ecrits sur le mexique a

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ecrits sur le mexique a
Passages
ECRITS SUR LE MEXIQUE
La rencontre de trois cultures
vécues par une Québécoise
vivant à l’ouest du Cannada
en visite au Mexique
dans la Bahia de Navidad
par Fleur de Soleil
1
2
Passages
Mex97.1
-Rayon Un:
-Titre
-Contenu
-Réflections
-Extrait de livre
D'abord et avant tout
1
2
4
2
1
1-Lettre à Evelia de Melaque en français
4
2-Carta para Evelia de Melaque en espagnol 4
3-Carta para Susana de isla de Vancouver 1
1
2-3
4-7
8-9
10
11-14
15-18
19
Rayon Deux: Voyages à l'in et à l'ex du pays du coeur:1
20
1-La ronde du départ et les éternelles mêmes ?5
2-Ça ne coute rien de rêver
3
3-Avant de commencer ailleurs... quoi?
3
4- Anciennes connaissances et nouvelles explorations
10
5-La journée à Yelapa sur le Sarape
6
6-Le vrai départ
3
21-25
26-28
29-31
32-41
42-47
48-50
Mex97.2 Rayon trois:
Premiers contacts
1-Les alentours de l'hôtel sans nom
2-Me fondre dans le paysage
3-Je n'irai plus manger de mangues
4-La destinée à la pleine lune
Mex97.3Rayon quatre:
Un peu plus loin:
1
51
8
2
3
3
52-59
60-61
62-64
65-67
1
68
1-La Saint-Valentin à Melaque
4
69-72
2-Le" baby shower" de Chayo
5
73-77
3-La portée des mots (ou les maux des mots) 5
78-82
4-A la mitad de mon voyage, le 40 ième jour 2
83-84
5-Une fiesta pour les 20 ans d'Eli
5
85-89
6-Dire à quelqu'un le secret de mon coeur 2
90-91
7-Encore plus de magie
4
92-95
Mex97.4Rayon cinq:Album d'amitié:Que révèle-t-on aux ami(e)s
au sujet de soi, des personnes et des lieux inconnus d'eux:
1
96
1-Lettre à François de l'Outaouais
8
97-104
2-Lettre à Tim de Vancouver
8
105-112
Rayon six:
1
113
1-L'heure de pointe à Melaque
2-"Être" à la plage en fauteuil roulant
3-"La consigne, c'est la consigne"
4-"Embarquons-nous pêcheurs"
5- No tengo dinero mais une bouche
de plus à nourrir
Au coeur de la vie:
3
3
7
7
3
114-116
117-119
120-126
127-133
134-136
Fin du premier cahier
1
137
Passages
Mex97.5Rayon sept: Journal intime
Les secrets de coeur:
1-La suite de la Saint-Valentin
2-La routine sans Enrique
3-Enrique dans le décor
4-Les aveux d'Enrique
5-Le coeur en déroute
6-Je reprends ma liberté intérieure
7-Les adieux
8-Réflexions
9-Le dernier souper de la gang
Mex97.6Rayon huit: Et la vie continue!
La San Patricio à Melaque
1
13
6
7
4
5
6
1
2
2
138
139-151
152-158
159-165
166-169
170-174
175-180
181
182-183
184-185
1
186
5-La Plaza de Toros à la San Patricio 6
5- Les lendemains de la San Patricio
6- El Jardin à la San Patricio
Rayon neuf:
Les touristes mexicains
1- La femme aux plusieurs noms
2- La gang:
Vendredi 21 mars
Samedi 22 mars
Dimanche 23 mars
Rayon dix:
Encore des célébrations!:
1-Le premier bal
2- La semana Santa à San Patricio
3- Le Vendredi Saint à la plage
4-Le Vendredi Saint au village
5-Le baptême, c'est manana
6-Dimanche de Pâques
Rayon onze:
Toute bonne chose à une fin:
1- Le départ
2-Le choc culturel du retour
3-Etat de contes
4-La fin
Rayon douze: Ce n'est qu'un début
187-190
191
3
4
Passages
Réflections
sur les facettes, sur les mille feux, sur les soleils intérieurs, sur
les graines semées de mon jardin intérieur et extérieur et celui
des personnes et des lieux que j'ai rencontré sur mon chemin.
Un exercice d'écriture par pur plaisir
pour occuper mon temps à être
pendant que j'essaie
d'améliorer ma santé,
en augmentant la qualité de vie
à la chaleur et au soleil
du Mexique, à Melaque,
dans la Bahia de Navidad
en cet hiver 1997
La première nouvelle, "Je n'irai plus mangé de mangues"
fut celle qui cassa la glace pour me permettre d'écrire sur la
première page blanche d'un livre blanc au couvert rouge, que
j'avais emporté avec moi pour mettre au propre un certain journal
de voyage pour mes souvenirs personnels à enfouir au fond d'un
tiroir avec les photos qu'on regarde une fois de temps en temps
quand un ami curieux en mal de voyage s'intéresse à ce que tu as
fait au soleil du Mexique. Ouf!
Blanc
commes les lymphocytes
qui sanctionnent la santé
de notre système immunitaire.
Rouge
comme des millions de soleil
qui respirent dans le fleuve intérieur
de notre corps physique.
Les trois québécoises qui m'ont raconté l'évènement de la
première nouvelle, m'ont inspiré pour l'écriture de ces pages, et
Passages
5
assez fortement pour que je me sente des ailes de raconteuse, de
storyteller comme on dit dans l'ouest. A cet instant je me suis
trouvée sur la scène de l'écriture, car pour raconter des histoires il
faut un public. Et le public c'était moi. Je me racontais des
histoires pour me tenir éveiller à la vie, pour m'enrichir de
l'expérience du moment, en saissisant l'esprit créateur qui passait,
pour le pur plaisir d'écrire. De retour en B.C., j'ai transféré les
récits du livre rouge à l'ordinateur. J'ai découvert que
symboliquement cette nouvelle représentait aussi ma vie et celle
de toute personne qui s'ouvre aux mystères de l'inconnu et se laisse
bercer par le flot quotidien de surprises, la mort et la renaissance,
comme une mue nous laissant à chaque fois plus sensible et plus
vulnérable mais plus proche de soi.
Ces trois femmes sont les actrices du deuxième récit. Après
avoir accouché du récit de leur mésaventure, j'ai aussi découvert
qu'elles exprimaient aussi la chance que j'ai d'être encore en vie et
de pouvoir être un témoin de ce que je vivrai au cours de ce
deuxième voyage au Mexique.
Ces histoires-tableaux décrivent la vie quotidienne avec
les gens de la place autour de laquelle je gravite et aussi un miroir
à travers lequel j'effectue des plongées sous-marines dans les
mémoires de mon vécu antérieur. J'ai fait la découverte qu'au fil de
l'écriture il y a des connections toujours présentes avec le passé.
J'ai choisi de laisser libre cours à ce que ma main voulait écrire en
essayant de ne pas juger ce que j'écrivais, n'étant pas attachée à
une feuille de papier, ni m'identifiant avec le produit. Je ne suis
pas cette histoire ou cette mémoire, j'en fais partie comme je fais
partie de l'univers, un petit grain de sable mouvant.
J'ai commencé par écrire sur un côté de page, me disant
que l'autre côté me servirait de miroir pour d'autres réflections, ou
pour des tentatives de dessins, pratiquant à chaque matin pendant
le premier mois de mon séjour, ma méditation avec la nature par
une aquarelle, assise en face de la mer, dans cette baie tranquille
au lever du jour. J'ai essayé de transposer dans mon écriture la
même philosophie que celle que j'applique à ma peinture: la
thérapie par l'art. J'ai peint des paysages intérieurs inspirés de la
6
Passages
nature, de la même façon que j'ai décrit des scènes extérieures
ayant des échos dans mon être intérieur. Je fus très touché par le
livre de Michell Cassou et Stewart Cubley: "Life, Paint and
Passion".
Ce livre parle du processus de peinture pour le processus luimême, non pour le produit. C'est ce que j'ai essayé de pratiquer.
Quand je fus rendue au bout du livre, j'étais très étonnée d'avoir
tant écrit et découvrir que j'avais encore des récits à mettre au
propre.
J'ai tourné le livre de bord et j'ai recommencé sur l'autre
page. Je ne suis pas revenue à reculons ou à l'envers comme on
pourrait y penser au premier abord, mais plutôt comme un service
à rendre à ceux qui ont un handicap physique avec leurs mains et
avec leurs yeux. Quand on a terminé la lecture d'une page, on n'a
qu'à la tourner et pas besoin d'ajuster le livre à notre vue. Quand
on a terminé de lire toutes les pages de droite, on n'a qu'à retourner
le livre et de poursuivre la lecture encore sur les pages de droite.
De voir les pages de gauche à l'envers n'est pas distrayant car on
ne sait pas ce qu'il y a d'écrit, à moins d'avoir développé une
technique de lecture particulière comme j'ai déjà vu chez certains
enfants, qui avaient appris à lire en surveillant leur frère ou soeur
plus âgé apprendre à lire et eux assis en face, intrigués par le
processus, l'avait appris à l'envers.
Alors voilà que j'aimerais bien le publier de cette façon. Je
sais qu'il y a des publications bilingues qui sont faites aussi. Voilà
je suis une bilingue au Canada, mais pour le moment, l'original est
en français avec des écarts de langage en anglais et en espagnol
quand je trouve que c'est plus savoureux ainsi.
Ce n'est pas un livre de découvertes touristiques, mais
plutôt la célébration des évènements ordinaires par des gens
simples et vibrants d'énergie, m'ayant ouvert la porte dans leur
univers quotidien. Avec mes lunettes de femme ordinaire et ne
pouvant me déplacer comme une touriste ordinaire, j'ai apprécié
plonger au coeur de ces famille et des gens de ces villages.
Passages
7
Je suis revenue chez moi avec un trésor devenu projet de
livre à publier pour les remercier de leur amitié, de leur attention à
mon égard et contribuer aussi à l'amélioration de la qualité de vie
des personnes ayant des handicaps physiques.
J'aimerais leur offrir à mon tour avec les profits de la vente
de ce livre, l'$ nécessaire pour la construction d'une rampe d'accès
à la plage pour les personnes en fauteuil roulant ou toute personne
qui a des difficulté d'accéder à la mer: je pense aux parents qui
poussent les carosses des bébés, aux personnes âgées qui ne vont
plus à la plage car c'est trop difficile d'avancer sur le sable mou,
aux personnes qui sont en réhabilitation de toutes sortes, et aux
personnes ordinaires qui choisissent toujours le plus facile d'abord.
Et puis pour les touristes du Canada ou d'ailleurs ayant un
handicap physique ça sera un endroit accessible financièrement et
physiquement. Alors un ndroit spécial sera mon legs à ce village.
Quand je retournerai l'an prochain, je trouverai les
personnes nécessaires pour l'achèvement de ce projet. Au cas où il
n'y aura pas de possibilités après avoir avoir rencontré toutes les
parties impliquées pour la réalisation d'un tel projet, je donnerai
cet argent à une cause humanitaire pour les personnes ayant des
problèmes de mobilité.
Merci
de votre contribution
à ce projet
Fondation Fleur De Soleil
P.S. Voilà à quoi je rêvais ce matin à mon réveil. Ça me trottait
dans la tête jusqu'à ce que je l'écrive à l'ordinateur pour ne pas
l'oublier. Quand la lune est en Balance, elle est sous l'influence de
la planète Vénus.et les gens ont une forte sensibilité et attraction
pour les autres. C'est un bon temps pour former des partenariats de
toutes sortes: amitié, mariage, affaire. Contente d'avoir saisi cette
inspiration en ce jour de balance et d'harmonie. Merci à la Lune, à
la veille de son ventre plein!
Fleur de Soleil, Ile de Vancouver, B.C. 21 avril 1997, matin ensoleillé.
