Du public au privé au… mutuel ?

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Du public au privé au… mutuel ?
Flux n° 52/53 Avril - Septembre 2003 pp. 87-99
Du public au privé au… mutuel ?
La restructuration du secteur de l’eau
en Angleterre et au Pays de Galles
Karen Bakker
n juin 2000, le Groupe Kelda dévoile des plans pour mutualiser sa filiale créée en 1989 au moment de la privatisation
de l’industrie de l’eau en Angleterre et au Pays de Galles, en
charge des activités régulées d’eau et d’assainissement. Kelda
propose de vendre Yorkshire Water aux consommateurs, en
créant une « mutuelle communautaire » à but non lucratif.
E
Tandis que la gestion et la maintenance du système resteraient sous la responsabilité de l’ancienne compagnie, les
consommateurs deviendraient propriétaires des actifs et
auraient une influence plus directe dans la gestion de la compagnie. Selon les communiqués de presse de l’entreprise, les
consommateurs allaient bénéficier de la mutualisation. Des
financements nouveaux et meilleurs marchés pourraient être
trouvés et permettraient d’accroître l’investissement ou de
réduire les factures des clients. Le conflit entre les intérêts des
actionnaires et ceux des clients seraient éliminés.
Cette nouvelle fit les titres de la presse : « La privatisation :
retour à la case départ ? » Cette question commença à apparaître moins farfelue dans les mois qui suivirent lorsque plusieurs compagnies d’eau proposèrent elles aussi des plans de
restructuration. Une autre compagnie fit une proposition officielle de mutualisation ; d’autres mirent leurs actifs régulés en
vente ; d’autres encore proposèrent un refinancement radical
de leurs activités principales, quittant les marchés boursiers sur
lesquelles elles étaient cotées depuis une décennie.
Avec le soutien de l’Assemblée galloise (nouveau Parlement
créé par le processus de décentralisation en Grande-Bretagne),
la compagnie d’eau (1) du pays de Galles obtint l’accord du
régulateur pour se transformer en entreprise à but non lucratif,
propriété de ses membres et limitée par garantie (forme conventionnelle pour les organisations charitables en GrandeBretagne). Ces propositions de retour des infrastructures de dis-
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tribution d’eau, sous contrôle public, dans un modèle de
« mutuelle communautaire », ont suscité un grand intérêt, étant
donné le caractère innovant et l’influence du modèle britannique de privatisation, et la croissance rapide de la privatisation
et de la participation du secteur privé dans la distribution d’eau
dans le monde pendant la décennie précédente. Certaines analyses ont dépeint les propositions de restructuration comme un
« abandon » de la privatisation.
En contraste, cet article examine le degré auquel les structures et modes de gestion alternatifs, proposés, représentent des
changements du modèle « commercial » mis en place en 1989.
Il prend comme point de départ la tendance généralisée d’érosion des bases traditionnelles de pouvoir politique en GrandeBretagne — comme dans la plupart des pays industrialisés,
avancés — durant les dernières décennies. Dans le contexte de
la transition « du gouvernement à la gouvernance », l’autorité
formelle de l’État se trouve supplantée par une dépendance
accrue à l’encontre d’autorités informelles, particulièrement
sous la forme de coopérations entre public et privé. Les rôles
préalablement alloués aux gouvernements sont maintenant de
plus en plus, et de façon controversée, catégorisés comme des
activités pouvant être menées par des institutions politiques et
aussi par d’autres acteurs (Pierre, 2000 ; Jessop, 1997).
Dans le cadre de cette transformation de nouveaux modèles
de gouvernance ont émergé ; l’un d’entre eux est « l’auto-gouvernance associative » — un modèle ranimé plutôt que nouveau — particulièrement en matière de services communautaires. En Grande-Bretagne, des partisans de cette idée de l’auto-gouvernance associative soutiennent la création de
mutuelles communautaires pour gérer les services publics (voir
par exemple, Mayo et Moore 2001 et le débat dans www.themutualstate.org). L’idée de donner aux consommateurs plus de
contrôle sur la fourniture des services en matière de santé,
d’éducation et « d’utilités » (2) a reçu un attention grandissante,
y compris au travers du soutien très visible de certains parlementaires du Labour et des ministres du gouvernement
Travailliste. Ce parti a récemment présenté un document de
consultation sur la politique nationale de santé et des services
sociaux qui fait référence de manière explicite à la création de
« mutuelles » ou de « compagnies d’intérêt public » à l’intérieur
du National Health Service (Labour Party, 2002). D’autres structures alternatives de propriété et de gestion ont été recherchées.
Après la chute de Railtrack (opérateur privé des infrastructures
ferroviaires), le gouvernement a décidé de le remplacer par un
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trust public à but non lucratif. Dans l’arrondissement londonien
de Hackney, l’échec des autorités éducatives locales a abouti à
la création d’un trust indépendant à but non lucratif.
Ceux qui soutiennent l’auto-gouvernance associative souscrivent, tout du moins de façon implicite, au modèle de gouvernance « communautaire » selon lequel les motivations collectives et individuelles peuvent être créées dans le cadre de
structures alternatives de propriété et de gestion qui résolvent
les tensions entre les intérêts des actionnaires et ceux des clients
évidents dans le cas de monopoles de services privés (Birchall,
2001, 2002 ; Holtman, 1997 ; Kay, 1996 ; Morse, 2000). Cette
position contraste avec le modèle de gouvernance par le marché, qui sous-tend les cadres régulateurs établis au moment de
la privatisation des utilités. Ceux qui soutiennent le marché
argumentent que ni les gouvernements ni les consommateurs
ne devraient être impliqués dans des fonctions opérationnelles
ou de gestion, et catégorisent les consommateurs comme des
clients, plutôt que comme des citoyens, ou comme des utilisateurs ayant un pouvoir de décision.
Cet article présente ces débats généraux sur la gouvernance
à travers le cas de l’industrie de l’eau en Angleterre et au Pays
de Galles, depuis sa privatisation en 1989. La première partie
résume brièvement le cadre régulatoire de départ. La deuxième
explore la montée régulatoire qu’a connue l’industrie au cours
des années 1990. La troisième partie analyse la restructuration
des compagnies d’eau qui s’en est suivie, et qui a été poursuivie au travers d’une variété de stratégies : diversification, internationalisation, mutualisation et re-financement. La mutualisation doit être entendue dans le contexte de cette restructuration
plus généralisée, comme une des stratégies tentées par les compagnies pour échapper à un secteur de l’eau demandant beaucoup de capitaux, offrant un faible retour sur investissement et
étant de plus en plus régulé.
