Débat Syndex Logement social
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Débat Syndex Logement social
Journée débat Logement social, Évolution et Avenir 13 octobre 2011 - Le Comptoir général, Paris 10e Syndex. Logement social : évolution et avenir Sont intervenus : Lahouari Boubekeur URI CFDT Île-de-France, secrétaire régional en charge de l’approche syndicale de la ville Marc Boucoiran Élu DP SNI Céline Brandeleer « Pour la solidarité », Think Tank européen, coordinatrice de l’Observatoire du logement durable Emmanuel Chardon Représentant CFDT, ADOMA Axelle Culdaut Secrétaire du comité de groupe du Groupe SNI Francis Deplace Directeur de l’association de recherche et développement Delphis Aude Evin Conseillère régionale d’Île-de-France, présidente de la commission Logement Françoise Gaudel Administrateur LOGEO Corinne Goulet Chargée de clientèle Domaxis Marie Guillot Secrétaire du CE Dynacité-OPH de l’Ain Sylvain Leplâtre Chargé de mission, ICF Jean-Luc Madinier Délégué syndical CFE-CGC, Osica Groupe SNI Todine Siban Représentante CE-CHSCT, ICF La Sablière Alexandre Trehoux Élu CE SUD-Logement social ADOMA et pour Syndex : sur les thèmes : Le groupe BTP Logement et territoire, le déséquilibre Que peuvent les collectivités locales ? Une politique orientée vers les classes moyennes Missions d’insertion, DALO Mobilité, propriété, parcours résidentiel La RSE, présentation et échange Financement du logement social Les effets de la mutation sur l’emploi Transfert de propriété et conséquences sur le personnel Une crise européenne du logement 2 Syndex. Logement social : évolution et avenir Ouverture Jean-Paul Raillard, Syndex est heureux de vous accueillir dans ce lieu symbolique qui héDirecteur général de Syndex berge l’association des Enfants de Don Quichotte. L’association s’est beaucoup investie dans la défense des droits au logement. Cette lutte citoyenne, pacifique et non partisane nous correspond bien. Cette journée confirme l’engagement de Syndex auprès des organisations syndicales, des institutions représentatives du personnel et auprès des acteurs du logement. Dans notre métier, nous cherchons à apporter une vision stratégique d’ordre économique et social aux représentants des salariés qui nous mandatent pour leur donner les moyens de se positionner. Le logement est l’un de nos secteurs d’activité sur l’ensemble du territoire. Pourquoi un colloque sur le logement social ? L’actualité de cette question dans la période difficile que traverse l’économie européenne, c’est d’abord le manque criant de logements sociaux, c’est la question du droit au logement et celle du pouvoir d’achat. Le secteur connaît des bouleversements avec la baisse drastique du nombre de collecteurs du 1 % logement et l’apparition de plans sociaux. Les emplois et les qualifications du secteur vont évoluer et c’est notre rôle d’aider les acteurs à anticiper les choses. L’accord des partenaires sociaux du 29 avril 2011 sur l’emploi et le droit au logement des jeunes appelle un investissement important. Or le gouvernement, pour cause d’exigences budgétaires, compromet la construction des 45 000 logements prévus sur trois ans, et met à mal le dialogue social. Nous allons discuter de tout cela ; nous allons vous présenter ce que nous observons dans nos missions, et nous allons surtout entendre ce que vous avez à nous dire pour faire progresser nos connaissances partagées. Un mot de remerciement aux intervenants qui participent aux différentes tables rondes, à nos amis syndicalistes et élus de terrain présents dans la salle, qu’ils soient de la CGT, de la CFDT, de la CFTC, de la CFE-CGC ou de Sud-Logement. Bonne discussion, bon colloque, bonne journée. 3 Syndex. Logement social : évolution et avenir Une pression accrue sur le logement locatif • • • • • 60 % de la population française est éligible au logement social. 17 % de la population occupe ce type d’habitat. 43 % de la population totale, éligible au logement social, réside dans le secteur marchand classique. Moins de 5 % des ménages logés en HLM ont des revenus qui dépassent les plafonds de ressources. 25 % des logements sociaux sont loués à des ménages dont les revenus sont inférieurs de 20 % aux plafonds de ressources. La tendance est de confier des missions d’insertion et d’urgence au logement social « familial », des missions convergentes avec les foyers. 100% 100% 59,9 90% 80% 70% 60% 90% 80% 70% 60% 50% 50% 40% 40% 30% 30% 20% 20% 10% 43% 3 Mal logé SDF 0,25 Propriétaires Locataires secteur marchand satisfaits Locataires secteur marchand insaIsfaits 17% 10% 0% 4 40% 0% Logé décemment Eligible dans le secteur Eligible hors secteur Non éligible Syndex. Logement social : évolution et avenir Logement et territoire, le déséquilibre Mieux encadrer le marché du foncier ? Dans les zones périurbaines, certains agriculteurs ou propriétaires fonciers organisent la transmission de leur patrimoine en misant sur les plus-values générées par le classement de leurs terres en zones constructibles. Le marché locatif est dual, réparti entre secteur privé et secteur social. En revanche, le marché foncier, mis à part des droits de préemption, semble unique. Les promoteurs privés, les propriétaires lambda et les bailleurs sociaux sont en compétition sur les mêmes terrains. Le renchérissement du foncier peut-il s’expliquer par une raréfaction organisée ? « La Région Île-de-France a créé un établissement public foncier en 2006. Le décret approuvant sa création a été publié après une longue bataille avec le gouvernement pour qu’il accepte cette création. Trois départements de droite, Val-d’Oise, Hauts-de-Seine et Yvelines, ont créé leurs propres établissements publics fonciers départementaux. Aude Evin, Conseillère régionale d’Île-deFrance, présidente de la commission Logement Cet établissement régional participe à la préemption de terrains pour lutter contre la spéculation foncière en remettant des terrains à la disposition des collectivités ou des organismes de logement social. On a vu que le gouvernement actuel a une vision particulière de l’intérêt général en matière de préemption, car il a déposé un projet de loi qui dispense d’un objet d’intérêt général la commune désirant préempter un bien si elle accepte le prix demandé par le propriétaire du bien à préempter. On se moque de l’utilisation de l’argent public. On voit vers quels intérêts la droite se tourne. «On se moque de l’utilisation de l’argent public.» Le projet du parti socialiste prévoit l’élaboration d’une loi foncière. Les politiques parlent de la question du logement en période électorale ou au moment du vote des budgets ; cette question n’est pas forcément lisible. » « Pour construire du logement collectif, il faut 2 000 € au m² de surface habitable pour le foncier et autant pour la construction. Le coût du foncier a augmenté de 250 % en 10 ans. Une grosse part du problème se situe là. S’il n’y a pas une volonté politique forte pour maîtriser le foncier, on n’arrivera pas à construire plus de logements sociaux à un prix maîtrisé. La rente foncière, c’est de l’enrichissement sans cause, qu’il faut taxer lourdement. » Sylvain Leplâtre, Chargé de mission, ICF 5 Syndex. Logement social : évolution et avenir Que