BAC TSR-2 Un joyau anglais qui n`a jamais vu le jour

Transcription

BAC TSR-2 Un joyau anglais qui n`a jamais vu le jour
ÉDITO
En retard, d’accord, mais là !
Bon, ben voilà, le numéro de mars sort en retard. Mais il sort, et ça n’a déjà pas été facile tant je suis débordé.
Et d’ailleurs, pour ne pas le retarder davantage, je vais raccourcir cet édito.
Alors voilà : pas de grand dossier ce mois-ci, mais plusieurs articles sur des avions originaux.
Bonne lecture à tous !
Jacques Desmarets
Courrier des Lecteurs
J-P Griffeuille nous fait remarquer que la phrase ci-dessous, extraite de l’article sur Mermoz du mois dernier, est
erronée : « En février 1936, à la suite d’émeutes anti-gouvernementales auxquelles elles ont participé, et malgré
que leur attitude ait empêché les autres manifestants d’envahir l’Assemblée Nationale, les Croix de feu sont
dissoutes par le Front Populaire. »
Il fallait en effet écrire : « En juin 1936, à la suite des émeutes anti-gouvernementales de février 1934 auxquelles
elles ont participé, et malgré que leur attitude ait empêché les autres manifestants d’envahir l’Assemblée
Nationale, les Croix de feu sont dissoutes par le Front Populaire. » Dont acte.
De son côté, Jean-Claude Miniggio nous écrit : Quelle vie, quelle destinée et quelle passion … De la simplicité et
de la grandeur à la fois. Cela nous manque actuellement car quelle décadence, enfin cette dernière vision
n’engage que moi.
Il y a eu bien des thèses sur la fin tragique de Mermoz et son équipage. Tu es certainement au courant de celle qui
laissait sous-entendre qu’en ces périodes de troubles politiques graves que connaissait notre pays à cette époque,
l’avion Croix du Sud aurait été saboté car Mermoz était un danger politiquement parlant vu son » aura «.
Il est vrai que plus jeune, mon attention n’aurait pas été retenue, aujourd’hui mon observation sur les hommes,
m’autorisent à penser que tout est possible.
En effet, le bruit court… Je préfère laisser courir les bruits quand ils ne sont pas étayés. Un sabotage ? Possible,
mais pas en abimant le système de calage d’une hélice sur quatre. Ce serait trop léger. Or celle-ci était
effectivement défectueuse avant le départ, et le dernier message envoyé semblait la concerner. Le sabotage se
serait déclenché juste en même temps ? Coïncidence ??
Par ailleurs, Alain Quincy rejoint Jean-Luc Borderelle pour nous recommander d’aller visiter le Brussels Air
Museum en nous rendant sur la page http://www.sbap.be/museum/brussels/brussels.htm qui, mieux qu’une
simple page de pub, est une visite très complète de l’endroit, un véritable catalogue de tout ce qui y est exposé.
Sûr que ça donne envie de le visiter !
Merci à eux de leur intérêt pour le journal.
En couverture ce mois-ci :
Le Blimp Goodyear
Ce n’est pourtant pas de lui dont il est sujet dans l’article « Gonflés ! » qui ouvre ce journal. Mais il y a quand même un rapport … On va parler
de Goodyear et d’un projet aussi gonflé que ce dirigeable.
Photo Chris-Stahl en ligne sur http://www.deviantart.com/morelikethis/artists/316173726?view_mode=2
2
04
Gonflés !
Un avion gonflable, vous y croyez ?
Et pourtant, il a bel et bien existé …
P. 04
10
07
BAC TSR-2
12
Le Republic
Thunderceptor
Un joyau anglais qui, lui par contre, n’a jamais vu le jour.
Vu de profil, il n’avait rien d’extraordinaire.
Par contre, vu d’en haut…
P. 10
P. 12
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07
Le Dernier Combat
14
Compétitions ULM
15
Agenda des manifestations
22
Aéroludique
Il fallût bien qu’il y ait un dernier combat aérien sur le
front européen en 1945. Mais ce fut une histoire
improbable.
P. 14
3
Gonflés !
Les GA-466 (ci-dessus) et GA-468 (monoplace), plus connus sous le nom d’Inflatoplane, ont
réellement volé dans les années 50/60. Ils dérivaient d’un concept imaginé 30 ans plus tôt.
C’est apparament Taylor McDaniel qui, le premier, eut
l’idée de construire un planeur gonflable, à la suite d’un
accident ayant entrainé la mort d’un de ses amis. Il pensait
que la structure gonflable, de par son élasticité, protègerait
le pilote en cas de choc frontal avec le sol. Un planeur
airbag en quelque sorte… Après quelques années d’études,
il put faire voler son prototype en janvier 1931. L’appareil,
construit autour d’une structure faite de longerons en tubes
gonflés, fit plusieurs vols tractés par un camion à une
centaine de pieds de hauteur. Le contrôle de l’appareil
s’avéra délicat et le pilote d’essai, Joe Bergling , eut
rapidement l’occasion de vérifier la théorie de McDaniel en
se sortant presque indemne d’un crash. Et faute de crédits,
le constructeur dut abandonner son projet.