8
Passages
From the Lacandon Dream Symbolism and
Interpretation
Voici un extrait d'un livre qui m'a frappé au moment de
commencer à écrire dans mon livre rouge et blanc. La première
semaine de mon arrivée à Melaque, j''ai trouvé ce vieux livre laissé
par un touriste de passage au petit hôtel sans nom. Je l'ai lu et je
l'ai mis dans mes bagages pour l'apporter à mon amie Diana qui
habite sur l'île de Vancouver et qui est anthropologiste . Si elle l'a
déjà lu je le donnerai aux aborigènes de Qualicum.
Ce livre non plus n'a pas de nom ... d'auteur, car plusieurs
pages du début manquent. Sauf sur la couverture, est inscrit Bruce
et EUPAM. Dans la bibliographie j'ai découvert qu'on parlait du
volume 2. Alors voici l'information du livre 2 publié en 1970
Bruce S., Roberto D., Carlos Roble U. y Ma. Enriqueta Ramos Ch.
Los Lacandones: 2-Cosmovision Maya.
Depto. de Investigationes Antropologicas, I.N.A.H., Pub. No.27
Mexico
En introduction à la page 2: "The Lacandon Indians of
Chiapas, the southermost state of Mexico, are the least accultured,
the most traditional and conservative, of the Peninsular Mayas".
Voici ce que j'ai noté au moment de ma lecture. Ça m'a très
impressionné et donner des assises pour améliorer ma vision des
différences.
Page 122: "Technology provides us with the means of
doing things; it is, in fact simply the means of doing things.
Occidental firearms or medical facilities can take or preserve life
(respectively) more efficiently than their equivalents in any
historic or contemporary culture we yet know of, but they tell us
nothing about the value and meaning of life. Our tools and
machinery do our work more efficiently than ever before, but they
do nothing toward selecting our goals nor the work we undertake
(except possibly, by extending the limits of that which is possible).
Modern transportation permits us to travel faster than the gods of
Passages
9
the Ancient World, whose chariots flew only "as fast as the wind",
butit does not tell us where we are going, nor why.
"Technologies may properly be classified as "superior or
inferior" or even as "good or bad". This is because tools and
material artifacts may be judged by the universal criterion of how
efficiently they do what they are supposed to do. A bulldozer or a
steam shovel is superior to a digging stick, because it performs the
same operation hundrerds of times more efficiently,"....But on
what scale of values may we judge the persons who use these
artifacts?"
"...In performing mechanical operations, we "civilized"
people are definitely superior to people with inferior technologies,
but this superiority is simply not proven in any other field, such as:
music, arts, athletics, jurisprudence, mental health, education,
religion, philosophy, etc. We Occidentals might do well to count
slowly to ten before calling anyone, except possibly certain
members of our own society, "savages" or "primitives"".
Page 97: "Spatial concepts, like all other concepts, are
formed in the mind. The physical dimensions of things, from
which these concepts were abstracted, are perceived by the senses
which may be traced to physical parts of the human body. For
example, we perceive the dimensions of things by sight (our eyes),
by touch (the skin), or sometimes by hearing ( our ears). With
what organ do we perceive whatever it is from which we abstract
the concept of time? This question is perhaps a bit more difficult to
come by than its answer; as a moment of reflection will produce
the only possible answer: the heart".
Oui, c'est ça,
le temps du coeur!
Merci pour l'opportunité
d'avoir eu ce livre entre les mains!
Fleur de Soleil, Hôtel sans nom, Melaque, 22 janvier 1997, matinée
10
Passages
Rayon Un
D'abord et avant tout
Passages
11
3a- Lettre à Evelia de Melaque
Île de Vancouver
5 octobre 1996
Chère Evelia,
Enfin, enfin enfin... Depuis le temps que je veux vous
écrire et la réalisation de ma lettre il y a eu 7 lunes. Presque autant
de temps que pour mettre au monde un bébé. Le printemps a été
difficile pour moi au Canada car il faisait trop froid. J’étais donc
prisonnière dans ma maison, moi qui avait été gâtée en vivant
dehors pendant 8 semaines. Et puis je n’aimais plus la décoration
intérieure de ma maison. Alors mon fils a peinturé la cuisine, le
salon et la chambre de bain et des ami(e)s m’ont aidé à replacer
l’ameublement et à mettre sur les murs les peintures et les
décorations. Et puis j’ai changé tous les rideaux de la maison. Tu
sais comment j’aime réutiliser les choses en les transformant. Ma
mère m’a envoyé par la poste une paire de rideaux de dentelles
qu’une voisine lui avait donnés. Je les ai transformés pour
remplacer les autres rideaux du salon. Et voilà ce que j’ai fait
pendant tous ces mois depuis que je suis revenue de San Patricio.
J’ai utilisé tout ce que j’avais acheté au Mexique dans ma maison.
C’est très inspirant et ça me donne le goût d’y retourner car
l’automne ici est commencé. La pluie et l’humidité avec le froid
me donne mal dans mon corps. C’est donc le temps de penser à
partir encore une fois durant l’hiver.
Durant l’été j’en ai profité pour êre dehors le plus possible:
lire, coudre, jardiner, aller me promener au bord de la mer ou dans
la petite forêt le long de la rivière dans ma chaise roulante spéciale
et me reposer dans mon hamac. Je fais aussi du bénévolat pour
aider les autres dans différents domaines. Je travaille sur un projet
avec d’autres personnes qui rendra la ville accessible à tous.
L’autre projet est avec les enfants de 5-12 ans pour les aider à
passer à travers l’épreuve d’une mort dans leur famille ou la
séparation d’un parent. Je travaille avec le groupe des 8 ans.
12
Passages
17 octobre 1996
Je reviens de Vancouver ou j’ai passé quelques jours pour
rencontrer des amies et aller voir des films au Festival
International de Films de Vancouver. J’ai vu un film sur Mexico:
Midaq Alley. J’ai bien aimé. J’ai vu et parlé avec Maryan à
plusieurs reprises les dernières semaines. Elle va bien. Elle a
recommencé sa pratique comme psychologue. C’est bon d’avoir
des nouvelles des personnes de Melaque. J’ai donc appris les
transformations que vous avez faites à votre petit hôtel. C’est
sûrement bien fait, beau et pratique avec vos talents et ceux de
Raphaël. Je suis sûre que vous avez dû travailler fort encore une
fois pour terminer une autre étape de votre projet. Une des choses
qui m’a frappé chez vous c’est votre sens du travail et de
l’économie et toute l’ardeur et l’amour que vous mettez dans
votre entreprise. J’ai beaucoup apprécié la propreté de l’endroit et
sa tranquillité. C’était facile pour moi d’aller à la plage, n’ayant
pas à marcher beaucoup pour m’y rendre. Et la plage était la
place idéale pour me baigner car les vagues ne sont pas trop
fortes à cet endroit de la baie. J’ai donc gardé un excellent
souvenir de mon séjour parmi vous, et d’avoir pu rencontrer les
membres de votre famille, qui sont plaisants et intéressants.
J’ai fait un album de photos de Melaque. Ca me rappelle
des très bons souvenirs. Entre autre, le dimanche que nous
sommes allés là-haut sur la colline avec la musique qui jouait à
tue-tête. La Plaza del Torro et la San Patricio. Nos placotages au
fil des jours et moi apprenant un peu plus d’espagnol chaque jour
grâce à votre bonté et votre patience. Les levers de soleil que je
peignais tous les matins. Et la chansonViolette. Et toutes nos
conversations sur la vie et la politique avec vous et votre mari. Et
Rapha pratiquant un peu d’anglais avec moi et Anna faisant une
peu de lecture ou de math avec moi. En ce moment, à chaque
semaine, j’écoute à la télé un programme pour apprendre
l’espagnol. Ça s’appelle Destinos. Je comprend assez bien, mais
c’est plus difficile pour le parler. J’ai commencé avec une amie à
reviser nos livres d’espagnol pour ne pas perdre la langue. J’ai
aussi un ami du Guatemala qui vit pas loin d’ici, qui s’appelle
Enrique, et qui va m’aider à traduire cette lettre du français à
Passages
13
l’espagnol. Avec lui je veux travailler les verbes.
Mon fils qui a maintenant 23 ans étudie cette année à
l’université pour avoir un diplôme en construction domiciliaire.
C’est un domaine qui l’intéresse. Il avait déjà bâti 2 maisons avec
un menuisier, avant de prendre le cours. Il préfère cela plutôt que
d’étudier pour devenir professeur d’éducation physique. Il espère
trouver du travail au mois de juin 97. La vie n’est pas facile ici
pour les jeunes. Il y a trop de personnes âgées dans le système et
pas de place pour les jeunes qui sont souvent surdiplômés. J’espère
que la chance sera avec lui car il est un bon étudiant et un très bon
travailleur et aussi un bon gars. Je suis fier de lui.
20 octobre
J’attends des nouvelles de mon agente de voyage pour
finaliser les détails de mon prochain séjour à Mélaque. Je devrais
partir le 14 janvier 97 et revenir le 1er avril 97. J’arriverais à
Puerto Vallarta le soir. Je passerai peut-être quelques jours là. Je
serais donc à Melaque le 15 ou quelques jours après dépendant de
mon énergie après mon arrivée à P.V. Je voudrais donc réserver
une chambre comme l’an passé jusq’au 1er avril au matin. Je
passerai donc Pâques à Melaque. S.V.P. me confirmer par fax si je
peux louer une chambre de votre petit hôtel et combien ça coûtera
par mois, avec privilège d’utiliser la cuisine. Je me suis rappelée
que je vous avais dit si je revenais à Melaque je vous apporterais
un seau spécial pour la moppe. Après avoir vu Maryan, je suis
allée à le ferronnerie et j’ai trouvé le seau. Voilà une belle surprise
pour Evelia. C’était le dernier. Je l’ai donc acheté. Ça devrait être
plus facile pour laver et moins épuisant. J’apporterai cela avec mes
bagages (je dois trouver un moyen de mettre cela dans une boîte
ou un sac car ça fera drôle de voyager avec un seau) ainsi que des
photos pour vous, la famille, Perla,Viva Maria d’autres personnes
sur les photos que je ne connais pas.
24 octobre
J’envoie mes salutations à Dona Metche, Perla, Dr.
Roberto et autre personnes que j’ai connues à Melaque. J’ai grand
plaisir à penser que je serai au chaud et au soleil avec du monde
magnifique dans moins de 3 mois.
14
Passages
Je salue votre famille et j’espère que la santé de tout le
monde va bien, que les enfants vont bien et que la petite Anna se
porte bien et va bien à l’école. J’ai hâte de retrouver votre belle
famille et de placoter en espagnol. C’est tellement spécial de
pouvoir parler la langue des gens chez qui on habite et de
partager leur culture. C’est une richesse pour le coeur et pour
l’esprit que de rencontrer et connaître des gens sur la planète
Terre, de partager nos savoirs et nos talents pour tenter
d’améliorer notre sort et finalement d’espérer pour un futur
vivable pour nos enfants.
Sur ces mots philosophiques je vous laisse et attends de
vos nouvelles dans les plus brefs délais. S’il y a des choses que
vous aimeriez avoir et que vous ne trouvez pas au Mexique
laissez-moi savoir et peut-être que je peux trouver ici et les
apporter avec mes bagages si ce n’est pas trop gros ou trop lourd.
Conservez le reçu du fax et je vous paierai à mon arrivée avec la
location de ma chambre.
Au revoir.
Adios.
Bye bye
N.B. Une surprise. Ma mère viendra passer 3 semaines avec moi
en novembre. Elle habite Montréal Elle aime coudre avec moi .
J’ai différents projets de couture. C'est merveilleux!
Fleur de Soleil, 24 octobre 1996
Passages
15
3b- Carta para Evelia de Melaque
5 de Octubre 1996
Querida Evelia,
Al fin, al fin, al fin... Hace 7 lunes que te he estado
queriendo escribir. Casi el mismo tiempo que se toma traer un nino
al mundo. La pimavera hasido dificil para mi porque a hecho
mucho frio. He estado como prisionera en mi casa, despues de
haber tenido la suerte de estar in Mexico por 8 semanas al aire
libre. Luego me puse a cambiar la decoracion interior porque no
me gusto despues de que regrese de Mexico. Asi que mi hijo pinto
la cocina, la sala y el bano. Mis amigos me ayudaron a volver a
poner los muebles y la decoracion. Tambien cambie todas las
cortinas de la casa. Usted sabe como me gusta transformar las
cosas. Mi mama me mando por correo un par de cortinas
adornadas con encaje. Las transforme para reemplazar a las que
tenia antes. Y eso es tado lo que he hecho desde que regresse de
San Patricio. Use todo lo que compre en Mexico en mi casa. Esto
me ha inspirado mucho y tengo deseo de regressas ahora que ha
empezado el otono aqui. La lluvia, la humedad y el frio me hacen
mal. Es pues hora de regresar una vez mas durante el invierno.
