Delage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

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Delage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion
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elage, Panhard, Honda et le
rappel de soupape par barre de torsion
Où l’on reconnaît certains mérites
oubliés de Maurice Gaultier
par Faurès Fustel de Coulanges
S
uite à l’apparence « classique » de ses modèles les plus emblématiques, Delage a rarement eu l’image
d’un constructeur d’avant-garde ou simplement épris de technique. Et pourtant, les exemples de la
créativité de son bureau d’études ne manquent pas : soupapes à rappel desmodromique (Type S 1914), freins sur les quatre roues en série (CO - 1919), moteur V12 en Grand Prix (2LCV - 1923), compresseurs latéraux (15S8 - 1926), soupapes à rappel démultiplié (D8-S - 1931), suspensions avant indépendantes
(D6-11 - 1932), V12 inversé et carter conique (12GVis - 1932), chambre de combustion polysphérique
(D8-85 - 1934), etc.
Il est également arrivé que Delage soit trop en avance, et développe une technique qui ne pourra être
appliquée que des années plus tard, donc… chez d’autres constructeurs ! C’est un de ces cas de figure que
nous abordons ici…
Delage - Maurice Gaultier et son brevet
Le 6 décembre 1932, est déposé au nom de Delage le brevet FR760785 intitulé « Organe élastique et ses
applications, notamment à la distribution des moteurs à explosion ».
Ce brevet est également déposé en Grande Bretagne et aux États-Unis, sous les références GB414935
et US2041539 respectivement. Si la version britannique est également déposée au nom de Delage, en
revanche la version américaine est déposée au nom de Maurice Gaultier, pour Delage, levant ainsi toute
ambiguïté sur la véritable paternité de ce brevet. NdA : Maurice Gaultier est alors le responsable des études
« voitures de tourisme » de la marque.
Voici les extraits essentiels de ce brevet :
« (...) Dans le cas particulier de la commande d’une distribution de moteurs à explosions, le choix du rappel
du ressort de rappel des soupapes est déterminé en tenant compte des variables suivantes : longueur du fil
de ressort, vitesse de propagation des perturbations dans le ressort et forme de la came de commande. (...)
Même en tirant le meilleur parti possible de ces trois variables, on se trouve assez rapidement limité pour
la vitesse maximum de l’arbre à cames.
Le dispositif suivant la présente invention permet d’élever considérablement cette limite pratique de vitesse
et, d’une façon plus générale, permet de commander correctement les déplacements alternatifs à fréquence
beaucoup plus élevée que ne le permettraient des ressorts en hélice ordinaires.
Suivant la présente invention, l’organe élastique est constitué par un barreau rectiligne en métal élastique
travaillant à la torsion, et présentant une saillie latérale à laquelle est relié l’organe commandé. [Note : le
barreau rectiligne comporte, à l’extrémité opposée de celle qui porte la saillie sus-indiquée, un organe de
blocage]
L’invention vise également l’application de ce dispositif à la commande de soupapes, la dite saillie latérale
étant alors constituée par un bras terminé par une fourchette s’engageant sous un collet de la queue de la
soupape. (...)
Ce dispositif se prête donc tout particulièrement à la commande de la distribution des moteurs à régimes
élevés. (...)»
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Illustration du brevet Delage pour le rappel
de soupape par barre de torsion. Dans cette
configuration les soupapes (14) sont verticales
et alignées. Les barres de torsion (1) sont alors
difficiles à loger. (© SFFC)
En résumé, il s’agit de remplacer dans un moteur à explosions,
les ressorts de rappel de soupape par des barres de torsion, qui
supportent des régimes plus élevés sans perdre le contact avec
le culbuteur et la came de commande.
Par ailleurs, ce brevet évoque également, schémas à l’appui, un
dispositif de réglage, ainsi qu’un dispositif intermédiaire destiné à démultiplier la déformation de l’organe élastique, d’une
manière analogue à celle décrite dans le brevet FR684773 de
1929 (voir l’encart « Maurice Gaultier »). Ces parties ne nous
intéressent pas dans le cas présent.
