Le Journal du Dimanche - 20 Decembre 2015 - entree

Transcription

Le Journal du Dimanche - 20 Decembre 2015 - entree
www.lejdd.fr I 20 décembre 2015 I N° 3597 I 1,80 € (JDD + Version Femina)
Cinq idées chocs contre le chômage
J. MARS
Laurent Berger met en garde le gouvernement
bernard TaPie
« Je reviens
en politique »
M 00851 - 3597 - F: 1,80 E
3’:HIKKSF=VUV]UZ:?d@p@t@h@a";
b Exclusif. Défait par la justice
et menacé de ruine, l’homme
d’affaires prépare un plan
« pour interdire le chômage des
jeunes » b Il menace de rentrer
dans le jeu de 2017 b Sa femme,
Dominique Tapie : « Nous
ne sommes pas traités comme
tout le monde »
Pages 14-15
Bernard Tapie, vendredi, chez lui, à Paris. BERNARD BISSON POUR LE JDD
PASCAL POCHARD-CASABIANCA/AFP
EPA/MAXPPP
PHILIPPE LAVIEILLE/MAXPPP
Gilles Simeoni au Jdd
baisse du pétrole
31 décembre
Pages 8-9
Pages 20-21
Page i du Cahier Paris
La libération
Les pays de Golfe
d’Yvan Colonna ?
préparent une
«On verra plus tard» cure d’austérité
France métropolitaine : 1.80 €
Sur les Champs,
un réveillon sous
haute surveillance
Pages 2 à 4
2|
L’événement
jdd | 20 décembre 2015
Social L’Élysée cherche des mesures pour l’emploi que la droite pourrait soutenir.
Mais les clivages sont profonds. Les Républicains y voient un piège
L’unité nationale contre le chô
P
chriStine ollivier
nicolaS PriSSette
@coll7533
@NicolasPri7
euvent-ils s’entendre ?
Certes, Manuel Valls a
accepté cette semaine
la main tendue par
Jean-Pierre Raffarin,
et la droite, comme le patronat,
se sont aussitôt emparés du débat.
Mais déjà, les syndicats et une partie de la gauche grondent. François
Hollande s’est donné un mois pour
apporter sa réponse. Le président
de la République livrera son plan le
18 janvier au Conseil économique,
social et environnemental, lors des
traditionnels vœux aux acteurs de
l’entreprise et de l’emploi.
« Il y a des majorités d’idées.
On ne peut pas dire : “rassemblezvous uniquement sur nos projets”,
il faut étudier ceux des autres. On a
réussi sur la sécurité, on peut réussir sur d’autres sujets », espère un
proche du chef de l’État. Au sein
de l’exécutif, la COP21 sert de référence. « Les positions étaient très
éloignées au départ, mais le dialogue et le mouvement de la société
ont permis un accord », estime un
conseiller.
Le patronat fonce,
les syndicats s’alarment
Hollande a réuni le gouvernement hier pour un séminaire
destiné à préparer l’année 2016.
La veille, il a assisté à la réunion
quotidienne du secrétaire général de l’Élysée, à laquelle il se rend
une fois par trimestre. Au menu,
entre autres dossiers, les futures
mesures pour l’emploi. L’exécutif
a inscrit à son programme une loi
El Khomri, du nom de la ministre
du Travail, destinée à simplifier
le Code du travail, et une loi Macron 2 pour doper les créations
d’entreprises. Il va notamment y
ajouter un dispositif pour la formation des chômeurs.
François Hollande, vendredi, à l’élysée. Le Président livrera son plan contre le chômage le 18 janvier au Conseil économique, social et environnemental. Thomas Padilla/maXPPP
Mais après avoir vu François
Hollande accepter devant le
Congrès les idées des Républicains
et du FN contre le terrorisme, les
syndicats redoutent qu’il emprunte le même chemin contre le
chômage. Dans son interview au
JDD (lire ci-contre), le secrétaire
général de la CFDT, Laurent Berger, exhorte Manuel Valls à refuser
les projets du patronat. « Il y a déjà
eu un pacte, c’est le pacte de responsabilité », rappelle-t-il, évoquant
les 41 milliards de baisse d’impôts
destinés à relancer la croissance et
l’emploi, dont il réclame un bilan.
Dès mardi, Pierre Gattaz a plaidé pour un « état d’urgence économique » et un « pacte républicain »
contre le chômage. Le président
du Medef propose un contrat de
travail exonéré de toute cotisation
pendant deux ans, l’allongement
des CDD jusqu’à trois ans, la dégressivité des allocations chômage,
une nouvelle TVA sociale, etc.
François Asselin, son homologue
de la CGPME, dont de nombreux
adhérents sont sensibles au discours du FN, a, lui aussi, dégainé
une série de revendications similaires (lire ci-dessous).
La droite, elle, met le Premier
ministre au défi de passer des
paroles aux actes. Convié début
janvier à Matignon comme les présidents de groupe parlementaire,
le chef des députés UDI, Philippe
Vigier, compte s’y rendre avec ses
propositions. « Je suis prêt à travailler, dit-il, mais seulement si la
démarche est sincère, avec des mesures fortes et non des mesurettes. »
Patron de la majorité sénatoriale et nouveau président de la
région Pays de la Loire, Bruno
Retailleau (LR) renvoie, lui aussi,
la « charge de la preuve » à Manuel
Valls. « Nous avions tendu la main
au moment de la loi Macron, rappelle-t-il. Le gouvernement nous a
claqué la porte au nez. »
Dans une tribune publiée hier
dans Le Monde, François Fillon
prend aussi François Hollande au
mot en le sommant de « faire sauter
les verrous » : sur le contrat de travail, les 35 heures, le licenciement
économique, les seuils sociaux…
Autant de mesures que l’exécutif
a écartées depuis 2012. L’ancien
Premier ministre rejette d’avance
une « mini-loi El Khomri » qui viendrait après « la petite loi Macron ».
avantage est de donner une réputation : on est noté par les clients, qui
peuvent être rassurés sur la fiabilité
du service. Faire de l’autostop était
autrefois dangereux, aujourd’hui,
on sait avec qui on monte en voiture.
Demain, on saura à qui on confie
ses courses, la garde d’une personne âgée, etc. Les plates-formes
permettent aussi d’ajuster l’offre
et la demande, donc de réduire les
heures sans activité
et d’augmenter le
volume de travail.
Le gisement d’emplois est phénoménal. Mais on ne peut
pas développer ces
métiers, qui sont
souvent de l’emploi indépendant,
sans résoudre en même temps
la question de la précarité. Par
exemple, seul un CDI est reconnu
par les banques pour un prêt immobilier. Si l’on montre qu’on paie son
loyer chaque mois, ou qu’on a déjà
remboursé un emprunt, cela devrait
suffire auprès des banques. »
Laurent Bigorgne, directeur
de l’institut Montaigne
lège, en gardant le collège unique. En
France, les ambitions sont déplacées,
on veut que tout le monde atteigne
le même niveau ; du coup, la part de
l’enseignement académique est trop
forte. De leur côté, les entreprises
doivent repenser le fonctionnement
des branches. En Allemagne, un
patron peut en appeler un autre à
50 km pour lui demander s’il connaît
un apprenti à recruter. En France, à
part l’aéronautique et l’automobile,
aucun secteur ne sait travailler de
cette façon. »
cinq idéeS choc Pour l’emPloi
François Asselin,
président de la CGPME
Instaurer un contrat
sans charges
« Je ne demande qu’une chose, c’est
qu’on écoute les entrepreneurs car
l’occasion d’agir ne se représentera
pas dans ce quinquennat. Nous préconisons dans l’urgence l’instauration du contrat zéro charges, dispositif qui avait bien fonctionné en
2008. Le gouvernement a certes fait
un effort considérable avec le pacte
de responsabilité,
qui nous permet
de rattraper l’écart
de taux de marge
avec les entreprises
allemandes. Mais
la pression fiscale
a beaucoup de mal
à baisser : de nouveaux prélèvements sont prévus pour les mutuelles obligatoires et les impôts
locaux augmentent. Quand vous
demandez aux patrons pourquoi
ils n’embauchent pas, ils formulent
toujours les mêmes réponses : il faut
agir en sécurisant les ruptures de
contrats de travail, donc en levant la
peur d’embaucher. Les séparations
doivent être plus simples, plus rapides. Le coût des litiges éventuels
doit être connu à l’avance, comme
le prévoyait la loi Macron. »
Augustin Landier, école
d’économie de Toulouse,
membre du Conseil
d’analyse économique
Développer
les plates-formes
numériques
« Le chômage concerne surtout les
moins qualifiés. Le taux est de 16 %
en dessous du baccalauréat, contre
6 % au-dessus. Or nous avons un déficit d’emplois de services auxquels
les personnes peu qualifiées pourraient prétendre. Les plates-formes
numériques, comme celle d’Uber,
sont une solution d’avenir. Leur
Réformer
l’apprentissage
« La France ne s’est pas posé les
bonnes questions pour les jeunes les
moins qualifiés. Il faut une réforme
profonde de l’apprentissage. Nous
avons trois fois moins d’apprentis
que l’Allemagne, or nous dépensons trois fois plus d’argent public.
Il n’y a pas besoin d’ajouter des subventions, si c’était la solution, cela
marcherait déjà. Le sujet est le pilotage du système : il
doit être repris en
main. Aujourd’hui,
l’ensemble est défaillant, entre les
lycées professionnels de l’État, qui
sont délaissés, et les
centres de formation financés par les
régions, les branches et les chambres
consulaires. Il faudrait aussi créer un
préapprentissage au niveau du col-
Claire Hédon, présidente
ATD Quart Monde
Appliquer le projet
zéro chômeur
de longue durée
« Le chômage de longue durée
coûte 33 milliards d’euros par an
à la collectivité, entre les aides
sociales versées, les pertes de
recettes fiscales, les surcoûts en
santé… Notre idée est d’utiliser
l’événement | 3
jdd | 20 décembre 2015
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
mage ?
Taux de chômage
selon les critères du BIT
(moyennes trimestrielles en %
de la population active en France,
y compris DOM)
Prévision
11
10
10,4%
9
8
7
2007
2009
2011
2013
2015 2016
Source : Insee
« Ce qu’on est capable de faire
dans les collectivités locales, où on
travaille déjà ensemble, on doit être
capable de le faire au plan national,
veut croire, pour sa part, l’ancien
ministre (LR) Dominique Bussereau. Si on veut éviter d’avoir
Marine Le Pen présidente en 2017,
il faut qu’on se secoue les puces. »
Le nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand, s’y emploie :
il a appelé le député PS Laurent
Grandguillaume pour s’associer à
l’opération « Territoires zéro chômeurs de longue durée », un dispositif d’ATD Quart Monde approuvé
par les députés, majorité et opposition confondues.
Scepticisme à droite
Mais c’est bien le scepticisme
qui domine à droite, pas dupe du
piège tendu par François Hollande
à dix-huit mois de la présidentielle.
Convié en janvier à l’Élysée avec
les nouveaux présidents de région,
Bruno Retailleau s’y rendra. « Ce
que j’attends, c’est que le talent
que [le Président] met dans la manœuvre politicienne, il le mette au
service du redressement du pays. »
Sans guère y croire : « Tout ça, c’est
de l’habileté politicienne. » g
cet argent autrement. En rassemblant ces moyens, il est possible de
financer la création d’emplois en
CDI au smic pour des chômeurs de
longue durée, dans des entreprises
privées. Ces emplois nouveaux ont
vocation à répondre à une demande
de services qui n’est pas satisfaite
aujourd’hui parce que trop chère.
Je pense au soutien
scolaire, à l’accompagnement de personnes âgées, à l’entretien des jardins
partagés, à l’aménagement de chemins
de randonnée, etc.
Ces prestations seront payées par
les clients mais à un prix devenu
abordable. Cette proposition est en
bonne voie. Elle a été portée par le
député PS Laurent Grandguillaume
et votée à l’unanimité à l’Assemblée
le 10 décembre, elle passe au Sénat
le 13 janvier. Ce consensus politique
est très important pour ATD Quart
Monde. Le dispositif doit être
expérimenté dans une dizaine de
« Chacun cherche
la martingale »
IntervIew
NicolaS PriSSette
@NicolasPri7
le gouvernement souhaite
une union nationale contre
le chômage. Pierre Gattaz,
président du Medef, veut
un « pacte républicain ».
Une concorde pour l’emploi
est-elle envisageable ?
L’urgence absolue est de faire
baisser le chômage, d’accord.
Qu’il y ait des gens de tout bord
qui portent une volonté commune, très bien. Que le chômage
favorise le vote FN, tout le monde
l’a compris. Mais la question est
de savoir comment on fait. Je dis
au gouvernement : ne cédez pas
à la panique, ne cédez pas à la
pensée unique selon laquelle le
problème est le coût du travail,
comme le dit le Medef. Le problème, c’est l’investissement, la
qualification et la formation.
il n’est pas possible de trouver
des mesures consensuelles ?
Chacun cherche la martingale contre le chômage. On rêve
d’une solution miracle, on tente
la transgression… Mais le patronat est figé dans ses postures. Je
constate que les idées du Medef,
c’est la précarité, la baisse supplémentaire du coût du travail, et
aucune réflexion sur l’économie.
Que le gouvernement ne tombe
pas dans ce piège.
le coût du travail en France
n’est plus un sujet ?
Les entreprises ont eu l’argent
du pacte de responsabilité, 41 milliards d’euros. Elles devaient
investir, former, embaucher.
Quelques branches se sont engagées mais beaucoup ont failli. Je
demande que le gouvernement
réunisse dès que possible tous les
partenaires sociaux pour tirer les
choses au clair, faire le bilan des
engagements sur l’investissement, les embauches, l’appren-
territoires ruraux et urbains pendant cinq ans. Nous estimons que
2.000 à 3.000 personnes pourraient
en bénéficier. Cela nous permettra
d’apprécier l’efficacité de la mesure
et son impact sur la scolarité des
enfants, la santé, la vie sociale, etc. »
Paul Duan, cofondateur
de l’ONG Bayes Impact
Utiliser le big data
« Notre ONG établie à San Francisco est composée d’ingénieurs
et de scientifiques spécialisés dans
l’utilisation à grande échelle des
données. En France, beaucoup de
formations n’offrent pas de débouché, les reconversions sont lentes,
la mobilité est faible. Nous avons
une institution unique en son genre,
Pôle emploi, qui centralise beaucoup de données. Il est possible
de les exploiter plus efficacement
en partageant les informations
sur les personnes, leurs parcours,
les formations et les entreprises.
Nos outils informatiques peuvent
Laurent
Berger :
« Je dis au
gouvernement :
ne cédez pas
à la pensée
unique
du Medef. »
Julien
De FOnTenAY
POuR le JDD
tissage. Il faut commencer par
demander des comptes au lieu
de se laisser embarquer dans
l’escalade des revendications
patronales.
ce serait la faute au patronat,
les syndicats n’ont rien
à se reprocher ?
La CFDT a pris ses responsabilités. Je n’ai pas d’état d’âme
pour aider les entreprises à
construire les mobilités, à développer les compétences, à s’organiser avec agilité pour répondre
à la demande. Je dis aussi qu’on
peut soutenir l’entreprenariat
comme le fait, par exemple,
l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie). Personne ne reprochera à la CFDT
un quelconque immobilisme. En
revanche, il faut arrêter de considérer que les organisations patronales n’ont aucune responsabilité
dans le chômage. Définissentelles le nouveau monde, celui de
la transition énergétique, de la
transition numérique, de la qualité des relations sociales ? Non,
rien. Le leader du Medef dit que le
social est un problème, alors que
la performance de l’entreprise en
dépend.
le gouvernement promet
un effort sur la formation.
permettre au demandeur d’emploi
de définir sa meilleure stratégie de
recherche. Un exemple simple, si
quelqu’un veut être boulanger, on
peut trouver sur tout un territoire
les meilleures formations et identifier les endroits où on aura besoin
d’une boulangerie. Autre exemple,
en comparant les profils d’inscrits
à Pôle emploi à ceux présents sur le
site Viadeo, on peut voir où sont les
compétences qui
manquent et donc
y répondre. En
Allemagne, cette
approche a permis
de grands progrès
pour la formation.
En France, elle aide
déjà à anticiper les embauches par
secteur. Ce qui manque à ce stade,
c’est une logique d’ensemble. Nous
avons commencé à travailler avec
Pôle emploi et le ministère du Travail. Le projet est certes ambitieux
mais utiliser les données ne nécessite pas des moyens colossaux. »
ProPoS recUeilliS Par N.P.
MAXPPP, OPAle/leeMAge, news PicTuRes, AnDiA, leFigAROPHOTO
cela va-t-il dans le bon sens ?
Il faut faire beaucoup, beaucoup plus sur la formation. Nous
avons un besoin urgent de former
450.000 demandeurs d’emploi
supplémentaires. Le plan en
cours porte sur 150.000 entrées
pour les métiers en tension, ceux
de la transition numérique et
énergétique. Il faut aller beaucoup plus loin en élargissant aux
qualifications de demain et aux
savoirs fondamentaux. On estime
que 60 % des métiers qui embaucheront dans vingt ans ne sont
pas connus. Il y a donc beaucoup
à faire.
Si c’est urgent, pourquoi cela
n’a-t-il pas été fait jusqu’ici ?
Parce que tous les acteurs
n’agissent pas ensemble. Il y a
des centres de formation vides
et l’Association pour la formation professionnelle des adultes
(Afpa) doit être pleinement utilisée. Nous voulons travailler
mieux avec les conseils régionaux. Et nous attendons que
l’État s’engage fortement sur le
financement des mesures à venir.
comment relancer
l’apprentissage,
comme le veut l’exécutif ?
Il faut permettre l’entrée en
apprentissage à n’importe quelle
période de l’année. Aujourd’hui,
si un jeune rate la rentrée de septembre, il se retrouve démuni
pendant un an. L’apprentissage
ne coûte presque plus rien aux
entreprises, c’est bien la preuve
que la baisse des coûts ne résout
pas tout. Pour débloquer la situation, nous devrons peut-être passer par une forme de contrainte
et pénaliser les entreprises sans
apprentis. Il faudra aussi un acte
volontariste pour améliorer le statut de l’apprenti et pour relancer
les formations au niveau CAP et
bac pro.
Quels sont vos modèles
de réussite contre le chômage ?
J’ai beaucoup d’exemples.
Quand Renault recommence
aujourd’hui à embaucher, après
un accord de compétitivité qui a
sauvé des emplois, c’est la preuve
que c’est possible. Quand on a fait
des plans de formation à SaintNazaire pour répondre aux nouvelles commandes des chantiers
de l’Atlantique, ça a marché.
Quand, à Cholet, une entreprise
de menuiserie est passée de 90 à
450 salariés en investissant et en
augmentant la part de femmes,
grâce au dialogue social, ça a
marché aussi.
Vous n’avez pas signé
le projet d’accord sur le travail
du dimanche dans les grands
magasins. c’est un échec ?
Ce n’est pas terminé. Dans la
loi Macron, nous avons exigé que
le travail dominical passe par un
accord pour que les contreparties
soient dûment négociées. Nous
souhaitons aboutir dans les grands
magasins. Il y a encore des points
importants à traiter, pour les
vendeurs démonstrateurs, sur la
garde d’enfants, sur les créations
d’emplois. J’invite les dirigeants
de la branche professionnelle à
écouter la fédération CFDT pour
trouver les solutions. g
4 | l’événement
JDD | 20 décembre 2015
TémoignageS de chômeurS
Béatrice, ex-Gad, 43 ans, bac pro
« J’enchaîne
les petits contrats »
Selon l’insee, 1,4 million
de personnes se trouvent comme
Béatrice dans le « halo »
du chômage. Les fins de cdd
et d’intérim représentent 28 %
des inscriptions à Pôle emploi
« J’ai eu l’impression de tomber
dans un trou lorsque j’ai dû quitter
les abattoirs Gad fin 2013. Après un
bac pro, j’étais entrée dans le groupe
pour faire de la télévente. Cela a
duré vingt ans. Je savais très bien
que l’on perdait des clients et de
l’argent mais ce fut tout de même
un traumatisme. Tout de suite après
mon licenciement, j’ai accepté un
CDD de télévente dans une autre
entreprise bretonne. Je me suis retrouvée à nouveau au chômage avec
34 € d’indemnité journalière pendant plusieurs mois. L’agence Pôle
emploi ne m’a pas aidée, l’ambiance
était morbide. On prend vos documents sans vous parler et tout se fait
par mail. Seule la cellule de reclassement d’Altedia pour les ex-Gad
m’a soutenue psychologiquement.
En février 2015, j’ai accepté un autre
CDD, toujours en télévente, à 35 km
de mon domicile. Je suis payée un
peu moins que chez Gad, environ
1.300 €. »
m.n.
Pascal, 56 ans, ancien de PSA Aulnay
« Trop qualifié,
trop vieux, trop cher »
Les plus de 50 ans représentent
un inscrit sur quatre à Pôle
emploi. cette catégorie
en augmentation est évoquée
comme celle des « chômeurs
découragés », ayant peu de
chances de retrouver un emploi
« Une journée m’avait suffi pour
trouver un emploi chez PSA à Aulnay. C’était il y a trente ans… J’ai
fait toute ma carrière dans l’usine
Citroën avant la fermeture, fin 2013.
J’étais responsable des essais industriels. Pas cadre, mais vraiment pas
loin. Aujourd’hui, je suis trop qualifié, trop vieux, trop cher pour sortir
du chômage. J’ai bien décroché une
semaine d’essai, il y a plusieurs mois,
pour un poste dans l’automobile.
C’était une erreur de jugement, de
ma part ou de celle de l’employeur.
En congé de reclassement, j’ai compris que créer ma boîte serait plus
payant que d’attendre un emploi. Je
viens de monter une société de services informatiques. Elle a déjà un
nom, Comutel.fr, un site Internet, un
siège social chez moi, à Dammartin.
Je suis toujours en procès contre
PSA, qui m’a laissé sur le carreau.
On est beaucoup trop nombreux
dans ce cas. »
S.a.
Charlotte, 22 ans, sans diplôme
« Ici, il n’y a rien »
526.800 personnes de moins
de 25 ans sont au chômage.
Le marché du travail des jeunes
connaît une légère amélioration :
le nombre d’inscrits à Pôle emploi
a reculé de 2,9 % sur un an
« J’ai 22 ans, j’habite chez mes
parents à Pipriac, en Ille-et-Vilaine. Après la seconde, je me suis
orientée vers un bac professionnel
dans les métiers du cheval. Mais j’ai
dû arrêter ma scolarité à la suite
d’un accident. Depuis trois ans, je
cherche du travail dans le domaine
équestre, sinon dans les métiers de
la photographie ou de la vente. Mais
ici, il n’y a rien. Mes amis, eux, ont
poursuivi leurs études ou bien ils
sont partis travailler ailleurs. J’ai
mon permis de conduire mais je
n’ai pas les moyens de bouger et
personne pour m’héberger. Je n’envisage pas de reprendre des études,
les formations sont payantes et je
suis en âge de travailler, c’est ce
que je veux. Les employeurs, eux,
demandent surtout de l’expérience,
mais aucun ne veut en donner. Je
me suis investie dans le milieu associatif avec ATD Quart Monde,
cela me donne de l’espoir, ça donne
envie de se battre. »
n.P.
à La Plagne, les saisonniers embauchés dans les hôtels, les bars et les restaurants se chiffrent par milliers. Camille mOiReNC/hemis.fR
La montagne, premier
employeur de France
Comment 120.000 saisonniers sont embauchés pour quelques mois.
Reportage à La Plagne, la plus grande station au monde
La PLagne (Savoie)
EnvoyéE spécialE
SyLvie andreau
Il ne manque que la neige. Les
saisonniers, eux, sont là depuis
le week-end dernier et l’ouverture d’une majorité de stations
de ski françaises. De la femme
de chambre au spécialiste du déclenchement d’avalanches, près
de 120.000 personnes ont pris
leur poste. La montagne devient,
l’espace de quelques mois, le premier employeur du pays. Une
bonne nouvelle : les recrutements
vont résister cet hiver, malgré
une industrie du ski qui voit son
nombre de clients fondre année
après année. Même en altitude, les
maux qui gangrènent le marché
du travail persistent : la précarité
qui s’est installée, les demandes
d’emploi supérieures aux offres,
les jeunes sans formation…
« Pour réussir sa saison, il faut
pouvoir compter sur une équipe motivée et opérationnelle », insiste Stefan Koumanov, directeur d’école
de ski à La Plagne. La plus grande
station de France, avec 2,4 millions
de skieurs par saison, est aussi le
plus grand employeur d’altitude du
pays. Elle compte près de 700 moniteurs de ski, autant de salariés
pour l’entretien des pistes et le
fonctionnement des remontées.
Les saisonniers embauchés dans
les hôtels, les bars et les restaurants se chiffrent par milliers.
Opération recrutement
à Albertville
Cet automne, l’opération recrutement a commencé à Albertville,
avec un grand forum des employeurs régionaux. Les candidats
y sont arrivés des quatre coins de
France, souvent en bus spéciaux.
Caroline Arpin, propriétaire de
l’un des rares quatre-étoiles de
la Plagne, le Carlina, y prend
chaque année son stand. « Beaucoup de jeunes veulent aller travailler à Courchevel, mais c’est de la
poudre aux yeux. Ils n’auront jamais
la vie d’un client de Courchevel… »,
insiste l’hôtelière, qui a bouclé son
recrutement de 40 personnes. Sans
qualification, Morgane, Bretonne
de 20 ans, a dû suivre une formation de quelques semaines dans
un hôtel de Tignes, transformé en
école en attendant l’ouverture de
la saison. Elle vient de commencer un contrat de professionnalisation de femme de chambre au
Cocoon, petit hôtel familial et haut
de gamme de La Plagne. Si tout va
bien, elle y restera jusqu’à la miavril. Sinon, elle passera par la case
maison des saisonniers.
Planté au cœur de La Plagne
centre depuis 2003, le petit bureau
de Carine Pouchoy ne désemplit
pas. À la fois agence de Pôle emploi,
antenne de la Sécurité sociale et
office d’intérim, la maison des
saisonniers reflète le climat social
qui règne dans le massif. « Nous
avons cette année beaucoup plus
de demandes que d’offres », regrette
Carine Pouchoy. La Plagne fait partie de ces stations d’altitude qui
ouvrent tôt et ferment tard dans
la saison. Leur bon enneigement
est censé assurer des contrats plus
longtemps… Sauf qu’à La Plagne
comme ailleurs, ceux-ci ont tendance à se raccourcir. « On voit
se développer des CDD calés sur
le calendrier scolaire et même des
demandes pour des extras sur de très
courtes périodes », témoigne Carine
Pouchoy. « On ne consomme plus la
montagne comme il y a vingt ans,
justifie Jean-Luc Boch, maire de la
commune. Le client est moins fidèle,
les séjours se raccourcissent. »
Les stations se retrouvent avec
des jeunes inoccupés une grande
partie de l’hiver. Adrien, 23 ans,
arrivé d’Aix-en-Provence, n’a pas
passé le cap du premier week-end
d’ouverture dans le restaurant qui
l’avait embauché. Électricien de
formation, commis de cuisine par
opportunisme, il est passé déposer
un CV à la maison des saisonniers.
Il a aussi 48 heures pour débarrasser le plancher du petit studio où
son patron l’avait logé. « Sans toit
sur la tête, ça devient très compliqué », s’inquiète le jeune.
« On est mieux ici
que chez Astérix »
Le premier employeur de la station, la société d’exploitation des
remontées mécaniques, n’a pas hésité à mettre en place des navettes
quotidiennes pour le transport de
ses 645 salariés, de la vallée vers
la station. Elle aussi reçoit des
centaines de CV, malgré moins
d’une vingtaine d’embauches par
an. Le métier de pisteur fait toujours rêver mais ce sont des électriciens et des mécaniciens que
recherche avant tout Christine
Wojcik. « Et des gens qui parlent
anglais », insiste la directrice générale adjointe de La Plagne. Une
compétence qui reste rare, même
parmi les jeunes saisonniers. Autre
atout du gestionnaire des remontées, il propose l’été un reclassement dans ses parcs d’attractions.
Katie, 58 ans, dont quarante aux
remontées mécaniques, est bien
allée faire un tour « chez Astérix »
en région parisienne. « C’est bien
mais on est mieux ici », sourit-elle
depuis le départ du télésiège des
Verdons. g
6 | instantanés
JDD | 20 décembre 2015
Les indiscrets
Le top 5 twitter
Les confidences d’Onfray
Avant d’annoncer sa pause médiatique, Michel Onfray
avait donné son accord à Isabelle Morizet pour une
interview intime sur Europe 1 et il a tenu parole. Onfray
évoque longuement son enfance particulière dans la
Manche : sa mère, femme de ménage, qui l’abandonne
à 10 ans, avec qui il s’est finalement réconcilié ; son père,
ouvrier agricole, taiseux, qui est mort dans ses bras ;
son pensionnat catholique en forme d’orphelinat ; son
caractère chétif dans ce Far West français ; sa croyance
éphémère en Dieu puis son amour des livres ; son rêve
d’être conducteur de trains… Un entretien d’une grande
émotion. Aujourd’hui à 15 heures, sur Europe 1.
1 Lundi matin, après un second tour
Boucheron fait la leçon
au collège de France
Une longue houle d’applaudissements. L’historien Patrick
Boucheron a fait bouger les lignes jeudi soir pour sa leçon
inaugurale au Collège de France, prononcée à guichets
fermés. Devant ses pairs aux trois premiers rangs, il n’a pas
hésité à suggérer « de réorienter les sciences sociales vers la
cité, en abandonnant d’un cœur léger la langue morte dans
laquelle elles s’empâtent ». Devant Thierry Mandon, le secrétaire d’état chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’historien a conclu ainsi : « Pour affronter ce qui vient,
il nous faudra être calmes, divers, et exagérément libres. »
un seul concours
pour les avocats
Révolution chez les avocats. Thierry Mandon,
le secrétaire d’état chargé de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche a annoncé
vendredi la création prochaine d’un concours
national pour préparer à la profession
d’avocat. Jusqu’à présent, 44 concours
distincts étaient organisés dans 44 universités
qui devaient concocter chacune 16 épreuves
différentes… avec des taux de réussite allant
du simple au double.
L’hommage
de riad sattouf
L’an
prochain,
le musée du
Quai Branly
fête ses
10 ans. Huit
expositions
seront
organisées
dont l’une,
très
attendue,
« Jacques
Chirac et le
dialogue des
cultures »
sur l’ancien
président
qui s’est battu sans compter pour l’ouverture
de ce musée des arts et civilisations. Pour
l’occasion, le dessinateur et cinéaste Riad
Sattouf (Les Beaux Gosses) a accepté ce
qu’il refuse habituellement : la réalisation
de l’affiche qui servira d’identité visuelle
au musée pour toute l’année 2016.
La commission
d’éthique de la
Fifa rend son
verdict à l’encontre
de Michel Platini
(photo) et Joseph
Blatter, qui risquent une
radiation à vie de l’instance
internationale de football.
g Sommet du Mercosur,
le marché commun sudaméricain, à Asunción
(Paraguay). g Cérémonie
d’investiture du président
s’est dit d’accord avec Jean-Pierre
Raffarin, qui défend l’idée
d’un « pacte républicain contre
le chômage » pour éviter
une victoire du FN en 2017.
@manuelvalls
Un pacte républicain pour l’emploi.
Tous rassemblés pour en finir avec le
chômage ! Ok avec @jpraffarin !
annoncé mercredi qu’ils reviendront
en concert à Paris le 16 février à
l’Olympia. Julie, rescapée du
Bataclan, annonce qu’elle y sera.
@joulaye
Bon bah je sais pas pour vous mais
moi, le 16 février je serai à L’Olympia
4 Alors que Star Wars sort en salles,
la gendarmerie nationale détourne
une des plus célèbres répliques
de la saga à son compte.
@Gendarmerie
#StarWars
Fan de la saga
ou pas, sur la #Force humaine
toujours compter tu pourras !
#ÀVotreService
anne Hidalgo courtisée par la droite
5 Le milieu de terrain de Chelsea
Les grandes manœuvres ont commencé pour la présidence de la Métropole du Grand Paris
(MGP). Deux élus de droite, André Santini et Patrick Ollier, ont vu récemment Anne Hidalgo.
Tous deux ont proposé à la maire de Paris la première vice-présidence de la MGP. En bonne
mitterrandiste (« on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment »), Hidalgo n’a dit « non »
à personne. Pour l’instant, seul le centriste Philippe Laurent, maire de Sceaux, s’est porté officiellement candidat. Il pourrait rallier des soutiens des deux bords. JUlIen De FOntenAY POUr le JDD
concert post13 novembre
Guigou en Birmanie
Médecins, infirmières, pompiers, secouristes,
militaires… 12.000 personnels et bénévoles
sont invités demain soir à un concert exceptionnel (Stars 80) à l’AccorHotels Arena pour les
remercier de leur mobilisation lors des attentats. La soirée est organisée par la Mairie de
Paris, le ministère de l’Intérieur et l’Assistance
publique-Hôpitaux de Paris.
Le top de la presse
François Hollande, Johnny Hallyday et Tony
Parker sont les personnalités françaises, chacune dans leur secteur, les plus évoquées par la
presse francophone en 2015. C’est le résultat
d’un classement Pressedd, première plateforme de la presse en France.
Lejdd.fr Lire le classement complet
à suivre cette semaine
Lundi
2 Mercredi, le Premier ministre
3 Les Eagles of Death Metal ont
air France change
de chemise
Les personnels d’Air France vont voir leurs
tenues changer. Ils portent du Christian
Lacroix depuis 2005, une éternité en matière
de mode. Alexandre de Juniac, le PDG d’Air
France-KLM, ne voit qu’une griffe susceptible
d’incarner le chic à la française : Chanel.
des régionales sans victoire pour
le Front national, Marine Le Pen
s’est trouvé une nouvelle opposante
de choix : Nabila.
@leonnaboo
@MLP_officiel non mais Allo vous
passerez jamais nananananère
guinéen Alpha Condé,
qui entame son
second mandat.
Mardi
Décision du Conseil
constitutionnel sur la QPC
à propos du régime des
assignations à résidence
dans le cadre
de l’état d’urgence.
g Le Secours populaire,
Marcel Campion et
l’association le Monde
festif invitent 1.000
Le top 5 Google
tendances de recherches du 12 au
18 décembre (plus fortes progressions)
Tous les sujets
France
Personnalités
politiques
1. élections
régionales 2015
2. édith Piaf
3. PSG vs Lyon
4. Pierrette Le Pen
5. Valérie
Pécresse
1. Marion
Maréchal-Le Pen
2. Marine Le Pen
3. Jean-Marie
Le Pen
4. François
Hollande
5. Nicolas Sarkozy
Nos classements et analyses sur lejdd.fr
retrouvez à suivre cette semaine ce matin entre 6 h et 10 h dans Week-end Première sur
enfants et familles d’Îlede-France à la grande
roue, place de la Concorde.
g Bernard Cazeneuve à
Toulouse pour rencontrer
les effectifs déployés dans
le cadre du plan Vigipirate.
g Supercoupes de volley
à Paris-Coubertin.
Mercredi
Présentation en Conseil
des ministres du projet de
réforme constitutionnelle
annoncé par François
IBO/SIPA ; VIncent ISOre/IP3 ; WItt/SIPA ; ISABellA BOnOttO/UPDAte IMAGeS PreSS/MAXPPP
Élisabeth Guigou a
rencontré vendredi
Aung San Suu Kyi à
Naypyidaw, la
capitale
administrative
birmane. La
présidente de la
commission des
Affaires étrangères
de l’Assemblée était
porteuse d’un message de François Hollande
à la chef de l’opposition qui a remporté les
législatives le mois dernier. Guigou s’est dite
impressionnée par la détermination de la
Prix Nobel à « prendre en main la réalité du
pouvoir », tout en sachant que la
Constitution lui interdit d’être présidente.
François Hollande pourrait se rendre en
Birmanie avant l’automne prochain.
Cesc Fàbregas a salué jeudi
le départ de son entraîneur
José Mourinho, démis de ses
fonctions par la direction après
de mauvais résultats.
@cesc4official
Merci pour tout ce que tu as fait
pour moi. Je te dois beaucoup
et tu vas nous manquer à tous.
Bon chance pour la suite.
Hollande trois jours après
les attentats de Paris.
g Décision de
reconduction, ou non,
de l’état d’urgence en
Tunisie. g Discours annuel
du roi Salmane d’Arabie
saoudite (photo) devant le
Majis Al-Choura, le conseil
consultatif. g L’Insee
publie les résultats
des comptes
nationaux pour le
troisième trimestre
2015.
Jeudi
Publication du nombre
de chômeurs inscrits
à Pôle emploi au mois
de novembre. g La CroixRouge invite
2.000 enfants et leurs
parents au spectacle
La Féerie des eaux
et à la projection
du Voyage d’Arlo
au Grand Rex,
à Paris. g Messe
de Noël dans
la basilique de la
Nativité à Bethléem
(Cisjordanie).
Vendredi
Bénédiction urbi
et orbi du pape
(photo) sur la place
Saint-Pierre, à
Rome, à l’occasion
de la fête de Noël.
Samedi
Boxing Day, traditionnelle
journée du championnat
d’Angleterre
de football,
après Noël.
Dimanche
La ville de SaintSébastien, en
Espagne, devient la
capitale européenne
de la culture pour un
an. g Premier tour des
élections présidentielle
et législatives en
Centrafrique. g Second
tour de l’élection
présidentielle en Haïti.
8|
Politique
jdd | 20 décembre 2015
Corse Amnistie des prisonniers, discours en corse, refrain sur l’indépendance… Alors qu’à
s’étranglent, le nouvel homme fort de l’île, Gilles Simeoni, joue la carte de l’apaisement
Simeoni calme le jeu
L
stéphane Joahny
nelles… – ce sont les nationalistes
qui les ont portés. Il faut se rappeler
qu’en 1992, si la droite et la gauche
n’avaient pas fait un barrage républicain, ils étaient déjà aux portes
du pouvoir avec à leur tête Edmond
Simeoni, le père de Gilles. »
e cœur encore meurtri par les attentats de
novembre et les yeux
rivés sur les résultats
du Front national, le
« continent » vient de découvrir
cette semaine, ébahi, que la Corse
« Il a toujours refusé
la violence »
s’était donnée aux nationalistes.
Moins de deux ans après avoir
Pour Jérôme Paoli, président
évincé la dynastie Zuccarelli de
d’Opinion of Corsica, partenaire
la mairie de Bastia, Gilles Simeoni,
d’Opinion Way sur la Corse,
« Simeoni a siphonné des voix
48 ans, connu jusque-là du grand
public pour avoir assuré la défense
aussi bien à droite qu’à gauche…
d’Yvan Colonna, vient en effet
Il est parvenu à dépasser les clide décrocher la
vages politiques et
présidence de
générationnels et
l’exécutif corse. « On le présente
a profité du rejet
U n e v i c t o i r e comme un
de la classe polisans appel – il
tique traditionne manque que autonomiste,
nelle. Même si,
deux sièges à alors que c’est un
idéologiquement,
son alliance avec
cela n’a rien à
vrai
nationaliste
»
les indépendanvoir, je pense que
tistes assumés de
l’on peut faire un
Jean-Guy Talaparallèle avec le
vote FN sur le continent qui est
moni pour atteindre la majorité
absolue – mais pas vraiment une
aussi un rejet des partis classiques
victoire surprise.
sur le thème “pourquoi pas eux”,
Inéluctable, l’arrivée au pou“essayons une troisième voie”… »
Impossible de converser plus
voir des « natios » ? « Cela fait
plus de quarante ans que toute
de deux minutes avec Gilles
la vie politique en Corse tourne
Simeoni sans être interrompu
autour d’eux », approuve un fin
par un « bravo », un « merci »,
un mot d’encouragement… Un
connaisseur de la politique insucapital sympathie qui dépasse
laire. « Tous les débats qui agitent
la société corse – l’environnement
largement les frontières du camp
avec le scandale des boues rouges
nationaliste. Comme en témoigne
et l’agriculture avec Aléria dans les
ce message posté sur la page
années 1970, la défense de la langue,
Facebook du nouveau patron de
la maîtrise du foncier, la création
la Corse : « M. Simeoni, bien que
de l’université de Corte, la protecnon-corse mais travaillant ici detion du littoral y compris avec des
puis six années déjà, j’ai soutenu
bombes, les évolutions institutionvotre campagne et aujourd’hui,
L’autonomiste Gilles Simeoni, jeudi, à Ajaccio. Pascal POcHaRD-casaBIaNca/aFP
durant votre discours, j’avais les
larmes aux yeux… » À longueur
de messages, il n’est question
que de « ferveur », « valeurs »,
« confiance », « conviction » ou
encore de « fierté ». « Ce qui s’est
passé va bien au-delà d’une simple
victoire des nationalistes, résume
pour le JDD Gilles Simeoni. C’est
une respiration démocratique pour
la Corse. »
Attention, tous ne partagent
pas cet enthousiasme, à l’instar
de cet avocat ajaccien qui se définit comme « bleu blanc rouge ».
« Simeoni, on le présente comme un
autonomiste alors que c’est un vrai
nationaliste. Oui, je suis inquiet.
Même si 64 % des Corses n’ont pas
voté pour lui et si, officiellement,
cela ne figure pas à l’ordre du jour
de cette mandature, c’est un pas
vers l’indépendance de la Corse ! »
« Il n’a jamais évoqué l’indépendance avec moi », modère Emmanuelle de Gentili, qui présente la
particularité de siéger en tant que
première adjointe à la mairie de
Bastia ainsi qu’au bureau national
du PS. « C’est un autonomiste, qui
a toujours refusé la violence, qui
veut inscrire son action au plus
près du territoire. »
« Il faut préparer la suite.
On a un pays à construire… »
Réforme constitutionnelle
oblige – la création d’une collectivité territoriale unique verra
thierry solère Élu président des Républicains au conseil régional d’Île-de-France, ce proche de Bruno Le Maire est aussi le monsieur
« Dans certaines régions, la gauche est en voie de disparition »
interview
Christine ollivier
@Chr_Ollivier
et Dominique De montvalon
@Demontvalon1
quand le nouveau président
de l’assemblée corse, Jean-Guy
talamoni, prononce son discours
en corse et réclame la libération
de « tous les prisonniers politiques
corses », y compris d’yvan
Colonna, êtes-vous choqué ?
La Corse, c’est la France. Et les
lois françaises s’appliquent partout
sur le territoire de la République.
La collectivité territoriale corse
a ses spécificités, et c’est naturel.
Mais j’attends de l’État qu’il ait une
vision constante de maintien de
l’État de droit en Corse. La spécificité insulaire ne doit pas être
confondue avec le détachement de
la Corse de la République.
la région Île-de-France va-t-elle
saisir la main que lui tend François
hollande pour un travail commun
afin de faire reculer le chômage ?
Certains, à gauche, sont capables, dans les mots, de faire
des propositions qui vont dans le
bon sens. Je pense notamment à
Emmanuel Macron. Le problème,
ce sont les actes. La région Île-de-
Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine, hier, place de l’Alma. JÉRôME MaRs POUR lE JDD
France a clairement affirmé avec
Valérie Pécresse ses priorités. Si
le gouvernement attend de nous
une coopération pour que le chômage recule, nous serons, bien
sûr, présents. J’ai toujours voté à
l’Assemblée nationale toute décision qui allait dans le bon sens.
Le problème, c’est que le gouvernement fait beaucoup plus de
communication qu’il ne prend de
décision. Et quand il essaie d’en
prendre, il n’a pas de majorité à
gauche pour les voter.
avec l’initiative de Jean-pierre
raffarin en faveur d’un « pacte
républicain pour l’emploi »
et la réponse positive de
manuel valls, se passe-t-il
quelque chose à gauche ?
François Hollande nous avait
travail. Nous avons réglé la quesannoncé que sa boussole, c’était
tion du financement : 800.000 €
l’inversion de la courbe du chôsur les 5 millions que le parti va
mage. Mais j’ai l’impression que sa
apporter pour l’organisation de
seule boussole, c’est la présidenla primaire ont déjà été versés la
tielle. La réalité,
semaine dernière.
c’est qu’il est en
Nous avons aussi
train de perdre « Certains, à gauche, réglé la question
tous ses électeurs. sont capables,
de la répa rti tion des 10.000
En PACA comme
dans le Nord de la dans les mots,
bureaux de vote
France, la gauche de faire des
par département
est en voie de
et circonscripdisparition. Au- propositions
tion. Enfin, nous
jourd’hui, les so- qui vont dans
aurons fini pour
cialistes espèrent
la mi-janvier la
désignation des
que les gens de le bon sens »
droite vont voter
101 responsables
pour eux… mais ce n’est pas ça, le
départementaux du scrutin.
sujet. Au lieu d’avoir les yeux rivés
la primaire va donc se tenir
sur 2017, François Hollande ferait
aux dates prévues les 20 et
mieux de se rendre compte qu’il
27 novembre 2016, et non en
lui reste quinze mois qui doivent
juin comme le souhaitent
être utiles à la France.
certains ?
vous êtes le monsieur primaire
Changer la date, c’est théoriquement possible, mais cela
des républicains. n’êtes-vous pas
supposerait que tout le monde
en retard dans l’organisation ?
s’accorde et qu’on se dote de
Nous sommes tout à fait dans
le calendrier qui a été arrêté. Nous
moyens nouveaux. J’ai entendu
avons constitué une haute autorité
que Nicolas Sarkozy disait « pourde la primaire, présidée par Anne
quoi pas ». J’ai entendu Alain
Levade, qui est maintenant au
Juppé dire « non ». J’ai entendu
Politique | 9
jdd | 20 décembre 2015
Paris certains
ÊTES-VOUS SATISFAIT OU MÉCONTENT DE FRANÇOIS HOLLANDE
COMME PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ?