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En 1955, les anglais réfléchirent également à la mise au
point d’un avion de reconnaissance gonflable. Deux
exemplaires du M. L. Aviation Company Utility Mark I
furent construits (en 1956 et 1957). Son allure était très
particulière puisqu’il ressemblait en fait à un ULM
pendulaire, ce qu’il n’était pourtant pas du tout. En fait,
seule l’aile était gonflable, une aile delta à profil très épais,
qui, une fois dégonflée, se rangeait à l’intérieur de la
nacelle du fuselage. Celle-ci, en bois et toile montée sur
trois roues, pouvait être arrimée derrière une voiture ou un
camion et servait de remorque pour le transport de
l’ensemble.
Légèrement sonné, Joe Bergling est effectivement sorti
seul de son appareil après ce crash.
Selon certaines sources, le crash aurait été délibéré pour
démontrer les capacités de protection de la formule.
En 1935, les soviétiques développèrent à leur tour un avion
gonflable.
L’idée de P. Gorokhovsky était d’envoyer des soldats à
l’arrière des lignes ennemies à bord de planeurs qui seraient
dégonflés après l’atterrissage en attendant d’être récupérés
ultérieurement après l’avancée du front. A cette époque, les
L’Utility Mark One faisait 23 ft de long, 10 de haut et 35
russes sont les spécialistes du planeur, discipline où ils
détiennent de nombreux records. Aussi se tournent-ils tout d’envergure. Pesant 235 kg à vide, il pouvait décoller à
naturellement vers ce type d’appareil pour ce projet qui doit 454 kg.
apporter plus de mobilité à leur infanterie. Il lui adjoignent
quand même une motorisation auxilliaire. Plusieurs vols
tests seront réalisés qui valideront l’idée. Gorokhovsky
étudiera alors une version plus élaborée… qui ne laissera,
semble-t-il, aucune trace dans l’histoire.
Le motoplaneur soviétique déplié par deux soldats dans la
neige en 1936
Les essais furent réalisés avec une seule personne à bord,
la place arrière étant occupée par les enregistreurs de test
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L’Utility Mark One pouvait emporter deux passagers à
80 km/h en croisière grâce à un moteur Walter Mikron III
de 38,5 cv placé en position arrière. Sa vitesse de
décrochage était de 48 km/h, sa vitesse max de 93 km/h, et
son autonomie de 2h30, soit un rayon d’action de 200 km.
Son plafond théorique était de 5 000 ft, mais il n’a pas
dépassé 700 ft lors des essais (plus de 40 heures de vol).
De l’autre côté de l’Atlantique, l’armée américaine
cherchait une solution au problème de la récupération de
ses pilotes abattus au-dessus du territoire ennemi. Elle en
avait perdu beaucoup pendant la seconde guerre mondiale,
et plus encore pendant la guerre de Corée, qui n’avaient pu
être récupérés assez vite pour leur éviter l’arrestation. Elle
réfléchit à la possibilité d’imaginer un avion qui puisse être
largué à proximité du crash pour que le pilote puisse luimême en repartir.
La société Goodyear, spécialisée dans les pneumatiques
mais qui avait aussi créé une filiale aéronautique à l’origine
de mini dirigeables, proposa en réponse son projet GA-33,
plus connu sous le nom d’Inflatoplane.
Trois mois suffirent à ses ingénieurs pour le mettre au
point, car ils reprirent les bases de l’appareil de McDaniel
dont les brevets étaient échus. Le fuselage était composé
d’un tube de caoutchouc, quand les ailes, la queue et le
cockpit étaient faits de panneaux de caoutchouc réunis par
des milliers de fils de nylon. Il fit son premier vol le 28 mai
1957, au main du pilote d’essai de Goodyear, Richard Ulm
(un nom prédestiné !).
Lors d’un des premiers vols, Ulm fut pris dans un terrible
orage comme il en naît rapidement au Texas, mais il réussit
à s’en sortir et à ramener l’appareil intact au sol,
démontrant involontairement les bonnes capacités de
l’avion. (Malheureusement, un autre pilote d’essai aura
moins de chance en 1959 lorsqu’un câble d’aileron se
cassera dans l’aile pendant un virage sans doute trop serré,
bloquant le manche et entrainant l’appareil dans un virage
engagé. L’aile finira par se rabattre par-dessus le moteur,
provoquant la rupture de l’hélice. L’avion partira en vrille
et le pilote sera éjecté mais il ne pourra ouvrir son
parachute, sans doute frappé avant son éjection par le
saumon métallique de l’aile.)