PRIVATISATION
COMME RE-RÉGULATION
En décembre 1989, les dix Regional Water Authorities qui
avaient été créées au moment de la nationalisation de l’industrie de l’eau en 1974, étaient mises sur le marché boursier de
Londres. Dans la plupart des cas, les activités primaires (et régulées) des services d’eau et d’épuration étaient transférées à une
filiale agissant sous une licence (formellement connue comme
un Instrument of Appointment), accordée par le Département
de l’Environnement, des Transports et des Régions. De sorte
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qu’on peut distinguer des compagnies constituées en sociétés
anonymes, cotées en bourse, contrôlant une filiale régulée (et
d’autres éventuellement). Les limites géographiques de leurs
zones d’intervention restèrent inchangées ; ces firmes demeuraient des monopoles régionaux, verticalement intégrés, fournissant le cycle entier de services à leur clientèle (3).
La privatisation impliqua un changement dans la propriété,
le financement et la structure régulatoire de l’industrie. Trois
agences régulatrices furent créées : un régulateur environnemental (maintenant Environment Agency), un régulateur de la
qualité de l’eau potable, Drinking Water Inspectorate et un
régulateur économique, Office of Water Services, Ofwat. Cet
article se concentre sur la régulation économique, dont un
aspect central tient dans la détermination des prix par price-cap.
La technique de régulation par prix plafonné — qui fut formulée dans le milieu des années 1980 par l’économiste du
Trésor Public Stephen Littlechild — est centrale dans le cadre
régulatoire et a été appliquée à tous les réseaux d’utilités britanniques privatisés (Littlechild, 1988). Les augmentations
maximales de prix par les compagnies d’eau sont plafonnées au
travers d’un système conventionnellement cité comme le
« RPI – X = K ». Pour une période de cinq ans, chaque compagnie d’eau se voit accorder une hausse de ses tarifs qui correspond à la hausse de l’indice des prix de détail (Retail Price
Index), plus ou moins un facteur qui dépend de sa productivité
et des objectifs d’investissement qui lui sont accordés. Si le
régulateur ne prenait en compte que la productivité de la firme,
celle-ci étant positive, la hausse des prix de l’eau serait inférieure à celle de l’indice des prix de détail. Ce plafonnement
des prix repose sur le régulateur qui, par sa collecte d’information sur les performances des entreprises et une estimation des
investissements requis, établit ses données. Il doit aussi veiller à
ce que les prix permettent de générer un flot de revenus suffisants pour lui permettre de financer ses activités (Glynn, 1992).
Les gains potentiels de productivité sont déterminés non
seulement pour chaque compagnie prise isolément, mais aussi
en référence du classement de l’ensemble des performances
des compagnies. La fixation des plafonds de prix est donc
dépendante d’une compétition simulée ou « comparative ». Les
objectifs de productivité servent de « facteur représentatif
(proxy) pour un marché compétitif » (Ofwat, 1998d, p. 49).
Avec des plafonds de prix établis à l’avance, la compétition
entre les compagnies s’organise autour d’une référence de pro-
ductivité calculée par le régulateur, les marchés financiers
« comptant les points » et le régulateur intervenant occasionnellement comme arbitre. La motivation du profit est, en théorie, limitée par la régulation comparative qui doit favoriser l’efficacité pour ensuite l’imputer aux consommateurs. Le risque
de comportement stratégique de la part d’une compagnie est
(en théorie) minimisé par cette compétition comparative, en
ceci que les augmentations de prix sont calculées non comme
une fonction de ses propres actions, mais en relation avec les
performances de toutes les autres compagnies. La compétition
— directe ou simulée — est supposée conduire à une plus grande efficacité que la réglementation, la législation, ou la persuasion morale.
La privatisation a donc plutôt été une re-régulation sélective qu’une dérégulation. Cette re-régulation était, tout du moins
en terme d’activités d’un régulateur économique, prévue pour
être temporaire. Les architectes du modèle de régulation anticipaient, que l’introduction d’une compétition directe dans le
marché du secteur des utilités se ferait relativement vite après
la privatisation. La solution pour le long terme se devait d’être
l’introduction de la compétition — non pas la minimisation
des échecs du marché, mais leur élimination, où qu’elle soit
possible.
LE
REGAIN RÉGULATOIRE ET L’ÉCHEC DE LA
RÉGULATION « EN DOUCEUR »
Cependant, après quelques années, la régulation commença à
s’intensifier. Des variables clés, sur lesquelles les prévisions
avaient été initialement établies, avaient changé de façon substantielle. Le régulateur décida qu’une revue intérimaire devait
avoir lieu, afin de réajuster leurs limites. La décision de mener
des « Revues Périodiques » à des intervalles de cinq ans fût, en
partie, prise en réponse aux difficultés d’établir des données
précises, même sur des périodes plus courtes. On constatait que
les coûts de production réels pour la période 1990/1995 étaient
significativement moins élevés que prévu, ce qui se traduisait
en des profits plus élevés qu’initialement attendus (Saal et
Parker, 2001). Les demandes d’information ont augmenté substantiellement, avec des décisions, concernant le taux de rendement du capital investi acceptable, prises par le régulateur.
Plutôt que d’être le produit de la régulation, le plafonnement
des prix est devenu un moyen pour réguler le rendement du
capital, à partir d’un examen minutieux et d’une négociation
des « vrais » coûts du capital pour les compagnies, conduisant
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ainsi à l’annonce de la « mort » de la régulation price cap par
les économistes régulateurs. L’allégement de la réglementation,
envisagée avant la réforme, n’eut pas lieu, au contraire, l’inverse est arrivé et les compagnies d’eau sont maintenant soumises
à un régime réglementaire plus strict que n’importe quelle autre
industrie privatisée.
Le renforcement de la régulation fut justifié aussi par la prise
en compte des profits élevés. Au cours des années 1990, le
retour sur investissement pour les actionnaires dépassa substantiellement le coût du capital et était notablement plus élevé que
ceux des « utilités » dans d’autres pays (Helm, 1994 ;
Defeuilley, 1998). Le taux de rendement attendu était de 7 %
(avant financement et taxes d’entreprises) ; mais en fait les taux
n’avaient jamais été en dessous de 10 % depuis la privatisation
(Miller-Bakewell, 1998, 2). Il fut de plus en plus reconnu que la
régulation price cap fonctionnait bien pour les dépenses opérationnelles (en motivant des gains de productivité entre les
Revues Périodiques), mais moins bien pour les dépenses en
capital. Le lien nécessaire entre les valeurs de K et les dépenses
de capitaux incitait à une surévaluation des programmes d’investissement pendant la phase de négociation de la « revue
périodique » (4). De ce fait, le régulateur fut amené à faire des
études plus détaillées des programmes d’investissements prévus
par les compagnies. Simultanément, des inquiétudes politiques
résultèrent du lien entre les profits élevés et les prix qui avaient
augmenté fortement en termes réels depuis la privatisation. Une
augmentation dramatique de la « pauvreté en eau » avec des
effets négatifs bien documentés sur la santé publique (y compris
une résurgence très médiatisée de dysenterie) incita les groupes
de défense des consommateurs et les municipalités à conduire
des campagnes publiques contre les compagnies d’eau. Ils
gagnèrent des batailles juridiques significatives contre les pratiques des compagnies, perçues comme ayant des impacts
sévères sur les consommateurs « vulnérables » (Bakker, 2001).