Comme l’Histoire l’a montré, aucune Delage « de série » n’a
jamais été dotée de ce dispositif. Au mieux a-t-il été réalisé
sous forme de prototype, mais peut-être n’a t’il jamais dépassé
le stade de la planche à dessin. Cependant l’histoire ne s’arrête
pas là…
Pour faciliter la comparaison avec les systèmes qui vont suivre, on peut
ré-arranger les éléments du brevet Delage, sans impact sur leur principe de
fonctionnement, pour obtenir des soupapes en V. (© SFFC)
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Maurice Gaultier
De « la voiture de l’élite » à « la voiture chic »
Maurice Gustave Gaultier est né le 3 décembre 1884 à Carrières sur Seine (Yvelines), où il grandira, et
habitera pendant toute sa vie professionnelle. Il est une (petite) exception parmi les « grands » ingénieurs de
Delage, car s’il est bien diplômé des Arts & Métiers, contrairement à L. Delâge, L. Michelat, Ch. Planchon,
A. Lory et M. Sainturat, ce n’est pas à Angers mais à Lille qu’il effectue son cursus. Il entame ce dernier le
1er octobre 1901 et termine diplômé le 31 juillet 1904 avec le rang de second de sa promotion.
En 1911 il entre chez Delage, à la production. En 1916, en plein cœur de la Grande Guerre, une série
conséquente d’obus défectueux oblige Delage à se séparer de lui. Après l’armistice, il est sélectionné par
Georges Irat pour étudier la 2 litres qu’il a l’intention de produire sous son nom. Présentée au salon de Paris
1921, la Georges Irat 4A, que la publicité présente comme « la voiture de l’élite », est une des plus belles
2 litres françaises des années 1920.
(© SFFC)
Pendant ce temps chez Delage, les départs
successifs de Charles Planchon et Frégal
Escure ont créé un vide à la tête des études
« voitures de tourisme ». En 1925 la place
est proposée à Maurice Gaultier qui, en
retournant chez le constructeur de « la voiture chic » va devenir l’artisan des modèles
les plus « classiques » de la marque, au sens
historique du terme : les DM, DR, D8, D6,
DS ; ainsi que les D8-S, D6-11, D4 et D8-15
qui partagent la technique du levier démultiplicateur entre la soupape et le ressort de
rappel (brevet FR684773 déposé en novembre 1929). Hélas les trois dernières citées
(qui sont les premières Delage à suspensions
avant indépendantes) connaîtront quelques
problèmes de fiabilité qui provoqueront à
nouveau le départ de Maurice Gaultier de
l’entreprise, fin 1933. Il entre alors chez
Renault où il finit sa carrière, avant de prendre sa retraite à Quimperlé (Finistère), où il
décède le 18 janvier 1950.
La Delage D8-15 « Letourneur & Marchand » telle qu’elle apparaît
dans le tome II des aventures de Harry Dickson en bandes dessinées
« Les spectres bourreaux » (Dargaud 1988). Comme ses sœurs D6-11 et
D4, en 1933 la D8-15 est une voiture très moderne avec suspensions
indépendantes à l’avant et démultiplication de la force de rappel des
ressorts de soupape. (© Pascal Zanon / Dargaud)
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Panhard - Louis Delagarde et la Dyna X
Pendant l’entre-deux guerres, les automobiles Panhard & Levassor occupent un marché relativement proche
de celui de Delage : les voitures de luxe. Les Panhard sont alors caractérisées par leur moteur sans soupape
à fourreaux (système Knight), et leur carrosserie à forte personnalité (en particulier la Dynamic).
Panhard & Levassor : un bon apprentissage avant Delage ?
Il y a peu de liens connus entre les constructeurs Panhard & Levassor et Delage, sinon le fait que les plus
brillants ingénieurs de Delage ont travaillé auparavant chez le constructeur de l’avenue d’Ivry.
- Léon Michelat, après avoir été diplômé, entre chez Panhard & Levassor à l’outillage, où il passe environ
trois ans de l’été 1902 à l’été 1905.
- Albert Lory, à l’instar de L. Michelat, commence sa carrière chez Panhard & Levassor, où il passe une
petite année à la production en 1914-1915.
- Charles Planchon dirige pendant trois années le « Service Expérimentation » de Panhard & Levassor, du
printemps 1916 au printemps 1919. Un peu plus tard son fils épousera la fille de Léon Pasquelin, le futur
responsable des études de Panhard & Levassor dans les années 1930.
