2004, cahier 1: Espérance de vie et surmortalité
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2004, cahier 1: Espérance de vie et surmortalité
2004/1 Bulletin des assureurs Vie destiné aux médecins suisses Espérance de vie et surmortalité Supplément du Bulletin des médecins suisses No 27, 30 juin 2004 Schweizerischer Versicherungsverband Association Suisse d’Assurances Associazione Svizzera d’Assicurazioni 2 Sommaire Editeur ASA Association Suisse d’Assurances Dr méd. Jan von Overbeck Principes de sélection, de tarification et d’acceptation en assurance vie 4 1941 – 1998 édité par les assureurs Vie La commission responsable de la parution du «Bulletin» se compose comme suit: • Josef Kreienbühl, PAX, président Dr méd. et Dr sc. math. Christian Jaggy, Dr méd. Jan von Overbeck Influence d’une surcharge pondérale sur la mortalité 24 • Karl Groner, Zurich • Dr méd. Thomas Mall, Bâloise • Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re • Peter Suter, Winterthur Dr méd. Vladimir Kaplan L’importance du souffle cardiaque systolique du point de vue de l’assureur privé 32 Rédaction Jörg Kistler, dr phil. C.-F.-Meyer-Strasse 14 8022 Zurich, téléphone 01-208 28 28 E-mail [email protected] Imprimerie Dürrenmatt Druck AG 3074 Muri-Berne Tirage 5500 exemplaires PD Dr méd. Markus Schneemann, Dr méd. Michael Brändle, Dr méd. Jan von Overbeck Assurance vie pour patients atteints de diabète sucré: quel est le degré du risque de mortalité? 40 Dr méd. Thomas Mall Le cas pratique 48 3 Editorial Chère lectrice, cher lecteur, L’assurance vie doit connaître le plus exactement possible l’état de santé du proposant si elle entend exiger des primes adaptées au risque. Selon le montant du risque à assurer, il faut entreprendre à cet effet un examen médical plus ou moins poussé. Les résultats de celui - ci constituent la base sur laquelle l’examinateur des risques pourra décider si une assurance est possible et, le cas échéant, à quelles conditions. Bien que la majorité des clients soient assurés aux conditions normales, le processus de l’examen du risque ne cesse d’engendrer des incompréhensions. Ce n’est pas le montant de la surprime qui suscite avant tout une telle réaction, mais bien l’évaluation différente du risque, suivant que l’on se place du point de vue de la médecine clinique ou de la médecine de l’assurance. Ainsi, alors qu’un certain état représente un grand succès pour la médecine, par exemple parce qu’en présence d’une maladie, la chance de survie augmente sous certaines conditions définies précisément, ce même état n’est toujours pas assurable pour l’assurance vie, en raison de la longue durée d’un contrat d’assurance. En réalité, la médecine de l’assurance suit et accompagne toujours de très près de tels progrès réalisés dans les traitements afin de pouvoir tirer, le moment venu, les conclusions nécessaires du point de vue de l’assurabilité. Chères lectrices et chers lecteurs, pour pouvoir vous donner une idée des mécanismes de l’assurance vie, le présent numéro vous présente dans le détail ce que fait l’examinateur des risques et à quoi sert le rapport de l’examen médical. Trois autres articles montrent, à l’appui d’exemples choisis, l’importance d’un constat précis et font clairement comprendre pourquoi ce même constat interdit une fois la conclusion d’une assurance - maladie alors qu’une autre fois, la possibilité d’assurer existe sous certaines limitations. Jörg Kistler, dr phil. 4 Principes de sélection, de tarification et d’acceptation en assurance vie Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re Introduction Jusqu’aux premières années de ce siècle, les assureurs acceptaient les risques normaux et refusaient les autres purement et simplement. Mais bientôt, il est apparu que ce système sans nuances ne convenait pas au public, cadrait mal avec les progrès de la science médicale et privait les assureurs d’un volume appréciable d’affaires. Ainsi la sélection des risques dit aggravés a été développée. La sélection produit des résultats bien meilleurs que ne l’imagine le grand public: environ 94% des propositions d’assurance peuvent être acceptées au tarif normal, 4% des proposants reçoivent la couverture souhaitée moyennant une surprime et 2% des propositions seulement doivent être ajournées ou refusées. La sélection du risque est un processus d’identification et de classification des risques présentés à l’assureur. L’âge, le sexe et des diverses habitudes sont utilisés pour déterminer la prime de base pour un risque normal. Les risques aggravés font l’objet d’une surprime. En fonction du type d’affaires, chaque compagnie utilisera différentes normes de sélection selon l’âge et le montant à assurer. L’assurance sur la vie n’est pas une spéculation hasardeuse sur les chances de survie d’un individu. Ses bases sont établies avec une rigueur mathématique: elles s’appuient en effet sur la statistiques et le calcul des probabilités. La conclusion d’une assurance s’inscrit aujourd’hui dans ce qu’on appelle la gestion des risques, qui constitue, à son tour, une des possibilités de maîtriser les risques. Ainsi, un risque inévitable ou non supportable par un individu est transféré à une communauté de risques, la compagnie d’assurance faisant, en l’occurrence, office de fiduciaire. La notion d’assurance remonte aux origines de la marine marchande. Apprenant que leurs navires de commerce avaient péri en mer, les propriétaires durent convenir qu’ils étaient incapables de supporter à eux seuls les conséquences matérielles de ces pertes. Ils constituèrent une communauté de risques où le risque financier était équitablement réparti entre les membres afin de le rendre supportable pour tout un chacun. Ce principe de la solidarité (les bons risques paient pour les mauvais) ainsi que la loi des grands nombres (vu le nombre croissant de personnes rejoignant la communauté, le nombre de sinistres effectifs diverge de moins en moins du nombre de sinistres escomptés) constituent les éléments fondamentaux de l’assurance. 5 Si l’assurance vie était obligatoire et si les habitants d’un pays étaient tous, sans exception, assurés depuis l’âge de 20 ans, par exemple, les assureurs vie auraient un travail simple. Les propositions, déclarations et examens médicaux seraient inutiles et les compagnies se borneraient à émettre chaque jour, automatiquement, les polices nouvelles dont les primes seraient facilement calculées d’après la table de mortalité de la population générale. Mais, dans un régime d’économie libre, nul n’est contraint de s’assurer sur la vie. Ceux qui s’assurent le font pour des raisons diverses: protection, épargne, éducation des enfants, garantie bancaire etc., mais tous ne constituent pas, pour l’assureur, des risques de même qualité. A côté de la grande majorité des bien portants, il y a les malades, les victimes d’accidents, les infirmes, les gens qui exercent une profession dangereuse, ceux qui mènent une vie agitée, bref tous ceux dont la longévité moyenne est vraisemblablement modifiée et que l’on désigne sous le vocable «risques aggravés». Il faut s’attendre à les voir s’intéresser tout particulièrement à l’assurance vie pour en tirer un maximum de profit. Ce petit groupe de clients – à peine 10% – complique beaucoup la tâche de l’assureur. D’abord, ce dernier doit les détecter, ce qui n’est pas toujours facile car ils tentent de se dissimuler. Ensuite, il ne peut les traiter comme les autres et les accepter au tarif normal: ce serait compromettre l’équilibre financier de ses opérations, ses prévisions étant fondées sur la mortalité d’assurés supposés normaux. Ce serait attirer dans sa compagnie tous les aggravés refusés par les autres assureurs avec les conséquences financières que l’on devine (anti-sélection). Enfin, ce serait injuste à l’égard des assurés normaux qui ne tarderaient pas à rechercher un autre assureur. En effet, l’assurance est fondée sur le principe de la mutualité. Ce principe n’implique pas que les bons risques payent pour les mauvais; il signifie simplement que, dans des groupes homogènes, le grand nombre des assurés paie pour une minorité de malchanceux. D’autre part, l’assureur ne peut systématiquement refuser les aggravés. Ce serait contraire à la tendance actuelle d’étendre sans cesse le champ d’action de l’assurance. Ce serait peu équitable à l’égard de personnes qui, justement, ont plus que d’autres besoin d’une police d’assurance. Sur le plan commercial, ce serait également une erreur car la compagnie se priverait elle-même d’affaires 6 relativement nombreuses et généralement satisfaisantes si elles étaient traitées avec discernement. Il en résulte que 1 pour un assureur qui veut sauvegarder la qualité de son portefeuille et veiller à l’équilibre entre les primes encaissées et les prestations qu’il doit aux assurés, la sélection est une nécessité; 2 les risques aggravés forment un groupe à part et doivent être étudiés, tarifés et compensés spécialement par un personnel qualifié. Les risques aggravés Le risque aggravé se définit essentiellement par rapport au risque normal. Mais qu’est-ce qu’un risque normal? C’est un proposant dont la mortalité n’est pas supérieure à celle utilisée dans le calcul du tarif: son hérédité est sans particularité, il n’a pas eu de maladies ni d’accidents graves, il n’est ni gros ni trop maigre, ses déclarations et sa visite médicale ne présentent rien de particulier, sa profession n’est pas dangereuse et ses habitudes n’ont rien de suspect. Le risque aggravé, au contraire, n’est pas conforme à la moyenne. Soit dans sa santé actuelle ou passée, soit dans son hérédité, ses habitudes, sa profession, il présente des anomalies susceptibles d’abréger théoriquement sa vie. Son pronostic vital est diminué. Les risques aggravés sont donc ceux qui comportent un danger particulier et qui, par une mortalité moyenne supérieure, troubleraient les prévisions de l’assureur s’ils étaient acceptés au même titre que les normaux. En d’autres termes, ils se distinguent des risques normaux par leur surmortalité probable. Alors qu’on suppose que la qualité de tous les risques normaux est la même en moyenne et ne diffère que par l’âge des assurés, celle des aggravés est essentiellement variable. Il y a d’abord une zone floue où les quasi-normaux voisinent avec les aggravés légers ou «cas limites». Ensuite, vient une large zone occupée par les risques franchement, puis lourdement aggravés. Enfin, nous trouvons les risques très fortement aggravés, ou «cas extrêmes», qui précèdent les risques inassurables. En général, les surprimes croissent avec le degré d’aggravation. Depuis 10 à 20 ans, la tendance est de refuser le moins d’aggravés possible. Alors que les diabétiques, les cancéreux, les coronariens étaient impitoyablement rejetés, ils sont aujourd’hui acceptés sous certaines conditions. 