Plutôt mécontents
Différence entre décembre 2015 et novembre 2015
fusionner en 2018 l’actuelle collectivité territoriale de Corse avec
les conseils départementaux de
Haute-Corse et de Corse-du-Sud
– la mandature de Gilles Simeoni
ne devrait pas dépasser deux ans.
« C’est très court par rapport à tout
ce qui nous attend », concède l’intéressé. « Il faut préparer la suite.
On a un pays à construire… » Pas
de temps à perdre pour répondre
aux cris d’orfraie après le discours
de Jean-Guy Talamoni de jeudi
prononcé en langue corse. « D’un
acte anodin, ils font un acte politique majeur, rigole un proche du
nouveau président de l’assemblée
territoriale. Qu’ils continuent, à
chaque fois, ça nous rapporte des
voix ! »
La question de l’amnistie des
prisonniers « politiques » est plus
sensible. L’ex-avocat Simeoni le
sait, et rappelle qu’il s’agit d’une
délibération adoptée à l’assemblée
de Corse à une très large majorité,
mais aussi dans des dizaines de
communes après la décision du
FLNC de cesser la lutte armée.
« Cette question doit entrer dans
le champ de la discussion, de façon
apaisée, sans instrumentalisation politicienne, sans surenchère
médiatique. Toutes les conditions
sont réunies pour tourner la page.
Qu’est-ce qui pose problème pour
l’opinion publique ? Les gens du
commando Érignac. Tous ceux qui
ont été condamnés définitivement
sont aujourd’hui libres ou bientôt
libérables. Reste le cas d’Yvan Colonna. Son cas doit être examiné
par la CEDH [Cour européenne
des droits de l’homme]. On verra
alors ce qu’il en est… » g
Plutôt satisfaits
François Fillon dire « non ». J’ai
entendu que Bruno Le Maire y
était hostile. Ce n’est pas à moi
de clore un débat politique, mais
je reste aujourd’hui sur le calendrier arrêté.
Combien attendez-vous
de votants ?
Pour que la primaire soit un
succès, il faut qu’il y ait du monde.
Moi, je dois faire en sorte qu’en
ville, on n’ait pas une heure et
demie de queue à faire pour aller
voter, et qu’à la campagne, on n’ait
pas une heure et demie de voiture
à faire. Je suis persuadé que des
millions de Français viendront.
Car il faut bien que les gens le
comprennent : ce ne sont pas
les militants et les adhérents qui
choisiront le candidat à la présidentielle. Ce sont eux. Autrement dit tous les Français qui se
reconnaissent dans les valeurs
de la droite et du centre. Il n’y
a aucune condition requise. Je
suis persuadé que ce sera une
formidable mobilisation populaire parce qu’il s’agit de choisir le
candidat à la présidentielle, qui a
de très fortes chances de l’emporter ensuite. L’enjeu est majeur. g
=
27% =
24%
Différence entre décembre 2015 et novembre 2015
73% =
=
38%
+1
Très satisfaits
5%
Plutôt satisfaits
+1
-2
62%
38%
-2
33%
Très mécontents
24%
N.S.P.P.
_
+2
=
-1
Sondage Ifop pour le JDD, réalisé du 11 au 19 décembre 2015 auprès d'un échantillon représentatif de 1.976 personnes âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas). Les interviews ont eu lieu par questionnaire autoadministré.
Hollande stable, petit recul de Valls
BARoMÈTRE IFoP-JDD
Le résultat des élections
régionales n’a pas atteint
le chef de l’État, qui capitalise
en ne perdant aucun des points
engrangés en novembre
DoMINIquE DE MoNTVALoN
@Demontvalon1
François Hollande – qui avait vu
le nombre de Français « satisfaits » de son action grimper de
7 points en novembre – n’aura
pas souffert du score globalement
médiocre du PS et ses alliés aux
élections régionales. En un mois,
le chef de l’État ne gagne ni ne
perd dans le baromètre IfopJDD : 27 % des sondés (=) sont
« très ou plutôt satisfaits » de
son action et 73 % en sont « très
ou plutôt mécontents » (=).
Une « stabilité parfaite », selon
le directeur général adjoint de
l’Ifop, Frédéric Dabi.
S’engageant à 100 % pour la
réussite de la COP21, François
Hollande s’est tenu à l’écart,
Les invités politiques
du dimanche
Éric Coquerel (PG) : L’interview
politique du 7/9 du week-end,
sur France Inter, à 8 h 20.
g Cécile Duflot (EELV) :
Le Grand Rendez-Vous,
sur Europe 1/Le Monde/iTélé,
à 10 heures.
g Hervé Mariton (LR) :
30 minutes pour convaincre,
sur Judaïques FM, à 10 h 30.
g Éric Piolle (EELV) :
Agora, sur France Inter/L’Obs,
à 12 heures.
g Johanna Rolland (PS) :
La France qui réussit, sur Public
Sénat, à 12 heures et 19 heures.
g Bernard Debré (LR) :
Le Brunch politique,
sur Sud Radio, à 12 heures.
g Julien Dray (PS) :
12/13 dimanche,
sur France 3, à12 h 10.
g Guillaume Pepy :
Le Grand Jury, sur RTL/
Le Figaro/LCI, à 12 h 30.
g Pierre Bergé : Le Supplément,
sur Canal +, à 12 h 55.
g Clémentine Autain (FG) :
Bondy Blog Café,
sur LCP-Assemblée nationale, à
13 heures et 23 h 40,
et sur France Ô, à 18 h 45.
g François Bayrou (MoDem) :
BFM Politique,
sur BFMTV/Le Parisien
Aujourd’hui en France/RMC,
à 18 heures.
g Corinne Narassiguin (PS) :
Soir 3, sur France 3, à minuit.
g
Primaire du parti
=
33%
Plutôt mécontents
=
Très mécontents
Très satisfaits
3%
40%
ÊTES-VOUS SATISFAIT OU MÉCONTENT DE MANUEL VALLS
COMME PREMIER MINISTRE ?
avant comme après, de la bataille
l’heure de la COP21, les électeurs
des régionales dont le FN, au
d’Europe Écologie-Les Verts,
soir du premier tour, a cru sorpeut-être parce qu’ils en auraient
tir vainqueur. Le Président s’est
voulu plus, décrochent un peu
engagé pour 2017 dans une opé(– 4).
ration de re-présidentialisation.
Le pari a réussi car, interrogés
« Il est fragilisé par le nombre de
promesses qu’il n’a pas tenues »
par l’Ifop, les sondés saluent son
action contre le réchauffement
En décembre, la cote de Maclimatique comme sa gestion de
nuel Valls – toujours supérieure à
l’« épouvantable tuerie » du Batacelle du chef de l’État – ne bouge
clan, sa « réactivité » et même,
guère : 38 % des sondés (– 1) se
dit l’un, sa « prestance ». Un
déclarent « satisfaits » du Preautre, pour l’en féliciter, le juge
mier ministre, et 62 % (+ 2) « plu« humble ». Résultat : en un an, de
tôt ou très mécontents ». Les
décembre 2014 à
plus satisfaits de
décembre 2015,
Valls, ce sont les
François Hol- « Le chômage,
18-24 ans (45 %)
lande aura, au c’est son échec »
et, à l’opposé, les
total, gagné
65 ans et plus
10 points.
(43 %). Les plus
Ce mois-ci, le président gagne
mécontents : les 25-35 ans (64 %),
3 points chez les 50-64 ans,
peut-être parce qu’ils se heurtent
3 dans les professions intermérudement au mur du chômage, et
diaires, 8 chez les commerçants,
les ouvriers (68 %), sensibles du
artisans et chefs d’entreprise
coup à la tentation FN.
et… 5 chez les sympathisants du
Il est frappant de constater
Front de gauche. On notera qu’à
que, en un an, l’écart entre le Pré-
sident – qui, désormais, donne le
« la » – et son Premier ministre
s’est réduit. De 18 points au profit
de Valls en décembre 2014, il n’est
aujourd’hui que de 11 points.
François Hollande, comme le
souligne Frédéric Dabi, a su sortir
de la « mélasse » où il se trouvait,
et s’est mis en quête d’une posture gaullienne : la République,
l’autorité de l’État, la transgression des frontières habituelles.
Mais il est freiné, voire plombé,
par son bilan économique et
social. « Le taux de chômage ne
cesse de progresser », constate
un sondé. « Le chômage, c’est
son échec », renchérit un autre.
« Il est fragilisé par le nombre de
promesses qu’il n’a pas tenues »,
dit un troisième. « Ce qu’il a su
faire avec la COP21, réplique-t-on
à l’Élysée, il faut maintenant le
faire sur l’emploi. En prenant les
choses au premier degré [sic], et en
faisant bouger toute la société. »
La « détermination » du Président
est, assure-t-on, « totale ». g
10 |
InternatIonal
jdd | 20 décembre 2015
Conflit Les grandes puissances sont parvenues à l’ONU à fixer un cadre et des échéances pour une
Mais les opposants au régime sont déchirés entre partisans et adversaires d’un compromis
Syrie, enfin un
plan de sortie
de guerre
F
françois ClemenCeau
@Frclemenceau
aisons un rêve : vers la
fin janvier, une délégation de l’opposition
syrienne menée par
l’ancien ministre Riad
Hijab, qui a fait défection pour
la rébellion en 2012, se présente
à Genève face aux émissaires de
Bachar El-Assad cornaqués par le
ministre des Affaires étrangères,
Walid Muallem. Simultanément,
à travers toute la Syrie, un cessezle-feu s’installe progressivement
entre l’armée syrienne et les rebelles tandis que les « forces étrangères » (du Hezbollah aux Gardiens de la révolution iraniens)
quittent le pays. Six mois plus
tard, comme le stipule la résolution 2254 adoptée à l’unanimité
du Conseil de sécurité vendredi
soir, un gouvernement de transition se met en place afin d’organiser la rédaction d’une nouvelle
Constitution et de préparer pour
l’été 2017 de nouvelles élections
présidentielles et législatives.
Cette feuille de route confiée
au très patient négociateur de
l’ONU Staffan de Mistura, omet
toutefois, et cela indique précisément toute la difficulté de ce
chantier , de répondre à un certain nombre de questions essentielles. « Tout ça est très bien, mais
on va se heurter maintenant aux
détails », confie au JDD un diplomate présent au Conseil de sécurité vendredi.
La résolution 2254
est un progrès
Qui sera vraiment représenté
dans la délégation de l’opposition ? Tous les groupes armés rebelles (163 selon le répertoire mis
à jour par la Jordanie) à l’exception des organisations terroristes
Daech et Jabhat Al-Nosra ? Ou
seulement certains d’entre eux,
le cas du puissant groupe armé
salafiste Ahrar Al-Sham faisant
partie d’une liste rouge dressée
par la Russie (lire le reportage cidessous) ? À quel moment le président syrien quitte-t-il le pouvoir
et remet ses fonctions de chef des
forces armées au gouvernement
de transition ? Dès que ce dernier
est formé ou avant les élections,
si tant est que Bachar El-Assad
prétende ne pas se succéder ?
« C’est le cœur du cœur du sujet
qui n’est pas résolu à ce stade »,
répond un négociateur français.
« Si Bachar garde jusqu’au bout le
contrôle des forces de sécurité, la
transition, c’est du flan », ajoute
une source française engagée dans
la négociation. « Les Russes ont
tout fait pour diluer l’impact des
progrès obtenus jusqu’à présent du
côté de l’opposition », poursuitelle. Autrement dit, la résolution
2254 est un progrès incontestable,
à condition qu’aucun des acteurs
ne cherche à « saboter » un processus si fragile… g
Des signatures
comme armes de paix
Kilis et Gaziantep (turquie)
EnvoyéE spécialE
Camille neveux
@camille_neveux
Lorsqu’il l’a vu arriver devant sa
carriole, il y a quelques semaines,
Abdul Kader Kurdiya s’est mis à
pleurer. Voilà plus de quatre ans
qu’il l’attendait. Ce jour-là, ce
marchand de Kilis, modeste ville
turque à la frontière syrienne, a
sagement écouté le discours de
Waad Atli, militante des Comités
locaux de coordination en Syrie
(LCC). Devant la gare d’autobus, au milieu d’une myriade
d’échoppes syriennes, la jeune
femme lui a présenté la « Charte
de la liberté » : un texte appelant
à un « État de droit indépendant
et souverain », où les Syriens
sont « égaux devant la loi, sans
distinction de religion, d’ethnie
ou de sexe ». Un doux rêve. Ce
jour-là, la peur au bout du stylo,
Abdul a signé « pour la démocratie », un acte qui peut coûter la
vie. « Depuis la révolution, on nous
avait oubliés, déplore-t-il. Où était
l’opposition ? Personne ne nous
avait jamais demandé ce qu’on
voulait pour notre pays… » Depuis,
Abdul s’est mué en un relais efficace, stockant discrètement une
pile de pétitions dans sa carriole.
Mais il ne peut s’empêcher de
pointer du doigt une opposition
syrienne divisée depuis le début
de la révolution. « Pourquoi cette
charte arrive-t-elle si tard ? »
« Si ça peut faire la différence,
on signe »
Le projet, né en 2012, a mis
plusieurs années avant de voir
le jour. « C’est la plus grande
enquête de ce type jamais réalisée dans le pays », rapporte
Rafif Jouejati, son instigatrice
via l’association Free Syria et
les LCC, un important réseau de
militants de terrain. Il a d’abord
fallu réunir les fonds – 240.000
$ alloués par le département
d’État américain – pour lancer
un grand questionnaire en Syrie,
mais aussi au Liban, en Turquie
et en Jordanie auprès des réfugiés. Il a fallu décortiquer les
50.000 fiches obtenues, dont
30.000 dans toute la Syrie. Fin
2014, la « Charte de la liberté »
dements et débarrassez-nous de
voyait le jour, inspirée de la
Bachar, sinon, tout ça mettra cincharte sud-africaine de l’ANC
quante ans à arriver ! » Beaucoup
de 1955. Un véritable baromètre
ont peur que leurs noms ne soient
de la société syrienne, décimée
« revendus » au régime, mettant
après quatre ans et demi de
la vie de leurs proches en danguerre.
ger. À chaque fois, les activistes
rassurent : les signatures, mainÀ Kilis, chaque signature
s’accompagne d’un argumentenues en lieu sûr, ne sont pas
taire par des
rendues publiques.
opposants,
« Si ça peut faire la
« On
n’a
plus
rien.
les yeux soudifférence, on signe,
vent embués De quoi peut-on
murmure une
femme en abaya
de larmes.
Les Kurdes avoir peur ? »
noire, qui a perdu
signent en
ses deux enfants
faveur de
dans un bombardel’enseignement de la langue
ment du régime. On n’a plus rien.
kurde à l’école, les sunnites
De quoi peut-on avoir peur ? »
pour que toutes les confessions
Ce vendredi, l’infatigable
soient représentées. Certains
équipe a empoché trente signahommes essaient d’influencer
tures en une heure. Elles vienleurs femmes – « je l’ai signé, tu
dront s’ajouter aux 10.000 déjà
peux le faire » – avant que Waad
récoltées en Syrie – notamment
Atli n’insiste pour que chacun
à Alep, Idlib et Deraa – et en
exprime sa propre opinion. À
Turquie. La liste des signataires
l’hôpital qui soigne les Syriens
est hétéroclite : des combattants
de la ville, un homme a entendu
de l’Armée syrienne libre, des
parler du projet sur Facebook.
membres de la Coalition natio« Arrêtez d’abord les bombarnale syrienne (principale force
de l’opposition), des représentants des conseils locaux syriens,
mais aussi cinq soldats de Jabhat
Al-Nosra, la branche syrienne
d’Al-Qaida ou trois membres
du groupe armé salafiste Ahrar
Al-Sham… « C’est le signe que
les positions peuvent bouger »,
s’enthousiasme Ola Al-Barazi,
responsable du bureau LCC de
Gaziantep.
« Ils sont extrémistes, mais les
gens les voient sur le terrain »
De retour dans leur building
surplombant la ville, où vivent
600.000 Syriens en exil, le doute
les saisit. Est-ce le moment d’évoquer l’avenir, alors que « là-bas »,
des milliers de familles se battent
dans le froid, sous les bombes,
pour trouver de quoi se nourrir ?
Puis le quotidien reprend le dessus. Documenter chaque jour la
guerre, évoquer la conférence de
janvier dont la feuille de route
a été adoptée vendredi soir au
Conseil de sécurité de l’ONU. Le
LCC a choisi de ne pas y assister – marquant la rupture avec
InternatIonal | 11
jdd | 20 décembre 2015
transition politique.
Formé pour tuer
ExClusif le JDD a pu rencontrer
dans un centre d’interrogatoire
kurde un prisonnier qui dit avoir
exécuté six personnes pour
s’entraîner à servir Daech
ProvinCE DE KirKouK (iraK)
Envoyé spécial
alfrED HaCKEnsbErgEr
@hackensberger
d’un passeur », affirme Hawleri.
Le chef des enquêteurs est très
fier de cette « prise ». « C’est un
assassin, cet Arabe a tué beaucoup de gens. » Mohamed W.,
lui, ne reconnaît avoir tué que
six personnes. Mais, il l’a fait
sous la contrainte. Il dit cela d’un
ton monocorde, sans émotions.
Comme si cette histoire n’était
pas la sienne. Ment-il ? Est-il
obligé d’avouer des crimes qu’il
n’a pas commis ?
Cela ressemble à l’un de ces
endroits que la guerre a défigurés. Un terrain vague avec un
chemin de terre qui serpente au
milieu de bâtiments gris. Des
murs éventrés, d’où dépassent
Lavage de cerveau
des tiges métalliques. Cet ancien
Selon ses dires, Mohamed W.
hôpital de la région de Kirkouk
a rejoint l’EI en juin 2014. Un
homme de son village, Aldor,
n’est pourtant pas l’une des bases
les mieux gardées et les plus seprès de Tikrit, lui aurait préalacrètes du Kurdistan irakien. C’est
blement lavé le cerveau. Très vite,
là que des prisonniers accusés
Mohamed W. intègre un centre
d’appartenir à l’organisation État
d’entraînement. Il y passera
islamique (EI) sont interrogés.
trois mois. Pour Hawleri, c’est la
Leurs geôliers ? Les enquêteurs
preuve que Mohamed était autre
d’Asayish, la police secrète de la
chose qu’un simple soldat de l’EI.
région autonome du Kurdistan
« Les combattants normaux ne
sont entraînés
irakien (KRG).
que quaranteMohamed W.
est amené, me- « On les tuait les
cinq jours avant
notté, les yeux un après les autres.
d’aller sur le terb a n d é s . Fa c e
rain. » Mohamed
à l u i , K a b a n Moi j’ai dû
W. y a appris le
H a w l e r i * , l e en exécuter six »
maniement des
chef des enquêarmes, la confecteurs. Celui-ci
tion de bombes,
vient d’enfiler
quelques rudiun casque de moto pour cacher
ments d’arts martiaux. Du classon visage. Question de sécurité.
sique. Ce qui l’est moins, c’est
Le bandeau du prisonnier lui est
cette spécialisation : « On nous
alors enlevé. Apparaît un jeune
a formés à exécuter les gens »,
raconte-t-il. Au cours de cette
homme à l’allure normale, avec
petite moustache et cheveux
« formation », l’EI faisait défiler
courts. On est loin de l’image
les civils coupables de « trahidu tueur brutal de Daech. Le
son » ou des soldats irakiens qui
jeune homme a été arrêté il y a
avaient été capturés. Ils étaient
un mois dans un village près de
abattus à bout portant. « On les
Kirkouk. « Il fuyait en compagnie
tuait, les uns après les autres.
À Gaziantep, des opposants
syriens font signer la « Charte
de la liberté », un texte qui fixe
les principes fondamentaux
de la future société syrienne.
Adnan al Ghajar, Ola Al Barazi, Majd
Ahamad dans une permance des
Comités de coordination locaux (LCC)
de Gaziantep (Turquie).
rePortAge Photo Éric DeSSoNS/JDD
la Coalition nationale qu’il juge
gangrenée – contrairement à
Rafif Jouejati qui devrait y représenter la charte. « L’opposition
est dans une impasse, reconnaît
Ola Al Barazi. Parler avec Bachar
el-Assad est la seule issue, sinon
le régime va devenir encore plus
fou. Mais à la seule condition qu’il
parte au bout de six mois et qu’une
trêve humanitaire soit mise en
place… » « La charte peut aider
à établir une nouvelle Constitution », assure Rafif Jouejati, qui
a obtenu cette semaine plusieurs
milliers d’euros du ministère
français des Affaires étrangères
pour recruter de nouveaux
activistes contre un salaire de
500 dollars mensuels. Vice-président du conseil local de Daraya,
une banlieue révolutionnaire de
Damas, Tarek Matar préconise
également de négocier avec le
régime d’Assad, mais seulement
si celui-ci s’en va. « Notre rêve
reste qu’il comparaisse devant une
cour de justice internationale… »
Dans la fumée des cigarettes,
on commente les défections au
sein de Jabhat Al-Nosra depuis
que le groupe a annoncé son intention de combattre les négociateurs. On évoque les combats
futurs, si la situation venait à basculer après le départ du régime.
« On n’a pas perdu tous ceux qu’on
aimait pour être dirigé par Daech
ou Al-Qaeda, martèle Adnan Al
Ghajar, 23 ans, qui a collecté
des signatures à Alep. Mais si le
régime reste au pouvoir, d’autres
jeunes rejoindront ces groupes
armés juste pour avoir de quoi
manger. » On pointe une autre clé
des négociations, le groupe Ahrar
Al Sham. « Ils sont extrémistes,
commente Ola, mais les gens les
voient sur le terrain. Ils se sentent
plus représentés par eux que par
une opposition négociant dans
des hôtels cinq étoiles… Lorsque
le régime tombera, ces groupes
armés seront divisés entre ceux
qui veulent trouver une solution
et les autres. Les Syriens verront
alors leur vrai visage. » Sur le bras
d’Ola, un tatouage prévient en
arabe ses interlocuteurs. « Nous
nous révolterons toujours. » g
Mohamed W.,
prisonnier de la police
secrète kurde,
à Kirkouk,
aurait tué six
personnes au cours
de sa « formation »
dans un camp
d’entraînement
de l’État islamique.
Alberto Prieto
Moi, j’ai dû en exécuter six. » Il
répète : « Seulement six. » Après
la fin de son entraînement, Mohamed W. prétend qu’il n’a plus
jamais tué. « J’ai été envoyé à un
check-point », assure-t-il. Hawleri
n’y croit pas une seconde. « Quiconque reçoit une telle formation
ne se cantonne pas à des contrôles
à un barrage. Il a continué à tuer,
encore et encore. Soit au sein des
services de sécurité intérieure de
l’EI, soit au front. » Mohamed W.
ne répond pas. Il s’est suffisamment compromis en racontant ce
qu’il avait fait au camp d’entraînement. Aujourd’hui, il demande
simplement « le pardon de Dieu ».
« Certains ont des doctorats »
Pour mieux convaincre de sa
repentance, il dit avoir déserté
l’EI en juillet 2015. Parce qu’il a
vu trop de « mauvaises choses ».
Des femmes punies pour des
tenues non conformes, des gens
arrêtés et tués sans aucun motif.
Il aurait fui avec sa femme, ses
parents et sa sœur. D’abord
en Syrie, puis en Turquie. Le
manque d’argent l’aurait fait revenir en Irak, où il a été arrêté.
Mohamed a-t-il effectivement
été trompé par Daech et réalisé
trop tard la monstruosité des ses
actes ? Est-il l’un de ces milliers
de désœuvrés, finalement vic-
times de l’EI et de ses recruteurs
sans scrupules ?
Hawleri, l’enquêteur, voit son
prisonnier bien autrement. « La
plupart des habitants de son village ont fui à l’arrivée de Daech.
Mais lui et sa famille sont restés. »
Et la date de sa désertion correspond à une période où l’armée
irakienne était en phase de reconquête de territoires perdus.
Aujourd’hui, deux de ses frères
combattraient même avec l’EI.
Des histoires comme celle de
Mohamed W., Hawleri en a entendu des centaines. Chaque jour,
de nouveaux détenus arrivent. Le
rythme s’est accéléré ces derniers
mois, l’EI perdant du terrain. « On
reçoit ici tout type de combattants.
Certains ont des doctorats. Mais
la plupart sont issus de familles
pauvres et peu éduquées. » Pour
l’enquêteur, la raison principale du
ralliement à Daech est la marginalisation de la communauté sunnite
en Irak par le gouvernement chiite.
Mohamed écoute ces explications,
sans vraiment les comprendre, lui
qui ne parle pas le kurde. Le bandeau remis sur les yeux et avant de
quitter la pièce, il se contente de
marmonner : « Croyez-moi, cette
histoire avec l’EI, ça a été ma plus
grosse erreur. » g
* le nom a été modifié
12 | Autour du monde
Centrafrique
La
présidentielle
permettra-t-elle
de sortir
du chaos ?
lejdd.fr Le grand angle diplo
de François Clemenceau :
« Pourquoi la Tunisie
doit se relever »
JDD | 20 décembre 2015
Après trois ans de trou noir politique et sécuritaire, le principal enjeu des élections présidentielle et législatives organisées dimanche
prochain est de ramener la paix dans le pays.
Si les Centrafricains parviennent à désigner un
successeur à la chef de l’État de transition, Catherine Samba-Panza, alors les réformes de fond
pourront peut-être être amorcées : désarmement,
lutte contre la corruption, réconciliation nationale, reconstruction d’une économie. L’ONU et
les autorités transitoires mettent en avant « le
bon déroulement » il y a une semaine du référendum sur le changement de la Constitution, qui
avait valeur de répétition générale. À Bangui, le
oui l’a emporté à 90 % mais à peine un tiers des
2 millions d’électeurs inscrits se sont exprimés
et le scrutin a été émaillé de violences, ce qui
explique en partie la forte abstention. Au PK5,
un quartier musulman de Bangui, une attaque
au lance-roquettes et à l’arme automatique a fait
5 morts et une vingtaine de blessés. Qu’en sera-t-il
la semaine prochaine pour une élection autrement
plus décisive, à laquelle participent 29 candidats ?
Il serait injuste de ne pas mentionner les progrès
qui ont été réalisés en RCA depuis mars 2013. À
l’époque, la rébellion Séléka renversait le président
tembre. Les anciennes forces du pays menacent
directement la tenue du scrutin du 27 décembre.
Chez les ex-Séléka, Noureddine Adam, ancien
n° 2 du mouvement, rejette clairement le processus électoral en cours. En octobre, il a tenté
de faire descendre ses troupes sur Bangui depuis
son bastion de Kaga-Bandoro (au centre du pays)
mais sa colonne a été arrêtée par les forces internationales. Ne s’avouant pas vaincu, il a proclamé
cette semaine l’autonomie de son fief.
Devant un bureau de vote de Bangui, lundi,
lors du référendum constitutionnel MArCO LONGAri/AFP
François Bozizé avant d’être elle-même chassée
du pouvoir en décembre par l’opération française
Sangaris, déclenchée pour éviter un bain de sang
interconfessionnel. Depuis, de fragiles institutions
de transition ont essayé de reconstruire la RCA
gangrenée par des années de corruption et de
mauvaise gouvernance et 11.000 soldats de l’ONU
ont été déployés sur le territoire. Pour autant, la
situation est loin d’être stabilisée. Selon l’ONU
plus de 130 personnes ont été tuées depuis sep-
Deux factions vent debout
contre le calendrier de la transition
De l’autre côté de l’échiquier, la frange la plus
radicale des anti-Balaka, milices d’autodéfense
chrétiennes et animistes créées en 2013, s’oppose,
elle aussi, aux élections. Elle serait soutenue par
l’ancien président François Bozizé, dont la candidature à la présidentielle a été rejetée par la Cour
constitutionnelle. Ces deux factions ennemies ont
conclu en avril un accord à Nairobi prévoyant la
mise en place d’une nouvelle période de transition à partir du mois de décembre, s’opposant au
calendrier établi par la communauté internationale et par la France en particulier…
Antoine MAlo
@AntoineMalo2
Hachemi
Rafsandjani
devant
l’Assemblée
des experts,
à Téhéran,
en mars.
dernière heure
ABeDiN
tAHerKeNAreH/
ePA/MAXPPP
Golfe Le secrétaire à la Défense
américain, Ashton Carter, s’est rendu
hier pour la première fois
sur un porte-avions français,
le Charles-de-Gaulle, stationné
dans le golfe arabo-persique pour
participer aux opérations contre
le groupe État islamique (EI)
en Irak et en Syrie. Le groupe
aéronaval (GAN), constitué autour
du Charles-de-Gaulle, vient
de prendre le commandement
de la composante navale
de la coalition anti-EI. Le ministre
français Jean-Yves Le Drian est attendu
de son côté demain à Moscou pour y
travailler sur une « meilleure coordination » de la lutte contre Daech. twitter
75
C’est le nombre de manifestants tués ces dernières
semaines en éthiopie, selon l’OnG human rights Watch.
Les manifestations ont été lancées le mois dernier par des étudiants
qui protestaient contre un projet gouvernemental d’agrandissement
de la capitale, Addis-Abeba, faisant craindre à l’ethnie oromo (30 %
de la population) une vague d’expropriations de ses terres.
Lui seul pouvait oser. À 81 ans, « le
requin », l’animal politique Rafsandjani,
certes en perte de vitesse, prouve encore
une fois sa capacité à donner le ton,
au sein de la plus opaque des arènes
gouvernementales mondiales. « Cette
prise de position inédite est d’autant plus
spectaculaire, décrypte la sociologue
spécialiste de l’Iran Azadeh Kian,
que Rafsandjani se trouve être aussi le
président du Conseil de discernement et
membre de l’Assemblée des experts qui,
justement, élit le Guide. En sortant ainsi
du bois, il a réussi à braquer les projecteurs
sur une élection qui d’ordinaire est un
non-événement absolu, et à lui donner une
valeur politique inédite. »
Ce fils
d’agriculteur
que les études
En osant cette semaine, coraniques ne
pour la première fois et passionnaient guère
publiquement, « examiner dans sa jeunesse
toutes les options » a pourtant gravi
pour la succession de tous les échelons
l’ayatollah Khamenei au tant religieux
poste de guide suprême que politiques.
de la révolution islamique, Homme d’affaires
le président du Conseil de avisé, il devient
discernement ouvre un incontournable dès
débat très sensible sur la 1980, en devenant le
pérennité du régime président du Majlis
(Parlement). C’est
ainsi qu’il joue un rôle prépondérant
dans le choix de Khamenei comme
successeur de son mentor Khomeini.
Estampillé « conservateur pragmatique »,
il est président du pays de 1989 à 1997
en restant à distance des projets des
réformateurs. Mais après sa défaite à
l’élection présidentielle de 2005, face au
conservateur Ahmadinejad, il soutient en
partie le Mouvement vert en faveur de la
démocratie en juin 2009.
« Ce qui a réellement provoqué un
tollé, poursuit Azadeh Kian, c’est qu’il a
proposé de mettre sur pied un conseil de
leadership, ce qui reviendrait à terme à
faire disparaître la fonction de Guide. »
Dans ce contexte explosif, la candidature
non déclarée d’un autre réformateur à la
succession de Khamenei, affaibli par un
cancer de la prostate, vient bousculer la
donne, celle de Hassan Khomeini, petitfils du père de la révolution.
KAren lAjon %@karenlajon
HacHemi
Rafsandjani
allemagne Le ministre allemand
des Affaires étrangères, FrankWalter Steinmeier, a menacé hier de
sanctions les membres de l’Union
européenne opposés aux quotas de
répartition pour l’accueil des réfugiés,
notamment la Slovaquie et la Hongrie.
« La solidarité européenne n’est pas une
voie à sens unique », a justifié le chef
de la diplomatie. Sa position rejoint
celle du chancelier autrichien. DPA/ABACA
Le Leader de La semaine
russie Le président russe Vladimir Poutine a affirmé hier que les services
secrets avaient déjoué 30 projets d’attentat et démasqué plus de 320 espions
étrangers en 2015. « Nous voyons que les services secrets d’un certain nombre de
pays intensifient leur travail en Russie », a-t-il déclaré à l’occasion de la « Journée
des membres des services de sécurité ». Dans son discours, il a assuré que
l’armée russe était « loin d’assurer toutes ses capacités en Syrie », où « des fonds
supplémentaires pourraient être débloqués » pour soutenir Damas. AFP
La phrase
« Ce comportement représente une grave
provocation militaire »
un communiqué du ministère chinois de la défense, après le survol lundi dernier d’îlots artificiels dans la mer de
Chine méridionale par deux bombardiers stratégiques américains B-52, alors que pékin mène de vastes opérations
de remblaiement d’îlots que Washington considère comme une menace à la liberté de navigation.
InternatIonal | 13
jdd | 20 décembre 2015
Le dernier combat de Mariano Rajoy
lui, défend bec et ongles son bilan
économique quatre ans après
avoir pris les manettes d’un pays
qui, en décembre 2011, était au
bord de la banqueroute. Face à
Pedro Sánchez, Rajoy a d’ailleurs
martelé avec une rare énergie :
« J’ai récupéré un pays que, vous
les socialistes, aviez laissé au
bord de la ruine. Aujourd’hui, on
ne parle plus de prime de risque,
d’une Espagne en faillite, mais d’un
pays qui va bien mieux que ses amis
européens. » Le chômage est en
effet passé sous la barre des 25 %,
le déficit public a été redressé
de 8 à 4,5 %, et la croissance a
tourné cette année autour d’un
insolent 3 %.
EspagnE Le chef du
gouvernement pourrait
décrocher la première place
à l’issue des législatives de
ce dimanche mais sans la
majorité absolue nécessaire
pour continuer à diriger le pays
Madrid (EspagnE)
CorrespondanCe
dianE CaMbon
Comment faire sortir de ses gonds
le très placide Mariano Rajoy ?
Même un terrible coup de poing
décoché par un jeune de 17 ans,
mercredi, au cours d’une visite
électorale sur sa terre natale de
Pontevedra (Galice), n’a pas perturbé l’impavide chef du gouvernement. « Je refuse qu’on en tire
un quelconque enseignement politique », a-t-il réagi. Avant de faire
état de son humour flegmatique
sur son compte Twitter : on y voit
ses lunettes voler dans l’espace
intersidéral. Et le candidat conservateur d’ajouter, au micro d’une
chaîne de télévision, un sourire
aux lèvres : « J’ai demandé au Père
Noël une nouvelle monture. J’ai bon
espoir de l’obtenir ! »
« J’ai récupéré un pays
au bord de la ruine »
Au cours de cette campagne
inédite – pour la première fois,
concourent quatre formations
se tenant dans un mouchoir de
poche –, Mariano Rajoy a toutefois
Dimanche dernier, un meeting du Parti populaire près de Madrid. L’électorat senior
constitue le socle du vote PP. AP/SIPA
été réellement chahuté. Celui qui
d’ordinaire évite le conflit direct
s’est retrouvé dans les cordes à
l’occasion du rituel face-à-face
télévisé avec son adversaire socialiste, Pedro Sánchez. Ce quadra énergique lui a reproché avec
véhémence sa responsabilité dans
les scandales de corruption qui ont
éclaboussé sa formation, le Parti
populaire (PP), et ses relations
« proches » avec son trésorie, Luis
Bárcenas, aujourd’hui en détention pour détention de comptes
en Suisse. Rajoy, n’y tenant plus et
forçant son caractère, lui a rétor-
qué : « Vous êtes un personnage
misérable, vil et détestable ! »
Ce fut la seule éruption d’un
sexagénaire chenu qui, outre son
penchant naturel à ne pas faire de
vagues, a suivi une unique stratégie : incarner la force tranquille,
la figure patriarcale de celui qui
rassure. « Rajoy a un don pour se
situer au-dessus de la mêlée, souligne la chroniqueuse politique
Pilar Cernuda. Sa posture est
d’apparaître comme un garant de
stabilité. » De fait, alors que les
trois autres candidats majeurs
ne parlent que de changement,
La menace des « coalitions
aventureuses »
Pourtant, le mandat du conservateur Mariano Rajoy présente des
faiblesses. Si la reprise économique
est bien réelle, la précarité est
considérable (90 % des contrats
de travail sont à temps partiel ou
à durée déterminée) et la pauvreté
inquiétante (29 % des Espagnols
sont en risque d’exclusion sociale).
Dans son propre camp, on lui
reproche aussi son immobilisme :
aucune initiative face au défi des
séparatistes catalans et pas davantage en politique étrangère…
Même son mentor, José María
Aznar, au pouvoir entre 1996 et
2004, a critiqué sa « gestion tech-
nocratique ». Quant à l’aile dure
du PP, elle lui reproche sa passivité face à l’héritage « sociétal »
des socialistes (divorce express,
avortement, mariage gay, etc.).
« En réalité, résume l’éditorialiste Eduardo Inda, l’emploi est
le seul argument électoral que met
en avant Rajoy, un million de jobs
ont été créés en un an, quelle que
soit leur qualité. C’est là sa force. »
Donné en tête du scrutin de ce
dimanche par tous les instituts de
sondage, Mariano Rajoy pourrait
toutefois remporter une victoire
à la Pirrhus : l’hypothèse d’une
majorité absolue étant exclue, le
PP devra sceller une alliance avec
une autre formation, ou au moins
obtenir la neutralité bienveillante
d’une d’entre elles. Or, ni les libéraux centristes de Ciudadanos,
encore moins les socialistes et
les indignés de Podemos, n’ont
l’intention de s’offrir comme
compagnon de route un parti
qui, à leurs yeux, est synonyme
de corruption, de coupes budgétaires et de politique sécuritaire.
Mariano Rajoy le sait. D’où ce
message mobilisateur prononcé
vendredi à l’adresse des siens, peu
avant la clôture de la campagne :
« Mes amis, si vous souhaitez que
l’Espagne reste stable et ne sombre
pas de nouveau dans la ruine avec
des coalitions aventureuses, votez
en masse pour le PP. C’est la seule
valeur sûre. » g
14 |
société
jdd | 20 décembre 2015
exclusif Défait devant la justice, menacé de ruine par Bercy, Bernard Tapie prépare un
« plan » pour « interdire le chômage des jeunes ». Et risque de s’inviter à la table de 2017…
« Je reviens en politique »
I
IntervIew
laurent Valdiguié
@Valdiguie
l a tout connu. La fortune des
affaires. La gloire en politique. Le succès au théâtre.
Le triomphe en sport. Puis
les mises en examen et les
séjours en prison. Il a été vendeur
de téléviseurs, patron d’Adidas,
ministre de la Ville, président de
l’OM. Aujourd’hui, il est ruiné au
terme de vingt ans d’un bras de fer
judiciaire qu’il a successivement un
peu gagné, un peu perdu, beaucoup
gagné, et finalement entièrement
perdu. Une ardoise à 404 millions
d’euros… Dont le règlement se décidera à Bercy et à l’Élysée.
À 72 ans, Bernard Tapie, comme
un boxeur, promet une contreattaque au prochain round. Cette
fois-ci, il change de gants et remet
son maillot des années Mitterrand.
Son « plan Tapie 2016 » propose, ni
plus ni moins, « d’interdire le chômage des jeunes », et de l’éradiquer
à coût constant, « en réinvestissant
tous les fonds actuellement engloutis
ils attaquent en saisissant les appartements occupés par mes enfants et
mes petits-enfants.
Pourquoi avoir lancé ces procédures
juste avant le jugement ? cela a eu
l’air d’une ultime entourloupe…
C’est à la suite d’une entourloupe
initiée… par le CDR. La loi oblige, en
effet, de s’acquitter des condamnations
des cours d’appel pour avoir le droit
d’aller en cassation. Or, dans mon cas,
je n’avais pas à rembourser quoi que
ce soit car la cour d’appel en février
n’avait pas demandé à rendre la sentence exécutoire. Mais le CDR a tout
de même lancé des actions juridiques
pour m’interdire l’accès à la Cour de
cassation. Cette mise en sauvegarde
était donc le seul moyen de faire valoir
mon droit d’aller en cassation.
le parquet fait aujourd’hui appel
de la sauvegarde…
Je n’ai pas obtenu la mise en
sauvegarde de mes entreprises à la
sauvette ! C’est le tribunal de commerce, à l’issue de deux audiences,
qui l’a décidé. Lors de la première
audience, le parquet s’est rapporté
à la décision du tribunal. Et lors de
la deuxième audience, il a donné
« Lagarde est,
son accord. Et
maintenant, il fait
comme moi, une
appel de ce qu’il a
victime collatérale
accepté ! Une fois
de plus on assiste
de cet objectif
à la démonstrades socialistes
tion qu’il y a bien
d’atteindre l’équipe deux manières
de rendre la jusdirigeante
tice en France :
le droit, celui des
précédente »
professionnels, et
l’autre, de ceux
qui sont prêts à
dans des formations et programmes
faire n’importe quoi et ne reculent
devant rien. Qu’on cesse après cela
inefficaces », dit-il. Vaste programme… Certains vont hausser
de me demander avec le sourire si
les épaules, d’autres lui tomber
derrière tout ça je pense vraiment
dessus. Tapie, devenu insomniaque,
qu’il y a un complot…
« les attend », et se dit « convaincu
Vous avez toujours dit
qu’il faut faire quelque chose face au
que tout se décidait à l’élysée…
FN ». Jusqu’où espère-t-il aller ? Sa
Non, je n’ai pas dit ça. Il n’y a rien
musique des années 1980 peut-elle
d’anormal à ce que le ministère de la
prendre à nouveau ? C’est l’inconJustice et la présidence soient infornue du pari que tente celui qui n’a
més de l’évolution du dossier. Tant
plus grand-chose à perdre si ce n’est
qu’on en reste à de l’information… Or
son splendide hôtel particulier de
il est évident que cette dernière décila rue des Saints-Pères… Lui qui a
sion du parquet, entre autres, n’a pas
déjà grandement contribué à « tuer
été empêchée… Sinon encouragée !
Rocard » aux européennes de 1994,
Vous dites être ruiné mais personne
Jospin à la présidentielle de 2002,
ne sait combien vous avez touché
Royal en 2007, sait de quoi il parle
exactement ?
quand il parle de meurtre en poliLa raison, c’est l’écran de fumée
tique. En ce début 2016, son message
créé par les déçus de l’arbitrage qui,
s’adresse à François Hollande. Tout
pour faire monter la sauce médiale monde l’aura bien compris.
tique, ont volontairement passé leur
temps à confondre les sommes verdepuis la décision de la cour
sées à l’ensemble des bénéficiaires
de l’arbitrage. Ma société GBT a reçu
d’appel, on ne vous a plus entendu…
Je n’ai rien à ajouter à la réaction
un chèque de 240 millions d’euros,
du professeur Gaillard : « Cette déciet ma femme et moi de 45 millions.
sion est un déni de justice en droit et
Dans les 240 millions d’euros reçus
en fait. Ne pas reconnaître les graves
par GBT, sont intégrés 85 millions
fautes prouvées de la banque, c’est
d’actifs vendus par la banque à
volontairement tourner le dos à la
l’époque de ma liquidation et qui
vérité. »
ne m’avaient jamais été remis. Ces
À ce jour, quelles sont exactement
85 millions ne sont donc pas issus de
la sanction arbitrale, qui se ramène
les procédures de recouvrement
donc pour GBT à 155 millions
lancées contre vous ?
Comme d’habitude, ils méd’euros. Sur cette somme, 15 millangent le droit et le supplice :
lions ont été payés à l’État, sous
comme sur le droit ils sont bloqués
forme d’impôts. Donc GBT a reçu
par les procédures de sauvegarde de
140 millions. Et mon couple 45 au
mes sociétés holding GBT et FIBT,
titre du préjudice moral…
Mais vous êtes condamné
à rembourser 404 millions…
La cour d’appel me condamne
à rembourser 404 millions d’euros
en sachant que je ne les ai pas touchés. Eh bien, la procédure suivra
son cours ! En tout cas, on ne pourra
certainement pas me contraindre à
rembourser d’avantage que ce que
j’ai reçu !
À combien se montent les saisies
à votre encontre aujourd’hui ?
À 70 millions d’euros de cash
environ sur GBT, plus les actions de
ma société immobilière, propriétaire
de la maison de Saint-Tropez, dont
la valeur actuelle des actifs est de
45 à 50 millions. Au total, à ce jour,
entre 115 et 120 millions d’euros ont
donc été saisis.
Y a-t-il une négociation avec Bercy ?
Personne n’y a intérêt. Donc on
laissera la justice décider de la façon
dont se fera ce règlement. Je souhaite qu’au-delà des conséquences
financières, il soit incontestable que
le voleur soit désigné et le volé aussi.
Même si le public ne s’y trompe pas…
Dans un sondage en ligne récemment organisé par Le Point, 73 % des
gens pensent que la banque m’a volé
et non le contraire !
donc vous espérez être blanchi
à terme, mais ruiné d’ici là ?
Je ferai face de toute façon,
comme je l’ai toujours fait. Même
si mon seul actif restant, ma maison
de la rue des Saints-Pères, achetée
il y a près de trente ans, devra probablement servir de garantie pour
que la justice aille jusqu’à son terme.
Quels sont vos recours ?
La cassation, sur les deux jugements de la cour d’appel. Par ailleurs,
une autre série de recours va démarrer. Ils seront intentés par les sociétés de mon groupe qui n’étaient pas
soumises au compromis d’arbitrage.