peuvent les collectivités locales ? L’exemple de la région Île-de-France Aude Evin « La situation du logement en Île-de-France est grave ; elle résulte d’un retard pris au début des années 1990, et elle ne s’arrange pas malgré l’augmentation de la production de logements. Nous connaissons une pénurie de logements sociaux et un niveau de construction de logements sociaux insuffisant. Le parc locatif privé se trouve mis sous tension. Si 60 % de la population française est éligible au logement social, en Île-de-France c’est 70 %. On constate que la moitié des logements sociaux est concentrée sur 8 % des communes. Certaines comptent 50 % de logements sociaux et n’ont pas à faire face aux mêmes dépenses d’équipement et de charges que celles qui trient leur population et ne construisent pas de logement social. La répartition est donc inégalitaire. Lorsque la gauche a pris la majorité en Île-de-France en 1998, elle a considéré, devant l’ampleur du problème, qu’il était du devoir d’une collectivité publique d’intervenir. Nous voulons rééquilibrer le territoire régional tant en termes de localisation des logements qu’en termes de typologie. La construction en PLS1 est un moyen pour certaines communes de contourner les obligations de la loi SRU2, en construisant des logements sociaux dont les niveaux de conventionnement et les loyers ne correspondent pas du tout aux besoins de la population. Nous avons décidé d’inciter par nos financements la construction de logements plus sociaux en PLAI3 et PLUS, en particulier dans les communes qui n’ont pas de logements sociaux, mais aussi en PLS pour favoriser la mixité sociale. Nous intervenons également dans la réhabilitation de logements sociaux. Sous la mandature 2004-2010, notre aide à la construction et à la réhabilitation a concerné 240 000 logements sociaux, avec une plus grande part pour la réhabilitation, moins chère que la construction. » Lahouari Boubekeur, URI CFDT Île-de-France, secrétaire régional en charge de l’approche syndicale de la ville « J’ai un mandat syndical interprofessionnel et, à ce titre, je m’occupe de questions qui touchent aux conditions de vie des salariés : transport, logement, etc. La CFDT a une approche syndicale de la ville qui prend en compte les besoins des salariés en dehors de l’entreprise et du travail. Les gens ont des besoins en matière de santé, de logement, de transport, de culture. C’est pourquoi la CFDT est présente dans les organismes paritaires qui gèrent ces aspects de la vie : protection sociale, formation professionnelle, Action Logement (ex « 1 % logement »), etc. 1 - Prêt locatif social, destiné à financer des logements correspondant à des niveaux de loyers et de ressources supérieurs au prêt locatif à usage social (PLUS). 2 - Loi « Solidarité et renouvellement urbain » du 13 décembre 2000. 3 - Prêt locatif aidé d’intégration : vise à fournir un logement à des personnes en difficulté financière et sociale. 6 Syndex. Logement social : évolution et avenir À propos de l’offre de logement économiquement accessible, nous avons une difficulté, car l’État dit qu’il veut s’occuper de logement social alors qu’il réduit les budgets de construction. Il favorise le financement par la défiscalisation ce qui entraîne la construction de logements par les promoteurs là où il n’y a pas de besoins alors que cet argent aurait été mieux placé dans la construction de logements sociaux en zone tendue. La baisse des plafonds de revenu pour accéder au logement social, qui écarte une partie des candidats, n’a eu pour effet que de diminuer les files d’attente. On place en priorité les gens qui font valoir la loi DALO4 , au risque de concentrer des gens en grande difficulté et de faire reculer la mixité. Je siège au comité régional de l’Habitat (CRH) avec les autres organisations syndicales. Nous rappelons chaque année au préfet, représentant de l’État, que ce dernier doit construire des logements sociaux. Il y a longtemps que les objectifs annuels de 60 000 logements ne sont pas atteints : les meilleures années, on atteint 25 à 30 000. Les jeunes ont des difficultés d’emploi et donc pour se loger. Les partenaires sociaux ont signé un accord pour créer 45 000 logements pour les jeunes, ce qui est compromis par la ponction sur les ESH5. L’argent d’Action Logement qui vient des entreprises et des salariés finance l’ANAH ou l’ANRU, car l’État ne met plus rien. Les organismes qui peuvent financer sont ponctionnés, et les budgets des collectivités territoriales sont coupés. » Zones tendues, détendues, « dodus dormants » La rareté du foncier et la flambée des prix de l’immobilier à l’achat comme à la location conduisent une part grandissante de la population éligible au logement social à souhaiter intégrer ce type de logement. Cependant, l’offre ne suit ni en quantité ni en qualité : on construit de plus en plus de PLS en zone tendue. Il s’ensuit une pression de la demande sur le parc social même s’il reste des marges de manœuvre. « Notre directeur général a écrit un livre "Logement, habitat et cohésion sociale" qui est un programme complet posant la question, audelà de la crise, de la société que nous voulons. Le problème, c’est la façon dont on y répond. Le livre constate le manque de financements : l’État n’a plus de sous et les collectivités locales ne vont pas tarder à en manquer. Axelle Culdaut, Secrétaire du comité de groupe du Groupe SNI Les zones tendues sont celles où il y a un problème entre l’offre et la demande. Actuellement, le logement n’est pas la priorité des politiques dans le discours alors que les élections approchent, encore moins le logement social car c’est connoté. Pourtant un logement créé, c’est deux emplois qui ne se délocalisent pas. Le Groupe SNI propose de concentrer ses constructions dans les zones tendues. Il suggère que l’État y réduise le taux d’emprunt et encourage la rotation. Dans les zones détendues, il propose de vendre les logements au bout de 25 ans. Pour ce qui est des ressources, il est proposé de transférer des fonds d’un organisme à l’autre au plan national ou d’une société à l’autre, de fusionner, de faire des économies de gestion et de vendre plus. 4 - Droit au logement opposable. 5- Entreprises sociales pour l’habitat. 