l`émeute, l`état de guerre et la construction de l`étranger
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l`émeute, l`état de guerre et la construction de l`étranger
Alain Bertho Professeur d’anthropologie, Université de Paris 8 <[email protected]> L’émeute, l’État de guerre et la construction de l’étranger L a mondialisation est un défi nouveau pour l’anthropologie. L’idée selon laquelle la mondialisation culturelle, en faisant disparaître les terrains exotiques de l’altérité, signerait la fin de l’ethnologie comme discipline et comme posture a fait long feu. Nous savons au contraire que les questions de la singularité et de l’altérité se sont universalisées et complexifiées. Le monde est notamment en proie à cette « peur des petits nombres » analysée par Arjun Appadurai (2007), porteuse de haines et de passages à l’acte sur tous les continents. La recomposition des États nationaux, partout, donne une grande place au contrôle des étrangers, à la surveillance des frontières, à la répression des immigrés en situation irrégulière. Les frontières du monde globalisé sont aujourd’hui des frontières meurtrières pour les plus démunis. Cette tension visible sur une altérité tout aussi visible peut devenir un opérateur analytique banal pour les situations de tensions sociales et politiques les plus fortes : « l’interethnique » ou « l’interculturel » deviennent 38 des grilles de lecture circulantes. Le primordialisme congédié par Arjun Appadurai (2007) est toujours tenté de revenir par la fenêtre. Et l’anthropologue, rappelé de ses terrains exotiques, est assigné à l’analyse d’un exotisme omniprésent et délocalisé certes, mais dont la nature resterait fondamentalement la même. Or le contemporain se caractérise d’abord par un déplacement des terrains de l’altérité. Ce qu’on nomme mondialisation et / ou globalisation marque une rupture d’intellectualité pour l’humanité. La rapidité de cette rupture intellectuelle nous a rendu en partie étrangers à nous-mêmes et en difficulté à identifier ce qui fait les nouveaux paradigmes structurants de notre époque. Le monde urbain et populaire des métropoles de la mondialisation est de plain pied avec cette nouvelle intellectualité faite de présentisme et de disjonction de la politique et de l’État (Bertho 2007) C’est la raison pour laquelle la confrontation à cette altérité et son élucidation par l’enquête est une voie incontournable de connais- sance de nous-mêmes. Mais par un renversement paradoxal, ce sont sans doute les modes de pensée les plus structurés et les plus réglés conceptuellement et épistémologiquement qui sont les plus en difficulté. Sciences sociales et pensée administrative ou réglementaire ont en partage l’héritage culturel d’une modernité dont les grandes structures intellectuelles ont pris fin ou sont en passe de le faire. Le « contemporain » (Agamben 2008) remet en jeu les paradigmes et les catégories de ces sciences sociales nées avec la modernité industrielle, et développées dans un cadre de pensée qui est celui de l’État Nation (Bauman 2005). Le rôle de l’anthropologie, dans ces conditions est de se confronter aux terrains et aux situations qui recèlent aujourd’hui le plus d’opacité à la rationalité savante. Ces situations qui nous mettent en face d’une altérité subjective radicale, « innommable » (Lazarus 1996), sont des situations de proximité qu’il est trop simple de renvoyer aux traces post-coloniales d’un exotisme rassurant. Les émeutes, Alain Bertho notamment les émeutes urbaines, qui touchent aujourd’hui tous les continents, sont un terrain de choix pour l’observation des altérités et disjonctions subjectives du contemporain et la construction de « l’Étranger » comme réification institutionnelle de l’altérité. Cet article s’appuie sur l’analyse d’un certain nombre de ces émeutes dont le relevé chronologique est en annexe. Une base documentaire en ligne est tenue à jour