7 D’un autre côté, l’assureur n’acceptait pour ainsi dire jamais de risques dont la surmortalité dépassait 250%, alors qu’il n’est pas rare aujourd’hui de délivrer des polices à des assurés dont la surmortalité atteint 500%. Mais évidemment, il y a des limites: on n’assure pas une maison en flammes. L’important est de réunir des risques assez nombreux pour que les à-coups de la mortalité se fondent dans une moyenne régulière. L’assurance repose avant tout sur la loi des grands nombres. L’assurance est la compensation des effets du hasard par la mutualité organisée selon les lois de la statistique. Cette définition se réfère à la régularité statistique, laquelle, par le rassemblement des risques et par le jeu de la mutualité, est venue remplacer l’irrégularité du jeu primitif. En effet, l’assureur n’envisage pas des cas isolés, ni des séries, mais des ensembles statistiques. Il ne faut donc jamais perdre de vue la notion de groupe, et c’est parfois difficile, surtout en matière de sélection des risques où se posent bien souvent des problèmes particuliers. Les médecins cliniciens et les assurés ont beaucoup de peine à voir la situation sous cet angle. Et pourtant, les notions de groupe d’assurés, d’âge moyen, de mortalité moyenne et de survie moyenne probable, sont essentielles pour comprendre les mécanismes de l’assurance vie, à la médecine d’assurance et aux règles de la sélection et de la tarification. Le travail du tarificateur consiste donc à grouper les aggravés selon le danger qu’ils présentent. A la lumière des expériences et des statistiques, il cherche à déterminer leur surmortalité probable et forme ainsi des classes, aussi homogènes que possible, qui simplifient la gestion du portefeuille des aggravés. L’expérience démontre que sur 100 propositions, il faut s’attendre normalement à en voir 10 qui posent des problèmes et qui doivent être tarifées. De ces 10, 1 à 2 sont acceptées au tarif normal, 1 à 2 sont refusées ou ajournées, les autres étant acceptées avec surprime. De ces 6 à 8 candidats surprimés, 1 à 2 refusent de signer leur police, de sorte qu’un portefeuille habituel compte entre 4 et 7% d’aggravés. Le rôle du médecin examinateur Le document de base de la sélection médicale est le rapport médical que le médecin examinateur rédige après avoir interrogé et examiné le candidat. Le rôle du médecin est donc capital. La qualité de son travail, l’exactitude et la conscience qu’il y met, ont une inci- 8 dence directe sur les décisions de la compagnie, comme sur ses résultats financiers. La grande majorité des médecins examinateurs font leur travail correctement et s’acquittent, en général, parfaitement des obligations du contrat d’expertise qui les lie à l’assureur. Mais il peut arriver que le médecin ne voie pas toujours très bien ce qu’on attend de lui, ni de son intervention: l’assureur ayant dans ce cas négligé de lui fournir les explications nécessaires. Or les médecins cliniciens connaissent mal les particularités de la médecine d’assurance. L’assureur fait appel au médecin clinicien pour l’aider à évaluer la longévité probable des futurs assurés. Nous disons bien «l’aider», car ce problème doit être résolu à un autre niveau par le tarificateur et le médecin conseil qui étudient le rapport du médecin examinateur. En effet, ce dernier, faute de bases techniques et statistiques, ne peut guère se prononcer sur cette question. En revanche, ce qu’on attend de lui est très important, car il est seul à pouvoir le faire, il s’agit de fournir des données exactes. Chacun connaît les formulaires de rapport médical que le médecin examinateur doit remplir. Ils se composent de deux parties. La première concerne l’interrogatoire du candidat, la seconde son examen clinique. L’interférence entre ces deux parties est d’ailleurs évidente: les déclarations du candidat inciteront le médecin à examiner tout spécialement certains organes et, réciproquement, l’examen clinique le conduira à poser des questions supplémentaires. Ce dont l’assureur a besoin, c’est d’un tableau objectif et complet de l’état de santé antérieur et actuel du futur assuré. Plus précisément, il doit être parfaitement renseigné: 1 sur la personne, son mode de vie, son hérédité et ses antécédents personnels. Le rapport contient une série de questions que le médecin doit poser d’une manière précise et intelligible. Il doit noter exactement les réponses et obtenir tous les détails (avec les dates) sur les accidents, les opérations, les maladies, leur évolution, leur traitement, leur durée, le résultat des examens spéciaux, les séquelles, etc. 2 sur l’état actuel du candidat. Le médecin doit procéder à l’examen systématique du candidat déshabillé et répondre ensuite à toutes les questions figurant dans la seconde partie du rapport. Il ajoute brièvement son avis per- 9 sonnel sur la qualité du risque et peut-être sur la nécessité d’un examen complémentaire pour établir un diagnostic précis, mais cela toujours dans la perspective du pronostic vital éloigné de l’intéressé. Il ne nous appartient pas d’entrer ici dans le détail de cet interrogatoire, ni de cet examen clinique. Limitons-nous à faire quelques remarques générales: (a) Le rapport médical n’est pas destiné au candidat, ni à l’agent, mais au service médical de la compagnie. Il est d’ailleurs confidentiel. Le médecin examinateur doit donc s’abstenir, à l’égard du candidat, de tout commentaire sur le résultat de son expertise, car son avis n’est pas déterminant et l’appréciation finale du risque ne lui appartient pas. C’est l’assureur qui , pouvant obtenir d’autres informations (rapports antérieurs, situation financière, moralité, etc.), tranchera en dernier ressort. (b) Le rapport médical est examiné successivement par deux ou trois personnes, et même davantage s’il s’agit d’un risque aggravé ou d’une affaire à capital élevé. Il doit donc être lisible, exact et complet, pour que l’assureur puisse se prononcer sur l’acceptation du risque. (c) Un rapport illisible, imprécis ou insuffisant: fait perdre un temps précieux à tous ceux qui doivent l’étudier; oblige la compagnie à demander des explications au médecin examinateur; peut conduire à une tarification plus sévère si le cas n’est pas clair; indispose le candidat; retarde l’émission de la police. (d) Nous comprenons très bien que certains médecins soient déconcertés par le côté administratif du travail qu’on leur demande. Rappelons cependant que l’assurance vie implique un certain degré de simplification, de normalisation et de mécanisation; les éléments des rapports médicaux servent au classement rationnel des risques dans des groupes homogènes pour faciliter la tarification objective des candidats, la gestion du portefeuille, la surveillance des résultats techniques et les travaux statistiques sur la mortalité. Nous espérons qu’à la lumière de ces explications, les médecins examinateurs saisiront mieux le but et l’importance de la visite médicale et comprendront également qu’elle n’est ni un simulacre, ni une formalité vaine, ni un aspect mineur de la médecine. La perspective est différente, mais l’examen médical équivaut à une con- 10 sultation. Car enfin, interroger une personne sur ses antécédents et procéder à son examen somatique, n’est ce pas là le type même de l’acte médical? Selection du risque La sélection du risque est un processus d’identification et de classification des risques présentés à l’assureur. L’âge, le sexe et des diverses habitudes (par exemple consommation de tabac, sports, etc.) sont utilisés pour déterminer la prime de base pour un risque normal. Les risques aggravés font l’objet d’une surprime. En fonction du type d’affaires, chaque compagnie utilisera différentes normes de sélection selon l’âge et le montant à assurer. Tout d’abord il est indispensable de déterminer l’intérêt assurable avant de conclure une police d’assurance. Il s’agit de démontrer que le bénéficiaire du contrat subirait un réel préjudice en cas de réalisation du risque. En fait, le bénéficiaire devrait avoir intérêt à ce que le risque ne se réalise pas. Dans ce contexte il est nécessaire de tenir compte de l’anti-sélection. L’antisélection est la tendance qu’ont les personnes présentant un risque plus élevé que la moyenne, à solliciter ou maintenir une couverture d’assurance conséquente, par rapport à celles qui présentent un risque moins élevé que la moyenne. La dissimulation d’informations ou la fausse déclaration sont des formes d’anti-sélection. La classification tient compte de facteurs d’ordre médical et nonmédical. La proposition d’assurance comprenant des informations médicales et nonmédicales, est l’instrument de base en vue de la conclusion du contrat d’assurance et est souvent la source d’information la plus importante à la disposition du tarificateur. Chaque question doit servir à évaluer le risque et le tarificateur doit être formé à lire entre les lignes, afin d’exploiter pleinement son contenu. Sur la base des informations obtenues dans la proposition d’assurance, il est parfois nécessaire de clarifier certains points au moyen de questionnaires supplémentaires. Ils doivent être signés par le proposant et font partie intégrante de la proposition. Les questionnaires sont fréquemment utilisés pour obtenir des précisions complémentaires sur l’état de santé du candidat, ou encore sur des particularités relatives à un risque nonmédical tel que la pratique d’un sport dangereux ou d’un loisir comme l’aviation, sur un éventuel risque de séjour ou encore sur la situation financière du candidat. La 11 nature et l’étendue de la sélection médicale varient selon l’âge du proposant et le montant à assurer. Elles dépendent également du rapport coût/bénéfice que l’on peut en attendre («Protective value»). Pour éviter l’antisélection, la compagnie d’assurances doit être au moins aussi bien informée que le proposant lui-même; en outre, il lui faut avoir une idée aussi précise que possible du risque à assurer pour qu’elle puisse calculer la prime correspondante. Les déclarations du candidat sur son état de santé, sur les maladies contractées, les traitements suivis ou les diagnostics établis (obligation légale de déclarer) constituent la base de l’analyse médicale du risque. Suite à ces déclarations, l’assureur peut parfois estimer nécessaire de demander un supplément d’information aux médecins traitants ou aux hôpitaux, à condition que le candidat lui ait, au préalable, donné son accord. Selon les circonstances (surtout lorsque de fortes sommes sont en jeu), l’assureur peut exiger un examen médical et des investigations complémentaires (par ex. analyses de laboratoire, électrocardiogramme). Les candidats à l’assurance décès sont répartis en différents groupes, le critère n’étant pas l’identité des mala- dies ou des résultats d’analyse, mais le risque de mortalité moyen. Il est bien sûr impossible de calculer l’espérance de vie d’une personne isolée. La répartition par groupes et le calcul de la surprime ne reflètent pas le pronostic vital d’un individu, mais le pronostic vital moyen du groupe considéré. Ce mode de sélection produit des résultats bien meilleurs que ne l’imagine le grand public: environ 94% des propositions d’assurance peuvent être acceptées au tarif normal, environ 4% des proposants reçoivent la couverture souhaitée moyennant une surprime, environ 2% des propositions seulement doivent être ajournées ou refusées. La tarification Pour payer la prestation convenue en cas de sinistre, la compagnie d’assurance a besoin de fonds; à cet effet, elle encaisse des primes, à savoir des versements faits régulièrement par les personnes qu’elle assure. Les primes à payer par les assurés sont calculées en fonction de la somme assurée et de la probabilité selon laquelle le sinistre assuré peut survenir pendant la durée du contrat, déclenchant alors le paiement de la prestation convenue. 