Quel est votre sentiment
sur le renvoi de christine lagarde
devant la justice alors que le parquet
demandait un non-lieu
la concernant ?
C’est une honte. Je suis d’autant
plus à l’aise pour en parler librement
qu’elle a dit un jour « Est-ce que j’ai
une tête à être copine avec Bernard
Tapie ? » Je lui réponds non, je suis
d’accord avec elle ! On lui reproche
d’avoir décidé l’arbitrage, mais elle
n’a pu prendre de décision qu’en
accord avec le conseil d’administration du CDR, dans lequel elle n’avait
que deux représentants sur cinq, et
avec celui de l’EPFR, l’organisme
de tutelle du CDR sur lequel elle
n’a pas de pouvoir direct. Or toutes
les décisions d’entrée en arbitrage
ont été prises à l’UNANIMITÉ des
votes, incluant celui de M. de Courson, qui a ensuite fait une croisade
pour dénoncer ce qu’il avait donc
lui-même validé par son vote !
Vous pensez que si nicolas sarkozy
n’avait pas été protégé par
l’article 67 de la constitution,
il aurait également été renvoyé
devant la justice ?
Le soupçon d’un arbitrage truqué ne peut avoir de sens que s’il
y a une complicité entre ceux qui
le décident et ceux qui rendent les
sentences, c’est-à-dire les arbitres.
Or de notoriété publique, aucun
des trois arbitres n’a, c’est le moins
qu’on puisse dire, d’affection particulière pour l’ancien président !
Mais toute cette affaire a été montée
pour l’atteindre… Je rappelle que
la remise en cause de l’arbitrage de
2008 a démarré dès avant les élections de 2012 ; que les recours formés
à l’époque par messieurs Ayrault,
Bayrou et autres ont été rejetés successivement par le tribunal administratif, la cour administrative d’appel,
et enfin le Conseil d’État. Tout est
reparti lorsque M. Cahuzac a remis
ensuite à la Cour des comptes un
rapport intitulé faussement « Rapport de la commission des finances »
alors qu’il ne s’agissait pas de ce rapport mais uniquement de la contribution socialiste à ce rapport ! Sur
cette base, la Cour des comptes a
donné un avis favorable aux poursuites et une demande a ensuite été
faite auprès du procureur général de
la Cour de cassation, M. Nadal, qui se
trouve juste être un socialiste affiché,
orateur dans les meetings de la campagne de Mme Aubry à la primaire !
Mme Lagarde est, comme moi, une
victime collatérale de cet objectif
politique des socialistes d’atteindre
l’équipe dirigeante précédente ! On
ne peut donc plus s’étonner que,
lorsque le deuxième magistrat de
France, M. Marin, demande un nonlieu pour Mme Lagarde, ces juges
décident au contraire de la renvoyer
devant la cour. On verra la suite.
Vous avez aussi devant vous
la procédure pénale…
candidats socialistes, qu’il faut
saluer. Mais en faisant cela, on a,
en quelque sorte, « cassé le thermomètre » pour ne pas montrer qu’on
avait de la fièvre. Mais la fièvre est
bien là, on ne pourra pas casser le
thermomètre éternellement… Or
personne ne peut contester mes
succès passés face au FN, notamment aux européennes de 1994,
quand je l’avais ramené, comme
je l’avais promis, à 10 % des voix.
C’est toujours faisable à condition
d’adopter les bonnes méthodes.
c’est-à-dire ?
Quand tous les partis politiques
actuels promettent aux électeurs
l’apocalypse si le FN arrive au pouvoir, ils font une erreur. Car ceux
qui votent FN n’ont pas peur de
l’apocalypse. Ils ont déjà, à tort ou
à raison, le sentiment de la vivre ! Et
à la rigueur, ils la souhaitent pour
tout le monde, pas que pour eux !
Par ailleurs, les partis politiques ne
sont plus légitimes pour critiquer
le vote FN : si votre médecin ne sait
pas vous soigner, que vous changez
de médecin et que le nouveau n’y
arrive pas non plus, ce ne sont pas
ces médecins-là qui parviendront
à vous convaincre de ne pas aller
voir le guérisseur ! Il faut que les
hommes politiques cessent de parler des conséquences, du mal de
vivre de ces Français qui votent FN,
et qu’ils apportent des remèdes aux
causes de leurs problèmes. Parmi
elles, évidemment, le chômage, en
particulier celui des jeunes qui sont
aujourd’hui les plus nombreux à
Je suis habitué : les procédures
pénales ont commencé avec
Mme Joly en 1995,
qui m’a fait chercher en menottes « Ceux qui votent
à 6 heures du FN n’ont pas peur
matin à mon domicile pour me de l’apocalypse.
signifier mes six Ils ont déjà,
mises en examen…
Cela s’est terminé à tort ou à raison,
près de huit ans le sentiment
plus tard par cinq
non-lieux et une de la vivre »
relaxe. Le pénal
me projette donc
à nouveau dans un
long marathon. Mais à 72 ans, j’ai le
voter FN. À un âge où on est traditemps, il me reste encore au moins
tionnellement plutôt exalté, utovingt-huit ans !
pique, voire révolutionnaire… mais
Qu’allez-vous faire maintenant ?
pas d’extrême droite !
Je vais continuer l’action de
Vous avez sérieusement
redressement de mon groupe de
un« plan tapie » contre
presse qui, d’ailleurs, pour cette
le chômage des jeunes ?
année 2015, est redevenu profiOui. S’agissant du chômage des
table, grâce à un travail formidable
jeunes, je me suis toujours impliqué
de toutes les équipes. On a même pu
depuis trente ans. J’ai monté avec
éviter un plan social sévère. Nous
mes seuls fonds propres, six écoles
allons continuer à développer le
de formation réservées aux sansdigital et également l’événementiel :
diplôme. Dix mille jeunes ont trouvé
salons, croisières, épreuves sportives
du boulot entre 1986 et 1994… et
comme, par exemple, cette nouvelle
puis en tant qu’homme politique,
épreuve cycliste que nous avons
j’ai monté les maisons des citoyens
créée et qui a été agréée par l’UCI,
dans les banlieues. À l’époque où
le Tour de Provence, qui démarrera
j’étais ministre de la Ville, j’avais
même présenté un projet de loi
en avril prochain… Et puis j’ai décidé
de revenir en politique.
pour rendre le chômage des jeunes
ah bon ? Vous revenez
illégal. Que n’ai-je pas reçu comme
critiques à l’époque pour ce texte,
en politique ?
Oui, je reviens. Le résultat des
jugé populiste ! Mais je maintiens
régionales est incontestablement
qu’il était dans la continuité de
un signal d’alarme qui doit alerter
l’école obligatoire de Jules Ferry,
tous ceux qui ont l’envie et la comqui n’est rien d’autre que de rendre
pétence d’apporter des réponses
illégal l’illettrisme. C’est un combat
aux problèmes du pays. Le pire a
que je veux reprendre aujourd’hui.
été évité grâce au désistement des
J’affirme qu’en capitalisant intelli-
société | 15
jdd | 20 décembre 2015
Vendredi, dans
leur hôtel particulier,
rue des Saint-Pères
à Paris, Bernard
Tapie et son épouse,
Dominique,
en compagnie
de leur chien Bable,
un cane corso.
Photos :
Bernard Bisson
Pour le Jdd
gemment tout ce qui est dépensé à
tort et à travers, on aurait de quoi
donner un travail à tous les jeunes
qui le souhaitent et qui devront l’accepter. En particulier, en dispensant
des formations pour des métiers
dont le marché du travail a besoin, et
en utilisant d’avantage les outils qui
permettent de détecter les talents
de chacun. Je dis que tout l’argent
doit être intégralement consacré
à la mise en activité des jeunes. Je
vais donc mettre sur pied, d’ici à fin
janvier, un premier projet pour la
remise en activité de tous les jeunes
de 18 à 25 ans. Je remettrai ce plan
aux chefs de groupe de l’Assemblée
nationale, du Sénat, et aux ministères concernés.
Vous imaginez Hollande et Valls
mettre en place le « plan Tapie »
pour les jeunes chômeurs ?
Bien sûr, s’il est bon ! La volonté
du pouvoir actuel a l’air d’aller dans
ce sens puisqu’ils ont demandé, à
juste titre, l’union nationale sur ce
sujet. Que les anciens Premiers ministres Raffarin et Ayrault se mettent
à cogiter ensemble pour résoudre le
problème, c’est sympathique, mais
s’ils savaient comment résoudre le
problème ils l’auraient fait lorsqu’ils
étaient au pouvoir… À l’inverse,
quand Xavier Niel décide de faire
une pépinière d’entreprise, il prend
les locaux, il définit les programmes,
et il les met en route ! Il y a ceux qui
réfléchissent et ceux qui font.
Serez-vous candidat
à la présidentielle ?
Chaque chose en son temps. La
politique, ce n’est pas seulement
être élu. La seule élection qui me
faisait envie, c’était celle de la
mairie de Marseille en 1995, pour
laquelle on s’est dépêché de me
rendre inéligible…
Vous replongez après avoir dit
« la politique m’a tué » ?
Oui, la politique m’a effectivement tué, mais je respire encore… g
« Je ferai tout pour l’en dissuader »
Elle est madame Tapie
depuis quarante-deux ans
et a tout connu à ses côtés.
Elle qui n’a jamais parlé,
confie son amertume au JDD.
Dominique Tapie préférerait
que son mari ne replonge pas
dans le chaudron politique…
On ne vous entend jamais,
alors que vous êtes concernée
puisque les jugements visent
« les époux Tapie ».
Comment vivez-vous cela ?
Je suis outrée et scandalisée !
La justice est le pilier principal
d’une démocratie. Et rendre la
justice est la tâche la plus noble
qui soit, puisque c’est elle qui
nous arbitre. Elle doit être
équitable pour tout le monde.
Or j’affirme, et tous nos avocats
ne cessent de l’affirmer, nous ne
sommes PAS traités comme tout
le monde.
Cela fait plus de vingt ans
que l’on vit ce harcèlement. Mon
mari a été un homme honnête
jusqu’à 1992 et sa nomination
de ministre ! À compter de ce
moment-là, il est comme par
hasard devenu un malhonnête
homme. Aujourd’hui, notre affaire se résume à un conflit avec
une banque qui appartenait à
l’État. Or il est clair que les institutions dans ce pays, banques,
fisc, administration, jouissent
d’un préjugé tellement favorable
des magistrats que gagner contre
elles est quasiment impossible,
contrairement à d’autres pays,
comme les anglo-saxons, où
l’exigence d’être irréprochable
prédomine toute autre considération.
La preuve : M. Peyrelevade et
deux ans et j’affirme toujours
le CDR, qui ont commis exacteque sa seule erreur a été d’entrer
ment les mêmes fautes (portages
en politique. J’étais d’ailleurs
illégaux via des sociétés offshore
contre mais à l’époque il ne m’a
pas écoutée.
via les MÊMES structures que
dans l’affaire Adidas), ont été
Il y a quelques mois, dans
condamnés aux États-Unis :
l’émission Un jour un destin, de
M. Peyrelevade à 500.000 $
Laurent Delahousse, un journad’amende plus cinq ans de mise
liste interrogeait le procureur
à l’épreuve et d’interdiction de
Montgolfier, qui avait demandé
séjour sur le sol américain. Et
et obtenu de la prison ferme
le CDR à payer
près d’un milliard de dollars « La justice est le
d’amende, à la pilier principal
charge du contribuable français. d’une démocratie.
Vous ne vous
attendiez
donc pas à ce
scénario noir ?
Elle doit être
équitable pour
tout le monde. Or
nous ne sommes
pas traités comme
tout le monde »
Bien sûr que
non. La décision
de la cour d’appel
ne comprend pas
une ligne, pas un
mot, sur tous les
arguments développés par nos
avocats. C’est un véritable assassinat, qui est le point d’orgue de
cette volonté depuis trente ans
de se débarrasser de « l’énergumène Tapie ».
L’« énergumène » en question dit
qu’il veut revenir en politique…
Si c’est revenir en participant à des élections, je trouve
que c’est une très mauvaise idée,
et je ferai tout pour l’en dissuader. Mais si c’est pour qu’il fasse
des propositions pour aider le
pays, notamment sur le chômage
des jeunes, alors là, bien sûr, j’y
suis favorable. Nous sommes
ensemble depuis quarante-
contre mon mari dans l’affaire
OM-VA. Celui-ci a déclaré mot
pour mot : « S’il ne s’était pas
appelé Tapie, il est vrai qu’il
n’aurait pas fait un jour de prison.
Les faits ne le méritaient pas. Il
a payé pour d’autres raisons. »
Ça ne choque personne ?
Mais ça veut dire quoi ? C’est
quoi les autres raisons ? Parce
qu’il est issu de la banlieue ?
Parce qu’il ne sort pas des
grandes écoles ? Parce qu’il a
gagné beaucoup d’argent ? Parce
qu’il n’a pas caché sa réussite,
ou son bonheur ? Le président
Mitterrand l’a pris pour ce qu’il
savait faire. Or ce symbole, celui
de l’envie de gagner, de l’ambition, qui était un modèle dans
les années 1980, est devenu aujourd’hui un modèle rejeté et à
détruire. Ce que l’on vit est dur,
mais je ne veux pas me plaindre.
Mais on vous sent amère…
Je ne veux pas m’épancher.
Je connais trop de gens qui
vivent des situations bien plus
dramatiques. J’ai une cousine
qui a une petite bijouterie en
banlieue. Elle s’est fait braquer
sept fois dont quatre avec un
pistolet sur la tempe. Elle vient
de mettre la clé sous la porte.
Elle est d’autant plus désespérée
et désabusée qu’elle a, une fois,
retrouvé dans la rue la personne
qui l’a agressée. Elle est allée voir
la police qui lui a répondu d’une
manière désolée « on ne peut rien
faire Madame… ».
Moi, le CDR a mis vingtquatre heures entre la décision
de la cour d’appel et la saisie de
mon compte personnel. Il y a des
affaires qui les inspirent d’avantage que d’autres visiblement…
Pourquoi n’avoir quasiment
jamais parlé en vingt ans ?
Parce que j’aurai passé ma
vie à ça ! On est une famille très
unie, Dieu merci, tous en bonne
santé. La période de la prison a
été très difficile pour les enfants
et moi-même. Mais si Bernard
ressemblait de près ou de loin
au portrait que vous avez l’habitude d’en faire je ne partagerais
pas ma vie avec lui depuis quarante-deux ans ! Mais leur dire
ce que je ressens, ça serait leur
faire trop plaisir…
ProPos recueillis Par l.V.
16 | société
JDD | 20 décembre 2015
Surchauffe sur le dispositif
antiradicalisation
IslamIsme Les préfectures et les associations
en charge de la surveillance des phénomènes
de radicalisation sont submergées. Les fonds
sont là, comme les bonnes volontés. Mais
c’est la méthode qui fait encore défaut...
D
marIe-ChrIstIne tabet
@MC_TABET
epuis les attentats parisiens du 13 novembre,
les appels au numéro
vert Stop djihadisme
explosent. Les policiers à la retraite et les psychologues
recrutés par l’Uclat (Unité de coordination de la lutte antiterroriste)
pour recueillir les signalements de
candidats au djihad auraient reçu
plus d’un millier d’alertes supplémentaires de parents, de médecins,
d’épouses, de voisins suspectant une
radicalisation, ou, pis, un départ en
Syrie. Parmi lesquelles 350 ont été
prises très au sérieux par les services
de renseignement. Mis en place en
mai 2014, le numéro* du ministère
de l’Intérieur a permis de détecter
au total 4.000 individus suspects sur
quelque 12.000 personnes signalées
qu’il faut désormais accompagner.
« Il y a une frontière entre
la radicalité et le terrorisme »
Rançon du succès et de la peur,
les préfectures se retrouvent submergées par les demandes de prise
en charge. D’autant qu’elles doivent
également s’occuper de quelque
4.000 autres « cas » qui sont entrés
dans les radars des enquêteurs
par d’autres voies (arrestations à
la frontière, enquêtes de police,
renseignements…). Sans compter
les familles des jeunes qui vivent
désormais en Syrie. C’est le volet
non répressif de la lutte antiterroriste, la déradicalisation du vivier
des potentiels candidats au départ
ou au djihad, composé de 30 % de
femmes, de 20 % de mineurs et de
38 % de supposés convertis. « Il y a
une frontière entre la radicalité et le
terrorisme, explique le préfet Pierre
N’Gahane, en charge du Centre
interministériel de prévention de
la délinquance, quelqu’un qui refuse
de serrer la main d’une femme ou de
s’asseoir sur un siège précédemment
occupé par une femme nous pose un
problème mais il ne sera peut-être
jamais terroriste. »
La France s’est engagée tardivement dans cette politique de
détection et de rééducation. « Après
la tuerie de Merah, à Toulouse, tout
le monde a été aveuglé par la théorie
du loup solitaire, raconte un fonctionnaire, il a fallu la recrudescence
des départs pour que les politiques
prennent la mesure du phénomène.
Avant novembre 2014, on ne pouvait
même pas retirer sa carte d’identité à
un adulte qui partait en Syrie. Mais
c’est en janvier 2015, après les attentats de Charlie et la découverte du
parcours des frères Kouachi que la
machine administrative s’est mise
en route. » Et ne s’emballe.
La Seine-Saint-Denis et les
Alpes-Maritimes en pointe
Le gouvernement a fait le choix
de la déconcentration. Les préfets
des départements où vivent les personnes signalées comme radicalisées sont prévenus en même temps
que les services de renseignement.
C’est le préfet, avec le parquet et la
police, qui décide alors de la suite
à donner aux informations que lui
adresse l’Uclat. Il peut transmettre
le dossier à une cellule de suivi non
En
Seine-SaintDenis, la
Maison de
prévention pour
les familles,
présidée par
Sonia Imloul,
devait être un
des modèles du
genre. Elle a
mis la clé sous
la porte moins
d’un an
après son
inauguration,
en octobre
2014.
Steven
WaSSenaar/
Bureau233
répressive pour que la famille soit
accompagnée. Mais pour l’instant,
moins de 60 % des préfets ont mis en
place des structures ad hoc. En 2015,
l’enveloppe de 8 millions d’euros
mise à leur disposition par l’État
n’a pas été entièrement consommée malgré la demande croissante
d’assistance. La Seine-Saint-Denis et
les Alpes-Maritimes disposent des
projets les plus aboutis. Dans le premier département, 55 % de la population est de culture musulmane et
le dispositif a été installé par Didier
Leschi, préfet délégué pour l’égalité
des chances et ancien directeur du
Bureau des cultes au ministère de
l’Intérieur. À Nice, le psychanalyste
Pierre Amoyel, arabisant, spécialiste
de la délinquance et de la violence,
pilote l’association Entre’autres. Il
s’est intéressé très tôt à la problématique djihadiste. La plupart des
autres départements en sont encore
au stade de l’expérimentation. La
préfecture de Bordeaux dévoilera
sa propre structure en janvier, un an
après les attentats de Charlie.
À Paris, la préfecture de police
a vécu une expérience malheureuse avec la Maison de prévention
pour les familles. L’association,
présidée par Sonia Imloul, devait
être un des modèles du genre. En
décembre 2014, le ministre de
l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, est
même venu la visiter et l’encourager
sous l’œil des caméras. Moins d’un
an après, la collaboration a tourné
court et le préfet de police a retiré
sa confiance et ses subsides. Pour
l’instant, c’est l’association de Dounia
Bouzar, le CPDSI (Centre de prévention contre les dérives sectaires
liées à l’islam) qui répond au coup
par coup aux appels des procureurs
et des préfets lorsqu’il y a une urgence. « C’est une charge très lourde,
explique un conseiller du ministre de
l’Intérieur, c’est même surhumain. En
Dounia Bouzar face aux critiques
À la tête de l’association phare
contre le déradicalisation,
cette ancienne éducatrice est
soupçonnée de mélange des
genres. elle s’explique au JDD
Dounia Bouzar, l’icône médiatique de la déradicalisation à
la française, en fait-elle trop ?
Avec son association, le CPDSI
(Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam),
elle s’est imposée sur les plateaux de télévision et auprès des
pouvoirs publics. Suscitant la
critique. La sénatrice centriste
Nathalie Goulet, présidente de
la commission d’enquête sur
les réseaux djihadistes, vient
de demander au ministère de
l’Intérieur de lui fournir un
bilan circonstancié des résultats
du CPDSI. « Cette structure n’a
pas de bureau et un très faible
effectif, explique-t-elle, je souhaite juste comprendre comment
on “déradicalise” dans de telles
conditions ».
Le journaliste Mohamed
Sifaoui, spécialiste du terro-
risme islamiste, attaque sur le
fond : « Dounia Bouzar raisonne
en musulmane et refuse d’admettre que nous sommes dans
le traitement d’une maladie de
l’islam et non d’une dérive sectaire », explique-t-il. D’autres
critiquent anonymement sa
méthode. « Le djihad, ce n’est
pas seulement une histoire de
jeunes filles radicalisées derrière
un écran d’ordinateur », fustige
un fonctionnaire, reprochant
à Dounia Bouzar de s’intéresser principalement aux jeunes
Françaises radicalisées.
900.000 € de subventions
depuis dix-huit mois
L’association a reçu près de
900.000 € de subventions depuis
dix-huit mois, dont 100.000 €
pour former les acteurs publics
(éducateurs, fonctionnaires…).
En 2014, elle a perçu 130.000 €
de subventions pour son action
auprès des jeunes. En 2015, elle
a aussi remporté l’appel d’offres
du ministère de l’Intérieur pour
la constitution de l’équipe mobile
© DiDier GOuPY / SiGnatureS
d’intervention. Cette structure
désormais dotée d’un budget
annuel de 600.000 € a vocation à
intervenir auprès des préfectures
confrontées à des cas de radicalisation. Pour quel bilan ? Sur son
site, Dounia Bouzar a publié mercredi ses derniers résultats : 1.059
jeunes suivis depuis avril 2014,
dont 234 sur le départ, ont été
« désembrigadés »… « Dounia
Bouzar a évité plus de 200 départs,
qui a fait mieux ? s’impatiente le
préfet antiradicalisation, Pierre
N’Gahane. Lorsque nous avons
lancé l’appel d’offres elle était seule
à y répondre. »
Son quasi-monopole sur ce
créneau, Dounia Bouzar le doit
d’abord à son intuition. Depuis
2001, publiant son livre L’Islam
des banlieues (Syros), elle travaille sur ces questions. « Elle a
longtemps prêché dans le désert,
explique un haut fonctionnaire.
Et puis, en 2014, Bernard Cazeneuve, confronté à l’explosion des
départs, a été bien content de la
trouver. » L’ancienne éducatrice
de la Protection judiciaire de
la jeunesse avait aussi dans sa
manche de précieux soutiens à
gauche, dont Jean-Louis Bianco
et Jean Glavany.
« Je suis restée
une grande gueule »
Aujourd’hui, certains lui
reprochent l’embauche de
membres de sa famille et le
mélange des genres, entre son
entreprise Bouzar Expertises,
actuellement gérée par sa fille,
et son association. L’inspection interministérielle, qui
audite actuellement le dispositif national de lutte contre
la radicalisation, s’en est ému
avant même d’avoir terminé
outre, une seule structure et une seule
méthode ne répond pas à l’ensemble
des situations. Le CPDSI a une expertise très fine des cas de radicalisation
des jeunes filles mais pas de l’ensemble
de la palette. »
Le secrétariat d’État à la Famille
de Laurence Rossignol vient d’annoncer la création d’un réseau national d’associations de parents dont les
enfants sont partis faire le djihad.
Dominique Bons devrait le présider.
Cette Toulousaine a perdu son fils en
Syrie. Des antennes devraient être
ouvertes dans plusieurs régions. « On
ne peut pas reprocher au gouvernement son inaction, relève un spécialiste, mais il n’y a pas de doctrine de
la déradicalisation. Parmi les acteurs
choisis par l’État on retrouve toutes les
approches, ceux qui considèrent qu’il
faut combattre une secte, d’autres les
dérives de l’islam, d’autres encore des
profils psychiatriques très typés. » g
* 0 800 005 896.
son rapport.Bouzar Expertises
vend, en effet, des prestations
de formation à des collectivités
susceptibles de travailler avec
l’association… « Pour éviter les
soupçons de conflits d’intérêts,
réagit le préfet N’Gahane, nous
ne renouvellerons pas sa mission
de formation pour l’année 2016.
Dounia Bouzar consacrera désormais exclusivement son action
aux familles. » Au ministère de
l’Intérieur, on loue son dévouement et ses résultats mais on lui
a conseillé d’éviter la surexposition médiatique. Quant à
l’activité de son entreprise, elle
revendique son droit à la liberté.
« Ma société de conseil existait
avant l’association, rétorque-telle. Ma fille continue à la faire
tourner car c’est notre gagnepain. Je n’ai pas l’intention de
vivre des subventions publiques
et j’ai baissé mes revenus d’un
tiers depuis que je travaille pour
l’État. Je suis restée une grande
gueule et je veux pouvoir partir du jour au lendemain »,
conclut-elle. m.-C.t.
société | 17 *
jdd | 20 décembre 2015
L’énigme des deux
djihadistes de Salzbourg
teRRoRISMe Les deux compagnons de voyage des kamikazes du Stade de France interceptés en autriche
ont fait un mois de prison en Grèce. étaient-ils les 11e et 12e hommes du commando de paris ?
Stéphane Joahny
Les terroristes du 13 novembre
ont-ils perdu des effectifs en route ?
D’autres cellules ont-elles été prépositionnées en Europe en s’immisçant cet automne dans le flot des
réfugiés syriens ? Ces questions se
posent au regard du parcours de
deux djihadistes présumés, bloqués
voilà une semaine dans un centre de
réfugiés de Salzbourg en Autriche.
Ces deux hommes, qui pourraient être un Algérien de 28 ans
et un Pakistanais de 34 ans, ont été
arrêtés dans le cadre de l’enquête
sur les attentats de Paris. Suspects,
ils le sont à plus d’un titre.
Des « vrais faux » passeports
D’abord ils font partie du
groupe des 199 adultes qui, à
l’instar de deux des kamikazes
du Stade de France, ont transité
par l’île de Leros en Grèce le 3 octobre dernier. Ensuite parce que,
comme ces deux morts dont on
ne connaît que les visages (voir
photos) et qui pourraient être
d’origine pakistanaise, ils étaient
porteurs du même type de « vrais
faux » passeports syriens…
télex
terrorisme
Fausse alerte à la bombe sur le Maurice-Paris ?
Canular ou tentative
d’attentat sur un vol d’Air
France ? Selon nos
informations, un passager du
vol Maurice-Paris aurait
signalé la présence d’un
engin explosif dans les
toilettes après le décollage
obligeant l’avion à un
atterrissage d’urgence à
Mombasa (Kenya). Les 400
passagers ont été évacués.
L’engin ? Un assemblage de
boîte de carton avec des fils
et un minuteur de cuisine.
Des vérifications étaient en
cours tard hier soir. La police
antiterroriste était sur place
noël
Malgré la diffusion de ces deux appels à témoins, les deux kamikazes du Stade de France
n’ont toujours pas été identifiés. AlexAndre MArCHI/MAxPPP
Leurs chemins se sont ensuite
séparés pour la simple et bonne
raison que l’Algérien et le Pakistanais, confrontés aux questions
d’agents de Frontex, ont échoué à
convaincre qu’ils étaient bien des
réfugiés syriens. Pendant que les
soi-disant Ahmad Al-Mohammad
et Mohammad Al-Mahmoud poursuivaient leur route vers Bruxelles et
Paris via la Serbie, où l’un déposera
une demande d’asile le 7 octobre, la
Croatie, où le second sera contrôlé
le 8 octobre, les deux autres comparaissaient devant la justice grecque
pour possession de faux papiers.
Ils n’ont pu reprendre leurs pérégrinations vers l’Union européenne
qu’après un mois de détention sur
une île grecque… Trop tard pour
rejoindre à temps Abdelhamid
Abaaoud et ses complices ?
Depuis que les autorités françaises ont compris que deux
des membres du commando du
13 novembre avaient mis le pied en
Europe à Leros le 3 octobre, toutes
les empreintes des quelque 200 personnes enregistrées ce jour-là (un
tiers s’était présenté sans aucun
document d’identité et tous n’ont
pas fait l’objet d’un contrôle de la
part de Frontex) ont été diffusées
à travers toute l’Europe pour retrouver leur trace. L’Algérien et le
Pakistanais de Salzbourg sont les
premiers à avoir été retrouvés. Un
mandat d’arrêt européen pourrait
être délivré à leur encontre dans les
prochains jours. g
Des cadeaux malgré la crise
Le budget moyen consenti
par les Français pour l’achat
des cadeaux de Noël atteint
415 €, même si la moitié
sondés ne compte pas
dépasser 300 €, selon
un sondage BVA publié hier
par la presse régionale.
En dépit de la crise, près de
six Français sur dix comptent
dépenser «autant que
l’an dernier».
Justice
Procès Cahuzac en février
Jérôme Cahuzac devrait
comparaître du 8 au 18
février devant le tribunal
correctionnel de Paris dans
l’affaire de son compte caché
à l’étranger selon Sud Ouest.
L’ex-ministre du Budget
comparaîtra pour fraude
fiscale, blanchiment et pour
avoir omis de déclarer
ses avoirs à l’étranger dans
sa déclaration de patrimoine
lors de son entrée
au gouvernement en mai
2012. Il comparaîtra avec
son épouse, jugée aussi
pour fraude fiscale
et blanchiment.
18 | sciences
JDD | 20 décembre 2015
Des moustiques OGM pour éradiquer le paludisme
On a lOngtemps pensé que le paludisme, qui cause
chaque année 600.000 décès dans le monde, notamment
en afrique, serait un jour vaincu grâce à un vaccin. en attendant la piqûre miracle, d’autres stratégies sont explorées. Une équipe britannique a entrepris d’aller
chercher le remède dans le mal : elle vient de
créer des moustiques génétiquement modifiés
porteurs d’une mutation qui les rend stériles.
Ou comment espérer éradiquer la maladie
infectieuse en forçant ses vecteurs, des femelles du genre Anopheles, qui piquent
l’homme, à transmettre à leur progéniture
des gènes qui feront baisser l’effectif de la population de moustiques.
au cœur de ce travail, figure le concept innovant de
gene drive (« forçage génétique »), qui consiste à créer
une mutation et à imposer sa propagation rapide dans une
population donnée. « Le projet de fabriquer des moustiques
transgéniques capables de forçage génétique pour lutter
contre le paludisme est vieux mais l’outil moléculaire
pour y parvenir simplement et rapidement nous
manquait. En 2012, la mise au point de CRISPR,
une technologie révolutionnaire d’édition génétique, a donné une impulsion nouvelle à cette
idée », commente éric marois, biologiste moléculaire à strasbourg et coauteur de l’étude
menée à l’Imperial College de londres.
après avoir identifié trois gènes importants
pour la fertilité, les chercheurs les ont inactivés
chez des moustiques qui, dans plus de 90 % des
a Le parasite à l’origine de cette maladie infectieuse est
transmis à l’homme par une piqûre de moustique infecté. SPL
cas, ont eux-mêmes transmis cette modification à leur descendance. « Comme prévu, les gènes modifiés ont pris le pas
sur les gènes sauvages », complète éric marois. malgré la
fierté d’avoir participé à une étude pionnière, qui vient compléter d’autres résultats prometteurs venus des états-Unis,
le scientifique strasbourgeois ne se voile pas la face : la destruction des moustiques pourrait avoir un impact négatif
pour l’environnement. « Il faut soigneusement évaluer les
conséquences d’une telle découverte. L’idée de supprimer une
espèce pose des questions éthiques et écologiques. » Favorable à l’invention d’un cadre juridique au niveau international, éric marois espère toutefois que ces Ogm volants créés
dans un but de santé publique ne seront pas l’objet d’autant
d’opprobre que le maïs de monsanto. « Il y a d’autres batailles sanitaires à mener : en modifiant les tiques, on pourrait, par exemple, vaincre la maladie de Lyme. » A.-L.B.
Le couper-coller de l’ADN
La technologie des ciseaux
moléculaires devrait
permettre à la médecine
de faire un bond de géant
dans le traitement
des maladies génétiques
et de certains cancers…
Elle soulève au passage
des interrogations éthiques
b La biologiste
française Emmanuelle
Charpentier (à gauche),
qui travaille à l’Institut
Max Planck à Berlin et
sa consœur américaine
Jennifer Doudna
(à droite), de
l’Université de
Californie à Berkeley,
ont mis au point CRISPR
en 2012. Cet outil
d’édition de l’ADN,
inspiré du système
immunitaire des
bactéries, pourrait leur
valoir un prix Nobel.
C
AnnE-LAurE BArrEt
@annelaureBarret
’est « la Ford T de la
génétique », selon
l’heureuse formule
d’un prof de droit à
Stanford. Comme
la mythique voiture a mis le
monde sur roues et renvoyé aux
oubliettes les prototypes poussifs de l’ère préindustrielle, la
technologie CRISPR (encore
appelée CRISPR Cas9), primée
jeudi par la revue américaine
Science comme invention de
2015, est en passe de bouleverser
nos vies. D’ici à quelques années,
cet outil moléculaire disponible
dans plus de 3.000 labos sur la
planète devrait permettre de soigner des maladies héréditaires
et même certains cancers. À plus
long terme, il pourrait inaugurer
l’avènement d’un homme génétiquement modifié capable de
transmettre ses gènes corrigés
à sa descendance.
« Un couteau
suisse » pour
la génétique
Il y a trois semaines, une
conférence internationale était
organisée à Washington pour
réfléchir à cette révolution qui
peut modifier notre espèce.
Pourquoi une découverte,
vieille seulement de deux ans
et demi, suscite-t-elle autant
d’espoirs ? « Nous disposions
déjà d’autres méthodes d’édition du génome mais elles
étaient très compliquées à
utiliser. CRISPR est le graal
qu’on attendait pour booster
la thérapie génique : simple,
précis, efficace, peu coûteux »,
résume Jacques Tremblay,
professeur à l’université Laval
au Canada. Pour la biologiste
française Emmanuelle Charpentier, qui l’a développé en
2012 avec l’Américaine Jennifer Doudna, CRISPR est « un
couteau suisse » servant à cor-
MIGUEL RIOPA/AFP
riger l’ADN défectueux, « un
peu comme un logiciel de traitement de texte » pour « éditer » ou « corriger » un document. Ces fameuses fonctions
« rechercher » et « remplacer »
de Word qui facilitent à la fois
repérage et corrections.
CRISPR… Cet acronyme
bizarre, « crispant » comme
l’a récemment écrit une chercheuse française, renvoie à
son origine. « Cette technique
a été inspirée par un système
qui existe chez les bactéries
pour se protéger des agressions
virales externes », explique le
biologiste de la reproduction
Pierre Jouannet, missionné au
récent congrès de Washington
par l’Académie de médecine.
« Le trait de génie, qui vaudra peut-être un Nobel à ses
découvreuses, c’est de s’être
rendu compte que ce mécanisme
naturel pouvait fournir un outil
utile et de l’avoir adapté pour
l’utiliser dans des cellules d’organismes supérieurs », abonde
Bertrand Jordan*, biologiste
moléculaire.
Le « couteau suisse » est
composé de plusieurs éléments : un super ciseau moléculaire (une protéine qui
coupe l’ADN appelée Cas9) ;
un segment d’information
génétique (ARN guide) qui
s’associe à la protéine et la
guide vers l’endroit voulu
dans l’ADN ; un segment
d’ADN portant la « bonne »
séquence. « On les injecte en
même temps dans la cellule,
poursuit Bertrand Jordan. La
séquence non mutée introduite
en même temps que Cas9 et que
l’ARN guide vient alors remplacer celle d’origine et corrige la
mutation présente dans l’ADN
de la cellule. »
Des thérapies
géniques nouvelle
génération
L’arrivée de l’outil moléculaire donne des ailes à tous
les chercheurs qui planchent,
souvent avec difficulté, sur les
thérapies géniques depuis des
années. « Jusque-là, on ajoutait un exemplaire fonctionnel
du gène défectueux sans l’ôter ;
là, on le corrige », dit Bertrand
Jordan. Pour l’instant, aucun
essai clinique n’a été mené chez
l’homme mais des souris ont
déjà été guéries de maladies héréditaires orphelines comme la
tyrosinémie de type 1, une grave
affection du foie et des reins ou
la myopathie de Duchenne.
Au-delà des maladies touchant
un seul gène, des pathologies
complexes et multifactorielles
comme les cancers ou les affections cardiovasculaires pourraient bénéficier des progrès
induits par CRISPR. Pour cela,
de petits pas restent à accomplir.
« Il faudra notamment remédier
aux rares mais réels effets hors
cible, imprévisibles, de ce système qui parfois modifie l’ADN
à d’autres endroits qu’au lieu souhaité », avertit Pierre Jouannet.
Comme un bon vieux couteau suisse, CRISPR peut aussi
trancher dans le vif… de l’évolution humaine. Certains scientifiques s’inquiètent concernant
son possible effet néfaste sur
les cellules reproductrices ou
l’embryon. « Jusqu’à présent,
l’homme, qui a déjà génétiquement modifié des plantes ou
des animaux comme les souris
à titre expérimental, n’a jamais
changé la structure de son ADN.
Dans un tel cas, la modification
du génome se transmettrait, elle
aurait un effet transgénérationnel », observe Pierre Jouannet.
Les angoisses se sont accrues en
avril lorsqu’une équipe chinoise
a annoncé avoir corrigé un gène
défectueux dans plusieurs embryons humains, heureusement
non viables. Comment éviter
une modification « contraire à
l’éthique » des caractères héréditaires des individus, comment
se prémunir de la fabrication de
bébés génétiquement modifiés ?
Refusant un moratoire sur la
thérapie génique germinale, les
spécialistes réunis à Washington ont conclu que la recherche
devrait se poursuivre activement
tout en étant encadrée (aucune
grossesse autorisée actuellement à partir d’un embryon
manipulé). Une conclusion
forcément provisoire comme
le note Bertrand Jordan : « On
peut facilement entrevoir un
monde dans lequel le libre jeu du
marché permettrait aux superriches d’améliorer le patrimoine
génétique de leur descendance, et
d’ajouter ainsi aux considérables
inégalités économiques actuelles
un privilège génétique transmissible aux générations suivantes.
Est-ce bien là l’avenir que nous
souhaitons pour l’humanité ? » g
*« Au commencement était le verbe,
une histoire personnelle de l’ADn »,
EDP Sciences, 20 €.
Un ado atteint d’anémie
chronique soigné
par thérapie génique
Alors que le couteau suisse
moléculaire CrIsPr n’a pas encore
donné lieu à des essais cliniques,
certaines génothérapies plus
classiques donnent de bons résultats.
on a appris cette semaine qu’un
adolescent atteint de drépanocytose,
une maladie du sang héréditaire très
fréquente en France, est « en voie de
guérison » grâce à un protocole mené
à l’hôpital Necker. Cette affection qui
touche l’hémoglobine des globules
rouges se caractérise par une anémie,
des crises douloureuses et un risque
accru d’infection. Avec son équipe, la
professeure Marina Cavazzana, qui
dirige le département de biothérapie,
a prélevé des cellules souches
sanguines dans lesquelles a été
introduite une copie normale du
gène de l’hémoglobine. « Neuf mois
après avoir reçu cette greffe de
cellules corrigées, le patient se porte
bien et produit environ 51,5 %
d’hémoglobine normale », se réjouit
la chercheuse. Concrètement,
l’adolescent, âgé de 13 ans, n’a,
aujourd’hui, plus besoin d’une
transfusion de sang chaque mois.
L’anémie chronique affecte les globules
rouges. J. LEWIN, ROYAL FREE HOSPITAL/COSMOS
L’Unesco réclame un
moratoire sur la recherche
l’uNesCo a déclaré la guerre aux
ciseaux moléculaires. Alors que les
scientifiques, juristes et éthiciens
réunis début décembre au sommet
de Washington viennent de prôner
la poursuite des recherches menées
grâce à CrIsPr, l’organe des Nations
unies, qui a publié une « réflexion
sur le génome humain et les droits de
l’homme », réclame un moratoire sur
la manipulation de l’ADN des cellules
reproductrices humaines. l’unesco
appelle de ses vœux un vaste débat
public sur les modifications
génétiques del’ADN humain.
Aux États-unis, les associations
de patients atteints de maladies
héréditaires commencent à pousser
en sens inverse, réclamant une levée
des freins au nom de l’urgence
sanitaire. en France, l’Académie
de médecine prépare un rapport
sur CrIsPr pour la fin janvier.
Société | 19
jdd | 20 décembre 2015
Les 100 jours des migrants de Cergy
réfugiés Ils étaient là depuis trois mois, venus de Syrie via l’Allemagne. Vendredi, la préfecture a fermé le centre
d’accueil de Cergy-Pontoise. La plupart des 200 personnes ont été réparties en province
Christel De taDDeo
n’était pas possible », explique un
responsable.
Pas de place perdue dans le
dispositif géré par la délégation
interministérielle à l’hébergement
à l’accès au logement (Dihal) qui a
surtout proposé des solutions en
« zone détendue » et en cohabitation pour les hommes arrivés seuls
en France. Le jeune tailleur devrait
néanmoins obtenir une place dans
un foyer de jeunes travailleurs.
« Son employeur est prêt à se porter
garant », indique un bénévole du
Secours catholique qui va l’aider
à constituer son dossier.
@cdetaddeo
Un drapeau tricolore est encore
suspendu au portail devant lequel
ils s’enlacent une dernière fois.
Les valises et les housses de rangement, où ceux qui s’apprêtent
à partir ont rassemblé leurs effets
personnels, s’entassent près de
l’entrée. Les étreintes sont puissantes. Les sourires forcés.
La préfecture n’a pas renouvelé l’agrément du centre de séjour
Hubert-Renaud pour l’accueil des
réfugiés ; la quarantaine d’hommes
encore présents en début de semaine devaient tous être partis
vendredi soir. « On a quasiment
trouvé des solutions pour tous »,
se félicite Raphaël Sodini, conseiller au ministère de l’Intérieur,
assurant que « personne n’a été
contraint ».
Pourtant, la fermeture du
centre après cent jours de solidarité s’est passée dans une précipitation certaine et la plupart des pensionnaires sont montés dans un
train à contrecœur pour une destination imposée. « On a essayé de
faire les choses au mieux pour qu’ils
puissent s’insérer professionnellement là où les gens sont prêts à les
accueillir et à les suivre », proteste
Raphaël Sodini. Cette semaine,
À Cergy, l’heure des adieux a sonné pour les réfugiés hébergés au centre de séjour
Hubert-Renaud, qui a fermé ses portes vendredi soir. J. Jaulin/HanSluCaS POuR lE JDD
Chartres, Narbonne, Nîmes, Pau,
ou encore Saint-Étienne. « Je n’ai
pas le choix », confie tristement
un étudiant syrien au moment de
partir à Strasbourg vendredi.
Un employeur se prête garant
Les six réfugiés qui ont refusé de quitter la région ont été
relogés pour trois nuits dans un
hôtel de Saint-Ouen-l’Aumône
(Val-d’Oise). « Ensuite, ils devront
se débrouiller », confie un coor-
dinateur du centre. Peu importe
si deux d’entre eux – un père et
son fils – ont trouvé du travail
dans les cuisines d’un restaurant
parisien. Un septième, couturier
dans le quartier de StrasbourgSaint-Denis à Paris, était prêt
à laisser tomber son CDI pour
partir dans la banlieue de SaintÉtienne comme on le lui proposait.
« Mais comme les plus petits appartements disponibles sont des F3,
on lui a finalement répondu que ce
« C’est un peu la loterie »
La France, qui a voté une rallonge budgétaire de 280 millions
d’euros pour l’intégration des
33.000 réfugiés prévus par le plan
de répartition européenne, n’en a
accueilli pour l’instant que 526 en
provenance de Munich, dont 57 ont
choisi de repartir, principalement
en Allemagne. L’immense majorité
des quelque 200 personnes passées par le centre de Cergy ont été
éparpillées en province. Mais avec
quel projet ? « C’est un peu la loterie », confie une bénévole encore
en contact avec plusieurs d’entre
eux. Après cent jours en France, il
ne reste que les selfies de la visite
surprise de François Hollande. Et
des promesses de Munich ?
Deux jeunes Syriens seulement
ont été admis à l’université Paris 1
Panthéon-Sorbonne qui a mis en
place un programme d’intégration
spécifique pour les étudiants réfugiés. L’un d’eux, Nour, 22 ans,
a pu rester pour le week-end au
centre d’hébergement avec son
jeune frère, en attendant qu’une
solution d’hébergement soit rapidement trouvée. Vendredi matin,
avec d’autres réfugiés, Nour a passé
un examen validant sa formation
en langue française dans le cadre
du contrat d’accueil et d’intégration à l’université de Cergy.
Parmi eux, Adnan*, l’ingénieur
syrien que le JDD avait suivi à
son arrivée, qui aime toujours la
France de Victor Hugo et de Michel
Platini, en dépit de ses démêlés
avec la Fifa, a fait des progrès
remarquables en français. Adnan,
qui a eu 47 ans vendredi, a obtenu
son équivalence le mois dernier et
va pouvoir désormais chercher un
emploi. Pour lui, le rêve se poursuit.
Le 2 décembre, l’ESCP, l’une des
plus anciennes écoles de commerce
de Paris, l’a invité à la remise du
prix du Livre d’économie où il a
rencontré… Emmanuel Macron. g
* le prénom a été modifié.
