Leroidupapiertoilette,chéridesmarchés
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2 0123 plein cadre Mercredi 17 juillet 2013 Dans l’usine Svenska Cellulosa de Gien, dans le Loiret. MATHIEURONDEL/ RESERVOIRPHOTO POUR « LE MONDE » Le roi du papier toilette, chéri des marchés Numéro un européen du papier, le suédois SCA a pris 60% en Bourse en un an. Ce n’est sans doute qu’un début I maginez un monumental rouleau de papier toilette rose comme seul un géant pourrait en avoir l’usage. Plus de 2 mètres et demi de haut, et 2 tonnes pièce sur la balance ! Des bobinesde ce type,l’usine Svenska Cellulosa de Gien, dans le Loiret, en fabrique des dizaines et des dizaines chaque jour. Le papier est ensuite découpé en rouleaux de taille standard étiquetés Lotus ou Moltonel, et expédiés partout en France. Près de 2 millions de rouleaux de papier toilette et 7 millions de mouchoirs en papier sortent de Gien sept jours sur sept, pratiquement 365 jours par an. « L’usine est au taquet, et cette année, on n’a même pas arrêté les machines au Jour de l’an, la demande était trop forte », explique le directeur du site, Bruno Voisin, la mine réjouie. Dans une industrie papetière sinistrée en France comme en Europe, Svenska Cellulosa (SCA) fait figure d’exception. Numéro un européen, le colosse suédois est au mieux de sa forme, comme devraient le confirmer les résultats semestriels attendusjeudi 18juillet.Quandtant d’autresferment leurs installations, la direction réfléchit au contraire à de nouveaux investissements. A Gien, la principale usine du groupe dans l’Hexagone, M. Voisin prépare ainsilamiseenplaced’unechaudièrebiomasse pour réduire les émissions de CO2, et rêved’unelignedeproductionsupplémentaire. Mais c’est encore en Bourse que le succès de SCA se mesure le mieux. A Stockholm, son action a grimpé de 60 % en un an, portant la valorisation du groupe à 14,2milliards d’euros, un sommet historique. « Et ce n’est que le début de l’histoire, assure Guillaume Delmas, analyste financier chez Nomura à Londres. La Bourse n’a pas encore intégré à quel point le groupe avait changé, et combien la rentabilité du nouveau SCA allait progresser.» Les analystes de Morgan Stanley sont tout aussi optimistes.Selon eux, les profits du groupe devraient monter en moyenne de19% paran d’ici à 2015,«la meilleureperformance attendue dans le secteur ». De quoi justifier une poursuite de l’ascension enBourse,oùlecoursdeSCApourraitencore gagner 30%, voire 40 % en un an. Si le géant scandinave sort ainsi du lot dans une industrie papetière en pleine crise,c’est… qu’il n’est plusvraimentun papetier. Ou qu’il n’est plus considéré comme tel. En deux ans, SCA a cédé toutes ses usines d’emballage, pour se concentrer sur les essuie-tout, le papier toilette, les couchesculottes ou encore les serviettes hygiéni- PRÈS DE 2 MILLIONS DE ROULEAUX DE PAPIER TOILETTE ET 7 MILLIONS DE MOUCHOIRS SORTENT DE GIEN SEPT JOURS SUR SEPT, PRESQUE 365 JOURS PAR AN ques.Un domaine danslequel il s’estnettement renforcé en reprenant les activités européennes de son rival américain Georgia Pacific, dont la marque Lotus – la « Rolls du papier toilette» – et le site de Gien. Dans l’Hexagone, cette acquisition bouclée il y a un an a changé du tout au tout les contours du groupe. L’effectif est passé de 750 à 2 750 personnes, et SCA France compte désormais six usines au lieu de deux. A son catalogue, figurent à présent Lotus et Moltonel, mais aussi Demak’Up, Nana ou Okay. Plus discrètement, c’est aussi de ses usines que sort une bonne partie des produits équivalents vendus par Auchan, Carrefour, etc., sous leurs propres labels. «Plus qu’un fabricant de papier, le groupeestmaintenantclasséparmilesspécialistes des biens de grande consommation, comme Procter & Gamble, Unilever ou L’Oréal, qui sont beaucoup mieux cotés en Bourse», explique M. Delmas, de Nomura. Oubliez l’industrie lourde, ces cycles infernaux et son image de graisse, de vis et de boulons. Place aux joies du marketing, de l’innovation et de la publicité. Voire du luxe, les marquesmaison se plaçant plutôt dans le haut de gamme, même si elles répondent à des besoins de base. «SCAa encoreducheminàfaire pourressembler à des groupes comme Henkel ou L’Oréal, mais la perception des investisseurs a déjà changé, confirme Linus Larsson, analyste chez Skandinaviska Enskilda Banken. En trois ans, la part des étrangers dans le capital est d’ailleurs passée de 41% à 56%. »Le premieractionnaire,détenteur de 29 % des droits de vote, reste cependantIndustrivärden,unfondssuédoispré- sent au tour de table depuis plus de cinquante ans. Une stabilité considérée comme une des clés du succès. Le marketing peut faire des miracles. Pourassurer sa croissance,le groupe regarde bien sûr du côté du Brésil et de la Chine, où il pourrait réaliser des acquisitions. Mais, récession ou pas, « l’Europe reste notre priorité », précise Marc Sanchez, le patron de SCA en France. Grâce au marketing, « nous pensons y avoir encore de vraies possibilités