12 En assurance vie, où la prestation assurée doit être versée en cas de décès de l’assuré, c’est la mortalité de l’assuré qui constitue la probabilité de survenance du sinistre. A travers les recensements de population et l’analyse des registres d’état civil (naissances, décès), l’office des statistiques d’un pays donné peut déterminer la probabilité de décès de la population sur une année, en fonction de l’âge et du sexe, pour établir ensuite une table de mortalité. Si, par exemple, sur 100 000 hommes âgés de 43 ans, on enregistre 300 décès au cours d’une année (les défunts n’ayant donc pas atteint l’âge de 44 ans), il en résulte une mortalité de 0,003 ou de 3 pour mille pour les hommes âgés de 43 ans (voir figures 1 et 2). Figure 1: Mesure de la mortalité qx = dx lx qx = Probabilité de décès entre âge x et x + 1 dx = Nombre de décès entre âge x et âge x + 1 lx = Nombre de personnes vivant à l’âge x Pour que les primes encaissées et les prestations à verser s’équilibrent, il est impératif que le collectif d’assurés ait une structure de risques analogue à celle de la population qui a permis d’élaborer les taux de primes (par exemple, pour le risque décès, il ne doit pas y avoir de déviation importante entre le nombre de décès effectifs et le nombre théorique de décès attendus tel qu’il ressort des tables de mortalité). Dans le cas de l’assurance sociale, cette condition est réalisée, étant donné le caractère obligatoire de cette assurance. Par contre, en assurance privée, l’adhésion est facultative et ceci induit un biais, à savoir que les personnes ayant une espérance de vie réduite désirent prioritairement s’assurer. Si cela devait se produire, les compagnies d’assurance se retrouveraient tôt ou tard en difficultés financières. Une compagnie d’assurance ne peut atteindre son objectif fondamental, à savoir offrir à un maximum de personnes une couverture d’assurance au meilleur prix possible, que si les primes proposées sont adaptées aux risques. Si elle accepte des personnes ayant une mortalité élevée (ou, en d’autres termes, une espérance de vie réduite), elle doit leur demander des 13 Mortalité (qx en 1000) Figure 2: Mortalité population Suisse 10 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 Age (x) 0 qx = 5 10 15 primes plus élevées. Il serait injuste de faire supporter par la grande majorité des assurés en bonne santé la totalité des frais additionnels occasionnés par les personnes qui, dès le départ, présentaient un risque de décès plus élevé. Les preneurs d’assurance en bonne santé chercheraient alors une autre forme de couverture de risque (par ex. placements en titres ou immobiliers), l’assureur se retrouvant uniquement avec des mauvais risques et dans l’impossibilité de les compenser. Pour éviter cet écueil, on répartit les différents preneurs d’assurance en groupes de risques similaires et c’est au sein de chaque groupe que fonctionne le principe de solidarité évoqué 20 dx lx 25 30 35 40 45 ci-dessus. Les candidats à l’assurance présentent, dans leur grande majorité, une espérance de vie plus ou moins normale et peuvent donc être assurés au tarif normal. Seule une minorité de proposants présente un risque de décès augmenté. Ce risque accru est compensé, moyennant une surprime. Le risque est classé dans un groupe d’assurés dont la surmortalité moyenne est voisine de celle obtenue pour le risque tarifé. Ces groupes ou classes de risques aggravés sont commodes, entre autres, pour calculer la compensation du risque. Ces classes ne contiennent pas les assurés souffrant d’une même maladie, mais rassemblent ceux dont la surmortalité probable est la même: 25%, 50%, 75%, 50 55 60 14 Figure 3: Classes de risques aggravés Standard Risques aggravés Surmortalité +100% +200% +300% +400% +500% 1,5 Proportion mortalité attendue 100%, 150%, 200%, 250%, 300%, 400%, 500%, 600%, etc., jusqu’à 1000% et même plus (voir figure 3). La tarification numérique La majorité des tarifications décès repose sur le système de la tarification numérique. La mortalité de base correspond à celle que prévoient les tables de mortalité utilisées par l’ensemble des compagnies d’assurances. Chaque facteur qui affecte cette mortalité de base est exprimé de manière numérique en pourcentage de la mortalité normale et représente le taux de surmortalité (voir figure 4). En parlant de surmortalité, on se réfère implicitement à un point de comparaison: la «mortalité normale». Il est évident que la mortalité normale ne peut pas être représentée par une table d’un emploi universel: des facteurs d’hygiène, climatiques, sociaux, culturels, etc. ainsi que les critères de Figure 4: Mesure de la mortalité des risques aggravés Taux de mortalité (MR) base qss x = ax · qx Mortalité des risques «substandard» est exprimée en pourcentage de la mortalité de base. Taux de surmortalité (EDR) base qss + EDRx x = qx Mortalité des risques aggravés est exprimée en mortalité fixe s’ajoutant à la surmortalité de base. 15 sélection propres à chaque compagnie conduisent à des écarts sensibles de la mortalité qui pourrait être considérée comme normale, non seulement pour des pays différents mais encore pour des sociétés d’une même région. Il peut ainsi arriver que deux compagnies voisines aient des expériences de mortalité inégales si, par exemple, leur clientèle appartient à des couches de population différentes. En principe donc, la mortalité normale est la mortalité moyenne des assurés qu’une compagnie accepte aux conditions de son tarif, sans surprime ni restrictions. Exemple: Nous avons 10 000 assurés de 50 ans et nous voyons qu’il en meure 100 par an. Parallèlement, nous prenons 10 000 assurés de 50 ans également, mais tous atteints d’un souffle cardiaque bien déterminé, et nous constatons qu’il en meurt 175 chaque année. Les 75 sinistres excédentaires peuvent raisonnablement être imputés au souffle cardiaque, dont la présence, chez tous les assurés du groupe, se traduit par une surmortalité de 75% par rapport à la mortalité normale. Nous ne savons rien sur la longévité propre à chacun des 10 000 assurés cardiaques, car dans ce groupe, comme dans le groupe témoin des normaux, la mort frappe au hasard. Mais nous connaissons la surmortalité moyenne de groupe et cela nous suffit: nous devrons compter, chaque année, avec 175 sinistres environ au lieu de 100. Ces 175 assurés mourront, comme tout le monde, d’insuffisance respiratoire, d’accident, d’urémie et de toutes les maladies imaginables, avec une forte proportion de troubles cardiovasculaires. La cause du décès est ici sans importance. Ce qui compte, c’est le total des sinistres observés, élément essentiel des prévisions de l’assureur (voir figures 5 et 6). Le fait que la mortalité normale dépende – en plus des facteurs d’environnement – de la pratique de la compagnie en matière de sélection, met en exergue l’interdépendance qui existe entre l’actuaire et le service d’acceptation: l’actuaire, en choisissant les bases techniques des tarifs, doit tenir compte des critères adoptés par les responsables de la sélection et de la tarification; de son côté, le service d’acceptation doit adapter ses méthodes de travail et ses appréciations aux bases techniques arrêtées. En fait, dans la plupart des pays, les bases techniques des tarifs – en particulier la table de mortalité – sont fixées par l’autorité de surveillance en matière d’assurance. Il n’en reste pas 16 Figure 5: Taux de survie Taux de surmortalité 1000 patients observés pendant une année 990 survivants en fait 996 survivants attendus selon la table de mortalité standard Taux de survie: 990/996 = 99,2% Taux de surmortalité: 10/4 = 250% ! moins que des différences dans l’expérience de mortalité peuvent subsister entre compagnies, en raison des critères de sélection appliqués par chacune d’elles. Par définition, la surmortalité d’un risque donné est égale à la différence entre la mortalité effective d’un ensemble de personnes présentant une aggravation égale à celle du risque considéré (en raison de l’âge, d’une affection particulière, etc.) et la mortalité normale. Théoriquement, la solution la plus correcte consisterait à classer les risques aggravés selon l’affection présentée, et à construire une table de mortalité propre à chaque groupe. Cependant, il serait également nécessaire d’établir des tables spéciales pour les groupes dans lesquels interviennent simultanément plusieurs affections, et il faudrait même encore créer d’autres tables, si ces affections étaient interdépendantes. En pratique, ce procédé est toutefois irréalisable, en raison du nombre élevé de groupes qui devraient être constitués et de l’effectif relativement restreint des personnes que l’on y trouverait (par exemple les maladies rares). Il s’agit en fait d’établir une relation aussi simple que possible entre la mortalité aggravée et la mortalité normale. A cet effet, chaque catégorie d’aggravés est observée durant une certaine période et le nombre de décès survenus est comparé à celui des décès attendus selon la mortalité normale. On appelle alors coefficient de mortalité le rapport entre les décès effectifs et les décès attendus (voir figures 1 et 4). En fait, il serait peu réaliste de prétendre que le taux de surmortalité résultant d’une aggravation ou d’une combinaison d’aggravations donnée est, par exemple, exactement de 223%; il serait en effet vain de vouloir travailler avec une telle précision, alors que les informations sur lesquelles s’appuie le tarificateur sont souvent incomplètes et que le Manuel de tarification laisse place à 17 Figure 6: Mortalité et surmortalité (SM) Standard Aggravés 0,12 Surprime: 726% Mortalité (en ‰) 0,10 669% 351% 351% 0,08 0,06 0,04 0,02 0 Age 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 l’appréciation personnelle du tarificateur et du médecin. Ces raisons techniques, ainsi que la nécessité pratique de restreindre le nombre de groupes d’aggravés, ont conduit à limiter le nombre des classes, ce qui permet d’ailleurs d’absorber certains écarts d’appréciation dans la tarification. Le risque est classé dans un groupe d’assurés dont la surmortalité moyenne probable est connue. Il ne reste plus qu’à traduire celle-ci en une surprime calculée en ‰ (pour mille) du capital. C’est donc un problème actuariel. La prime de tarif applicable aux ris- ques normaux repose essentiellement sur le nombre annuel de décès attendus suivant la table de mortalité adoptée. La probabilité de décès d’un assuré d’âge x pendant l’année, ou le taux de mortalité à l’âge x, qui permet de déterminer le nombre de décès qui surviendront probablement, pendant un an, parmi un groupe de personnes de même âge, est habituellement représentée par le symbole qx. Pour définir la mortalité qx* d’un aggravé, la méthode la plus largement répandue consiste à la considérer comme un multiple, indépendant de l’âge, de la mortalité de base. Cette 18 relation s’exprime sous la forme suivante: qx* = (1 + surmortalité) · qx Si la surmortalité est par exemple de 50, 75 ou 100%, la mortalité aggravée correspondante est de 1,5 qx, 1,75 qx, 2 qx. La surprime, c’est-à-dire le montant additionnel à percevoir pour couvrir le surcroît de risque, est par définition la différence entre la prime aggravée (calculée à partir du qx*) et la prime normale (basée sur le qx). Elle ne dépend pas uniquement de l’aggravation du candidat, mais est fonction de son âge, du genre d’assurance et de la durée du contrat. Elle est l’expression commerciale de la surmortalité d’un groupe d’assurés. Le système, qui consiste à modifier la mortalité de base par multiplication, repose sur l’hypothèse que, pendant toute la durée de la police, le taux de surmortalité est indépendant de l’âge d’entrée et demeure constant par rapport à la