Durante el verano aproveche para estar afuera: leyendo,
cosiendo, haciendo jardineria, descansado en la hamaca. Tambien
trabaje voluntariamente ayudando a otros en diferentes cosas.
Estoy trabajando en un proyecto para hacer mas accessible la
ciudad al publico. Estoy trabajando en otro proyecto ayundando le
ninos (de 5 a 12 anos) que han perdido un padre, madre o
hermano, yo estoy trabajando con los de 8 anos.
16
Passages
17 octubre
Regrese de Vancouver en donde estuve un par de dias
para ver a mis amigos e ir al cine. Alli vi una pelicula sobre
Mexico: Midaq Alley. Que me gusto mucho. Vi a Maryan y
hable con ella varias veces en las ultimas semanas. Esta muy
bien. Volvio a empezar sus practicas de psicologia. Es bueno
tener noticias des personas de Melaque. Supe de la
transformationes que le hiceron a su hotelito. Esta muy bien echo
bonito y practico con sus talentos y los de Rafael. Seguramente
que trabajaron muy duro otra vez para terminar otra etapa de su
proyecto. Una de las cosas que mas me impresionaron fue su
sentido del trabajo y de la economia y todo el ardor y el amor que
ponen en su empresa. Aprecie mucho la nitidez y la tranquilidad
de lugar. Era facil para mi ir a la playa, no tener que caminar
mucho para llegar alli. Esa playa era el lugar ideal para banarme
ya que las olas no eran muy grandes en es esa parte de la bahia.
Asi pues que tengo muy buenos recuerdos de mi estancia con
ustedes y de haber podido conocer a los miembros de su familia,
que son muy agradables e interesantes.
Hice un album de fotos de Melaque. Me trae muy buenos
recuerdos. Como el domingo que fuemos al cerrito con la musica
mexicana a todo volumen en el camion. La Plaza de Toros, La
San Patricio. Nuestras platicas de todos los dias, y cuando fui
aprendiendo espanol cada dia gracias a su bondad y paciencia.
Los amaneceres que pinte todas las mananas y la cancion
“Violette”. Todas nuestras conversaciones sobre la vida y la
politica con usted y su marido. Y Rafa practicando su ingles
conmigo y Anna leyendo o haciendo matematicas. Yo miro ahora
un programa de television para aprender espanol. Se llama
Destinos. Lo entiendo bastante bien, pero es mas dificil hablarlo.
Comence con una amiga a revisar nuestros libros de espanol para
no perder la practica. Tengo tambien un amigo de Guatemala,
que vive no muy lejos de aqui, que se llama Enrique, y que me
esta ayudando a traducir esta carta del frances al espanol. Con el
voy a estudiar los verbos especialmente el pasado.
Passages
17
Mi hijo que tiene ahora 23 anos, estudia este año en la
universidad para obtener un diploma en construccion de
domicilios. Es un area que le ineresa. El y a habia construido 2
casas con un carpintero ntes de tomar el curso. El prfiere eso a ser
profesor de educacion fisica. Espera encontrar trabajo en junio del
97. La vida aqui no es facil para la gente joven. Hay demasiadas
personas mayores en el sistem, y no hay lugar para los jovenes,
que a menudo tienen varios diplomas. Tengo la esperanza de que
la suerte estara de su lado, pues es un buen estudiante y muy buen
trabajador y tambien un buen muchacho. Estoy orgullosa de el.
20 octubre
Espero noticias de mi agente de viajes para terminar los
detalles de mi proxima estadia en Melaque. Tendre que partir el 14
de enero del 97, y regresar el primero de abril. Llegare a Puertao
Vallarta por la noche. Taluez pase unos dias alli. Luego estare en
Melaque el 15 o unos dias despues, dependiendo de mis energias
despues de llegar a Puerto Vallarta. Me gustaria pues, reservar una
habitacion como el ano pasado hasta el primero de abril por la
manana. Pasare pues, la Semana Santa en Melaque. Por favor
confirmenme por FAX si puedo alquilar un cuarto de su hotelito,
asi como el precio por mes, con uso de cocina. Me acorde que le
dije que si regresaba a Melaque, les treria una cubeta especial para
el trapeador. Despues de ver a Maryan, fui a la ferreteria y
encontre la cubeta. Sera un buen regalo para Evelia. Era la ultima
que tenian, asi que la compre. Sera mas facil para trapear y con
menos esfuerzo. La llevare con mi equipaje (tengo que hallar la
manera muy divertido viajar con una cubeta), al igual que
fotografias para usted, de la familia, de Perla, de Viva Maria y de
otras personas en las fotos que no conosco.
24 Octubre
Le mando saludos a Dona Meche, a Perla, al Dr. Roberto y
a otras personas que conoci en Melaque. Me da un gran gusto
pensar que estare en el calor y al sol con gente magnifica en menos
de 3 meses.
18
Passages
Saludos a su familia, y espero que todos esten bien de
salud, que los ninos esten bien y que la pequena Anna le vay a
bien en la escuela. Tengo deseos de volver a ver a su linda
familia y de platicar en espanol. Es tan especial poder hablar el
idioma de la gente donde uno esta y compartir su cultura. Es un
enriquecimiento para el corazon y el espirit conocer a personas
del planeta Tierra, de compartir nuestras sabidurias y talentos
para mejorar nuestras vidas y para dar un mejor futuro para
nuestros hijos.
Con estas palabras filosoficas los dejo y espero sus
noticias lo mas pronto posible. Si hay algo que quieren que les
lleve que no se pueda conseguir en Mexico, diganmela y talvez
pueda encontrar yo aqui y llevarlo con mis maletas siempre y
cuando no sea muy grande o pese mucho. Guarde el recibo del
FAX y yo le pagare al llegar con el lugar de mi cuarto.
Adios.
Bye bye.
Au revoir.
N.B. Una sorprisa para me fue que mi mama va venir a visitarme
de Montreal, por 3 semanas en noviembre. Ella quiere coser
conmigo diferentes proyectos de costura! Bueno!
Fleur de Soleil, 24 octubre 1996
Passages
19
4- Carta para Susana
Querida Susana,
Estimoda Susana al fin pude contestar tu carta porque vino
Maryan para que te llevera la carta porque el fax no pudo entrar la
puse como unas diez veces y siempre estaba fuera de servicio, no
es que no hay a querido mandarlo eso es el motivo por el quano
recibiste la contestacion.
Mira Susana estoy cobranda N$60.00 pesos por persona
por un dia pero mes N$1,500.00 pesos por persona o N$50.00
pesos por un dia y en Semana Santa cobro N$80.00 pesos. Susana
meda mucho gusto saber que estan bien y que te has ensanado
hablar espanol y no aprendo nada el idioma Ingles no sirvo para
estudiar no tengo nada de tiempo nada mas me la pasa trabajando
estoy un poco enferma pero espero que Dios pronto me manda al
alibio para cuando venga poder atendar los bien tambien e tenido
algunas momentos de alegria con mi familia nos hemos divertido
mucho en esta vida hay de todo es lo bueno te manda.
Saludos. Ana Karen, Rafa, Gaby, Rafael esperamos tener te
pronto con nosotros.
Recibe un abraso. Fuerte y un beso de mi parte.
Evelia, 12 de Diciembre 1996
20
Passages
Rayon Deux
Journal de bord
Voyages à l'intérieur
et à l'extérieur du pays du coeur
Passages
1-La ronde du départ et les éternelles même questions
Tous les détails auxquels il faut penser
avant de quitter un endroit
pour aménager ailleurs pour un certain temps
Les listes pour ne rien oublier,
les achats de dernières minutes,
les téléphones aux ami(e)s, aux parents,
le triage des vêtements d’une autre saison,
les objets de choix à apporter,
la maison à ranger pour les trois mois à partir,
la rencontre des personnes
qui s’occuperont de la maison pendant l’absence,
les médicaments et les suppléments en quantité suffisante
Tout cela fait beaucoup de temps de planification
et d’energies dépensées
pour finalement atteindre le jour du départ.
Le dernier matin.
Le long bain,
le lavage des cheveux,
le rangement des articles de toilette dans la valise
en pensant à ne pas oublier
la brosse à dents et le dentifrice,
la brosse à cheveux et le shampoing,
le dernier déjeuner et les restes de frigo à donner,
les grignottes à apporter,
dépendant dans combien de temps
la destination sera atteinte,
le nombre de suppléments à apporter avec soi
jusqu’à destination,
le débranchement des apparareils électriques,
la réduction du chauffage au minimum
pour prévenir le gel ou la moisissure,
les dernières recommandations aux personnes
en charge de la maison et la remise des clés,
la vaisselle à laver et à ranger,
les plantes à arroser et à grouper ensemble.
21
22
Passages
Et finalement l’arrivée tardive du chauffeur
pour conduire la voyageuse au terminus d’autobus de l’île.
Un autobus qui l’amènera sur le traversier
et la déposera à l’autre terminus du centre-ville
une fois traversé le détroit de Georgia,
entre l’île de Vancouver et Vancouver, B.C.
Ouf! Ai-je oublié quelque chose?
Enfin assise dans le traversier flottant entre deux terres,
à écrire ces détails et prendre un grand souffle,
pour enfin réaliser combien je suis fière
de tant d’accomplissements sans être exténuée.
Le coeur rempli de gratitude pour les personnes
qui ont contribué à la réalisation de ce voyage.
Mes remerciements à Dame Nature pour se montrer si clémente.
Moi vêtue en été mais bourrée de pelure par-dessus pelure.
Un oignon, comme dirait ma mère!
En attendant de faire le strip tease
quand la chaleur du Sud,
commencera à se faire sentir trop lourde.
Comme si enlever des pelures rafraîchissait!
Comment font donc les Touaregs dans le désert,
enveloppés dans leurs burnous, sans fondre au soleil?
L’objectif?
Ne plus avoir rien qui colle à ma peau,
sauf le maillot
encore obligatoire dans les endroits publics,
exception dans certains lieux bien privilégiés.
Comme si la nudité était un privilège,
ou plutôt un sacrilège
alors que nous naissons tous
en costume d’Adam ou d’Eve,
selon notre destinée!
Passages
23
Durant le hippisme des années 70, à Morin Heights,
Québec nous vivions nus nous sept, à la Commune Cadet Roussel,
antérieurement nommé “"?", en quête d’identité à cette époque,
ainsi que tous les visiteurs libres de circuler et de se baigner à leur
guise dans le déguisement qui leur plaisait, Tout le temps que nous
étions enceintes Ginette et moi, nous nous sommes promener les
bedaines à l’air, gonflant au soleil, jusqu’au mûrissement du fruit
de fin d’été 73.
Sur la terre louée à Montpellier, Québec, héseber nue le
jardin en chantant ou en méditant, seule ou avec des ami(e)s, pas
toujours à l’abri de l’oeil du propriétaire. Que dire! Quelle
harmonie je ressentais avec le contact de la terre. Comme si ma
peau devenait extensible et englobait le reste de la planète. Qu’aije donc écrit? Quelle prétention! Plutôt me sentir unifiée, partie de
la Terre, englobée par le contact de ma peau collée à la terre.
Toute la beauté du monde contenue dans le regard vers les autres,
des autres vers soi. Le toucher végétal, animal, humain, divin, qui
n’en finissent pas de caresser d’une main de velours, avec
tendresse et passion, les chakras qui vibrent et s’ouvrent à
l’universel, à la mémoire cosmique, douce comme de l’eau de
source, ou fracassante comme un tremblement de terre de 8.1.