En plus de la pression régulatoire, l’industrie de l’eau dut
progressivement faire face à une plus grande pression financière. La taxe sur les profits exceptionnels imposée, dans le budget
1997, par le gouvernement travailliste nouvellement élu, fut
payée par les compagnies en deux tranches, (décembre 1997 et
1998), pour un montant total de 1,65 G£, ce qui représentait
alors plus de 20 % du chiffre d’affaire de l’industrie. Des avantages fiscaux accordés au moment de la privatisation commencèrent aussi à se réduire quand les exemptions de taxe sur les
entreprises vinrent à terme.
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Non négligeables, furent également les conséquences
financières cumulatives d’un cadre régulatoire de plus en plus
sévère, qui imposa aux entreprises de plus en plus de coûts liés
aux services essentiels — leur demandant plutôt qu’aux
consommateurs de payer pour l’installation de compteurs
d’eau, interdisant de couper l’eau chez les particuliers et étendant « standards de qualité » selon lesquels les mauvaises performances des entreprises se traduisent par des rabais pour les
clients. Avec la loi sur la concurrence de 1998, les régulateurs
étaient dotés de pouvoirs plus forts pour forcer les compagnies
à diminuer leurs prix entre les « Revues Périodiques » lorsque
leurs taux de rendement étaient estimés « excessifs », l’Office of
Fair Trading ayant indiqué que « des profits excédant constamment le coût du capital d’une entreprise peuvent servir à indiquer que les prix sont excessifs » (OFT, 1999). Cette perspective était partagée par Ofwat, qui avait commencé, à partir de
1997, à affirmer que les futurs prix pour l’eau et l’assainissement devraient baisser (Ofwat, 1997, 6). La logique fondamentale de cet argument était que, d’une part, la baisse des plafonds
de prix bénéficierait aux actionnaires au travers des profits
générés par des gains d’efficacité (Miller-Bakewell, 1998, 3) et
d’autre part, que les compagnies devaient être « remises en
place » à propos des taux de rendement « attendus » (et politiquement acceptables). Conformément aux prédictions, les
limites de prix annoncés en 1999 pour l’année 2000/2001
réduisirent les factures par une moyenne de 12,4 % en termes
réels, avec des prix à peu près stables jusqu’en 2005 (Ofwat,
2000a).
L’impact de la réduction du price cap et les interventions
précédentes du régulateur pour empêcher que les compagnies
n’adoptent leur prix plafonné maximal, remettaient en question
la robustesse des mesures incitatives de productivité telles
qu’elles avaient été formulées à l’origine. Le régulateur note que
« le modèle existant a conduit à une plus grande productivité
des compagnies d’eau… la revue des prix de 1999 en a transféré le bénéfice aux clients » (Ofwat, 2000d, 4).
Toutefois, dans les compagnies, la peur d’une « récupération » des profits sape la motivation, supposément procurée par
l’objectif de profitabilité, à maximiser la productivité.
L’inacceptabilité politique de profits plus élevés et le refus commercial de pertes importantes introduisent une contradiction
entre la sauvegarde de l’incitation à la productivité et la préservation de taux de rendement stables et politiquement acceptables. Cette contradiction, d’après la vision de nombreux éco-
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nomistes régulateurs, implique que « le système courant de
régulation par plafonnement de prix finira certainement, et de
façon presque inévitable, par s’effondrer. Que ce type de régulation soit formellement abandonné, ou pas, dans le proche
futur, des interventions du régulateur entre les revues saperont
le principe d’une régulation par prix plafonné pur » (Mayer,
2000). Bien que d’autres industries de réseaux, (gaz, électricité,
télécommunications), régulées par price cap aient connu un
certain renforcement de la réglementation après la privatisation,
des parts significatives de ces industries ont été ouvertes à la
compétition, avec une réduction conséquente des activités
régulatoires — allant jusqu’à la suppression des prix plafonnés
dans certains cas. Cette différence est en partie attribuable à la
très forte demande de capitaux. Les compagnies d’eau sont propriétaires des actifs et assurent l’exploitation comme la maintenance du réseau (Shaoul, 2000, a, b). Dans ce domaine, la distribution représente environ 2/3 des coûts totaux de dépenses
en capitaux ; en contraste, les coûts du réseau de distribution et
de transmission ne représentent qu’environ les 2/5 des coûts
totaux dans le secteur du gaz et 1/3 dans celui de l’électricité
(Consumers Association, 2000, WSA 2000).
Cette contrainte d’une forte demande en capital se trouve
exacerbée par les caractéristiques d’une industrie arrivée à
maturité et qui a très peu de marge de manœuvre dans un marché domestique régulé. Étant donnée la demande stagnante et
les limites de taille du marché (i.e. les limites des zones de
licences), les compagnies d’eau ont peu de place pour s’accroître dans le marché régulé. La croissance des revenus est
donc en grande partie dépendante des prix. S’ils devaient cesser d’augmenter, les revenus cesseraient également d’augmenter dans la plupart des cas, étant donné que les changements
technologiques, importants dans le secteur, sont sous contrainte de la législation (le Code de Construction requiert l’utilisation
d’un certain volume minimal d’eau dans quelques dispositifs
d’habitations). La réduction des prix plafonds annoncée en
1999 a donc impliqué une chute de revenus pour la plupart des
compagnies d’eau, et par conséquent une chute des profits
(Saal et Parker, 2001).