mortalité normale. Si cette hypothèse n’est pas toujours vérifiée, il faut reconnaître qu’elle s’avère acceptable dans la grande majorité des cas et qu’elle permet des calculs d’une approximation suffisante. Comme la prime, la surprime est donc déterminée à la souscription du contrat et, en principe, ne varie plus jusqu’à la fin du paiement des primes. Le système de tarification numérique a toutefois ses limites, dans la mesure où les taux de surmortalité en pourcentage sont dépendants de l’âge. En effet, le taux de surmortalité est proportionnel au taux de mortalité de base, et c’est pourquoi plus l’âge du candidat est élevé, plus la surprime aura tendance à augmenter. Aussi, pour certaines affections, le taux de surmortalité n’est pas adapté à certains risques aggravés qui diminuent avec le temps. Pour de telles affections, des surprimes temporaires sont recommandées. Lorsque la surmortalité est concentrée dans les premières années, l’utilisation des surprimes temporaires se justifie pleinement. Elles évitent ainsi les demandes de révision qui peuvent survenir lorsque des surprimes permanentes sont appliquées à des risques de surmortalité qui diminuent fortement. Dans certaines circonstances, des surprimes permanentes sont recommandées essentiellement pour deux raisons: d’une part, pour tenir compte du taux de mortalité élevé indépendamment de l’âge d’entrée, et d’autre part, afin de pouvoir renoncer à des taux de surmortalité dont le pourcentage serait extrêment élevé pour des grou- 19 pes de jeunes candidats (exemple: transplantation rénale chez de très jeunes candidats). Par surprime permanente, il faut comprendre surprime, exprimée en pour mille, indépendamment de l’âge d’entrée et de la durée de l’assurance et applicable pendant toute la durée du contrat. Les chiffres et la réalité clinique Au stade de l’examen de son dossier médical, le proposant ne fait pas encore partie d’un groupe. Il n’est pas encore classé et l’interprétation des observations faites par le médecin examinateur n’a rien d’abstrait, ni de théorique. Le tarificateur détermine et apprécie la nature, l’importance et, le cas échéant, l’interdépendance des facteurs aggravants. Débrouiller les faits, vérifier les dates, faire préciser certains points, étudier et comparer les résultats des examens spéciaux, en exiger d’autres, faire confirmer une guérison, évaluer les séquelles, prévoir l’allure d’une évolution, supputer le danger de récidives ou de complications; bref, se faire une idée exacte et complète du risque en cernant les questions, voilà le travail d’analyse que doit faire le tarificateur. On voit, par là, toute l’importance d’un rapport médical bien fait. On note aussi que l’aide du médecin conseil est indis- pensable. Ce n’est qu’après ce temps de réflexion que les taux des diverses surmortalités spécifiques peuvent être mis en regard des raisons d’aggravation, avec les correctifs qu’imposent le jugement clinique et la technique de l’assurance vie. Lorsque deux ou plusieurs facteurs sont interdépendants, l’addition doit être corrigée (généralement en plus) pour tenir compte de cette interdépendance. Exemples: L’hypertension associée à l’albuminurie entraîne une surmortalité plus importante que la somme des taux de l’hypertension et de l’albuminurie isolées. De même, un foie malade chez un cafetier; une lourde hérédité mentale et une tentative de suicide; un emphysème pulmonaire et une hypertrophie du cœur, etc. Lorsqu’un risque présente une série de petites aggravations entraînant chacune un taux de surmortalité très bas (10 à 20%), on peut être tenté de l’accepter au tarif normal sous prétexte qu’aucun de ces facteurs n’est déterminant. Certes, le candidat doit bénéficier d’un préjugé favorable. Mais il faut bien examiner l’ensemble du risque; on peut être, en effet, en présence d’un terrain propice aux 20 maladies et chacune de ces petites aggravations peut être la porte ouverte à des complications susceptibles d’assombrir le pronostic vital à long terme. On voit par là que nous sommes loin d’une vulgaire addition de quelques taux de surmortalité puisés machinalement dans un barème. Ainsi, ce que la méthode numérique peut avoir de trop rigoureux est tempéré par le jugement clinique. Tout cela exige du tarificateur une solide formation technique, une parfaite connaissance du marché de l’assurance vie, une longue expérience, beaucoup de jugement et de souplesse. Exemple: Employé de banque de 40 ans. Assurance temporaire d’un durée de 25 ans. Capital: CHF 250 000.–. Père et mère bien portants (70 et 69 ans). Cinq frères et sœurs plus âgés en bonne santé. Poids: 95 kg. Taille: 1,65 m. Tension artérielle: 137/87. Puls: 76. Présente depuis 18 mois un diabète bien équilibré avec 40 unités d’insuline. Glycosurie rare, maximum: 4 grammes par litre. Glycémie: 7 mmol/l. Nous avons: Mortalité de base Constitution Profession Diabète Mortalité totale Surmortalité 100% 135% 110% 185% 320% 220% Conclusion La conclusion d’une assurance s’inscrit aujourd’hui dans ce qu’on appelle la gestion des risques, qui constitue, à son tour, une des possibilités de maîtriser les risques. Pour payer la prestation convenue en cas de sinistre, la compagnie d’assurances a besoin de fonds; à cet effet, elle encaisse des primes, à savoir des versements faits régulièrement par les personnes qu’elle assure. Pour que les primes encaissées et les prestations à verser s’équilibrent, il est impératif que le collectif d’assurés ait une structure de risques analogue à celle de la population qui a permis d’élaborer les taux de primes (par exemple, pour le risque décès, il ne doit pas y avoir de déviation importante entre le nombre de défunts effectifs et le nombre théorique qui ressort des tables de mortalité). Pour éviter l’antisélection, la compagnie d’assurances doit être au moins aussi bien informée que le proposant lui-même; en outre, il lui faut 21 % survie Figure 7: Points de vue divergents 100 190 180 170 160 150 140 130 120 110 110 Point du vue du clinicien Stade A Point de vue de l’assureur Penser à la mortalité de base! Stade B Années avoir une idée aussi précise que possible du risque à assurer pour qu’elle puisse calculer la prime correspondante. Les déclarations du candidat sur son état de santé, sur les maladies contractées, les traitements suivis ou les diagnostics établis (obligation légale de déclarer) constituent la base de l’analyse médicale du risque. Une source importante de malentendus entre médecin clinicien et le médecin d’assurance existe sur la différence entre le concept du taux de survie à 5 ans (ou 10 ans) et la notion de surmortalité utilisée par les médecins d’assurance. Le taux de survie est la mesure usuelle (courbe de survie) en médecine clinique pour exprimer par exemple le taux de succès thérapeutique après un suivi de 5 ans. Ainsi, la lecture de la courbe de survie de la figure 7 permet d’exprimer deux points de vue opposés mais en «image miroir»: un taux de survie à 5 ans de 80% (clinicien) ou un taux de mortalité de 20% après cinq ans (assureur). Les résultats sont rarement stratifiés par classe d’âge, notion essentielle pour le médecin d’assurance. En effet, pour calculer la surmortalité celui-ci aura besoin du nombre de décès pour une classe d’âge précise. Le tableau 1 permet de lire les taux de surmortalité (abscisse) en fonction de l’âge d’un client souffrant d’une affection associée avec un taux de survie donné (ordonnée). On constate que pour un même taux de survie, la surmortalité est dépendante de l’âge. Une seconde différence importante entre le méde- 22 Tableau 1: Survie à 5 ans et surmortalité en fonction de l’âge 5 ans probabilité de survie (en %) Age 95% 90% 20 538 1203 25 518 1162 30 542 1212 35 492 1109 40 359 1837 45 210 1532 50 092 1292 85% 1898 1836 1912 1754 1337 1870 1502 cin clinicien et le médecin d’assurance est l’intérêt que l’assureur a pour les études avec un long suivi, bien supérieur à 5 ans car les contrats sont souvent établis pour de très longues durées. La compréhension de ces deux éléments essentiels permet d’établir le débat sur une base solide et d’éviter de nombreuses joutes oratoires. L’assurance décès a traditionnellement été considérée comme une marchandise et non comme une prétention ou un droit de l’homme. Le partage des risques est le principe de base qui régit l’assurance décès. En d’autres termes, chaque assuré contribue financièrement en proportion de sa part de risque. Dans l’analyse du risque, une décision d’acceptation se fonde sur le principe de la réciprocité ou symétrie de l’information, à savoir, 80% 2627 2543 2646 2431 1861 1224 1721 75% 3393 3285 3418 3142 2411 1595 1952 70% 4201 4068 4232 3892 2992 1988 1195 l’assuré et l’assureur possèdent les mêmes informations. Actuellement, de nouveaux défis apparaissent en relation avec le droit à l’information et le droit de tarifer qui sont largement remis en cause en raison des changements d’opinion concernant le droit à l’assurance. En effet, le développement rapide de la technologie génétique, la diminution des prestations obligatoires versées par les assurances sociales et la question de l’atteinte à la vie privée influencent manifestement le débat. 23 24 Influence d’une surcharge pondérale sur la mortalité Dr méd. et Dr sc. math. Christian Jaggy, Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re Le rapport entre une surcharge pondérale et la mortalité fait l’objet de débats controversés à l’heure actuelle entre les diverses disciplines. Dans la littérature médicale, l’influence de l’augmentation du Body Mass Index (BMI) sur une morbidité et mortalité qui s’accroissent est étudiée moyennant inclusion de variables associées. Dans le domaine «Public Health», les coûts constamment à la hausse enregistrés au sein du système de santé sont imputés pour une large part à la surcharge pondérale. Ceci a manifestement une énorme influence sur diverses autres branches de l’économie. Il suffit d’évoquer, par exemple, les Consumer Health Products (produits de consommation de santé), les cures d’amaigrissement, les assurances vie, les pertes d’emploi, etc. Occasionnellement, la politique s’en mêle afin de créer par exemple une base de départ qui soit claire pour la jurisprudence sous l’angle de la responsabilité personnelle de l’individu et de son comportement face à la santé. Dans l’économie de l’assurance, le rapport quantitatif entre une surcharge pondérale et les conséquences y afférentes pour la santé sont d’une importance vitale. La personne cherchant un contrat doit d’abord pouvoir s’assurer contre une prime équitable et, d’autre part, l’entreprise d’assurance doit évidemment être en mesure de tirer un profit de son affaire. En conséquence, les bases de calcul au moment de la conclusion de l’assurance doivent permettre de prévoir aussi bien que possible des tendances (trends) futures, sur le long terme. Il s’agit de présenter ici des aspects fondamentaux entre l’excès de poids et la mortalité dans le domaine de l’assurance. Mesure appropriée de la masse corporelle D’abord se pose la question de savoir quelle mesure de la masse corporelle permet de décrire de façon appropriée une masse graisseuse excédentaire dans le corps. Dans le cas le plus favorable, il devrait être possible de comparer, au moyen de cette mesure, des individus de diverses statures, plutôt imposantes, indépendamment du sexe, de l’âge et de la race. La mesure (ou indice) la plus fréquemment utilisée est actuellement le Body