De tout cela, oui je m’en souviens. Et pourquoi plus jamais
après? Quel nuage est venu ombrager mon destin? Pourquoi n’aije plus cru au paradis et me suis lancée dans: “Tu travailleras à la
sueur de ton front”? Un contrat de vingt ans, à élever mon fils seul,
à enseigner au primaire, à réaliser plein de choses que j’aimais
jusqu’à ce que la corde casse au printemps 93? Mon dernier
contact avec la nudité légale fut chez des ami(e)s de Parksville,
réfugié(e)s à San Diego pour l’hiver. Entre une visite à Noël au
Grand Canyon, j’eus l’occasion de circuler nue dans la petite
réserve de nudistes. Et puis la dernière image de paradis que je
garde c’est sur le sommet de la colline aux cactus, derrirère la
réserve. Cette beauté qui n’en finit pas de monter en moi. J’ai
enlevé tous mes vêtements, me suis prosternée pour embrasser la
terre-Mère, entre deux cactus géants, et l’odeur de "sage brush".
La première fois que j’avais posé ce geste, c’était après
24
Passages
l’accouchement de mon premier et dernier nouveau-né. Ayant
accouché à la maison, j’avais gardé le placenta pour aller l’offrir à
Mère Nature et l’enterrer.
Après avoir trouvé le "bon spot", j’ai fait la grande salutation au
soleil, apprise aux cours de yoga à l’ashram d’Aurobindo, à
Montréal. En présence de Pierre, mon amant, mon mari,mon
gourou, le père de mon fils, je me suis prosternée pour demander
la bénédiction et la protection de la Terre et des Cieux. Je ne
connaissais rien aux rituels ou autres religions. Ce fut un geste
naturel et gratuit. Un mois plus tard, ce fut le départ de cette
Commune, la nouvelle élue du coeur de mon amant venait prendre
racine et s’établir ici comme sa femme, moi n’étant plus la
préférée du père de mon fils, déjà divorcé et père de deux filles.
Jamais deux sans trois, il se remaria et lui donna un fils avant de se
suicider quelques années plus tard, après la mort par le feu et l’eau
de deux enfants venus célébrer avec leurs parents le solstice d’été.
J’avais souhaité à cette nouvelle épouse de ne pas souffrir l’ombre
de mon calvaire. Je crois qu’elle a eu sa dose et je suis bien
heureuse d’être partie malgré tout.
J’ai donc poursuivi ma vie, en élevant mon fils avec tout
l’amour dont j’étais capable sans jamais discréditer son père, lui
disant que ce qu’il y avait entre son père et moi il en n’était pas
responsable et qu’ainsi va la vie et ses amours. Poursuivi ce travail
suicidaire de carrière, de femme monoparentale, de bénévolat, de
loisirs. Quand donc se repose-t-on? A la retraite! Elle devait venir
pour l’an 2000. Retraite anticipée. La barque a coulé en 93 et
depuis c’est la longue remontée vers la vie, la possibilité de jours
meilleurs, encore. J’ai tout donné. sans compter, comme dans la
chanson des jécistes( J.E.C. Jeunesse étudiante catholique) du
temps de mes seize ans. J’ai vraiment mordu à la vie. Combien me
reste-t-il de temps à vivre maintenant que la mort est venue me
faire signe? Nul ne le sait. Je me décompose plus rapidement que
la moyenne, avec la fibromyalgie, l’ostéoporose et les séquelles
tardives de la polio. Je ne suis pas seule dans ce bateau, étant une
survivante de ces terribles épidémies qui ont ravagé la vie de tant
d’individus et de familles, sinon les tuant. Je profite donc d’une
retraite non-anticipée mais imposée et finalement acceptée malgré
Passages
25
tout. Le plus difficile fut d’arrêter de me sentir coupable, de ne pas
me juger avec les yeux des autres, sûrement envieux en me voyant
seulement en surface. Ma réponse aux investigateurs: Qui veut
prendre ma place?
Comme disait Nelligan:
"Qu’est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j’ai, que j’ai!"
Le soleil me chauffe la tête;
chauffe-t-il aussi les connections
qui me permettent de raviver certaines mémoires?
Suis-je à la recherche du paradis perdu?
Oserais-je croire que c’est encore possible à mon âge,
maintenant handicapée d’une partie de ma santé,
de croire à la rencontre d’un amoureux de la vie,
d’un compagnon désirant faire le reste du chemin avec moi?
Mon désir est-il assez intense pour qu’il se manifeste?
Aurais-je peur de l’inconnu?
Oserais-je croire à la possibilité de pouvoir vivre
à quelque endroit au monde en évitant les douleurs de froidure,
aux os, aux muscles, à la peau et aussi au coeur?
De trouver ce que je peux faire d’autre pour gagner ma vie?
En ce moment j’explore l’aquarelle.
Me connecter spirituellement.
Utiliser ce médium comme faisant partie de ma quête spirituelle,
de ma pratique quotidenne de méditation.
Je voyage donc assez lourd,
car apporté matériel d’art, qui occupe la moitié de ma valise.
Devrais-je laisser certaines choses derrière moi, pour l’an prochain, comme la grande
serviette orange ou un hamac à acheter?
Mais qui connaît l’an prochain?
J’essaie de pratiquer un jour à la fois pour ne pas faire d’angoisse
quant à mon avenir, et apprécier d’être encore en vie à cet instant.
Je ne sais même pas comment sera la place où je m’en vais,
car un tremblement de terre a secoué les environs hier soir,
apparemment sans dégât.
Je suis devant le mystère,
l’inconnu qui m’appelle la-bàs.
Quelle partie de moi, encore inconnue, vais-je rencontrer?
Fleur de Soleil, Vancouver B.C., Dimanche 12 janvier 1997 p.m.
26
Passages
2- Ca ne coûte rien de rêver
Les pattes en l’air, le dos appuyé sur la douillette et
l’oreiller toujours trop haut pour dormir, les fesses évachées sur le
lit du bas d’un bunk bed, à l’auberge internationale, centre-ville de
Vancouver, chambre 304 lit 4. Je suis seule encore ce soir dans
cette chambre, comme une chambre privée mais beaucoup moins
cher. Pour 17.50$ la nuitée au lieu de 69.00$ minimum en ville.
Pas grand monde en cette saison. Différent de l’été passé, plus
vibrant mais aussi plus bruyant à l’intérieur comme à l’extérieur.
Vécu un p.m. extraordinaire, un accomplissement imprévu
arrivé: voir le film Evita avec Fernando et recevoir un Shiatsu par
lui ensuite. Quel beau cadeau je me suis offerte la veille de mon
départ. Quelle bonne compagnie male, vibrante, amicale,
spirituelle. Un très bon healer pour moi. J’apprécie qu’il m’a dit
avoir aimé son p.m. et ma compagnie. En le quitttant je l’ai
embrassé... sur la joue et lui ai dit : "soul companion". C’est sorti
de ma bouche, comme ça. Et il a répondu: “I guess so”.Sa langue
natale étant l’espagnol, moi le français, mais communiquant en
anglais entre nous. La langue des affaires matérielles et du coeur
aussi pour le moment. Cet hiver, nous serons tous les deux au
soleil, lui en Equateur, sa terre natale, dans sa famille à Quito. Moi
à Melaque au Mexique. Je devrais lui faire une surprise: lui
envoyer une carte avant qu’il parte en fin février. Il m’attire
beaucoup et je crois que c’est réciproque. Fleur de soleil a semé
une graine. Alors en réponse à ma “?” d’hier, oui c’est possible
d’être en amour, mais chaque rencontre est différente. Que réserve
celle-ci? Ce qui se passe me plaît. On verra. J’ai adoré le film
Evita avec Madona. Comme un beau Sunset Boulevard dans le
temps... A good show. Une grande saga. Quelle est donc belle
cette Madona! Le goût de connaître plus sur la vie de cette Evite.
Elle a été très activee dans sa vie et en est morte. Chanceuse que je
suis d’avoir reçu la sagesse de m’arrêter à temps. L’image que j’ai
en ce moment c’est d’avoir un centre de guérison à Melaque, au
Sud et moi donnant un stage d’exploration de peinture et de
mandalas. Fernando donnant des Shiatsu, Enrique, cultivant ses
champignons, Charmaine donnant des irrigations de colon et
parlant de nutrition, mon fils cuisinant pour tout le monde le repas
Passages
27
du soir. Travaillant chacun trois heures par jour et partageant le
travail d’entretien entre nous, ainsi que les revenus. Pourquoi pas?
Qui achète? Moi! Je suis prête. J’ai asssez d’$ pour un "down
payment". ¨Ca rentre dans mon plan de vie.
Avoir un endroit où je peux habiter l’hiver au soleil, finir
de payer la maison que j’habite au Canada et la louer l’hiver, vivre
avec mon amoureux et faire quelque chose d’utile au monde.
Pourquoi pas? Sera-t-il possible ce futur que j’entrevois à travers
la lunette du futur? Ça fait longtemps que je n’ai pas rêvé à un
projet. Et puis José Michel, chanteur de ballades dans la Bahai de
Navidad pourra nous sérénader quelques soirs par semaine et
gagner lui aussi des sous pour vivre.
Pas compliqué. Suffit de penser à ? de personnes sont
nécessaires par semaine pour faire marcher un centre... Où
publiciser? Et puis orientation spirituelle... Meditation le matin, au
choix, peindre devant le lever du soleil, méditation formelle de
groupe. Qu’est-ce que j’attends pour me lancer? Qui va me suivre?
Comment être leader sur le plan mat.ériel, sur le plan spirituel?
J’aime la liberté, la bonne compagnie, la bonne bouffe et élever
mon âme. Et puis entre nous, échange de service. Et puis ouverture
à des spécialistes, des invités spéciaux. Pour pouvoir survivre il
faut un revenu fixe que j’ai déjà. Est-ce que je continuerai à l’avoir
si je m’établissais six mois par année au Mexique, de novembre à
avril? Quel beau rêve! J’ai le goût de vivre! Le goût de danser
encore! Je le ferai au Mexique! Je le sens! Le goût d’être en
amour1 J’y arriverai. Je dois être encore attirante puisque Alan et
moi avons passé une soirée magique au jour de l’An; un aprèsmidi bienheureux avec Fernando, et une rencontre amicale hier
soir avec Tim. Je redeviens en possession de mes moyens. Ne plus
me sentir objet, ne plus vivre en dehors de moi, mais centrée sur
moi, mes désirs, mes émotions, sur ce que j’aime et just go for it.
Be honest, be true and do it. Laissez faire et laissez braire les
autres. Je vis ma vie comme je l’entends. Ça suffit de plaire aux
autres. Ça suffit de me conformer aux règles. On ne tue pas la
création, la liberté. J’ai besoin d’être. J’ai la liberté et la possibilité
de le faire. A moi de jouer mes cartes et de foncer avec joie,
sérénité, sagesse et protection... Je m’offre à l’Univers, à
28
Passages
l’Inconnu, mais d’abord je m’offre à moi-même car seule moi sait
ce qui est bon pour moi, à part Dieu, mais je suis co-créatrice dans
ce processus.
Bravo Suzanne!
Je me sens tellement bien après ce massage Shiatsu. Après
avoir détendu tous mes muscles, Fernando a pressé trois points sur
le dessus de ma tête. Au troisième, j’ai vu un cristal de lumière
blanche derrière mes yeux. Quand il a appuyé sur mon troisième
oeil, je suis descendu comme au centre de la terre, au milieu d’une
caverne. Je m’y sentais très bien. Autant la sensation de flotter que
la sensation de me dissoudre sous terre. Ça doit être ça être éternel
ou immortel. Se fusionner à l’Univers, à la grande matrice en
même temps. Les massages me font toujours du bien et
débouchent sur des images intérieures bien spéciales et des états
seconds d’être. Le massage Shiatsu est une fusion du massage
thérapeutique et le Jin Shin Do et ces effets pour moi sont bien
différants, à moins que ce soit à cause de celui qui le donne.
Depuis le début de mes rencontres avec Fernando, j’ai toujours
ressenti un immense bien-être pendant la session et après. Une
connection spirituelle où mon corps pendant quelques instants
oublie toutes ses misères, où je ne ressens plus aucune douleur ou
si faiblement. Et aussi dès le premier instant où je l’ai vu je me
suis sentie attirée par cette énergie qu’il dégage. Je n’ai jamais rien
dit n’allant jamais cueillir dans le jardin des autres et respectant les
limites. Mais sachant qu’il est libre maintenant peut-être que....?