Cette vulnérabilité fut augmentée par la diminution de la
couverture de dividendes (5) dans plusieurs compagnies vers la
fin des années 1990. « Le Directeur (d’Ofwat) a toujours exprimé son opinion… qu’une augmentation annuelle réelle de dividende de 0 à 2 % est cohérente avec le coût des fonds propres
des compagnies d’eau… Les dividendes des cinq premières
années (après la privatisation) augmentèrent en parallèle avec la
hausse des profits, mais plus récemment, des dividendes plus
importants ont été versés et ils ont été financés par des emprunts
plus que par des profits » (Ofwat, 1997, 43). Les compagnies
d’eau se trouvaient en même temps sous la pression des actionnaires pour la poursuite d’une politique de distribution de forts
dividendes dans un environnement caractérisé par un analyste
financier de la City comme un « Machisme du Dividende »
(Miller-Bakewell, 1998). Afin de maintenir les dividendes versés, les compagnies mères utilisèrent leurs filiales régulées en
augmentant leur niveau d’endettement. « La croissance exceptionnelle des dividendes a été le facteur unique le plus significatif de rentabilité dont ont bénéficié les investisseurs — une
moyenne de 20 % par an au cours des cinq dernières années.
Considérant le contexte des marchés de capitaux, ceux-ci ont
été l’exception » (Miller-Bakewell, 1998, 5). L’augmentation
durable des dividendes fut maintenue par la baisse du ratio profits nets/dividende, ce qui impliquait un affaiblissement de la
position des actionnaires dans le cas d’une chute des revenus
— tel qu’elle se produit à la suite de la Revue Périodique des
prix de 1999.
CAPITAL VAGABOND ? MULTI UTILITÉS,
UTILITÉS GLOBALES, ET UTILITÉS VIRTUELLES
Après l’annonce, en 1999, des décisions finales de la Revue
Périodique, les prix des actions dans l’industrie de l’eau chutèrent d’environ 50 %. Dans certains cas, la valeur des titres s’établit en deçà de la valeur des actifs régulés. Plusieurs compagnies firent face à un manque de liquidités pour financer leurs
investissements, étant donné que les nouveaux prix avaient été
fixés de manière « à ce qu’ils couvrent plus ou moins les
dépenses en capitaux, mais pas les dividendes ou les intérêts »
(Shaoul, 2000a, 11). Immédiatement après l’annonce des plafonds de prix, plusieurs compagnies annoncèrent des licenciements. Deux ans après la revue, les analystes du secteur continuaient à prédire une augmentation des dividendes plus faibles,
et une chute des revenus par action de la part de toutes les compagnies d’eau, à l’exception d’une seule (Miller-Bakewell,
2001). Ceci en partie, parce que le programme d’investissement
est largement non négociable, (du fait des engagements vis-àvis d’Ofwat), et que s’y ajoutent des demandes législatives spécifiques en matière de qualité de l’eau et de standards environnementaux.
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Étant donné la difficulté de trouver des financements pour
satisfaire les obligations d’investissements (qui ont été fixées
bien avant que les limites de prix ne soient annoncées en
1999) et la perception que les opportunités futures sont limitées dans le marché domestique, les compagnies d’eau ont
opté pour trois stratégies de restructuration : diversification,
internationalisation et désintégration verticale. Chacune de
ces trois options entraîne une restructuration radicale des activités.
Multi utilités, utilités globales : diversification
et internationalisation
La clé pour comprendre le retrait des compagnies vis-à-vis de
leur activité régulée tient à la nature de cette activité. Les compagnies d’eau fournissent en permanence une commodité
essentielle. Elles ont des marges brutes d’autofinancement prévisibles, étant donné que 65 % de leur chiffre d’affaires sont
basés sur des charges qui ne sont pas reliées aux volumes
(WSA, 1998) ; ces charges sont fixées à l’avance pour l’année et
les chances d’une autre restriction sur les profits des utilités est
perçue comme minime. Comme les utilités opèrent largement
comme des monopoles régionaux, il y a peu de risques de
pertes de marge brute d’autofinancement au profit de compétiteurs. Cette industrie bénéficie donc d’un fonds de roulement
relativement sûr et élevé, avec une licence de monopole pour
un large flux de revenus. Les gestionnaires de l’eau étaient bien
au courant de cette situation.
Les compagnies d’eau dans la période suivant la privatisation ont bénéficié d’importants fonds de roulement, « mais dans
un secteur d’activité qui était régulé et avait atteint sa maturité,
et dont les futurs retours pour les actionnaires apparaissaient
sous la menace d’une revue régulatoire plus stricte ». En conséquence, les managers « justifièrent la diversification par un
besoin de sources alternatives et sûres de revenus et de profits »
(McGuiness et Thomas, 1997, 328). Dans cette industrie, la
hausse des profits peut venir d’une baisse des coûts ou d’une
hausse des prix. Augmenter la productivité fut un moyen de
croissance, que les compagnies d’eau tentèrent avec des succès
variables, par la sous-traitance et la réduction de la force de travail.
La difficulté de maintenir les profits dans ce contexte fut une
motivation importante à la diversification vers des secteurs à
forte croissance. Ce mouvement commença immédiatement
après la privatisation et en mars 1994, les dix compagnies d’eau
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avaient dépensé 1,274 milliards de Livres Sterling en acquisitions (Schofield and Shaoul, 1997). Certaines utilités ont poursuivi une stratégie d’intégration « horizontale », créant des multi
utilités s’étendant aux secteurs de l’électricité, du gaz, de l’eau
et des télécommunications (par exemple, United Utilities et
Scottish Power). D’autres ont conduit des partenariats et des
diversifications « pures » dans des secteurs comme l’immobilier, les centres commerciaux, l’ingénierie, et l’hôtellerie
(OXERA, 1994, 1995, 1996). La mise en place de la politique
des adjudications obligatoires (compulsory competitive tendering) par les autorités locales pour divers services (Patterson et
Pinch, 1995) ont aussi élargi le marché potentiel, le plus
notable étant dans le secteur des services de déchets (Curwen,
1994) ; la gestion des déchets est ainsi devenue un élément
classique de la diversification pour toutes les compagnies
d’eau.
Cette diversification était aussi motivée par la pression de la
City. Dans la première décennie après la privatisation, seules les
compagnies qui avaient une base sûre de revenus non régulés
étaient perçues comme pouvant rester de bons investissements.
Une deuxième source de motivation était la menace d’absorption ; une menace réelle puisque cinq des dix compagnies
d’eau ont été rachetées et que le nombre des Statutory Water
Companies a été réduit de vingt neuf à treize par des fusions et
acquisitions. Des compagnies étrangères ont absorbé quatre
compagnies d’eau (Enron-Wessex, RWE-Thames, Lyonnaise des
Eaux-Northumbrian, Western Power-Welsh Water) et seize des
vingt huit compagnies de fourniture d’eau initiales.