L’appareil était jugé stable et facile à piloter
Il fallait 15 minutes à deux personnes pour installet et
gonfler l’aile à l’aide d’une pompe électrique qui, en l’air,
maintenait également la pression de l’aile. Cette dernière
était maintenue en forme par des nervures en coton qui
laissait passer l’air d’un caisson à l’autre sans autoriser pour
autant un dégonflage instantanné, permettant ainsi au pilote
en cas d’incident (collision aviaire par exemple) de réaliser
un atterrissage d’urgence.
Le fabricant envisageait également une version civile de
l’avion, pour des utilisations professionnelles dans des
régions inhospitalières ou pour de simples vols d’agrément.
L’appareil devait alors coûter le prix « d’une voiture
familliale ». Mais le projet fut à son tour abandonné…
Le GA-33 avait un cockpit des plus sommaire
Les premiers vols étant satisfaisants, l’appareil va être
décliné en deux versions.
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Le GA-468 était un monoplace équipé d’un moteur deuxtemps Nelson de 40 cv qui lui permettait de voler à une
centaine de km/h sur 600 km avec 100 kg de charge.
Le GA-466 était, lui , un biplace équipé d’un moteur
McCulloch de 60 cv capable de l’emmener à 90 km/h.
Pour l’alléger, son train qui, lorsque l’appareil était
dégonflé servait à manipuler l’ensemble à la façon d’une
brouette, était ramené à une unique roue au lieu d’un
tricycle.
Un GA-468 à l’atterrissage
Le GA-466 en cours de montage. Notez le container et son
parachute de « livraison »
Le GA-468 de profil
Le GA-447 est une version du monoplace qui servit à
tester différent types d’atterrisseurs, monotrace…
Le GA-468 emballé ; le réservoir de carburant est monté
en direct sur le moteur
… ou hydro-ski. Bien entendu, l’appareil avait l’avantage
d’être quasi insubmersible
Il fallait une dizaine de minutes pour gonfler l’appareil au
moyen d’une pompe électrique ou d’une bonbonne d’air
comprimé.
En vol, le moteur entrainait une pompe qui maintenanit la
pression dans les ailes, comme pour le Utility Mark One.
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Un appareil était même réputé avoir volé une heure malgré
une douzaine d’impacts de balles !
Caractéristiques Techniques
Longueur :
Envergure :
Hauteur :
Masse totale :
Moteur :
Vitesse max. :
Autonomie :
Plafond :
GA-466
GA-468
5 m 84
8 m 53
1 m 22
336 kg
60 cv
113 km/h
440 km
2.000 m
5 m 97
6 m 70
1 m 10
250 kg
42 cv
116 km/h
630 km
3.000 m
Une fois gonflées, les ailes pouvaient supporter le poids
d’un homme
Une douzaine d’appareils furent construits jusqu’en 1959 et
testés par les différents services de l’US Army. Mais la
production ne fut jamais lancée. On remarqua en particulier
que le sauvetage des pilotes abattus au Viet-nam aurait
difficilement pu leur être confié. En effet, la jungle
permettait difficilement de trouver un terrain de décollage
adapté. D’autre part, les pilotes éjectés était rarement en
état de récupérer, monter et piloter un tel appareil. Enfin la
mise en œuvre de ce moyen de sauvetage aurait été plus
logue que l’envoi d’un hélicoptère de sauvetage. Les études
durèrent néanmoins jusqu’en 1973 avant l’abandon définitif
du programme.
Cockpit du 468
Plusieurs Inflatoplane sont encore existants.
Un GA-466 est conservé au Crystal Lakes Resort (Montana)
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Le GA-33 est aujourd’hui à Columbus (Ohio)
En 1958 le Chicago Tribune voyait chacun avec un Inflatoplane dans son coffre
Sur un plateau de télé de l’époque, l’Inflatoplane est gonflé en
moins de 7 minutes !
http://www.youtube.com/watch?v=bdm9at83FFU
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BAC TSR-2
Un joyau anglais qui n’a jamais vu le jour
“Tous les avions modernes ont quatre dimensions : envergure, longueur,
hauteur et politique. Le TSR-2 n’avait que les trois premières de bonnes.”
-
Sir Sydney Camm, ingénieur aéronautique anglais ayant dessiné le Hawker Hurricane.
aéronautiques britanniques à fusionner, les deux
équipes sont invitées à travailler ensemble pour une
réponse définitive. Le développement du nouvel
appareil est autorisé par la RAF début 1959 et, début
1960, les deux constructeurs sont réunis dans une
nouvelle société British Aircraft Corporation (BAC).