Mass Index (poids [kg])/taille [m])2. Depuis longtemps, le BMI est utilisé aux fins de classifier la masse graisseuse (peut-être) normale, resp. anormale du corps d’individus d’origine caucasienne. Comme le BMI est employé de nos jours tout à fait mécaniquement, il faut bien se poser quelques questions 25 critiques en ce qui concerne la valeur de cette mesure. Est-ce que la normalisation du poids à l’aide du carré de la taille est la meilleure mesure pour décrire le rapport entre structure du corps et mortalité? Est-ce que cette mesure est adéquate pour tenir compte d’une éventuelle différence de sexe ainsi que de la redistribution des graisses en fonction du vieillissement? Qu’en est-il de la description pour des individus de diverses origines ethniques? Une chose est claire au sujet de toutes ces questions: il n’existe pas d’indice de masse corporelle satisfaisant à toutes les exigences. Le BMI s’est cependant révélé comme une mesure simple et excellente pour la répartition des risques de Caucasiens; d’innombrables études l’ont prouvé. Mais ceci est moins clair pour d’autres races. En particulier pour des femmes d’origine asiatique, la mesure poids/ taille est peut-être mieux à même de procéder à une stratification des risques en regard de la masse graisseuse (étude non publiée de la Swiss Re). Même l’OMS a récemment fait référence à une publication du Lancet selon laquelle, moyennant conservation du BMI en tant que mesure de la masse corporelle, d’autres valeurs limites s’imposent, suivant que l’on soit asiatique ou caucasien (1). Mis à part le BMI, il y a encore d’autres indices de la masse corporelle tels que, par ex., la taille au niveau du ventre ou le quotient taille-hanche. Ces mesures contiennent, quelque soit le BMI, des informations concernant la mortalité. Par exemple, dans une étude de Gill, il a été montré qu’un individu, en dépit d’un BMI normal, peut très bien avoir une taille excessive à la hauteur du ventre ou un quotient élevé taille-hanche, ce qui implique logiquement un risque de mortalité accru (2). Mais pour les considérations qui suivent, on ne discutera plus ici que du BMI. Cause d’une masse graisseuse excédentaire dans le corps Sans vouloir entrer dans le détail des causes d’un excès de masse graisseuse, il est évident que le corps, en cas de bilan calorifique satisfaisant (acquisition consommation) stocke, selon la prédisposition génétique, davantage de dépôts de graisse. S’agissant du bilan calorifique, les usages diététiques impliquant une grande consommation de corps gras ainsi que le manque de mouvement, bref notre style de vie, sont d’une importance exceptionnelle. Comme une masse graisseuse excédentaire dans le corps paraît familière (même 26 après correction sous l’angle des habitudes alimentaires et de l’activité physique), une modulation génétique d’un bilan calorifique positif paraît évidente. Dans l’intervalle, jusqu’à 200 gènes ont déjà été identifiés, qui sont impliqués dans ce processus. La recherche portant sur les fondements génétiques fait l’objet de travaux intenses mais on ne peut pas encore considérer que la solution ait été trouvée. Deux résultats récemment publiés – en rapport avec la leptine – doivent être décrits ici comme exemplaires. La leptine (hormone) est synthétisée dans les adipocytes; elle stimule dans le nucleus arcuatus de l’hypothalamus des cellules anorexigènes (coupant l’appétit) et supprime l’activité des cellules orexigènes (stimulant l’appétit). Dans une expérience sur des souris, Pinto a prouvé que la leptine influence fortement dans cette région la plasticité synaptique (3). Le manque de leptine aiguise nettement la sensation de faim. Dans une deuxième expérience, Bouret a prouvé, à nouveau sur des souris, que la leptine, hormis la plasticité synaptique chez les adultes, est aussi un facteur important de croissance neurotrophique dans la période néonatale (4). L’absence de leptine dans cette phase entraîne une perte irréversible du changement nécessaire de la connexion neuronale des cellules pour la régulation ultérieure. On attend avec impatience de savoir si ces résultats se traduiront de manière analogue chez les humains. Prévalence de surpoids et d’obésité Pour pouvoir analyser plus simplement l’influence d’un accroissement du BMI sur la mortalité, il faut d’abord étudier la prévalence d’un tel accroissement. Selon les directives de l’OMS, les groupes BMI suivants sont définis: Sous-poids Poids normal Surpoids Obésité BMI <18,5 kg/m2 BMI 18,5 – 24,9 kg/m2 BMI 25,0 – 29,9 kg/m2 BMI ≥30,0 kg/m2 L’obésité est encore subdivisée en degré I (BMI 30,0 – 34,9 kg/m2), degré II (BMI 35,0 – 39,9 kg/m2) et obésité morbide (BMI ≥ 40 kg/m2). Selon les estimations de l’OMS, il y a actuellement environ 1 milliard d’hommes souffrant de surcharge pondérale et 300 millions de personnes obèses. Aux USA en particulier, la prévalence de la surcharge pondérale se situe à 33,6% (sans obésité), et celle d’obé- 27 Hommes Surpoids 33,1% 35,5% 37,5% Année 1992 1997 2002 Obésité 6,1% 6,7% 7,9% Femmes Surpoids 17,1% 21,2% 21,8% Obésité 4,7% 7,0% 7,5% Source: Office fédéral de la statistique: Enquête suisse sur la santé 2002 sité à 30,9%. En Suisse, l’Enquête suisse sur la santé 2002 donne les chiffres suivants: 29,4% pour la surcharge pondérale et 7,7% pour l’obésité (5). Hormis la prévalence au demeurant déjà élevée, la tendance qui continuera à s’accentuer revêt une grande importance, spécialement pour les assurances vie. C’est ce que reflète le tableau (en haut) concernant la population suisse. L’augmentation du surpoids et de l’obésité chez les enfants représente un danger supplémentaire, car une surcharge pondérale dans l’enfance entraîne très vraisemblablement une augmentation du BMI à l’âge adulte. Surmortalité en cas de BMI excessif Mis à part le nombre croissant d’individus présentant un BMI excessif, le risque relatif de mortalité lié à un surpoids représente pratiquement, par rapport aux personnes de poids normal, la deuxième dimension pour l’appréciation quantitative globale. Dans de nombreuses études, l’association entre un poids excédentaire Hazard ratio Risque de mortalité selon âge: hommes USA Age 30 – 44 Age 45 – 54 BMI Age 55 – 64 Age 65 – 74 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 <19 19 – 22 22 – 25 25 – 27 Source: Stevens J, NEJM 1998, groupe de référence BMI 19,0 – 21,9 kg/m2 27 – 29 29 – 32 >32 28 Age Base-mortalité Risque relatif 40 60 13,2‰ 15,6‰ 2,0 1,5 quadragénaires, mais de 7,8‰ pour les sexagénaires. Ce qui est exemplaire ici, c’est l’association BMI-mortalité, moyennant inclusion de l’âge. De manière générale, toute variable qui est associée à un surpoids et à la mortalité devrait être contrôlée. Ceci est illustré dans le graphique suivant: Evénement Décès Facteur de risque BMI et une mortalité supérieure est prouvée. Par exemple, Stevens a analysé dans une étude américaine à large spectre l’influence de l’âge sur le rapport entre BMI et mortalité (6). Il a été prouvé dans cette étude que le risque relatif de mortalité lié à l’obésité versus un BMI normal recule avec l’âge. Ceci n’est pas spécialement étonnant, puisque cette observation est également faite pour nombre d’autres atteintes à la santé. Mais on ne saurait oublier que la croissance absolue de la mortalité peut cependant augmenter avec l’âge. Il s’agit d’expliquer ce phénomène à l’appui d’un exemple. Selon l’étude de Stevens, le risque relatif est à peu près de 2 pour une personne de 40 ans avec un BMI 30, par rapport au groupe de référence; pour une personne de 60 ans, il approche de 1,5. La mortalité absolue pour les quadragénaires se situe à peu près à 3,2‰ et, pour les sexagénaires, près de 15,6‰ selon la mortalité de la population aux USA. La croissance de la mortalité en chiffres absolus imputée à un surpoids est par conséquent de 3,2‰ chez les Croissance de la mortalité en chiffres absolus 3,2‰ 7,8‰ Covariance Age D’autres variables, qui doivent être prises en considération sous ce rapport sont par exemple le statut de fumeur, l’anamnèse familiale et la période du calendrier (sur la base de l’amélioration générale de la mortalité). Par ailleurs, des variables devraient également faire l’objet d’études sur le «causal pathway» entre le BMI et le décès, telles que l’hypertonie, le diabète et l’hyperlipidémie. Mais pour le moment, il n’y a pas encore à notre connaissance dans la littérature médicale des études ana- 29 lysant globalement toutes les variables mentionnées. Il serait très important, par ex. dans le domaine Public Health, de pouvoir évaluer dans quelle mesure l’effet délétère du surpoids est transmis par l’hypertension, le diabète et l’hyperlipidémie. Peut-être obtient-on plus par une bonne médication adressée à ces trois valeurs que par une intervention sur la réduction du poids. Sans parler de la mortalité plus élevée due aux incidents cardiovasculaires qui sont liés avec un BMI excessif, il a été démontré dans deux études publiées récemment seulement par Pan (7) et Calle (8) que même la mortalité due au cancer s’accroît en cas d’obésité, par rapport à un poids normal. Les risques relatifs évoluent entre 1,09 et 1,62, en fonction du sexe et du degré d’obésité. Calle a notamment évalué qu’aux USA, environ 14% et 20% de la mortalité causée par le cancer chez les hommes, resp. les femmes, sont imputables à la surcharge pondérale. Conclusion En dépit de la prévalence croissante de l’excès de poids et de la surmortalité qui y est attachée, la mortalité s’est améliorée au cours des dernières années. Mais cette amélioration a été freinée par l’étendue endémique de la hausse du BMI. Le graphique suivant permet d’illustrer ceci pour la population masculine des USA. D’abord figure le taux de mortalité effectivement observé, standardisé en fonction de l’âge (normalisé selon la répartition des âges de la population masculine Mortalité (par 1000) Mortalité des hommes USA 1979 – 2001 (standardisée selon l’âge) Mortalité observée Modèle 14 12 10 18 16 14 10 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 Taux de mortalité observés, modélisés et normalisés en fonction de l’âge pour la population masculine US (normalisés selon la répartition des âges de la population masculine US en l’an 2000). Source: Centers for Disease Control and Prevention US; Modell: Swiss Re 1997 1999 2001 30 US en l’an 2000). D’autre part, les taux de mortalité standardisés calculés sous forme de modèles, également normalisés en fonction de l’âge, sont présentés. Pour le modèle, la prévalence du surpoids et de l’obésité demeure constante, et elle commence en 1979. Ce graphique montre nettement quelle influence joue un surpoids sur la mortalité. Comme la prévalence de la surcharge pondérale et de l’obésité continue à augmenter, en particulier chez les enfants, on n’est pas en mesure de prévoir quelle sera l’étendue future de cette endémie. A titre de corollaire pour l’économie de l’assurance, il en découle obligatoirement que les risques liés à un BMI excessif doivent faire l’objet d’une tarification adéquate et d’une constante réappréciation. Pour quiconque s’intéresse à une plus ample discussion sur l’association du BMI et de la mortalité ainsi que sur leur incidence dans la branche des assurances, renvoi est fait à la publication Swiss Re signée Eng (9). 31 Bibliographie 1 OMS expert consultation: Appropriate body-mass index for Asian populations and its implications for policy and intervention strategies. Lancet 2004; 363: 157 – 63. 