Mais grand bien me fasse de cette énergie gratuite qui se prolonge
en moi. J’ai aussi payé mon traitement mais ça ce sont les affaires
matérielles.
Je vais me coucher en pensant et surtout en me remémorant dans
mes cellules, au bien-être d’être en présence de cette grande
énergie guérissante.
Bonne nuit.
P.S. Demain c’est le grand départ, seule, sans personne pour me
dire au revoir à l’aéroport, comme une grande fille, et je le suis!
Bravo Suzanne!
Fleur de Soleil, Vancouver, B.C. Lundi le 13 janvier 1997, soirée
Passages
29
3- Avant de commencer ailleurs... quoi?
Terminé le lunch à bord. Ai fait les prières d’usage avant le
décollage. Une question à poser aux passagers pour trouver
combien de personnes font une sorte de prière pour un bon voyage.
Aussi bien s’abandonner entre bonnes mains pour calmer l’anxiété
sous-jacente à la joie du décollage!
A l’adolescence j’avais rejeté toute forme de
recommandation ou d’abandonnment à plus grand(e) que moi; j’ai
graduellement recommencé, faisant comme Pascal, préférant
croire à une plus grande structure que la simple existence terrestre.
Madame Huguette Hirsig, l’astrologue bien connue de Montréal
durant les années 60, m’avait incitée à prier, lors de plusieurs
rencontres avec elle. C’était au temps de ma vie en Commune avec
Pierre et les cinq autres membres fondateurs: Le Bonhomme
Claude, Jacques, Deborah, Ginette et Gilles. J’avais ma carte de
bord pour faire mon voyage de femme enceinte, et plus tard ma
carte du ciel et celle de mon fils. Vivre une vie saine, sans alcool,
sans drogue, furent ses recommandations et cela a sûrement
contribué à accélérer mon départ de cette vie communautaire où
j’avais cru pouvoir y trouver ma voie pour vivre la spiritualité que
je cherchais et que je n’ai pas trouvée là. Une voyante m’avait
aussi recommandé la prière. Et même de faire le tour de ma
maison avec de l’encens pour y chasser les mauvais esprits et les
influences négatives. A cette époque j’avais si peur de mourir,
faisant des crise d’angoisse tous les soirs quand je voulais dormir.
J’étais une mère depuis seulement trois mois, séparée depuis deux
mois et probablement épuisée, car seule à m’occuper de mes
besoins et ceux de mon fils. Si j’en ai l’occasion, j’aborderai ce
sujet un jour ou un soir, en détail. C’est ce qui m’est revenu en
mémoire à propose de prier. Donc des moments d’impuissance.
L’invocation pour attirer les bons esprits et l’Esprit Suprême
d’envoyer ses grâces et ses bénédictions aux personnes en détresse
ou impuissantes à contrôler des évènements. Je trouve que prier
pour un groupe me remplit de tendresse, de compréhension envers
la fragilité de la condition humaine.
30
Passages
Je ne sais pas si j’ai dormi la nuit passsée, probablement
par bribes. Je n’arrive jamais à pointer du doigt pour quelles
raisons j’ai parfois de la difficulté à dormir: est-ce le massage,
avoir manger des protéines de saumon au souper, être constipée,
ou encore l’oreiller trop haut pour dormir, ou finalement la douleur
dans les muscles pour avoir porté des bagages et d’avoir trop
marché depuis mon départ de la maison. Pas de nausée ce matin
comme par l’année passée. Donc les parasites se tiennent
tranquilles pour le moment. Sont-ils partis ailleurs voir si j’y suis?
Pas épuisée non plus ayant réussi à force de repos et de pratiques à
être plutôt qu’à faire, à développer une certaine résistance
physique qui me permet aujourd’hui d’entreprendre ce voyage qui
contribuera sûrement à améliorer ma condition, en vivant au soleil
et à la chaleur. En ce matin ensoleillé, quelle délivrance, une selle.
J’ai besoin d’espace à l’intérieur. Je me sens moins intoxiquée.
Petits détails de mécanique intérieure mais qui peut massacrer un
départ!
Départ calme. Seulement deux passagers dans la vanne de
l’auberge qui va à l’aéroport chaque matin et qui coûte moins cher
que l’autobus qui passe aux grands hôtels du centre-ville pour
cueillir les voyageurs.Je ne me suis pas énervée à l’aéroport, quand
la préposée au service à la clientèle m’a dit que cette partie de
l’aéroport c’était pour les vols domestiques et que je devais aller
aux départs internationaux. Lui ai expliqué que le message reçu de
mon agente de voyage c’était d’attendre à cet endroit précis. Que
quelqu’un de la compagnie de transport aérien devait être ici pour
moi avec une chaise roulante pour m’amener au bon endroit et que
je ne bougerais pas d’ici. S.V.P. téléphnonez pour annoncer mon
arrivée et pour envoyer du service. Merci! Pas de problème pour
avoir une chaise roulante à partir du kiosque du transporteur aérien
mais de la porte de l’aéroport au kiosque, c’est trop loin à marcher
pour moi et c’est une difficulté à trouver une chaise roulante. J’ai
donc relevé le défi ce matin! Bravo! Je peux encore voyager seule!
Sinon, il me faudrait une aide que pour le moment je prendrais
comme un chien de garde. Je ne suis pas encore rendue à ce point
d’invalidité. Aussi bien profiter de mon indépendance pendant que
je suis encore jeune!
Passages
31
Pour les bagages j’étais dix kilos en trop. J’ai pris les
devants et dit au préposé, jeune, blond, “cute”, que je transportais
de l’équipement médical, que j’avais payé mon billet assez cher
merci pour rester plus longtemps que deux ou trois semaines
habituellement. Sur ce, il m’a répondu qu’en autant que je n’en
rapporterais pas plus à mon retour. Appris que j’avais aussi droit à
cinq kilos à bord avec moi. Alors tout est parfait. Mais je devais
être sur mes gardes pour ne pas avoir à payer un surplus de 50.00$,
mais j’ai quand même dû payer la chère taxe d’aéroport. Et puis je
me suis fait pousser en chaise roulante jusqu’à l’avion, pour
monter à mon rythme les marches une par une de l’avion. Première
à bord, il y fait très froid et dernière à y sortir, il y fait très chaud.
Faut aussi savoir qu’on ne place jamais une personne handicapée
près d’une porte de secours. On l’avait fait une fois et on m’a
changé de place. Elle ne serait pas assez vite pour agir en cas
d’urgence. Quand donc sort-elle? La dernière? Dans les bras de
l’agent de bord! La chanceuse!
Avoir pris la décision d’utiliser la chaise roulante pour me
déplacer à l’aéroport ne fut pas facile pour mon égo, mais je m’en
porte mieux. Bravo Suzanne!
Fleur de Soleil, 14 janvier 1997, à mi-jour, à mi-chemin
Espace aérien, Amerique
P.S. Arrivée, à l’heure du coucher du soeil à venir dans une
demi-heure, c’est bien! juste assez chaud pour enlever les
premières pelures. Tout le tra la la d’usage et me voici à négocier
en espagnol le coût du taxi avec le chauffeur, après avoir changé
un chèque de voyageur en argent américain pour des pesos. Irai
changer plus d’argent demain à la banque car les maisons de
change donnent moins. Et voilà je suis rendue à mon hôtel du
centre-ville, très pollué de bruits, d’odeurs de mazout et de CO2.
Je ne suis pas sûre que je vais rester longtemps ici. On verra. Mais
je suis arrivée, enfin, saine et sauve. Bravo Suzanne!
32
Passages
4- Anciennes connaissances et nouvelles explorations
Soupé hier soir avec Neil et Jacquie au restaurant Los
Laureles, à deux pas de mon hôtel où je suis arrivée vers 6:15p.m.,
deux heures de plus qu’à Vancouver. Je n’étais pas encore
affamée. Le temps de défaire mes bagages, de m’étendre cinq
minutes, les pattes en l’air, pour respirer et entendre la saveur de
Puerto Vallarta à cette heure du jour: le gaz carbonique des autos
et des autobus qui font un bruit terrible à cause des rues en pavé et
du cliquetis incessant des véhicules.
A ce resto, bondé de monde, surtout des gringos, nous
partageons du mahi-mahi (dorade) et du huachinango (red
snapper). Quelle étrange coïncidence que de se retrouver au
Mexique, n’ayant su qu’une semaine avant nos départs respectifs
que nous allions à la même place au même moment, eux quelques
jours plus tôt. Neil était le directeur de l’école secondaire que mon
fils a fréquentée pendant quatre ans de 89 à 91. Jacquie, je l’ai
rencontrée à cause de l’église United Church, où elle fait du
bénévolat et moi aussi avec le programme "Rainbow", pour les
enfants de 5-12 ans qui ont perdu un parent à travers un divorce,
une séparation, un suicide, une fuite, une disparition, etc. Travail
d’écoute et de compassion. Nous étions aussi ensemble dans un
atelier sur la Bible, il y a quelques années: "Meet your sisters in
the Bible", -rencontrez vos soeurs à travers la Bible- animé par
Sheila qui est devenue ministre du culte dans l’église
presbytérienne. Quel choc pour ma culture catholique malgré que
non-pratiquante depuis belle lurette, à la fin de mon adolescence,
par esprit de recherche et de liberté. D’avoir dansé, ri, échangé
avec cette "prêtresse" Sagittaire passionnée comme moi. Ça m’a
rapprochée de ma chrétienté, dans le sens d’amour universel de
l’être humain, dans mon rejet du catholicisme et dans ma quête de
spiritualité.
Les relations étaient bien différentes que celles vécues dans
la paroisse de mon adolescence où le curé était un pince-sans-rire
qui te faisait sentir coupable et sûre d’avoir péché rien qu’à
regarder un garçon passer, et surtout de faire pécher les garçons si
Passages
33
nous portions des jupes au-dessus du mollet et des robes-soleil. Je
percevais les prêtres surtout come des polices de l’âme et je
n’avais aucune chance de réfléchir sur les sujets de la foi mais de
croire et tant pis si j’avais des questions. Il n’était pas digne d’une
jeune fille de remuer les bases de notre Mère la Sainte Eglise.
Depuis j’ai rencontré des femmes engagées et qui sont ministres
dans l’Etat et d’autres dans l’Eglise mais pas nécessairement
catholiques. Grand bien me fasse.