En mars 1957, pour succéder au Canberra, l'armée de
l'air britannique émet un cahier des charges pour un
bombardier tout-temps, capable de missions à vitesse
élevée aussi bien à haute altitude qu'à basse altitude,
avec une grande autonomie et la capacité d'utiliser des
pistes courtes ou des terrains sommaires, voire de
décoller verticalement. L'avion doit être capable
d'emporter aussi bien des bombes classiques que des
charges nucléaires, ou encore des équipements de
reconnaissance.
À peine lancé, cet appel d'offre est menacé pour deux
raisons. Tout d'abord, la Royal Navy avait déjà lancé
un programme du même genre qui allait aboutir au
Blackburn Buccaneer dont le prototype fit son premier
vol le 30 avril 1958. Cependant, la RAF fit valoir entre
autres qu'elle réclamait un avion capable de voler à
plus de Mach 2, alors que le projet de la Royal Navy
était subsonique. Une autre menace sur le projet était
que le pouvoir politique était convaincu que l'avenir
était aux missiles et qu'il était inutile de développer de
nouveaux avions de combat.
Le TSR-2 est un appareil biplace en tandem. Ses ailes
hautes possèdent une flèche importante et leur
extrémité est incurvée vers le bas. Le bord de fuite est
doté de volets soufflés afin de lui fournir une capacité
de décollage et d'atterrissage court.
Néanmoins, les réponses des constructeurs sont
réclamées avant le 31 janvier 1958 et deux projets
retenus : l’English Electric P.17A et le Vickers
Armstrong Supermarine 571. Alors que le
gouvernement encourage les constructeurs
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Le contrôle du roulis n'est pas assuré par des ailerons
mais par un braquage asymétrique de l'empennage
delta monobloc.
Mais les problèmes s’accumulent, en particulier au
niveau des vibrations parasites et, surtout, du
fonctionnement du train. Il faudra dix vols et quatre
mois avant que celui-ci ne fonctionne correctement.
L'avionique du TSR.2 comporte une centrale inertielle
et un radar à balayage tant vers l'avant que latéral, le
tout intégré dans un système informatique de suivi de
terrain. Le pilote dispose d'un viseur tête haute, tandis
que le navigateur suit les données et les signaux sur un
écran tête basse, permettant d'armer et de larguer les
différents éléments de la charge offensive.
Le gouvernement travailliste de l’époque commence à
envisager de remplacer le développement du TSR-2
par l’achat du F-111 américain en développement ;
pourtant, il assure publiquement aux ouvriers de
l’aéronautique anglaise que leur emploi est assuré par
le futur TSR-2.
Malgré sa complexité, le développement du TSR-2
(Tactical Strike and Reconnaissance /Mach 2) ne
rencontra pas de problèmes majeurs, à part au niveau
des réacteurs : les Olympus 22R (qui deviendront plus
tard les 593 du Concorde) présentaient encore
plusieurs défauts, au point que l'un d'eux explosa au
sol en décembre 1963, détruisant l'Avro Vulcan utilisé
comme banc d'essai. Mais le gouvernement
britannique, qui n’arrête pas de se mêler du
développement de l’appareil, imposant des choix à
tous les niveaux, dans le cockpit comme pour
l’aérodrome d’essais, traverse une mauvaise passe
politique et risque de sauter. BAC espère qu’un
premier vol réussi lui serait bénéfique aux yeux du
nouveau gouvernement à venir. Malgré les craintes
concernant le fonctionnement des moteurs, les
dysfonctionnements constatés du parachute de freinage
et l’impossibilité de faire fonctionner le train
d’atterrissage, le pilote d’essais accepte sous la
pression de faire le premier vol le 27 septembre 1964.
Le vol se passe bien, mais il faudra attendre
l’installation de réacteurs plus fiables avant son second
vol, le 31 décembre 1964.
Un second prototype du TSR est livré début avril1965.
Mais à la surprise générale, le gouvernement annonce
le 06 avril 1965 l’abandon définitif du programme.
Ce second appareil ne volera jamais, ni les neuf autres
appareils encore en construction. La raison officielle
de l'abandon est le coût trop élevé du TSR-2. L'achat
de General Dynamics F-111 américains sera annulé
pour la même raison, et la Royal Air Force devra
finalement se contenter du Blackburn Buccaneer.
Les neuf derniers exemplaires furent mis à la casse
BAC ne s’illustrera plus ensuite que dans des
programmes multinationaux comme le Concorde ou le
Tornado, un sous-successeur du TSR-2, dont on dira
que l’acronyme du programme, MRCA, signifiait en
fait « Must Replace Canberra AGAIN ! ».
Deux exemplaires du TSR-2 ont été conservés : l'un au
musée de la Royal Air Force, l'autre au Imperial War
Museum.
Le train bloqué dans cette position, l’équipage
d’essai a envisagé l’éjection, mais y renonça sur les
instances des ingénieurs au sol, et l’atterrissage se
termina bien !