2 Gill T: Body mass index, waist hip ratio, and waist circumference: which measure to classify obesity? Soz.-Präventivmedizin 2003; 48: 191 – 200. 3 Pinto S: Rapid Rewiring of Arcuate Nucleus Feeding Circuits by Leptin. Science 2004; 304: 110 – 15. 4 Bouret S: Trophic Action of Leptin on Hypothalamic Neurons That Regulate Feeding. Science 2004; 304: 108 – 9. 5 Office fédéral de la statistique: Enquête suisse sur la santé 2002, thème 4: Etat de la santé. 6 Stevens J: The Effect of Age on the Association between Body-Mass Index and Mortality. New England Journal of Medicine 1998; 338: 1 – 7. 7 Pan S: Association of Obesity and Cancer Risk in Canada. American Journal of Epidemiology 2004; 159: 259 – 68. 8 Calle E: Overweight, Obesity and Mortality from Cancer in a Prospectively Studied Cohort of U.S. Adults. New England Journal of Medicine 2003; 348: 1625 – 1638. 9 Eng E: Too big to ignore: the impact of obesity on mortality trends. Swiss Re Publikation 2004, [email protected]. 32 L’importance du souffle cardiaque systolique du point de vue de l’assureur privé Dr méd. Vladimir Kaplan, Universitätsspital Zurich Un diagnostic précis d’éventuels souffles au cœur est d’une importance vitale lors de l’appréciation d’une proposition d’assurance. Alors que dans quelques cas, une acceptation de la proposition est possible, elle doit être refusée ou différée dans d’autres. L’auscultation du cœur joue un rôle important dans le diagnostic de maladies de cet organe. Mais son importance a nettement diminué durant les 10 à 20 dernières années en raison du recours fréquent à l’échocardiographie Doppler. Parallèlement à cette évolution, l’art médical de l’auscultation cardiaque s’est étiolé et la confiance dans les constats effectués physiquement a disparu. Le souffle cardiaque systolique est le bilan anormal le plus fréquemment établi lors de l’auscultation du cœur (Bruns and Van Der Hauwaert 1958). Sa prévalence est évaluée jusqu’à 50% chez les enfants et à 40% chez les adultes (Etchells, Bell et al. 1997). Chez les personnes relativement jeunes, plus de 80% des souffles cardiaques systoliques sont sans suite clinique et sans importance sur le plan du pronostic (innocent murmurs), (Etchells, Bell et al. 1997); il faut souvent les mettre en rapport avec un flux physiologique accru du sang dans les valvules semilunaires (Shaver 1995). Chez des patients plus âgés par contre, plus de la moitié des souffles au cœur systoliques sont associés à un risque cardiovasculaire accentué ou traduisent même l’existence d’une grave maladie du cœur (Etchells, Bell et al. 1997). Si un souffle cardiaque systolique est décelé lors de l’examen médical accompagnant la proposition d’assurance, l’underwriter (celui qui signe la police) et le médecin-conseil font face à un dilemme. En effet, pour gagner des clients, ils aimeraient offrir les prestations d’assurance aux conditions standard au plus grand nombre possible de proposants, car le souffle cardiaque systolique n’est pas lié, chez la plupart des preneurs d’assurance, à un risque accru. Mais d’un autre côté, ils doivent constater le plus précisément et le plus efficacement possible l’état de santé de preneurs d’assurance présentant un risque plus marqué, donc aussi des clients atteints d’un souffle cardiaque systolique; le cas échéant, ils devront adapter en conséquence la prime d’assurance au risque. Ce recensement optimal et efficace du risque n’est possible que sur la base d’indications complémentaires détail- 33 lées dans le rapport d’examen médical établi pour la proposition d’assurance. Si ce rapport ne contient pas les données en question, l’underwriter et le médecin-conseil ont le choix entre diverses options: soit offrir une acceptation aux conditions standard, même en cas d’évaluation insuffisante du risque et, par conséquent, exposer à des pertes l’ensemble des assurés présentant des risques «normaux» (autrement dit primes plus chères), soit procéder à une inclusion arbitraire dans un groupe de risques plus élevés, soit ajourner la proposition d’assurance et exiger des examens complémentaires (échocardiographie Doppler), ou encore rejeter totalement la proposition. La perception du risque Les aspects suivants d’un souffle au cœur sont importants pour une perception correcte du risque et doivent figurer dans le rapport d’examen médical dressé pour la proposition d’assurance. L’attribution d’un souffle au cœur au cycle cardiaque en question (systolique, diastolique, systolique-diastolique) est de la plus grande importance. Les souffles au cœur qui ne se limitent pas à la systole impliquent presque toujours un caractère patho- logique et nécessitent des éclaircissements complémentaires. Les souffles cardiaques systoliques commencent au premier ou après le premier bruit cardiaque (ou bruit du souffle) et prennent fin avant le 2e bruit cardiaque ou avec celui-ci. L’attribution certaine à la systole se fait le mieux par la palpation simultanée du pouls carotidien ou radial. Cette attribution peut notamment s’avérer difficile chez des patients souffrant de tachycardie et nécessite beaucoup de minutie. La classification complémentaire des souffles cardiaques systoliques dans l’optique d’une perception correcte du risque dépend d’un rapport précis – du point de vue temps – entre le souffle au cœur et les bruits cardiaques (du souffle). Souffle à l’expulsion systolique Les souffles à l’expulsion systolique sont conditionnés par des turbulences dans le flux à travers les valvules semilunaires. Ils commencent après le premier bruit cardiaque et prennent fin avant le 2ème (souffles mi-systoliques). L’intensité du souffle à l’expulsion augmente pendant la phase initiale d’expulsion et retombe pendant la prochaine phase d’expulsion, ce qui révèle la caractéristique typique 34 crescendo-decrescendo du souffle. Les raisons essentielles d’un souffle à l’expulsion systolique sont: 1. le souffle au cœur fonctionnel (innocent murmur) 2. la sclérose de l’aorte 3. la sténose valvulaire de l’aorte Souffle au reflux systolique Les souffles au reflux systolique apparaissent lorsque le sang revient d’un système à haute tension (ventricule gauche ou droit) dans un système à basse tension. Il commence après le premier bruit cardiaque et prend fin avec le 2ème (souffles holosystoliques ou pansystoliques). Les raisons essentielles d’un souffle à l’expulsion systolique sont: 1. l’insuffisance mitrale 2. l’insuffisance tricuspidaline 3. le défaut du septum interventriculaire En cas de souffles systoliques précoces, il s’agit la plupart du temps de souffles au reflux. Ils commencent avec le premier bruit cardiaque, ne diminuent pas jusqu’au 2e et présentent une configuration decrescendo. La cause en est le plus souvent une grave insuffisance mitrale ou tricupidaline ou un gros défaut du septum interventriculaire avec compensation précoce de la pression. Même le souffle systolique tardif est généralement un souffle à l’expulsion. Il commence de façon nettement réduite depuis le 1er bruit cardiaque, finit avec le 2e et révèle en général une configuration crescendo. Les causes les plus fréquentes en sont le prolapsus de la valvule mitrale, la dysfonction du muscle papillaire, qui apparaît en règle générale dans le cadre d’un syndrome coronarien aigu, et rarement le prolapsus de la valve tricuspidale. La distinction entre les souffles à l’expulsion ou au reflux systolique n’est pas toujours aisée. Le souffle à l’expulsion d’une sténose de l’aorte peut, dans la zone du sommet du cœur, avoir des caractéristiques similaires à celles d’un souffle au reflux d’une insuffisance mitrale. Cette distinction est cependant importante car tous les souffles au reflux systolique, pour autant que leur étiologie ne soit pas connue, nécessitent des élucidations complémentaires. Les caractéristiques suivantes se sont avérées lors de la différenciation entre le souffle systolique à l’expulsion et au reflux: 1. un 2e bruit cardiaque nettement audible dans la zone du sommet du cœur fera parler d’un souffle à l’expulsion, 35 2. l’intensité d’un souffle à l’expulsion, mais non pas celle d’un souffle au reflux, augmente avec la durée du cycle cardiaque (autrement dit, le battement de cœur postectopique ou un intervalle TA prolongé pour d’autres raisons entraînent une augmentation de l’intensité d’un souffle à l’expulsion), 3. une hausse de «l’afterload» (hand grip) renforce l’intensité du souffle au reflux et peut affaiblir celle du souffle à l’expulsion. Pour la proposition d’assurance, c’est surtout la distinction entre les trois souffles à l’expulsion les plus fréquents qui est importante. Tous les autres souffles nécessitent, déjà pour des raisons médicales, d’autres éclaircissements, le plus souvent au moyen d’une échocardiographie Doppler. Le souffle au cœur fonctionnel (innocent murmur) Un souffle cardiaque systolique sans danger est typiquement un souffle à l’expulsion mi-systolique. Ce n’est pas la qualité ni l’intensité du souffle à l’expulsion mais l’absence de tout symptôme cardiovasculaire et d’autres constats pathologiques annexes (bruit cardiaque supplémentaire, absence de bruit cardiaque, souffle diastolique, signe d’une hypertrophie du ventricule gauche) qui font parler d’un souffle cardiaque systolique inoffensif. Chez des patients présentant un flux sanguin accru aux valvules semilunaires (fièvre, anémie, grossesse, thyreotoxicose), le souffle fonctionnel à l’expulsion est spécialement fréquent. La sclérose de l’aorte En cas de sclérose de l’aorte, il y a un épaississement (sclérose) et un raidissement des valvules semilunaires de l’aorte sans conséquences hémodynamiques. Il n’y a donc pas d’obstruction (sténose) dans le système d’expulsion du ventriculaire gauche. La prévalence chez des personnes relativement âgées est évaluée entre 25% et 50% (Stewart, Siscovick et al. 1997, Otto, Lind et al. 1999). La sclérose de l’aorte est le plus souvent découverte de façon aléatoire dans le cadre d’un examen physique comme un léger souffle à l’expulsion systolique avec punctum maximum sur la zone de la 2ème intercostale droite. Le 2ème bruit cardiaque normal et une absence de rayonnement dans l’artère carotide droite rendent probable une sclérose de l’aorte alors qu’une sténose de l’aorte s’avère plutôt invraisemblable 36 dans ces conditions (Etchells, Glenns et al. 1998). L’examen physique n’est cependant ni sensitif, ni spécifique pour le diagnostic d’une sclérose de l’aorte. Même s’il n’existe que de minimes plaintes cardio-respiratoires, il faut également des éclaircissements complémentaires au moyen d’une échocardiographie, afin d’exclure avec sécurité une sténose de l’aorte. La délimitation avec un souffle fonctionnel à l’expulsion n’est pas possible non plus sur la base d’un examen physique. Aujourd’hui la sclérose de l’aorte est de plus en plus diagnostiquée dans le cadre d’une échocardiographie exécutée sur la base d’une autre indication. Le diagnostic de la sclérose de l’aorte revêt une importance pour le pronostic parce que, d’une part, elle progresse toujours plus fréquemment pour devenir une sténose de l’aorte (Cosmi, Kort et al. 2002) et elle entraîne par ailleurs le risque accru d’un incident cardiovasculaire (Otto, Lind et al. 1999). Ainsi, il a été possible de montrer dans la «Cardiovascular Health Study» que pour des sujets de plus de 65 ans, la preuve par échocardiographie d’une sclérose de l’aorte était associée dans 50% des cas à une surmortalité cardiovasculaire, et ce