La diversification est donc à la fois une réponse et une motivation pour la consolidation de l’industrie. Une concentration
plus grande de cette industrie devrait toutefois être limitée ; si la
rationalisation est pensée comme un des moyens pour obtenir
des réductions de coûts pour les partenaires d’une fusion (Water
Briefing, 1996a), les fusions ont été limitées par l’insistance des
régulateurs sur le besoin d’avoir un nombre suffisant de compagnies d’eau indépendantes pour assurer une compétition
comparative « saine ». En raison de cette exigence, le régulateur
a clairement déclaré son opposition à des fusions entre des
compagnies du secteur (DETR, 2000a, 2000b ; Fletcher, 2001).
Empêchées de poursuivre une stratégie d’acquisitions sur le
marché domestique, nombre de compagnies d’eau essayèrent
d’étendre leurs activités à l’étranger, particulièrement dans le
domaine du BOT (Built-Operate-Transfer) et des concessions
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(Bakker, 1999a). Toutefois les acquisitions à l’étranger sont largement vues comme des échecs, tant par la City, que par les
actionnaires ou les régulateurs (Dale, 1995). Les stratégies de
capitaux « vagabonds » — en particulier les investissements à
l’étranger — ont été largement critiquées. Les filiales et acquisitions des compagnies mères n’ont pas été très profitables : « en
1994 les activités régulées comptaient pour 85 % du chiffre
d’affaires mais 101 % des profits des compagnies mères et cette
tendance s’est poursuivie » (Schofield and Shaoul, 1997, 13).
En 1995, les profits opérationnels en provenance d’activités
périphériques pour l’industrie de l’eau représentaient moins de
3 % du total (Martinson, 1996e). Depuis le milieu des années
1990, nombre de compagnies d’eau ont revendu leurs compagnies les moins performantes. Seules deux des principales compagnies d’eau — Thames (maintenant sous contrôle de RWE) et
United Utilities — ont conservé un engagement international.
financée par des dettes à long terme et bon marché ; la gestion
et le service à la clientèle sont plus risqués, et seraient financés
de façon plus appropriée par des capitaux plus chers.
Toutefois, le manque d’accès à des financements « bon
marché » n’est pas la seule motivation des compagnies. Le fait
que le rendement du capital des compagnies de services est
plus attrayant que celui des firmes propriétaires d’actifs, soumises aux prix plafonnés plus stricts maintenant imposés par le
régulateur, est un autre facteur. Alors que les compagnies qui
exploitent ont généralement de faibles taux de profits, elles sont
capables de générer un taux de rendement raisonnable sur le
capital employé, parce qu’elles ont peu d’actifs. Ce mouvement
de restructuration, en d’autres termes, s’inscrit dans la tendance
générale des économies industrialisées, au cours des trois dernières décennies, au développement des services (Shaoul,
2000a).
Désintégration verticale : utilités virtuelles
La privatisation de l’industrie de l’eau n’occasionna pas une
libéralisation ; les compagnies d’eau restèrent des monopoles
verticalement intégrés. Elles possèdent et gèrent les actifs. Elles
sont responsables de la maintenance des infrastructures,
comme du service. Peu après la Revue Périodique de 1999,
diverses compagnies firent des propositions pour une désintégration verticale de l’industrie — séparant propriété et gestion.
Cette opération devait permettre aux propriétaires de sous-traiter la fourniture de services sur la base d’offres compétitives —
de façon similaire au système français, dans lequel les propriétaires de réseaux d’eau (presque toujours les municipalités)
attribuent des contrats de long terme au travers d’un processus
d’adjudication (bien que gâché par la corruption dans les
années récentes (Hall et Lobina, 2001).
La désintégration verticale représente donc le changement
structurel le plus significatif pour l’industrie depuis la privatisation. Il résulte de la difficulté de certaines compagnies à financer leur programme d’investissements. Celui, pour la période
2000-2005, a été réduit par rapport aux années 1990, mais
avec un montant de 6,4 milliards de Livres Sterling, il reste toujours considérable (House of Commons Environment Audit
Committee, 2000, Para 188). Certains pensent qu’une restructuration permettrait un meilleur financement que par les
actions, en réduisant le coût du capital par un changement du
profil de risque. Plus simplement, la propriété des actifs est vue
comme une activité présentant peu de risques et qui peut être
Un autre facteur explicatif est que la City est directement
intéressée dans une mutualisation, « incitée par des consultants
qui espèrent gagner des sommes considérables pour inventer et
faciliter les arrangements nécessaires » (Summerton, sous presse). Le vieillissement des infrastructures d’eau et d’égouts peut
être un facteur clé dans le désir des entreprises de se retirer de
la propriété de ces actifs. Seule une faible part du stock des
actifs en Angleterre et au Pays de Galles a moins de trente ans ;
une grande partie à plus de cinquante ans et souvent plus dans
les villes — à Londres, un kilomètres sur trois date de plus de
cent ans (Perera, Farley et al., 1985). Les grandes divergences
entre les estimations d’Ofwat et celles de l’industrie, au sujet
des niveaux de financement nécessaires au renouvellement des
infrastructures, ont été interprétées comme la preuve de la
« négligence intellectuelle » d’Ofwat au sujet du problème de la
détérioration à long terme de ces actifs (House of Commons
Environmental Audit Committee, 2000, Para 208). La
Commission de la Concurrence partagea l’analyse du Comité
Parlementaire, critiquant « la confiance trop grande accordée
par Ofwat au critère d’utilisabilité des infrastructures » (Utilities
Journal, 2000, 32). S’il est correct, cet argument soutient l’accusation selon laquelle les compagnies d’eau ont sous investi
dans le renouvellement des actifs, conduisant certains observateurs à argumenter qu’en anticipation de la future baisse rapide
des niveaux de service, due au déclin de la qualité des infrastructures, les compagnies d’eau pourraient opportunément
chercher à se débarrasser des actifs.
Dossier
93
Flux n° 52/53 Avril - Septembre 2003
En poursuivant une désintégration verticale, les compagnies
ont mis en avant une palette de propositions de restructuration
(Ofwat, 2000c). Un certain nombre de compagnies sont en
train de considérer la séparation de la propriété des actifs de
l’exploitation et l’introduction d’une stratégie de sous-traitance
de certains services (Ofwat, 2000d). Dans sa forme la plus radicale, la compagnie possédant les actifs serait entièrement financée par des emprunts, établissant des contrats extérieurs pour la
gestion avec des fournisseurs indépendants de services.
Certaines des compagnies regardent si une nouvelle structure
de propriété ne serait pas plus appropriée avec des propriétaires
d’actifs qui ne seraient pas des actionnaires, mais les clients (ou
une sélection d’entre eux) ou des membres sous la forme d’une
mutuelle ou d’une société à responsabilité limitée (ou un autre
type d’organisation à but non lucratif). Les deux propositions
formelles présentées à Ofwat jusqu’à maintenant entraîneraient
deux stratégies distinctes, une mutualisation et une titrisation.