Grand changement à cette époque de mon adolescence
dans la mentalité de ma mère qui finira par accepter que je puisse
joindre une troupe de danses folkloriques car le curé de son temps
du village Allard dans la campagne de la Gaspésie ne donnait pas
l’absolution aux filles qui ne juraient pas de ne pas retourner
danser. Ce fut donc grâce au jeune abbé moderne Richard
Gauthier, de la paroisse Saint-Vincent-Ferrier, désireux d’occuper
les jeunes du quartier que j’ai pu faire partie de la troupe
"Tambour-Battant" et du ciné-club animé à l’occasion par Denise
Bombardier, devenue une célébrité internationale qui, à cette
époque était jeune étudiante au cours classique qui faisait l’envie
des jeunes filles qui elles n’avaient pas les moyens d’y aller, dont
moi entre autre. J’allais par contre écouter les concerts gratuits au
couvent Ste-Croix, de la rue Jarry, et je pleurais en écoutant du
Beethoven, du Mozart, du Chopin ou du Litz joués au piano par les
couventines. C’est donc à travers la lecture, la danse, le cinéma et
la musique que je me suis faite initier à la culture internationale, en
fréquentant les écoles catholiques de l’époque. Je dois une fière
chandelle aux religieuses du temps d’avoir allumer en moi le
flambeau de la langue française, d’avoir réveillé en moi le
féminisme car voyant ces femmes enseigner, la porte m’était aussi
ouverte et aida à ma crise d’identité, c’est-à-dire de ne pas suivre
les traces de ma mère, qui remplissaient correctement ses devoirs
de mère et d’épouse à la mode de son temps mais trop étroit pour
moi. A treize ans je savais déjà que je ne me marierais pas, que
j’aurais une carrière, donc que j’irais à l’université. Un châteaufort à détruire avec mon père qui lui m’encourageait à aller au
cours commercial pour devenir une secrétaire, faire mon trousseau
et me marier. Pas question! Etant la première de la famille, et
ayant quatre frères derrière moi, la porte était ouverte aux garçons
34
Passages
mais close pour moi. Têtue comme je l’étais, ma passion finit par
convaincre mes parents car je me trouvai un travail à la caisse
populaire de la paroisse où je travaillais trois soirs par semaine
pour moins de 30$, mais suffisant à cette époque pour payer mes
lunchs, mon habillement et l’autobus pour aller étudier à
l’université de Montréal à l’école de Rehabilitation de la faculté de
Médecine.Des prêts étudiants me servaient de financement, mes
parents m’offrant quand même le gîte et les repas, moi qui devait
déjà rapporter des sous au foyer en payant une pension! Après un
an d’étude en physiothérapie et occupation thérapie, j’étais brûlée
car nous faisions quatre ans d’étude en trois, avec plus de quarante
heures par semaine, en plus de toute la mémorisation à faire de
tous les muscles du coprs humain, de la physiologie, de
l’électricité, etc.à apprendre. Beaucoup de livres anglais aussi à
cette époque. Ça me révoltait et je n’avais pas le temps de
m’occuper de ce dossier. A cette époque je n’étais pas assez
politisée quoique très passionnée par l’idée progressive
d’indépendance du Québec. C’était le rêve de la jeunesse
universitaire. A cette époque je ne crois pas qu’il y avait un offiice
de protection de la langue française pour rapporter les injustices
faites aux étudiants francophones d’apprendre dans une autre
langue dans ce Québec si français.
J’ai donc quitté la faculté pour m’orienter vers
l’enseignement. Je savais ce métier déjà pas mal jouant à la
maîtresse d’école avec les plus jeunes du voisinage et mes frères.
Il m’était déjà pénible d’aller à la messe du dimanche car habitant
chez mes parents et n’étant pas majeure je devais observer les
règlements de la maison sinon...où pouvais-je aller? Et surtout
personne avec qui partager le désarroi de mon âme. A l’école
normale, c’était très enrégimenté avec les soeurs. Pas question de
discuter de liberté de pratique religieuse.
Il y avait par contre une psychologue laïque avec qui
j’échangeais à l’occasion car j’étais dispensée des cours de math,
les ayant fait avec ma 12ième scientifique spéciale à l’école SaintAlphonse d’Youville, dans le nord de Montréal. C’est elle qui m’a
permis de me libérer de mes tourments, de mes questions sur
l’amour, la foi, la religion, ne trouvant en ma mère ni l’oreille
Passages
35
attentive, ni la grâce de trouver les réponses adéquates à mes
questions sinon de me dire: "Tu t’en fais trop, tu penses trop.! A
quoi ça sert d’étudier si tu es pour avoir autant de questions"?
Des questions j’en ai encore et j’espère en avoir toujours.
C’est ce qui me tient en vie. Je suis curieuse. J’ai parcouru une
partie du monde comme enseignante. La réponse à mes questions
je les trouve dans le silence de mon être, à l’écoute de mon coeur.
Ma foi de non-ptratiquante d’une religion en particulier, s’excerce
en essayant d’aimer tout le monde, de les respecter au moins dans
leurs différences. Quand une personne m’offense j’essaie de me
rappeler que c’est un manque d’amour envers elle-même d’abord
et que ça ne change rien à qui je suis: un être humain en quête
d’amour universel, prête à servir les autres du meilleur que je peux
à ce moment, pour satisfaire le besoin de mon âme: être en
harmonie. Quelle belle phrase mais c’est ma vérité à ce momentci!
Cette partie de mon voyage avant d’arriver à Melaque
n’était pas planifiée. C’est absolument magnifique. Tout tombe en
place à qui sait être patiente, observatrice et croyante aussi que
l’univers à un plan, un fil d’Arianne à suivre mais surtout à
trouver.
Ma journée d’aujourd’hui confirme ces propos.
Pour aller à la banque j’avais décidé d’y aller en autobus pour
économiser mes pas, au lieu de marcher quelques rues, me disant
que ça serait bien utile d’avoir mon fauteuil roulant ici mais pas
très pratique avec les trottoirs à marches, à bosses et à trous. Quel
désapointement au premier abord,.quand le chauffeur me débarqua
dix blocs plus loin que nécessaire! Accrocher une sourire et me
dire: Vive les vancances et son lot de surprises!
"Sur mon chemin j’ai rencontré", comme le chante Edith Butler,
ce que je cherchais le plus: boutiques et musées “Huichol”, avec
masques faits par collage de petites perles de toutes couleurs et
tableaux descriptifs par collage de laines multicolores. Incroyable
ce travail d’hermite. Shamanesque! et c’est ce que c’est.
36
Passages
N’arrivant pas à me décider sur mes achats après cinq boutiques
car j’avais l’estomac dans les talons, et la tête à éclater de trop
d’informations, je suis allée dîner pour revenir à la dernière
boutique. J’ai opté pour un t-shirt Huichol, soleil-lune, pour
75pesos (15$CN), me disant qu’il valait mieux porter cet objet
d’art que d’en avoir un accroché sur un mur. Lequel? Ils sont déjà
si pleins! Je ne peux quand même pas posséder tous les objets d’art
que j’aime à moins d’ouvrir un musée chez moi! Ça y ressemble
d’ailleurs un peu selon mes bonnes amies!
De plus j’ai trouvé sur mon chemin
de quoi remplir le reste de ma journée:
Des cartes postales qui décrivent la vie mexicaine
plutôt que des bâtiments. Surprise! Un artiste mexicain Jose
Cabrera qui a reproduit en cartes postales certaines de ses
aquarelles qui décrivent les lieux touristiques de Puerto Vallarta.
C’est à ce moment que j’ai pensé à la surprise pour Fernando
Cabrera, "a soul connection" qui est libre.
Ça lui fera sûrement plaisir!
Un bureau de postes pour acheter des timbres à 2 pesos
par carte postale. Ça revient à plus de 1.50$ la carte postale.
Je gâte bien mes ami(e)s, ou bien j’en ai trop. Lesquel(le)s choisir?
Décision à prendre l’an prochain. Couper les cartes postales...?
Peu importe la grandeur il faut payer le timbre!
C’est la quantité qu’il faut couper, pas la qualité!
Mais l’amitié n’a pas de prix.
Trouver une autre formule,
comme une lettre à envoyer à une personne,
qui la distribuera aux autres,
comme je fais déjà sur l’île de Vancouver
quand j’écris à mes amis de l’Outaouais, au Québec.
A y penser!
Manana!
Enfin la banque où j’ai eu des difficultés à changer de l’$..
Je n’ai rien compris à ce que le gérant m’a débité en espagnol.
Seulement un mot: passeport. Pas de panique! je n’ai pas de
passeport, mais j’ai ce qu’il faut: certificat de naissance et permis
Passages
37
de conduire tel que suggéré par l’agente de voyage. La banque et
l’immigration sont deux choses différentes. Donc l’an prochain un
passeport, car si la carte de crédit ne passe pas dans la machine,
soit à cause de son incompatibilité, ou que le système ici ou au
Canada est en panne, je suis aussi en panne et en maudit. Avec ma
patience, mon innoncence, mon sourire et les quelques
explications en espagnol que j’ai pu donner à savoir que l’an passé
dans une localité plus petite que P.V. je n’avais eu aucun
problème, comment se fait-il qu’ici, dans cette grande ville je ne
peux pas changer de l’$? Fallait faire vite quand le gérant m’a
demandé si je voulais changer 200$ en $U.S ou en $CN. J’ai opté
pour 200$U.S. à 7.75 le $U.S. au lieu du $CN à 5.48. Suis-je
gagnante en $ Je le saurai à mon retour en consultant mon relevé
de caisse.
Merci ! J’ai enfin des sous pour dépenser!
Une patisserie pour pain croûté et muffin de maïs
pour le déjeuner du lendemain.
Reste à trouver le jus et la protéine qui l’accompagnera!
Un resto pour la comida, où j’ai dîné d’une soupe de mariscos
fruits de mer- avec un coupon pour une consommation gratuite,
donné par le vendeur de t-shirt qui fait de la publicité pour son
copain qui a une resto en tournant le coin de la rue.
Amitié et commerce oblige! Merci!
Le repos bien mérité de deux heures avec facture de repas
de 50 pesos, pendant lequel j’ai écrit les cartes postalesà envoyer
aux ami(e)s du Québec avec qui j’entretiens un lien postal et
parfois téléphonique depuis les dernières onze années,
et aux nouveaux depuis, en B.C., qui attendent de mes nouvelles.
Une boutique piqua mon attention à cause d’une belle robe de
coton naturel ornée de dentelle, que j’ai achetée car le patron
voulait être gentil avec moi et me faire un bon prix: de 180 à
150pesos plus deux bandanas -ceinturons- de couleur!
Je ne peux m’empêcher de noter la conversation en anglais
et en espagnol, que j’ai eue avec le patron. Miguel, de Sonora,
38
Passages
marié à une canadienne de Saskatoon. Ce soir elle joue au théâtre.
C’est la première, dans une pièce en anglais. Pour elle, c’est un
moment très attendu de sa carrière, jouer encore après avoir eu
trois enfants. C’est lui qui gardera les enfants les soirs de théâtre.
M’ayant dit qu’il voulait être gentil avec moi, je lui ai demandé la
raison de ce désir. Il m’a révélé que sa résolution du jour de l’An
c’était d’être plus gentil. Nous sommes le 15. M’a confié que sa
femme désire qu’il soit plus gentil avec elle. Je lui ai répliqué que
ça n’avait rien à voir avec les clients et j’ai poussé ma curiosité un
peu plus loin en lui demandant ce qu’il faisait avec sa femme pour
l’être. Il ne répondait rien. Lui ai demandé en riant s’il lui donnait
des fleurs, la courtisait comme dans les premiers moments.
Répondu que oui. J’étais désarmée, silencieuse. Il a ajouté qu’elle
n’aimait pas qu’il critique, qu’il donne son point de vue. Il a ajouté
avec un peu plus d’ardeur qu’il n’était pas une marionnette pour
dire comme elle tout le temps, qu’il avait aussi son point de vue. Je
lui ai répondu que ça dépendait peut-être du ton qu’il employait et
de son côté à elle d’un manque de confiance en soi, d’affirmation.
Je me sentais en terrain connu. Je me sentais comme une
thérapeute en problèmes matrimoniaux, ou simplement humains:
la communication, l’affirmation de soi et le respect des autres.
Une rencontre spéciale.
Un pied dans l’âme mexicaine, dans sa quête de compréhension,
de relation avec l’autre, le différent, l’étranger,
par le sexe, la couleur, la langue, la religion,
ou simplement dans sa quête d’être humain,
d’aimer et d’être aimé!
Et tout cela parce que le chauffeur d’autobus
m’avait déposé si loin, et que j’avais le temps d’écouter,
parce que je comprenais un peu d’espagnol,
et peut-être aussi parce que j’étais canadienne,
que cet homme osa s’ouvrir le coeur
et épancher à son tour
son désir d’aimer et d’être aimé!
Après de longues minutes de silence il ajouta
qu’un soir, il paiera une gardienne
et qu’il ira à la pièce de théâtre
pour lui offrir une gerbe de fleurs.
Passages
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J’aimerais être petit oiseau!
Nous sommes quittés
parce que je voulais faire autre chose
avant le coucher du soleil.
Il m’a invité à venir faire un tour un autre jour
en se versant un autre verre de jus de...?
Il ne sentait pas l’alcool.
Adios amigo! Très sympa!
J’aimerais connaître sa femme!
Au coin de la rue, en route vers le marché,
une boîte à lettres pour mes cartes postales.
Au mercado municipal,
petite réplique miniature du marché de Guadalajara. J’ai revu des
cartes postales de l’artiste Cabrera, appelé La Ardilla, comme
l’animal, petit et rapide comme me l’a décrit le vendeur, sans
savoir le nom en anglais, encore moins en français. ( un écureuil).
