patients à travers le monde
relativement faible, la plus grande étude publiée, non randomisée, regroupant 80 patients (12), (ii) un petit
nombre d’études portant sur de petits effectifs, le plus souvent observationnelles non comparatives, sans
aucun essai randomisé publié (13), avec quasi-systématiquement pour ces études une promotion ou un soutien
industriel, (iii) du peu de recul disponible, ces bioprothèses ayant été mises sur le marché dès 1999 aux USA et
1998 en France. Par ailleurs aucune analyse médico-économique solide n’a été réalisée. Enfin la variété de
l’offre, selon l’industriel ou le caractère réticulé ou non de la prothèse, rend difficile une analyse fiable des
résultats des bioprothèses posées à ce jour. Au total la préconisation du VHWG est d’un niveau de preuve très
faible, ce d’autant que la publication a été sponsorisée par un industriel (7). Cependant l’importance du
bénéfice escompté a fait que le recours à la pose de ces bioprothèses est devenu de plus en plus fréquent en
France, encore limité par le coût important de ces matériaux (1200 à plus de 9200 euros selon la taille de la
bioprothèse et le fournisseur) et l’absence de preuve clinique en termes d’efficacité.
La réalisation d’essais randomisés portant sur la mise en place de bioprothèses chez les patients de grade 4,
c’est à dire les plus à mêmes de tirer un bénéfice de ces matériaux, comparativement aux soins usuels est donc
indispensable.
Bioprothèses
Les bioprothèses sont constituées de fibres de collagène issues de péricarde bovin, de sous-muqueuse
intestinale porcine, ou de derme décellularisé d’origine humaine, porcine ou bovine. Une fois implantée, ces
matrices collagéniques subissent un remodelage similaire aux tissus endogènes. Ainsi, leur structure
microporeuse favorise la colonisation par les cellules fibroblastiques, à l’origine d’une néoformation de
collagène endogène (fibroplastie) et d’une néo-angiogenèse, pendant que le collagène exogène subit une
dégradation par les collagénases.
Bien que la structure basale, collagénique, soit identique, les bioprothèses disponibles sur le marché se
distinguent par leurs propriétés de maintien de la résistance pariétale, d’incorporation et de résistance à
l’infection. Ces propriétés sont liées à leur caractéristiques de fabrication, tels que la fenestration et la
réticulation (« cross-linking »)(14).
La réticulation est obtenue par un processus chimique (HMDI (hexamethylene diisocyanate), ADC (éthyl
carbodiimide)) permettant des liaisons ioniques fortes entres entre les fibres de collagène, rendant la prothèse
plus résistante à la dégradation enzymatique par les collagénases, avec pour conséquence un soutien
mécanique de tension pariétale plus durable. Cependant, la réticulation est à l’origine d’une moindre invasion
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
fibroblastique, diminuant la fabrication de collagène endogène et la néo-angiogenèse. De ce fait, la résistance à
l’infection serait moindre (14).
La fenestration, quant à elle, favorise la néo-angiogenèse et la colonisation cellulaire pour une meilleure
incorporation et probablement une meilleure résistance à l’infection.
En pratique, le choix de la bioprothèse « idéale » est guidé par ses différentes propriétés, parfois antagonistes,
dont l’objectif est de traiter l’éventration en maintenant une résistance pariétale satisfaisante, et de résister à
l’infection.
Une étude comparative non randomisée récente, ayant comparé 3 types de bioprothèses dans la prise en
charge des éventrations, a notamment montré des taux plus élevés d’infection et d’explantation avec les
prothèses réticulées qu’avec l’Alloderm (prothèse issue de derme humain, non commercialisée en France),
mais des taux de récidives inférieurs. Les prothèses non réticulées étaient associées à un moindre taux
d’explantation mais un taux significativement plus élevé de récidives que les prothèses réticulées, et des taux
d’infections plus élevés qu’avec l’Alloderm (14).
Ces résultats, issus d’une étude rétrospective non randomisée, avec comparaison avec une prothèse non
disponible en France, doivent être confirmés.
En France, plusieurs bioprothèses sont disponibles :
•
Surgisis BioDesign® (Société Cook) : prothèse non réticulée et issue de sous-muqueuse intestinale
porcine ;
•
Permacol® (Société Covidien) : prothèse réticulée et issue de derme porcin ;
•
Strattice® (Société LifeCell) : prothèse non réticulée et issue de derme porcin ;
•
Collamend FM® (Bard) : prothèse réticulée fenêtrée et issue de derme porcin ;
•
Tutomesh® (Société Tutogen): prothèse non réticulée fenêtrée (Tutomesh®) et issue de péricarde
bovin.
L’implantation de bioprothèses est devenue une pratique fréquente en France, bien que limitée par le coût du
dispositif, la méconnaissance des spécificités chirurgicales de leur implantation et l’actuelle faiblesse des
preuves cliniques.
Leur implantation nécessite des précautions particulières sur le plan chirurgical, afin d’optimiser les résultats à
long terme (7). Il est nécessaire de poser ces bioprothèses sous une relative tension afin que celles-ci soient
appliquées contre la paroi abdominale sur toute leur surface, permettant ainsi la colonisation fibroblastique. Le
rapprochement des berges aponévrotiques doit être obtenu autant que faire se peut, en pratiquant le cas
échéant des aponévrotomies de décharge larges. Concernant le placement de la bioprothèse, les sites
rétromusculaires et intra-abdominaux sont recommandés. Sur le plan théorique, ils permettraient lors de la
mise en tension de l’abdomen, un contact de la bioprothèse vers le défect, sans l’en éloigner, permettant ainsi
une meilleure intégration. La fixation de la bioprothèse aux berges de l’aponévrose sans fermeture en avant de
la prothèse (« bridging repair ») est quant à elle associée à des taux de récidives allant jusqu’à 80% (15).