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Le très original
Thunderceptor
Avouez que si je vous dis que le prototype de chasseur de l’immédiat après-guerre figurant sur cette photo est plus
qu’original, vous allez vous demander si la retraite ne commence pas à m’user les neurones. Ce Republic XF-91
Thunderceptor ressemble, vu comme ça, à de nombreux autres jets de cette période et, en particulier au F-84 dont il est issu.
Pourtant, il a une caractéristique qui, à ma connaissance, n’a été reprise sur aucun autre avion.
A cette époque, la course à la vitesse pose de nombreux
problèmes. Le F-84 Thunderjet, avec son aile droite, ne permet
pas d’atteindre les vitesses espérées par le moteur à réaction. On
le sait, la solution passe par l’adoption d’une aile en flèche qui,
plus tard, évoluera même vers l’aile delta.
Mais cette aile en flèche, qui sera installée sur le F-84 F
Thunderstreak pose un nouveau type de problème. Efficace aux
grandes vitesses, elle oblige par contre, aux basses vitesses, à
augmenter l’incidence pour contrer la baisse de portance, et donc
à flirter avec la vitesse de décrochage. Or, ce type d’aile, évacuant
les filets d’air vers les extrémités de l’aile, fait que ces extrémités
décrochent avant le reste de l’aile à incidence
identique. Lors de ce décrochage partiel, le centre
de portée de l’aile se rapproche alors du fuselage
et, du fait de la flèche, se déplace vers l’avant,
provoquant un moment à cabrer tendant à
accentuer l’angle d’incidence et donc le
décrochage. Instabilité fâcheuse !!
Pour y pallier, on créa un nouveau proto qui
accumulait plusieurs améliorations : outre une
propulsion mixte (il emportait un groupe de quatre
moteurs fusées qui donnait 25% de complément de
puissance pour le décollage et la montée), il était
doté d’une aile à incidence variable (notez les
marques à l’emplanture sur le fuselage) et surtout à
longueur de corde croissant vers l’extérieur !
Après son premier vol en mai 1949, le XF-91passe le mur du son
en décembre 1951 et atteindra au final M 1,71. Il reçoit ensuite un
radome en pointe avant et une entrée d’air en « menton ». Un
second proto est construit qui, après un accident, est modifié avec
un empennage papillon. Mais comme les autres prototypes de
cette époque, le XF-91 qui n’est qu’une amélioration de plus d’un
avion trop ancien, ne répond plus aux besoins de l’USAF (en
particulier, il ne dispose que de 25’ d’autonomie) et n’aura pas de
suite.
La silhouette du Thunderceptor, vue de dessus, agresse l’œil
De ce fait, les extrémités portent plus et décrochent
plus tard que le reste de l’aile.
Autre particularité de cette disposition, l’aile a plus
de volume disponible aux extrémités qu’à
l’emplanture ; du coup c’est là que se relève le
train d’atterrissage (voyez les trappes ouvertes sur
la photo), et comme l’aile y est plus fine, on a opté
pour deux roues fines l’une derrière l’autre plutôt
que pour une roue large plus épaisse.
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Le dernier combat
“Duel in the sun” vue d’artiste par Burt B. Mader Jr
Le Piper Cub que vous voyez sur cette peinture porte un joli nom
: « Miss me !? » Le point d’exclamation, c’est pour les
allemands : « Vous m’avez manqué ! ». Le point d’interrogation,
c’est pour l’amie du pilote restée aux USA : « Je te manque ? »
(L’expression « manquer à quelqu’un » s’utilise à l’envers en
anglais). Il a été baptisé ainsi par son pilote, le lieutenant Meritt
Duane Francies. C’est un as de la seconde guerre mondiale,
même s’il n’est pas répertorié comme tel. En effet, par définition,
un pilote d’avion d’observation n’abat pas d’avions ennemis. Et
pourtant… Breveté pilote dans le civil début 1941 (à 20 ans), il
s’engage trois jours après Pearl Harbour. Il est enfin affecté à la
5ème Division Blindée en 1943 et envoyé en Europe début 1944.
A bord de son Piper L-4 Cub, il repère les cibles des artilleurs,
dirige leurs tirs et guide l’avance des blindés, volant souvent à
basse altitude et sous le feu de l’adversaire. Il effectue également
des missions d’observation ou de liaison. Il est souvent amené à
se poser dans la nature, lorsque sa division avance trop vite, ou
pour refaire le plein et rester en mission plus longtemps ; une fois
même pour aller à pied combattre deux observateurs allemands
isolés, repérés depuis les airs. Il se porte également volontaire
pour d’autres types de missions. Ayant quelques notions
médicales, il est souvent appelé pour donner les premiers soins à
des blessés ; deux fois (en France et en Allemagne), il sera même
amené à aider des femmes civiles à accoucher.
reviennent vers les deux allemands qui tentent de se cacher
derrière un tas de betteraves pour se défendre. Mais l’observateur,
blessé, s’écroule au sol et le pilote finit par se rendre. Francies
donne les premiers soins à l’observateur allemand qui n’en
revient pas. Puis ils remettent leurs prisonniers à leurs
compatriotes et redécollent.