par mes soins depuis 20071. « Mort d’un sénégalais »n Les 9 et 10 septembre 2008, la petite ville espagnole de Roquetas Del Mar en Andalousie (80 000 habitants) a été le théâtre d’affrontements violents impliquant notamment la population immigrée d’origine sub-saharienne, nombreuse dans la ville. Le discours public, officiel ou médiatique qui se construit sur l’événement est double. Les autorités locales, puis nationales, parlent de « faits isolés liés à la drogue ». La presse espagnole et internationale s’empresse de lire dans les émeutes le symptôme d’affrontements communautaires entre Sénégalais et Gitans. Comment s’est déclenchée la colère des habitant de la cité des habitants de la cité des « 200 Viviendas » après l’assassinat à coup de couteau, dimanche 9 septembre d’un jeune de 28 ans ? Le scénario dit de violence urbaine se déroule sans surprise : attaque d’une ambulance à coup de pierre et de bouteilles, containers à ordure mis à feu, barricades… Durant deux nuits d’émeutes successives, gardes civils et pompiers ont été dépassés par les événements. Comme souvent, pour comprendre un événement de ce type, rien ne remplace l’observation directe. En novembre 1993, Nicole Le Guennec et Christian Bachmann ont ainsi assisté aux émeutes qui ont embrasé le quartier des Mézereaux, dans le nord de Melun, après la mort d’un jeune dans un accident de moto (Bachman 1997). Onze jours de violence, du 1 au 12 novembre, ont été, fait rare, L’émeute, l’État de guerre et la construction de l’étranger observés huere par heure par les deux chercheurs qui étaient déjà là avant et ont poursuivi leur enquête après le retour au calme. Ils montrent à quel point la teneur du discours public sur la mort d’un jeune est d’une importance capitale dans le déclenchement de l’émeute. Il en est de même à Roquetas del Mar en septembre 2008. La première raison de la colère est criée par les manifestant devant la mairie le 10 septembre. Il s’agit justement de la version officielle qui banalise la mort d’un jeune, criminalise la victime voire renvoie la violence vers des « affrontements ethniques ». La déqualification officielle de la vie de gens méprisés au quotidien, cantonnés dans un quartier aux marges de la ville, mal desservi, insalubre, délaissé par la municipalité depuis des années, nous renvoie évidemment à d’autres situations. Le mépris officiel, voire le soupçon de mensonge d’État, sur les dépouilles de ces victimes est à l’origine de bien des émeutes ces dernières années : en France en 2005 (mort de deux jeunes à Clichy sous Bois) et, depuis, à Villiers le Bel en novembre 2007 et Vitry le François en juin 2008, en Algérie à Tiaret en avril 2008, en Chine à Weng’an en juin 2008 voire à Montréal en août… Très souvent l’incommunicabilité qui est à la racine de l’émeute s’exprime, du côté de l’institution, par une construction rapide et efficace de la figure de l’étranger comme facteur de trouble. En Espagne, en septembre 2008, partout, dans les dépêches et les articles publiés, la victime du 9 septembre à Roquetas y est toujours désignée comme « un sénégalais de 28 ans ». Il n’a même pas de nom. L’analyseur de l’émeuten Les émeutes de novembre 2005 en France resteront sans doute longtemps une référence par la durée et l’extension géographique de l’événement comme par le maintien malgré tout d’un mystère alors qu’une abondante littérature leur a été consacrée (Mauger 2006, Kokoreff 2008). Que manque-t-il donc aux meilleures analyses pour saisir l’insaisissable, la subjectivité de l’événement ? Il ne manque pas d’analyses sociologiques des causes, d’analyses structurales du dispositif étatique dans les politiques urbaines. Nous connaissons les conditions objectives de possibilité de cet événement. Nous connaissions d’ailleurs ses causes avant qu’il ait lieu. Et personne ne l’a prévu. Mais rassurés par l’objectivation du désarroi qui a saisi tout observateur, nous