Pour que le tableau soit complet, on ajoutera que Némorin Causan serait le père du moteur d’avion
Panhard & Levassor V8 12,6 litres de 1913.
Paradoxalement Maurice Gaultier, dont il est question ici, n’a à priori jamais eu de lien avec Panhard &
Levassor !
Dès le début de la seconde guerre mondiale, le bureau d’étude de la marque, qui a été déménagé à Tarbes,
commence à penser au retour à la paix. Après un premier projet de berline de gamme moyenne-supérieure,
c’est finalement sur une voiture économique que l’on s’oriente, plus judicieuse en prévision de la période de
relance économique qui suivra la fin de la guerre. On assigne alors à un ingénieur « maison », la tâche d’étudier cette nouvelle petite voiture.
Cet ingénieur, c’est Louis Delagarde. Né en
1898 à Vitry le François, il est diplômé de
l’Ecole Centrale et a fait toute sa carrière
chez Panhard & Levassor où il est entré en
1921. Jusqu’à la déclaration de guerre il
s’est surtout occupé de véhicules militaires.
Il porte donc un regard « neuf » sur le problème de la voiture économique.
La Panhard Dyna X, premier véhicule de série dotée
d’un rappel de soupape par barre de torsion. Cette
première version, à phares non intégrés, est encore
dotée de deux barres de torsion par cylindre (une par
soupape). (© SFFC)
Au salon de l’auto 1946, est présenté le fruit de ses travaux : la Dyna X. Le petit bi-cylindre refroidi par air de
cette dernière, outre ses chambres de combustion hémisphériques, comporte de nombreuses caractéristiques
remarquables brevetées « Panhard & Levassor » parmi lesquelles des soupapes rappelées par barre de torsion :
Brevet FR988554 (versions britanniques et américaines : GB581714, US2579608) « Perfectionnements aux
dispositifs de rappel des soupapes », déposé le 10 janvier 1944.
Comme dans le cas de Delage, voici les extraits essentiels de ce brevet :
« On sait toutes les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on veut faire tourner à vitesse élevée un moteur à
soupapes. Une de ces difficultés provient, lorsqu’on emploie des ressorts à boudins pour le rappel des soupapes,
de l’inertie propre de ces ressorts et des coupelles mobiles qui servent à leur liaison avec la soupape. (...)
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On a aussi songé à l’emploi de barres de torsion,
mais, jusqu’à ce jour, on n’a pu les utiliser pratiquement en raison de la longueur de barre excessive qui
les rendait presqu’impossible à loger.
La présente invention a pour objet une disposition
perfectionnée de ces barres qui permet de diminuer
leur encombrement d’une façon considérable et de
les loger sans difficulté.
A cet effet, suivant la présente invention, au lieu d’attribuer une barre de torsion par soupape, on jumelle
la commande de rappel des deux soupapes, les deux
demi-barres étant liées entre elles en torsion de façon
qu’une des soupapes serve d’ancrage à la barre tandis
que l’autre extrémité se trouve en travail et inversement. Cette disposition permet, pour une même
longueur utile de barre, d’avoir un encombrement
moitié moindre. (...)»
Illustration du brevet Panhard pour le rappel de soupape par barre
de torsion. Les éléments illustrés et leur fonctionnement sont très
proches du brevet Delage, à l’exception de la pièce référencée
« Fig. 3 » permettant de faire travailler les deux barres ensemble en
les liant à leur base, et donc de réduire leur longueur de moitié.
(© SFFC)
La première version du bi-cylindre Panhard. Contrairement à
l’illustration du brevet, les barres fonctionnent à l’air libre sans
aucun capotage. (© SFFC)
De ces éléments, on peut déduire ce qui suit.
- Louis Delagarde est au courant de l’existence antérieure de l’emploi de barres de torsion pour le
rappel de soupape. Il est donc plus que probable qu’il a eu connaissance du brevet Delage
FR760785.
- La référence à la longueur excessive des barres
de torsion fournit une explication plausible sur
le fait que ce principe n’a en final pas été retenu
par Delage.
- Louis Delagarde cherche donc une solution pour
les raccourcir. Il propose l’idée de jumeler l’extrémité des deux barres
(celle de la soupape d’admission et celle de la soupape d’échappement) pour
les faire travailler ensemble, ce qui permet de réduire leur longueur de moitié.