La « mutuelle » Kelda
Dans le premier cas, la compagnie mère de Yorkshire Water
proposa, vers la mi-2000, de « mutualiser » son activité centrale (eau régulée). Ce faisant, la compagnie en appela à la longue
tradition de propriété mutuelle en Grande-Bretagne en proposant d’enregistrer la nouvelle compagnie sous le Registre des
Sociétés Amicales. Kelda décrit le modèle proposé —
Registered Community Asset Model (RCAM) — comme une
organisation de stakeholders, par laquelle les actifs seraient rendus aux consommateurs, ceux-ci bénéficiant non seulement
d’un contrôle accru mais aussi de prix d’eau plus bas en raison
des coûts moins élevés des capitaux. Cependant, la mutuelle
« Kelda » différerait substantiellement des mutuelles traditionnelles — notamment parce que l’adhésion serait obligatoire
pour les clients de Yorkshire Water.
Le RCAM aurait été une nouvelle compagnie, possédée par
les clients et gérée sur une base non lucrative, qui aurait acquis
les actifs et les dettes de Yorkshire Water, et repris sa licence de
fourniture d’eau. Entièrement financé par emprunt, le RCAM
aurait sous-traité la gestion de l’eau et de l’assainissement à une
filiale de Kelda pour une période initiale de cinq ans, au terme
de laquelle une mise en compétition serait organisée. Selon la
proposition de Kelda, tout profit serait réinvesti dans la compagnie ou rendu aux consommateurs. Certains partisans du modèle RCAM suggérèrent que « la propriété d’une utilité régulée
selon cette formule permettrait d’aligner les intérêts des pro-
94
Dossier
priétaires d’activités commerciales régulées avec ceux de ses
clients et en cela minimiserait les risques politiques et régulatoires » (Ofwat, 2000b, Para 56).
D’autres argumentèrent que le modèle RCAM représentait
« une tentative ratée de repasser les actifs et les responsabilités
(financières) d’une entreprise privée infructueuse aux consommateurs » (Social Enterprise Institute, 2001, 2). Étant donné que
Kelda proposait, que le RCAM achète les actifs de Yorkshire
Water à un prix que de nombreux observateurs de l’industrie
jugeaient exagéré, et que les membres de RCAM — les clients
actuels de Yorkshire Water — devenaient responsables des
dettes de la compagnie, le régulateur commenta que « bien
qu’il apparaisse de clairs bénéfices dans le court terme pour les
actionnaires de Kelda dans cette proposition, sous sa forme
actuelle, les bénéfices des clients restent à démontrer » (6). Bien
que « la séparation de la propriété des actifs et de la gestion, et
la sous-traitance puissent apporter une plus grande efficacité
résultant de l’introduction de la compétition pour le marché de
la gestion », le régulateur reconnût le risque que Kelda continue
de gagner les contrats d’exploitation grâce à sa connaissance
supérieure du réseau, et il argumenta que « les bénéfices potentiels, pour les clients, d’une plus grande sous-traitance et d’une
réduction du coût de financement ne sont pas dépendants
d’une nouvelle structure de propriété et pourraient être obtenus
dans la structure d’actionnariat existant ». L’incapacité apparente de la structure institutionnelle, proposée à faire face aux
chocs de coûts imprévus en l’absence d’un actionnariat tampon, et le manque de motivations pour conduire à plus de gains
de productivité dans la gestion, constituèrent d’autres facteur
décisifs dans la décision du régulateur, de rejeter la proposition
de restructuration. La réaction des clients et des médias tendait
aussi à être négative, découlant en partie de l’opinion du public
sur la compagnie pour sa gestion d’une grave sécheresse dans
le milieu des années 1990 (Bakker, 1999b, 2000 ; Haughton,
1998, 1999).
La proposition de Glas Cymru-titrisation
En rejetant la proposition de Kelda, le régulateur exprima clairement qu’il ne s’était pas opposé, en principe, à l’idée de séparation de la propriété et de l’exploitation ou à d’autres formes
de propriété si celles-ci bénéficiaient au consommateur. La
deuxième proposition de désintégration verticale dans le secteur, mise en avant par Dwr Cymru (anciennement Welsh
Water), quelques mois après celle de Kelda, fut jugée satisfai-
Bakker - Du public au privé au… mutuel ?
sante au regard de ces critères et approuvée en janvier 2001. En
contraste avec la proposition de Kelda, celle de Dwr Cymru
était basée sur une titrisation plutôt qu’une mutualisation,
créant une compagnie à but non lucratif, propriété de ses
membres et limitée par garantie (une structure classique pour
les organisations charitables en Grande-Bretagne), plutôt
qu’une mutuelle propriété de ses clients. Glas Cymru, nouvelle
compagnie limitée par garantie sous le Companies Act de 1985
et entièrement financée par emprunt, était formée dans le seul
but d’acheter les actifs de Welsh Water, ce qui fut fait en mai
2001. Les membres de Glass Cymru, qui n’ont pas d’intérêt
financier dans la compagnie et ne reçoivent aucun dividende,
représentent un large éventail des intérêts Gallois. Le fort soutien de l’assemblée Galloise fut un facteur clé dans la décision
positive du régulateur, elle-même étant vue comme un « test clé
de la décentralisation — ou dévolution Galloise » (Utilities
Journal, 2001b, 28), comme fut le fait que Western Power, le
nouveau propriétaire de Hyder Utilities, la compagnie mère de
Welsh Water, voulait se désengager du secteur de l’eau et était
prêt à vendre les actifs au rabais par rapport à leur valeur régulatoire.
Un autre facteur clé, dans la décision favorable du régulateur, fut le programme de financement proposé par Glas Cymru,
qui promettait une réduction significative des factures des
consommateurs. Comme la compagnie le notait, « l’industrie
de l’eau a une forte demande de capitaux et le coût du retour
sur capitaux investis est le coût unique le plus élevé de Welsh
Water, absorbant maintenant près du tiers des revenus annuels
de Welsh Water (i.e. des factures des clients) ». Le changement
vers un financement sur emprunt de 100 %, par des obligations,
entraîne non seulement un coût plus bas du capital, mais aussi
un plus grand excédent qui peut être investi dans le réseau et la
qualité de l’environnement, être utilisé pour renforcer des
réserves financières, ou être remis aux clients. Les avantages
d’un profil à risques limités pour Glas Cymru, étant donné son
engagement à rester une compagnie d’eau régulée (non diversifiée), furent confirmés par un rating AAA, lors de sa mise sur
le marché.