avons peut-être omis de nous demander ce que l’événement nous disait que nous ne savions pas avant. En France, entre le 27 octobre 2005 et le 18 novembre, les acteurs sont restés dans l’obscurité et le silence. Ces nuits d’émeute des banlieues françaises laissent hors d’atteinte le visage, les mots, la subjectivité partagée de leurs acteurs. Stratégie d’une visibilité invisible, surgissement anonyme dans l’espace public. Nous avons vu à l’envi le feu et les lumières de la nuit, mais nous n’avons vu que des ombres. L’altérité ici est dans la situation, pas dans la finalité revendiquée. Ce mouvement que nous avons du mal à nommer n’est lui-même porteur d’aucun discours explicite. Or dans le déclenchement des émeutes, les mots ont été importants, notamment les mots utilisés par l’État vis-à-vis des deux jeunes qui avaient trouvé la mort le 27 octobre. Le passage à l’acte n’est pas une explosion désordonnée. « Paroles de pierre, images de feu » selon l’expression de Denis Merklen (2007). Faute de mots les actes parlent et l’émeute dit, justement « ce dont on ne peut parler » et que, comme le conseille Wittgenstein, « il faut taire ». L’émeute s’enclenche souvent sur le sentiment partagé de ce qui n’est pas dit où, parfois pire, de ce qui n’est pas bien dit. L’émeute du quartier des Mézereaux en 1993 se déclenche sur l’idée que le rôle de la police dans la mort du jeune Mohamed aurait été caché à la population. L’émeute de Villiers le Bel réagit au soupçon de camouflage du rôle réel du véhicule de police dans la mort de Mushin et Larani. L’émeute de Weng’an, dans la province du Guizhou, en Chine en 2008, apparaît comme un refus des conclusions de l’enquête sur la mort d’une jeune fille trouvé morte noyée et torturée. 39 Partout, c’est la question de « ce dont ne peut pas parler » dans l’espace public légitime qui est plus généralement en cause. Il n’y a nul soupçon de responsabilité policière dans la mort de Mohamed, 20 ans, habitant de RomeSaint-Charles à Vitry Le François en juin 20082. Pourtant, une cinquantaine de voitures ont été incendiées, la gare a été saccagée ainsi qu’un local de l’office HLM. Dès qu’ils ont été sur les lieux, gendarmes et pompiers ont été pris à partie ainsi que sept de leurs véhicules. L’explosion de colère se déclenche sans préavis dans le quartier RomeSaint-Charles où habitait la victime. A qui s’en prendre ? Le meurtrier avait disparu. On s’en prend alors au silence du monde politique et institutionnel concernant le sort réservé au quotidien à cette jeunesse. Au silence de médias qui ne semblent voir ces quartiers populaires que lorsque la mal-vie sombre dans le drame. Au silence forcé des victimes privées de toute légitimité de parole. L’émeute alors est une révolte muette contre le silence. L’émeute ici n’est pas un symptôme susceptible de nous renvoyer à des causes sociales ou politiques qui en satureraient la signification. L’émeute est un événement. C’est une rupture au sens où des hommes et des femmes, avec la claire conscience qu’ils seront de toute façon perdants, mettent leur corps voire leur vie en jeu et en danger face à l’État. Les actes et le corps parlent lorsque les mots n’ont plus de sens partagé. Une altérité subjective n Le défaut de « mots pour le dire » est certainement lié à son mode d’expression et sa « violence ». Cela signifie-t-il que la subjectivité qui s’exprime et s’expose ne peut pas s’énoncer comme une pensée discursive, comme une pensée politique ? Le mutisme des émeutiers est-il un défaut de mots ou un refus des mots ? Le travail d’observation mené depuis laisse peu de doute. Ce mutisme n’est pas une incapacité de parole. C’est un refus d’entrer en communication. Ce silence mis en scène par la mise à feu des quartiers en dit autant qu’il tait. Il n’y a pas absence de pensée singulière mais un message volontairement silencieux. « L’innommable » serait donc le symptôme