7 Syndex. Logement social : évolution et avenir Les organismes HLM qui ont construit il y a longtemps construisent moins et génèrent des fonds propres. Ils sont appelés « dodus dormants » et sont plus nombreux au nord de la France qu’au sud. L’idée consiste à transférer les fonds des zones détendues vers les zones tendues : la concentration des 120 à 21 puis à 8 collecteurs y participe. Dans les zones tendues, les propriétaires privés font monter les prix des loyers. Dans les zones détendues, ceux qui n’arrivent pas à louer baissent le prix jusqu’à atteindre le prix plafond des logements sociaux. Dans ces zones, les organismes de logement social vont avoir besoin de leurs fonds propres pour entretenir leur parc et rester compétitifs. » La concentration des collecteurs et ses conséquences La gouvernance des bailleurs et des organismes collecteurs est paritaire : des administrateurs syndicalistes y représentent leur confédération au nom du paritarisme, et des administrateurs salariés représentent les salariés de ces entreprises. La restructuration des organismes collecteurs complique le rôle des administrateurs au moment de prendre des décisions qui provoquent des conflits d’intérêts. Lahouari Boubekeur « En 2009, il y avait 120 collecteurs d’Action Logement, contre 20 maintenant. » « En 2009, il y avait 120 collecteurs d’Action Logement, contre 20 maintenant. Les conseils d’administration sont composés de représentants des 5 organisations syndicales représentatives, 5 représentants des patrons et 5 entreprises, soit 5 syndicalistes pour 10 patrons. Le représentant syndical siège au conseil d’administration au nom de l’actionnaire. Il essaie de faire passer les idées d’une organisation syndicale. Les conseils d’administration des OPH6 comptent un représentant syndical pour 17 membres ou deux pour 25 selon les tailles. Ils sont tous formés à lire un bilan. Ils ont à prendre position sur les loyers : les augmenter met en difficulté les locataires mais favorise les salaires du personnel ou risque d’augmenter la ponction sur les fonds propres et compromettre la réhabilitation et la construction de logements. Les militants des conseils d’administration ont en tête l’anticipation des mutations économiques et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ils interviennent pour que les gardiens, utiles au lien social, ne soient pas supprimés. » 6 - Office public de l’Habitat. 8 Syndex. Logement social : évolution et avenir Des acteurs ancrés dans une réalité sociale Le logement social entre dans le cadre européen des services sociaux d’intérêt général (SSIG). Outre les services de santé et de sécurité sociale, les SSIG englobent : • les services d’assistance sociale ; • les services d’aide à l’emploi et de formation ; • le logement social ; • les services de garde d’enfants ; • et les soins de longue durée. 140 000 45 692 120 000 40 027 100 000 PLS (hors ANRU) 36 519 PLAI (Hors ANRU) 80 000 60 000 8 944 20 000 0 37 152 PLUS hors ANRU 24 361 40 000 37 813 4 081 5 009 33 172 2000 5 427 11 834 16 047 7 917 5 728 4 964 38 732 41 812 41 780 2003 2004 2005 5 188 5 034 42 224 39 113 2001 2002 21 381 21 589 50 633 2006 12 264 26 836 16 705 46 195 48 495 2007 2008 57 643 58 981 2009 2010 La priorité est toujours affichée en faveur des ménages les plus modestes… Dans les faits, on observe une croissance de la part des logements destinés à la partie la plus aisée de la population (PLS). 9 Syndex. Logement social : évolution et avenir Une politique orientée vers les classes moyennes Une part de la population, 85 000 personnes, réside dans des zones grises (caravanes, constructions provisoires). Les chiffres de l’INSEE confirment la crise structurelle du logement en France : 2,9 millions de mal-logés, soit 1,1 million de ménages, et 250 000 sans domicile. 2,1 millions de personnes occupent des logements privés de confort et 800 000 des logements surpeuplés. Une politique qui préfère le marché Axelle Culdaut « La France hésite entre l’interventionnisme de l’État et le retour au marché. La Caisse des Dépôts et Consignations est le bras armé de l’État dans l’immobilier. Le gouvernement actuel a tendance à préférer le marché à l’interventionnisme de l’État. Notre groupe suit, voire devance, les volontés politiques. En tant que « plus gros bailleur », il se doit d’alimenter l’État dans ses réflexions sur le logement. Durant l’été 2008, le Groupe SNI recevait quasiment chaque jour, de la part des promoteurs, une demande de reprise de programmes de logements construits mais ne correspondant pas à la demande. Les gens ne pouvant pas acheter, la société HLM ne pouvait-elle pas reprendre le tout et le transformer en logement social ? Le président de la République a demandé aux organismes de logement social de « déplanter » la promotion et les a aidés. Ils ont acheté des programmes en VEFA7, les emplois et les plus-values (même diminuées) sont restés chez les promoteurs. » Alexandre Trehoux, Élu CE SUD-Logement social ADOMA « ADOMA8 est le premier maillon du logement très social. Il s’adresse aux gens qui ont très peu de ressources. En entrant dans le giron de SNI, ADOMA change ses activités et ses missions très sociales d’intérêt public. Au moment où la demande de logement croît, nous nous séparons de notre patrimoine très social : 1 700 logements locatifs mis en vente. La population de nos foyers de travailleurs migrants et résidences sociales vieillit, nous n’avons plus les mêmes publics et nos missions doivent continuer à couvrir l’urgence. Nos clients ont changé, nos logements doivent s’adapter et nous devons créer de nouvelles offres et des places supplémentaires. A contrario, nous réduisons nos capacités, ce qui n’a rien de rassurant au regard de l’intitulé même du débat. Nous ne devons plus simplement être à l’équilibre financier, on nous demande maintenant d’être rentables et de générer des profits.» Zones grises Françoise Gaudel, Administrateur LOGEO « 85 000 personnes dans les zones grises, cela me paraît sous-estimé. Est-ce qu’il ne faudrait pas un créneau de logements plus rudimentaires pour mettre à l’abri ces hommes, ces femmes et ces enfants qui vivent dans des conditions épouvantables ? Il y a les chiffres PLA, PLAI et PLS, c’est l’offre nouvelle. En Seine-SaintDenis, les logements réhabilités, cela ne fait pas un logement de plus, cela ne loge pas un ménage de plus. » 7 - Vente en l’état futur d’achèvement. 8 - Ancienne Sonacotra, devenue ADOMA en 2007 (voir page 19). 10 Syndex. Logement social : évolution et avenir Missions d’insertion, DALO La tendance est de confier au logement familial, qui s’adresse à des populations insérées, des missions d’insertion dans le cadre de la loi DALO. L’État n’a pas de produit à proposer pour faire face au logement d’urgence. L’urgence, c’est de construire. Logement d’urgence, DALO « La question de l’urgence relève, normalement, de la compétence de l’État. Ce n’est pas une question de nombre de logements. Les gens qui vivent le long de l’A3 dans des caravanes ne sont pas forcément insérables dans un logement classique du jour au lendemain. Aude Evin Nous finançons l’hébergement en foyer, en résidence sociale et les associations d’intermédiation locative qui accompagnent les gens dans leur rôle de locataires. La réponse à la loi DALO, c’est la création de logements, car les gens qui y ont recours n’ont pas forcément demandé un logement social. » DALO « J’ai à traiter les cas de personnes qui sont en suroccupation ou en sous-occupation de logement et qu’il faut reloger dans le cadre de la loi DALO. Ils souhaitent rester dans le même immeuble ou dans le même quartier, mais si on leur donne un logement neuf, on va leur appliquer le nouveau loyer. Comment faire ? Est-ce qu’on ne peut pas leur conserver le bénéfice de l’ancienneté ? » Todine Siban, Représentante CE-CHSCT, ICF La Sablière Quelle action est entreprise auprès des candidats à l’élection présidentielle sur les questions de logement, d’application de la loi DALO ? « Je réponds pour la CFDT, qui enverra une adresse à tous les candidats lorsqu’ils seront connus pour exprimer les besoins des salariés et ce que nous faisons pour répondre à la précarité. Nous ferons connaître les réponses reçues, et chaque adhérent décidera de son vote. » Lahouari Boubekeur Définition du « logement décent » cf. décret du 30 janvier 2002 Le logement doit disposer d’une pièce principale d’une surface au moins égale à 9 m2 et une hauteur sous plafond d’au moins 2,20 m, ou d’un volume habitable de 20 m3.. Il compte une installation de chauffage, une distribution d’eau potable intérieure, une évacuation d’eaux ménagères, une cuisine ou coin cuisine, des installations sanitaires comprenant un WC séparé de la cuisine, et une baignoire ou une douche, un accès au réseau électrique. Le décret précise certaines obligations assurant la sécurité et la santé du locataire. 