20 |
économie
jdd | 20 décembre 2015
ÉNERGIE Avec le prix du baril à 35 dollars,
les royaumes de la péninsule Arabique
revoient leurs budgets à la baisse. Vont-ils
bientôt découvrir l’austérité ?
Pétrole amer
pour les pays
du Golfe
L
BRUNa BasINI
@BrunaBasini
es piscines du Hiltonia Beach Club d’Abu
Dhabi sont toujours
scrupuleusement réfrigérées durant les mois
chauds. À Doha, les Qatariens
oublient encore d’éteindre la climatisation lorsqu’ils partent en
vacances et cette année, les Saoudiens ont reçu 32 milliards de dollars de subsides de leur nouveau
monarque. Business as usual pour
les pays du Golfe, habitués aux largesses de la rente pétrolière ? Pas
vraiment. Déjà l’an dernier, l’émir
du Koweït avait libéralisé le prix
des carburants, du gaz et de l’électricité, puis triplé ceux du diesel et
du kérosène. Cette année, l’eau est
devenue payante à Abu Dhabi et
au début de l’été le gouvernement
a supprimé les subventions sur
l’essence. Les habitants du Golfe
découvrent l’austérité après des
années d’euphorie.
De l’Arabie saoudite, premier
producteur et exportateur mondial de brut, aux Émirats arabes
unis (EAU) en passant par le
Koweït, Bahreïn, Oman et le Qatar,
les monarchies pétrolières accusent le coup d’un baril à moins
de 40 dollars. En dix-huit mois, les
cours de l’or noir, première source
de recettes et pierre angulaire de
leurs dépenses publiques, ont
dégringolé de près de 70 %. Une
glissade aggravée par le sommet
de l’Opep du 4 décembre, qui ne
réduit toujours pas sa production,
et la levée vendredi par les ÉtatsUnis de l’interdiction, vieille de
plus de quarante ans, d’exporter
leur pétrole, qui va pousser l’offre
plus haut encore.
Pour éviter un dérapage budgétaire, Bahreïn doit facturer son
baril à 130 $, l’Arabie saoudite
à 93 $, le Qatar à 65 $. Dans les
couloirs des palais, fixer les budgets tourne au casse-tête. Quelle
dépense raboter, quels investissements repousser ? « Aucun de
ces États-Providence n’envisage
sérieusement de renoncer à son
modèle, assure Francis Perrin,
directeur de la publication de
Pétrole et gaz arabes. La rente pétrolière leur achète paix sociale et
stabilité économique. Ils ont même
revu les subventions à la hausse
depuis les printemps arabes et la
multiplication des conflits armés
à leurs frontières, de la Syrie au
Yémen. »
Le FMI alarmiste
Intenable et irresponsable
pour l’économiste Nouriel Roubini, présent cette semaine au
Arab Strategy Forum de Dubai.
« Le contre-choc pétrolier n’a rien
de transitoire, vous devez vous
adapter à cette réalité plutôt que
de vous limiter à la financer », at-il déclaré devant un parterre de
Le centre
commercial
Marina Mall
à Abou Dhabi
(Émirats
Arabes unis).
BERTRANd
GARdEL
hEmIS.fR
dirigeants. Les budgets des pays
du Golfe ont plongé dans le rouge,
avec un déficit moyen de l’ordre
de 7,5 % de leur PIB cette année.
Il grimpe même à 21 % en Arabie
saoudite, selon le Fonds monétaire
international (FMI) qui estime que
ses réserves de change – un matelas de 600 milliards de dollars –
seront épuisées en cinq ans si le
royaume ne réduit pas son train de
vie. Pis, si les cours avoisinent les
50 $ encore cinq ans – arrimés, qui
plus est, à un dollar fort –, les six
pétromonarchies devraient perdre
1 trilliard de dollars de recettes.
« Les pays du Golfe sont
conscients de l’insoutenabilité de
leurs systèmes. Ce sentiment a été
renforcé par la COP21 qui table
sur un arrêt à terme de la consommation d’énergies fossiles. Ils ont
fait le dos rond en 2015, mais ils
se préparent à bouger », ponctue
l’économiste Patrice Geoffron.
Riyad a ainsi rapatrié 70 milliards
de dollars et levé 20 milliards de
dollars de dette auprès de ses
citoyens pour la première fois
de son histoire. Le royaume pourrait suspendre ou rééchelonner
certains chantiers. Il prévoirait
des privatisations dans les transports, les télécommunications,
la santé et l’éducation. Au menu
aussi, une réduction de la part
de la main-d’œuvre étrangère,
une nécessité face à une démographie galopante où 70 % de la
population a moins de 40 ans.
COURS DU BARIL DE PÉTROLE (BRENT) A NEW YORK EN DOLLARS
118.9
115.06 23 juin 2014
109.9
100.9
91.99
83.02
74.06
18 Décembre 2015
65.10
37.12
56.14
47.16
37.40
5/2014
7/2014
10/2014
12/2014
2/2015
5/2015
7/2015
10/2015
Les dix prévisions chocs de Saxo Bank pour
CONJONCTURE Les économistes de
la banque danoise livrent chaque
année leurs analyses iconoclastes.
À venir : sursaut pétrolier, flambée
agricole, chute du dollar…
Âmes sensibles s’abstenir. En 2016, si
l’on en croit les prévisions extrêmes
des économistes de Saxo Bank, les
cours des produits agricoles vont
flamber, les « licornes » de la Silicon
valley, ces start-up qui pèsent plus
d’un milliard de dollars, connaîtront
une année noire, le pétrole remontera par à-coups à 100 dollars le baril,
l’euro se renforcera à 1,23 face au
dollar, le marché des obligations va
s’effondrer, l’économie des marchés
émergents repartira, aiguillonnée
par les JO au Brésil…
Depuis treize ans, les analystes
de la jeune banque d’investissement en ligne danoise s’amusent
à penser hors du cadre, cherchent
les fameux « cygnes noirs » susceptibles de faire bouger les lignes des
marchés et des portefeuilles des
investisseurs. Leurs 10 scénarios
– un rendez-vous attendu qui fait
le buzz et parfois mouche – vont à
l’encontre du consensus des prévisionnistes. En 2013, ils avaient anticipé la chute des cours du pétrole
sous les 80 dollars.
Une plantation
d’arbres
fruitiers,
en Californie.
Les sécheresses
pourraient
faire bondir
de 40 %
les cours
des produits
agricoles.
B. LASSALLE /
SIGNATURES
Cette année, les dix projections
de Saxo Bank ont pour dénominateur commun l’émergence d’un
nouveau paradigme. Autrement
dit, une autre façon de penser face
à des paramètres économiques qui
changent : les taux d’intérêt remontent après dix années de baisse et
sonnent la fin de l’argent facile, la
volatilité et l’incertitude vont revenir, l’économie chinoise tourne au
ralenti et des tensions géopolitiques
complexes apparaissent. Dans ce
contexte, raisonnent les cerveaux
de Saxo, le dollar ne pourra que
s’affaiblir face à l’euro. « Et ce serait
un événement salutaire pour tous,
souligne le chef économiste de la
banque, Steen Jakobsen, qui pilote
cet exercice. L’économie mondiale est
de plus en plus dépendante du billet
vert parce qu’on a émis énormément
de dette dans cette devise. Un dol-
lar plus faible doperait la croissance
américaine et, par ricochet, celle de
la planète. »
El Niño pousse les feux
de l’inflation
Selon lui, l’événement le plus
probable, l’an prochain, pourrait
être un désastre climatique signé El
Niño : ce courant chaud devrait être
particulièrement destructeur, disséminant feux de forêts et sécheresses
en Asie du Sud-Est et en Australie.
« La production agricole en pâtira et
les prix pourraient bondir de 40 % et
relancer l’inflation », raisonne Steen
Jakobsen, qui a identifié, a contrario,
un scénario le plus improbable pour
2016 : le net déclin de la demande de
biens de luxe en Europe et une perte
de 50 % de son chiffre d’affaires
pour le leader du secteur, LVMH.
La conséquence d’une société plus
économie | 21
jdd | 20 décembre 2015
Accord amiable ou plan social ?
eMPLOi Les ruptures conventionnelles explosent depuis 2012. Des entreprises en abusent
pour éviter licenciements collectifs et départs en préretraite
Matthieu Pechberty
Le Qatar, lui, ne compte pas puiser dans ses réserves de change ou
ses fonds souverains mais lancer
des emprunts locaux et à l’étranger,
et tailler dans les budgets de certaines agences gouvernementales,
dont sa chaîne de télévision internationale Al Jazeera. Pas question, en
revanche, de toucher à l’enveloppe
consacrée au Mondial de football
2022. Dans les Émirats arabes unis,
où la diversification économique
est devenue une réalité, la cité-État
de Dubai capitalise, notamment,
sur l’Expo 2020. Un pactole chiffré à 20 milliards de dollars. « Les
EAU vont réduire leurs dépenses
publiques de 10 % et tablent sur un
atterrissage en douceur d’autant
plus facile à mettre en œuvre que
plus de 85 % de leur population est
étrangère », remarque Alexandre
Andlauer, analyste pétrole et gaz
chez AlphaValue. Autre chantier
émirati, qui consituerait une grande
première : piloter la mise en place
d’une TVA qui s’élèverait à 5 % pour
les pays du Golfe. g
2016
égalitaire qui réprouve les valeurs
segmentantes du luxe dans un
contexte de hausse du chômage et de
précarité sociale. « Un mouvement
accentué par la baisse de la demande
dans les deux pays locomotives que
sont la Chine et la Russie », précise
l’économiste.
L’attention aux « cygnes noirs »
fait désormais des émules. Bloomberg, l’agence de presse américaine
spécialisé dans l’économie et la finance, vient à son tour de publier
ses prévisions catastrophes 2016.
Florilège : le Royaume-Uni quitte
l’Union européenne, le pétrole
remonte à 100 $ le baril, les changements climatiques se multiplient
et les hackers russes et iraniens
s’unissent pour attaquer les banques
américaines et ébranler la première
économie mondiale. Que la force
soit avec nous. b.b.
@mpechberty
C’est une dérive à grande échelle.
Depuis 2009, salariés et employeurs
peuvent se séparer d’un commun
accord par le biais d’une rupture
conventionnelle. Créée pour assouplir le contrat de travail, la mesure
devait répondre à des situations
précises de séparation amiable et
éviter la lourdeur d’un licenciement
pour l’entreprise et l’insécurité d’une
démission pour le salarié. Six ans
plus tard, le nombre de ruptures
conventionnelles, qui a franchi le
seuil symbolique des 2 millions le
mois dernier, a explosé : d’environ
20.000 par mois en 2010, il approche
les 30.000 en 2015, selon la Dares.
« Les ruptures conventionnelles
sont devenues un mode de gestion
de l’emploi, reconnaît Michèle
Gilabert, consultante du cabinet
Entreprise & Personnel. Des entreprises de taille moyenne en abusent
pour des raisons économiques car la
loi n’impose pas de justifier de motif. »
Pas de longues procédures liées à
un plan de sauvegarde de l’emploi
(PSE), pas de négociations collectives et pas de risque d’être retoqué
au tribunal administratif. Un salarié
qui signe une rupture conventionnelle s’engage aussi à ne pas attaquer
son employeur aux prud’hommes.
Les ruptures conventionnelles
touchent souvent les seniors
Des entreprises, souvent des
PME, n’hésitent pas à dépasser le
plafond légal de 9 ruptures conventionnelles par mois et à imposer des
plans sociaux cachés. « On assiste à
des abus pour contourner les dispositifs collectifs, explique Jean-Paul
Bouchet, responsable de la CFDT
Cadres. Cela devient une stratégie
pour piloter la baisse de la masse
salariale. » Il y a un an, l’inspection
du travail des Hauts-de-Seine a
épinglé la société de service informatique Steria, en plein rachat par
son concurrent Sopra. Elle pointait
110 ruptures conventionnelles sur
les neuf premiers mois de 2014
et prévenait, dans un document
que le JDD s’est procuré : « En
aucun cas leur recours ne peut permettre de contourner la législation
relative aux licenciements économiques. » Depuis début 2015, SopraSteria a déjà procédé à 190 ruptures
conventionnelles dont 90 % ont été
proposées par la direction, selon la
CFDT. Le groupe n’a pas souhaité
nous répondre.
Certaines entreprises adoptent
une gymnastique juridique consistant à jouer sur les périmètres des
sociétés concernées pour respecSiège d’Areva
à la Défense.
E. NOTARIANNI/
CIT’ImAgEs
ter la loi. Atos, leader du conseil en
nouvelles technologies, a signé ainsi
300 ruptures conventionnelles par
an depuis 2012 étalées sur 20 entités
juridiques différentes. D’après les
syndicats, elles sont « en majorité
contraintes et forcées » pour les salariés. Chez SFR, 600 départs ont été
enregistrés cette année : entre 100
et 150 seraient des ruptures conventionnelles. La direction assure qu’il
n’y en a pas eu sauf pour les hauts
dirigeants partis en début d’année,
soit une cinquantaine. « À grande
échelle, cela revient à une dissimulation de plan social », martèle
Sébastien Crozier, de la CFE-CGC.
La direction de SFR ajoute qu’elle ne
peut pas procéder à un plan social
comme elle s’y est engagée jusqu’en
2017 auprès des pouvoirs publics.
Dans tous les cas, les ruptures
conventionnelles touchent souvent les seniors. La Dares estime
que 25 % des signataires sont âgés
de 58 à 60 ans. Le groupe Areva a
déjà enregistré « 570 départs sur les
huit premiers mois de 2015 dont la
moitié à travers des ruptures conventionnelles, estime le coordinateur
CFDT Jean-Pierre Bachmann. Ce
sont plutôt pour des retraites. » Ces
plans de départs en préretraite
déguisés en évitent les inconvé-
nients. « Les entreprises ne paient
pas leur quote-part pour la formation, la mobilité et le reclassement »,
insiste Jacques Denoyelle, expert au
sein du cabinet spécialisé Secafi. Le
procédé a surtout un double effet
négatif sur les comptes sociaux :
les départs de seniors permettent
aux entreprises d’économiser leurs
cotisations aux régimes de retraites
complémentaires (Agirc et Arrco),
déjà déficitaires, et de reporter le
coût social de leurs salariés, devenus sans emploi, sur le régime de
l’assurance chomâge, lui aussi chroniquement dans le rouge. g
22 | économiE
JDD | 20 décembre 2015
Le chiffre
Franck Gervais
ouvre une filiale en Chine
Un petit pas en arrière,
un grand bond en avant.
La même semaine, Franck
Gervais, directeur général de
Voyages-sncf.com, a
renoncé à son partenariat
avec Airbnb sous la
pression des hôteliers.
Et il a ouvert une filiale
à Shanghai, où
une équipe de six personnes
commercialise des
billets de train sous la marque
Rail Europe. Voyages-sncf.com
qui était présent en Chine via
des agences locales prend
son autonomie. « Nous visons
les groupes de touristes,
mais aussi les Chinois qui
construisent eux-mêmes
leur périple », précise Franck
Gervais. Ce polytechnicien
de 38 ans, qui a dirigé
la compagnie Thalys,
vise un prochain
développement en
Corée du Sud. M.N.
23,4
C’est le montant, en millions
d’euros, des honoraires payés
par Alcatel à la banque Zaoui
& Co pour son conseil lors
du rachat par Nokia. Dans
un document public, il
apparaît aussi que les frères
Yoël et Michael Zaoui, les seuls
banquiers-conseils du français,
ont également touché un
forfait de 600.000 € en 2014
pour « réflexions
stratégiques », ainsi qu’une
« prime de discrétion » non
chiffrée. Ce rapport détaille
encore les négociations entre
Alcatel, Nokia et d’autres
sociétés pendant plusieurs
mois. On y apprend aussi que
l’ancien directeur général,
Michel Combes, a informé
de l’opération le ministre
de l’Économie, Emmanuel
Macron, seulement la veille
de son annonce, mi-avril. M.P.
Les agriculteurs inquiètent
les commerçants
Cette semaine, les patrons
des hypermarchés de
Vendée et de Bretagne
sont en alerte. Ils redoutent
des manifestations
d’agriculteurs
le 24 décembre lorsque
les achats de Noël
atteindront des pics. Hier,
des éleveurs ont manifesté
à Quimper pour protester
contre la chute des cours
de plusieurs productions.
De fait, les prix du lait et
du porc restent bas en
raison d’une situation de
surproduction qui remonte
à l’été. Dans le Sud-Ouest,
les volaillers sont aussi en
état d’alerte en raison de
la grippe aviaire. Vendredi,
42 foyers ont été recensés
dans six départements.
Près de 100.000 volailles
ont été abattues pour
juguler une épidémie
qui ne menace pas
l’homme. M.N.
Hennessy prêt
à de nouveaux records
Vol en
apesanteur
dans un
Airbus
A310 au
départ de
BordeauxMérignac.
sPiRitueuX Le leader mondial du cognac, qui célèbre ses 250 ans,
L.TheILLeT/
SUD OUeST
Des frissons
pour Noël
CaDeauX Des simulateurs
high-tech permettent de partager
les sensations des astronautes,
des parachutistes ou des pilotes.
Coût moyen : 200 €
MaRie NiCot
Coulisses
@marie_nicot
Conduire une Formule 1 à plus de
300 km/h sans risquer sa vie. Les
simulateurs de la société lyonnaise
I-Way (une vingtaine) permettent
de se glisser dans l’habitacle exigu
d’un bolide, ou d’une voiture de
rallye, montée sur vérins. Casqué,
ganté et vêtu d’une combinaison, le
pilote d’un jour ressent les vibrations, entend les 105 décibels du
moteur et « encaisse » 2 G au lieu
des 6 à 7 G dans la réalité.
Volant en main, il ajuste sa trajectoire face à trois écrans d’ordinateur qui reproduisent les circuits
de Magny-Cours ou de Montréal
avec des compétiteurs. « Cette
simulation dure au maximum quarante-cinq minutes car c’est relativement éprouvant, prévient Pierre
Nicolas, fondateur d’I-Way. Mais
pour environ 50 €, nous rendons ce
sport accessible. »
Six mille euros pour un vol
en apesanteur
Cette année, I-Way a enregistré une progression de 13,8 %
par rapport à 2014 avec un pic
des ventes pour Noël. « Nous ciblons les hommes de 30 à 45 ans.
Mais ce sont surtout des femmes
qui achètent nos coffrets pour
les offrir », confirme le patron
d’I-Way, qui a investi cette année
dans trois simulateurs de pilotage d’avions de chasse F18 Super
Hornet. Son grand frère, le F-14
Tomcat, était la star du film Top
Gun. Ce n’est pas du jeu vidéo,
car à l’origine ces machines sont
conçues pour former les professionnels.
Christophe Jacquart, président
du site Sport-decouverte.com a recensé une cinquantaine d’offres de
simulateurs en France (Paris, Lyon,
Montpellier…) qui permettent de
planer comme un parachutiste
grâce à un souffle d’air propulsé
du sol, ou de piloter un Airbus en
choisissant la piste d’atterrissage
et les conditions météo.
Le côut moyen s’élève à 200 €,
dix fois moins qu’un stage de pilotage en réel de voiture de course.
Et aussi bien meilleur marché que
le nec plus ultra : le vol en apesanteur au départ de l’aéroport Bordeaux-Mérignac. L’Airbus A310
ZERO-G de Novespace (Centre
national d’études spatiales) est
adapté pour que quarante passagers flottent dans la cabine
de 200 m3. L’appareil monte et
descend, afin de reproduire les
conditions de l’apesanteur 15 fois
vingt-deux secondes. La facture
de ces « chutes pilotées » : 6.000 €.
« C’est le prix d’une montre de
luxe, tempère Gilles Gompertz,
directeur général de l’affréteur
Avico. Près de 15 % des vols sont
offerts en cadeau commun. On voit
beaucoup de pères avec leurs fils.
Chaque voyage permet de financer
la recherche. La cause est belle. » g
Les FRaNçais FiDèLes À La tRaDitioN
On ne transige pas sur les achats de Noël. Le budget moyen des Français
devrait atteindre 415 € selon un sondage BVA publié hier. Les plus de 65 ans
sont les plus généreux avec un montant moyen de 597 €, contre 425 € pour
les 35-65 ans et 255 € pour les plus jeunes. En dépit de la morosité
économique, six Français sur dix comptent dépenser « autant que l’an
dernier » ; 13 % seront même plus généreux qu’en 2014. Les traditions sont
aussi respectées avec le sapin superstar (67 %), la crèche (42 %), le foie gras
au menu (66 %), les coquilles Saint-Jacques (48 %) et le chapon (31 %). M.N.
réalise 99 % de ses ventes à l’export. Avec les États-Unis en tête
de pont historique et de nouvelles régions d’exploration
GuiLLauMe RebièRe
Le comité de dégustation se
retrouve chaque matin, à 11 heures,
rue de la Richonne, à Cognac.
Mission : évaluer le potentiel de
quelques dizaines d’eaux-de-vie,
qui entreront, ou pas, dans un prochain assemblage. Ce savoir-faire
se transmet oralement, alors quand
ses sept membres doivent voyager,
une prudence s’impose. « Nous ne
sommes jamais plus de deux dans
un avion », sourit Yann Fillioux, le
grand maître du comité. Et cette
année, les gardiens du temple se
sont beaucoup déplacés pour célébrer les 250 ans du cognac le plus
vendu au monde.
Fondée par un Irlandais pour
fournir les cours d’Europe, la
maison Hennessy a toujours
œuvré loin de son berceau charentais. Aujourd’hui encore, 99 %
de sa production de 70 millions
de bouteilles est exportée. Cette
particularité, propre au cognac,
est exacerbée chez Hennessy : la
France est devenue totalement
marginale. « C’est même moins de
1 % de nos ventes, précise Bernard
Peillon, son président depuis 2007.
Changer cela coûterait très cher
pour un retour sur investissement
aléatoire. »
Le marché chinois en voie
de normalisation
Le fleuron de Moët Hennessy, la division vins et spiritueux
du groupe LVMH, a bien assez
des 120 pays où il est distribué.
Cette année anniversaire pourrait
atteindre un nouveau record en
dépit du ralentissement durable
de la Chine : la politique de moralisation de Pékin, qui affecte la
pratique des cadeaux d’alcools
chers, devrait coûter 5 à 10 % de
chiffre d’affaires localement à
l’ensemble des marques (Rémy
Martin, Martell…). « Cette bulle
nous a poussés à adapter une offre
de produits qui était polarisée sur le
haut de gamme, explique Bernard
Peillon. Elle est plus en phase avec
la classe moyenne et le futur de ce
marché en voie de normalisation.
Il va ressembler de plus en plus au
marché américain. »
Devant la Chine et la Russie,
les États-Unis restent de loin le
Une des cuvées anniversaires qui célèbre les 250 ans de la maison Hennessy. DR
premier débouché de Hennessy,
qui y réalise 44 % de ses ventes.
« Nos premières expéditions
remontent à 1794, témoigne Maurice Hennessy, septième génération de la famille et ambassadeur
de la maison. En 1945, c’est aussi
le premier pays où nous sommes
revenus. » C’est la communauté
afro-américaine qui va faire son
succès. Elle s’arrache son entrée
de gamme VS (pour Very Special,
2 ans d’âge), consommé souvent
en cocktail, moins ses VSOP ou
XO vieillis et coûteux. L’expansion sera stoppée par la crise de
2008, doublée d’une offensive des
alcools blancs (vodka, tequila).
« Après une baisse sensible des
ventes, nous avons investi massivement et ouvert un nouveau
cycle, reprend Bernard Peillon.
L’amélioration de l’économie
américaine aidant, nous avons
retrouvé des niveaux records dès
l’an dernier. »
Parallèlement, de nouvelles
frontières de consommation
s’ouvrent. Le duty free d’abord,
une sorte de sixième continent
porté par la croissance continue
du transport aérien : le flacon
haut de gamme James Hennessy
y est distribué en exclusivité. En
Asie, la Chine est soutenue par les
« tigres » Thaïlande ou Vietnam.
Monte très fort l’Afrique, spéciale-
ment le Nigeria et l’Afrique du Sud.
Symptomatique, l’exposition itinérante du 250e anniversaire – événement hybride mêlant histoire
de la maison et créations d’artistes
contemporains de renom – a visité
New York, Guangzhou, Moscou
mais aussi Johannesburg.
Des contrats non écrits
avec 1.500 viticulteurs
« À l’horizon 2020, Hennessy
aura une répartition géographique
internationale encore plus diversifiée », assure Bernard Peillon,
qui a lancé la construction d’un
deuxième site d’embouteillage.
La capacité de stockage devrait
aussi doubler d’ici à 2018. Pour
vendre 100 millions de bouteilles, il faudra augmenter les
approvisionnements de raisin.
Hennessy régit les relations
avec ses 1.500 viticulteurs partenaires sans contrat écrit. Rien
n’a changé depuis deux siècles et
demi. « Ce fonctionnement est le
meilleur équilibre », estime Yann
Fillioux, dont la famille occupe
le poste de maître assembleur
depuis 1802. « La confiance est
clé, dit-il. On entre en dégustation comme en religion, il faut au
moins dix ans de noviciat ! J’avais
succédé à mon oncle, mon neveu
pourrait prendre la suite. À la
maison Hennessy de décider. » g
FaLOUR/STaRFaCe
Il ose
24 | regards
Rouge vif
Anne Roumanoff
@anne_roumanoff
Un Noël
(presque)
comme
les autres
JDD | 20 décembre 2015
Noël en famille
– On va où, déjà ? Réexplique-moi.
– Le 24 au soir, on dîne chez ta sœur, avec ta
mère et les filles de ta sœur. Le 25 à midi, on va
chez ton père, avec sa nouvelle amie et ses
enfants à elle. Le 25 au soir, on va chez ma mère,
avec son frère et mes cousins. C’est pas
compliqué quand même !
– Ces réunions de famille obligatoires, ça me
fatigue d’avance. Je sais tellement comment ça
va se passer. Trop manger, trop boire, prendre
sur soi, faire le Casque bleu… Ta mère, qui va se
disputer avec ta sœur ; la femme de ton frère,
qui va faire la gueule ; les enfants de ton cousin,
qui vont nous casser la tête avec leurs cris ;
ton oncle de droite ; ta nièce de gauche…
– En tout cas, personne ne vote FN dans
notre famille.
– Non mais tu rêves ! Il y a 6,8 millions
d’électeurs du FN et on est 22 à Noël.
Statistiquement, il y en a forcément.
– Justement, ta mère m’a appelé, elle demande
à ce que, cette année, on ne parle pas du tout
politique. Pour Sonia, qui est au chômage depuis
un an, il ne faut surtout pas lui demander si elle
a des pistes. Et Toufik, on ne lui parle pas de son
restaurant, vu qu’il a perdu 50 % de son
chiffre depuis les attentats.
– On n’aura rien à se dire, alors ?
– Mais si. On fera comme d’habitude, on parlera
de tout et de rien : comme ça, on arrivera à ne
rien se dire du tout.
Noël ailleurs
– On pourrait pas partir quelque part, s’aérer
un peu ? Il y a plein d’offres bradées de courts
séjours sur Internet : Rome, Marrakech…
– Oui, mais faudrait y aller en voiture parce que
j’ai un peu peur de prendre le train et l’avion en
ce moment. Je préférerais aller à la campagne,
c’est rare les attentats dans un champ… Ce qu’il
nous faudrait, c’est un gîte rural mal chauffé
en Auvergne, perdu au milieu de nulle part.
– On ferait quoi ?
– On surferait sur le Web, on mangerait des
bonnes choses et on dormirait.
– Autant rester à la maison, au moins on est sûr
qu’il y a une bonne connexion WiFi.
– Eh oh ! On ne va quand même pas laisser
ces terroristes dicter notre vie !
– T’as raison. Il ne faut pas arrêter de vivre,
sinon, c’est eux qui ont gagné.
– Bon, on fait quoi alors ?
– On bouge pas.
Washington, c’est vraiment du
cinéma ! Vendredi, le jour de la
sortie de « Star Wars : épisode
VII » aux États-Unis, deux
méchants Stormtroopers et le
gentil R2D2 se sont invités au
point presse du porte-parole
de Barack Obama, Josh
Earnest, qui porte le même
prénom que l’un des héros
de la fameuse série « À la
Maison-Blanche ». Earnest
était censé présenter le bilan
de son président mais il aurait
sans doute préféré commenter
les excellents résultats du
Retour de la Force, un record
pour une soirée d’ouverture
aux États-Unis et au Canada,
avec 57 millions de dollars au
box-office. NICHOLAS KAMM/AFP
La photo
de la
semaine
Opinion
Benoît Vallet
Directeur général de la Santé
Les vaccins,
arme efficace
contre
la méningite
personnes viennent de mourir de la méQuatre
ningite C dans l’Allier, la Creuse et le Rhône. Il
ne s’agit pas d’une épidémie mais l’heure est à la
vigilance car ces trois départements appartiennent
à la même zone géographique. Pour éviter que
d’autres cas ne se déclarent, les autorités sanitaires
régionales recommandent la vaccination pour les
personnes âgées de 10 mois à 24 ans comme le
prévoient les recommandations officielles. Il suffit
d’une seule injection, remboursée par la Sécurité
sociale, pour se protéger contre cette maladie aux
manifestations neurologiques sévères qui peut
avoir des conséquences dramatiques : séquelles
durables, décès.
L’an dernier,
on a recensé en
France 422 cas
d’affections à méningocoque, dont 48 mortels. La méningite tue
donc plus d’un malade sur dix et, qui plus est, très
rapidement. Ses victimes sont en majorité des
enfants et des adolescents. En général, les flambées
sont très bien contenues. On cherche à éradiquer
la bactérie chez des éventuels porteurs sains qui
pourraient contaminer d’autres personnes. Comme
cela vient d’être fait dans le Rhône, on donne des
antibiotiques à tous ceux qui ont été en contact
avec les malades et on les vaccine.
Cette mobilisation, orchestrée par les généralistes et les pédiatres, permet de contenir la
maladie. La population accepte de bonne grâce
la piqûre : en 2002, après plusieurs cas dans le Puyde-Dôme, 70.000 personnes avaient été vaccinées.
En 2005, 260.000 l’avaient été dans le Sud-Ouest.
Grâce à ce type de mesure, on atteint des taux de
couverture vaccinale proches de 80 %, voisins de
ceux enregistrés au Royaume-Uni, aux Pays-Bas,
en Espagne ou au Québec.
Ces chiffres, obtenus en temps de crise, font
rêver car, en moyenne, seulement 20 % des jeunes
de 15 ans et 5 % de ceux âgés de 24 ans sont vaccinés. C’est vraiment très faible pour une maladie
aussi sévère et le rattrapage est difficile. Compte
tenu de l’âge des personnes récemment décédées,
on peut faire l’hypothèse qu’elles auraient été utilement protégées si elles s’étaient fait vacciner. Heureusement, depuis 2010, 80 % des nourrissons sont
bel et bien couverts
par la vaccination.
Contrairement
à la rougeole par
exemple, la méningite ne déclenche
pas d’épidémie,
seulement des
foyers de cas groupés, mais la médiatisation des
décès peut servir à rappeler que le vaccin est la
meilleure arme dans une telle situation. Les gens ne
sont pas réfractaires quand ils sentent la menace.
Malheureusement, l’époque est plutôt au doute.
La défiance envers les vaccins ne cesse de grandir dans notre pays : problèmes d’approvisionnement, peur des effets secondaires. Pour y remédier,
un travail approfondi vient d’être engagé avec les
médecins. Une fois connues les conclusions du rapport demandé par Marisol Touraine à la députée
Sandrine Hurel, attendues pour début janvier, un
grand débat national sera engagé au printemps. Il
est urgent que les Français comprennent que la
vaccination est un enjeu collectif. Sans quoi il y a
un risque de voir réapparaître certaines maladies
contagieuses et mortelles aujourd’hui disparues. g
« Sans vaccination, il y a un risque de
voir réapparaître certaines maladies
contagieuses et mortelles »
Noël en ligne
– J’ai acheté le saumon fumé sur Groupon,
le champagne sur Vente-privee, la dinde sur
Amazon. Faut juste espérer qu’on sera livrés
avant Noël.
– Et les cadeaux ?
– J’ai tout commandé en ligne. Le transporteur
du colis de jouets pour la petite a mal noté
l’adresse, la commande est repartie dans leur
entrepôt de Mulhouse. Mais je géolocalise le
colis sur Internet en temps réel et je harcèle le
transporteur au téléphone. Leur service clients
est délocalisé au Maroc mais j’ai bon espoir : ça
va être livré demain à leur centre de dispatching
de Moissy-Cramayel, dans le 77. Le champagne
est reparti à Reims parce qu’ils se sont trompés
dans le créneau horaire de livraison et je n’étais
pas là mais normalement, ils vont relivrer
demain entre 7 h et 21 h, j’ai pris une journée de
RTT pour être sûre d’être là.
– Si ça n’arrive pas avant Noël, on fait comment ?
– Soit on va chercher les jouets à
Moissy-Cramayel et le champagne à Reims, soit
on décale Noël, soit on rachète ce qui n’a pas
encore été livré.
– Quand est-ce que tu vas comprendre que ça
coûte parfois plus cher d’acheter moins cher ? g
Déchiffrage
Axel de Tarlé
La FED
pour les nuls
M
ercredi 16 décembre, 20 h 01, un
« urgent » tombe de l’AFP. Les
mots sont en rouge et la dépêche clignote, signe d’une importance capitale.
Elle annonce : « La FED relève ses taux :
+ 0,25 %. » Le lendemain, l’information
fera la une de la presse économique
du monde entier. Le Financial Times
titre « La fin d’une époque ». On se dit
parfois que le monde économique est
bien étrange. Pourquoi une telle excitation autour de mots aussi abscons que
« FED : + 0,25 » ?
La « FED », c’est le nom gentillet que
les financiers donnent à la banque centrale américaine, la Federal Reserve.
C’est elle qui fixe les taux d’intérêts.
Ainsi, mercredi, la FED a relevé ses taux
d’intérêts de 0 à 0,25 %. Si la presse a
marqué le coup, c’est qu’il s’agissait de
la première hausse de taux aux ÉtatsUnis depuis dix ans. L’objectif étant de
« calmer », un peu, l’économie américaine qui repart de l’avant. On attend
une croissance de 2,4 % en 2016 avec
un chômage au plus bas, à 5 %. La FED
est comme un jockey qui resserre un
tout petit peu les rênes de son cheval
quand il se met à trotter.
MaiS pourquoi un tel retentissement
mondial ? Parce que les États-Unis ont
une influence planétaire. En relevant
ses taux, l’Amérique va attirer les capitaux du monde entier. De la même
manière que, lorsqu’on relève le taux
du Livret A, les ménages sont incités
à placer leur argent sur le Livret A.
C’est loin d’être anodin. Des centaines
de milliards de dollars sont ainsi susceptibles de quitter le Brésil, la Russie
ou l’Inde pour se placer aux États-Unis.
Deuxième conséquence : dans le sillage
des taux américains, on observe une
remontée des taux en Europe, avec des
conséquences négatives sur l’immobilier et la croissance européenne.
BiEn Sûr, pour éviter toute panique, la
FED agit avec doigté : à peine + 0,25 %.
Mais on avouera que les enjeux sont
considérables. Attention au prochain
« urgent » de l’AFP : « FED : + 0,50 % »,
ou pire « FED : + 0,75 %. » Aïe, aïe, aïe ! g
jdd | 20 décembre 2015
Jean Imbert
Il reçoit
les stars dans
sa cuisine
Lauréat de « Top Chef », il est l’ami
de Cotillard, Depardieu et De Niro.
Mais ce fils de relieur, nostalgique de son
enfance, a refusé les sirènes de New York
L
Ludovic Perrin
@LPJDD
es stars en parlent avec des
étoiles dans les yeux. Comme
s’il était l’un des leurs. Un
artiste. « C’est un rêveur, un
idéaliste, qui se donne les
moyens de faire des choses ambitieuses et
belles. J’aime sa générosité, son grain de
folie, sa fougue, ce mélange de timidité et
d’audace. C’est un garçon qui est toujours
curieux d’apprendre, d’explorer pour se
réinventer. Il est incomparable », dit son
amie Marion Cotillard. L’artiste JR, lui,
voit un être « hypersensible, toujours à
l’écoute, quelqu’un qui sait rassembler
autour de son art ».
Jean Imbert aurait pu être artiste,
acteur ou chanteur. Il a une gueule,
une tignasse ébouriffée, se présente en
jean, sweat-shirt et baskets devant les
fourneaux de son restaurant gastronomique L’Acajou. Ce garçon bien dans ses
pompes et qui se moque de porter une
toque possède tous les attributs du cool.
D’ailleurs, la presse people ne le traquet-elle pas au bras de ses ravissantes
conquêtes, dont une ex-Miss France ?
Avec sa fiancée de l’époque, il postait
les photos de son couple
sur Twitter, un compte
à 100.000 abonnés.
Quand il parle, ses
phrases sonnent comme
des gimmicks. Pas d’hésitation dans la voix, il
se dégage une grande
confiance chez ce garçon qui semble avoir été
aimé par sa maman. « Ce
restaurant, c’est mon
long métrage, dit-il à
propos de L’Acajou. Je
l’ai depuis douze ans. »
Quant à son restaurant du déjeuner, Les
Bols de Jean, près de la place de la Bourse,
où Johnny en personne est venu s’afficher à l’ouverture, « c’est ma série », dit-il.
Lorsque Depardieu lui a proposé de participer à la série culinaire qu’il tournait
pour Arte (À pleines dents), Imbert, qui
aurait pu avoir le rôle du fils, a décliné la
proposition. Trop occupé, pas le temps,
d’autres projets. Ce qui n’empêche pas
Gérard de le recevoir en caleçon chez lui
pour s’appliquer à un hommage débordant de tendresse dans son livre Cuisine
intime* : « Pour mon Jean ou l’amour de
la vie et du partage. Longue vie et amour.
Ton Ami, G. Depardieu. »
Un imprésario lui aurait fait changer de nom. Jean Imbert ? ! Pas assez
accrocheur. C’est pourtant là que réside
la clé du succès chez ce chef de 34 ans
qui ouvrait son premier restaurant,
à 22 ans, avant de sortir vainqueur,
huit ans plus tard, de l’émission de
téléréalité Top Chef.
Sa maman ne cuisinait
que des produits frais
Jean Imbert est le descendant d’une
dynastie de petits entrepreneurs sans
le moindre lien avec la cuisine. Le
jeune chef est l’aîné d’un dénommé
Jean Imbert, patron d’une entreprise
de reliure installée à L’Haÿ-les-Roses
(Val-de-Marne) et le petit-fils d’un autre
dénommé Jean Imbert, celui qui avait
fondé l’entreprise familiale. « J’ai fait de
la cuisine comme j’aurais pu faire du foot
ou du cinéma, avoue Jean III Imbert.
Ça m’est tombé dessus sans que je sache
pourquoi. Il y avait des livres de cuisine à
la maison et je faisais des recettes. » Dans
cette existence pavillonnaire à la fois loin
et proche de Paris, le futur chef s’adonne
au sport. Fan de Michael Jordan et des
Chicago Bulls, il court à la Roseraie et
joue au foot à Bourg-la-Reine. L’été, il
retrouve ses copains de Bretagne, aux
Sables-d’Or-les-Pins (Côtes-d’Armor),
où ses parents possèdent une maison. Il ne
regarde pas les filles,
trop occupé à relever
des casiers et à pêcher
le maquereau. À l’école,
c’est moins brillant. Refusant l’autorité, il se fait
virer de tous les bahuts.
Il aurait pu intégrer l’usine de papier.
Des trois garçons, c’est
celui qui y a le moins
travaillé. Le mercredi,
il y retrouvait son père,
cigare à la bouche en train de porter des
palettes. « On le voyait très peu. Il partait
à 5 h 30 de la maison et n’en revenait qu’à
21 heures. Très peu de vacances, c’était
un gros bosseur. Il y avait chez lui une
sorte d’abnégation, l’envie de se battre,
d’aller au bout du bout. À ce point, c’est
très rare. » Quand le fils joue au tennis, le père le veut vainqueur. Toute son
enfance, il l’a encouragé : « Petit Jean, il
va monter la mayonnaise dans la vie. »
Ça a porté ses fruits.
Le père s’était retrouvé orphelin à
10 ans. Dans cette fratrie de cinq frères et
sœurs évoluant dans une certaine bourgeoisie, « chacun avait dû choisir à la
mort du grand-père. Le monde s’est écroulé. Mon père a alors décidé de reprendre
l’usine de papier. Il avait 14 ans ».
« La cuisine
m’est tombée
dessus. J’aurais
aussi bien pu
faire du basket
ou du cinéma »
Jean Imbert, dans son nouveau restaurant Les Bols de Jean, près de la Bourse, à Paris. JéRôME MARS POUR LE JDD
1981
Naissance
à L’Haÿ-les-Roses
1996
Découvre l’institut
Paul-Bocuse
2001
50 ans de son
papa : cuisine des
saint-jacques, chouxfleurs, pomme verte
2004
Marion Cotillard
vient à L’Acajou
2007
50 ans de sa
maman : cuisine un
tartare de daurade
de ligne, gaspacho
2014
Repas pour
10 champions
français. Goûter
pour le président
de la République
2015
Ouverture des
Bols de Jean, en
association avec
le boulanger Éric
Kayser. Cuisine pour
De Niro à Ellis Island.
C’est au même âge que notre Jean
Imbert décide de se lancer à son tour.
À 12 ans, il a préparé un carré de veau
à la tomate pour ses parents. Le gamin
a également observé sa maman qui
ne cuisinait que des produits frais,
légumes de saison, une culture du
marché. « Si on veut faire une sauce
tomate, eh bien, on achète des tomates,
des oignons, du thym. » Petit Jean se
souvient avoir vu sa mère désarêter
des rougets à la pince à épiler.
« Qu’y a-t-il de mieux qu’un repas
pour échanger avec ses proches »
C’est lors des déjeuners dominicaux
que toute la famille se retrouvait, père,
mère, grands-mères – dont une, maternelle, d’origine allemande – et le grandpère Anglais, né à Casablanca, qui en
avait d’ailleurs rapporté une recette
de couscous. Pas de télé, mais, en fond
sonore, les chansons de Brel, Ferré,
Johnny. « C’était un rituel avec une
belle table dressée, pas galvaudé comme
aujourd’hui où les ados préfèrent être sur
les réseaux sociaux. Pourtant, qu’y a-til de mieux qu’un repas pour échanger
avec ses proches ? J’étais heureux. C’est
peut-être pour retrouver ces moments
que j’ai cuisiné. » On se régalait du pâté
de lapin de mamie Nicole et des gâteaux
à la cannelle de mamie Dolly.
Après sa victoire à Top Chef en 2012,
des investisseurs lui ont proposé d’ouvrir un lieu à New York. Imbert a refusé.
La raison ? « Vaut mieux avoir un petit
chez soi qu’un grand chez les autres. »
Robert De Niro a donc fini par venir à
L’Acajou, ce restaurant ayant ravivé le
souvenir d’un fonds de commerce en
dépôt de bilan, La Fontaine d’Auteuil,
dans le 16e arrondissement.
« Quand j’étais petit, je disais souvent
à mon père : “Je n’échangerai jamais tout
ce qui s’achète contre ce que j’aime et
qui ne s’achète pas.” » Ce qui s’achète :
les légumes de saison et l’appartement
avec une terrasse permettant de les
cultiver aux portes de Paris. Ce qui ne
s’achète pas : les déjeuners dominicaux en famille, les étés en Bretagne à
attraper le homard avec son ancien prof
de tennis devenu pêcheur, les copains,
dont l’un lui sert aujourd’hui d’avocat.
Les fourneaux s’allument et ce monde
se réveille.
Jean Imbert évoque son enfance, une
époque où l’on notait encore ses rendez-vous sur un agenda papier. C’est un
secteur maintenant en crise. Petit Jean,
qui, un jour, a réappris à « marcher », à
« parler » comme un « nouveau-né » en
épluchant des carottes à l’institut PaulBocuse, qui, durant six mois, jour après
jour, a appris auprès de Michel Rostang
à faire des cannelés, a ranimé les saveurs
d’une époque révolue. C’est peut-être
ce qu’on recherche auprès de lui, ce
registre de frère, de fils de substitution.
« Jean a été présent à deux moments
importants de ma vie pour lesquels il a
fait des repas inoubliables : une rencontre
que j’avais organisée autour de Pierre
Rabhi et mes 40 ans », confie Marion
Cotillard. Mêmes les stars finissent par
se mettre à table. g
* cuisine intime, préface de Jamie oliver,
photo de couverture de Jr. Flammarion,
176 p., 24,90 €.