- Le brevet Panhard & Levassor FR988554 est donc indissociable du brevet Delage
FR760785, auquel il vient s’appliquer « par dessus », par le biais de la pièce intitulée
« Fig. 3 » liant les barres de torsion entre elles.
Enfin notons que Louis Delagarde poussera le principe encore plus loin puisqu’en 1950, il remplace le système de rappel à une barre de torsion par soupape, par une barre unique travaillant dans un sens ou dans
l’autre avec la soupape d’admission et la soupape d’échappement : Brevet FR966302 (versions britanniques
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et américaines : GB663472, US2534621) « Perfectionnements aux dispositifs de rappel des soupapes »,
déposé le 5 mai 1948. Effectivement, lors du démontage des deux barres, il arrivait qu’elles soient interverties, et ne travaillant plus dans le même sens, elles cassaient. La barre unique supprime ce risque d’erreur,
et permet de réduire l’encombrement de l’ensemble. Ce dernier système sera utilisé jusqu’à l’extinction de
la branche automobile de Panhard en 1967.
Le second principe de rappel de soupape par barre de torsion breveté par
Panhard. Cette fois on s’écarte de la configuration Delage pour avoir une
seule barre de torsion rappelant alternativement la soupape d’admission et
la soupape d’échappement. (© SFFC)
La seconde version du bi-cylindre Panhard, doté d’une barre de torsion unique pour chaque cylindre. Dans le cas présent le bi-cylindre
Panhard est monté sur un prototype Nardi à châssis tubulaire présenté aux salons de Turin et de Paris en 1952. Heureux hasard pour un
Delagiste, cette photo a été retrouvée au sein des archives d’Albert Lory… (© Jean Lory)
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Motom : une variation sur le même thème
d’après Piero Bersan
Motom est un fabriquant italien de motos de petites cylindrées né en 1947 (NdA : les premiers statuts de
l’entreprise sont déposés en Suisse suite à la situation politique en Italie après la guerre). En 1953, Motom
s’assure les service de l’ingénieur Piero Remor pour concevoir une petite moto innovante. Ce dernier a
alors acquis une réputation plus que flatteuse dans le domaine des deux-roues grâce aux succès en Grand
Prix de ses 4 cylindres 500 cm3 2ACT à refroidissement par air Gilera puis MV Agusta.
Le résultat des études de Piero Remor est la famille Motom 98T à moteur monocylindre horizontal de
98 cm3. La variante sportive de la 98T, nommée 98TS, se singularise par l’emploi de barres de torsions au
niveau de la distribution. Cependant, dans ce cas précis, ce sont les culbuteurs qui sont montés sur, et donc
rappelés par, les barres de torsion, au lieu d’être
articulés sur des arbres. Les soupapes, disposées en
V, sont pour leur part rappelées par de classiques
ressorts hélicoïdaux. Les Motom 98T et 98TS sont
construits en série de 1954 à 1960.
(© Motom Club d’Italia)
Dans la configuration Motom, ce sont les
culbuteurs (11) qui sont fixés sur, et donc
rappelés par, des barres de torsion (15). Les
soupapes (1) sont pour leur part rappelées par
deux ressorts (3 & 5) chacune. (© Motom Club
d’Italia)
En 1958, Motom présente un modèle
dit « Competizione » à moteur monocylindre vertical de 48 cm3 destiné,
comme son nom l’indique, à la compétition (il bat plusieurs records de
vitesse à Monza les 3 et 4 avril 1958)
et non commercialisé. Ce dernier
reprend le principe des culbuteurs
montés sur barres de torsion, avec
cette fois des soupapes verticales.
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Honda - Tadashi Kume et la Formule 2… et la CB450
En ce qui concerne la compétition automobile, Honda entre dans le grand cirque de la Formule 1 en 1964.
A l’origine, Honda ne devait fabriquer que le moteur, qui aurait été installé dans un châssis britannique. Des
discussions avaient été initiées dans ce but avec Brabham, Cooper et Lotus. En final, déçu par l’attitude des
deux derniers cités, Honda décide de construire lui-même intégralement sa Formule 1.
