Lucrezia BORGIA de Gaetano DONIZETTI

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Lucrezia BORGIA de Gaetano DONIZETTI
Lucrezia BORGIA de Gaetano DONIZETTI
Le mélodrame de Gaetano Donizetti, œuvre en un prologue et deux actes, d'après la
pièce de Victor HUGO, peu souvent mis au programme, était donné au Deutsche
Oper en version concert.
Dans le prologue, nous découvrons Gennaro (ténor), jeune homme au service de la
République vénitienne, endormi sur un banc de pierre. Durant son sommeil, la
terrible Lucrèce Borgia, masquée, (soprano) le contemple avec tendresse, en
chantant, O bel enfant de la nature. Le jeune homme se réveille et raconte qu'il a été
élevé par un pauvre pêcheur, ouvrant ainsi subrepticement la question de ses
origines mystérieuses.
Des amis de Gennaro arrivent sur les lieux et, l'un d'eux, Maffio Orsini (contre-alto)
arrache le masque de Lucrèce et rappelle tous les forfaits de l'infâme Borgia. Mais,
frappé par la beauté de la jeune femme, le jeune homme en tombe éperdument
amoureux alors que ses amis l'exhorte à se méfier de la cruelle jeune femme.
Finalement convaincu, Gennaro, plein de haine, se détourne d'elle.
À l'acte I, le quatrième mari de Lucrèce, Alfonso (baryton), jaloux de Gennaro dont il
ignore qu'il est, en réalité, le fils de Lucrèce, souhaite se venger du jeune homme et
faire disparaître ainsi un rival gênant (aria, Hâtons la vengeance et cabalette,
J'engage mon destin. Gennaro lui en donne l’occasion quand, devant ses amis, il
profane le blason des Borgia en en retirant le B. Rendue furieuse, Lucrèce exige la
mort du coupable. Occasion rêvée pour Alfonso d'obtenir l’exécution de ce rival, il va
diligenter la sentence avec une promptitude cynique. Condamné à boire le liquide
empoisonné que lui tendra Lucrèce, celle-ci plaide pour qu'il ait la vie sauve, quand
elle reconnait Gennaro. Subrepticement, elle lui donne un contrepoison et lui
ordonne de fuir à Ferrare.
L'acte 2 nous introduit dans un banquet où Lucrèce Borgia veut empoisonner ceux
qu'elle considère comme ses ennemis. Parmi ceux-ci se trouve Gennaro, son fils
illégitime, qu'elle adore. Elle veut lui tendre un antidote mais il refuse de s'en servir si
ses amis ne sont pas épargnés. Elle lui avoue qu'elle est sa mère. Il la repousse.
Dépitée, elle avale le poison et s'effondre foudroyée.
Au Deutsche Oper, Edita Gruberova tenait le rôle-titre. La célèbre soprano
colorature, d'origine slovaque, qui a débuté en se faisant remarquer dans le rôle de
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Rosine du Barbier de Séville à l'opéra de Bratislava, a chanté avec succès sur les
scènes les plus prestigieuses du monde. Sa carrière fut ainsi lancée et elle fit
notamment de la Reine de la Nuit, dans La Flûte enchantée de Mozart, un de ses
rôles fétiches grâce à la virtuosité de sa pyrotechnie vocale, alliée à un certain sens
dramatique.
A 66 ans, la diva pouvait craindre une partition, certes secondaire dans l'œuvre de
Donizetti, mais où ne manquent pas les difficultés propres au Bel Canto, avec une
succession d’arias difficiles, de duos et de superbes trios où les titulaires des rôles
titres doivent couvrir et l'orchestre et des chœurs particulièrement présents. Il faut
toutefois savoir que ce rôle a été interprété de nombreuses fois à la scène par la
cantatrice ainsi qu'en témoigne une retransmission donnée régulièrement sur Mezzo.
Les 35 minutes d'applaudissements ininterrompus d'un public debout pour acclamer
la diva, les fleurs, traduisent plus qu'un long discours qu'Edita Gruberova n'a presque
rien perdu de sa technique ni de ses qualités vocales, comme en témoigne le dernier
air qui précède sa mort, qui n'est pas sans rappeler l'écriture de Rossini avec ses
tempi saccadés. Entourée d'une distribution beaucoup plus jeune, dans laquelle on
note Pavol Breslik, ténor, Gennaro enflammé, Alex Esposito, baryton, en mari de
Lucrèce tout en violence contenue, et Jana Kurucovà, contralto assurant le rôle de
Maffio Orsini.
La diva semble non seulement à l'aise mais apparemment heureuse de donner toute
la mesure de son talent, avec une technique vocale irréprochable et une maîtrise
scénique assez impressionnante, qui forcent l'admiration et le respect et suscitent
chez les auditeurs un incontestable plaisir.
Jean-Pierre VIDIT
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