26 | météo
regards
« Des nuages blancs en forme de jonques
Ou de chariots galants
Passent lents, triomphalement
Sous un ciel bleu de bergeries
Comme pour une odyssée longue
Vers une fête au paradis. »
Extrait de « Paysage »
Hommage à Gustave Kahn,
né le 21 décembre 1859
11
14
10
13
Dimanche 20 décembre
Indice de confiance 5/5
Cherbourg
Jeudi 24
3/5
7
Nord 12
Sud
7
15
Paris
Nantes 10 Tours
11
14
14
13
18
8
Nord 13
Sud
9
15
11
14
Rennes
10
16
Lundi 21
5/5
10 Lille
14
Abbeville
11
14
Brest
10
14
Le livre
de la semaine
Clermont-Ferrand
9
17
Bordeaux
Biarritz
Toulouse
10
16
Mardi 22
5/5
Ensoleillé
- 10°/0°
1°/5°
Éclaircies
Strasbourg
Nancy
4
7
13
14
Dijon
Besançon
6
5
14 16
6°/10°
Nuageux 11°/15°
Couvert 16°/20°
Pluie
Lyon
8
Grenoble
16
2
14
10 Nice
16
Marseille
12
Bastia
17
9
17
Mercredi 23
4/5
10
Nord 14
Sud
7
16
9
Nord 12
Sud
8
14
Vendredi 25
3/5
Samedi 26
3/5
8
Nord 12
Sud
7
14
7
Nord 12
Sud
6
14
21°/25°
26°/30°
Orages
Neige
31°/35°
36°/40°
C
’est le livre dont
tout le monde
parle, celui qui a
fait sortir de ses
g o n d s Ma r i n e
Le Pen et poster des images
atroces de Daech. Il y a
pourtant, derrière ce buzz
médiatique, non pas un coup
fumant de publiciste mais
un vrai livre, c’est-à-dire
une réflexion, une expertise
et des valeurs. C’est tout ce
travail que Marine Le Pen
a voulu escamoter par son
geste de pompier pyromane,
mettre le feu pour détourner
l’attention, réduire la néces-
Le djihad
de France
et d’ailleurs
saire complexité du débat à
une question binaire, « oui ou
non ; noir ou blanc ».
Bien évidemment, le Front
national n’est pas Daech.
Gilles Kepel démontre néanmoins la montée parallèle des
nationalo-identitarismes, une
« congruence » pour employer
le mot savant qu’il affectionne
(une adaptation réciproque),
des « phénomènes de ressemblance », une polarisation qui
pousse à l’alternative mortelle
entre Kalach et Martel, le
terrorisme djihadiste face au
désir de « reconquête » antimusulmane. Cette question
ne forme que l’une des multiples parties d’un ensemble
bien plus ambitieux ; une analyse plurifactorielle qui porte
bien son sous-titre « Genèse
du jihad français » et très mal
son titre racoleur : Terreur
dans l’Hexagone.
Il a publié dès 1987
« Les Banlieues de l’islam »
Spécialiste de l’islam et
du monde arabe, Kepel travaille depuis des années sur
le point douloureux de toute
cette affaire, le point d’intersection entre le djihadisme
moyen-oriental et l’islam
français. Après avoir étudié
les mouvements islamistes
en Égypte, la terre des frères
musulmans, il a publié dès
1987 Les Banlieues de l’islam,
dans lequel il pointait la
question de « la naissance de
l’islam en France ». Au début
des années 2000, il a été soutenu par l’Institut Montaigne
pour travailler pendant un an
sur deux communes de SeineSaint-Denis, Clichy-sous-Bois
et Montfermeil, épicentres des
émeutes de 2005.
C’est de ce travail de terrain et de réflexion dont
Kepel bénéficie aujourd’hui
pour traiter la question centrale : pourquoi la France se
situe-t-elle à l’avant-garde
quant au nombre de jeunes
Occidentaux qui brisent leurs
attaches (leur hidjrah mime
JDD | 20 décembre 2015
Gilles Kepel,
spécialiste
de l’islam
et du monde
arabe.
M.Dolezal/aP/
SIPa
l’hégire du Prophète, qui quitta La Mecque pour Medine)
pour rejoindre le combat de
Daech « au pays de Sham » (du
Levant au Yémen), participer
au projet d’un « islam total »
aux dimensions eschatologiques. C’est incroyable mais
ces jeunes gens sont persuadés de mener une guerre de
la fin des temps.
Kepel resitue cette nouvelle génération dans l’histoire
du terrorisme islamiste, depuis
l’Afghanistan jusqu’au dépassement d’Al-Qaida par Daech.
Il éclaire l’importance d’Abu
Musab Al-Suri (le Syrien) ingénieur passé par la France et
l’Espagne, qui a théorisé l’idée
d’un djihad intégral (Kepel
parle du djihad 3G), ouvert à
tout le monde (« une pierre, un
couteau, un crachat »), délaissant le type d’organisation verticale hiérarchisée d’Al-Qaida,
préférant attaquer une Europe
proche et censément faible à
une Amérique puissante et
lointaine.
Les « hauts fonctionnaires
omniscients mais incultes »
Pour montrer comment
et pourquoi ce djihad du
pauvre rencontre un tel écho
en France, Kepel étudie longuement le cas de Lunel, cette
petite ville située à 20 km de
Montpellier, qui a totalisé en
2014 la plus forte proportion
de djihadistes partis en Syrie,
cette bourgade frappée par
une paupérisation conjuguée
à un triplement de sa population et à un vide existentiel. Il
raconte dans le détail les analogies de parcours de Khaled
Kelkal, l’homme des attentats
de 1995, de Mohamed Merah
et de son réseau d’Artigat, des
frères Kouachi, d’Amedy Coulibaly. Il démonte leur vulgate
et leur idéologie mutante.
Il y a bien d’autres aspects
passionnants dans le livre de
Kepel, de nombreuses pistes
de débats féconds, effrayants
mais nécessaires. La gravité
des attaques répétées de 2015
nous met au pied du mur : il
est temps de sortir des débats
idéologiques approximatifs,
l’exonération ou l’anathème.
Gilles Kepel s’emporte autant
contre « les politiciens sans
étoffe », « les pseudo-experts »
et « les hauts fonctionnaires
omniscients mais incultes » et
il appelle de toute urgence à
relancer les études islamiques
dont l’abandon fait honte au
pays de Louis Massignon, de
Jacques Berque et de Maxime
Rodinson. Il a mille fois raison.
PatrIce traPIer
@patricetrapier
terreur dans
l’Hexagone.
Genèse du djihad
français, Gilles
Kepel avec antoine
Jardin, Gallimard,
330 p., 21 €
28 |
dimancheCulture
jdd | 20 décembre 2015
Michel Bouquet, 90 ans, fait son retour dans « À tort et à raison », une pièce sur un chef d’orchestre
« Le théâtre me distrait de
I
dans le cœur et dans l’esprit, et ses
dépôts demandent vie. J’ai joué
l murmure et déclame. S’emcette pièce il y a quinze ans. J’ai
porte dans un éclat de voix et
forcément oublié certaines choses,
se lance dans une tirade du
je n’avais peut-être pas la matuMalade imaginaire. Replonge
rité pour faire exister Furtwängler
dans les souvenirs d’une vie
dans sa simplicité la plus évidente.
riche en aventures et théorise
Le vivre simplement, sans jouer.
sur le « métier sacré » de l’acteur,
C’est le but ultime de l’acteur. Et
son obsession. À
cela peut prendre
90 ans, Michel
un temps fou. J’ai
Bouquet affiche « Furtwängler
mis quarante ans
une belle forme à considérait
à comprendre
comment interquelques jours de
préter le Misanses retrouvailles que l’art était
avec le Théâtre au-dessus
thrope. Et encore,
Hébertot. À partir
je n’en suis pas
totalement sûr…
du 23 décembre, de la politique,
Le roi se meurt,
le comédien se et de la barbarie,
d’Eugène Io glissera à nouveau dans la peau malheureusement » n e s c o, j e l ’a i
joué 830 fois, à
de Wilhelm Furquatre âges de
twängler, le héros
ma vie. L’acteur ne sait rien, il
tragique de l’œuvre de Ronald
Harwood (scénariste du Pianiste),
doit s’interroger. Et je suis le roi
qu’il avait déjà interprétée en 2000.
de l’interrogation. Si j’ai un titre
Cette pièce puissante s’inspire
à revendiquer, c’est bien celui-là :
d’une histoire authentique : la mise
l’art de questionner une œuvre,
en examen par les Américains du
le jeu et de le remettre en cause
célèbre chef d’orchestre autrid’un jour à l’autre. Et puis la pièce
chien à l’occasion de la campagne
elle-même va évoluer, elle bouge
de dénazification, en 1946. Figure
en ce moment à la lumière de la
charismatique de la Philharmonie
période si cruelle et tragique que
nous traversons.
de Berlin, Furtwängler s’était alors
retrouvé sur le banc des accusés
L’état du monde vous préoccupe ?
pour avoir exercé son art sous Hitler.
Je n’ai plus à être inquiet à mon
Un officier américain, le commanâge, je serais idiot. Une seule chose
dant Arnold (incarné par Francis
m’intéresse : me tenir à l’écart pour
Lombrail), est chargé de prouver la
entrer dans la cervelle d’un auteur.
culpabilité du maestro. Un affronMais je dois dire que j’ai été très
tement de haute volée entre deux
choqué par les attentats du 13 nohommes que tout oppose autour des
vembre. Attaquer un peuple dans
problématiques de l’engagement, de
son essence, c’est dégueulasse. Je
l’art et de la politique…
suis attaché à ma culture chrétienne
même si je ne vais jamais à l’église.
Vous avez joué cette pièce plus
Ma seule religion est le théâtre.
ÉRIC MAndeL
de 250 fois. Vous n’éprouvez
aucune lassitude ?
Jamais. Un personnage, c’est
une émotion à défendre et une
énigme à percer. Il ne s’oublie
pas facilement. Il laisse des dépôts
La pièce interroge
la problématique de l’artiste
sous un régime totalitaire…
On a accusé Furtwängler de
sympathies nazies car il était
resté en Allemagne pendant le
Berlin, 1946, face-à-face entre le chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler (Michel Bouquet) et le commandant américain Arnold (Francis Lombrail ), entourés
IIIe Reich. Certes, il avait joué
pour le Führer, notamment le
jour de son anniversaire, mais
l’histoire est plus complexe. À
la fin de la guerre, de nombreux
musiciens, dont Yehudi Menuhin,
ont pris la défense de Furtwängler.
Il avait refusé sa carte du parti
nazi, à la différence de Karajan,
et avait sauvé de nombreux musiciens juifs. Furtwängler considérait que l’art était au-dessus de la
politique, et de la barbarie, malheureusement.
Goebbels avait d’ailleurs écrit dans
son journal que Furtwängler n’avait
jamais été national-socialiste
et était entré « dans une sorte
d’émigration intérieure »…
Voilà, il s’est mis dans son
évangile pour sauver son or-
Fin d’année sur les planches : coups de cœur
Rien, pas même le meilleur
des films, n’est plus
enthousiasmant et envoûtant
que le spectacle vivant quand
il est réussi. Voici une sélection
de pièces pour rire, être ému,
pleurer, réfléchir, rêver…
Faites vos choix !
Le Mensonge
Théâtre Édouard-VII, Paris (75009).
Tél. : 01 47 42 59 92.
Jusqu’au 28 février 2016.
La pièce est surtitrée en anglais.
Alice (Évelyne Bouix) est dans
tous ses états car elle a surpris dans
la rue le mari de son amie avec
une autre femme et se demande
si elle doit lui en parler alors que
Chat en poche
le couple vient dîner le soir même.
Paul (Pierre Arditi), son époux, lui
conseille de se taire, mais… Florian
Zeller continue d’explorer la trahison conjugale et revisite avec
modernité le théâtre de boulevard.
Des dialogues affûtés, un Pierre
Arditi inégalable dans ce registre
et Évelyne Bouix impeccable, bien
plus manipulatrice qu’il n’y paraît.
Bigre
Théâtre du Rond-Point, Paris (75008).
Tél. : 01 44 95 98 21.
Jusqu’au 3 janvier 2016.
Deux gars, une fille. Ils sont
voisins, au dernier étage d’un
immeuble. Par-dessus le toit, il y
a le ciel, et le vent qui fait s’envoler
tout ce qui passe par les fenêtres…
Trois lieux de vie, et trois tempéraments : le maniaque, le bricolo et
la coquette. Trois clowns surtout :
Pierre Guillois, Agathe L’Huillier
et Olivier Martin-Salvan qui, sans
parole, vont enchaîner les gags et
les minicatastrophes dans un spectacle surprenant, drôle, tendre et
burlesque, qui mêle le trivial et la
poésie. Un spectacle tout public.
PHOTOs : E. MuraT ; C. NiEszawEr ; M. HarTMaNN ; B. ENguEraNd/divErgENCE
Théâtre Artistic Athévains,
Paris (75011). Tél. : 01 43 56 38 32.
Jusqu’au 23 janvier 2016.
Un avenir radieux
Théâtre de Paris, Paris (75009).
Tél. : 01 42 80 01 81.
Jusqu’au 31 décembre 2016.
La dernière pièce de Gérald
Sibleyras égratigne avec un humour caustique certains travers de
l’époque actuelle, que ce soit dans le
monde du travail, de la finance, des
médias ou les rêves de la jeunesse.
Elle laisse transparaître sous la dérision un tableau amer de la société.
Répliques imprévisibles, ton léger
et corrosif, mise en scène enlevée de
José Paul, scénographie judicieuse
d’Édouard Laug. La comédie est
emportée par le jeu alerte de ses
interprètes, au premier rang desquels la séduisante Isabelle Gélinas.
En inscrivant les personnages
petits-bourgeois dans un décor
décalé, la mise en scène d’AnneMarie Lazarini donne une tonalité
surréaliste à la mécanique de l’engrenage et transporte en absurdie.
Tout est fou, et tout est normal.
Les interprètes endossent l’innocence de leurs personnages et régalent d’un florilège de répliques
incongrues comme Feydeau en
a le secret : « Si la colonne Vendôme pouvait parler »… « Je n’ai
pas rayé mon mari… Il se sera rayé
tout seul. » On ne s’en lasse pas.
Les Rustres
Théâtre du Vieux-Colombier,
Paris (75006). Tél. : 01 44 58 15 15.
Jusqu’au 10 janvier 2016.
L’intrigue est prétexte à opposer les sexes : d’un côté, des
hommes bornés, intolérants,
couards, agrippés à leurs petits
pouvoirs, qui règnent en maîtres
chez eux et tiennent la gent fémi-
nine pour une catégorie inférieure,
voire dangereuse ; de l’autre, des
femmes apparemment soumises
mais chez qui la révolte gronde.
Parallèlement à l’observation des
caractères et à la guerre des sexes,
Goldoni pointe plus encore le repli
sur soi, la crispation, la peur de
l’autre, l’amour de l’ordre. La distribution est parfaitement équilibrée sur une mise en scène réjouissante de Jean-Louis Benoit.
Fleur de cactus
Théâtre Antoine, Paris (75010).
Tél. : 01 42 08 77 71.
Jusqu’au 24 février 2016.
Un dentiste (Michel Fau) se
fait passer pour un homme marié,
jdd | 20 décembre 2015
théâtre | culture | 29
accusé de compromission avec le régime nazi
moi-même »
nazi n’était pas cautionner son
idéologie.
Vous-même, vous avez eu la
révélation de votre vocation grâce
à des comédiens qui exerçaient
leur art sous l’Occupation…
par Damien Zanoly et Margaux Van Den Plas. PHOTO LOT
chestre. Il en avait fait son instrument parfait et refusait de
l’abandonner. Il est resté en Allemagne pour défendre la grande
musique allemande, et ne pas la
laisser à Hitler. Dans le cas de
Furtwängler, jouer sous le régime
tinée… Le théâtre me distrait de
moi-même car je m’ennuie très vite
quand je suis en tête à tête avec
ma petite personne, je suis très
emmerdant. Porter le costume me
donnait l’audace et l’intelligence
dont j’étais alors dépourvu. Quelle
sensation merveilleuse quand le
personnage prend possession
de moi. On a souvent du mal à
croire en cette incarnation mais
elle opère toujours avec la même
puissance aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je peux encore
tenir 1 h 40 sur scène.
J’ai vécu l’enfance et l’adolescence comme un long tunnel. Un
enfermement. Sept ans dans une
pension avec la discipline des professeurs, la cruauté des enfants et
la tyrannie du groupe. J’en étais
heureusement dégagé grâce mes
heures de piquet, je regardais tout
ça de loin. Et puis il y a eu la guerre,
l’exode. J’étais pétrifié. HeureuseDans votre Mémoire d’acteur, vous
ment, ma mère avait eu la bonne
avez écrit : « Va-t-il falloir
idée de m’emmener pendant ces
apprendre à vivre sans jouer ? »
heures sombres à la ComédieCette perspective est…
Française. Ce fut la révélation. Je
… Totalement inconcevable.
Quand je ne joue
n’avais que mon
certificat d’études
pas, je lis, mais au
primaires, mais « Je n’ai plus
bout de trois jours,
j’avais enfin trou- à être inquiet
j’ai la trouille. Je
n’ai aucun loisir.
vé ma vocation.
J’ai même joué de l’état du monde C’est une chance,
m a p r e m i è r e à mon âge...
les loisirs distraient
pièce à 17 ans, en
de l’existence. J’ai
1943. Étais-je pour ma seule religion
longtemps aimé
autant un collabo- est le théâtre »
boire du vin, mais
rateur ? Je ne le
à un moment, j’en
pense pas. Monai eu marre. Manter sur l’estrade
ger ? Je m’en fous.
d’un théâtre, c’était abandonner
Mais entrer dans un théâtre, même
tout : Hitler, Pétain, machin truc,
comme spectateur… J’ai vu derniède Gaulle, allez tous au diable ! Le
rement Catherine Frot et Michel Fau
fait d’obéir à un texte m’apportait
dans Fleur de cactus, une mauvaise
l’espoir, la liberté, puisque l’on sert
pièce mais ils étaient tous les deux
la pensée d’un auteur.
formidables. Je leur ai même proposé
Quand on a un père mutique,
de jouer du Thomas Bernhard, sans
doute le plus grand auteur contempochoisir le théâtre n’est pas
rain. Avec lui, le beau est dans le laid,
anodin…
Il avait été soldat pendant la
le laid est dans le beau, l’intelligent est
Première Guerre mondiale et en
dans le con, le con est dans le… Ohhh,
était revenu traumatisé. Il ne partout est mêlé, tout est juste, tout est
lait plus. Sauf quand ses camarades
vrai. Je souhaiterais adapter l’une de
de régiment lui rendaient visite.
ses pièces au cinéma, au théâtre cela
Alors, ils buvaient et se remémodevient trop difficile. Elle s’appelle
raient leurs aventures dans les
Avant la retraite. g
tranchées. Et moi, je le regardais en
À tort et à raison, Théâtre Hébertot,
me disant : « Tiens, il est vivant. »
Paris (75017). À partir de mercredi.
Rens. : 01.43.87.23.23.
Et je le trouvais beau. C’est la des-
à gogo
de surcroît père de famille, pour
ne pas s’engager auprès de sa
maîtresse. Le jour où il tombe
vraiment amoureux, il demande
à son assistante (Catherine Frot)
de se faire passer pour sa femme.
Cette brillante comédie du tandem Barillet et Gredy, créée à
Paris en 1964, montée à l’époque
à Broadway et devenue un film
américain, fait toujours son effet.
On se régale de ce tissu de mensonges mis en scène par Michel
Fau lui-même dans un univers
très sixties. Point d’orgue, la scène
de ménage entre les supposés
époux relève de l’anthologie.
Roméo et Juliette
Comédie-Française (75001).
Tél. : 01 44 58 15 15.
En alternance jusqu’au 30 mai 2016.
Alors que 2016 marquera le
400e anniversaire de la mort de
Shakespeare, l’administrateur
général, Éric Ruf, signe une mise
en scène élégante et lumineuse
de la tragédie amoureuse, y sème
de la fantaisie, met de côté la truculence, magnifie les grandes
scènes, dont celle du balcon,
audacieusement renouvelée.
Le fol amour juvénile des deux
héros, d’une ardeur égale à sa
spontanéité, est porté avec force
et flamme par Suliane Brahim,
magicienne à la grâce aérienne, et
Jérémy Lopez, fougueux, terrien.
Les costumes colorés de Christian
Lacroix éclatent en point d’orgue
dans la scène finale.
On achève bien les anges
(élégies)
Création de Bartabas, jusqu’au
28 février 2016 au théâtre Zingaro,
à Aubervilliers (93), puis tournée
en province. Tél. : 07 87 80 95 54.
Le treizième spectacle de
Bartabas est une pure merveille.
Sur des musiques de Tom Waits,
Bach et Kurt Weill, on y voit une
troupe d’anges-écuyers descendre du ciel pour enfourcher
des chevaux blancs, gris, noirs
ou tachetés, petits ou gros, fatigués ou énervés. Corps à corps,
voilà qu’ils dansent, voltigent,
dessinent à même le sol, parlent,
rient, pleurent, rêvent, meurent.
Les tableaux sidérants de maîtrise
et de beauté, parfois hilarants,
sont entrecoupés de passages
émouvants où des clowns tristes
paradent en fanfare. Ils racontent
un monde où l’artiste est un intrépide qui ne craint ni la pauvreté
ni la mort. Un voyage sublime
où, frissons à la clé, on croisera
même des burqas sur échasses,
des squelettes en selle et… d’élégants dindons !
Sélection Danielle attali,
alexiS campion,
annie chénieux
lejdd.fr Fauteuil d’orchestre,
la chronique d’Annie Chénieux.
30 | culture | cinéma
JDD | 20 décembre 2015
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
« L’argent n’est pas
la meilleure idée »
En sallEs
mErcrEdi
Pauline s’arrache iiif
D’Émilie Brisavoine, avec pauline
lloret-Besson, meaud Besson,
Frédéric lloret. 1 h 28.
De la Chine provinciale de 1999 à l’Australie de 2025, Jia Zhang-Ke dépeint les destins
et les amours déçues de trois amis
IntervIew
Alexis CAmpion
Comment s’est imposée l’idée
d’Au-delà des montagnes ?
A Touch of Sin, mon film précédent, était violent, mais celui-ci
me paraît l’être encore plus, car il
aborde une violence sourde et imperceptible : celle des sentiments.
Dans tous mes films précédents,
j’observais l’impact des évolutions fulgurantes du pays sur les
individus. Cette fois, j’ai voulu me
concentrer sur la façon dont elles
bouleversent l’univers sentimental
des gens. Cette crise me paraît très
profonde.
Votre personnage principal,
la belle et rieuse Tao, passe
par le divorce, un phénomène
courant en Chine.
C’est devenu un élément central, en effet. Nous venons d’un
monde où l’on nourrissait une
sorte d’idéal de vie tournant autour
de l’amitié, de la famille, de la stabilité des sentiments et de l’amour…
La réalité de la vie nous apprend
que cette stabilité est irréelle, qu’en
fait la vie, c’est l’instabilité. C’est
aussi une évolution du système des
valeurs. Tao est amenée à faire des
choix et on se rend compte que
ce qui la motive est toujours lié
à l’argent, y compris lorsqu’elle
renonce à la garde de son fils pour
le confier à un père plus riche qui
Le choix cornélien de Tao (Zhao Tao) est-il le bon ? Prod
l’emmènera à l’étranger faire de
bonnes études. Mais avec le temps,
on comprend que se positionner
du point de vue de l’argent n’est
pas forcément la meilleure idée.
en somme, l’argent ne fait pas
le bonheur. Cet adage existe-t-il
en chinois ?
(Il rit.) Jusqu’à maintenant non,
mais peut-être va-t-on l’adopter !
Dans le passé, une telle phrase a
peut-être circulé et servi à la propagande. Les gens du parti étaient
si pauvres, ils ne pouvaient qu’être
avides d’argent. On leur disait
que ce n’était pas important. Ils
pensaient le contraire ! C’est ce
contraste qui a fait que, une fois
Au-delà des montagnes iiif
De Jia Zhang-Ke avec Zhao Tao, Zhang Yi, liang Jing-Dong. 2 h 11. sortie mercredi.
Chine, fin 1999. Dans une ville
calme de la province du Shanxi, Tao
est courtisée par ses deux meilleurs
amis. Elle choisit d’épouser le plus
riche des deux, Zhang, bien que
consciente de dévaster le cœur de
l’autre, Liangzi, parti travailler dans
les mines de charbon. Des années
plus tard, divorcée et contrainte
d’accepter le départ de son fils avec
son ex-mari vers des horizons plus
trépidants, elle finit par déchanter…
D’une façon inattendue, elle se verra
aussi confrontée à Liang.
Comme toujours, Jia Zhang-Ke
regarde avec force et acuité la
brutalité des bouleversements qui
s’opèrent actuellement en Chine.
Cette fois, il dépeint une violence
qui atteint des gens au plus profond
de leur intimité et qui, comme le
suggère le titre original du film,
va jusqu’à séparer des montagnes.
Pour ce faire, il déploie son récit sur
trois périodes et trois formats
d’image différents, conférant au long
métrage son architecture quasi
feuilletonesque et sa grandeur.
Le personnage de Dollar, que l’on
découvre enfant, puis jeune homme
dans une Australie futuriste et froide
où le chinois est une langue
étrangère, est saisissant. À juste titre,
certains proclament qu’il y a du
Balzac et du Zola dans cette saga
nostalgique et à fleur de peau.
Il y a aussi deux chansons
emblématiques : l’une, Go West,
tube disco criard des Pet Shop Boys,
symbolise le temps qui presse,
l’autre, Take Care, romance
canto-pop de Sally Yeh, exprime
les sentiments qui persistent. Ce
décalage entre la Chine inébranlable
et tous les possibles, désormais
tendus par un matérialisme forcené,
contamine tout le film. Mais le plaisir
de se laisser emporter dans un
drame profondément humain nous
tient ici, et nous invite à traverser
le temps en pleine conscience. A.C.
l’enrichissement devenu possible,
tout le monde s’y est engouffré.
Zhang, le personnage du
businessman, va jusqu’à appeler
son fils Dollar !
Oui, il tourne en dérision sa
propre avidité, dont il est bien
conscient. Comme s’il se moquait
de lui-même.
Ce film, qui ne ressemble
à absolument rien de connu,
est une vraie et bonne
surprise, porté par un torrent
d’énergie. La réalisatrice
y livre ses authentiques
souvenirs et archives de
famille, avec comme
personnage principal sa
demi-sœur ado, qui grandit
sous nos yeux entre un père
qui se travestit et une mère
inquiète d’être plus âgée que
son mari. Les acteurs n’en sont
donc pas, leurs dialogues sont
leurs propres mots, de même
que cette histoire n’est pas non
plus exactement un
documentaire. Plutôt une
œuvre hybride au croisement
des nouvelles technologies
et du cinéma. Conte de fées
moderne, fable avec des héros
inattendus, portrait d’une
adolescence en souffrance,
mais qui ne manque pas
d’humour et parle cash, ici
tout défile en vrac. Les images
proviennent de différentes
caméras, des dessins
apparaissent à l’écran,
il y a un côté brouillon et
fouillis, qui, loin de pénaliser
l’ensemble, le rend intense,
bizarre, étonnant. Et surtout
de plus en plus poignant
à mesure que le récit avance
et que Pauline rêve de parents
normaux, pour voir. À l’arrivée,
Pauline s’arrache déborde
d’amour… Mais c’est si
compliqué la vie. D.A.
Un besoin mortifère : en Australie,
on découvre que Zhang possède
des armes…
Il est d’une génération qui a
vécu la révolution culturelle, de
tout temps caractérisée par le
désir d’avoir des armes. Pourquoi ?
Personne ne le sait vraiment. Et
là, voilà qu’il se retrouve dans
ces années futures à même de
les acquérir sans qu’il ne sache à
quoi elles lui serviront ! C’est dans
ses gènes. Il est victime de cette
culture dont il est issu.
le film est nostalgique, et ce qu’on
voit de 2025 n’est pas très heureux
Ces personnages ne savent plus
que faire de leur passé, ils sont encombrés, empêtrés. Que ce soit le
père, Mia la prof ou Dollar le fils.
Dans chaque époque du film, les
sentiments sont entravés et des
obstacles nous mettent à l’épreuve,
ils interpellent sur notre part de
liberté intérieure.
la sortie de A Touch of Sin a été
empêchée en Chine, cela a-t-il eu
des répercussions sur votre travail ?
Depuis mes débuts, je suis
conscient de l’existence de la censure dans mon pays. Quoi qu’il en
soit, j’ai décidé de faire mon travail
de création sans me limiter. J’estime que j’écris et décide librement
de mes films, au risque qu’ils soient
interdits. Il est de toute façon impossible de prévoir à l’avance ce
qui est autorisé et ce qui ne l’est
pas. Donc je considère que je suis
libre. Seule cette attitude nous
permettra, petit à petit, d’avancer
et de faire évoluer le système de
censure. g
Jia Zhang-Ke, 9 DVD réunis
dans un coffret Ad Vitam, 80 €.
Prod
Le Nouveau iiif
De Rudi Rosenberg, avec max
Boublil, Rephael Ghrenassia,
Joshua Raccah. 1 h 21.
Pas facile de débarquer dans
un nouveau collège. Benoît,
jeune Havrais dont la famille
a déménagé à Paris, en fait
l’expérience : alors qu’il entre
en quatrième, il doit trouver
sa place au sein d’une classe
où les bandes d’amis sont
déjà formées. Cette comédie
signée Rudi Rosenberg
aborde avec justesse des
thèmes intemporels comme
le besoin d’appartenance
au groupe, la camaraderie,
la popularité ou les
premières amours à une
période charnière de la vie.
On sourit davantage que l’on
ne s’esclaffe, mais les
comédiens, notamment
Max Boublil, parfait en oncle
dégingandé et immature,
distillent leur bonne humeur
et suscitent la sympathie.
Un premier long métrage
attachant et plein de peps
qui séduira les ados. BA.T.
cinéma | culture | 31
jdd | 20 décembre 2015
Solidaires,
mais pas trop
Alexandra Leclère signe une fable sociale
et culottée qui joue à fond la caricature
et nous renvoie à nos propres contradictions
sur soi et de peur de l’autre, mais
mon but était de donner à réfléchir.
Rien n’énerve plus Alexandra
Et de nous renvoyer à nos propres
contradictions ».
Leclère que la contrainte. « Et je ne
crois pas être la seule ! Être obligée
Car si les personnages d’Alexande payer ses impôts, de prendre le
dra Leclère sont prêts à toutes les
métro et parfois même de préparer
bassesses pour ne pas partager
leur espace de vie avec les plus
le dîner, quelle barbe ! Mais c’est
démunis, on peut honnêtement
un formidable déclencheur d’histoires : les situations désagréables
se demander si on se comportesont sources de
rait forcément
comédie. » Dans
mieux ? La réalisatrice n’en est
Les Sœurs fâchées, « “Le grand
pas persuadée.
Isabelle Huppert partage” fait
« C’est horrible
tentait de renouer
à dire, mais je
avec Catherine craquer queLques
Frot ; dans Le Prix vertèbres, ça fait
serais inquiète de
à payer, Christian
savoir qui je dois
Clavier coupait les parfois du bien
héberger, si je peux
vivres à sa femme d’avoir maL »
laisser les clés de
chez moi à des
qui se refusait au
devoir conjugal ;
inconnus. Et pour
et dans Maman,
combien de temps :
Mathilde Seigner et Marina Foïs
c’est déjà difficile de supporter plukidnappaient Josiane Balasko pour
sieurs semaines un invité que l’on
la forcer à les aimer.
connaît ! Toutes ces lâchetés qui font
Avec Le Grand Partage, Alexande nous des êtres humains, j’ai décidra a eu envie d’aller plus loin : lors
dé de m’en moquer. À la manière des
d’un hiver particulièrement rude,
comédies italiennes comme Affreux,
le gouvernement fait passer une
sales et méchants, ou les films de
loi imposant aux propriétaires de
Jean Yanne. Les choses graves, il
grands logements d’héberger leurs
faut savoir en rire car cela peut être
concitoyens en situation de précalibérateur, voire salvateur. Je suis
rité. « Avoir un toit sur la tête, ce
heureuse que Le Grand Partage
devrait être un droit. J’en ai marre
fasse craquer quelques vertèbres,
d’entendre chaque année nos poliça fait parfois du bien d’avoir mal ! »
tiques annoncer la réquisition des
logements vacants. Et ne pas faire
« Regarder les gens comme
la vie : sous différents angles »
grand-chose… Alors il y a sept ans,
j’ai imaginé un décret l’imposant
Pour y arriver, Alexandra
aux appartements insuffisamment
Leclère n’a pas hésité à en faire
habités. En obligeant les gens à cohades tonnes, mettant en scène des
biter avec des inconnus, on courrait
personnages archétypaux avec un
forcément au cataclysme social et à
petit fond réac. « J’en ai rajouté
la panique générale. »
en les affublant de costumes ridicules, comme la toque et la cape
L’actualité semble
de Karin Viard, ou la combinaison
lui avoir donné raison
de ski de Valérie Bonneton. Pour
À l’époque, le pitch ne fait pas
que le public sache qu’il est dans
forcément rire les producteurs.
une satire. Je n’épargne ni la droite,
La réalisatrice se voit conseiller
ni la gauche, ni le Front national.
de laisser tomber une histoire « à
Pour mieux montrer que les clilaquelle on ne croit pas ». Sûre de
vages politiques n’existent plus. On
son coup, Alexandra n’en dése bat tous pour la même chose : sa
mord pas et retente sa chance il
propre sauvegarde. »
y a deux ans. Et là, Philippe GoVoilà pourquoi la cinéaste a
deau, lui, trouve la situation du
tenu à racheter ses personnages
Grand Partage beaucoup moins
à la fin. Ou plutôt les faire évosurréaliste et lance le film. L’acluer. « Il faut pouvoir regarder les
tualité semble lui avoir donné
gens comme la vie : sous différents
raison, avec l’hébergement des
angles. Il y a du bon et du mauvais
migrants. « Cela m’a fait un choc
chez tout le monde. On peut chand’être rattrapée par une réalité si
ger quand on fait l’effort d’aller à la
triste. Bien sûr, j’ai choisi la comédécouverte de l’autre, de surmonter
die grand public et la fable pour
sa peur de l’inconnu. C’est cela, le
vrai partage. » g
parler d’injustice sociale, de repli
BArBArA ThéATe
Le Grand Partage iiff
D’Alexandra Leclère, avec Valérie
Bonneton, Karin Viard, Didier Bourdon,
Michel Vuillermoz. 1 h 40. Sortie
mercredi.
L’État a promulgué un décret
obligeant les mieux logés
à héberger les plus démunis,
mais les habitants d’un chic
immeuble haussmannien vont
recourir à toutes les astuces pour en
être dispensés… À la manière de
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?,
Alexandra Leclère force (un peu
trop) le trait et va à fond dans la
caricature vacharde pour épingler les
travers d’une société individualiste,
et nous mettre face à nos préjugés.
On rit beaucoup du couple bobo,
tiraillé entre ses valeurs de gauche
et son refus de cohabiter avec
un inconnu dans un appartement
volontairement sans cloisons, et des
horreurs proférées par la concierge
facho. On est moins convaincu par le
bourgeois réac qui se laisse attendrir
par sa locataire SDF. Mais nous,
serions-nous plus exemplaires ? B.T.
Karin Viard,
Valérie
Bonneton,
Michel
Vuillermoz,
Didier Bourdon
et Pauline
Vaubaillon
sont prêts
à tout pour
ne rien
partager
dans cette
comédie
satirique
d’Alexandra
Leclère.
T. VALLETOUX
32 | culture | cinéma
JDD | 20 décembre 2015
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Une jeunesse tunisienne
À travers le destin d’une chanteuse engagée, Leyla Bouzid revient
sur les prémisses de la révolution de jasmin
À peine j’ouvre
les yeux iiff
De Leyla Bouzid avec Baya Medhaffar,
Ghalia Benali. 1 h 40. Sortie mercredi.
BarBara ThéaTe
Il y a cinq ans, Leyla Bouzid a vécu
la révolution tunisienne comme
un immense espoir. Celui d’avoir
enfin la liberté de devenir cinéaste
comme son père, Nouri Bouzid.
Forcément, la jeune fille de 18 ans
a eu envie de prendre sa caméra
pour filmer son pays en pleine mutation. « Mais après les premières
semaines d’enthousiasme, il y a eu la
déception aux élections avec l’accession au pouvoir du parti islamiste
Ennahdha. Le pays connaît toujours
une grande instabilité, je ne pensais
pas avoir le recul nécessaire pour en
parler. J’ai décidé de montrer d’où
était parti ce désir de changement
qui a balayé vingt-trois ans de dictature Ben Ali, de parler de cette
jeunesse qui s’est révoltée avec ses
armes à elle : la musique, le cinéma,
la littérature. »
Dans À peine j’ouvre les yeux,
on suit le destin de Farah, qui, à
l’été 2010, décroche son bac avec
mention « très bien ». Ses parents
la verraient faire des études de
médecine quand la jeune fille rêve
de musique. Elle chante dans un
groupe de rock qui critique ouvertement le régime et attire l’attention
de la police… L’actrice débutante
Baya Medhaffar donne toute sa
fougue à cette lycéenne qui s’ouvre
à l’amour, et veut exister pleinement dans une société muselée par
les interdits. Comme un affront,
Leyla Bouzid laisse entendre, souvent et longtemps, la belle voix de
son héroïne et les paroles rageuses
Farah (Baya Medhaffar) préfère, à 18 ans, la chanson à la médecine. Prod
et sulfureuses de ses chansons. Un
irrépressible besoin de dire enfin
« non », que le gouvernement va
tenter de punir et d’écraser. « Parce
que mon film parle de la censure à
laquelle la Tunisie a été soumise,
j’ai tenu à faire preuve d’une liberté
totale dans la façon de montrer des
jeunes qui affichent leur féminité,
s’embrassent et font l’amour. »
« Il y a d’autres formes de terreur
que le terrorisme »
Pendant le tournage, la réalisatrice a tout fait pour ne pas se laisser
contaminer par la peur ambiante.
Certes, son film avait reçu l’aide
du ministère de la Culture, certes
l’histoire se déroulait avant la révolution et la protégeait des réactions
du nouveau gouvernement, mais la
Tunisie d’aujourd’hui est encore
celle d’hier. « Si notre pays est montré comme un modèle, c’est toujours
un bras de fer terrible pour défendre
nos libertés. La lutte contre le terrorisme est un prétexte pour les limiter,
on continue d’arrêter des artistes de
façon arbitraire. » Notamment grâce
à la loi 52, qui condamne à un an de
prison ferme tout fumeur de joint.
C’est le cas de nombreux rappeurs
et récemment du coréalisateur du
film Babylon, Ala Eddine Slim.
« Sept mille jeunes sont en prison
et en ressortent pleins de haine, prêts
à basculer dans le radicalisme. Avec
A peine j’ouvre les yeux, j’ai voulu
offrir une autre image du Maghreb,
celle d’une jeunesse qui se bat pour
la vie mais qui est muselée par le
système. Il y a d’autres formes de
terreur que le terrorisme. » g
L’ethnologue Theodor Koch-Grünberg (Jan Bijvoet) dans les profondeurs de la jungle. Prod
À l’école de
l’Amazonie
Le Colombien Ciro Guerra retrace
la rencontre d’un chaman avec
deux scientifiques blancs dans
un film rare et magnifique
aLexiS CaMpion
Présenté en mai à Cannes,
L’Étreinte du serpent désarçonne
autant qu’il fascine. Les films plongeant dans l’Amazonie se comptent
déjà sur les doigts d’une seule main
(Fitzcarraldo, Aguirre, la colère de
Dieu, Cannibal Holocaust). Celuici, raconté du point de vue des
Indiens, est carrément unique.
Dans son pays d’origine, où il est
sorti au même moment, il a aussitôt suscité des débats et créé la
surprise, explique le cinéaste Ciro
Guerra. « La Colombie connaît très
mal cette région et ses cultures amazoniennes, elle est tout aussi ignorante que l’Europe sur ces sujets. »
Le métissage de la population,
avéré, n’y change rien. « Notre part
indigène a toujours été niée, effacée,
cachée. Les communautés amazoniennes restent totalement isolées
et en dehors du débat national. Les
seuls à regarder du côté de l’Amazonie, malheureusement, restent
les scientifiques et les entreprises. »
Une réalité que le réalisateur
a côtoyée durant le tournage et
sa préparation. Pourtant, à la différence du Pérou et du Brésil, la
Colombie a eu le mérite de donner
l’entière propriété de leurs terres
aux communautés indiennes.
« Malgré cela, les compagnies qui
exploitent les ressources géologiques
font leurs affaires, que ce soit de
façon illégale ou par duperie. La
présence de l’État colombien reste
très faible dans ces régions. »
Un défi hors du commun
De fait, venir y faire un film avec
des acteurs qui se trouvent être des
Indiens rencontrés dans la forêt
est un défi hors du commun. « Dès
l’écriture du scénario, nous étions
dans une posture de respect qui nous
a conduits à demander aux Indiens
de nous guider dans l’écriture ainsi
que dans les comportements à
tenir. » Le réalisateur commence
par faire plusieurs voyages afin de
s’acclimater à la réalité de l’Amazonie actuelle, différente mais
intimement liée à celle, historique,
qu’il met en scène dans son film.
« Cela m’a conduit à trouver mes
acteurs indiens sans faire de casting particulier. L’idée de les diriger
face à une caméra était très préoc-
cupante, mais ils comprennent très
rapidement, il y a quelque chose de
magique et d’unique avec eux. J’ai
cessé de voir la jungle comme une
ennemie. L’accompagnement des
communautés a été décisif, il nous
a montré comment on demande la
permission à la nature de faire les
choses. »
Une posture qui va de soi et par
laquelle le cinéaste estime s’être
allégé, comme l’un des explorateurs du film se débarrasse de ses
malles. « Je me sens comme libéré
d’un poids, que ce soit sur le plan
émotionnel, spirituel ou intellectuel. » Pourtant, il admet avoir aussi
pris conscience de la gravité de la
situation pour les peuples qu’il a
rencontrés. « Le vrai danger, c’est
l’attraction des jeunes pour notre
monde capitaliste, au point qu’ils
n’apprécient plus leurs propres savoirs et qu’ils se détournent de leurs
langues. Les vieux sages se sentent
abandonnés. » g
L’Étreinte
du serpent iiif
De Ciro Guerra, avec antonio Bolívar
Salvador Yangiama. 2 h 05.
Sortie mercredi.
L’ethnologue allemand Theodor
Koch-Grünberg (1872-1924) et
le botaniste américain Richard
Evans Schultes (1915-2001)
comptent parmi les premiers
explorateurs occidentaux de
l’Amazonie. Inspiré de leurs
témoignages, le Colombien Ciro
Guerra imagine et reconstitue
leur rencontre, à deux époques
distinctes, avec Karamakate, un
chaman puissant, isolé, dernier
survivant de son peuple… Cette
trame et ce héros insolite lui
permettent d’aborder de façon
originale, bien qu’un peu
décousue, plusieurs questions
cruciales dont la mémoire,
le colonialisme, le matérialisme,
et aussi les rêves, la confiance,
le lien à la nature et à l’inconnu.
Sa narration paraît parfois
flottante, pas toujours située
entre aventure, récit historique
et trip psychédélique. Mais ce
mélange a l’avantage de sa
rareté absolue, de ses acteurs
fascinants et de ses décors
naturels exceptionnels,
d’une beauté hallucinatoire ici
magnifiée par le noir et blanc
et la bande-son. AL.C.
cinéma | culture | 33
jdd | 20 décembre 2015
En sallEs
mErcrEdi
The Big Short :
le casse du siècle ifff
D’Adam McKay, avec Christian
Bale, Ryan Gosling, Steve Carell
et Brad Pitt. 2 h 10.
Wall Street, 2005. Plusieurs
analystes de la haute finance
pressentent la catastrophe
qui va survenir trois ans
plus tard. Ils décident
de s’associer pour parier
des millions en faveur de
l’effondrement des
subprimes, les prêts
immobiliers à risque.
Les principales banques ne
prennent pas au sérieux leurs
prédictions fondées sur des
statistiques irréfutables…
Ce film choral raconte
l’histoire vraie des traders qui
ont misé sur le krach boursier
et remporté le jackpot.
Un angle original, étayé par
des images d’archives ainsi
que des digressions
démonstratives et
humoristiques qui
vulgarisent un discours
économique complexe.
Bavard et statique, ce récit
ne parvient cependant pas
à tenir en haleine comme
Margin Call (2012),
de J.C. Chandor, ou 99
Homes (2014), de Ramin
Bahrani, qui traitaient du
même sujet. Reste une
interprétation impeccable,
Steve Carell en tête. S.B.
Prod
Snoopy
et les Peanuts iiff
De Steve Martino. 1 h 28.
Charlie Brown est un petit
garçon timide et complexé.
Il tombe amoureux de la
nouvelle élève de sa classe
mais n’ose pas lui adresser
la parole. Il peut compter
sur les conseils avisés de son
chien, Snoopy, qui a la
particularité de dormir sur
le toit de sa niche, de
marcher sur deux pattes et
de philosopher sur le sens de
la vie… Soixante-cinq ans
après l’apparition de la
bande dessinée Peanuts,
l’œuvre de Charles M. Schulz
fait encore l’objet d’une
adaptation au cinéma par le
studio d’animation américain
Blue Sky (La saga L’Âge de
glace). Le réalisateur Steve
Martino restitue le trait
épuré d’origine dans ce long
métrage qui aligne les
vignettes pour traiter des
valeurs universelles telles
que l’amitié, l’estime de soi,
l’acceptation de la différence.
Charlie doit croire en sa
bonne étoile et ne jamais
renoncer à ses idéaux dans
ce récit initiatique destiné en
priorité aux plus jeunes. S.B.
L’Islandais Rúnar Rúnarsson remporte la Flèche de cristal pour « Sparrows ». Le prix du
Jury est attribué à « Bang gang » et à sa troupe de sulfureux ados. AlexAndrA FleurAntin
Aux Arcs,
la jeunesse prime
Le festival de cinéma européen
sacre « Sparrows » et « Bang
gang », deux variations
audacieuses sur l’adolescence
LES ARCS (SAvoiE)
Envoyé spécial
ALExiS CAMPion
Ce sont trois films très différents,
mettant en scène des adolescents au
défi de leur sexualité naissante. Ils
viennent de rafler la mise au festival
de cinéma européen des Arcs. Le
grand vainqueur, l’Islandais Sparrows (« moineaux » en français),
n’a pas encore de date de sortie ni
de distributeur en France, mais il
décroche la Flèche de Cristal ainsi
que les prix de la critique, de la photo
et du meilleur acteur décern à Atli
Oskar Fjalarsson. L’autre gagnant est
le Français Bang gang (une histoire
d’amour moderne), attendu en salles
le 13 janvier. Il remporte le prix du
Jury, présidé par la productrice Sylvie Pialat, et celui du Jury Jeune,
attribué par dix lycéens savoyards.