Suite à cette approbation, plusieurs compagnies exprimèrent un intérêt pour se restructurer en argumentant que les
actions étaient une source dispendieuse de financement et que
les autres sources de financement — particulièrement les
emprunts — étaient plus viables sur le long terme. Les partisans
de la privatisation ont argumenté que le recours aux investisse-
ments par actions, bien que plus onéreux que le financement
par dette, créait une pression sur les gestionnaires afin de faire
des gains de productivité qui dépassent le coût accru du capital. Les opposants à la privatisation argumentèrent au contraire
que les emprunts, et en particulier les emprunts publics, sont si
bon marché par rapport aux actions, qu’un quelconque gain de
productivité sous propriété privée ne pourrait pas contrebalancer une augmentation du coût du capital.
Douze ans après la privatisation, bon nombre de compagnies paraissent partager cette dernière perspective, remettant
ainsi en question l’une des justifications primordiales de la privatisation : que les marchés d’actions, en raison de l’examen
rigoureux auxquels ils soumettraient les gestionnaires, étaient
les sources préférables de financement. Cependant, Ofwat avait
averti qu’il « ne semble pas paraître que (le modèle Glas
Cymru) soit un modèle pour l’ensemble de l’industrie »
(Fletcher, 2001). Étant donné que la pression pour la restructuration de l’industrie de l’eau ne provient pas des consommateurs, mais de « facteurs provenant essentiellement des communautés experte » (Summerton, sous presse, 1), le régulateur
n’est pas prêt à approuver d’autres propositions de restructuration dans le futur. Ceci ne sert seulement qu’à retarder le mouvement vers une restructuration, plutôt qu’à résoudre les contradictions du cadre régulatoire à l’origine des grands défauts des
compagnies d’eau privées régulées en Angleterre.
UN
FUTUR
« MUTUEL » ?
Les propositions de mutualisation de l’industrie de l’eau n’auraient sans doute pas eu lieu si Ofwat n’avait pas réduit les plafonds de prix lors de la Revue Périodique de 1999. La réduction
du price cap eut une logique économique (rendre les gains de
« productivité » aux consommateurs, qui jusqu’en 1999 avaient
trop largement bénéficié aux actionnaires), et une évidence
politique, étant donné la pression du public pour réduire les
prix dans l’industrie, après une décennie d’augmentation des
prix et des hauts profits, durant laquelle les performances des
compagnies d’eau dépassaient de façon substantielle celles de
la bourse. Ne pas réduire les prix plafonds aurait approfondi la
crise de légitimité politique de l’industrie de l’eau. Toutefois,
ces réductions menacèrent sérieusement la viabilité économique de certaines compagnies.
Les propositions de mutualisation doivent être comprises
dans le contexte des processus plus généralisés de re-régulation
Dossier
95
Flux n° 52/53 Avril - Septembre 2003
et de restructuration de cette industrie. Dans le long terme, la
viabilité financière des compagnies verticalement intégrées et
financées par actions est incertaine. Ce faisant les compagnies
d’eau sont en train de répondre au dilemme auquel font face
toutes les compagnies qui possèdent encore des actifs : générer
suffisamment de revenus dans les activités régulées, à l’intérieur
d’une industrie à forte demande de capitaux, avec une demande stagnante et un potentiel de croissance de marché faible,
dépendre d’une croissance des prix qui, pour une ressource
partiellement non remplaçable et essentielle à la vie, pose des
questions d’équité et d’accès et résulte d’une pression publique
et politique pour garder des prix (monopolistiques) bas. Jusqu’à
maintenant, les propositions de restructuration et en particulier
la substitution des marchés d’obligations aux actions, soulage la
pression du taux de rendement, mais évite plutôt que ne résout
le dilemme central du cadre régulatoire.
La vague actuelle de restructuration ne doit pas être simplement comprise comme un abandon des mécanismes de
marché. Tout d’abord, ces propositions laissent indiscutée la
théorie redistributive de justice implicite dans le modèle de
privatisation et de commercialisation de fourniture de services
adopté en Grande-Bretagne, et qui place en priorité l’accès
aux biens matériels comme mode de satisfaction des besoins.
La commercialisation de l’industrie commença au début des
années 1980, quand le Water Act (1983) et la législation s’y
rattachant initièrent et formalisèrent la transformation de l’industrie de l’eau en Grande-Bretagne « d’un service public en
une organisation commerciale » (Penning-Rowsell et Parker,
1983, 170). Vers la fin des années 1980, les industries nationalisées furent caractérisées comme « des monopoles privés,
régulés publiquement et opérant selon des principes de marché modifiés » (Hay, 1996, 53). La privatisation et la mise en
place d’un cadre régulatoire de prix plafonnés consolidèrent
cette transformation. Ce service commercialisé offre un
contraste fort avec celui de l’ère de la nationalisation, durant
laquelle un service d’eau était considéré comme une précondition de participation à l’activité sociale, collective ; un
droit étendu à tous et à toutes. La privatisation et la commercialisation formalisèrent une transformation importante dans
les conceptions fondamentales de justice dans l’État providence, au travers du démantèlement de ce que Walzer (1983)
appellerait la « sphère de justice » des services d’utilités en
réseau et de la re-classification de leurs produits comme commodités (Bakker, 2001).
96
Dossier
Aucune des propositions de restructuration, à ce jour, ne
remet en question la commercialisation progressive de l’industrie, initiée en 1983 avec le Water Act et consolidée par la privatisation, positionnant l’eau comme un « business » plutôt
qu’un service, avec le but de maximisation des profits plutôt
que la fourniture d’un service (Bakker, 1999a). L’eau reste classée dans une catégorie, avec les autres commodités de réseau,
pour lesquelles les productivités générées par la propriété privée et l’exposition à la discipline de la compétition doivent être
en équilibre avec une sphère régulatoire restreinte à des
agences gouvernementales quasiment autonomes.
La commercialisation et la privatisation « envoyèrent (les
compagnies d’eau) dans une monde commercialement plus
orienté, dans lequel l’organisation était sous pression pour
démontrer, et par la suite de continuellement étendre, un retour
sur le capital employé » (O’Connell-Davidson, 1993, 1991).