J’ai offert 5 pesos chacune, voulant en acheter 6 et ayant payé 6
pesos ailleurs ce matin, ce vendeur en demandant 8. Il a accepté,
ne sachant jamais jusqu’à combien les vendeurs sont prêts à
baisser leurs prix.
Traversé le fameux pont chambranlant en fil de fer,
du Rio Cuale. Me tenant d’une main au fil de fer servant de
rampe, et la canne servant d’appui au sol troué. Chaque personne
qui y passe fait vibrer le pont un peu plus fort. Ça doit être à peu
près cela que de marcher dans une rue lors d’un tremblement de
terre, ne sachant pas où mettre le pied pour le pas suivant.
Heureusement que la canne était là et que la distance fut courte!
Retrouvé le bruit infernal du terrible cinq heures du soir
en regagnant mon hôtel. Epuisée mais heureuse de ma première
journée seule à P.V., ayant trouvé tout ce que j’y cherchais sans
avoir eu besoin de demander à personne pour mon chemin, pour
une telle boutique, pour une telle rue, me promenant avec le plan
de la ville en main. Trop fatiguée pour aller voir le coucher du
soleil à deux blocs d’ici, à la plage. Tant pis. Manana!
40
Passages
Terminé la soirée en grignonant des nachos
à la mexicaine: frijoles, fromage et tostadas avec salsa et une Dos
Equis, ma bière favorite avec sel et limette, en lisant le "P.V.
Today", le seul quotidien anglophone, qui parle de la vie d’ici pour
les touristes afin de les occuper. Je lisais volontairement
intensément, assise au bar de l’hôtel, pour éviter d’être haranguée
par un gringo assis à mes côtés, cherchant désespéramment à
entrer en communication avec moi à chaque fois que je lançais un
regard vers la salle. Pas intéressée car il était visiblement intoxiqué
d’alcool et de cigarette que je sentais bien malgré moi,
les règlements étant bien différents ici qu’au Canada!
Passant par le corridor qui mène du resto à l’hôtel,
j’ai négocié le prix de ma chambre. Ayant fait une réservation du
Canada, avec une facture d’interrurbain de 14$CN, je devrais
payer 30$U.S. par nuit au lieu de 32$U.S. Vérification faite au
livre de réservations, j’avais raison. En réalité je n’économisais
rien, la facture de téléphone équilibrant mon épargne sur l’hôtel,
mais je gagnais mon point de vue.
De retour à ma chambre après cette journée bien chargée,
il faisait bien bon de m’étendre, de m’allonger, de m’étirer, de
m’élever les jambes sur ce lit très inconfortable où j’avais bien mal
dormi la nuit précédente malgé les bouchons dans les oreilles. J’ai
pris mes teintures médicinales pour dormir et pour calmer les
douleurs lancinantes de mes muscles et de mes articulations, pour
être sûreque je dormirais profondément pour récupérer.
Demain une autre longue journée m’attend.
Quand je repense à cette journée,
la magie ou la grâce était avec moi.
De plus, j’avais réussi à relever un défi important:
être dans un autre pays, sans chaise roulante
et pouvoir me débrouiller seule avec ma canne
et mon handicap physique,
ainsi que celui de la langue mexicaine”!
Passages
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Je me couche très reconnaissante,
en ayant une pensée
envers le monde que j’ai rencontré
sur mon chemin de réhabilitation,
envers les personnes qui ont prié pour moi
et tous les êtres invisibles qui m’ont assistés
à mon insu ou à ma demande.
Combien de forces pourrai-je encore développer,
combien de choses à être capable de faire pourrai-je récupérer,
mon état de santé s’étant stabilisé?
Ici c’est l’inconnu,
mystère et boule de gomme!
Je dis merci à l’enfant en moi
qui m’a permis de cheminer.
Je dis merci au parent en moi
qui a pris soin de son enfant
pendant quatre ans sans répit.
Je dis merci à l’adulte en moi
qui m’a permis de résister aux tentations
d’abandonner la partie
et de me laisser mourir,
ou de crouler sous les jugements
que je pense que les autres ont ou ont eu à mon égard!
Puisse le Grand Manitou me pardonner ainsi qu’aux autres!
Bravo Suzanne!
Fleur de Soleil, Hôtel Posada Roger, P.V. Mexico, 15 janvier 1997, tard le soir.
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Passages
5- La journée à Yelapa sur le Serape
De retour très fatiguée, trop d'activités depuis trois jours
mais d'excellente humeur, grâce au beau temps chaud et la beauté
gratuite de la nature. Mal dormi ou si peu la nuit passée, ce qui
n'aide pas à la fibromyalgie malgré. la chaleur du soleil. Arrêt à
"Los Dos Arcos", pour permettre aux nageurs qui peuvent plonger
de faire un peu d'exploration sous-marine. Je suis étonnée de voir à
quel point Neil est en forme physiquement, lui qui a au moins
quinze ans de plus que moi. Mais chacun son lot de misère. Il
s'amuse comme un poisson dans l'eau, étant la première fois qu'il
se baignait, la température ici n'ayant pas étét clémente les derniers
jours. Pas de trace du tremblement de terre. Bravo!
Je suis tellement heureuse d'être ici que de ne rien faire est
un miracle. De voir l'eau aquamarine, d'entendre la musique
mexicaine, de humer l'air salin, de sentir la chaleur sur mes
épaules, à travers un gilet de coton car la brise étant fraîche sur
l'eau pour moi, mon corps si sensible à la moindre fraîcheur, qui
me donne des douleurs terribles comme si des millions d'aiguille
me piquaient en même temps. Mais les autres passagers étaient en
maillot exhibant leur corps déjà tanné de couleur caramel.
Rendus à la plage après transfert de bateau, nous devons
marcher quinze minutes. Je prends un long repos dans une chaise
longue, sous prétexte d'être la gardienne de nos objets pendant que
Jacquie et Neil se baignent. Plus tard Neil m'aidera à entrer et
sortir de l'eau, la plage étant en pente et les vagues un peu grosses
me déstabilisant. Quelle indépendance que d'être libre dans l'eau,
de pouvoir me détendre de toute cette fatigue, de rafraîchir mon
corps qui souffre quand même de la chaleur, même si c'est
agréable d'enlever toutes les pelures de l'hiver.
J'aimerais bien passer une nuit ou deux dans ces lits
suspendus couverts d'un filet contre les moustiques, dans des
cabanes de bambous aux toits de palmes, qui bordent la plage et
qu'on peut louer sur place, pour environ 25$CN. Pas de téléphone
au paradis! Ça m'a rappelé l'Afrique, couchant sous lemoustiquaire
Passages
43
tous les soirs pendant deux ans, alors que j'étais enseignante au
Togo, en Afrique de l'Ouest avec S.U.C.O. -Service universitaire
canadien outre-mer-. J'imagine qu'ici le filet c'est pour la
protection contre les scorpions, étant si près de la forêt. Les gens
de l'île se déplace à pied ou à cheval, l'endroit n'étant accessible
que par bateau. On peut aussi aller visiter une chute mais c'était
trop loin pour y marcher, le bateau retournant trop tôt pour laisser
le temps à Jacquie et Neil d'y aller. Alors le choix était facile, la
plage, la farniente et le placotage.
M'ayant peu exposée la peau au soleil, sauf le bout du nez
rouge, je savoure nos rires, le plaisir d'être ensemble. Je me
demande si parfois je raconte trop de détails dans mon histoire, ce
n'est pas évident que tout le monde est intéressé. Je devrais peutêtre demander à mes interlocuteurs s'ils veulent entendre mon
histoire, ou si je les ennuie, espérant qu'ils seront honnêtes, signe
de bonne communication, sinon je gaspille mon énergie si
précieuse. Priorité oblige! Je perds le sens du temps dans ma
fougue, dans mon ardeur à raconter j'entre dans le passé come dans
un tableau et je ravive la mémoire, les connections. Je prends aussi
conscience que j'ai du talent à le faire, que j'y mets d l'humour et
de l'intensité verbale et gestuelle, ne pouvant renier mes racines
latines.
Et d'histoires en histoires au fil de la journée, Neil m'a
révélé que c'était très intéressant de suivre la saga au sujet de
l'impossibilité pour mon fils d'avoir un examen de français de
12ième année du Ministère de l'Education de la B.C. à la fin de
janvier mais seulement en fin de juin. J'avais travaillé très fort sur
ce dossier. J'avais finalement réussi seule, car mon fils étant le seul
francophone, les autres étudiants étant des élèves en immersion, et
aussi le seul et le premier à se rendre jusqu'en 12ième. Mon fils
avait réussi à recevoir cet examen à force de discussions, de
persévérance et de respect de toutes les parties en cause, le
professeur, l'école, la commission scolaire, le programme français,
l'association des parents du programme-cadre, le Ministère, le
syndicat des enseignants, et finalement l'ombudsman.
Sans blâmer personne ni le système, en invoquant la justice
44
Passages
et l'égalité des chances pour tous, francophone ou anglophone,
l'article 23 de la Charte des Droits de la personne. Le même
traitement s'appliquant aussi bien aux anglophones minoritaires
étudiant en anglais au Québec qu'aux francophones minoritaires
étudiant en français dans l'ouest du pays. Je fus donc très surprise
d'apprendre que j'avais le support moral de ce directeur d'école lui
qui m'avait déjà dit qu'il ne connaissait rien au programme français
et de m'adresser à la commission scolaire ou à l'unique professeuranglophone, bilingue- qui enseignait alors le français de la 9ième à
la 12ième, quand j'avais voulu avoir des informations sur le
système de l'école alors que mon fils était en 8ième année à l'école
"Middle School". Ça ne faisait qu'un an à cette époque que nous
étions en B.C. et je voulais savoir ce qui ce passait dans cette
école, à savoir si mon fils étudierait en français ou en anglais. Car
étudier en français signifiait n'avoir comme cours que le français et
les sciences humaines, qui interféraient avec le système en place
car ces cours étaient semestriels alors que les cours en anglais
étaient à longueur d'année. C'est pour cela qu'il y avait eu conflit
avec le cours de français de 12ième.
J'ai aussi appris par d`autres que l'adjoint au directeur de la
commisssion scolaire, responsable du programme français, se
sentait petit dans ses souliers car il savait que j'avais raison de
défendre les droits de mon fils. Comme il ne se passait rien après
les vacances de Noël et que l'examen était en fin janvier, j'avais
finalement alerté les journaux locaux. C'était dérangeant, il fallait
que je gagne, ça devenait politique et j'étais prête à aller plus loin,
jusqu'en cour. J'avais déjà parlé au député à Ottawa, à l'occasion
d'un vin et fromage à son bureau avant Noël. Il devait rencontrer le
député de la province et lui en glisser un mot. Et c'était deux
anglophones. La patate était chaude et il le savait. Moi je ne savais
pas que j'étais "Un shit disturber"
Je conmprends aujourd'hui pourquoi les anglophones de B.
C. voient avec agacement que les francophones d'ici réclament
leurs écoles. Y a-t-il donc toujours deux justices? Selon que vous
serez puissants ou misérables, comme disait LaFontaine, il y a
presque déjà quatre siècles. On n'a qu'à penser au procès d'O.J.
Simpson pour la réponse. Et les Anglais du Québec qui se sentent
Passages
45
non-respectés, eux qui ont leurs commissions scolaires, leurs
universités et leurs hôpitaux. En B.C. non plus on n'est pas maître
chez nous encore... dans nos écoles mais ça s'en vient vite, le
processus étant en place au moment où j'écris ces lignes.
Le directeur-adjoint de l'école après cette bataille m'avait
dit que j'étais comme la petite souris dans l'histoire, qui s'était
battue pour son pays et qui avait gagnée. Chapeau! Heureusement
que cette année-là je ne travaillais pas le vendredi, ayant pris une
journée sans solde pour me reposer, ma santé étant chambranlante.