Cependant, les discussions pré-mentionnées n’avaient pas été totalement vaines puisque Honda en avait
profité pour conclure un accord avec Brabham pour la fourniture d’un moteur de Formule 2. Ainsi pour la
Formule 2 Brabham BT16 de 1965, l’ingénieur Tadashi Kume étudie un moteur de 1 000 cm3, dérivé des
moteurs de la famille Honda de tourisme S500/S600/S800 à double arbre à cames en tête. Hélas cette première Brabham-Honda ne connaît aucun succès.
Aussi pour 1966, Tadashi Kume développe un moteur entièrement nouveau, toujours de 1 000 cm3, qui n’est plus un dérivé
de la famille S500/S600/S800. Dotées de ce nouveau moteur, les
deux Brabham BT18 « usine », dominent de très loin la saison
de Formule 2 1966 : elles disputent treize des quinze épreuves
de l’année et en remportent douze ! Une des caractéristiques
remarquables de ce nouveau moteur est… l’emploi de barres de
torsion pour le rappel des soupapes (à l’inverse des moteurs de
Formule 1 de la marque, qui pour leur part font appel à des ressorts classiques). Malheureusement, aucun plan ni schéma technique de ce moteur n’ont été rendus public à ce jour. Quoiqu’il
en soit, ses succès sont la consécration du dispositif de rappel de
soupape par barre de torsion !
Une rare photo d’époque de la Brabham BT18 sans son capotage
arrière, permettant donc de voir le moteur Honda de Formule 2.
Cette association s’est révélé imbattable lors de la saison 1966.
(© Cirrus)
Dans le domaine de la moto de grosse cylindrée, en 1962 Alfred
Walter Douglas Woods et le distributeur moto britannique BMG
proposent un kit pour adapter une commande desmodromique
aux motos Velocette. Ce kit fait l’objet d’un brevet GB939895
« Improvements in or relating to valve operating mechanism for internal combustion engines », déposé le 17 mai 1962. La transformation
La Honda CB450. Cette première grosse cylindrée japonaise fait vieillir d’un coup toutes ses
contemporaines avec sa technologie course « de série » : double arbre à cames en tête, cotes
super-carrées, rappel de soupape par barre de torsion… (© Rick Darke)
Bien que n’étant pas d’époque, cette photo, prise lors du
Goodwood Festival of Speed (Grande Bretagne) en 2005, est
présentée ici car elle permet de voir l’autre côté du moteur
Honda, techniquement le plus intéressant. Effectivement, les
barres de torsion de rappel de soupape y sont nettement visibles
en formant huit excroissances (une, deux, deux, deux, une) sortant
du bloc au-dessus des tubulures d’échappement. Par rapport au
moteur de la CB450 décrit plus loin, chaque barre de torsion a
pivoté de 90° autour de l’axe de sa soupape. (© Honda)
comprend, entre autres, le remplacement
des ressorts de rappel de soupape par
des barres de torsion, permettant ainsi
d’atteindre un régime de 9 000 tr/min très
supérieur au régime de base. Toutefois
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cette transformation, bien que soignée, relève de l’artisanat et ne saurait être considérée comme une étape
majeure dans l’histoire du rappel de soupape par barre de torsion.
Pour sa part, et à une autre échelle, Honda lance son premier « Pearl Harbour motocycliste » en 1965 en
présentant la CB450 (le second sera la présentation de la CB750 fin 1968). Comme les motos sportives
anglaises de l’époque (BSA, Norton, Triumph…), la CB450 est propulsée par un bi-cylindre vertical. Mais
si les Anglaises sont des longues courses culbutées, le moteur de la CB450 est un super-carré, doté d’un
double arbre à cames en tête, et ses soupapes sont rappelées… par des barres de torsion. Ces dernières,
dont la forme est très proche de celle décrite dans le brevet Delage, permettent à la CB450 d’atteindre des
régimes compris entre 8500 et 9000 tr/min, soit 1 000 à 2000 tr/min de plus que ses concurrentes de l’époque ! Quant à la puissance, elle atteint 97 ch par litre ! Avec la CB450, c’est la technologie de la Formule 2
qui est mise à la portée du public. En 1975 la Honda CB450 est remplacée par la CB500T. Cette dernière
est propulsée par un dérivé du moteur CB450 dont la course a été allongée et qui conserve le rappel des
soupapes par barres de torsion. En 1978 la dernière CB500T tombe de la chaîne…
Très intéressante maquette de la distribution de la
Honda CB450, réalisée par Henk Cloosterman. On
distingue clairement : à droite l’arbre à came, et à
gauche l’axe du culbuteur et sous ce dernier la barre
de torsion de rappel de la soupape. Le logement de
la barre de torsion a été usiné pour mieux mettre en
évidence cette dernière. (© Henk Cloosterman)
La même maquette vue en contre-plongée. La forme
des éléments et leur principe de fonctionnement sont
très proche du brevet Delage déposé plus de trente ans
auparavant. Enfin l’ensemble est à multiplier par quatre,
le moteur étant un bi-cylindre comportant un total de
quatre soupapes. (© Henk Cloosterman)
Ainsi se termine la « saga » du rappel de soupape par barre de torsion initiée par Maurice
Gaultier chez Delage près d’un demi-siècle plus tôt ! Effectivement, entre-temps les
progrès réalisés sur les aciers ont permis de
produire des ressorts accompagnant très précisément le mouvement des soupapes, et le
principe du rappel de soupape par barre de
torsion est tombé dans l’oubli.