indépendamment des autres facteurs de risques cardiovasculaires (Otto, Lind et al. 1999). La sténose valvulaire de l’aorte La sténose valvulaire de l’aorte est une cause fréquente, surtout auprès des personnes âgées, du souffle à l’expulsion systolique. Ainsi dans «Helsinki Aging Study», une sténose de l’aorte a été constatée chez 5% des participants qui étaient âgés de plus de 75 ans (Lindroos, Kupari et al. 1993). Le cours naturel d’une sténose de l’aorte consiste en une longue période asymptomatique, pendant laquelle des incidents intermédiaires cardiaques (sudden cardiac death) sont rarement observés (Kelly, Rothbart et al. 1988) (Pellika, Nishimura et al. 1990). Dès que des symptômes tels que la dyspnée liée à l’effort, l’angina pectoris, et les syncopes d’effort apparaissent, la mortalité due à la sténose de l’aorte croît de manière spectaculaire et atteint 50% dans les 3 ans suivant le début des symptômes (Horstkotte and Loogen 1988). La preuve d’une grave sténose de l’aorte est donc importante. Malgré tout, ce diagnostic n’est posé qu’après le décès, dans une proportion allant jusqu’à 50% des cas (Andersen, Hansen et al. 1975). Les raisons en résident d’abord dans les capacités cliniques différentes des 37 médecins et, par ailleurs, dans la limitation de l’examen physique luimême. La majorité des patients présentant une sténose de l’aorte moyenne à grave ont un souffle systolique à l’expulsion (Roldan, Shively et al. 1996). Occasionnellement, un frémissement est audible. L’intensité du souffle est sans corrélation avec la gravité de la sténose de l’aorte, en particulier chez les patients dont la fonction du ventricule gauche est limitée (Aronow et Kronzon 1991). Hormis le souffle à l’ex- pulsion, la localisation du punctum maximum dans la zone de la 2ème intercostale droite, la lente augmentation de l’onde du pouls carotidien (pulsus tardus), la faible amplitude du pouls carotidien (pulsus parvus) et le 2ème bruit cardiaque affaibli ou manquant, sont des constats pathologiques complémentaires typiques en cas de sténose de l’aorte. Si trois ou quatre de ces constats existent, la probabilité de l’existence d’une sténose de l’aorte est très grande (Etchells, Glenns et al. 1998). Par contre, en cas d’absence de Illustration: Strategie bei Abklärung der Herzgeräusche (adapté de Bonow et al. ACC/AHA Task Force Report. JACC; 5: 1486 – 1582.) Souffle cardiaque systolique Degré 1 ou 2 et souffle à l’expulsion asymptomatique et pas de constats pathologiques annexes symptomatique ou constats pathologiques annexes pas d’autres éclaircissements Echocardiographie diastolique ou systolique-diastolique Degré 3 et plus ou pas de souffle à l’expulsion Echocardiographie Echocardiographie 38 rayonnement du souffle systolique dans l’artère carotide droite, une sténose de l’aorte est très invraisemblable (Etchells, Glenns et al. 1998). Conclusion Sans indications précises, la perception correcte du risque n’est pas possible en présence d’un souffle au cœur. C’est un avantage pour le proposant que le constat médical contienne des indications aussi exactes et complètes que possible, qui permettent une évaluation correcte et efficace du risque à assurer. Si un souffle au coeur est constaté, il y a lieu de répondre aux questions suivantes: 1. le proposant est-il complètement asymptomatique? 2. S’agit-il d’un souffle cardiaque systolique? 3. Le souffle au cœur a-t-il un caractère d’expulsion? 4. Est-ce que le volume est inférieur à 3/6? 5. Est-ce que le 2ème bruit cardiaque est inaudible? 6. Est-ce que le bruit est localisé au-dessus du cœur et un rayonnement dans l’artère carotide droite fait-il défaut? 7. D’autres constats tels que l’ECG, les radios du thorax et l’ergométrie sont-ils normaux? A condition que toutes ces questions reçoivent une réponse positive, l’underwriter et le médecin-conseil peuvent admettre qu’il s’agit d’un souffle au cœur fonctionnel chez une personne relativement jeune, ou d’une sclérose de l’aorte chez un proposant plus âgé, et ils accepteront la proposition d’assurance aux conditions adéquates. Dans tous les autres cas, ils doivent ajourner la proposition et requérir une échocardiographie, ou éventuellement refuser totalement la proposition. Références Andersen, J. A., B. F. Hansen, et al. (1975). «Isolated valvular aortic stenosis. Clinico-pathological findings in an autopsy material of elderly patients.» Acta Med Scand 197(1 – 2): 61 – 4. Aronow, W. S. and I. Kronzon (1991). «Prevalence and severity of valvular aortic stenosis determined by Doppler echocardiography and its association with echocardiographic and electrocardiographic left ventricular hypertrophy and physical signs of aortic stenosis in elderly patients.» Am J Cardiol 67(8): 776 – 7. 39 Bruns, D. L. and L. G. Van Der Lindroos, M., M. Kupari, et al. Hauwaert (1958). «The aortic systolic murmur developing with increasing age.» Br Heart J 20(3): 370 – 8. Cosmi, J. E., S. Kort, et al. (2002). «The risk of the development of aortic stenosis in patients with ‹benign› aortic valve thickening.» Arch Intern Med 162(20): 2345 – 7. Etchells, E., C. Bell, et al. (1997). «Does this patient have an abnormal systolic murmur?» Jama 277(7): 564 – 71. Etchells, E., V. Glenns, et al. 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Le dénommé type 1 du diabète sucré (environ 5% – 10% des patients souffrant du diabète sucré) est toujours insulinodépendant et apparaît souvent chez de jeunes sujets déjà. L’origine du diabète de type 1 est imputable à un trouble auto-immun des cellules b produisant l’insuline. Plus de 80% des patients atteints du diabète sucré souffrent du dénommé diabète de type 2, qui commence le plus souvent après l’âge de 20 ans. Sur le plan pathophysiologique, il est observé une résistance à l’insuline ainsi qu’un trouble de la sécrétion de l’insuline. Une nouvelle classification du diabète sucré a été proposée en 1997 par l’American Diabetes Association. Il y est fait une distinction entre quatre groupes: diabète sucré type 1, type 2, forme spécifique (notamment MODY = maturity-onset diabetes of the young) et diabète de gestation. Les notions telles que le diabète sucré insulinodépendant DID, le diabète non insulinodépendant ne doivent plus être utilisées. Pour la pose du diagnostic, il s’agit d’utiliser le taux de glucose à jeun dans le plasma et, en deuxième lieu, le test oral de la tolérance au glucose. Les critères de diagnostic ont été affinés une nouvelle fois en 2003 (voir figure 1). Figure 1: Critères de diagnostic de l’American Diabetes Association (1997/2003) A Taux de glucose à jeun dans le plasma Normal <100 mg/dl = <5,6 mmol/l Troubles du taux de glucose à jeun 100 – 125 mg/dl = 5,6 – 6,9 mmol/l Diabète sucré ≥126 mg/dl = ≥7,0 mmol/l B Taux de glucose postprandial dans le plasma (‚random’) Diabète sucré >200 mg/dl = ≥11,1 mmol/l + Symptômes de l’hyperglycémie (soif, polyurie, perte de poids, troubles de la vue) C Test oral de tolérance au glucose 2 heures post (OGT) Moindre tolérance au glucose 140 – 200 mg/dl = 7,8 – 11,1 mmol/l Diabète sucré >200 mg/dl = ≥11,1 mmol/l 41 L’introduction de ces critères plus stricts, différents des anciens critères de l’OMS et qui sont fondés sur le taux glycémique à jeun au lieu du taux de glucose après test oral de tolérance au glucose entraîne une prévalence du diabète sucré augmentée jusqu’à deux fois chez des personnes d’âge moyen. Dans une analyse réalisée sur plus de 4000 membres, dans le cadre de l’US American Cardiovascular Health Study, cette prévalence a cependant diminué de 14,8% à 7,7% chez des sujets de <65 ans. Par ailleurs, les valeurs du test oral de résistance au glucose sont mieux documentées en tant qu’indications prédictives du risque cardiovasculaire et de la mortalité du diabète sucré que les nouveaux taux de glucose à jeun. L’hémoglobine A1c ne sera partie intégrante de l’arsenal des armes diagnostiques qu’après une standardisation à l’échelle mondiale. A cette échelle précisément, telle en est l’évaluation, 150 millions de personnes souffrent du diabète et, parallèlement à la hausse du nombre des patients présentant surcharge pondérale et obésité, l’incidence et la prévalence du diabète doublera encore dans le 20 prochaines années. Dans les pays industrialisés, le diabète re- présente globalement la quatrième cause de décès la plus fréquente. Le diabète sucré est une maladie chronique du métabolisme engendrant des séquelles tardives sur plusieurs systèmes organiques de haute morbidité. Il constitue une facteur de risque important pour le développement des maladies cardiovasculaires, pour l’infarctus, l’attaque cérébrale et les maladies artérielles oblitérantes périphériques, avec une morbidité et mortalité considérables. Hormis cela, la néphropathie diabétique, la neuropathie et la rétinopathie sont d’une grande importance pour la morbidité des diabétiques. Une thérapie intensive avec régime et activité physique,un autocontrôle du taux de glycémie, des médicaments tels que des sulfonylurées, biguanides ou insuline permettent de retarder le développement de la plupart des complications tardives. Mais ces améliorations exercent-elles une influence sur la mortalité? Pour les assureurs revient sans cesse la question de savoir si et dans quelle mesure des patients souffrant du diabète sucré représentent un risque accru de décès ou d’invalidité. Dans le contexte de moyens thérapeutiques améliorés, il est aussi bien dans l’intérêt des diabétiques que de celui des assureurs d’exiger des primes appro- 42 priées, autrement dit ni trop élevées, ni trop basses. Dans la suite de cet article, nous n’examinerons que la mortalité, et non pas l’invalidité ni la morbidité, en tant que séquelle du diabète sucré. En dépit d’une thérapie qui ne cesse de s’améliorer, les diabétiques représentent, dans le collectif des assurés Vie en Europe centrale, un taux de mortalité deux fois plus élevé que les nondiabétiques (figure 2). Ces données sont fondées sur la statistique médicale de Life&Health de la Swiss Re. De 1956 à 1996, 133 cas de décès se sont produits chez des diabétiques, en comparaison de 58 décès imputables à la mortalité normale. Cette surmortalité demeure inchangée, même après correction des facteurs de risque que sont ladite fumée et l’hypertension. Chose intéressante, dite surmortalité concerne non seulement les causes de décès cardiovasculaires, mais aussi tous les autres groupes de causes de décès. Les données de l’étude de tarification vie 2000 sont basées sur les données des statistiques médicales de Life&Health, Swiss Re, avec env. 200 000 polices évaluées, 1 400 000 années d’observation et, en moyenne, 7 ans d’observation par police. A titre de point de référence, est utilisée la table de mortalité interne de Swiss Re SR 78/82. Les cas de décès attendus = nombre de cas de décès attendus selon mortalité normale (taux de mortalité = Figure 2: Mortalité d’hommes réassurés en Europe, avec diabète sucré (Swiss Re, Etude de tarification vie 2000) Cas de décès 1956 – 1976 1976 – 1996 Total Causes de décès Tumeurs Circulation Accident/meurtre Suicide Autres maladies Cas de décès réels 178 155 133 Cas de décès attendus 39 19 58 Taux de mortalité 200% 290% 230% 126 151 118 119 129 16 19 13 15 15 160% 270% 150% 170% 580% 43 100%, voir figure 2). Des études récentes en provenance de Suède, signées Weiderpass et al., réalisées sur une cohorte de plus de 140 000 patients atteints du diabète sucré, qui ont été hospitalisés au moins une