Ce Storch est le dernier avion allemand abattu pendant cette
guerre.
Pour cette action, Francies est recommandé une seconde fois pour
la DFC, mais cette recommandation se perdra pendant les
derniers jours de la guerre, et ce n’est que 22 ans plus tard, à la
suite de la parution d’un livre racontant son histoire, que Francies,
devenu entre temps pilote professionnel dans le civil, la recevra
enfin.
Il est mort en 2004 à 83 ans. (DFC, Legion of Merit, Air Medal,
Bronze Star)
Avec sa division, il entre en Allemagne et va jusqu’à Berlin.
Le 11 avril 1945, il décolle avec le Lieutenant William Martin
(observateur) pour sa 142ème mission. Il repère d’abord un sidecar allemand se rapprochant des blindés américains, puis un
Fieseler Storch en mission d’observation à 700 pieds au-dessus
des arbres. Le Storch, un peu plus gros et plus rapide que le Cub,
le repère également, mais Francies a l’avantage de l’altitude. Il
fond sur sa proie. Lui et son observateur sortent leurs Colt 45 et
tirent sur les allemands, espérant les forcer à se diriger sous le feu
des canons des tanks. Mais le Storch s’échappe en virage. Les
deux américains vident et renouvèlent leurs chargeurs (en tenant
le manche entre les genoux pour Francies), touchant l’appareil à
l’aile et au moteur. Au ras du sol, l’allemand finit par le heurter
de l’aile et s’écrase. Francies pose son Cub non loin et ils
Meritt D. Francies et William Martin devant leur Cub
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SPORT
ULM
En termes de compétitions aériennes, je
n’avais pas évoqué en janvier les
compètes ULM, mais il ne faut pas les
oublier même si elles n’ont pas le côté
spectaculaire des Reno Air Races.
Et puis surtout, notre ami Serge
Bouchet, son copilote Laurent Oth et
leur autogire Magni 16 ont pris
l’habitude d’y faire briller les couleurs
du club Véliplane de Meaux (Médailles
d’Or 2012 et 2013 en Championnats de
France, Médailles d’Or 2013 en
Championnats d’Europe et Médaille de
Bronze 2012 en Championnats du
Monde). Je ne peux donc que vous
inciter à aller les soutenir aux
Championnats de France ULM qui se
tiendront du 25 au 27 mai (pour les
"classics" et du 29 au 31 mai pour les
paramoteurs), à Levroux (36).
Ils représenteront aussi la France aux
Championnats du Monde d’ULM toutes
classes (multiaxes, pendulaire, autogire,
paramoteur) du 6 au 16 août 2014, à
MATKOPUSZTA (Hongrie) ; mais là,
bien sûr, ça fait un peu plus loin …
En tout cas, nous leur souhaitons bonne chance pour ces
deux compétitions ; mais en réalité, la chance n’est pas le
plus utile pour gagner, et nous savons bien que ce sont
leurs qualités de pilote et copilote qui leur permettront,
cette année encore, de nous ramener les plus belles
médailles !
Par ailleurs, signalons que la France organise le premier
championnat d'Europe de slalom en paramoteur qui se
déroulera sur l'aérodrome de Couhé du 21 au 27 juillet
2014 (attention dates à confirmer).
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Précisions sur le saut en chute libre de
Baumgartner
Si vous vous intéressez encore au saut supersonique de Félix Baumgartner, je vous recommande d’aller voir la dernière
vidéo publiée sur Youtube par son sponsor le fabricant de caméras Gopro. Outre qu’elle est excellente de qualité et riche
d’informations, j’en ai déduit la courbe ci-dessous qui indique les vitesses enregistrées (en km/h) au cours de sa descente
(abcisses en milliers de pieds) jusqu’à l’ouverture de son parachute (il manque les environ 3 000 premiers pieds, où
l’accélération a du être fabuleuse !). Sachant que, selon mes sources (imprécises, il est vrai), la vitesse du son à ces
altitudes était d’environ 1 110 km/h, on voit que son vol supersonique a duré le temps de perdre environ 30 000 pieds
(entre 110 et 77 000 pieds), soit environ 10 km (1/4 de sa chute totale), et qu’il aurait dépassé M 1,2.