de développement ». Notamment en gagnant du terrain sur la concurrence dans des marchés stagnants comme le papier toilette. En utilisant la marque Lotus pour d’autres produits que la gamme actuelle. Et en profitant de l’essor des produits contre l’incontinence, un marché en hausse de 6 % par an compte tenu du vieillissement de la population. C’est déjà dans l’incontinence que le groupe dégage ses meilleures marges. Il faut dire que sa marque Tena domine largement le secteur: en France, sa part de marché en grande distribution dépasse 61 %! S imultanément, l’intégration de Georgia Pacific doit entraîner des économies d’échelle et se traduire pardes bénéficessonnants et trébuchants. En France, par exemple, il n’y aura bientôt plus qu’un siège social au lieu de deux, et la réorganisation pourrait amener à supprimer une petite centaine de postes. Un plan de sauvegarde de l’emploi est en cours de négociation. « Après le rachat, on a fait des comparaisons avec SCA et constaté qu’à Gien on avait une marge de progrès en matière de DANS UNE INDUSTRIE PAPETIÈRE SINISTRÉE EN FRANCE COMME EN EUROPE, SVENSKA CELLULOSA FAIT FIGURE D’EXCEPTION productivité, note M. Voisin, un ancien de Georgia Pacific. On démarre donc un programme pour améliorer le tonnage par personne,en rendant les équipes plus autonomes. » Au niveau mondial, SCA espère économiser 500 millions d’euros d’ici à 2016 grâce à des mesures de ce type. « Aujourd’hui, l’alignement des astres est très favorable à SCA, résume-t-on chez Nomura. Entre la transformation du groupe, les économies de coût, l’affaiblissement de certains concurrents et les taux de change qui devraient devenir moins défavorables aux industriels suédois, la marge bénéficiaire devrait nettement se redresser à partir du second semestre. » Sans oublier la possible vente des activités forestières de SCA, une opération sur laquelle parient nombre de fonds anglosaxons. Le groupe pourrait en tirer 6 milliards d’euros, en réalisant une énorme plus-value, s’enflamment les analystes. Il faut dire qu’avec ses 2 millions d’hectares dans le nord de la Suède, SCA est le plus grand propriétaireprivé de forêts en Europe et l’un des principaux fabricants de produits en bois. Céder cette branche, qui ne représente plus que 20 % du chiffre d’affaires, pourrait constituer le dernier acte logique du recentrage. L’affaire n’est « pas d’actualité », affirme la direction, visiblement attachée aux activités forestières qui ont donné naissance au groupe, en 1929. Mais ce pourrait être une bonne monnaie d’échange le jour où une grande acquisition se présentera dans les produits d’hygiène. p Denis Cosnard La bataille des couches-culottes repart de plus belle REVIENDRA, reviendra pas ? La décision n’a pas encore été annoncée. Mais chez Svenska Cellulosa (SCA), la question est à l’ordre du jour. Le géant suédois envisage sérieusement de faire son retour sur le marché français des couches-culottes, dont il fut le leader à la fin des années 1980, avant d’essuyer plusieurs échecs et de s’en retirer. A l’origine des interrogations de SCA, une raison simple: l’affaiblissement de son principal concurrent en Europe dans les produits d’hygiène, Kimberly-Clark, connu pour sa marque Huggies. Jugeant le marché européen vraiment trop dur et peu porteur, l’industriel américain a décidé en octobre 2012 d’arrêter d’y vendre des couches, sauf en Italie. A la clé, une énorme restructuration, touchant 1 300 à 1 500 postes. Aujourd’hui, ce retrait est quasiment achevé. Plusieurs usines ont été fermées, et « nous avons cessé de livrer des couches depuis le début du deuxième trimestre», indique-t-on chez Kimberly-Clark. Huggies, qui représentait environ 12 % du marché européen, a donc désormais disparu des rayons dans dix-huit pays, dont la France. De quoi relancer la bataille entre Procter & Gamble, intouchable lea- der avec ses Pampers, et ses rivaux, qui produisent surtout sous des marques de distributeurs. SCA, pour sa part, espère bien profiter du retrait de Kimberly-Clark pour grappiller des parts de marché, et peut-être se relancer en France. «Ne pas étudier cette possibilité serait une faute professionnelle», commente Marc Sanchez, le patron du groupe dans l’Hexagone. Les couches-culottes sont en effet l’une des activités majeures de SCA, qui estime détenir 5 % du marché dans le monde et 12 % en Europe, notamment grâce à sa marque Libero. Mais y a-t-il de la place en France pour une autre grande marque que Pampers? Chez SCA on reste prudent, compte tenu des déboires passés. En 1988, le groupe avait acheté à Bernard Arnault la marque Peaudouce, alors très forte. Mais elle n’avait pas résisté à l’arrivée de Pampers. SCA l’avait revendue huit ans plus tard à Kimberly-Clark, qui l’a finalement stoppée. L’industriel suédois n’avait gardé que l’usine de Linselles, près de Tourcoing, fermée elle aussi à présent. En France, SCA ne propose plus que des couches destinées aux premiers pas des enfants, sous la marque Libero Up & Go. p De. C.