Toutefois les 30 années d’application, avec
succès, de ce principe à l’échelle industrielle,
voire sportive, chez Panhard de 1946 à 1967
puis chez Honda de 1965 à 1978, restent un
témoignage précieux de l’esprit fertile, et parfois précurseur comme dans le cas présent,
du bureau d’études de Delage.
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Chronologie du rappel de soupape par barre de torsion
1932 - DelageDépôt du brevet décrivant le rappel de soupape par barre de torsion.
1944 - PanhardDépôt d’un brevet améliorant le principe Delage en réduisant la longueur des barres de
torsion.
1946 - PanhardPrésentation de la voiture Dyna X à rappel de soupape par barre de torsion.
1948 - PanhardDépôt d’un brevet décrivant une barre de torsion unique pour rappeler à la fois la soupape d’admission et la soupape d’échappement.
1954 - MotomPrésentation de la moto 98TS à rappel de culbuteur par barre de torsion.
1958 - MotomUn modèle inédit « Competizione » à rappel de culbuteur par barre de torsion est
construit pour battre des records de vitesse à Monza.
1960 - MotomArrêt de la production de la 98TS.
1962 - VelocetteDépôt du brevet et commercialisation du kit BMG à commande desmodromique et
rappel de soupape par barre de torsion.
1965 - HondaPrésentation de la moto CB450 à rappel de soupape par barre de torsion.
1966 - HondaLa Brabham BT18 à moteur Honda à rappel de soupape par barre de torsion domine la
saison de Formule 2.
1967 - PanhardArrêt définitif de la production automobile et des moteurs à rappel de soupape par barre
de torsion.
1978 - HondaArrêt de la production de la CB500T, dernière moto de la marque à rappel de soupape
par barre de torsion.
Pour réagir à cet article : [email protected]
L’auteur remercie cordialement Piero Bersan (Motom Club d’Italia) et Henk Cloosterman (Desmodromology)
pour leur contribution à cet article.
Bibliographie
- « Panhard X86 - Toujours jeune et… dynamique » par Michel Leroux in « Auto Passion » n° 24 (juin 1989).
- « Les premières Dyna Panhard » par René Bellu in « Automobilia » n° 3 (juin 1996).
- « Premiers pas en Formule 1 » & « Honda ne manque pas d’air » par Gérard Crombac in « Rétroviseur » n° 89
& 91 (janvier & mars 1996).
- « Brabham + Ralt + Honda - The Ron Tauranac Story » par Mike Lawrence (MRP 1999).
- “CB450 Honda - Le twin de la conquête a 40 ans” par Michel Cottereau in “Moto Légende” n° 168
(mai 2006).
Sites Internet
- Office Européen des Brevetsep.espacenet.com
- Motom Club d’Italiawww.motomclub.it
- Desmodromology Home Pagemembers.chello.nl/~wgj.jansen
A
près des articles bien documentés et inédits sur les ingénieurs PLANCHON et LORY,
Sébastien Faurès Fustel de Coulanges nous fait découvrir un aspect relativement méconnu
de la créativité du bureau d’études de DELAGE. Il est intéressant de voir ce qu’un brevet de
1932 est devenu par la suite.
C’est aussi un hommage à l’ingénieur inventif que fut Maurice GAULTIER..
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