http://www.francetvinfo.fr/sciences/video-en-devoilant-de-nouvelles-images-du-saut-de-felix-baumgartner-gopro-s-offreune-pub-de-luxe_520061.html#xtor=EPR-502-%5bnewslettervideo%5d-20140202-%5bvideo1%5d-%5bsite-web%5d
Brocante aéronautique de
Champagne
Organisée par l’association Saint-Dizier Aéro Rétro à l’aéro-club
de Saint-Dizier, la 6ème Brocante aéronautique de Champagne aura
lieu les 5 et 6 avril. Sont attendus des exposants de maquettes,
d’avions, de livres anciens et contemporains, de matériels
aéronautiques divers… Entrée libre pour les visiteurs. Pour ceux
souhaitant venir par la voie des airs (avions ou ULM), les
installations du club se trouvant sur la base aérienne BA113, une
demande préalable doit être impérativement demandée aux
organisateurs avant le 15 mars via le contact…
[email protected]
Le parking visiteur sera à 300 m de la brocante. A cette occasion,
les visiteurs pourront visiter le musée aéronautique local et les
avions basés, en état de vol (Morane-Saulnier MS-317, Super
Stearman, Waco UPF-7, Piper L-4 Grasshopper, Piper PA-19) et en
statique (Mirage IIIR, Mirage IVP et Broussard).
http://stdizieraeroretro.com
Je l’ai lu sur www.pilotermag.com
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Fête Aérienne du Centenaire de la Grande Guerre :
C’est certain, 2014 sera l’année de la commémoration du début de la Grande Guerre, la Guerre de 14-18. De nombreuses
manifestations vont se tenir partout en France, et celle-ci me tient particulièrement à cœur puisqu’elle est organisée sur
l’aérodrome de Meaux, base originale d’Aérocic.
Un site et un blog ont étés créés pour vous tenir au courant des nombreuses activités qui vont être organisées sur place
pendant trois jours, du 13 au 15 juin : http://www.lesailesdupaysdemeaux.fr/ et http://ailesdupaysdemeaux.over-blog.com/
. Ce sera un spectacle tellement intéressant que je ne manquerais pas de remonter de ma Dordogne pour l’occasion. Mais
pas seulement pour y assister …
En effet, l’organisation d’une telle manifestation est quelque chose de très lourd, et nécessite de nombreuses bonnes
volontés et beaucoup de muscles. C’est pourquoi, plutôt que d’assister au meeting depuis les pelouses réservées aux
spectateurs, je vous suggère de rejoindre l’équipe d’organisation. Il n’est pas nécessaire, pour aider, de s’engager à trois
jours de présence. Tous les coups de mains seront bons à donner. Et cela vous
donnera le plaisir d’avoir contribué au succès de l’opération, tout en vous
permettant d’en voir les coulisses et qui sait, d’approcher les avions de très,
très près !
Je vous invite donc à vous rendre sur le site du Véliplane
http://www.veliplane.com/article.php3?id_article=260 où vous pourrez
trouver le dossier complet sur la manifestation, le programme (il évolue
encore régulièrement) et le dossier d’inscription au bénévolat. Si vous avez
des questions, vous pouvez aussi contacter directement Serge au
01.60.04.76.00 ou au 06.07.49.18.86.
Ainsi, comme vos aïeux, et en leur honneur, vous pourrez dire : « J’y étais ! ».
A bientôt sur place !
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D’autres meetings auront lieu pour commémorer l’évènement. N’hésitez pas à nous signaler les manifestations dont vous
aurez connaissance. En voici déjà trois :
Ci-dessus :http://legendairenlimousin.blogspot.fr/
Ci-contre :
www.cercledesmachinesvolantes.com
Page suivante :
http://www.centenaire-aerien-somme14-18.fr/
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Saluons l’association J-B Salis qui, pour une fois, ne nous aura pas fait attendre jusqu’à la dernière minute pour dévoiler
l’affiche de son meeting 2014. Commémoration du Débarquement en Normandie oblige, Romain Hugault, connu pour ses
séries « Le pilote à l’edelweiss» ou «Le Grand Duc», a retenu le Douglas C-47 comme visuel principal et comme il s’agit
de rappeler le Jour J, c’est une escadrille de C-47 qui traverse l’affiche, dans un camouflage typique de l’époque avec les
bandes d’identification apposées sur les plans, escortés par un P-51 au nez bleu pour rehausser les couleurs de l’affiche…
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HUMOUR
Dans les années 60 ou dans une période proche, un 747 US se pose à Frankfurt où l’usage veut que les pilotes connaissent
leur parking et les taxiways pour s’y rendre, sans marquer d’arrêt une fois la piste dégagée ; ce qui n’est pas le cas de cet
équipage qui stoppe son roulage une fois la piste évacuée.
Le contrôleur leur demande les raisons de cet arrêt :
- Contrôleur : « Speedbird, savez-vous où vous allez ? »
- Speedbird 206: « Juste un moment, nous vérifions où est notre parking. »
- Contrôleur (arrogant et impatient): « Speedbird 206, vous n’êtes jamais venu à Frankfurt auparavant ? »
- Speedbird 206 (très calmement) : « Si, en 1944, avec un autre genre de Boeing ; mais on ne s’est pas arrêtés, on
a juste largué quelques trucs ».