11 Syndex. Logement social : évolution et avenir Mobilité, propriété, parcours résidentiel Partant de l’idée que le patrimoine serait mal occupé, il s’agirait de « tracer » le locataire ou le résident ADOMA pour l’envoyer, s’il est assez inséré, chez SNI dans un F2. Si le locataire prend l’ascenseur social, on l’envoie vers le logement intermédiaire, donc du PLS au PLI. Un jour viendra où on lui dira : « vos revenus vous permettent d’accéder à la propriété ». Ces outils de gestion veulent encourager la mobilité dans le parc social, mais encore faut-il que les gens aient les moyens de prendre ce qui leur est proposé. Axelle Culdaut « Dans notre groupe, la mobilité passe principalement par l’accession à la propriété. Nous essayons de répondre aux demandes des gens : la famille s’agrandit, je demande plus grand ou au contraire, je n’ai plus d’enfant, on m’incite à demander plus petit. Plus grand, c’est dans l’ordre des choses, plus petit, cela risque d’être au même prix ! Ou bien plus cher parce que c’est neuf. Le groupe SNI préconise l’accession sociale. Nous essayons d’assurer la sécurisation du parcours d’accession à la propriété. Un point de mobilité en moins, c’est 42 000 logements non disponibles. Crise aidant, les gens ne bougent plus car ils risquent de finir sur le trottoir. » Sylvain Leplâtre Marie Guillot, Secrétaire du CE Dynacité - OPH de l’Ain « On compte en France 4 200 000 logements sociaux. Il en a été construit environ 130 000 en 2010, mais la moyenne sur les 4 ou 5 dernières années est plutôt de 100 000. Lorsque le taux de mobilité baisse de 1 %, ce sont effectivement 42 000 logements qui ne peuvent être attribués. Les 100 000 logements sociaux construits par an ne compensent pas, loin s’en faut, la baisse de 200 000 du nombre de logements offerts aux demandeurs, baisse due à la diminution du taux de rotation de près de 5 points depuis une dizaine d’années. » « Le parcours résidentiel est de moins en moins privilégié : les gens n’ont plus les moyens de passer du très social au social, pour arriver à l’accession. Dans son discours de clôture du congrès INCAS, Benoît Apparu a dit qu’il financerait de moins en moins de places de CHRS9 car elles sont trop chères et que la solution viendrait du logement social. » Le guichet unique facilitera-t-il l’accession au logement social ? Francis Deplace Delphis « Il faut être franc : dans la demande, il y a la bonne et la mauvaise demande. Les bailleurs ont trouvé toutes les feintes possibles pour attraper la bonne demande et laisser la mauvaise à leurs collègues. La demande unique vient d’une volonté de l’État. Avant, les gens déposaient des demandes partout, sans qu’on sache combien. Maintenant c’est plus transparent pour l’État et pour sa politique budgétaire. » 9 - Centre d’hébergement et de réinsertion sociale. 12 Syndex. Logement social : évolution et avenir La RSE, présentation et échange La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) repose sur trois piliers : le social, le sociétal et l’environnemental. Que l’un vienne à manquer, et l’entreprise ne peut se prévaloir de l’étiquette RSE. La RSE élargit la vision de l’entreprise qui ne se limite pas à un rôle de recherche du profit maximum pour l’actionnaire. Il existe deux conceptions de la RSE : • la conception anglo-saxonne, qui résume la RSE au respect de la règle, de la norme, de l’environnement ; • la conception européenne, plus contraignante, dans laquelle la RSE est un objectif à part entière, qu’il faut inscrire dans la loi à côté de la maximisation du profit et de la libre et loyale concurrence. En France, la loi du 12 juillet 2010 exige des entreprises de plus de 500 salariés qu’elles produisent un rapport RSE. La RSE entre parfois dans une stratégie de communication de l’entreprise et, dans les faits, le rapport annuel RSE est bien souvent très, très pauvre… alors qu’il devrait comporter des indicateurs partagés, susceptibles d’informer le locataire comme l’élu ou le syndicaliste. La RSE peut être vue comme un outil de reporting, c’est-à-dire que le management rend compte aux différentes parties prenantes de son comportement. Dans le logement social, les parties prenantes sont les locataires, les territoires et leurs élus, les salariés et les actionnaires particuliers que sont l’État et les collectivités publiques. « Delphis a lancé la démarche RSE en 2005 sur la question du reporting. Nous avons créé, avec nos collègues anglais, allemands, néerlandais et suédois, un référentiel de niveau européen comptant 60 indicateurs, rendant compte de la totalité de l’activité de l’organisme. C’est un rapport répondant aux standards GRI (Global Reporting Initiative), consultable sur notre site Internet. Certaines entreprises sont entrées dans la démarche RSE par l’évaluation ISO 26 000. Francis Deplace, Directeur de l’association de recherche et développement Delphis Pour nous, le pilier social, c’est le souci de préserver l’équilibre social du territoire. Cela passe par la gestion locative. Le pilier environnemental se retrouve dans la politique d’efficacité énergétique du patrimoine, avec des enjeux considérables de financement dans une période de raréfaction des ressources. Le pilier du financement est lui en danger, car les collectivités locales qui en sont une partie prenante essentielle sont en difficulté. La RSE peut être vue comme un moment de rencontre entre toutes les parties prenantes : financeurs, collectivités locales, personnel de l’entreprise ainsi que les entreprises du tissu économique. La RSE oblige à rendre compte, mais elle donne aussi l’occasion de contractualiser des objectifs. C’est une nouvelle façon d’aborder les relations avec les parties prenantes. 