Quel repos! ... après la bataille! Je ne sais pas pourquoi mais avant
même de commencer ce combat je savais intuitivement que je
gagnerais. J'étais partie du bon pied, positive et ne blâmant
personne mais disant la vérité et informant tout le monde au fur et
à mesure des non-progrès et moi allant toujours un peu plus loin
dans la machine bureaucratique du système pour le faire craquer
enfin, afin de corriger une injustice flagrante. Pour toujours? Je ne
sais pas, mais j'espère que beaucoup de personnes ont pris des
leçons.
Je suis toujours prête à aider moralement qui veut partir au
combat contre des injusticces dans l'éducation et dans la vie. Ça
fait partie de ma marque de commerce: sagittaire. Cette mémoire
ravivée me permet de conclure que je suis très pointilleuse sur les
questions de langue et de respect des minorités: femmes, hommes
ou enfants et de toute forme d'injustice! J`ai alors accepté d`offrir
mon aide à des parents anglophones pour qu`ils obtiennent du
Ministère de l`Education un changement de date au sujet d`un
examen final de 12ième, en leur expliquant le processus à suivre.
Entendre les paroles de Neil m'a réconforté. J'aurais aimé
les entendre au moment où ça se passait, mais c'était trop politique.
Chacun était muré dans son chateau-fort, muet et sur ses gardes
jusqu'au dénouement. En tous cas, aujourd'hui je le trouve plus
sympathique, comme quoi s'ouvrir le coeur ça aide à sortir les
vieilles bibites et comprendre les comportements des gens. Il a un
sens de l'humoir assez tranchant. Très anglais. Alors je ne
comprends pas toujours.
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Passages
En revenant à bon port on nous a servi à manger et à boire
à volonté.Avant de leur faire mes adieux je suis allée visiter leur
"ghetto de touristes riches qui possèdent un condo à temps
partagé", au Sheraton Bougainvilliers, au nord de Puerto Vallarta,
en dehors de la zone urbaine. Très beau village, propre comme un
sou neuf. Un village dans une ville. Ces ghettos permettent aux
touristes de circuler sécuritairement à travers le monde, mais en
vivant avec des double-serrures aux portes; des vidéos caméras
dans tous les couloirs, les ascenseurs, des coffrets de sûreté au
besoin. Coupés aussi de la vraie vie mexicaine, de celle en tout cas
où je m'en vais vivre à Melaque. Et pour eux ce sera d'autres
ghettos à visiter, à Manzanillo, à Zihuatanejo et Ixtapa. Il y a donc
des moyens de voyager moins cher. Le condo partagé c'est du
surluxe. Quelle différence ça fait en bout de compte? Question de
choix. Où j'irai ça sera du luxe selon les standards du mexicain
moyen: une chambre avec deux lits doubles, de l'eau chaude à la
douche, de l'eau potable fournie, et une cuisine commune où je
peux préparer mes repas dehors au lieu d'être à l'air conditionné
qui me fout la sinusite à chaque fois, pour la modique somme de
10$CN la nuitée, et la plage de l'autre côté de la rue Une simple
clé pour ma chambre qui n'est à peu près jamais barrée sauf la nuit
car on se connaît, seulement dix chambres, pas le genre on est 2
millions-faut-se-parler!.
Jacquie m'a reconduite à l'arrêt d'autobus en chaise
roulante, c'est pour dire qu'il y avait une trop grande distance à
marcher pour moi. Nous nous sommes dit adieu en espérant qu'on
se reverra peut-être à Melaque pour quelques jours entre deux
condos, à venir essayer mon petit hôtel et ma façon d'être en
vacances. Sinon ils me téléphoneront de Manzanillo et nous
arrangeront une occasion de nous rencontre à nouveau. Je lui ai
dit combien j'étais heureuse d'avoir passé un temps merveilleux
avec eux le premier soir et aujourd'hui. La vie a bien des surprises
dans son sac. Que ce temps passé avec eux à Puerto Vallarta avait
meublé ce facteur inconnu d'une façon bien agréable et avait
facilité mon arrivée au Mexique seule et ne sachant pas comment
je pourrais m'arranger dans cette grande ville Les secrets de la
Providence, pour l'appeler par son nom sont insondables et
mystérieusement agréables.
Passages
47
Débarqué au centre-ville et repéré un terminus d'autobus
longue distance. Acheté mon billet pour Melaque. Départ demain
en Primera Plus pour trois heures et demie de route pour 71 pesos,
alors qu'il m'en a coûté 20 pour une demi-heure ce matin, en taxi,
pour me rendre à la marina, ne sachant pas quelle distance il me
faudrait marcher jusqu'au bateau.
Je me suis dis que ça serait une bonne affaire de téléphoner
à la proprio de l'hôtel, Evelia, lui annonçant mon arrivée vers 7p.
m. J'étais si émue que je n'arrivais pas à trouver mes mots. Hâte de
la revoir et de reprendre le fil de nos conversations quotidiennes de
femmes devenues amies.
J'ai finalement trouvé le temps et le bon moment pour
appeler mon fils pour lui dire que tout allait bien. Mais c'est au
répondeur à qui j'ai laissé le message. Alors ça ne lui fait ni chaud
ni froid à cette machine mais au moins ça permet quand même de
dire qu'on est encore en vie. J'ai averti mon fils que je partais pour
Melaque demain, étant repue de Puerto Vallarta. J'étais triste de
n'avoir pu lui parler, mais contente de dire que tout allait bien
malgré mon immense fatigue. mais que demain, en autobus ça me
reposera! J'ai aussi le reste des vacances pour le faire! Alors pas de
problème et bonne nuit! J'espère que j'aurai un sommeil de plomb
le soleil m'ayant tapé dessus assez fort pour aujourd'hui!
Fleur de Soleil, Hôtel Posada Roger, P.V. Mexique, 16 janvier, en soirée
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Passages
6- Le vrai départ
Oh! que la nuit
fut bonne à dormir!
Oh! que j'ai mal à mes os,
à mes muscles,
à mes articulations.
Oh! que je suis heureuse
de m'en aller de Puerto Vallarta!
Oh! que je suis contente
d'avoir bouclé les valises!
Après avoir bu un jus de fruit de goyave et grignoté
quelques biscuits j'ai décidé pour tuer le temps d'aller faire un tour
du côté de la mer, à quelques blocs d'ici. Marché une heure aux
alentours pour trouver un autre hôtel lors d'un futur arrêt ici Les
rues du centre-ville sont si bruyantes peu importe l'hôtel où je
serai. Je suis aussi très lasse, m'arrêtant tous les cinq minutes,
ayant beaucoup trop de douleur. Je paie maintenant les
conséquences pour mes trois jours de plaisir. Est-ce qu'un jour les
symptômes de l'après-polio seront derrière moi et que je pourrai à
nouveau être comme avant? Mystère et boule de gomme mais je
ne me fais pas d'illusion. Prendre une journée à la fois et en tirer la
meilleure partie comme madame tout le monde. Il y a aussi la
chaleur, le temps humide, le bruit du restaurant au El Toucan où je
suis assise. C'est plein et une longue file d'attente. Je ne suis
vraiment pas bien. Je dois être affamée. Même hier sur la bateau,
le bruit des moteurs, de la musique et du G.O. Est-ce donc cela que
les touristes cherchent quand ils viennent ici? S'étourdir, se polluer
de bruit, de CO2, d'alcool et fêter jusqu'aux petites heures du
matin. Ils ont dû fêter moins fort hier soir car j'ai réussi à dormir.
Me suis réveillée en forme pour fonctionner au ralenti!
Commande et réception de mon déjeuner-dîner. Le garçon
n'a pas bien compris ce que je voulais: légumes frits sans
l'omelette, des patates rissolées et des frijoles. Reçu l'omelette aux
légumes. Le gérant qui parle anglais a finalement compris que je
voulais un repas végétarien qui ne figure pas au menu dans ce pays
de musique et d'oeufs ranchero. Qu'est-ce qui est venu en premier,
Passages
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la musique country des U.S.A., du Canada ou du Mexique? J'ai
dégusté rapidement mais avec plaisir mon plat car l'heure du
départ approchait très vite, même si "mexican time" existe et qu'il
y a toujours "manana". C'est aujourd'hui que je pars. J'en ai assez
de la vie de touriste, j'ai besoin de calme, de solitude et surtout de
ne rien faire jusqu'à ce que je récupère et que mes forces
reviennent.
Au moment de payer on m'avait chargé l'onmelette et tous
les extras. Négociation et suggestion d'offrir au moins un menu
végétarien dans le futur. Tout dit en espagnol et sur un ton poli,
malgré le temps qui filait, qui filait et la file qui attendait et moi
qui faiblissait et m'inquiétait au sujet de mon départ. Un excellent
restaurant où on y sert des crèpes et des gauffres à longueur de
journée. Le soir, le resto est moins occupé, les touristes désirant
autre chose que des omelettes et des frijoles.
Payé mon hôtel. Essayé de négocier encore, que si je
payais comptant en pesos, on me donnerait 10% d'escompte,
comme on avait fait au resto le premier soir. Ayant appris que les
restos préfèrent les dineros vivants que sur cartes de crédit, je
pensais gagner quelques sous. Non! Alors ça sera la carte de crédit
pour sauver les pesos qu'il me reste afin de m'éviter d'aller à
Cihuatlan, à une heure d'autobus de Melaque, car l'autobus arrête
partout. Ou quinze minutes en auto. Mais je n'ai pas d'auto et je
n'en désire pas, trouvant qu'ici il y a un système d'autobus qui me
convient.
Taxi! Me voilà à la gare d'autobus, dix minutes d'avance.
Bueno! Je trouve cela excitant, car ça c'est le vrai départ. Ce que je
viens de vivre avant c'était en attendant, pour me distraire comme
touriste. C'est un peu chez moi où je m'en vais, y ayant habité huit
semaines l'an passé.
Dans l'autobus, première classe, très confortable, un peu
frisquet, l'air climatisé étant de mise, j'ai rencontré une femmeauteure, de Seattle et qui souffre de schlérose en plaques. Nous
avons parlé longuement de santé, comment chacune de nous, nous
prenons soin de nous-mêmes, selon nos symptômes similaires
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Passages
mais aussi différents. Comment nous essayons aussi de mener une
vie la plus saine possible et la plus proche de la nature de par le
manger et le style de vie. J'irai la voir à Barra de Navidad, le
village voisin, à quinze minutes d'autobus, et pour quelques pesos.
Elle m'a inspiré beaucoup pour continuer d'écrire mon journal et
sur la vie que je vivrai au Mexique. On verra ce qui arrivera, si
j'aurai la patience de me soumettre à cet exercice d'écriture
quotidien.
Je devais m'asseoir au siège #5, derrière le chauffeur avec
vu vers l'intérieur du pays plutôt que la côte mais quelqu'un d'autre
était assis à ma place quand je suis embarquée. L'homme de Vera
Cruz a vérifié avec moi si c'était o.k. de "cambiar" -changer- de
place, car il voulait être assis avec son copain, musicien lui aussi.
Ils s'en allaient à Ixtapa pour jouer de la musique. "No problema!"
que je lui ai répondu. Je me suis donc retrouvée assise dans le
premier banc, à droite du chauffeur. La place de choix pour voir le
paysage à gauche et à droite. Je ne l'avais pas choisi hier car je
craignais d'avoir le soleil trop longtemps à ma droite. Temps
nuageux aujourd'hui. Le hasard a voulu que je rencontre Kathryn,
plutôt que des ménestrels de Vera Cruz. Celui qui parlait anglais
m'a baisé la main en descendant à Melaque. Je lui ai souhaité
bonne chance et lui ai dit que peut-être je les reverrais dans cette
ville, à la plage, au resto Viva Maria s'ils venaient un soir y
chanter. Adios! Amigos!
Je suis enfin ici! Quel bonheur!
Taxi! Et je file vers le nord de la baie, à un coin de rue de
la plage. Enfin je vais pouvoir avoir une routine : dormir, peindre,
écrire, me faire la cuisine, me baigner dans la mer tous les jours, la
sieste dans le hamac, mes placotages avec Evelia, la rencontre de
gens nouveaux et anciens. Quel luxe m'attend!
Fleur de Soleil,17 janvier, Bar El Toucan P.V. jour, & hôtel à Melaque, soirée.