Voici l’histoire d’un échange radio raconté par un pilote de SR71, un des
avions militaires les plus performants qui ait existé. L’équipage de cet
avion volait dans le sud de la Californie en étant juste à l’écoute d’une
fréquence de Los Angeles qui pouvait le voir sur son radar.
L’équipage entend alors un Cessna demander au contrôleur sa vitesse
sol. Le contrôleur répond : « 90 kt »
Un moment plus tard un bimoteur fait la même demande : « 120 kt »
Tous les pilotes sont fiers du tonnage de leur avion ou de ses
performances ; c’est sans doute pourquoi un F18, qui était, comme le
SR71, à l’écoute de la fréquence, demande également sa vitesse sol :
- « Dusty 52 : 525 kt »
Le pilote du SR71, amusé par la tournure de ces échanges, fait alors la
même demande :
- « Aspen 20, votre vitesse sol est de 1742 kt »
Plus personne n’a demandé sa vitesse après cet appel.
(Rappelons que le SR71 était capable de M 3,5, soit plus de 2.300 kt)
Toujours dans la région de Los Angeles, et toujours un SR71, qui
demande une clearance pour le niveau 600 (soit 18 000 mètres). Le
contrôleur reste incrédule devant une telle altitude :
- « Comment ? Vous voulez monter au niveau 600 ? »
- « Négatif. Nous voulons descendre au niveau 600. »
(Rappelons que le SR71 a établi un record d’altitude à 25.929 m en 1976)
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Cockpit simulateur de SR 71
Le jeu des 7 erreurs
Sept différences ont été incorporées dans la seconde version de cette photo du BAC TSR-2 en exposition au RAF
Museum de Cosford. À vous de les découvrir !
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La photo du mois
Pour une fois, la photo n’est pas excellente (je n’en ai pas trouvé de cette ville sur « Survol de France ! »), et finalement,
j’avoue qu’on ne distingue pas très bien si elle représente une ville, une vache, ou un fromage … Les trois peuvent être
considérés comme les plus beaux de France ! De quoi s’agit-il ?
Du fait de la nouvelle irrégularité de parution du journal, la bonne réponse est donnée dans le même numéro. Vous n’êtes
donc pas tenus de me l’envoyer par mail. Que ça ne vous empêche pas de m’écrire pour me faire part de vos
commentaires …
Kézakaéro
Devinette
1/ A gauche :
Photo déformée,
ou avion
excentrique ?
Ce prototype Bell X-14 (premier vol en 1957, retrait du
service en 1981, construit à un seul exemplaire)
présente, outre son allure de poisson bizarre, trois
caractéristiques originales. Lesquelles ?
(Solutions en dernière page)
2/ Ci-dessus :
Que porte sur la
tête cette hôtesse
de la Braniff ?
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Les Solutions
La photo mystère : Elle montre la ville de Salers (15), un des plus beaux villages de
France, patrie des vaches et du fromage du même nom. (Photo en ligne sur http://skyshoot.com/blog/2012/05/24/la-corse/ ).
Jeu des sept erreurs : 1/ La tige maintenant la trappe ouverte a changé de couleur. 2/ Le phare d’atterrissage droit a
disparu, 3/ ainsi que le mât supportant la maquette 4/ et l’extincteur sous le nez de l’avion de gauche. 5/ Le panneau
d’information de gauche a perdu la partie basse de ses explications, 6/ un second visiteur s’est ajouté au premier, 7/ et le
panneau de sortie de secours en haut à gauche s’est inversé.
Kézakaéro : 1/ Il s’agit tout simplement d’une photo prise sous un angle original de
l’un des plus beaux avions jamais (dans les deux sens du terme) construits : le North
American XB-70 Valkyrie.
2/ Le couturier italien Emilio Pucci avait eu, en 1964, l’idée de ce Bubble Bonnet (ou
Space Bubble Helmet) en plexiglass pour compléter les nouveaux uniformes des
hôtesses de la compagnie, afin de protéger leurs coiffures du vent et de la pluie
lorsqu’elles traversaient les tarmacs.
Devinette :1/ Cet avion est le premier bi-réacteur VTOL, autrement dit à décollage
et atterrissage vertical, à tuyères orientables, à avoir réussi des vols avec transition
du vol vertical au vol horizontal (et inversement). 2/ Il servira longtemps à la NASA
à l’entrainement des astronautes, car son pilotage se rapprochait beaucoup de celui
du LEM lunaire. 3/ Mais également, c’est le seul avion à réaction à ma connaissance
(ou l’un des rares si je me trompe !) à avoir un cockpit ouvert.
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