fois entre 1965 et 1983 et suivis jusqu’en 1989, ont même montré une surmortalité supérieure au double pour les diabétiques, en comparaison de la mortalité normale. Les Standardized Mortality Ratios (SMR) étaient de 2,62 (95% intervalle de confiance 2,58 – 2,67) pour les hommes et de 3,23 (95% intervalle de confiance 3,18 – 3,28) pour les femmes. Pour les patients insulinodépendants, un SMR de 10,2 (95% intervalle de confiance 9,5 – 11,0) a même été révélé. Ces derniers temps, référence a été faite à l’importance d’une thérapie intensive du diabète sucré avec une valeur glycémique préprandiale visée de 5 à 7 mmol/l ou un HbA1c – valeur cible de moins de 7%. Shaughnessy und Slawson décrivent dans une étude récemment publiée dans le British Medical Journal les résultats de la «United Kingdom Prospective Diabetes Study» (UKPDS, publiée depuis 1998) et leur relation dans la littérature médicale (1999 – 2002). De nombreux résultats portant sur la mortalité et figurant dans cette étude ne sont pas mentionnés ni décrits dans les «reviews» sur le diabète sucré de type 2. Or, ce sont précisément les données concernant la mortalité qui s’avèrent importantes pour les patients et s’appliquent en tant que dénommées POEMS: patient oriented evidence that matters. Les données sur la mortalité intéressent aussi au premier chef les assureurs vie. Cette étude UKPDS avait été lancée en 1977 et est jusqu’à présent la seule qui tente de déterminer si une thérapie intensive du diabète, avec pour but un taux de glycémie à jeun inférieur à 6 mmol/l, apporterait un avantage au plan de la survie. Plus de 5000 patients ont été inclus et observés en moyenne pendant plus de 10,7 ans. Les résultats furent intéressants et décevants à la fois. En effet, la thérapie intensifiée, avec un taux de glycémie à jeun inférieur à 6 mmol/l, n’a eu aucune influence sur la mortalité globale! Pour 1000 années patients, il y a eu dans le groupe de contrôle 18,9 cas de décès, alors que dans le groupe de personnes bénéficiant d’un traitement intensif pour diabétiques de type 2, il y en a eu 17,9, soit une différence insignifiante (p = 0,44). Ce résultat n’a été mentionné que dans 6 «reviews» seulement sur 44 35, qui pourtant sont bien notées (1999 – 2002) et traitent des résultats de l’UKPDS et de la thérapie du diabète sucré! Chez les patients en surcharge pondérale, l’administration de Metformine, seul médicament bien connu, a amélioré significativement sur le plan statistique la mortalité globale (p = 0,021), avec 141 cas de besoin de traitement (Number needed to treat [NNT]). La Metformine a par ailleurs fortement diminué les incidents dus au diabète chez les patients souffrant d’un surpoids et d’un diabète sucré de type 2 (p = 0,0034; NNT = 74). Un traitement intensif de l’hypertension a réduit aussi bien le nombre total d’incidents que celui de la mortalité imputable au diabète. Le contrôle de l’hypertension a eu, au total, une suite plus marquée sur les incidents que le contrôle du diabète (24% de réduction du risque en comparaison de 12%). Le traitement à l’insuline ou aux sulfonylurées a produit une diminution notable des complications microvasculaires, comme des traitements au laser pour une rétinopathie diabétique ou une microalbuminurie. Le traitement intensif du diabète n’a eu aucun effet sur la perte de la vision. Dans l’UKPDS, les patients non traités avec la Metformine ont pris, sur une durée de 10 ans, 3,1 kg supplémentaires en moyenne, par rapport au poids des autres patients. Des changements de la valeur HbA1c sont restés sans corrélation avec le résultat. S’agissant de la réduction de la mortalité, les résultats de l’UKPDS sont décevants. Seule la Metformine chez des diabétiques en surcharge pondérale et un contrôle de la tension ont eu une incidence positive sur la mortalité chez les patients atteints du diabète de type 2. Il faut constater à vrai dire que la différence de la valeur HbA1c entre le groupe de personnes traitées intensivement et celui soumis à une thérapie conventionnelle n’était que de 0,9%. En résumé, les données concernant la mortalité, qu’elles émanent de l’assurance Vie ou d’études épidémiologiques, sont unanimes sur le fait que les patients touchés par le diabète sucré présentent un taux accru de mortalité. Pour l’appréciation du risque, ce n’est pas seulement le diabète lui-même, mais surtout le traitement et le contrôle d’autres facteurs de risques cardiovasculaires et les comorbidités (hypertension, surpoids, lipidité, fumée) qui sont d’une grande importance. Du point de vue de l’assureur vie et des assurés, il apparaît judicieux 45 d’assurer des patients souffrant du diabète sucré, mais à des conditions prenant en compte le risque accru de mortalité pour le diabète sucré en tant que tel, et surtout aussi pour les comorbidités présentes (hypertension, surpoids, lipidité, fumée). Comme aujourd’hui, les patients atteints du diabète sucré de type 2 sont traités plus fréquemment et plus tôt à l’insuline qu’ils ne l’étaient 20 ans auparavant seulement, la thérapie à l’insuline ne constitue pas à elle seule une contre-indication pour une assurance vie. Trois assertions essentielles de l’United Kingdom Prospective Diabetes Study Le contrôle de glycémie intensifié atteint dans l’UKPDS ne réduit pas la surmortalité existante chez les diabètes sucrés de type 2. Pour des patients en surcharge pondérale avec diabète sucré de type 2, la Metformine est le seul médicament à diminuer la mortalité. Une tension artérielle bien contrôlée chez des patients avec diabète sucré de type 2 et hypertension réduit les complications du diabète dans la même mesure, voire davantage encore, que le contrôle du sucre sanguin. Synthèse Le diabète sucré est la maladie du métabolisme la plus fréquente et la plus importante, avec une incidence et une prévalence croissantes à l’échelle mondiale. On estime que dans le 20 prochaines années, la prévalence – aujourd’hui de 150 millions de personnes – doublera. Depuis 1997, sur les recommandations de l’American Diabetes Association, il est conseillé de plus en plus de recourir, aux fins de diagnostic, aux valeurs de glycémie à jeun dans le plasma et, en deuxième lieu, aux valeurs du test oral de tolérance au glucose. Le type 1 (perte des cellules produisant l’insuline) représente 5 à 10%, alors que le type 2 (troubles de la sécrétion de l’insuline et résistance à l’insuline) constitue 80 à 90 % de tous les cas de diabète sucré. Diverses études épidémiologiques ainsi que des données des assureurs vie montrent une mortalité accrue – au moins à raison de 2 fois – pour des personnes atteintes du diabète sucré de type 2 par rapport aux non-diabétiques. Les études qui ont analysé les effets de la thérapie intensifiée pour le contrôle du glucose en cas de diabète sucré de type 2 n’ont malheureusement pas pu atteindre à ce jour une quelconque amélioration de la mortalité, ni de l’incidence de complications 46 macrovasculaires. Seule la Metformine a permis d’influencer positivement la mortalité chez des diabétiques de type 2 en surcharge pondérale, dans l’UKPDS. Le contrôle de facteurs de risques comorbides cardiovasculaires ainsi qu’une bonne intervention sur la pression sanguine en cas d’hypertension ont amené une diminution de la mortalité. Dans le suivi des patients souffrant de diabète sucré de type 2, ne sont pas seulement déterminants la thérapie intensive et le contrôle de l’hypoglycémie, mais aussi la réduction complémentaire et le contrôle de comorbidités telles que l’hypertension, le surpoids, l’hypercholestérolémie et ladite fumée. Bibliographie informations Report of the Expert Committee on the Diagnosis and Classification of Diabetes Mellitus. Diabetes Care 1997 Jul; 20(7): 1183 – 97. Follow-up report on the diagnosis of diabetes mellitus. Genuth S, Alberti KG, Bennett P, Buse J, Defronzo R, Kahn R, Kitzmiller J, Knowler WC, Lebovitz H, Lernmark A, Nathan D, Palmer J, Rizza R, Saudek C, Shaw J, Steffes M, Stern M, Tuomilehto J, Zimmet P; Expert Committee on the Diagnosis and Classification of Diabetes Mellitus. Diabetes Care 2003 Nov; 26(11): 3160 – 7. Diabetes in older adults: comparison of 1997 American Diabetes Association classification of diabetes mellitus with 1985 WHO classification. 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Thomas Mall, Bâle A l’occasion de la tarification de propositions d’assurance, un problème similaire se présente souvent. Le patient ou son médecin n’ont pas le même point de vue que l’examinateur des risques lorsqu’il s’agit de définir clairement un état ou un tableau de la maladie. Ceci est certes explicable sous divers angles, mais engendre néanmoins des réactions fréquentes de totale incompréhension. Voici un cas concret pour illustrer ce propos. Un architecte de 27 ans dépose une proposition d’assurance pour une couverture vie de plus de CHF 100 000.– ainsi que pour des rentes d’incapacité de gain de CHF 12 000.– par an, avec délai d’attente de deux ans et, enfin, pour une assurance d’indemnité journalière maladie de CHF 60 000.– par an assortie d’un délai d’attente de 30 jours. L’assurance doit durer jusqu’à l’âge de 65 ans, soit pendant 38 ans. Les éclaircissements obtenus du médecin de famille font état d’un status après manipulations en raison d’un blocage de l’articulation iliosacrale survenu deux mois auparavant, ainsi que d’un diagnostic de prolapsus de la valvule mitrale antérieure (ptose mitrale) avec légère insuffisance, posé deux ans avant la proposition. Le cardiologue consulté relève que nulle thérapie spécifique n’est nécessaire, le pronostic étant généralement bon, le patient pouvant par ailleurs faire du sport. Le proposant pratique effectivement un sport de haut niveau depuis 8 ans, sans plainte aucune. Il accorde si peu d’importance au constat qu’il omet même de le signaler dans la proposition d’assurance. Conformément aux critères de tarification en vigueur pour toutes les assurances, l’examinateur des risques en arrive à la conclusion que s’agissant de l’assurance pour le cas du décès, une surprime doit être perçue et que les prestations de l’assurance d’incapacité de gain ne sont pas assurables pour le moment. Cette décision suscite l’incompréhension du proposant. Le fossé entre l’appréciation clinique (bon pronostic, pas de limitations de l’activité physique, pas de thérapie spécifique) et l’examen du risque (notamment pas d’assurance des prestations d’incapacité de gain) est trop grand. Mais il s’explique par la longue durée du contrat (38 ans), le jeune âge du proposant (par ex. sur le plan statistique, une personne de 65 ans perd moins d’années de vie qu’un sujet de 20 ans pour une maladie comme le SIDA ou le cancer), et par une somme relativement élevée 49 (38 x CHF 72 000.– = CHF 2 736 000.– pour les prestations d’incapacité de gain). L’assurance doit prendre en considération d’éventuelles péjorations futures de l’état de santé au moment de la conclusion déjà, car il ne lui sera plus possible de le faire ultérieurement, ce qui revêt une importance particulière en cas d’assurance de longue durée. On ne peut attendre du proposant qu’il se déclare satisfait de telles considérations. Mais la présentation du cas a pour but d’éveiller auprès du corps médical une certaine compréhension pour les processus de réflexion à la base de la décision de l’assureur, en matière d’acceptation du risque. Schweizerischer Versicherungsverband Association Suisse d’Assurances Associazione Svizzera d’Assicurazioni