13 Syndex. Logement social : évolution et avenir « Les représentants du personnel ont bien compris l’intérêt qu’ils ont à s’emparer de la RSE. » Nous n’en sommes qu’au début du déploiement de la démarche RSE dans le logement social. Actuellement, une vingtaine d’organismes HLM se sont lancés dans une telle démarche. Il y a quelques années, les syndicats ont bloqué le forum sur la RSE lancé par la Commission européenne. Aujourd’hui, c’est le Medef ou la CGPME qui ont cherché à repousser les obligations de la loi de juillet 2010. Les représentants du personnel ont donc bien compris l’intérêt qu’ils ont à s’emparer de la RSE, à utiliser ses indicateurs pour les discuter, à en faire des objectifs et à définir un nouveau contrat social dans l’entreprise. Maintenant les représentants syndicaux comparent les rapports des différentes entreprises. Dans le logement social, il existe deux types d’entreprises : celles que je qualifie de « hors-sol », des entreprises nationales pour qui le souci du territoire vient après celui de la rentabilité financière, et celles, ancrées dans le territoire, dont le souci est de créer de la valeur pour aider le territoire à travers le développement et l’accompagnement social. » Jean-Luc Madinier, Délégué syndical CFE-CGC, Osica Groupe SNI – En général, les sociétés du logement social sont plutôt en pointe sur le développement durable. Le bâtiment "basse consommation", c’est une bonne chose. En revanche, sur les conditions sociales, nous constatons dans notre groupe comme dans la plupart des autres qu’il n’y a pas d’accords sur le handicap, qui est une obligation. Le minimum, ce qui coûte le moins cher, n’est pas appliqué. Arriver à un taux de 6 % de handicapés, ce n’est pas compliqué dans le logement social : nous en "produisons" avec les gardiens. Ma question est : Delphis s’occupe-t-il de ces indicateurs ? Et comment les organisations syndicales et les IRP10 peuvent-elles vraiment s’impliquer ? » Francis Deplace – Nos indicateurs de reporting nous obligent à renseigner la politique d’égalité salariale et les écarts entre les 10 % les mieux payés et les moins payés. La première année, deux organismes de chez nous ont accepté de communiquer là-dessus ; cinq ans plus tard, tous communiquent dessus. Lorsqu’une entreprise qui s’engage dans une démarche RSE refuse de communiquer sur certains indicateurs, cela ne produit pas un bon effet sur les parties prenantes. La Caisse des Dépôts et Consignations pousse la SNI vers une démarche RSE. Les bailleurs ne pourront pas rester longtemps en dehors. Le mouvement s’accélère. Il manque un point aujourd’hui, c’est le moyen de vérifier la véridicité du reporting des données. Des décrets devraient le préciser bientôt. » Axelle Culdaut – Je n’ai pas participé à des négociations sur la RSE, mais je voudrais savoir quels critères vous nous conseillez de demander entre l’économique et le social, entre le rentable et le vivable d’un point de vue social ? À quoi devons-nous être attentifs en tant qu’élus ? » Francis Deplace – Les indicateurs qui nous semblent renvoyer à des démarches de progrès dans l’entreprise sont évidemment les écarts salariaux, l’égalité salariale hommes-femmes, la répartition des formations selon les 10 - Institutions représentatives du personnel. 14 Syndex. Logement social : évolution et avenir catégories d’employés, le respect de la loi sur les handicapés. La RSE est une performance globale, et mettre en avant l’environnemental ne suffit pas. D’ailleurs, les bailleurs vont bientôt avoir du mal dans ce domaine, faute de financements pour la maintenance de leur patrimoine. Sur le plan économique, votre entreprise doit être aussi durable, et on assiste à des restructurations parmi les bailleurs sociaux qui impactent directement les personnels. » – Nous avons déjà des accords sur l’égalité hommes-femmes, sur la formation, et concrètement cela ne donne pas grand-chose. La RSE, j’ai l’impression que cela ne va pas donner grand-chose. » Corinne Goulet, Chargée de clientèle Domaxis – Vous avez un suivi des objectifs ? » Francis Deplace – Sur le handicap, c’est chiffré : 6 %. Des CAT entretiennent les espaces verts, nous leur achetons les produits d’entretien et des collègues gardiens sont basculés dans le pourcentage de handicap. » Corinne Goulet – Une société peut se coller l’étiquette RSE par opportunisme, une autre comme un vrai moyen de management. » Francis Deplace 15 Syndex. Logement social : évolution et avenir Financement du logement social Les problèmes de financement déterminent les stratégies des entreprises de logement social qui, elles, ont un impact direct sur le social. Comment financer la construction de logements ? En sollicitant l’aide à la pierre de l’État, les subventions des collectivités locales, le « 1 % » quand il existait encore, les financements privilégiés du livret A et, enfin, une part de fonds propres issus des excédents du bailleur. Or, l’État a tendance à se désengager et à réduire l’aide à la pierre. Les dépôts du livret A sont variables, les collectivités locales réduisent leurs budgets et le besoin de logements reste très élevé. La crise de la dette exprime l’incapacité de l’État à lever des impôts et son incapacité à financer des politiques sociales. La redistribution se fait ainsi de façon horizontale : des classes moyennes vers les classes moyennes, et non pas des classes aisées vers le 1,1 million de mal-logés. Comment faire ? Axelle Culdaut « Nous avons été les premiers à créer des consortiums pour racheter les logements Icade, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations. Son secteur intermédiaire d’origine s’est transformé au fil du temps en logement social qui a finalement été vendu. La vente du patrimoine Axelle Culdaut « Les ventes d’appartements à l’unité, c’est long, en bloc c’est rapide. C’est une source de plus-values et cela dégage des fonds propres. Il n’y a pas si longtemps, lorsqu’un organisme vendait 1 logement, la plus-value dégagée permettait de construire 3 logements. Aujourd’hui ce ratio diminue et tombe à 1 vente pour 2 logements construits, voire moins. Aude Evin – Lorsque les logements sociaux manquent, on ne commence pas par en vendre, même dans le cadre de l’accession sociale à la propriété. D’autant que les conditions d’achat de ces logements obligent à avoir un faible revenu et à être héritier, sans quoi c’est impossible, même avec le prêt à taux zéro. » Axelle Culdaut – Les gens qui n’ont pas beaucoup de ressources se voient toujours proposer des aides à la construction, mais acheter quelque chose d’ancien est souvent plus facile économiquement, notamment dans le parc de logement social, car on vend avec une décote. » Le secrétaire d’État au Logement propose de prendre l’argent des ESH régionales qui en ont, pour construire où il y a des besoins. Il s’agit de ponctionner les HLM qui ont de grosses réserves financières. Les régions ne voient pas pourquoi le fruit de leur politique profiterait au voisin. La piste de la vente du patrimoine évoquée par A. Culdaut trouve vite sa limite, car l’état du patrimoine ne le rend pas attractif pour créer un marché spéculatif. La recette est simple : demander aux bailleurs un effort pour se procurer des fonds propres en améliorant leur performance opérationnelle. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage et quand on se lance dans une « démarche d’amélioration de la performance opération- 16 Syndex. Logement social : évolution et avenir nelle » comme l’appelle la SNI, on dit « qu’on n’est pas bon », que les ratios économiques sont plus mauvais que ceux du voisin. On compare les ESH entre elles, les foyers, pour conclure qu’il y a peut-être trop de personnel dans l’entreprise, que les gardiens ne sont pas assez polyvalents. C’est le moment d’engager une politique de restructuration. Emmanuel nous dit (p. 18) comment la restructuration arrive concrètement dans une entreprise. Les salariés du logement social sont face à une équation infernale qui les oblige à contribuer à la performance économique de leur entreprise de manière à lui procurer des fonds propres. Lahouari a un rôle syndical en dehors de l’entreprise et Emmanuel est dans l’entreprise. Ils sont devant les tenants et les aboutissants d’un même problème : que ce soit dans le cadre du paritarisme ou dans les entreprises, les organisations syndicales essaient de résister aux restructurations et font en sorte que les politiques qui découlent de la raréfaction des aides à la pierre soient les moins brutales possibles, soit en les accompagnant, soit en s’y opposant. L’aide à la pierre Moins d’aide à la pierre veut dire moins de construction, mais l’État demande de construire autant avec moins d’aide. Il y a donc une financiarisation du secteur, qui va être affecté fortement. » « On a l’habitude de dire que l’aide à la personne favorise la spéculation immobilière, hors logement social, et qu’il faut privilégier l’aide à la pierre pour créer des logements. Le gouvernement considère qu’il faut favoriser l’aide à la personne, nous préférons l’aide à la pierre via le conventionnement État-organismes bailleurs. Le prêt à taux zéro est une sorte d’aide à la personne dans le cadre de l’accession à la propriété. Nous refusons ce système qui marche peu. » Aude Evin Les « aides à la pierre » devraient atteindre 500 M€ en 2011 (subventions directes aux organismes HLM pour la construction de logements sociaux). L’État participe également au financement de la production de logements locatifs sociaux par le biais d’aides fiscales, près de 4 Md€ pour 2011 : • 850 M€ de réduction de TVA sur les opérations ; • 800 M€ d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties ; • 700 M€ d’exonération d’impôt sur les sociétés dans le cadre du service d’intérêt économique général. Les « aides à la personne » ont atteint 15,5 Md€ en 2010. Les APL atteindront 5 Md€ en 2011, versés aux bailleurs sociaux pour 2,2 millions de locataires éligibles. 17 Syndex. Logement social : évolution et avenir Les effets de la mutation sur l’emploi ADOMA, ex-Sonacotra, est une société d’économie mixte spécifique par son histoire, ses produits et sa clientèle qui gère 70 000 logements dans toute la France et la moitié en Île-de-France. Le parc locatif est surtout composé de chambres meublées avec parties communes. 20 000 logements font près de 7 m². L’accueil des demandeurs d’asile, la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, les pensions de famille et, plus marginalement, l’hébergement d’urgence font partie des activités d’ADOMA, mais la plus importante reste les 450 foyers de travailleurs immigrants et résidences sociales. En 55 ans, la population a évolué, du travailleur migrant, qui est une population désormais vieillissante, aux jeunes couples, aux familles monoparentales, aux jeunes précaires et aux travailleurs pauvres. ADOMA répond à un besoin très social, dans la phase qui précède le logement social traditionnel. Le contrat de résidence sociale de deux ans maximum veut faciliter l’insertion. L’exemple d’ADOMA - Témoignage Emmanuel Chardon, Représentant CFDT, ADOMA « J’ai été responsable de résidence sociale chez ADOMA pendant 10 ans et je suis maintenant responsable d’une pension de famille, en contact direct avec les résidents. La SNI est entrée au capital d’ADOMA en 2006. En 2009, un rapport très virulent, et semble-t-il commandité politiquement, de la MIILOS11 a pointé un besoin de financement pour les rénovations et réhabilitations. Puis tout s’est accéléré. Étrangement, c’est le bailleur très social qui a subi en premier une énorme réorganisation. Une nouvelle direction a été envoyée en décembre 2010 par la SNI qui a engagé une stratégie de déstabilisation de tous les salariés. Sous le nom de mutualisation, on rationnalise sans tenir compte de notre métier : on ne gère pas notre population comme un parc locatif social traditionnel. Il faut dégager des marges financières et donc réduire la masse salariale et les frais généraux. Ils ont essayé de nous imposer un plan de sauvegarde de l’emploi pour une poignée de cacahuètes et sans licenciements parce que ce serait incorrect. Le CE a fait appel à Syndex, qui a aidé à faire des contre-propositions et à bâtir un vrai PSE que nous avons pu imposer à la direction. « Mais la population que je côtoie tous les jours, je ne vois pas où elle va se retrouver… » Sur 2 600 personnes, le PSE en a concerné 265. Il est à craindre d’arriver prochainement à 500 pour anticiper les réductions de financement des Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) et parce que la stratégie de démolition continue. Sur le terrain, le travail de longue haleine qui assure une paix sociale et un bon climat dans les foyers est compromis. Nous sommes très inquiets pour la pérennité de l’entreprise, pour notre capacité à maintenir nos missions très sociales envers un public particulier et pour les conditions de travail des salariés, qui se dégradent. ADOMA a des problèmes de financement, elle possède un parc de logements très bien placés au cœur des villes, notre petit pôle locatif de 1 700 logements a été cédé. Nous craignons le démantèlement de l’entreprise, la volonté de changer de clientèle. On vise les étudiants par exemple. 11 - Mission interministérielle d’inspection du logement social. 18 Syndex. Logement social : évolution et avenir Mais la population que je côtoie tous les jours, je ne vois pas où elle va se retrouver dans le paysage du logement en France. Que vont faire les bailleurs sociaux de ces demandeurs ? » « Le Plan stratégique du patrimoine (PSP) décidé par la nouvelle direction d’ADOMA serait là pour pallier l’absence de subvention et la raréfaction des aides publiques. ADOMA possède du patrimoine sur l’ensemble du territoire national et notamment dans les zones très densifiées. Le PSP a pour but de vendre ce qui n’est pas rentable ou qui ne correspondrait pas à de multiples critères d’exigence. Mais comment, en pleine crise du logement et dans le secteur du logement social, pourrions-nous ne retenir que des critères de rentabilité ? Alexandre Trehoux Comme pour la SNI, notre actionnaire, nous serions appelés à devenir très rapidement une entreprise à vocation financière qui optimiserait ses performances et ne rechercherait que les profits. On ne voit cependant pas quel programme sera construit avec l’argent dégagé. ADOMA, reconnu pour son savoir-faire, ne pourrait devenir qu’un gestionnaire exploitant des patrimoines construits par des promoteurs qui en seraient les propriétaires. Ce serait un vrai changement pour le moins inquiétant dans le paysage du logement très social. Dans le même temps, les salariés d’ADOMA ont été confrontés à un premier PSE12, dont l’impact a engendré des conditions de travail très dégradées et des risques psychosociaux qui n’avaient pas été mesurés au préalable. L’onde de choc sociale a conduit des personnes en dépression ou en arrêt de travail. En parallèle, le taux d’encadrement dans les CADA est passé de 1 pour 10 à 1 pour 15. Un deuxième PSE de 60 personnes serait en préparation sur le secteur de la demande d’asile. Il y aurait inéluctablement un impact sur les conditions de travail des salariés, moins nombreux, sur leur disponibilité et sur le service rendu aux hébergés. Les restructurations touchent de nombreux