Peur de Rien, de Danielle Arbid,
plaisant roman d’apprentissage
d’une jeune immigrée à Paris dans
les années 1990, est distingué pour
son actrice Manal Issa.
Voilà qui fait beaucoup de récompenses pour une manifestation
bien modeste face à Cannes, Venise
ou Berlin. Pourtant, il se dit et se
vérifie que le Festival des Arcs a
le vent en poupe.
Fragilité des regards
C’est aussi son côté Sundance,
dit-on, qui sert d’atout à ce rendezvous émergent. Environ 300 professionnels déterminants quant à
l’avenir du cinéma indépendant
européen (producteurs, vendeurs,
distributeurs, investisseurs) s’y
retrouvent chaque année. À l’ini-
tiative de Frédéric Boyer, directeur
artistique des Arcs et ancien programmateur de la Quinzaine des
réalisateurs, les films en l’état de
projet ou de postproduction bénéficient ici d’un précieux effet boule
de neige…
Tel est, justement, le parcours
qu’a emprunté l’Islandais Rúnar
Rúnarsson, dont l’émouvant Sparrows est le deuxième long-métrage :
en 2013 il était venu aux Arcs avec
son scénario, en 2014 il y est revenu
pour dévoiler dix minutes de son
film. Une chose est sûre, Sparrows,
qui raconte les déboires d’un adolescent retourné vivre à la campagne chez son père alcoolique, a
les qualités d’une sonate raffinée,
en forme de crescendo vivifiant et
ne laissant rien au hasard. Tout s’y
joue et s’orchestre autour de la fragilité des regards, d’actions ténues
à des événements plus graves. Le
soin accordé à chaque personnage,
jusqu’au simple figurant, renforce
cette impression de force et de
vulnérabilité que peut exhaler un
adolescent avec ses ombres et ses
humeurs changeantes.
Cette ambivalence transparaît
aussi dans Bang gang, dont le goût
est pourtant nettement plus sulfureux avec son pitch emprunté
à des faits divers scabreux. On y
voit des adolescents se perdre dans
des orgies de drogue et de sexe. Et
se relever. Eva Husson, dont c’est
le premier long-métrage, observe
leur perdition sans les juger ni
exclure leur épanouissement.
Son parti-pris, où le style d’une
image très soignée et très référencée l’emporte sur le voyeurisme,
peut déranger. Il n’empêche, il
délivre un questionnement plutôt
salutaire sur le désir et le danger
à l’âge des possibles. g
Star Wars 7, entre nostalgie
et grand spectacle
La France a-t-elle boudé son plaisir
le jour de la sortie de Star Wars 7 ? En
dépit de la prévente de 300.000 billets, le film s’est fait battre sur les
premières 24 h par le dernier James
Bond : 619.200 spectateurs contre
857.000. Pourtant, Star Wars pourrait reprendre la main. À l’aube des
vacances scolaires, soutenu par plus
de 1.000 écrans et un bouche à oreille
positif, Le Réveil de la Force devrait
relancer la fréquentation des cinémas.
Aux États-Unis où l’épisode est
sorti vendredi, autre son de cloche, la
saga s’est envolée, engrangeant plus
de 225 millions de dollars. Il faut dire
que ce nouvel opus allie nostalgie,
grand spectacle, humour, amour et
effets spéciaux à l’ancienne. Ne boudons pas notre plaisir ! C’est vraiment
l’événement de cette fin d’année.
Star Wars : Le Réveil de la Force iiif
De J.J. Abrams, avec Daisy Ridley, John
Boyega, Harrison Ford. 2 h 16. En salles.
34 | culture | lire
JDD | 20 décembre 2015
Des beaux livres pour tous
Notre sélection d’ouvrages à tous les prix
à (s’)offrir à l’approche des fêtes de fin d’année
arts
Poésies, Une saison en enfer,
illUminations de rimbaUd
éd. diane de selliers, vol. relié sous
coffret, 432 p. 195 € jusqu’au 31 janvier
2016, puis 230 €.
On connaît son visage d’adolescent
aux cheveux courts et au regard
songeur. Poète à 17 ans, mort à
37 ans, il aura vu un seul de ses
ouvrages publié de son vivant, Une
saison en enfer. Illuminations le
sera en 1895 dans son intégralité.
Le Rimbaud de Diane de Selliers
réunit plusieurs de ses recueils
et croise 121 poèmes en vers et
en prose avec 184 peintures modernes. Un voyage dans le sublime
et l’aventure.
allant ailleUrs
andrea andermann et alberto
moravia, Grasset, 500 p., 89 €
jusqu’au 31 décembre, 110 € ensuite.
Pendant vingt ans, le grand écrivain italien Alberto Moravia a
voyagé en compagnie du réalisateur Andrea Andermann. Un quart
de siècle plus tard, leur matériau
forme la base de ce volume miraculeux, inédit en français. On y
trouve les seuls poèmes écrits
par le romancier et traduit par
Dominique Fernandez, un entretien-préambule, « Pourquoi voyager », et trois mouvements dans
des régions lointaines (Mongolie,
Yémen et Afrique) animés par les
textes de Moravia et les images
d’Andermann. Un livre rare.
PoUrvU qU’on ait l’ivresse
alain rey, calligraphies de lassaâd
metoui, robert laffont, 350 p., 30 €.
Après avoir travaillé sur les mots
puis sur les formes, le linguiste
Alain Rey et le calligraphe Lassaâd
Metoui traitent de l’ivresse, cette
étrange alchimie qui unit l’alcool
et le cerveau. « Les dérèglements de
tous les sens » (Rimbaud) trouvent
une belle place dans la mythologie (Dyonisos, Noé), l’écriture (le
poète persan Hâfiz, Rabelais, Baudelaire, Proust, Kerouac...), jusqu’à
la peinture et la philosophie.
charlie hebdo
toUjoUrs aUssi cons !
cabu, cherche midi. 304 p., 18,90 €.
Il est né en 1938 et remporta à
12 ans un concours de dessins.
Cabu était un génie du dessin,
« le meilleur d’entre nous » avait
coutume de dire son ami Wolinski, capable de croquer « sans les
yeux » un papier dans sa poche.
Jean Cabut, un temps collaborateur du JDD, a collaboré à de
nombreux titres (Charlie Hebdo
et Le Canard surtout). Dans sa
ligne de mire, les beaufs, les racistes, les fachos et les machos…
Mais toujours avec la tendresse
et l’humour dont ses assassins
analphabètes étaient fort dépourvus.
Séléction de danielle attali, Guillaume rebière et Patrice traPier
lire aussi « cabu, le nouveau beauf,
l’intégrale », michel lafon, 200 p., 24,95 €.
charlie hebdo —
toUt est Pardonné
Préface de riss, les échappés, 184 p., 22 €
Reprenant le titre du numéro
culte de l’après-7 janvier, cet ouvrage est autant un cri de colère
qu’un témoignage de vie : parmi
les 500 dessins sélectionnés, on
retrouve les derniers publiés par
Cabu, Charb (son prémonitoire :
« On a jusqu’à la fin janvier »
pour faire un attentat), Wolinski,
Tignous, Honoré et aussi ceux de
Catherine, Coco, Riss, Pétillon,
Luz, Willem, Dilem, etc. Indispensable !
tiGnoUs
chêne, 240 p., 35 €.
Il était un homme merveilleux et
un dessinateur impitoyable. Cette
belle recension de 200 dessins
parus dans Marianne et Charlie
s’ouvre sur un chapitre (la lutte
des classes) où de gros capitalistes
à gros cigares sont cyniques et
grotesques. Sur nombre de sujets
de société, Tignous démontrait sa
férocité, son humour et au fond
son humanisme. Cette anthologie est ponctuée de témoignages
d’amis (Christophe Alévèque,
Sophia Aram, François Morel,
Pierre Laurent…) et d’un texte
magnifique de sa femme, Chloé
Verlhac. « Tu rêvais d’être libre
et je te continue », écrivait Paul
Éluard. C’est l’esprit de l’ouvrage.
histoires
mitterrand Par les Grands
PhotoGraPhes
richard melloul, fayard, 288 p., 45 €.
Le futur président apprenant
son élection, en 1981, dans le
désordre de sa chambre de l’hôtel du Vieux-Morvan, Danièle
allongée sous les draps défaits,
Roger Hanin en arrière-plan…
D’un naturel, d’une intimité inimaginables à l’ère des communicants tout-puissants, cette image
réalisée en quelques secondes à
la faveur d’une porte qui s’ouvre
puis se referme, a donné l’idée
de ce livre à Richard Melloul. Il
nous montre un François Mitterrand, dernier « grand président », personnage follement
romanesque, photographié en
public ou dans son intimité par
les grands noms de la photo,
Abbas, Burri, Caron, Depardon, Salgado et bien d’autres
(dont notre ancien camarade
André Sas).
Il était une fois dans l’Ouest
Bernard Pivot
@bernardpivot1
de l’académie Goncourt
H
ollywood a-t-il jamais pensé à
décerner un oscar collectif
aux chevaux des westerns ?
Qu’ils aient été montés par des
cow-boys ou des Indiens, ils ont
toujours été admirables de beauté
et de vaillance, se laissant
habilement tomber dans la
poussière de l’Ouest quand une
balle ou une flèche était censée
briser leur galop.
Je n’ai jamais saisi pourquoi les
Cheyennes et les Sioux tournaient
sans relâche autour des chariots
et des fourgons réunis en cercle et
se faisaient complaisamment
descendre par les revolvers et les
fusils des colons. Ont-ils compris
un jour qu’ils devaient se montrer
moins courageux et plus malins ?
Plus que les duels au colt –
celui qui défouraille le plus vite a
gagné, je serais mort dès mon
premier duel –, j’appréciais les
bagarres au poing dans les
saloons, après une partie de poker
qui a mal tourné ou un whisky jeté
au visage d’un sale type. Dans
Dodge City (Les Conquérants),
de Michael Curtiz, une mêlée
générale oppose nordistes et
sudistes. C’est magnifique.
À la lecture, texte et
illustrations, de l’Encyclopédie
du western, de Patrick Brion, j’ai
renoué avec plaisir avec le jeune
homme passionné de westerns
que j’ai été. Quand je sortais du
cinéma, j’avais l’impression, les
jambes arquées, de marcher
comme un cow-boy, un revolver
dans mon large ceinturon. Patrick
Brion a vu tellement de films qui
racontent la violence dans la
conquête de l’Ouest américain
– plus de 1.000 westerns
présentés, analysés, critiqués dans
deux tomes bourrés de photos,
d’affiches et de documents – que
le pauvre doit avoir les jambes
complètement déformées par ses
années passées à cheval…
Maintenant que le western est
devenu un genre anachronique,
on a du mal à se rappeler ou à
imaginer l’importance, à la fois en
quantité et en qualité, qu’il a eue
dans l’histoire du cinéma. En trois
ans, de 1950 à 1952, il s’en est
tourné 347 ! Du temps du muet,
c’était de la folie. Déstabilisé par le
cinéma parlant, il n’a connu un
nouvel âge d’or qu’à partir de 1939.
Les plus grands cinéastes s’y sont
illustrés : Raoul Walsh, John Ford,
Fritz Lang, King Vidor, Michael
Curtiz, William A. Wellman, etc.
Quant aux comédiens, shérifs ou
bandits, pionniers ou soldats, ils
ont trouvé la gloire de Hollywood
dans les pas des chevaux : James
Stewart, Errol Flynn, Humphrey
Bogart, Gary Cooper, John Wayne,
Robert Taylor, Tyrone Power,
Henry Fonda, Clint Eastwood, etc.
L’époustouflante encyclopédie
de Patrick Brion étant
chronologique – premier western,
Marilyn Monroe est tout
en 1903, The Great Train Robbery
simplement torride. Les acteurs
(une attaque de train par des
du porno peuvent aller
hors-la-loi) –, plus on avance dans
se rhabiller !
le temps, plus sont nombreuses
Selon Patrick Brion, Ramona,
les comédiennes. Il y a un
de Henry King (1936), est l’un des
érotisme du western, à
premiers films à dénoncer « le
commencer par les épaules
comportement
dénudées
de l’homme blanc
d’Yvonne
1.000 westerns
prêt à massacrer,
De Carlo, d’Ava
présentés,
à la première
Gardner ou
occasion, l’Indien
d’Angie
analysés,
critiqués
qu’il considère
Dickinson,
dans deux tomes
comme un
tenancières
».
de saloon,
bourrés de photos, ennemi
Les westerns
intrigantes ou
d’affiches
respectueux des
femmes fatales.
tribus indiennes
Dans The Outlaw et de documents
sont évidemment
(Le Banni),
moins nombreux
Howard Hugues
que ceux qui en ont fait de la chair
a exigé de la jeune et pourtant
à fusil parce que l’histoire a été le
explosive Jane Russell qu’elle
plus souvent injuste et cruelle
porte un nouveau soutien-gorge
envers ceux qui étaient tenus alors
qui met le feu à la prairie et dans
pour des « sauvages ». C’est
les salles. Dans Rivière sans retour,
pourquoi on peut regarder
d’Otto Preminger, la scène où
aujourd’hui, sans mauvaise
Robert Mitchum réchauffe sous
conscience, ces westerns sans
une couverture les pieds glacés de
lire | culture 35
jdd | 20 décembre 2015

mémo fétiche sur l’histoire des
civilisations…), Catherine Clément
exhume un pan de notre histoire
de France, commencé sous le général de Gaulle, terminé aux frondaisons d’un XXIe siècle bousculant.
Les rebeLLes Du footbaLL
bernard Morlino, tana éd., 152 p., 24,95 €.
Rachid Mekhloufi, qui abandonna
son club de Saint-Etienne pour rejoindre l’équipe du FLN en pleine
guerre d’Algérie ; Paul Breitner, le
mao chevelu du Bayern ; Socrates,
le docteur de la démocratie brésilienne ; Lucarelli, le communiste
toscan ; Maradona, le castriste
déjanté ; Cantona, l’esthète surréaliste… Le livre de Bernard
Morlino est un antidote efficace
pour tous ceux qui pensent que
football, nécessairement, rime avec
bling-bling.
L’âMe De paris, histoires
D’une viLLe
Marie-hélène Westphalen, arènes,
108 p. + fac-similés, 34,80 €.
Jacques chirac, vie pubLique,
archives privées
catherine clément, préface d’alain
Juppé, hugo image, 138 p., 39,95 €.
Avant de s’évader en Inde ou en
Afrique, Catherine Clément a été
une observatrice privilégiée de
la vie politique française. Elle a
bien connu Mitterrand mais aussi
Chirac. Son récit documenté et
sensible raconte « le plus populaire
de nos hommes politiques », à la poignée de main facile et au coup de
fourchette allègre. À travers 300
photos et plus de 40 fac-similés
(devoirs de l’ENA, discours annoté
le soir de sa première élection,
« Ça, c’est Paris ! », chantait Mistinguett. Dans la belle collection
des livres-objets des Arènes, on
feuillette avec plaisir et nostalgie les multiples documents d’un
Paris populaire où l’on chantait,
l’on guinchait au Balajo, l’on vendait poissons et têtes de veau dans
le trou des Halles. C’est avant la
boboïsation, c’était il y a un siècle
et plus. La tour Eiffel venait d’être
construite ; les bus étaient tirés par
des chevaux. À la fin de cette belle
évocation, on découvre les premiers parcmètres et les premières
stations intra-muros et, de l’autre
côté du périph’, les premières tours
HLM. C’est si loin !
Lire aussi « La france à table », de Michèle
barrière, Les arènes, 110 p., 34,80 €.
La france D’antan
sarah finger, éd. hervé chopin, 448 p.,
24,50 €.
C’est un portrait de la France, sans
la nostalgie que le titre pourrait
laisser croire. Deux ans de recherches minutieuses auprès de
collectionneurs, de marchands,
de conservateurs pour dénicher
10.000 cartes postales anciennes.
le Prix des Prix
à ChristoPhe Boltanski
Indiens qui jettent les uns contre
les autres bons et mauvais
cow-boys, shérifs et hors-la-loi,
chasseurs de primes et politiciens
corrompus. Par exemple,
My Darling Clementine, de John
Ford, Duel au soleil, de King Vidor,
Le train sifflera trois fois, de Fred
Zinnemann, Butch Cassidy et le
Kid, de George Roy Hill, L’homme
qui tua Liberty Valance, de John
Ford, Règlement de comptes à
O.K. Corral, de John Sturges, etc.
Et ce curieux film que j’ai
plusieurs fois évoqué avec Jean
Tulard, l’autre historien du
cinéma : Curse of the Undead
(Dans les griffes du vampire),
d’Edward Dein : histoire d’un
cow-boy vampire insensible aux
balles, toujours le dernier à
dégainer. Jusqu’au jour où… g
Encyclopédie du
western, Patrick Brion,
éd. Télémaque, 2 vol.,
850 p., 76 €.
le Prix des Prix,
choisi parmi
les lauréats des
huit grands prix
littéraires de
l’automne,
a été attribué
à La Cache,
de Christophe Boltanski
(Prix Femina, Stock). Le
journaliste fait le portrait
d’une famille atypique et parle
de la peur, de l’identité,
de la création dans un roman
enlevé. Le jury, présidé
par Pierre Leroy, est composé
entre autres de Pierre Lescure,
Christine Albanel, Guillaume
Cerutti, Nicolas Demorand,
Marie Drucker, Rémy Pflimlin,
Olivier Poivre d’Arvor, Bruno
Racine et Alain Terzian.
Emmanuel Carrère, pour
Limonov (P.O.L), ou Élisabeth
Roudinesco, pour Sigmund
Freud en son temps et dans
le nôtre (Seuil), l’ont reçu
précédemment. M.-L.D.
L’âge d’or du genre remonte à la
Belle Époque et c’est cette période
de la vie des Français que racontent
les 900 clichés conservés dans l’ouvrage : les campagnes au rythme
des moissons, les transports en
ville, la condition ouvrière, la naissance du tourisme… Douce France.
Les résistants (1940-1945)
sous la direction de Guy Krivopissko,
belin, 272 p., 39 €.
La matière de ce livre est émouvante : la somme des documents,
photographies et objets légués
depuis cinquante ans au musée
de la Résistance nationale. Elle
restitue, dans une France à l’heure
allemande, le destin d’anonymes
qui ont décidé de résister. Autant
de récits construits à partir des 350
documents inédits sélectionnés,
petites et grandes histoires croisées, un choix original dans la riche
historiographie de la période.
savoirs
haute écoLe, brève histoire
Du chevaL phiLosophique
Michel onfray, flammarion, 192 p., 30 €.
Il y a le philosophe-polémiste qui
disserte à l’infini sur nombre de
sujets, des religions à la psychanalyse. Il y a le philosophe-écrivain
qui se sert de son expérience intime pour tirer de belles leçons de
vie. Dans la foulée des beaux textes
sur son père, Michel Onfray traque
les figures hippiques chez Homère
(le cheval de Troie), Lucrèce (le
centaure), Montaigne (l’accident),
Spinoza (la perfection), Alain (la
liberté), Camus (Caligula). C’est
intelligent et émouvant : le livre
est un hommage à Marie-Claude,
sa compagne qui ne passa pas une
journée de sa vie sans aller visiter ses chevaux. L’ébauche de ces
textes fut écrite pour un spectacle
organisé par Bartabas.
DeyroLLe à La croisée
Des savoirs
De Louis albert de broglie et sylvie alboutabart, La Martinière, 240 p., 39,90 €.
Deyrolle, ce sont ces planches
pédagogiques qu’on a tous vues
accrochées dans nos salles de
classes. Elles ont été inventées
par la maison du même nom dans
les années 1870. Pas une école qui
n’y ait échappé. À les regarder ces
aujourd’hui avec le recul, on y voit
des merveilles : poissons, crustacés,
corps humains, cellules, graines,
plantes, papillons… Un patrimoine
scruté à la loupe et commenté par
70 scientifiques.
voyaGes
Jean-baptiste charcot,
expLorateur Des pôLes
serge Kahn, Glénat, 176 p. 45 €.
Il a exploré cette terre glacée du
bout du monde. De deux expéditions inouïes en Antarctique en
1903 et en 1908, à bord du Français
et du Pourquoi pas ?, Charcot (18671936) va rapporter de précieuses
informations scientifiques. Au-delà
des récits et des nombreuses photographies, les 35 documents publiés
font entrer dans l’intimité du personnage : fac-similés d’un certificat
de mariage, lettre de l’ambassade
de Grande-Bretagne, carte postale
à sa fille en 1928, croquis, menus,
courriers de toutes sortes… Une
merveilleuse invitation au voyage.
patrice franceschi
et La bouDeuse
15 ans d’aventure autour du monde,
valérie Labadie, seuil, 400 p., 45 €.
Aventurier corse, écrivain français,
Patrice Franceschi a mené durant
quinze ans des expéditions autour
du monde en tant que capitaine de
La Boudeuse, qui sera d’abord une
jonque chinoise puis un trois-mats
suédois. Héritier moderne de Louis
Antoine de Bougainville, il emmène
à ses côtés des scientifiques de toutes
spécialités qui iront au contact de
tribus océaniennes ou sud-américaines. Le récit joliment illustré de
Valérie Labadie est une belle manière de voguer autour du monde.
inDe
steve Mccurry, phaidon, 208 p., 49,95 €.
Depuis trente ans, le photographe
américain Steve McCurry parcourt
le monde à la recherche de « l’inattendu, du hasard maîtrisé ». Qu’il
s’intéresse aux conflits contemporains ou aux cultures traditionnelles,
son souci est de toujours remettre
« les gens » au centre de l’histoire.
Ces 140 images offrent des odyssées de couleurs, des figures inoubliables et des décors stupéfiants,
de la fête de Ganesh aux studios de
Bollywood.
Map stories
francisca Mattéoli, chêne, 176 p., 35 €.
Auteur de nombreux récits de
voyage, Francisca Mattéoli,
chilienne de mère écossaise, parcourt cette fois le monde à travers
des cartes de géographie, de tous
lieux et de toutes époques. De Pétra à
la Chine, du Nil au Mare Nostrum, de
Madagascar à l’Alaska, l’auteur livre
mille anecdotes tirées des cartes et
de l’imagination des hommes. g
36 | personnalités
JDD | 20 décembre 2015
Marianne James
« Je n’ai pas d’oursins
dans les poches »
Dans « Miss Carpenter »,
elle incarne une vieille star
octogénaire perdue dans
les souvenirs glamourisés
de son appartement de 640 m2.
À 53 ans, l’ancienne jurée de
« La Nouvelle Star » met le feu aux
planches, même sans allumettes
IntervIew
LuDoviC PerriN
@LPJDD
où peut-on croiser
des Miss Carpenter ?
le prince des nuits parisiennes.
Jack, lui, c’était la french touch : une
culture, une érudition immenses. Je
crois qu’il prépare ses Mémoires.
Ça promet.
Après ulrika von Glott, voici
un nouveau personnage. Pourquoi
ce besoin de vous travestir ?
Je ne sais pas, je dois être plus à
l’aise quand je suis planquée. Je n’ai
peut-être pas tout réglé avec moimême, alors que dans une armure
je suis la plus grande des guerrières.
Dans les maisons de repos et à
Comment tout cela a-t-il
Monte-Carlo. Il ne faut pas croire
commencé ?
que toutes les vieilles dames font du
Pendant dix ans, ça n’a pas martricot. Tina Turner a 76 ans. C’est
ché. J’étais en concurrence avec
la génération des disco women. Ces
des petites nanas, ce n’était pas ma
femmes ont croisé Andy Warhol
catégorie. Je n’avais pas trouvé ma
au Studio 54. Veuves depuis cindimension. Puis j’ai créé Ulrika Von
quante ans, elles ont su user de
Glott pour le spectacle Ultima Récileurs charmes
tal. Pendant deux
p o u r a t t ra p e r
ans, je n’ai pas quitdes « patrons de « En promo, tout
té le personnage.
paquebot » sur la lE mondE croyait
En promo, tout le
Côte d’Azur. Elles
monde croyait que
ont tout vu, tout quE j’étais
j’étais un mec : avec
connu, des fiestas un mEc »
mes chaussures
de 20 cm et mes
cokées et friquées.
Staying Alive est
10 cm de coiffure,
leur credo. Elles
je mesurais 2,5 m.
n’ont pas renoncé. Elles sont raMais les femmes ne peuvent être
dines, mythomanes, monstrueuses,
aussi grandes et avoir cet humour
mais toujours vivantes. Bette Davis
viril ! On pensait que j’étais un tradisait : « Vieillir, c’est pas fait pour
vesti allemand.
les mauviettes. » Je les adore.
D’où veniez-vous ?
Que fabrique Jack Lang dans
De Montélimar. Du jazz et du
classique. Mes modèles, ce sont
votre pièce ?
C’est le seul homme connu
La Callas et Ella Fitzgerald. Mon
qu’on peut encore rattacher à
père était pâtissier-nougatier.
cette époque folle. Cela aurait pu
Après m’être essayée sans succès
être Yves Mourousi aussi. C’était
à la danse et au piano classiques, j’ai
La pétulante Marianne James, lundi au Théâtre du Gymnase, à Paris. érIC DESSoNS/JDD
découvert une guitare qu’un oncle
avait laissée après son armée. En
face de chez nous se trouvait un
magasin de musique qui donnait
des cours. Ça appartenait à Antoine
Petrucciani, le père de Michel. À
11 ans, je déchiffrais avec lui tous
les standards de jazz. J’ai encore
des cassettes. Lui, c’était déjà un
génie. Mais un jour, Tony a dit à
mon père : « La petite, elle joue
comme un mec. » Dans sa bouche,
un sacré compliment ! Je dois avoir
une part masculine.
vous avez un public homo
très fidèle...
Je m’en suis aperçue dès mes
débuts avec Ultima Récital en 1994.
Des salles entières. Avec eux, ça percute direct. Je pense qu’ils ont une
certaine ouverture d’esprit et une
plus grande capacité à l’autodérision.
Savoir être vrai dans la caricature,
c’est très important. Moi, je suis un
clown et je crois que les clowns sont
sincères. Même sous des maquillages
outranciers, je reste premier degré
dans mes émotions.
entre votre personnage à la
télévision, vos rôles d’actrice et la
femme dans les loges du théâtre,
où se trouve la vraie Marianne ?
Les trois forment la vraie Marianne. J’ai des accents de vérité au
théâtre et je suis assez droit caméra
à la télévision. J’aime m’amuser
avec ce média : ça m’épate de débarquer chez les gens alors qu’ils sont
en train de faire le ménage ou bien
l’amour. En réalité, la patronne, c’est
celle qui se trouve à la maison. Là,
Marianne éteint la loupiote et se
ressource. J’aime la lumière mais
l’obscurité me va aussi.
et contrairement à Miss Carpenter,
vous n’avez pas eu besoin
d’épouser un milliardaire pour
être heureuse…
Oui et j’ai la chance de ne pas
avoir d’oursins dans les poches et
de ne pas être refaite du tout. Ça
devient une fierté pour une actrice
qui a dépassé les 40 ans. Car toutes
sinon passent au bistouri. g
Miss Carpenter jusqu’au 10 janvier 2016
au Théâtre du Gymnase, Paris.
Prodiges Saison 2, le 26 décembre
à 20 h 50 sur France 2.
lejdd.fr Notre interview vidéo
perso
Mes amis. Un mois après la tuerie
du Bataclan, les Eagles of Death
Metal ont annoncé qu’ils
reviendraient jouer à Paris le
16 février. Le groupe américain
qui avait déjà reparu le 7 décembre
à Bercy aux côtés de U2
s’est proposé d’offrir une place
gratuite à tous les survivants
du Bataclan dans le cadre de
ces retrouvailles européennes
baptisées Nos Amis Tour.
Concert, mardi à 22.40, Canal +. et vendredi 8 janvier à 20.50, D 17.
Mes amours. Curieusement, elle n’avait jamais existé en français. Le 3 février, les
éditions Arthaud publieront l’autobiographie de Rudolf Noureev. Parue en 1962
aux États-Unis et au Royaume-Uni (puis en Russie en 1998), cette « pépite »
relate les vingt-cinq premières années de vie du danseur étoile, de son enfance
sous le joug soviétique à sa liberté conquise à Paris, puis à Londres. « Tout
Noureev est contenu dans ce récit », explique-t-on chez Arthaud. Un ouvrage
préfacé et commenté par Ariane Dollfus, spécialiste du génie né en 1938 dans
un train aux environs d’Irkoutsk et décédé en 1993 dans une clinique de
Levallois-Perret.
Mes emmerdes. L’humour est
la qualité qu’elle préfère chez les
hommes. Ceux qui l’ont interrogée
jeudi dernier durant douze heures
en ont-ils eu ? Bar Refaeli,
le mannequin israélien connu
pour avoir sorti Leonardo DiCaprio
des jupons de sa maman, a été
entendue par les autorités de
son pays. La nouvelle égérie de la
marque de dessous féminins Agent
Provocateur aurait dissimulé pour
237.000 € de revenus au fisc. Outre
la déclaration d’une domiciliation
fictive à l’étranger, l’exilée fiscale
aurait en effet accepté de se faire
luxueusement loger et conduire
dans des voitures non moins
onéreuses en échange d’apparitions
dans les rubriques potins. Le top
aux 800.000 followers, qui en
septembre avait demandé de
fermer l’espace aérien pour son
MATIAS INDJIC/FIgArophoTo
mariage à Haïfa, s’est vu confisquer
son passeport et signifier six mois
d’interdiction de sortie de territoire.
Gloups ! L.P.
téléVision | 37 *
jdd | 20 décembre 2015
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Miss France 2016
Ciné dimanChe
c’est elle !
c Moi, moche et méchant 2 iiff Les
nouvelles aventures du grand méchant repenti
Gru, assisté de ses filles et de ses fidèles
Minions. Des trouvailles à gogo. 20.55, TF1.
a Peau d’âne iiif Un classique de la
comédie musicale française. Avec Jacques
Perrin en Prince et Catherine Deneuve dans le
rôle-titre. 20.50, France 4.
DaviD Nivière/DN/Sipa
Miss nord-Pas-de-calais a
décroché le titre tant convoité
hier soir, chez elle, à lille
StÉPhanie BelPêche @StephBelpeche
C’est donc Iris Mittenaere qui
succède à Camille Cerf au titre de
Miss France 2016. Elle a 22 ans et
est étudiante en chirurgie dentaire.
Sans oublier les quatre dauphines,
parmi lesquelles l’outremer était très
représentée : Morgane Edvige, Miss
Martinique, 19 ans, étudiante en tourisme ; Vaimiti Teiefitu, Miss Tahiti,
19 ans, étudiante en commerce ; Julia
Courtes, Miss Provence, 18 ans, lycéenne en terminale ; Azuima Issa,
Miss Réunion, 19 ans, étudiante en
comptabilité et gestion.
Le verdict est tombé au terme d’une
cérémonie qui a duré plus de trois
heures au Zénith de Lille, retransmise en direct sur TF1. L’indétrônable Jean-Pierre Foucault présentait pour la 21e fois le concours de
beauté créé en 1920, qui continue
de drainer les téléspectateurs devant le petit écran. La concurrence
était rude entre les 31 prétendantes
à l’écharpe, qui ont fait une entrée
glamour en fourreau blanc sur Diamonds Are a Girl’s Best Friend, de
Marilyn Monroe.
Des rêves plein la tête, elles ont
défilé dans différentes tenues au
cours des dix tableaux chorégraphiés qui se sont succédé pour
assurer un show bariolé, à la fois
« Prodiges »
en herbe
Éric Mandel
Qui sera le « prodige de l’année
2015 » ? Samedi prochain verra le
grand retour du concours musical organisé par France 2. En
décembre 2014, la première édition avait sacré la belle et raffinée
violoniste Camille Berthollet et
scotché devant leurs écrans plus
de 4 millions de téléspectateurs.
Soi beaucoup moins que la grosse
machinerie The Voice (7 millions en
moyenne), mais une grande réussite pour un télé-crochet consacré
à la musique classique, diffusé sur
le service public en prime time.
Précision de taille, Prodiges est
une création 100 % française (à la
différence de The Voice) développée par la société de production
Shine. Et elle commence à s’exporter à l’étranger puisqu’une dizaine
de pays, dont l’Italie et la Russie,
négocient son rachat.
Prodiges rempile donc sans
grand chamboulement. En dépit
de son succès, France 2 n’a pas souhaité modifier son rythme de diffusion : une émission par an. « Nous
aurions pu envisager deux ou trois
rendez-vous dans l’année mais le but
est de privilégier un programme haut
élégant et kitsch assumé : tenant
un chien en laisse au cœur d’un
décor bucolique, superhéroïnes,
pirates, pom-pom girls ou en Bikini
affriolant de Mère Noël ! Vidéos de
promo à l’appui, les jeunes femmes
ont séduit le public et le jury, présidé par le couturier Jean Paul
Gaultier, dont les votes additionnés
ont déterminé les cinq finalistes,
sous le regard vigilant de Sylvie
Tellier, la directrice générale de
la société Miss France. La soirée,
sans accroc, s’est achevée avec les
larmes de la gagnante, forcément.
Quelques heures plus tôt, au sud
de la Chine, l’Espagnole Mirea
Lalaguna Royo avait été couronnée Miss Monde 2015. g
Danseurs,
instrumentistes
comme Élisa
(ci-contre)
ou chanteurs,
ils ont en commun
la passion de la
musique. N. GuyoN
de gamme et événementiel, pas de
transformer Prodiges en télé-réalité », souligne Nathalie André, directrice des jeux et divertissements de
France 2. Les candidats au titre se
répartissent toujours en trois catégories (danseurs, chanteurs, instrumentistes), l’émission reste animée
par Marianne James au côté du jury,
toujours composé du danseur étoile
Patrick Dupond, du violoncelliste
Gautier Capuçon et de la soprano
Élisabeth Vidal. Les seuls habilités
à juger de l’excellence des candidats
et à élire le prodige de l’année, sans
vote du public.
« Bêtes de concours et singes
savants ne nous intéressent pas »
Enfin, après la précédente édition réalisée au Corum de Montpellier, Prodiges se déroulera au Grand
Théâtre d’Albi avec l’Orchestre
national du Capitole de Toulouse.
« Tourner dans un simple studio
enlèverait toute magie », dit Vincent Panozzo, directeur des programmes de Shine France. Quatre
cents candidats ont postulé pour
13 retenus. Les critères de sélection ? Maîtriser son instrument,
avoir une forte personnalité, mais
aussi une vie à côté de la musique.
« Les bêtes de concours et les singes
savants ne nous intéressent pas.
Nous privilégions la générosité et
l’envie », poursuit Nathalie André.
Cette nouvelle édition promet
de purs moments de grâce et une
sévère compétition. Dans la catégorie chanteurs, Hakob, 12 ans, a
impressionné avec Les Noces de
Figaro. Chez les instrumentistes,
Élisa a littéralement envoûté l’audience avec sa harpe. Angelina,
8 ans, a subjugué le jury avec son
interprétation habitée du Concerto
numéro 3 de Bach. Autre sérieux
prétendant au titre, le danseur Melvin qui affirme avoir dansé avant de
savoir marcher… Qui sera couronné
par Prodiges en 2015 ? Réponse
samedi soir. g
Prodiges, samedi à 20.55, France 2.
c Joyeux Noël iiff Inspiré de faits réels,
un épisode méconnu de la Grande Guerre,
sous le signe de la fraternité. 20.55, D8.
c Niko, le petit renne iiff Un conte de Noël
universel qui ravira un large public en cette fin
d’année. 20.55, 6ter.
Votre soirée
18.05 Sept à huit. 20.00 Journal. 20.55 Moi,
moche et méchant 2 iiff Film d’animation
de Pierre Coffin et Chris Renaud (2013). Avec l’aide de ses filles et
des Minions, Gru essaie de sauver le monde des griffes d’un nouveau
vilain… 22.50 Mentalist. Série américaine. Vendeurs d’espoir ;
Du sang sur le sable ; Chasse au témoin ; Sang pour sang.
16.05 Clermont-Auvergne (Fr.) – Exeter Chiefs (Angl.). Rugby.
Champions Cup, 4e journée. 18.10 Stade 2. 18.45 Vivement
dimanche prochain : Patrick Bruel. 20.00 Journal. 20.55 Les
Cinq Légendes iiff Film américain de Peter Ramsey (2012).
Dissimulés aux yeux des humains, quatre êtres surnaturels protègent
l’innocence et l’imaginaire des enfants. 22.35 Le Dernier Maître de
l’air ifff Film américain de M. Night Shyamalan (2010).
D8 20.55 Joyeux Noël iiff
F i l m f ra n co - b r i t a n n i q u e
de Christian Carion (2005).
W9 20.55 Les Rois mages
iiff Film français de
et avec Didier Bourdon (2001).
NT1 20.55 Les Jeunes Années
d’une reine ifff Film
autrichien d’Ernst Marischka
(1954).
France 4 20.50 Peau d’âne
iiif F i l m f r a n ç a i s
17.55 Le Grand Slam. 19.00 Le 19/20. 20.25 Zorro. 20.55 de Jacques Demy (1970).
Les Enquêtes de Murdoch. Série canadienne (2015). Une
légende de Noël ; L’Inconnu de Bristol ; La Grande Muraille. 6ter 20.55 Niko, le petit renne
Avec Yannick Bisson et Helene Joy. 0.00 Soir 3. 0.25 Vulcano iiff Film d’animation
ifff Film italien de William Dieterle (1949).
finlandais de Michael Hegner
et Kari Juusonen (2008).
17.05 The Marine 3 : Homefront. Téléfilm. 18.35 Le Petit Journal de la semaine. Numéro 23 20.45 L’Enfant lion
19.10 Canal football club. 21.00 Bordeaux-Marseille. Foot- iiff Film français de Patrick
ball. Ligue 1, 19e journée. 22.55 Canal football club. 23.15 Grandperret (1992).
L’Équipe du dimanche. 0.00 Le Journal des jeux vidéo. 0.30
Ray Donovan.
Téva 20.40 The Good Wife
Série américaine.
19.00 On n’est pas que des cobayes ! Spécial « Star Wars ».
20.00 Zoo Nursery Berlin. 20.30 Avis de sorties. 20.40 Les Game One 20.35 Lara Croft :
Routes de l’impossible. Surinam, pour une poignée d’or. Docu- Tomb Raider iiff Film
mentaire français de Paul Comiti et David Geoffrion (2015) ; Haïti, américain de Simon West
plus forte que la vie. Documentaire français d’Alexandre Spalaïko- (2001).
vitch (2015). 22.25 Une nuit au Grévin. 23.15 La Gande Librairie.
TCM Cinémas 20.40 Le Corsaire
19.15 Cuisine royale au château de Riegers- rouge iiii Film américain
burg. 19.45 Arte Journal. 20.00 Life, l’aventure de Robert Siodmak (1952).
de la vie. 20.45 Silex and The City. 20.50 36e Festival mondial
du cirque de demain. Enregistré en 2015 au Cirque Phénix, à FX 20.50 Re-Animator iiif
Paris. 22.15 The Circus Dynasty. Documentaire (2014). 23.50 Film américain de Stuart
Gordon (1985).
Cirque du Soleil. Le concert du 30e anniversaire.
16.25 66 Minutes : le doc. 17.15 66 Minutes. 18.40
66 Minutes : grand format. 19.45 Le 19.45. 20.05
E = M6. 20.40 Sport 6. 20.55 Zone interdite. Marchés
de Noël : les secrets d’un incroyable succès. 23.00 Enquête
exclusive. États-Unis : la folie des centres commerciaux XXL ;
Pom-pom girls, dollars et bizutage : la face cachée des campus
américains.
OCS Géants 20.40 Le Guépard
iiii Film franco-italien de
Luchino Visconti (1963).
Paramount 20.40 Clueless
iiff Film américain d’Amy
Heckerling (1995).
session de rattrapage du Jdd aVec
Le top des 3 programmes à revoir aujourd’hui sur Internet
a Doc.
Elles sont des
dizaines de
milliers...
France 2
a Série
Joséphine,
ange gardien
TF1
a Doc.
Mein Kampf,
manifeste
de la haine
Arte
38 | JEUX
mots croisés
JDD | 20 décembre 2015
Jean Marny
[email protected]
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
mots fléchés
une bonne
douche après
une intense
activité
elle menace
de quitter
le foyer si
ça pète
a un usage
particulier
des cabines
téléphoniques
hyper,
dangereuse
prince
prétendant
d
d
Y
[email protected]
éclat
de pierre
ou caillou
hic en
-tique
d
d
Y
régime
décrié
de la restauration
Y
comtesse
ou
diablesse
d
frontière
naturelle
cloisonnée
en deux
parties
d
b
tourbillons
en roussillon
b
passé sous
silence
b
aux bons
souvenirs
de l’auteur
b
d
d
b
un revers
pour la
marine
nationale
plus dans
sont plus
sous-bois
en voiture les
clairs que
qu’à vélo
dans les
ou moto fôrets noires
d’un aussi
lointain
passé que
d’un proche
avenir
b
U
amène pierre
à la maison
mis perf
pour perf
Y
Albert Varennes
b
le repas
du guerrier b
natif
de man
b
d
préférable
à la cuillère
b
photogénie
d
desséché,
ensaché
plus ou
moins
marqué
bande
quartiers
d’hiver
plus âgés
que
ménagés
U
Solution la semaine prochaine
d
d
soldat
portant
béret
mis en
pièces
d
toutes
rouges
d’une bonne
correction
d
a
d
d
U
oxhydryle
tout un
solide ou
une partie
informatrices
de st-louis
c’est plutôt
coton
du jaune,
du blanc,
du noir
œuvre culte b
b
d
LE JOURNAL DU DIMANCHE est édité par :
Hachette Filipacchi Associés SNC au capital de
78 300 €, siège social 149 rue Anatole France
92534 Levallois-Perret cedex.
RCS Nanterre B 324 286 319.
Associé : Hachette Filipacchi Presse.
Renseignements lecteurs 01 41 34 63 40.
Gérant-Directeur de la publication Philippe
Pignol. Président d’honneur Daniel Filipacchi.
éditeur édouard Minc. éditrice adjointe
Anne-Violette Revel de Lambert.
Communication Nawal Hocine,
Anabel Echevarria.
Ventes Frédéric Gondolo
et Katia Parent 01 41 34 64 78.
Diffusion Presstalis Réassortiments
06 68 08 16 67.
Imprimé en France par Paris Offset Print
Travail exécuté
par les ouvriers
syndiqués
b
coté en
bourse
b
d
choisir
son parti
bête
gaulois en
un sens,
romaines
dans l’autre
d
d
d
U
monsieur
dans
madame
d
collection
amusante
touchée
du doigt
bœuf
ville ou
forme verbale
dit des mots
doux à
l’oreille
b
b
îlot de
résistance
b
U
c’est
le début de
la fortune
expulsés
par la peau
lisse ici,
protégés
par elle là
vint vers
les villes,
dit vers
d’eschyle
peuple
d
d
b
d
ça tourne
autour de
saturne
demi-mal
b
d
carottage
dans les
fonds
sudoku
93120 La Courneuve, CIMP Toulouse, MOP
Vitrolles, CILA Nantes, CIRA Lyon et Nancy Print.
N° de Commission paritaire 0420 C 86 368.
Numéro ISSN 0242-3065.
Dépôt légal : à parution.
© HFA 2015 Hachette Filipacchi Associés
est une filiale de Lagardère Active SAS.
Président du directoire Denis Olivennes
Service abonnement CS 50002 – 59718 Lille
Cedex 9. Tél. : 02 77 63 11 36 (France / Dom
Tom et étranger).
Tarif France 6 mois : 32 € ; 1 an : 55 €.
Le JDD + Version Femina. 6 mois : 37,90 € ;
1 an : 64,90 €. Tarif étranger nous consulter.
Abonnements au journal en ligne
www.lejdd.fr
Tirage du 13 décembre 2015 :
269.780 exemplaires.
côté en
bourse
d
pose de la
première
pierre... et
des suivantes
b
b
difficile
solution des jeux
Solution du numéro 3596
Publicité : Lagardère Publicité,
10, rue Thierry le Luron, 92300 Levallois-Perret.
Tél. : 01 41 34 90 00. Fax : 01 41 34 90 01.
Présidente Constance Benqué.
Directeur général Philippe Pignol.
Directrice de la publicité Frédérique Vacquier.
Tél. : 01 41 34 92 46
montrant
l’une
verge dont
certaines font
leur miel
b
Mots croisés
Directeur Jérôme Bellay. Directeur adjoint
de la rédaction Patrice Trapier. Rédacteurs
en chef François Clemenceau, Dominique
de Montvalon, Cyril Petit (éditions), Guillaume
Rebière, Brigitte Suffert (directrice artistique),
Laurent Valdiguié.
Secrétaire général adjoint Robert Melcher.
Rédacteurs en chef adjoints
Danielle Attali, Richard Bellet, Stéphane Joby,
Pierre-Laurent Mazars, Didier Siberchicot.
Chef du service économie Bruna Basini.