L’impact de la commercialisation sur la main d’œuvre fut d’en
réduire la taille et aussi de réduire la part des employés bénéficiant d’un contrat « standard » direct, (un emploi stable à plein
temps, syndiqué, et avec des avantages associés {O’ConnellDavidson, 1993}). L’augmentation des contrats informels et à
temps partiel a permis aux directions, en général, de forcer les
travailleurs à faire des concessions — en termes d’horaires, de
méthodes, et d’intensité de travail — (O’Connell-Davidson,
1990). Ceci a en retour influencé les pratiques et modèles de
travail. Avant la commercialisation (i.e. avant le début et milieu
des années 1980), les compagnies étaient souvent organisées
selon des critères géographiques, reflétant la nature hautement
localisée des systèmes d’infrastructures hérités des précédentes
phases de rationalisation de l’industrie et d’amalgamation des
fournisseurs d’eau. Avec la commercialisation, les compagnies
d’eau furent souvent réorganisées sur des critères fonctionnels,
avec pour résultat une perte des connaissances « locales ».
Le processus de commercialisation et son impact sur la
« délocalisation » des compagnies vis-à-vis de la gestion des
ressources et de leurs capacités de réponse aux utilisateurs
(Page, 2002) ne sont pas affectées par les propositions de
restructuration. Au contraire, la commercialisation des activités
essentielles a été renforcée par la diversification progressive
des compagnies d’eau dans des secteurs non essentiels et non
régulés.
Les propositions de restructuration n’ont pas non plus réduit
la commercialisation des relations entre les utilisateurs d’eau.
Bakker - Du public au privé au… mutuel ?
La commercialisation impliqua une requalification des consommateurs comme clients plutôt que citoyens, une dépolitisation
délibérée de la régulation de l’eau au travers de la création de
régulateurs fonctionnant dans les conditions normales du commerce et de la concurrence, et un virage de l’équité sociale vers
une équité économique en terme de fixation du prix de l’eau,
donc une prise en compte de la volonté plutôt que de la capacité à payer — avec le fardeau de factures d’eau plus élevées,
touchant les consommateurs les plus vulnérables — (Bakker,
2001). La participation des consommateurs à la décision n’a
pas été significativement changée par cette restructuration
(Page, 2002). La résistance des consommateurs et des hommes
politiques à la commercialisation, qui fut articulée à un changement de politique (et aussi de gouvernement) au niveau
national (Leys, 2001), conduisit à la re-régulation de l’industrie,
qui fut une condition favorable de la restructuration, plutôt que
son résultat.
Enfin, les propositions de restructuration ne transforment
pas non plus substantiellement les droits des utilisateurs, renforcés par le cadre régulatoire de l’après privatisation. Les politiques contestées de redistribution dépendent d’un double
mouvement discursif : la reconfiguration des citoyens comme
clients, et l’environnement comme un « utilisateur » légitime,
dont les intérêts se doivent d’être pris en considération avec
ceux des consommateurs. Après la privatisation, le processus de
prise de décision en matière d’investissement en capitaux dans
l’industrie s’équilibre avec les intérêts des consommateurs et
leur « volonté de payer », contre la protection de l’environnement et les besoins de réhabilitation — un exercice de « coût
bénéfice » qui minimise la participation des travailleurs et tente
d’exclure les questions de capacité de paiement, en contraste
fort avec la période précédant la privatisation (Bakker, 2001). La
majorité des augmentations des factures d’eau des utilisateurs
domestiques a couvert des coûts d’amélioration de l’eau
potable, des eaux de baignade et des plages (7). La qualité de
l’eau des rivières en Angleterre et au Pays de Galles semble être
à son plus haut niveau depuis la Révolution Industrielle (EA,
2001 ; DEFRA, 2001). Cependant, les implications d’une amélioration constante de l’environnement sur les prix restent
contestées.
La réduction des prix lors de la Revue Périodique de 1999
impliqua une forte réduction de la taille du programme d’investissement et Ofwat rejeta la plupart des plans des compagnies pour une augmentation des « dépenses environnemen-
tales », citant le besoin de réduire le fardeau du coût pour les
consommateurs. Les luttes distributives, à propos de l’eau, ont
continué d’être articulées à travers un modèle de gouvernance,
qui place en priorité l’allocation par le marché (ou un marché
simulé) des intérêts des clients, des investisseurs et de l’environnement, en contraste avec une approche centrée sur les intérêts de la triade « citoyens, État, travailleurs » qui caractérisa les
industries nationalisées. Contrairement aux appels plus radicaux, faits internationalement, pour une alliance entre les
consommateurs, les travailleurs et l’environnement dans la
restructuration de la gestion de l’approvisionnement en eau (tels
que la « Vision 21 » du Water Supply and Sanitation
Collaborative Council, la Déclaration de Cochabamba, le
Manifeste de l’Eau du Groupe de Lisbonne et la Déclaration du
P7, à leur quatrième sommet en 2000), les propositions
actuelles de mutualisation et autres sociétés de propriété, poursuivies jusqu’à maintenant dans l’industrie de l’eau anglaise ne
devraient pas perturber de façon significative le modèle de gouvernance sous-tendant la privatisation. Ceci n’implique pas que
les propositions de restructuration poursuivies jusqu’à maintenant dans l’industrie de l’eau seront des échecs, mais ceci
conteste les interprétations de ces modèles comme une remise
en question fondamentale de la gouvernance des services
publics en Grande-Bretagne.
Karen Bakker
Assistant Professor
Department of Geography - University of Bristish Columbia
téléphone : 1 604 822 6702 - fax : 1 604 822 5870/6150
email : [email protected]
Dossier
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Flux n° 52/53 Avril - Septembre 2003
NOTES
(1) Par simplification nous utiliserons le terme « compagnie
d’eau » pour désigner ces Regional Water Corporations en charge de tout le cycle de l’eau : pompage, traitement, transport,
distribution, épuration.
(2) Utilité, pour utilities, qui désigne les activités en réseaux,
régulées.
(3) Cette privatisation ne changea pas la situation des petites
compagnies privées (statutory water companies), engagées
exclusivement dans la fourniture d’eau (descendantes des compagnies d’eau statutaires établies au XIXe siècle) ; elles reçurent
une licence pour fournir des services d’eau à leur clientèle précédente.
(4) Ce problème est connu des économistes comme : variation de l’effet de Averch-Johnson identifié en rapport avec la
régulation des taux de rendement (Averch et Johnson, 1962 ;
Helm et Yarrow, 1988).
(5) Notion, qui correspond au rapport entre le profit net et
les dividendes.
(6) Sur ce point et les suivants, voir Ofwat, 2000d, pp. 4-5.
(7) Programme d’investissement dans les infrastructures
d’assainissement, demandées par les directives européennes et
appuyées par les pressions locales des campagnes d’associations, telles que les Surfers Against Sewage (Ward, 1996).
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Dossier
99

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