salariés et perturbent les services. La nouvelle direction cherche des économies tous azimuts pour combler les soi-disant déséquilibres financiers et les subventions qui se feraient rares. Elle assure que PSP et PSE sont la seule manière de dégager bénéfices et autofinancement, et de sauver nos emplois La vague de restructurations touche déjà 25 % des salariés chez ADOMA. Les subventions se font rares, on se précipite, on s’engage dans les PSP, on fixe des engagements qu’on ne tiendra pas sauf à dégager beaucoup d’autofinancement. « L’État a une lourde responsabilité, car cinq ministères sont présents au conseil d’administration d’ADOMA. Le logement exige une politique à long terme et il n’y en a plus. Action Logement et SNI ont prêté 25 M€ de trésorerie chacun à ADOMA. Dans quelque temps, ils auront le choix entre se retirer si cela ne leur convient pas ou devenir majoritaires, et je pense que c’est ce qui est visé : l’État devrait passer rapidement de 50 à 33 % du capital. » Emmanuel Chardon 12. Plan de sauvegarde de l’emploi 19 Syndex. Logement social : évolution et avenir La mécanique de pillage des groupes Marc Boucoiran Élu DP SNI « Nous avons vu les conséquences des réorganisations chez ADOMA. Moi je suis dans le groupe prédateur, SNI. La mécanique mise en place est en train de s’imposer à toute la filière du logement social. Nous constatons le pillage de l’intérieur. Les fonds sont transférés d’une région à l’autre : les impôts collectés dans une région pour construire du logement social ou améliorer le logement sont détournés pour construire dans une autre région où il ne sera pas difficile de trouver des locataires, car le décalage entre le loyer du marché et le loyer dans le logement dit «social » ou « intermédiaire », assure des taux de remplissage et des marges. Il n’y a pas que cela. Dans le logement social, le législateur a mis des garde-fous : par exemple plafonner à 20 % la remontée de dividendes, qui sont complètement contournés par des opérateurs comme le nôtre, qui font supporter des frais généraux aux structures qui ne peuvent pas remonter de capitaux. L’opérateur facture de la redevance de marque, d’image, le droit d’utiliser un nom. Il vend des services : GIE informatique, ressources humaines, financier. Ce qui est une autre manière de sortir l’argent des ESH, qui finit dans la poche d’un actionnaire. Les financements d’Action Logement sont réorientés par l’État pour alimenter un système qui est bien loin des intérêts du logement social en France. « L’opérateur vend le patrimoine construit au fil de 30 années de cotisations, de subventions. » L’opérateur vend le patrimoine construit au fil de 30 années de cotisations, de subventions qui sont le fruit du travail des salariés, le fruit de l’impôt, et qui finit dans les poches d’un actionnaire. Les opérateurs regardent la pertinence des ensembles immobiliers qu’ils veulent vendre. Ils peuvent vendre en bloc en cas de trop mauvais état, ou de manque de demandes. Ils vendent à un autre opérateur ou à des collectivités locales qui veulent garder la maîtrise de leurs logements sociaux. Mais ce sont souvent des zones que les gens cherchent à fuir et qui vont devenir des espèces de déserts. Et on transfère ces fonds dans d’autres régions où le marché est jugé tendu. Il y a les ventes à la découpe, par lots. Ce qui donne une copropriété dès le premier logement vendu. Conséquence économique : les fonds propres remontent et sont redistribués aux actionnaires. Conséquences sociales : le salarié se retrouve brutalement employé par un syndicat de copropriétaires, il garde son emploi mais perd ses droits, sa mutuelle, environ 400 € par mois de services et d’avantages, il est transféré sans licenciement. Comme les bailleurs ont formé les gardiens pour qu’ils s’occupent des impayés et d’autres tâches, le salarié se sera fait assez d’ennemis dans la résidence pour devenir la proie de nouveaux copropriétaires et risquer de perdre son emploi dans les deux ou trois ans. » 20 Dans la salle – ADOMA a fait l’objet d’une sorte d’OPA du groupe SNI. Après le plan social, le foncier sera vendu, la maîtrise d’ouvrage externalisée, et cela deviendra une coquille vide avec seulement des ensembles immobiliers. Et on apprend qu’on va confier les immeubles à des opérateurs extérieurs et que leur gestion fait l’objet d’appels d’offres. » Alexandre Trehoux – Pour compléter l’image de la SNI, nos collègues de la Soginorpa, qui gèrent le patrimoine des maisons de mineurs dans la région Nord-Pasde-Calais, voient régulièrement des gens de la SNI venir leur rendre visite depuis qu’un rapport de la Cour des comptes a dénoncé la gestion de cette société. Cela risque d’être le prochain chantier de la SNI.» Syndex. Logement social : évolution et avenir – Nous sommes soumis à la démarche d’amélioration de la performance opérationnelle (DAPO), ce qui veut dire réduction des coûts de gestion. Nous sommes pourtant parmi les plus performants, mais nous sommes soumis à un objectif de baisse des coûts de 6 % par an. » Axelle Culdaut Transfert de propriété et conséquences sur le personnel Une réorganisation entraîne automatiquement des changements dans les conditions de travail des salariés. 10 personnes ne peuvent pas faire le travail de 20. Donc il faut faire intervenir le CHSCT13 tout de suite : il faut se demander comment le travail pourra se faire après la réorganisation. Après, seulement, seront traitées les problématiques de sauvegarde de l’emploi. « Nous avons choisi de faire intervenir le CHSCT et il a été dit qu’il y avait un risque prévisible. La direction n’en a pas tenu compte et a fait le plan social. » Alexandre Trehoux – Que se passe-t-il pour le personnel, à 40 % des gardiens, lorsqu’il y a vente ? Depuis des années, nous essayons de professionnaliser les gardiens pour qu’ils ne fassent pas que du ménage. Nous les installons dans les bureaux d’accueil, ils font les entrées dans les lieux, ils manient l’ordinateur, font des relances d’impayés, deviennent des hommes à tout faire. Lorsqu’on vend en bloc l’immeuble, le personnel suit selon l’article L-122-12 (qui a changé de nom). Axelle Culdaut Tous les personnels ne sont pas en capacité de se former, certains se retrouvent sur le carreau. Au moment de la vente des immeubles, employés d’immeuble et gardiens peuvent se retrouver en décalage. Le pire c’est la vente à l’unité : dès la vente du premier logement, cela devient une copropriété. Pour éviter d’être juge et partie, la gestion est confiée à un syndic de copropriété. Le gardien, qui était la voix de son maître, de l’organisme HLM, et qui pouvait se faire mal voir, peut payer cher son ancien rôle lorsqu’il devient salarié de la copropriété. Quand la SNI n’est plus son employeur, il change de convention collective et perd jusqu’à 40 % de ses revenus. Voilà pourquoi nous nous battons pour que les gardiens conservent la convention collective et qu’ils restent dans le groupe.» – Chez moi, les gardiens sont logés à titre onéreux. Ils donnent de leur temps pour le bailleur mais, à trois mois de la retraite, on leur dit qu’ils vont devoir laisser leur appartement. Peut-on lutter contre cela ? » Todine Siban – Nous aussi, nous vendons des logements. Au comité d’entreprise, nous avons anticipé la question des gardiens. Dès qu’il y a un projet de vente, on demande à notre directeur général ce qu’on va faire du personnel de terrain. Le DRH a pris l’habitude de geler des postes en amont et nous n’avons eu aucun licenciement lié aux ventes. On ne s’en sort pas si mal. » Marie Guillot 13. Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. 21 Syndex. Logement social : évolution et avenir Plans sociaux et regroupement des collecteurs La volonté de regrouper de 25 à 8 existe même si la résistance est forte. Il y a 25 groupes qui sont en restructuration, nous sommes sollicités pour la troisième fois. La restructuration avance très vite et n’est pas toujours encadrée par des plans de sauvegarde de l’emploi et des consultations des comités d’entreprise. Les directions veulent réorganiser, souvent sur des critères financiers : on réduit l’effectif de 10 %, on fait une règle de trois. Travailler avec 10 % de personnel en moins, c’est beaucoup plus compliqué pour eux de se le représenter ; cela vient donc dans un deuxième temps. C’est là que les salariés doivent être en phase avec les experts et les avocats. Jean-Luc Madinier « Dans le logement social, nous ne sommes pas habitués aux plans sociaux. Ce n’était pas l’emploi à vie mais il était possible de faire carrière. Les collecteurs sont passés de 120 à 23 sans plan social, mais on a fait partir des gens chez Solendi. Le regroupement avec Immobilière 3F créera des doublons. Et puis on va passer de 23 à 8 dans peu de temps… » Lahouari Boubekeur – Ce n’est pas parce que le Medef le dit que cela va arriver. Il fait du lobbying en direction des salariés et des cadres des collecteurs. Mais aucune décision n’a été prise par le conseil de surveillance de l’ULS14, qui compte cinq patrons et cinq organisations syndicales. » Jean-Luc Madinier – Alliance et Amalia ne demandent pas forcément l’accord de l’ULS. Derrière les collecteurs, il y a les ESH qui vont fusionner et il y aura un paquet de doublons, des mini-plans sociaux. » Axelle Culdaut – A propos de suppressions d’emplois, il faut se méfier du partage de certaines parts variables de la rémunération, comme l’intéressement, lorsque la formule prévoit d’augmenter cette part si les effectifs diminuent. Car il faut veiller à ne pas encourager une surcharge des plans de charge et privilégier l’intérêt général par le maintien de l’emploi, voire la création d’emploi. » Une crise européenne du logement Panorama du logement Millions de logements % propriétaires % logements locatifs % logements locatifs sociaux Allemagne 37 43% 57% 7% Espagne 19,2 82% 11% 1% France 33,1 52% 33% 15% Italie 25 64% 30% 3% U-‐K 25,4 67% 29% 22% 14. Usufruit locatif social. 22 Syndex. Logement social : évolution et avenir Le cas bruxellois Céline Brandeleer, «Pour la solidarité», Think Tank européen et coordinatrice de l’Observatoire du logement durable, http://www.logementdurable.eu/ Bruxelles subit une crise du logement comparable à l’Île-de-France, mais divisée par dix puisque Bruxelles, c’est 1 million d’habitants. de ghetto à proprement parler. La politique du logement en Belgique est régionalisée ; les Flandres, la Wallonie et Bruxelles ont chacune une politique du logement qui leur est propre. Il n’existe pas de grosse concentration de logement social sur un territoire. La mixité sociale est relativement préservée, parce que le centre qui était riche est devenu pauvre dans les cinquante dernières années. Il y a eu beaucoup de mouvements de population et il n’y a pas De manière générale, et surtout à Bruxelles, le parc immobilier, construit pour moitié avant la Seconde Guerre mondiale, est très énergivore. Lorsqu’on a voulu faire des rénovations énergétiques, est intervenue la création de la Région bruxelloise, en 1989. Ce processus de régionalisation a entraîné des lourdeurs administratives, et la rénovation est passée au second plan. En Belgique, beaucoup de gens sont propriétaires mais, à Bruxelles, 60 % sont locataires. Bruxelles subit un boom démographique et doit loger 10 000 ménages supplémentaires par an. Techniquement, le nombre de logements est encore suffisant pour absorber la demande, mais beaucoup sont vides ou insalubres, ce qui crée des tensions sur les prix. On est passé de 4 000 à 10 000 logements déficitaires par an et les loyers, qui ne sont pas encadrés, ont augmenté de 50 % en dix ans quand les salaires n’augmentaient que de 15 %. Les petits logements accusent la plus forte augmentation, qui touche ainsi la classe moyenne et contribue à la paupérisation croissante de la population bruxelloise. Nous n’avons que 8 % de logement social, soit 38 000 logements. La Société de logement de la région de Bruxelles-Capitale (SLRB) est l’organisme gestionnaire. 33 sociétés de logement public sont les organes opérationnels qui gèrent techniquement les logements. Il y a plus de personnes sur liste d’attente que de personnes logées, et ce nombre pourrait doubler tant les délais sont longs, parfois jusqu’à dix ans. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas assez de logements, et parce que le logement social, à Bruxelles, c’est pour la vie ; ce n’est pas un tremplin, mais un terminus. La Région bruxelloise a décidé de mettre en place en 2013 un bail à durée déterminée de trois, voire neuf ans, renouvelable sous certaines conditions en fonction du loyer et aussi de la composition du ménage. Une famille qui comptait cinq enfants et n’en compte plus que deux verra son logement réaffecté et sera relogée. Le parc de logement social est très énergivore et les charges qui incombent au locataire sont parfois supérieures au loyer. Quand les personnes commencent à dépenser plus de 30 % voire 40 % de leurs revenus dans le logement, elles font des coupes sur la santé, l’éducation, l’habillement. Quelle est encore l’utilité d’un logement social ? D’énormes budgets sont consacrés à la création de logements et à la réhabilitation des 8 % du parc de logement social insalubres, qui sont retardées par les lourdeurs administratives. La régionalisation a multiplié les acteurs et les étapes. Sociétés de logement, communes, centres publics d’action sociale, tous ces acteurs sont très dynamiques et veulent vraiment changer les choses, ce qui n’est pas facile en un jour. Il faut voir sur le long terme, préparer l’avenir. Que faire pour soulager le budget des ménages et leur permettre d’accéder à un logement décent ? La Région bruxelloise propose aux communes une allocation compensant la différence entre le loyer et un tiers du revenu pour des logements communaux à finalité sociale. Néanmoins, seulement 80 ménages ont obtenu cette aide, soit 10 % environ du budget alloué, car les communes ne sont pas très enclines à multiplier les démarches administratives. Cette aide se concentre sur les personnes occupant un logement public alors qu’elle vise toute personne entrant dans les conditions du logement social. Et si elle était étendue au marché locatif privé, il y aurait un véritable risque qu’elle profite surtout aux propriétaires et favorise l’augmentation des loyers. 23 Contact : Laurence Balla, Syndex BTP [email protected] Syndex 22, rue Pajol 75876 Paris Cedex 18 01 44 79 13 00 www.syndex.fr