Chef du service photo Aurélie Chateau.
b
b
au tout
ceux de
début dans l’équipe que
le coach
la converlaisse de côté
sation
d
U
verticalement
1. Exécution de terre cuite. - 2.
Châtiée. - Emprunte un chemin
de traverses. - En fin de séance. - 3.
À Venise ou à Paris. - Poivre de la
Jamaïque. - 4. Au goût du jour. Participe aux courses en Espagne. Arrachés à la masse. - 5. En réserve.
- Le vieil ennemi des catarrhes. - 6.
Donne de belles couleurs. - Vendangeuse. - Règles de conduite. - 7.
Spécialiste en nettoyage. - Tient
ferme. - 8. Agrégation de lettres.
- S’exprimer du bout des lèvres.
- Elle est destinée à se casser. - 9.
Repos du guerrier. - Démolit. - À
point. - 10. S’applique à la perfection. - Peter au théâtre. - Se tirent
avec la galette. - 11. Petite cheville.
- Conduite intérieure. - Dense du
ventre. - 12. Il peut passer à la
trappe. - Luttes contre la pollution.
- Au-delà du nu. - 13. Manifestations d’humanité. - Donnera du bon
sens. - 14. Se dit blanc. - Avancées.
- Vache ou cheval. - 15. Touchent
des fonds secrets. - Relatives à une
matière grasse au poil.
d
b
un peu
poussés
pour passer
U
horizontalement
1. Est provoqué par les esprits forts.
- 2. Fournir une protection naturelle.
- C’est le drame pour un orchestre.
- 3. Le dessous des cartes. - Faire
entendre un son de cloche. - Va-t-il
dévoiler ses sujets ? - 4. Passé aux
rayons X. - Vaisseau qui résiste mal
aux lames. - 5. Note. - Passe en caustique. - Corps franc. - 6. Héroïne de
la résistance. - Progresse pas à pas.
- La douceur de l’agneau. - 7. Parais.
- Incitation à la consommation. - 8.
Grêles. - Fait des touches au piano.
- Préposition. - 9. Lettre de change. Monceau-lès-mines. - Coupe au plus
court. - 10. Ne retient pas le laitier.
- Il n’est pas majeur, mais il vous en
fait voir. - 11. Ne permet pas d’étaler
sa culture. - Projet de voyage. - Ira
à l’aventure. - 12. Marquer de son
empreinte. - Bête de cirque. - Fait
masse. - 13. Ronds dévalués. - Ordonnance difficile à avaler. - 14. En
pleine activité. - Se présentent sans
motif. - Pronom réfléchi. - 15. Ont fait
leurs débuts. - N’ont jamais fait sécher
un candidat. - Césariennes pénibles.
service
b
Keno
Loto
horizontalement
1. Belle de Fontenay. 2.
Il. Avéré. Auxine. 3. But.
Isolera. Gis. 4. Lérot.
Terrines. 5. Irénisme.
Ores. 6. Obéiras. Irai.
Té. 7. Gong. Vent. Frets.
8. Rutile. Œuf. Les. 9. Al.
Notais. Uri. 10. Piteuses.
Stéréo. 11. Herse. Reçu.
Barn. 12. Ira. Nue. Lavoir.
13. Mats. Minou. Au. 14.
User. Adopterais. 15. Eurasiens. Usité.
verticalement
1. Bibliographique. 2.
Élue. Boulier. Su. 3.
Trient. Tramer. 4. Là.
Origines. Ara. 5. Éviter.
Louent. 6. Dés. Navets.
Usai. 7. Erotise. Aère. Dé.
8. Fêles. Noise. Mon. 9.
Ermites. Clips. 10. Narrer. Suant. 11. Tuai.
Affût. Vœu. 12. Ex. Noir.
Rebours. 13. Niger. Elirai.
Aï. 14. Anisette. Errait.
15. Yes. Session. Use.
Mots fléchés
s d
e
c
d o
n
T
a
m
v i
n
r a
T
p i
o
a n
s
u
p
e
r
m
a
n
c
r
a
p
a
u
d
v
c i
h o
e c
s
a
d o
m a s
j a m
k
a
l
i
e
m
i
e
a
r
e
u
u
T
e
Sudoku
d
r b i
e u r
g e
l
c
o n T
i o
l e i
e p r
c e
l e
a
d
T T e
e s
r h a
a i
u r b
x T o
l l
o
r
h e
a n
n
n e
e u
T T
o h
n a
n
o a
p s
T i
e e
r s
p
e
d
a
l
e
s
v
e
s
o
T
i
f
e r
T a
e m
b
T o
h i
e s
i
s e
o r
l
i s
d e
a n
g o
o n
tendances | 39
jdd | 20 décembre 2015
Cuisine bourgeoise,
agape de fêtes
Modernisée et révisitée, elle a retrouvé le devant de la scène gastronomique.
Trois chefs du moment livrent une recette originale pour des réveillons conviviaux
Délires
de bûche
Le plus célèbre des desserts de Noël
est métamorphosé par les pâtissiers
et même les designers.
Place à des gâteaux sculptures
aussi beaux que bons. Sélection
Le civet
de Bertrand Grébaut
Le chef de Septime, à Paris, a obtenu sa
première étoile en 2014 pour ce restaurant
sans nappe et raffiné à la fois. Passé chez Joël
Robuchon et Alain Passard, il possède une
deuxième adresse, Clamato.
« Je suis passionné de cuisine bourgeoise
et je me souviens d’un plat traditionnel que
ma mère et ma tante cuisinaient à Noël :
le civet de lièvre. Aujourd’hui, nous sommes
censés manger moins de viande sans se
priver de gourmandise : cette recette est
une façon de travailler un civet avec un
légume à la chair presque viandarde, dense
et goûteuse. Terreuse et sucrée, la betterave
répond très bien aux sauces concentrées,
comme celle au sang, assez corsée. C’est une
entrée aux références de cuisine bourgeoise,
qui reste légère. »
Civet de betteraves crapaudines fumées
au bois de pin et lard de Colonnata
ingrédients (pour 8 personnes)
4 grosses betteraves,
+ 300 g de betteraves
pour le jus,
une poignée de gros sel,
10 cl de jus de volaille, 1
cuill.
à soupe de vinaigre
de vin vieux, 4 cl de sang
(à demander au
boucher), 400 g de lard
de Colonnata taillé
très fin, quelques
pousses de moutarde
rouge, 50 g de beurre
demi-sel, sciure de pin
(ou hêtre).
Étaler le gros sel sur une plaque à rôtir, y
disposer les betteraves entières et les cuire
à 200 °C, entre 1 heure et 1 h 30. Les éplucher après refroidissement. Les étaler sur
une plaque, dans une cocotte, au fond de
laquelle se trouve la sciure. Fermer hermétiquement et faire chauffer à feu vif. Quand
elle commence à fumer, la laisser hors du
feu 15 min, pour qu’elles s’imprègnent de
la fumée.
Éplucher et passer à la centrifugeuse
les betteraves crues restantes. Mélanger le
jus obtenu avec le jus de volaille et laisser
réduire 15 min à feu doux. Assaisonner d’un
trait de vinaigre de vin. Au dernier moment,
ajouter le sang et porter à ébullition pendant
dix secondes, en remuant sans cesse.
Couper en deux les betteraves fumées, les
déposer face coupée contre la poêle, dans le
beurre demi-sel moussant. Les faire colorer doucement pour raviver le rouge en le
caramélisant.
Disposer la betterave dans l’assiette, face
colorée vers le haut. Assaisonner de fleur
de sel et de gouttes de vinaigre de vin vieux.
Parsemer de pousses de moutarde, recouvrir
de lard de Colonnata. Arroser avec la sauce.
Le vol-au-vent
de Bruno Doucet
Le paleron
de Philippe Etchebest
Il a repris La Régalade, adresse bistronomique parisienne historique d’Yves Camdeborde, qui revisite les recettes traditionnelles
à prix accessibles. Depuis, d’autres adresses
ont essaimé, dont la dernière au 106, rue SaintHonoré (75001 Paris).
« J’affectionne beaucoup ce plat
traditionnel français. En y ajoutant
de la truffe, je l’ai voulu plus festif,
luxueux et goûteux. Je me suis éloigné
de la recette charcutière, en cuisinant
les ingrédients à part, pour respecter
les cuissons et les textures. Ils sont
assemblés au dernier moment pour plus
de croustillant et de finesse. »
Le chef cathodique de Cauchemar en cuisine a ouvert Le 4e Mur à Bordeaux, en septembre. Meilleur ouvrier de France, il obtient
deux étoiles pour l’Hostellerie de Plaisance
à Saint-Émilion en 2008. Il vient de raconter
son parcours dans un livre, Je ne lâche rien
(Michel Lafon).
« J’ai choisi de revisiter la recette du
bourguignon, à la bordelaise, avec un
mélange terre-mer audacieux qui met à
l’honneur les produits de ma région : le vin et
les huîtres. La touche de fraîcheur apportée
par la pomme verte fera pétiller les papilles
des convives pour les fêtes. »
Vol-au-vent à ma façon
Paleron de bœuf braisé en cocotte,
sauce vigneronne aux huîtres
Ingrédients
1 pincée de poivre blanc,
800 g de paleron
de bœuf, 2 carottes,
1 oignon, thym, laurier,
ail, 1 échalote, 1 pincée
de poivre blanc.
Sauce
1 échalote, 1 carotte,
1 poireau, 1 bouquet
garni, 1,50 l vin rouge,
1 l de fond
de veau.
accompagnement
300 g de carottes, 500 g
de champignons.
Dressage
10 huîtres, 1 pomme
verte, 1 botte
de ciboulette.
Saisir des deux côtés le paleron de bœuf,
le déposer dans un plat allant au four accompagné de la garniture aromatique (carottes,
oignon, ail, thym, échalote, poivre blanc,
laurier). Couvrir d’eau et cuire 8 heures
à 150 °C.
Pour la sauce vigneronne, faire réduire le
vin rouge avec l’ensemble des ingrédients,
puis ajouter le fond de veau.
Dans une cocotte, disposer les carottes
et les champignons préalablement poêlés
et le paleron. Recouvrir de la sauce vigneronne. Ajouter le mélange huîtres hachées,
ciboulette et pomme verte.
Page réalisée Par Charlotte langrand
Photos : t. DhELLEMEs ; R. BaLancouRt ; L. Fau/stuDIo DEs FLEuRs ; J. LIMont ; J. DE FontEnaY PouR LE JDD ; PLaInPIctuRE/FancY ; DR
jaune des Landes, thym,
laurier,
1 gousse d’ail.
1 noix de ris de veau de
Farce
180 g, 1 échalote, 30 g
180 g de blanc
de beurre,
de volaille, 2 œufs, 15 cl 10 cl de vin blanc.
de crème liquide, 25 g de 300 g de champignons
truffe hachée, 1 l de fond de Paris, 1/2 citron, 30 g
blanc,
et 50 g de beurre, 50 g
sel et poivre.
de farine, 12 cl
6 ailerons de volaille
de crème liquide.
ingrédients
2 disques de pâte
feuilletée, 1 œuf
(dorure).
Placer une assiette sur un disque de pâte
feuilletée pour découper une bande de 2 cm.
Sur une plaque, humecter les bords du second
disque, puis déposer la bande pour former
le vol-au-vent. Inciser le contour. Réserver
30 min au frais. Dorer à l’œuf battu. Enfourner
10 min à 180 °C, puis 10 min à 160 °C. Laisser
refroidir et découper le couvercle.
La farce : hacher le blanc de volaille au
mixeur avec 2 œufs, sel, poivre, puis la crème.
Incorporer la truffe hachée et placer 1 heure
au frais. Dans un sautoir, faire frémir le fond
blanc. Former des petites quenelles de farce,
les faire cuire 1 min. Réserver au frais.
Faire suer l’échalote dans le beurre, ajouter
le ris de veau assaisonné, le vin blanc, couvrir
et cuire 12 à 14 min. Le couper en cubes après
refroidissement et réserver.
Porter à ébullition 20 cl d’eau, le jus d’un
demi-citron, le beurre. Ajouter les champignons et cuire 2 min à feu vif.
La sauce : faire un bouillon avec le fond
blanc et le jus des champignons. Cuire 1 min
le beurre et la farine, incorporer le bouillon,
cuire à feu doux 15 min après ébullition. Filtrer, ajouter la crème liquide et incorporer les
éléments de la farce. Faire mijoter 3 à 4 min.
Garnir le feuilletage tiédi.
b HäageN-DazS
La marque de crèmes glacées
s’associe à la célèbre designer
Paola Navone pour une bûche
éphéméride aux 31 piliers de
glace au chocolat blanc et vanille, dark chocolate & almonds ou macadamia nut brittle & dulce de leche.
Le calendrier, pour 12 pers., 59 €.
b SHaNgri-La
Le chef pâtissier Michaël
Bartocetti a converti sa bûche
en « sphère de Noël », alliant
chocolat croquant et vivacité
des fruits et des agrumes.
Pour 6 à 8 personnes, 108 €.
b LeNôtre-HermèS
Lenôtre et « petit h », le laboratoire de
recherche d’Hermès, ont imaginé une bûche
inspirée des matières premières et outils de
l’atelier de maroquinerie. Un trompe-l’œil
étonnant de dés, fils, pièces de cuir…
La bûche à trésors, pour 10 personnes, 130 €.
b CHriStoPHe miCHaLak-PLaza atHéNée
Le chef pâtissier a imaginé un minipiano de cuisson avec ses casseroles,
feux et torchons pour
régaler de croustillant
gianduja, biscuit, marmelade mandarine et mousse au chocolat.
Pour 6 à 8 personnes, 125 €.
b auberge Du Jeu De Paume
Le restaurant de Chantilly
et son chef pâtissier, Joachim Bendacha, évoquent
les œuvres paysagères
dessinées par le maître jardinier Le Nôtre pour le parc du château.
Résultat, une bûche verte flashy en forme
de labyrinthe.
Pour 5 personnes, 55 €.
b PatriCk roger-La réServe PariS
Quatre boules du sapin de Noël
se sont échappées pour s’inviter
dans votre assiette… Voici l’idée
du chocolatier Patrick Roger pour
évoquer les souvenirs d’enfance
liés aux fêtes.
Pour 4 personnes, 70 €, à commander sur
[email protected]
dans l’air
l’autre thé
Douceur de Noël
Il s’appelle le Thé des
Mamans et peut faire
un joli petit cadeau pour
les fêtes. Thé vert
biologique de Chine aux arômes de fraise
et de framboise, il est parsemé de boutons
et de pétales de roses. Un grand classique
de la jeune maison parisienne fondée
en 2003 par Arnaud Dhénin.
À partir de 6,90 €. lautrethe.com
40 |
dimanchesport
jdd | 20 décembre 2015
LIGUE 1 Impérial à Caen, le PSG termine la phase aller du championnat avec 51 points. Du jamais-vu
Caen
0
PSG
3
Di Maria (17e, 50e), Ibrahimovic (36e)
S
MICKAËL CARON
@CARONJDD
ix jours après avoir humilié
Lyon (5-1), le PSG a continué
son entreprise de démolition
de l’OL, en améliorant d’une
unité son record de 50 points à misaison, établi en 2006-2007 sous
Gérard Houllier. Avec 19 points
d’avance sur son second Monaco,
le quatrième titre de champion à
la suite est dans la poche. Certes,
cela en fait encore trois de moins
que l’OL sur la décennie précédente.
Mais la dynastie semble susceptible
de s’étirer davantage, à la faveur de
moyens démesurés chaque saison et
de l’écroulement total de l’adversité.
Meilleure attaque d’Europe
Paris est invaincu à la fin de la
phase aller et n’a plus perdu en Ligue
1 depuis neuf mois. C’était le 15 mars,
à Bordeaux (3-2). Une autre époque
où la défaite, déjà rare, restait néanmoins une hypothèse. Elle ne l’est
plus. Surtout pas quand Laurent
Blanc aligne son meilleur onze,
preuve qu’il est davantage pressé,
pour l’heure, de signer des records
qu’un nouveau contrat. « Il n’est pas
si anecdotique que ça car il conclut
une année civile très, très bonne et
un état d’esprit irréprochable malgré
les états d’âme qui peuvent exister »,
mesure l’entraîneur, après ce premier pas vers la postérité.
À son rythme impitoyable, le
PSG peut exploser le record du
nombre de points en fin de saison,
qu’il détient déjà (89 en 2013-2014).
Voire devenir le premier champion
à 100 points ! Le milieu caennais
Nicolas Seube résume le sentiment
général en lâchant : « Ils ne sont
même pas à fond… »
Cette saison, affronter les smicards de la L1 n’érode même plus la
Toujours
plus fort
motivation des milliardaires parisiens. Certes, l’ange Di Maria a moins
fait parler sa magie technique qu’il
n’a exploité une erreur de relance, au
quart d’heure de jeu, puis la pesanteur qui a ridiculisé Rémy Vercoutre,
sur le troisième but. Entre-temps,
Ibrahimovic avait marqué son 90e
but en L1 d’une volée de plomb aux
20 mètres, flashée à 97 km/h ! Ce PSG
est, avec 48 buts, la meilleure attaque
des cinq premières ligues d’Europe
(devant les 47 de Dortmund, qui a
deux matches en moins). Tout est
en place pour s’emparer d’autres
records, celui de Nantes en 1994-
1995, invaincu pendant 33 journées.
Ou imiter Arsenal, sans défaite en
championnat en 2004.
Rendez-vous en C1
Il n’existe toutefois aucune statistique pour mesurer la qualité de
certaines phases, qui n’aboutissent
pas toujours mais régalent les amoureux du football. Mieux vaut écouter
le murmure de plaisir qui parcourt
les stades, comme Michel-d’Ornano
hier, sur des séquences d’exception.
Vu de France, le Qatar a tué la compétition mais redonné vie au jeu. Mais
ce bonheur de spectateur ne peut
suffire à Nasser Al-Khelaïfi, qui verrait d’un bon œil l’arrivée d’un gros
investisseur au chevet d’un rival afin
de hausser le niveau de la L1 et, dans
l’élan, propulser son club au-delà des
quarts de finale de la C1, son seuil de
compétence actuel.
Parce qu’il connaît l’attente de ses
patrons, Blanc ne s’autorise qu’un
demi-sourire de contentement. Derrière ses lunettes, son regard est déjà
porté vers le mois de février et les
retrouvailles avec Chelsea. C’est ce
rendez-vous européen, puis les suivants espérés, qui donneront du sens
aux records de décembre. g
Scène de joie pour célébrer le 15e but de Zlatan
cette saison en championnat.
NolweNN le Gouic/icoN Sport
Toulouse
1
Lille
1
Bastia
2
Reims
0
Ben Yedder(68e)
Boufal (87e)
Ayité (21e), Romain (79e)
« En Normandie, on est assez chauvin »
ORELSAN Le rappeur multiplie
les clins d’œil au club de Caen
dans son premier film et ses
chansons
INTERVIEW
MICKAËL CARON
@CARONJDD
Aurélien Cotentin, 33 ans, plus
connu sous le nom d’Orelsan, était
invité hier au stade Michel-d’Ornano, avec son compère Gringe,
du duo Casseurs Flowters et du
programme court Bloqués sur
Canal +. La conclusion ludique de
la promotion du premier film du
rappeur, Comment c’est loin, coréalisé avec Christophe Offenstein.
Le club de sa région d’origine y est
largement mis en avant. « Malgré
le mauvais résultat contre le PSG,
nous a-t-il dit dans la soirée, je suis
dégoûté d’avoir raté ça ».
Depuis quand suivez-vous
le stade Malherbe de Caen ?
Je viens d’Alençon mais mes
cousins vivaient à Caen. J’ai découvert le vieux stade de Venoix
lors d’un match contre l’OM de
Papin, Waddle, Boli. On a vu passer des stars dans les équipes adverses mais ce qu’on aimait, c’est
soutenir nos joueurs. Dans ma
famille, tout le monde était abonné. Deux cousins ont aussi fait
celiK erKul/MAXppp
mascotte du club pendant trois
ans. Ça m’aurait amusé d’essayer…
Plus tard, j’ai déménagé à Caen.
J’ai vécu à 300 m du stade. Du
coup, j’y allais plus souvent. Par
contre, je ne connais aucun chant
de supporters, au contraire de
mon frère. Il est d’ailleurs devenu
journaliste sportif [à Canal+].
Pourquoi avoir tourné une longue
séquence devant le stade ?
Oui, sous l’Abribus juste devant, parce qu’on habitait vraiment là ! Lorsque je n’avais pas
de billet, il m’arrivait de rester devant les tourniquets à manger des
merguez avec les vendeurs ambu-
lants. J’aimais bien l’ambiance.
entre 1991 et 1993]. J’ai conservé
Dans le stade, on a aussi tourné
une dizaine de maillots de plusieurs époques. Ils sont en borle clip de Des histoires à raconter. Depuis trois ans que j’habite
del chez moi. J’en ai plein de NBA
à Paris, je ne viens plus qu’une
aussi car je suis encore plus basket
ou deux fois par an. Mais on
que foot. J’étais même l’un des amdiscute avec les dirigeants pour
bassadeurs de l’Euro en septembre
associer nos images à travers
mais à cause du montage du film,
je n’ai pas pu voir un match.
ma marque de fringues [Avnier,
lancée en 2014]. En Normandie,
Pourquoi faites-vous une
on est assez chauvin. J’aime
dédicace à Franck Dumas dans le
bien ce côté américain d’affifilm ?
cher fièrement l’endroit d’où on
Parce que j’avais un poster de
vient. Dans le film, j’ai foutu du
lui dans mon salon il y a quelques
Malherbe partout : des fanions,
années. C’est une publicité qu’il
des écharpes dans les bagnoles
avait faite pour un magasin de
et même un maillot de Xavier
meubles lorsqu’il entraînait
Caen [2005-2012]. À l’époque,
Gravelaine [attaquant internaon aimait bien
tional 1991-1993,
aujourd’hui direcregarder ses inteur général] que « J’avais un poster terviews, pour se
l’on voit de loin.
de Franck Dumas marrer. Il avait
côté rustre,
Vous l’avez
dans mon salon » un
un peu fou.
rencontré ?
Non. On lui a
Suivez-vous les
juste demandé de
résultats actuels
nous filer des gadgets et il a fait
de Caen, qui fait sa meilleure
passer un maillot de la saison
saison depuis 1992 ?
dernière avec son nom floqué au
Je ne connais plus un joueur !
dos. En revanche, je ne me rapOn me chambre souvent car je
pelle pas bien de lui comme joueur,
suis un mauvais supporter :
quand ils font le Yo-Yo avec la
bizarrement. Gamin, les noms qui
m’ont marqué, c’est Dedebant et
Ligue 2, je me fous de leur gueule
Görter [milieu néerlandais au club
et je m’y remets la saison où ils
font un super début. Ça a l’air
parti pour durer, cette fois. En
fait, l’histoire que j’ai suivie le
plus l’année dernière, c’est cette
affaire de corruption en L2 où
le club a été cité [pour un match
présumé truqué contre Nîmes].
C’était marrant parce que les
pots-de-vin, c’était vraiment
du vin !
À Paris, vous n’avez pas
succombé à l’attrait du PSG ?
Ça me laisse froid, je m’en fous
complètement. Je supporte un
seul club. Gringe vient de Cergy,
il a des potes qui suivent vachement le PSG mais, lui et moi, on
ne se chauffe pas trop sur le foot.
Je ne suis jamais allé au Parc alors
qu’on me l’a proposé plusieurs
fois. Je viens d’avoir deux années
très chargées. Mes rares moments
libres, je n’ai pas envie de les passer au milieu d’une foule qui crie.
Beaucoup de rappeurs, comme
Booba ou Rohff, sont fans de foot.
Vous formez une communauté ?
Un peu, surtout quand on enregistre en studio. À une époque, on
se retrouvait en groupe autour de la
console de jeux : la PES [jeu de foot],
ça socialise ! Il m’est d’ailleurs arrivé
de choisir Caen. Mais pas trop non
plus car j’aime bien gagner… g
football | sport | 41
jdd | 20 décembre 2015
Mbappé
sur les
traces
de Henry
un ancien de la maison, Thierry
Henry. Un peu pour son parcours :
une enfance en région parisienne et
un transit par l’INF Clairefontaine.
Mais surtout par son style. « Kylian
a beaucoup d’aisance technique, il est
très fort sur la première touche et le
un-contre-un. Reste à trouver son
vrai poste, excentré ou dans l’axe »,
observe Jean-Claude Giuntini, qui
l’a dirigé en équipe de France U17.
MonaCo L’attaquant, 17 ans
aujourd’hui, est vu comme un
phénomène. L’aSM se démène
pour lui faire signer un premier
contrat pro
DaMIEn BURnIER
@initialsDB
Pour l’heure, la consigne au club
est claire : ne pas parler de Kylian
Mbappé. Il y aurait des choses à
dire pourtant. Un attaquant de
16 ans qui déboule en L1 début
décembre, signe une passe décisive
à Tottenham en Europa League,
enchaîne avec une première titularisation en Coupe de la Ligue,
voilà qui n’est pas banal. Prompte
à vanter les jeunes incarnant son
projet, l’ASM fait une exception.
« Pas le bon timing », nous explique-t-on. Officiellement, il
s’agit de le « protéger ».
Officieusement,
il faut surtout ne
pas interférer sur
les discussions en cours. Mbappé
est en fin de contrat aspirant et les
cadors sont à l’affût : Real, Bayern,
Dortmund, PSG, Lyon. Le laisser
filer serait un mauvais signal alors
que le club n’a plus formé de joueur
majeur depuis Kurzawa. Et au
contraire beaucoup dépensé pour
recruter de jeunes talents, essentiellement à l’étranger.
Vadim Vasilyev devra mettre le
prix. Inutile de passer par la case
stagiaire, ce sera direct un contrat
pro, à un tarif très au-dessus des
standards juvéniles. Avec une
prime à la signature qui, selon
nos informations, s’élèvera
au minimum à un million
d’euros. Trop d’égards pour un
élément qui évoluait encore avec
les U17 en 2014 ? Pas forcément.
Pour beaucoup, Mbappé rappelle
Accueilli au Real par Zidane
Adoubé par Jardim, l’insouciant Mbappé vit aujourd’hui sa vie
en accéléré. Mais il a eu le temps de
s’y préparer. À 11 ans, il visitait les
installations de Chelsea. À 14, c’est
le Real Madrid qui l’invitait, avec
Zidane à l’accueil. « Le plus beau
jour de sa vie, se souvient son père,
Wilfried. Le Real, c’était tentant,
mais on ne regrette pas d’avoir choisi Monaco. Le club permet à Kylian
de s’exprimer, on est sur la même
longueur d’ondes. » Dans la famille,
le sport, on maîtrise. Le père est
formateur à Bondy (Seine-SaintDenis), l’oncle coordinateur sportif
à Sedan (National), la mère
ex-handballeuse pro. Il y a
enfin, par adoption, le
grand frère footballeur, Jirès
Kembo-Ekoko, passé par
Rennes. « Avec
Ky l i a n , i l s
sont fusionnels, ils se
parlent tous
les jours »,
raconte Wilfried, en prem i è re l i g n e
pour gérer la
carrière du cadet,
qui fête ses 17 ans
ce dimanche. « Quasiment tous les gros agents
nous ont sollicités. Pour
l’instant, on n’a besoin de
personne. » g
Kylian Mbappé. Icon Sport
troyes
0
Monaco
0
Guingamp
0
Lorient
0
Rennes
2
nantes
0
Dembele (63e), Sio (78e)
Vendredi
Nice-Montpellier
1-0
Classement
J
G
n
p bp bc diff.
1 paris SG
51 19 16
3
0
48
9
39
2 Monaco
32 19
8
8
3
25 23
2
3 angers
31 18
8
7
3
17 10
7
4 Caen
30 19
9
3
7
21 22
-1
5 nice
29 19
8
5
6
32 23
9
Meilleurs buteurs
6 Rennes
27 19
6
9
4
25 21
4
7 Lorient
26 19
6
8
5
27 26
1
15 buts : Ibrahimovic +1 (Paris SG) ; 11 buts :
Moukandjo (Lorient), Batshuayi (Marseille) ;
10 buts : Cavani (Paris SG) ; 7 buts : Ben Arfa,
Germain (Nice) ; 6 buts : Delort (Caen), Lacazette
(Lyon), Ninga (Montpellier), Di Maria +2 (Paris SG),
Braithwaite (Toulouse)...
8 Lyon
26 18
7
5
6
22 21
1
9 Saint-Etienne
26 18
8
2
8
21 22
-1
10 Marseille
24 18
6
6
6
27 20
7
11 Lille
24 19
5
9
5
15 13
2
12 nantes
24 19
6
6
7
14 17
-3
aujourd’hui
Saint-Étienne-Angers
Stade Geoffroy-Guichard (14 h, beIN)
Bordeaux-Marseille
Stade Matmut Atlantique (21 h, Canal+)
pts
13 Montpellier
22 19
6
4
9
22 25
-3
Vendredi 8 Janvier
14 Bastia
22 19
6
4
9
20 24
-4
PSG-Bastia (20 h 30, beIN)
15 Bordeaux
22 18
5
7
6
22 27
-5
16 Gazélec-ajaccio 21 18
5
6
7
18 21
-3
17 Reims
21 19
5
6
8
19 24
-5
18 Guingamp
19 19
5
4
10 17 27 -10
19 toulouse
17 19
3
8
8
20 troyes
8
0
8
11 10 35 -25
20e journée
Samedi 9
Lyon-Troyes (17 h, Canal+), Rennes-Lorient ;
Reims-Toulouse ; Montpellier-Bordeaux ; AngersCaen ; Monaco-Ajaccio (20 h, beIN).
Dimanche 10
Nantes-Saint-Étienne (14 h, beIN) ; Lille-Nice
(17 h, beIN) ; Marseille-Guingamp (21 h Canal+).
19
21 33 -12
Olivier Miniconi,
vendredi
dans une
de ses pâtisseries
ajacciennes.
GrazIanI – Sanchez/
cryStal pIctureS
pour le JDD
Miniconi à la baguette
aJaCCIo Patron de boulangeries, le président du Gazélec a contribué
à changer l’image du promu corse
StéphanE CoLInEaU
@StephColineau
Club le plus désargenté de l’histoire
moderne de L1, le Gazélec Ajaccio
défie l’Olympique Lyonnais cet
après-midi. La dissymétrie entre le
promu corse et le septuple champion de France est cocasse : budgets
(14 millions d’euros contre 170 millions), salaires (11.000 € de moyenne
à Ajaccio, plus de 300.000 € pour
les stars lyonnaises), stades (5.000
places contre 60.000). Elle se décline
jusqu’aux présidents.
Le roué Jean-Michel Aulas,
66 ans, a fait fortune dans l’informatique. Olivier Miniconi, plus jeune
président de L1 à 40 ans, est boulanger. Un boulanger certes prospère,
à la tête de sept établissements de
la région d’Ajaccio, mais un artisan
lancé chaque matin à 5 heures dans
la tournée de ses commerces. Cet
été, alors que le Gazélec accédait
pour la première fois dans l’élite, il
pétrissait du pain dans son magasin
du cours Napoléon. « Et oui, obligé,
c’est le métier ! Je montre l’exemple à
mes employés », lance-t-il, amusé par
l’effet produit chez son interlocuteur.
Atavisme, du pétrin au stade
Miniconi sait cuire les viennoiseries, se débrouille en pâtisserie,
choisit les noms de ses échoppes :
La Table à pain ou Le Fournil de
Marius, en hommage à son père,
fondateur de quatre des boulangeries familiales. Bac + 5, diplômé
en gestion des entreprises, il n’était
pourtant pas formaté pour les croissants. Mais quand la santé de son
père, aujourd’hui décédé, a décliné, il
a pris la suite, plutôt que de rejoindre
une entreprise sur le continent,
comme il l’envisageait.
Autre atavisme, son engagement
auprès du Gazélec. Marius Miniconi
fut dirigeant et sponsor de ce club
fondé par des employés d’EDF-GDF.
Cent mètres séparaient son domicile, collé à la boulangerie Au pain
blanc, de Mezzavia, le nom commun
du stade Ange-Casanova. Les jours
de match, il les parcourait avec ses
fils Olivier et Jean-Michel, l’aîné,
devenu expert-comptable du club.
« Des moments d’exaltation », se
souvient Olivier Miniconi, qui date
l’irréversibilité de son attachement
à 1983. Il a 8 ans quand « le Gaz »,
alors en troisième division, élimine
les professionnels de Toulon en 16es
de finale de la Coupe de France, dans
À le voir, si courtois, difficile de
une enceinte survoltée.
concevoir que la première occurLe club végète en CFA quand
rence de Google attachée à son
il s’y investit, d’abord en tant que
nom se rapporte à la « Bande du
sponsor, puis comme président de
Petit Bar », un groupe armé resl’association en 2007, de la section
ponsable de plusieurs assassinats
professionnelle en 2012. Ces cinq
en Corse du Sud, notamment de
dernières saisons, le Gazélec a connu
proches d’Alain Orsoni, ancien leaquatre montées et une descente. La
der nationaliste et ex-président de
croissance n’a pas été sans crises.
l’autre club professionnel d’Ajaccio.
« Le club a failli disparaître à cause
Miniconi a été soupçonné d’avoir
de nos conneries », admet Miniconi.
fourni à l’un des membres du gang
En mai 2012, le directeur sportif
un emploi de complaisance, puis a
ajaccien Christophe Ettori, ancien
été blanchi : « Ajaccio est un village.
joueur pro et ami de jeunesse, est
On se connaît tous, on était souvent
condamné à 1.500 euros d’amende
à l’école ensemble. Alors, quand vous
pour l’agression de l’entraîneur
pouvez donner un boulot à quelqu’un
du Paris FC, Alain M’Boma. En
qui en a besoin, vous le faites. Mon
février 2013, c’est Miniconi luipère l’a fait, je le fais », justifie-til, dénonçant les
même qui assène
un coup de pied à « Notre intérêt
articles sur le foot
un joueur lensois,
corse « où il n’est
sur le terrain. « Je passait par l’arrêt
question que de
banditisme ou de
vivais mon année des mauvais
la plus noire avec
nationalisme ».
le Gazélec, on avait comportements,
plein de soucis. À d’autant qu’ici, tout
Popularité
un moment, ça a
médiatique
explosé », s’excuse- prend un écho
La réputation a
t-il. Trois mois plus terrible »
la vie si dure qu’il y
tard, Mezzavia est
a presque un parasuspendu après de
doxe à voir un club
nouveaux incidents, lors d’Ajacinsulaire attirer la sympathie du
cio-Monaco. Le club traverse une
continent et une certaine populamauvaise passe financière. « Il y a
rité médiatique et sur les réseaux
les sous qu’on laisse, et ceux des amis
sociaux. Les joueurs du Gazélec,
atypiques et accessibles, y sont
qu’on sollicite… C’est de la folie »,
pour beaucoup. À mille lieues du
souffle-t-il.
star-system et des affaires, Rodéric
Petit Bar et coup de main
Filippi s’est présenté à une interview
Les temps ont changé. Auà L’Équipe avec sa mère, curieuse
jourd’hui, le Gazélec grandit. Minid’y assister. Le défenseur barbu ne
coni espère augmenter la capacité
connaît pas le nom de ses adverdu stade à 7.800 places, « en faisant
saires, envisage de devenir chauffeur
déménager le supermarché qui est
poids lourd. Le gardien, Clément
derrière nos buts ». Surtout, on parle
Maury, bac +5, s’exprime avec l’assusurtout du club pour son actuelle
rance d’un cadre d’entreprise.
réussite sportive : une série de cinq
« Chez nous, la mentalité passe
victoires et trois nuls alors qu’on lui
avant le talent au moment de recrupromettait déjà un retour en L2. Il
ter. On ne veut pas d’individualistes.
laisse les scandales et les violences
Nos forces sont la solidarité et le traà d’autres. « On a pris conscience que
vail, même s’il y a aussi beaucoup de
notre intérêt passait par l’arrêt des
compétence », souligne Miniconi.
mauvais comportements, d’autant
La boulangerie n’est pas loin : « Je
que tout prend un écho terrible si
vois mes employés accomplir des
c’est en Corse. Soit on acceptait les
tâches très contraignantes, les joueurs
règles du monde pro, soit on jouait
doivent cultiver cet état d’esprit. » g
en DH… », raconte Miniconi, soucieux de la nouvelle image de son
ajaccio
club, de l’accueil des adversaires :
Stade Ange-Casanova (17 h, beIN)
« Je dois être le seul en L1 à inviter
Lyon
le président adverse à déjeuner les
jours de match ! »
42 | sport | football
JDD | 20 décembre 2015
Denisot veut jouer
le médiateur
lFp l’ancien président
du psG s’est proposé
pour arbitrer le conflit
entre la l1 et la l2
FiFa L’ancien n° 10 attend son jugement,
demain. Sans trop y croire malgré
les efforts de ses défenseurs
stÉphane Joby
Platini sans illusion
laurent ValdiGuiÉ et stÉphane Joby
C’est demain à 10h que Michel Platini
sera fixé, en principe, sur son sort. C’est
en tout cas ce qu’a annoncé Marc Tenbücken, porte-parole de la chambre de
jugement de la commission d’éthique.
Si cette dernière suit les accusations de
corruption, comme l’a demandé vendredi
lors de l’audience Vanessa Allard, l’enquêtrice de la commission, le Français risque
d’être radié à vie des instances du football.
Et éliminé de la course pour la présidence
de la Fifa, en février 2016, et déchu de la
direction de l’UEFA.
Vendredi, à Zürich, les quatre juges
de la chambre présidée par Hans-Joachim Eckert ont entendu pendant près
de trois heures l’enquêtrice trinidadienne
lire son rapport d’accusation à charge,
fondé sur des « suppositions », comme le
dénonce le camp de l’ancien n° 10 depuis
plusieurs semaines. Allard entend démontrer que Michel Platini a perçu 1,8 million
d’euros (2 M de francs suisses) en 2011 en
contrepartie de sa non-candidature à la
présidence de la Fifa face à Sepp Blatter.
En échange de ces fonds, Platini aurait
fait la campagne pour la réélection du
Suisse la même année. Elle estime que
la défense du Français, consistant à dire
que les fonds perçus correspondaient à
un reliquat de salaires pour les années
1998-2002, ne serait qu’un « habillage ».
« Déjà jugé, déjà condamné »
Vendredi, dans une salle équipée
d’un brouilleur pour qu’aucune transmission ne soit possible pendant l’audience, Me Thibaud d’Alès, accompagné
de deux assistants, a un nouvelle fois
plaidé l’innocence. Après avoir lu en
préambule une lettre de son client jus-
tifiant son absence parce qu’il s’estimait
« déjà jugé, déjà condamné », l’avocat a
plaidé pendant plus de cinq heures de
rang. Il est allé au bout de son volumineux mémoire de 120 pages contenant
notes, témoignages de personnalités et
d’experts juridiques, calendrier et coupures de presse, pour démontrer point
par point que la thèse de l’accusation est
« impossible » et ne repose sur aucune
preuve. « Au contraire, confie un proche
du président de l’UEFA. Tout prouve
qu’il n’a jamais été question que Platini
soit candidat à la Fifa cette année-là, et
qu’il n’a soutenu Blatter qu’au dernier
moment. »
Autre pièce, majeure, de la défense
Platini, le document retrouvé dans les
archives de l’UEFA et qui prouve que
le soutien de tapie
Ce n’est peut-être pas la déclaration
de soutien que Michel Platini mettra le
plus avant dans ses mémoires, mais,
en cette période sombre, tout appui
réchauffe le cœur. Bernard Tapie a peu
d’illusion sur les mœurs en cours à la
Fifa mais il n’a en revanche aucun
doute sur la probité du patron de
l’UEFA : « J’affirme sur l’honneur que
Michel Platini n’a jamais été concerné
par les magouilles de la Fifa. Ce n’est
pas un homme d’argent, c’est le
contraire d’un magouilleur pour le fric.
Ce n’est pas un enfant de cœur, il peut
se battre, mais il déteste l’argent, ce
n’est son truc… Je crois que Blatter a
pensé que cela pourrait le sauver de
mouiller Platini. Il risque maintenant de
l’entraîner dans sa chute. »
JeaN-FRaNçOis OttONeLLO/MaXPPP
la mission et le salaire de Platini étaient
connus à l’époque, comme l’a révélé le
JDD du 6 décembre. Le mémo a été
rédigé en 1998 par l’Allemand Gerhard
Aigner, surnommé « Big A » à cause de
sa signature, un A en capitale. Selon nos
sources, ce dernier a écrit cette semaine à
la commission d’éthique pour reconnaître
qu’il avait bien rédigé la note, sans toutefois se souvenir de ses sources à l’époque.
Le document parviendra-t-il à renverser
la vapeur ?
L’espoir d’un complément d’enquête
Dans la lettre acide à ses juges, auxquels il reproche leur impartialité, Platini
ne semble plus guère y croire : « Je n’ai
plus confiance dans les instances disciplinaires de la Fifa. » Alors qu’il est sous la
menace du carton rouge, il annonce qu’il
restera actif dans ce sport qui l’a fait roi,
même en passe d’être déchu : « Toute ma
vie, je continuerai, à mon niveau, à défendre
[…] mes convictions, celles d’un football
propre, d’un football conforme à l’éthique
et à la morale. »
La balle est dans le camp du juge
Eckert, qui a tenu cette semaine a revendiqué publiquement son indépendance.
Va-t-il juger qu’il y a corruption, ce qui
conduirait à radier Platini ? Va-t-il lever
le soupçon de corruption pour ne maintenir que des accusations de déloyauté ou
de conflit d’intérêt, ce qui vaudrait une
suspension de quelques années ? Va-t-il
au contraire demander un complément
d’enquête sur la base des éléments nouveaux apportés par la défense ? En cas
de décision favorable, Platini, comme
Sepp Blatter d’ailleurs, se tournera vers
la commission de recours de la Fifa puis,
si besoin, devant le Tribunal arbitral du
sport. g
@JobyJdd
Tout juste nommé au
conseil d’administration
de la Ligue (LFP), en tant
que représentant de la
Fédération française, Michel Denisot n’a pas tardé
à se manifester. Selon nos
informations, le patron
du magazine Vanity Fair
s’est proposé ces derniers
jours pour jouer le rôle de
médiateur dans la crise
entre les clubs de L1 et de
L2, désormais divisés en
deux syndicats concurrents (Première Ligue et
l’UCPF). Pour tenter de
sortir de la crise, ceuxci vont organiser une
réunion début janvier
à laquelle participeront
quatre représentants de
chaque camp.
Les présidents des
deux syndicats (Bernard
Caïazzo et Guy Cotret),
qui se sont beaucoup
invectivés ces derniers
temps, n’en seront pas,
dans un souci d’apaisement. Jean- Claude
Blanc (PSG), Jean-François Fortin (Caen), René
Ruello (Rennes) et Michel
Seydoux (Lille) seront
les représentants de
Première Ligue ; l’UCPF
désignera les siens avant
Noël, vraisemblablement
autour de Claude Michy
(Clermont) et Bertrand
Desplat (Guingamp).
Des sujets qui fâchent
En marge du dernier
conseil d’administration de la Ligue, jeudi,
quelques personnalités
ont été sondées pour
animer les débats, no-
tamment l’entrepreneur
Didier Quillot, un des
membres indépendants
du CA. Michel Denisot,
lui, a offert directement
ses services. Les « belligérants » devraient toutefois repousser poliment
la proposition de l’ancien
président du PSG et actuel vice-président de
Châteauroux. D’abord
parce qu’ils estiment être
capables d’aboutir seuls à
un consensus sur les sujets qui fâchent (système
de montées-descentes,
répartition des droits télé,
composition du CA). Il y a
aussi la volonté de ne pas
transformer leurs travaux
en marchepied pour les
ambitions politiques de
Denisot, ou d’un autre.
Le profil pour
remplacer Thiriez
Lors de son premier
conseil d’administration,
jeudi, l’ancien patron des
sports de Canal + s’est
présenté rapidement, en
rappelant qu’il avait tout
connu dans le football.
« Je suis là pour servir », at-il dit humblement. Pour
de nombreux présidents
de club, de L1 comme
de L2, son parcours et
son aura médiatique lui
donnent surtout le profil idéal pour remplacer
Frédéric Thiriez. Le mandat du patron de la Ligue,
très bousculé ses derniers
mois, arrive à échéance
fin 2016. Non élu, donc
non révocable, Denisot a
été nommé par Noël Le
Graët, ennemi déclaré
de Thiriez. Certains ont
toutefois noté que, jeudi,
il avait voté, aux côtés des
clubs de L1, la suppression du versement à la L2
de la dotation de solidarité UEFA. g
70.000 fans derrière les Bleus
ÉQuipe de FranCe le Club
Les membres du
Club des supporters
bénéficient
d’avantages, de
services exclusifs,
d’événements et
d’animations pour
une cotisation très
abordable (20 €
au maximum).
des supporters, créé il y a vingt
mois par la FFF, a pulvérisé
ses objectifs
solen Cherrier
@SolenJDD
À six mois de l’Euro, le Club des
supporters de l’équipe de France
recense près de 70.000 membres,
pas très loin de ce qui se fait en
Allemagne (75.000). En le lançant
avant le Mondial 2014, la Fédération
française (FFF) ciblait 50.000 adhérents pour l’Euro 2016, ce qui semblait alors très ambitieux. Objectif
explosé, si bien que la directrice
générale Florence Hardouin en a
fixé un nouveau lors de la dernière
assemblée fédérale : 80.000, soit
la capacité du Stade de France. Il
devrait être rapidement atteint,
d’autant que l’adhésion permet
d’être tiré au sort pour gagner les
dernières places à vendre pour les
matches des Bleus en juin. Pour
mémoire, dans les années de gloire
Matthieu RONDeL /
haNsLucas
(1998-2000), le club des supporters,
alors incarné par Francis Lalanne,
a dénombré 11.000 membres au
mieux.