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
Peu de données relatives à la tolérance et à l’efficacité à long terme des bioprothèses sont disponibles. Des
rejets ont été décrits (14,16), ainsi que des infections de prothèses notamment liées au phénomène
d’encapsulation (11,17), correspondant à la formation d’une coque fibreuse du fait d’une réaction
inflammatoire importante, elle-même source d’infection.
Les études pré-cliniques chez l’animal montrent des résultats histologiques en faveur d’une bonne tolérance et
d’une réaction inflammatoire modérée. Burger et al. (18) ont montré chez le rat que Tutomesh® induisait une
faible réaction immunologique. Connor J et al. (19) ont montré que le remodelage tissulaire après
l’implantation d’une prothèse Strattice® chez le primate était obtenu en 6 mois avec une faible réaction
immunologique.
Les études cliniques sont le plus souvent rétrospectives et non comparatives et portent sur un faible nombre
de patients (20-23). Les cas cliniques publiés sont nombreux et les résultats apparaissent prometteurs. Une
étude prospective publiée en 2004, chez 7 patients traités par Permacol® en milieu infecté, retrouvait 6
guérisons sans complication ni infection (suivi moyen 11,1 mois) (24). Une autre étude, rétrospective, portant
sur 28 patients, publiée en 2006, retrouvait un taux de récidive à 16 mois de 10,7 %, avec 14,3 % de collections
liquidiennes non infectées et aucune explantation de prothèse nécessaire (25).
L’étude clinique la plus importante (12), a étudié l’implantation de la bioprothèse Strattice® chez 80 patients
porteurs d’une éventration en milieu infecté (n=20) ou contaminé (n=60). Cette étude observationnelle
multicentrique, prospective, non comparative, financée par l’industrie, dont les résultats intermédiaires ont été
publiés sous forme de poster lors du congrès de l’American College of Surgeons en 2010, faisait état d’un taux
de récidive de 18,8 % à 1 an. Ce taux de récidive était corrélé à la taille du défect initial et à l’absence de
fermeture aponévrotique. Le rapprochement des berges aponévrotiques était possible dans 80% des cas, et
était associé à un taux de récidive de 14,1%, contre 37,5% en l’absence de fermeture aponévrotique (p<0,05).
Le taux de complications infectieuses était de 28,8% à 1 an, les désunions de cicatrice de 18,8%, et aucune
bioprothèse n’a été explantée. Dans cette étude, le taux de complications pariétales à 6 mois était similaire à
celui obtenu à 1 an, confirmant l’existence d’un remodelage tissulaire précoce après implantation de la
bioprothèse. Malgré la rigueur de sa méthodologie, le niveau de preuve de cette étude est limité par son
caractère non comparatif et non randomisé. Finalement, aucun essai randomisé n’est disponible à l’heure
actuelle.
Un essai randomisé multicentrique à 4 bras (LAPSIS), conduit par l’European Hernia Society, a comparé
l’implantation de la bioprothèse non réticulée Surgisis® aux prothèses synthétiques non résorbables et l’abord
laparoscopique à l’abord direct, dans la prise en charge des éventrations en milieu propre (grade 1 et 2). Cet
essai devait inclure 660 patients pour montrer la supériorité de la laparoscopie sur l’abord direct, et la noninfériorité de la bioprothèse par rapport à la prothèse synthétique. Cet essai a du être prématurément clôturé,
après inclusion de 265 patients, en raison d’un taux de récidive précoce supérieure en cas d’utilisation de
bioprothèse quelque soit la voie d’abord utilisée (11% vs 3% par abord direct et 19% vs 5% par abord
laparoscopique). Ces résultats ont été donnés dans une correspondance à l’éditeur du British Journal of
Surgery, mais n’ont pas fait l’objet d’une publication spécifique (26).
FCC 14 - Sepsis sur prothèse pariétale
Un essai randomisé multicentrique (TUTOMESH, NCT 01073072) est actuellement en cours, comparant la
pariétoraphie simple à l’implantation de la bioprothèse Tutomesh® dans la prise en charge des éventrations
potentiellement contaminées, correspondant au grade 3 de la classification du VHWG. Le nombre de patients
prévus est de 136. Les limites de cette étude sont représentées par le caractère industriel de l’essai d’une part,
et l’absence de groupe contrôle de qualité, la comparaison étant faite par rapport à la pariétorraphie simple et
non par rapport aux prothèses synthétiques résorbables, utilisées avant l’ère des bioprothèses dans cette
indication particulière (grade 3) (27).
Conclusion
La place des bioprothèses reste à définir dans la prise en charge des éventrations en milieu infecté, en
l’absence d’étude clinique de bon niveau de preuve disponible à ce jour. Pour autant, il s’agit du matériau le
plus innovant à l’heure actuelle en chirurgie pariétale, pour le moment limité par le coût du dispositif. Le type
de bioprothèse le plus adapté reste à définir.
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