La FFF a ouvert un chantier
pour offrir un vrai soutien populaire à la sélection. Avantages,
services exclusifs, événements,
animations pour une cotisation
très abordable (20 € au maximum).
L’opération lui coûte environ
100.000 € annuels. Un investissement nécessaire tant le manque
d’ambiance plombe les matches
des Bleus depuis des années.
Puisqu’il n’y a pas de mouvement
de soutien à l’échelle du pays, la
FFF a décidé de le prendre en
main. « Dans beaucoup de clubs, il
y a une culture stade, souligne Florent Soulez, en charge du dossier à
la Fédération. Il faut aider les fans à
venir vivre leur passion comme dans
leur club, sans verser dans le “trop
marketing”. Le but est de mettre en
place un cercle vertueux. Que les
joueurs sentent qu’il y a un public
derrière eux, qu’ils en soient fiers.
Une enceinte qui pousse peut faire
la différence. »
Moins de 35 ans et féminin
Au Stade de France, un capo
est ainsi chargé de coordonner
la tribune nord où se massent
4.500 personnes, parmi lesquelles
l’association Irrésistibles Français
est bien représentée (1.200 adhérents). Sans référent culturel, il
a été choisi d’adapter à la sauce
bleue les chants que l’on entend
dans les principales enceintes de
l’Hexagone. À contre-courant politique de la Fifa, la FFF encourage
les gens à rester debout. Elle a
même négocié cette tolérance avec
les services de sécurité. Cela reste
bon enfant, loin de l’imagerie ultra.
Mais c’est une première étape pour
dépoussiérer le cliché du fan franchouillard à la Clément d’Antibes.
La moitié des membres ont moins
de 35 ans et il y a 20 % de femmes.
« On veut casser l’image d’un stade
froid et de “Footix” [spectateurs qui
ne connaissent rien et supportent
surtout l’équipe qui gagne]. Mais
ça prend du temps », dit Florent
Soulez.
Passées les animations d’avantmatch, l’ambiance manque de
constance. La traditionnelle « ola »
vient régulièrement combler le
vide et les fans adverses chantent
souvent plus fort. En déplacement,
le supporter français demeure discret, loin des marées anglaises,
allemandes ou néerlandaises.
N’empêche, les Bleus sentent un
changement. Ils repèrent désormais systématiquement le cœur
de leurs supporters et essayent de
nouer un lien. Qu’ils espèrent faire
fructifier à l'Euro. g
sport | 43
jdd | 20 décembre 2015
« On lutte face
à une grosse
machine à fric »
TENNIS Les descendants
de Formigé, l’architecte des
Serres d’Auteuil, tiennent tête
à la Fédération dans le dossier
d’extension de Roland-garros
DAMIEN buRNIER
Télex
Hiddink is back
Mourinho limogé, Guus Hiddink
a été rappelé par Chelsea jusqu’à
la fin de saison. C’est le second
intérim du Néerlandais, 69 ans,
après celui de 2009. Son contrat
paraphé, il a assisté au succès
contre Sunderland (3-1).
Un match au cours duquel
les Blues, coachés par l’adjoint
Steve Holland, ont inscrit plus
de buts que lors des cinq
derniers de l’ère Special One.
Athlétisme
Diack se défend
Soupçonné d’avoir couvert
des cas de dopage en Russie,
moyennant finances, l’ex-patron
de la fédération internationale
PAUL FAITH/AFP
La venue de dizaines de milliers de
personnes pendant quinze jours le
menacerait dans son intégrité. C’est
un site classé mais quand je vois ce
que l’on veut en faire, je me demande
ce que ça veut dire. Surtout que la
question du manque d’espace se
posera encore à moyen terme : la
FFT risque de vouloir s’implanter
sur tout le Jardin.
Les premiers coups de pioche attendront. Avant un jugement sur le fond,
le TGI de Paris a ordonné vendredi
le gel, pour trois mois maximum,
La FFT, qui a mis en doute votre
des travaux prévus par la Fédération
légitimité en tant qu’ayants droit,
française (FFT) dans le Jardin des
vous a-t-elle contactée ?
Serres d’Auteuil, pour l’extension
Il y a un peu plus d’un an et demi,
programmée de Roland-Garros, qui
Gilbert Ysern [directeur de Rolandcomprend notamment la construcGarros] m’a appelé. Je me demande
tion d’un court de 5.000 places.
d’ailleurs comment il a eu mon nuCette décision résulte de l’action
méro. Il voulait me montrer les plans
des héritiers de l’architecte Jeanet que je rencontre Michel CoraCamille Formigé
joud [paysagiste
(1845-1926), au
prenante du
« Mme Hidalgo parle partie
nom de leur droit
projet, décédé en
moral sur l’œuvre. beaucoup d’écologie, octobre 2014], qui
Déjà soumise à un il serait temps d’être
avait été mon procalendrier serré
fesseur à l’École
nationale supé(livraison espérée cohérent »
pour 2019), la FFT
rieure de paysage
fait appel, « ne douà Versailles. J’ai
refusé ! Gilbert Ysern a vite comtant pas que le juge du fond viendra
confirmer la solidité juridique du propris que l’opération séduction ne
jet, déjà plusieurs fois affirmée par les
marcherait pas avec moi. Cela me
tribunaux ». Elle bénéficie en outre
fait sourire quand les dirigeants de
d’appuis politiques, Manuel Valls
la FFT disent qu’ils vont embellir
ayant arbitré en son sens alors que
le lieu. C’est même extraordinaire !
Ségolène Royal, ministre de l’ÉcoN’avez-vous pas le sentiment de
logie, penchait pour une solution
vous poser en obstacle à un projet
alternative. Le projet, insiste la FFT,
populaire ?
est un « hommage rendu à l’œuvre de
On lutte face à une grosse
Formigé, qu’en aucun cas il ne saurait
machine de communication et de
dénaturer ». Son arrière-petite-fille,
fric. Mais la pétition d’opposition
Virginie Formigé, ancienne archia tout de même recueilli 79.000
tecte-paysagiste, a, bien sûr, une
signatures. On nous traite de pasautre lecture.
séistes et d’ennemis du sport, c’est
En quoi votre famille est-elle heurtée
tellement facile… Personnellement,
j’aime regarder des matches et je
par le projet de la Fédération et de la
comprends la part affective que
mairie de Paris ?
Ce projet est scandaleux. Notre
véhicule Roland-Garros. Mais des
famille est unanime sur le sujet,
études sérieuses, comme celle d’Icomais nous n’agissons pas seulement
mos (organisation internationale de
en tant que descendants de Jeanprotection du patrimoine), ont été
Camille Formigé, très connu à son
balayées d’un revers de main par
les politiques. C’est triste. Mme
époque. Le site est fragile. Non seuHidalgo parle beaucoup de prolement il serait dénaturé sur le plan
architectural mais il ne le supportetection écologique, il serait temps
rait pas du point de vue paysagiste.
d’être cohérent. g
Foot
Le flanker
toulonnais
Juan Smith
transperce
la défense
du Leinster.
(IAAF), Lamine Diack, dément
avoir remis de l’argent au
président du Sénégal Macky Sall
en 2012. « Pas plus qu’à ses
chargés de campagne
électorale », complète le
communiqué de ses avocats.
Diack avait un temps envisagé
de se présenter à la
présidentielle cette année-là.
Ski
Fayed s’affirme
Derrière l’intouchable Aksel Lund
Svindal, Guillermo Fayed, déjà
sur le podium à Beaver Creek,
a pris la 2e place de la descente
de Val Gardena. Le Chamoniard
a ensuite oublié ses chaussures
dans l’aire d’arrivée et posté
une annonce sur Facebook
pour les retrouver.
La réaction du champion
Rugby Malmené au Leinster,
le triple tenant toulonnais
de la Coupe d’Europe s’est
révolté (16-20), et a conservé
ses chances de qualification
Corrigé sur la pelouse des Wasps
(32-6) fin novembre en ouverture
de sa poule de coupe d’Europe,
Toulon était mal embarqué hier à
la pause sur la pelouse du Leinster
(16-5). Grâce à une seconde période de haut niveau, les joueurs
de Bernard Laporte ont renversé
les Irlandais (16-20) et éloigné le
spectre d’une élimination aussi
précoce qu’humiliante, au regard
de leur standing.
S’il n’a plus l’appétit de l’ogre
qu’il a été, le Leinster a vendu
chèrement sa gamelle dans un
Aviva Stadium bien garni. Les
triples champions d’Europe en
titre ont dû leur salut à leurs
avants, souverains, multipliant les
ballons portés dévastateurs, finalement auteurs des trois essais de
leur équipe (Juan Smith à la 27e,
essai de pénalité à la 57e, Anthony
Etrillard à la 64e). Seul regret, le
point de bonus offensif, à leur portée, leur a échappé.
Avec huit points, Toulon a tout
de même doublé Bath pour se poster à la 2e place. Dotés de 14 points,
les Wasps restent loin devant, mais
le RCT a match de plus à jouer,
et l’avantage de recevoir son rival
Anglais au stade Mayol mi-janvier.
Comme Toulon, Bordeaux-
Bègles a rebattu les cartes dans sa
poule, en battant les Gallois des Ospreys (33-27). Le Stade Français a
lui aussi entretenu l’espoir face aux
Italiens de Trévise (40-14) à JeanBouin, avec une équipe pourtant
remaniée. Seul Oyonnax a lâché
prise, étrillé à Londres contre les
Saracens (55-13), pour se concentrer sur le championnat. Vendredi,
le Racing 92, seul français leader
de sa poule, avait décroché un
nul précieux à Northampton (99). Toulouse, presque éliminé,
accueille aujourd’hui la province
irlandaise de l’Ulster (14 h, beIN),
Clermont, inconstant ces dernières
semaines, devra battre les Anglais
d’Exeter (16 h 15, France 2, beIN)
pour continuer à espérer. S.Co.
L’équipe du cahier
Paris vous souhaite
de joyeuses fêtes et vous
donne rendez-vous
le 10 janvier.
jdd | 20 décembre 2015
dimancheparis
|i
eXcLUSIF Le réveillon sur les Champs-Élysées, qui a failli être annulé, aura bien lieu le 31.
Avec des mesures de sécurité renforcées. Le JDD dévoile le programme, « sobre et digne »
Une célébration, malgré tout
T
Bertrand Gréco
ourner la page. En finir avec
cette terrible année 2015, qui
a si mal commencé et s’est si
mal terminée. Malgré la menace terroriste et des forces
de l’ordre exténuées, les Parisiens
ne seront pas privés de leur rituel
réveillon du 31 décembre sur les
Champs-Élysées. C’est la décision
que viennent de prendre conjointement la maire de Paris, le ministre
de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve,
et le préfet de police, Michel Cadot,
après de longs jours d’hésitation,
ainsi que le dévoile le JDD. Même le
président de la République, François
Hollande, a été sollicité, et a finalement donné son feu vert jeudi. L’an
dernier, 650.000 personnes, Parisiens et touristes, s’étaient retrouvées sur la plus célèbre avenue du
monde pour admirer le feu d’artifice
tiré depuis l’Arc de triomphe, assister au mapping-vidéo projeté sur
l’édifice et hurler joyeusement le
décompte des dernières secondes de
2014. Cette année, le choc épouvantable des attentats du 13 novembre a
bien failli avoir raison des festivités…
« Nous ne nous laisserons pas
atteindre, continuons à vivre ! »
Sollicité par la Ville, le préfet
de police a d’abord été tenté d’interdire purement et simplement
ce rassemblement annuel, surtout en plein état d’urgence. « Le
risque est élevé dans la période que
nous traversons », dit-il (lire les
trois questions ci-dessous). Mais
pour la maire de la capitale, Anne
Hidalgo, il aurait été « inconcevable » d’abdiquer devant les
terroristes et de renoncer à cette
manifestation. « Nous ne pouvions
pas ne rien faire, confie l’édile au
JDD. Le peuple parisien et les
Français ont besoin de ce passage
symbolique à une nouvelle année.
Ce n’est ni un caprice de ma part
ni de l’entêtement, mais après ce
que notre ville a vécu, nous devons
envoyer au monde un signal : Paris
est debout, fière de son mode de
vie et du vivre-ensemble. Nous ne
Le 31 décembre
2014,
les festivités
avaient
rassemblé
650.000
personnes
sur les
Champs-Élysées.
Les projections
vidéo et
illuminations
sur l’Arc
de triomphe
avaient suscité
l’enthousiasme
des
photographes
amateurs.
Simon Lambert /
HaytHam PictureS
nous laisserons pas atteindre, nous
continuons à vivre ! »
D’ailleurs, précise-t-elle, les
Parisiens se réunissent « de toute
façon » spontanément sur les
Champs-Élysées pour le 31 décembre comme pour tous les grands
événements. Autant les accompagner et les canaliser, puisqu’une
« gestion de foule » est nécessaire.
La maire n’oublie toutefois pas le
« contexte de deuil et de menace terroriste » : pas question de renouveler la même manifestation de l’an
passé. « D’un commun accord avec
le ministre de l’Intérieur, Bernard
Cazeneuve, et le préfet de police
– chacun dans son rôle –, nous
avons décidé de marquer le changement d’année dans la sobriété et
le recueillement. Ce ne sera pas un
moment festif – les gens n’ont pas la
tête à ça –, mais symbolique », souligne Anne Hidalgo. L’événement
initialement prévu par l’Hôtel de
Ville a été « reconfiguré, adapté aux
circonstances », ajoute son directeur
de cabinet, Mathias Vicherat.
Quatre écrans géants de 50 m²
disposés le long de l’avenue
« Il n’y aura pas de spectacle
pyrotechnique, pas de grand show »,
confirme le préfet de police. Le feu
d’artifice a été annulé. « Outre la sécurité, c’est une question de décence.
Cela aurait été comme déboucher
une bouteille de champagne », ajoute
le dircab’. De même, le mappingvidéo ne durera pas vingt minutes,
comme l’an dernier, mais dix
minutes, de 23 h 50 au décompte
précédant minuit. Ces images animées et colorées projetées sur les
deux côtés de l’Arc de triomphe –
modélisé en 3D – sont actuellement
conçue par l’agence d’événementiels Auditoire. Avant les attentats,
le thème retenu était l’Europe. « Il
nous est apparu plus pertinent d’évoquer le vivre-ensemble dans notre
ville », indique Mathias Vicherat. Le
conseiller artistique d’Anne Hidalgo, chargé des grands événements,
Stéphane Fiévet, précise : « Le
mapping-vidéo montrera un Paris
vivant, en action, et pas seulement
meurtri. Il célébrera la vie heureuse
dans Paris, avec des silhouettes de
couple, d’enfants, de danseurs, des
touristes qui déambulent, des gens
aux terrasses de cafés, qui vont aux
spectacles… Il sera sobre et digne,
Michel Cadot, préfet de police de Paris
S. muyLaert/WoStok PreSS
« Il était exclu d’organiser un grand spectacle »
Vous avez finalement autorisé
le grand rassemblement
du 31 décembre sur les
champs-élysées. Pourquoi ?
Dans le contexte très particulier lié aux dramatiques
attaques meurtrières que notre
pays a subies, il était exclu
d’organiser une grande fête avec un grand
spectacle. Ne serait-ce qu’au nom du respect
du souvenir des victimes. Par ailleurs, le
risque élevé de menace terroriste n’a pas
disparu. Cela conduit à prendre des précautions très fortes. Cela dit, les Parisiens
ont pris l’habitude depuis longtemps de se
retrouver le 31 décembre en fin de soirée
sur le Champ-de-Mars et sur les ChampsÉlysées, pour marquer le passage à une
nouvelle année avec d’autres Parisiens. La
Mairie de Paris a souhaité organiser cette
démarche spontanée de rencontres et de
partage. Et nous a demandé de respecter ces
habitudes, qui, de toute façon, échappent
à tout contrôle.
Vous avez été tenté d’interdire ce grand
rassemblement sur la voie publique…
Pour dire les choses simplement, j’ai
clairement indiqué à la maire de Paris
que le risque était élevé dans la période
que nous traversons. Plusieurs centaines
de milliers de personnes rassemblées au
même endroit, c’est très difficile à gérer.
Avec la menace terroriste, les forces de
police ont été extrêmement sollicitées
ces dernières semaines. Il n’a jamais été
question d’interdire quoi que ce soit, mais
il était nécessaire de limiter l’ampleur de
la manifestation, sans pour autant céder à
une réaction excessive. J’ai rendu compte
de mon appréciation au ministre de l’Intérieur, qui a rencontré la maire de Paris.
Nous avons trouvé un point d’équilibre
entre les mesures de précaution indispensable et l’habitude des Parisiens de
se retrouver sur les Champs-Élysées. Nous
nous sommes adaptés au contexte.
Les forces publiques mobilisées ce soir-là
seront-elles récompensées d’une manière
ou d’une autre ?
La question des marques de reconnaissance à donner aux forces publiques très fortement mobilisées depuis plusieurs semaines
dépasse le seul cadre du 31 décembre. Elle
est actuellement examinée par le gouvernement, qui donnera des signaux, au-delà des
indispensables repos qu’il faudra accorder à
ces personnels. D’ailleurs, dès lundi soir, le
ministre de l’Intérieur offrira un concert à
Bercy – Stars des années 1980 – aux 12.000
agents, pompiers, policiers, agents de la
mairie de Paris, des hôpitaux, des forces
de secours…, qui ont été engagés les 13 et
14 novembre.
ProPoS recUeILLIS Par B.G.
coloré et graphique. » La musique
doit être reprise en direct sur
l’ensemble des Champs-Élysées.
Le spectacle s’achèvera par le traditionnel décompte.
Pour des raisons de sécurité,
quatre écrans géants de 50 m²
seront disposés le long de l’avenue, entre l’Étoile et le rond-point
des Champs-Élysées, « pour éviter de trop grandes concentrations
de population au pied de l’Arc de
triomphe », note Michel Cadot. Ces
écrans serviront aussi à diffuser des
messages appelant à « la plus grande
prudence », sans être « anxiogènes ».
Certaines stations de métro baisseront les rideaux. Et les Champs
ne seront fermés à la circulation
automobile qu’à 23 h 15 et rouverts à
minuit et demi (contre 3 h du matin
en 2014), « afin de limiter le temps de
piétonnisation au strict minimum ».
Les errements nocturnes de fêtards
alcoolisés au beau milieu de l’avenue ne sont pas les bienvenus.
Une très forte présence policière est également prévue. « Nous
allons mobiliser davantage de policiers que l’an passé [1.700 fonctionnaires en 2014], qui effectueront des
contrôles aléatoires accrus. Mais
aussi davantage de pompiers, de
personnel de secours, de la CroixRouge ou de la protection civile »,
assure le préfet de police. De son
côté, la Mairie propose le renfort de
ses agents de la Direction de la prévention et de la protection (DPP),
qui joueront davantage un rôle de
« médiateurs ». En attendant le
mapping-vidéo, l’Arc de triomphe
se parera de bleu-blanc-rouge, un
drapeau français géant flottant au
vent projeté sur la façade de l’édifice. Anne Hidalgo sait déjà qu’elle
se rendra sur les Champs-Élysées le
31 décembre au soir. « Pour montrer
à ceux qui ont voulu nous abattre
qu’ils ne nous auront pas. » g
ii | paris
JDD | 20 décembre 2015
Pour vivre la magie
loiSirS Parcs pour princesses ou manèges pour petits, Père Noël, patinoires et
roberT MelCHer
Immeuble de la cité HLM Curial Cambrai, dans le 19e. Vincent iSore/iP3
35.000 logements à bas
prix pour le Grand Paris
inFo JDD Demain, l’État
annoncera un partenariat avec
une filiale de la Caisse
des dépôts pour accélérer
la construction de logements
sociaux et intermédiaires
MaTTHieu peCHberTY
@mpechberty
Le Grand Paris accélère sur le logement. Demain, le préfet d’Île-deFrance, Jean-François Carenco,
dévoilera une convention inédite
entre l’État et la Société nationale
immobilière (SNI), une filiale de
la Caisse des dépôts. Celle-ci gère
notamment Grand Paris Habitat,
la structure chargée de développer le logement social dans
ce nouveau périmètre régional.
L’État s’engage ainsi à construire
35.000 logements sociaux et intermédiaires dans les six prochaines
années, entre 2016 et 2021. La SNI,
déjà engagée sur le Grand Paris,
va ainsi bénéficier du soutien des
administrations pour mener à bien
ces objectifs de logements. D’ici à
2018, elle construira 8.000 logements sociaux et 9.000 logements
intermédiaires (à prix modéré) en
Île-de-France sur des terrains déjà
identifiés comme à Roissy (93),
Chelles (77) ou Massy (91) pour
les plus gros programmes. Dixhuit mille autres logements seront
ensuite construits sur la période de
2018 à 2021, mais sur des terrains
qui ne sont pas encore définis.
Logements sociaux construits en 2010,
rue Émile-Duployé, à la Goutte-d’Or.
Jelena StaJic/HanSlUcaS
La SNI investira 6 milliards
d’euros sur ces projets. « Grâce à
cet accord, nous devenons le véritable bras armé de l’État, explique
Manuel Flam, le directeur général de la SNI. Nous appliquerons
les objectifs du gouvernement en
matière de droit au logement ou
d’accueil des populations précaires. » C’est précisément ce
que cherche le préfet d’Île-deFrance, qui estime que les offices
HLM ne produisent pas assez de
logements sociaux dans le cadre
du Grand Paris. Mettre en selle
la filiale de la Caisse des dépôts
lui permet de donner un coup
de pied dans la fourmilière et de
secouer le monde du logement
social en favorisant un concurrent. L’État pourra ainsi se targuer de mettre en œuvre une
politique publique de logement
pour le Grand Paris.
Tordre le bras aux élus locaux
récalcitrants
Pour la SNI, il s’agit surtout
d’utiliser l’État pour accélérer
ses projets immobiliers, toujours
longs à sortir de terre. Demain,
Jean-François Carenco s’engagera « à tout mettre en œuvre pour
faire délivrer, par les services départementaux de l’État, les agréments et subventions nécessaires
à la réalisation des logements ».
Manière de dire que tous les
échelons publics seront mobilisés. Reste aussi que cet accord
sera un levier politique fort pour
tordre le bras des élus locaux, qui
rechignent à libérer de l’espace
foncier. « Certains sont réticents
à construire des logements intermédiaires et attirer des classes
moyennes qui bouleverseraient
leur cartographie électorale », explique étonnamment André Yché,
le président de la SNI. D’autres,
comme à Sarcelles, refusent d’intégrer plus de logements sociaux,
jugent qu’ils en ont déjà beaucoup, et préfèrent davantage de
classes moyennes. Pour les forcer,
l’État n’hésitera désormais pas à
brandir la menace de la préemption des terrains. Car il dispose
désormais d’un promoteur à sa
main pour construire. g
@RobertRmelcher
b noël au bois de boulogne
Où retrouver Guignol, le Père Noël,
des illuminations féeriques et des
dizaines d’attractions aux portes
de la capitale ? En cette fin d’année,
le Jardin d’Acclimatation sort ses
plus beaux atours pour séduire les
familles. Ateliers de modelage et de
cuisine, théâtre et comédies musicales, un bon nombre de divertissements ont été conçus pour ravir
les tout-petits, ceux que la magie
de Noël enchante le plus. Dès la
tombée de la nuit (vers 17 h), des
oiseaux géants scintillent dans les
arbres, une arche phosphorescente
déploie son halo sous lequel marcher, les sapins s’illuminent et des
bouquets de lasers multicolores
font rêver les aventuriers en herbe.
Nonobstant la douceur actuelle,
une patinoire de 400 m² accueille
champions et débutants (tous les
jours de 10 h à 20 h), y compris le
jour de Noël et le jour de l’An. Pour
les plus petits, à partir de 2 ans, un
jardin des neiges et sa patinoire
afin de s’initier aux joies du patinage. On a cru comprendre que
du 19 au 24 décembre, c’est le Père
Noël en personne qui attendrait les
enfants pas trop loin de son traîneau et de ses rennes… des neiges.
Marché de Noël pour les parents
et les gourmands.
Jardin d’acclimatation, bois de boulogne
(16e). entrée : 3 €, 1,50 € (tarif réduit).
ouvert tous les jours de 10 h à 20 h.
renseignez-vous sur les horaires des
activités sur le site.
rens. : 01 40 67 90 85
ou jardindacclimatation.fr.
b parades chez la reine
des neiges
C’est dans un décor unique en
Europe que Mickey et ses amis
invitent petits et grands à partager
la Magie des lumières de Noël. Ce
nouveau spectacle du double parc
d’attractions à Marne-la-Vallée est
présenté tous les jours, matin et
soir, au pied de l’immense sapin de
L’immense sapin illuminé de Disneyland Paris à l’entrée du parc. SylVain caMBon
Ci-dessus et à droite, bouquets de lasers
multicolores et patinoire du Jardin
d’Acclimatation. Dr
Disneyland Paris. Le Père Noël est
aussi l’une des vedettes de la Parade, qui déploie sa bonne humeur
dans les rues du parc joliment décoré, avec Mickey, Minnie, Dingo,
Tic et Tac, Donald, Daisy, et évidemment Riri, Fifi et Loulou… À
découvrir trois fois par jour, donc
immanquable quelle que soit votre
heure d’arrivée. Le spectacle préféré de l’année dernière reste aussi
à l’affiche : Chantons la Reine des
neiges est de retour à Frontierland. Une production musicale qui
se veut « givrée », tout en danses
et chants où le public est invité
à participer. Après avoir retenu
leur souffle dans l’ascenseur diabolique de Tower of Terror ou
chantonné (discrètement) dans
les barques de It’s a Small World,
les plus malins resteront tard pour
assister à Disney Dreams. Tous les
soirs, Olaf, le sympathique bonhomme de neige dirige (virtuellement) cette superproduction
spectaculaire où projections
de lumières, de jets d’eau, d’effets spéciaux et de feux d’artifice s’entremêlent pour le plus
Du rêve sous les chapi
SpeCTaCleS Énergie communicative, paillettes ou féerie hollywoodienne, petite
Marie-anne Kleiber
@Makleiber
b l’envol jubilatoire des voltigeurs
Préparez-vous au décollage, à un
shoot d’optimisme, à un élan général qui vous emporte et fait du bien
en cette fin d’année plombante. Il
n’est pas encore minuit…, le nouveau spectacle de la compagnie de
cirque contemporain XY, annonce
la couleur : le bal n’est pas fini, la
fête bat encore son plein. L’on
en ressort le cœur et
le corps bondissants,
plein d’optimisme,
après un show de
haute voltige, où
l’on ne sait
où donner
de la tête.
Vingtd e u x
acrobates
ont en effet investi le plateau, ils sont endimanchés,
portant des chemises, des
bretelles, des cravates.
Tout commence
par une bagarre
générale, dans un
grand chaos chahu-
teur, chorégraphié par Loïc Touzé.
Puis les artistes dressent des colonnes humaines, fragiles, les pieds
sur les épaules les uns des autres.
Une ronde un peu hésitante, où
l’on fait confiance à celui qui vous
porte, au collectif. Les sauts périlleux s’enchaînent, fusent des
quatre coins de la scène. Les
danseurs sautent sur des
bascules et volent dans
les airs ou sont propulsés sur des planches en
bois tenues par le reste
du groupe (à la sortie, le
public médusé touche
les planches, certains
les croyaient souples
tant les acrobates rebondissaient dessus pendant le
spectacle). Parfois ils chutent,
mais ils remontent toujours
sur les folles pyramides humaines. Une pause soudaine
dans ce feu d’artifice visuel :
ce moment suspendu, où
une jeune femme marche
en équilibre, calant ses pieds
sur les mains des artistes
couchés au sol, et qui la
portent. Tout finit par
une danse de rue inventée à Harlem
dans les années 1920, un lindy hop
effréné, d’une joie sauvage.
il n’est pas encore minuit…, de la
compagnie XY, jusqu’au 27 décembre,
à la Villette (19e), le 22 janvier
à Herblay (95), les 23, 24 et 25 mars
au Théâtre les Gémeaux, à Sceaux (92).
lavillette. com
b Clown, tigres et perroquets
Amateurs de cirque « à l’ancienne »
avec monsieur Loyal en chef d’orchestre, le nouveau spectacle de la
famille Bouglione est pour vous. On
y retrouve des numéros avec des
animaux dressés, doux comme des
agneaux, comme celui des tigres (en
cage), ou des perroquets poussant
un Caddie et s’envolant ensuite
dans un flamboiement de plumes
sous le chapiteau en dur du Cirque
d’hiver. Tous les artistes sont excellents dans leur spécialité telles ces
jongleuses chinoises roulant en monocycle et se lançant de tête à tête
des plats, ou ces drôles de dames
trapézistes, en tenue charleston,
swinguant joyeusement dans les
airs. Le clown s’amuse à faire jouer
des saynètes à des spectateurs pliés
de rire. Seul bémol : entre chaque
paris | iii
jdd | 20 décembre 2015
des fêtes en famille
spectacles en tout genre, notre sélection de sorties à partager
Bonnes taBles
aurélie chaigneau
l’adresse du dimanche
Trattoria Pulcinella (18e),
italien du coin
C’est le petit italien de quartier.
L’incontournable, avec ses clients
de toujours et ceux de passage,
toujours plein derrière ses vitres
embuées. Et bruyant parce qu’il
est vivant. On y fait souvent (un
peu) la queue. On y mange
serré-serré parce que plus il y a
de tables dans un petit lieu, plus
c’est chaleureux. Le service
est souriant, détendu et
sympathique. L’assiette – elle –
est italienne, forcément, dans
le genre traditionnelle, familiale.
Ce n’est pas le meilleur italien
de Paris, les pizzas et les pâtes
ne vous feront pas rêver la nuit,
mais elles sont honnêtes et sans
prétention.
On y trouve les
6/10
classiques margherita,
parma, calzone mais
aussi la pizza du jour : mozza,
champignons, speck, gorgonzola,
tomates cerises, bien généreuse
(16,50 €). Du côté de la pasta, on
s’est rempli la panse de tortellini
farcis à la ricotta et aux épinards
avec une crème de truffe,
copieusement. En dessert, petite
pannacotta un peu simplette mais
le charme opère quand même.
À arroser de vins de soif.
Pas de réservation après 20 h.
Trattoria Pulcinella, 2, rue EugèneSue (18e). 7j/7. Pizza entre 9,90 €
et 16,50 €. Pâtes : 15 € environ.
Tél. : 01 42 23 78 29.
la découverte de la semaine
Parcs Disneyland Paris, Chessy (Seineet-Marne), de 9 h à 22 h jusqu’au
7 janvier. Billet : adulte 69 € ; 62 €
enfant (un parc). Rens. : 0 825 300 500
ou disneylandparis.fr
b Contes aux châteaux
Animations, ateliers, contes, visites
guidées en famille…. Une dizaine de
monuments parisiens et franciliens
proposent Contes & Histoires pour
se distraire différemment pendant
les fêtes, notamment dans quelquesuns des joyaux architecturaux ou
historiques de la région. La Compagnie du Grand Théâtre au Panthéon, la basilique de Saint-Denis
et ses Grandes Robes royales, mais
aussi les châteaux de Rambouillet
avec la troupe théâtrale du Crâne, ou
le parc de Saint-Cloud avec sa Promenade contée, promettent de forts
agréables (et instructifs) moments
dans ces lieux chargés d’histoire.
Centre des Monuments nationaux.
Entrée et animations gratuites pour
les moins de 18 ans. Tarif adultes et
réservation indispensable auprès des
monuments. Jusqu’au dimanche 3. Rens. :
01 44 61 21 50 ou monuments-nationaux.fr
b Tours de manège gratuits
Depuis hier et jusqu’au dimanche 3 janvier, une vingtaine de
manèges sont en accès gratuit dans
une vingtaine de lieux à Paris, de 11 h
à 21 h, place de la Concorde, place
Dauphine ou place d’Italie.
liste des manèges : quefaire.paris.fr
b Attractions sous la Grande Nef
Une grande roue de 30 m de
haut a commencé à tournoyer
à l’intérieur du Grand Palais
pour offrir aux visiteurs l’occasion d’admirer au plus près cette
superbe verrière centenaire… à
l’abri des intempéries. Plus de 40
autres attractions ont pris place
en ces lieux pour Jours de fêtes,
où autos tamponneuses, stands
de tir à la carabine, voltigeurs et
chevaux de bois attendent petits
et grands. g
Nef du Grand Palais, accès via l’avenue
Winston-Churchill (8e). Tarifs : adultes
20 €; enfant15€ pour les manèges
en illimité. Tous les jours de 11 h 00
à 0h00, jusqu’au dimanche 3.
Rens. : grandpalais.fr
teaux
revue de cirques
numéro, vient parader une troupe
de danseuses en tenue de cabaret,
paillettes à gogo, qu’on verrait davantage au Moulin-Rouge…
Oïshinoya (2e), japonaise
de luxe
Par la galerie Montmartre,
on accède au passage des
Panoramas, celui des restaurants
pépites : Racines, Coinstot Vino ou
encore Passage 53 et le Gyoza Bar.
C’est d’ailleurs le duo de ces deux
derniers lieux, Guillaume Guedj
et le chef Shinichi Sato qui se sont
offert, après le restaurant
gastronomique et le bar à gyoza,
une mignonne cantine nippone.
Dans un décor bois brut,
et pierres, on mange des bols
de haut vol, perchés sur tables
hautes. Au bout des baguettes,
du riz moelleux délicatement
parfumé et accompagné de tofu,
de cochon ou encore de bœuf
d’Ozaki bio, provenant de
l’élevage réputé de
Muneharu Ozaki. On
6,5/10
aime le gras du wagyu
qui fond dans la bouche,
les petits radis posés dessus et
l’œuf qui vient enrober le tout.
Bon, pour ce petit bol de bœuf
bio, il faudra quand même sortir
30 €, ce qui fait d’Oïshinoya une
des cantines les plus snobs de
Paris. Si vous voulez garder les
pieds sur terre, les bols de tofu
ou de cochon sont à 11 €. Avec
une petite soupe miso en entrée
(2,50 €) et un thé vert en guise
de dessert, l’affaire est conclue en
moins de quarante-cinq minutes.
Oïshinoya, 24, galerie
Montmartre (2e). Fermé
le dimanche. Bol, de 9 à 30 €.
Tél. : 01 42 33 78 12.
retour chez…
Rire, du cirque Bouglione, au Cirque
d’hiver (11e), jusqu’au 6 mars.
cirquedhiver.com
b Départ pour l’île enchantée
Lumière bleutée, forêt de grandes
tiges évoquant des plumes de paon
et mobiles végétaux au-dessus des
rangées de sièges… Le décor est
planté : celui d’un monde imaginaire nommé Amaluna. Le Cirque
du Soleil y déroule le fil d’une histoire intemporelle, celle de la rencontre entre une princesse (sirène
contorsionniste plongeant dans
l’eau), et un jeune marin nommé
Roméo (grimpeur de mât tatoué et
musclé). Hommes-paons déployant
une parure de plumes, hommes-lézards, hommes-panthères ou guerrières rouges peuplent ce drôle de
monde et y réalisent des prouesses
acrobatiques, comme ce numéro
aux agrès asymétriques mené tambour battant. Les costumes sont
spectaculaires, assez chargés, et
d’une esthétique très heroic fan-
Luxueuse cantine nippone, entre Palais Brongniart et feu Palace, dans l’antique
quartier de la presse. Julien De FOnTenAY POuR le JDD
Un monde de conte de fées et de jongleurs à peau de léopard au Cirque du Soleil. DR
tasy. Les musiciennes jouent les
rockeuses gothiques d’opérette.
Deux gentils clowns, le capitaine
du navire naufragé et une grosse
nounou parlant un charabia mêlant
plusieurs langues se tirent dessus à
coup de pistolets à bisous. Dans cet
univers de conte de fées, un instant
de grâce : une jeune femme monte,
pièce après pièce, un squelette de
bête fabuleuse qui ne tient que
par un grand mystère et un sens
incroyable de l’équilibre. Pas de
guitares électriques, ni de basses
saturées pendant qu’elle construit
la fragile armature en bois et la tient
d’une main, piochant les tiges avec
ses pieds. Juste sa respiration am-
plifiée par un micro. La salle se tait,
subjuguée.
Amaluna, Cirque du Soleil jusqu’au
3 janvier, à Bagatelle, dans le bois
de Boulogne (16e). cirquedusoleil.com
b Aller voir les Arts forains
Comme chaque fin d’année, le
musée des Arts forains à Bercy
ouvre ses portes et présente ses
trésors datant de la Belle Époque,
des manèges et attractions qui
fonctionnent toujours. Des visites
spectacles seront organisées. g
Du 20 décembre au 3 janvier,
aux pavillons de Bercy (12e). Visites
spectacles de deux heures, sur
réservation uniquementarts-forains.com
restaurant claude colliot (4e)
chaud au cœur
Il fait partie de ces chefs discrets
qui ne quittent pas leur cuisine.
Derrière son piano ouvert sur
une salle épurée et design, tout
en bois et vieilles pierres, Claude
Colliot concocte des assiettes
de haut vol, précises, travaillées,
pleine d’idées et d’accords qui
surprennent toujours. Cette
semaine, à l’heure du déjeuner,
le service y était éminemment
sympathique, connaisseur et
chaleureux – en un mot, enrobant
– et les petits plats sans fioriture,
parfois lumineux. Tout a
commencé par un velouté de
courge, bergamote, citron et
romarin, qui, loin de rappeler celui
de notre mère ou grand-mère,
nous a réveillés avec ses accords
qui détonnent (11 €). Ensuite,
croustillant de ris de veau
gourmand et tendre à l’intérieur,
servi avec un condiment mangue
verte et poivre (31 €).
En dessert, on a testé et 8/10
aimé le « tout blanc »
de poire : poire, sorbet
et chantilly, épuré et délicat
(12 €). Évidemment les prix sont
à la hauteur de ces produits
de belle qualité. Un déjeuner
comme un cadeau avant les fêtes.
Restaurant Claude Colliot, 40, rue
des Blancs-Manteaux (4e). Fermé
dimanche et lundi. Menus : 62 et
79 €. À la carte, entre 55 et 70 €
environ (hb). Tél. : 01 42 71 55 45.
Julien De FOnTenAY POuR le JDD
grand émerveillement de tous.
iV | Paris | que faire aujourd’hui
JDD | 20 décembre 2015
En famille
À l’extérieur
À l’intérieur
CouP de Cœur
en famille
Ça CommenCe
C’est gratuit
la fête à l’hyppodrome
tradition coréenne
fête foraine sous la nef
nouveaux talents de l’art
ParCe qu’en marge des neuf courses du jour
de nombreuses animations sont organisées
dans le cadre du « Superdimanche » : baptême
de poney, manège carrousel, etc.
Hippodrome de Vincennes (12e),
M° Château-de-Vincennes. De 12 h à 18 h.
Tarif : 3 €. superdimanche.com
ParCe que percussions et danses coréennes,
au programme de Paris Nanjang,
accompagnent les musiques traditionnelles.
Dans le cadre du Festival de l’imaginaire.
ParCe qu’une cinquantaine de forains
s’installent sous la nef du Grand Palais pour
l’événement Jours de fêtes. Grande roue de
30 m, autos tamponneuses, chevaux de bois...
ParCe que 600 artistes contemporains
internationaux exposent au Salon
des beaux-arts, événement défricheur
de nouveaux talents.
Théâtre du Soleil, M° Château-de-Vincennes.
À 15 h 30. Tarifs : 29 €, 24 € (réduit).
festivaldelimaginaire.com
Grand Palais (8e), M° Champs-ÉlyséesClemenceau. De 11 h à 23 h 30. Tarifs : 20 €,
15 € (enfants). grandpalais.fr
Carrousel du Louvre (1er), M° Palais-Royal.
De 10 h à 18 h. Gratuit.
salondesbeauxarts.com
8e
le Génie de VinCi
Pinacothèque, M° Madeleine.
Des fragments du Codex Atlanticus,
recueil de dessins énigmatiques
et de notes de travail de Léonard
de Vinci, sont présentés dans le cadre
de l’exposition « Leonard de Vinci, Il
Genio ». Le parcours présente aussi
des maquettes d’inventions.
3e
De 10 h 30 à 18 h 30. Tarifs : 13 €,
11 € (réduit). Pinacotheque.com
18e
Courts métraGes
Carreau du Temple, M° Temple.
Une vingtaine de films sont projetés
aujourd’hui à la Fête des courts
métrages. Des créations récentes
mais aussi quelques classiques, dont
une sélection de courts métrages
de Buster Keaton et d’Alain
Guiraudie.
De 9 h à 19 h. Gratuit.
Carreaudutemple.eu
10e
Jeunes Créateurs
Point éphémère, M° Jaurès.
Une vingtaine de jeunes créateurs
proposent des vêtements, bijoux,
accessoires de mode, objets
de décoration et autres idées
cadeaux. Également, espace
restauration et DJ set.
De 12 h à 19 h. Gratuit.
pointephemere.org
Le Trianon, M° Anvers.
La Famille Semianyki, troupe de clowns mimes
venus de Russie, mélange la poésie et le burlesque
dans un spectacle entièrement muet qui raconte
le quotidien absurde d’une famille déjantée.
Face à l’Hôtel-de-Ville, Versailles.
Une patinoire de 300 m² en matière
synthétique pour glisser comme sur de
la glace. À proximité, un traditionnel
chalet de bois pour se réchauffer avec
du vin chaud, des gaufres, des crêpes…
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris,
M° Alma-Marceau.
La suite des « Shadows » est présentée pour
la première fois en Europe. Ces 102 toiles
sérigraphiées se déploient sur une longueur
de 130 m, alternant ombres et couleurs de façon
hypnotiques. L’expo est complétée par
d’autres séries de Warhol comme les « Flowers »
ou les « Mao ».
De 10 h à 12 h et de 14 h à 19 h. Tarifs :
7 €, 5 €, 4 € (sans location de patins).
91
Vide-Greniers
De 10 h à 18 h. Tarifs : 12 €, 9 € (réduit).
mam.paris.fr
Accorhotels Arena, M° Bercy.
Lio, Début de soirée, Cookie Dingler, Jean-Pierre Mader,
Julie Pietri, Émile & Images, Phil Barney ou encore
Patrick Hernandez participent à Stars 80, un concert
regroupant des vedettes de la variété de l’époque.
À 20 h. Tarifs : 49,40 € à 69,20 €. accorhotelsarena.com
19e
Piaf et CoCteau
14e
Belle BroCante
Place Jacques-Demy, M° Mouton-Duvernet.
Une centaine d’exposants, professionnels
de l’antiquité-brocante, attendent les chineurs sur
la place Jacques-Demy. Objets d’art, mobiliers anciens,
décoration, etc.
De 7 h à 19 h. ohvl.net
Philharmonie de Paris, M° Porte-de-Pantin.
Le spectacle Une journée particulière rend
hommage à Piaf et Cocteau, tous deux décédés
le 11 octobre 1963. Chansons et textes interprétés
par Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la
Comédie-Française, et la chanteuse Camélia
Jordana, accompagnés par Donia Berriri au piano.
À 18 h. Tarif : 25 €. philharmoniedeparis.fr
Château de Breteuil.
Contes de Perrault, visites guidées,
jeux de piste et décorations de Noël au
programme des vacances au château
de Breteuil. L’après-midi, atelier de
couture pour confectionner son bonnet
de lutin (supplément 3 €).
Patinoire éColo
warhol en série
Variété des années 1980
Contes de noël
78
À 16 h. Tarifs : de 23 € à 59 €. letrianon.fr
12e
78
De 10 h à 20 h. Tarifs : 15,90 €,
12,90 € (enfants). breteuil.fr
Clowneries russes
16e
Île-de-france
12e
Produits de la ferme
Parc Floral, M° Château-de-Vincennes.
Soixante-dix exposants sont attendus pour cette
nouvelle édition du Pari fermier, marché de vente
directe du producteur au consommateur.
Charcuteries, formages, fruits et légumes, vins,
confiseries, etc.
De 10 h à 18 h. Gratuit (invitation à télécharger).
parifermier.com
Essonne.
Trois cents exposants attendus pour un
vide-greniers sur le parking de la
discothèque l’Acropole, à
Chilly-Mazarin, ainsi que sur le parking
du Cossom, à Linas. Également,
200 exposants attendus en intérieur,
dans la galerie marchande de Géant
Casino à Saint-Michel-sur-Orge.
À partir de 8 h. Gratuit.
93
artisans et Créateurs
Parvis de la basilique de Saint-Denis.
À l’occasion de la Fête des savoir-faire
solidaires, une soixantaine d’exposants
présentent leurs créations : bijoux,
objets de décoration, accessoires de
mode, etc. Également, démonstrations
d’artisanat, exposition sur le climat et
spectacle de clown sur la biodiversité.
De 10 h à 20 h. Gratuit.
foiresavoirfaire.com

Documents pareils

J.D.D. - entree

J.D.D. - entree une interview ordinaire. D’abord, parce que le Premier ministre s’explique sur la réforme du Code du travail au moment où beaucoup croient à une « explosion sociale » ou la craignent. ensuite, parc...

Plus en détail

Le Journal du Dimanche 10 Janvier 2016

Le Journal du Dimanche 10 Janvier 2016 à décroître malgré les dispositifs déjà pris, notamment le pacte de responsabilité, et en dépit d’une conjoncture très favorable sur les prix du pétrole, le dollar et les taux d’intérêt. Selon l’In...

Plus en détail