de l’altérité, de la disjonction entre l’intellectualité institutionnelle et celle des jeunes émeutiers (Sagot-Duvouroux 2006), peut-être de leurs parents. Pour une part le mutisme est un choix partagé. Tout se passe comme s’il n’y avait pas de langage commun entre les jeunes de ces quartiers et les acteurs institutionnels, qu’ils soient policiers, politiques ou administratifs. Comme si le langage et les mots étaient même le terrain crucial de l’affrontement. Il existe un enjeu proprement linguistique sur la connaissance des tensions urbaines et sur la subjectivité des acteurs. La « rétention des mots », fait partie de cette subjectivité. L’altérité qui se dispose là est celle de deux langages, de deux espaces d’intellectualité concernant ces situations urbaines. La subjectivité politique qui s’y construit ne s’énonce dans la langue naturelle des institutions et de l’espace public. Elle s’énonce comme une langue et un espace d’intellectualité en altérité à l’institution. En France, depuis novembre 2005, la situation d’affrontement physique, corporel, vital des gens et des pouvoirs est politiquement de l’ordre de l’indicible, intellectuellement de l’ordre de l’innommable. La récurrence de ce silence public déborde largement l’hexagone. Dans l’année 2007-2008, d’autres pays ont connu des situations d’affrontement du même ordre, parfois plus amples et plus graves, dans une indifférence politique locale assez comparable.3 Les informations, à disposition de tous, ne franchissent pas le seuil de la légitimation symbolique par affichage dans le paysage de « l’actualité ». Elles ne trouvent pas leur place dans « l’ethnoscape » politique institué (Appadurai 2001), elles sont exclues de « l’esprit du temps ». La démarche qui est la mienne de « lire le présent comme un texte » (Bertho 2008), se trouve directement confrontée à cet impensé du présent, à l’encre sympathique qui trace les mots d’un présent populaire et globalisé. 40 Revue des Sciences Sociales, 2009, n° 42, « Étrange étranger » Que faire de la subjectivité partagée des jeunes de Zhenzhou et Nanchan en juin 2007, de Saint-Dizier en octobre, de Villiers le bel ou d’Aulnay en novembre, de Timimoun et Copenhague en février 2008 de Tiaret, Chlef ou Gdyel en avril, d’Oran en mai, de Nairobi ou Weng’an en juillet ? Que faire de Oaxaca, tombée en décembre 2006 aux mains de l’armée mexicaine, des habitants de Sidi Ifni, des 30 000 habitants de Redeyef, des Mingong de Kanmen ? Une altérité historique n L’observateur qui attend avec impatience que l’œuvre de l’historien vienne démêler les bégaiements des acteurs et des contemporains en sera pour ses frais. Il y a bien longtemps déjà que les historiens se débattent (et débattent) avec les jacqueries et les émotions populaires de l’Ancien régime français. La grande controverse Mousnier (1968) Porchnev (1972) sur les révoltes populaires en France a nourri une génération entière d’historiens. Derrière cette controverse se profile la question de l’historicisation des émeutes (ici les émotions populaires et les jacqueries), c’est-à-dire de l’inscription de ces événements singuliers dans un récit collectif. Y a-t-il une histoire propre, un récit propre, une logique chronologique aux émeutes populaires ? Où ne sont-elles que des discontinuités aléatoires d’un ordre social, économique et culturel qui peut être seul l’objet d’une histoire ? L’événement a un statut assuré, voire même privilégié lorsqu’il apparaît comme fondateur, lorsqu’il installe non une discontinuité mais une rupture. L’émeute Réveillon du 28 avril 1789 restera a jamais un événement historiquement dicible, avant coureur de l’état d’animation de la population de ce quartier de la Bastille qui connaîtra d’autres « journées ». L’événement introduit une rupture séquentielle, il est fondateur. Sans avoir cette force énonciatrice, certains événements sont nommables comme jalons d’une histoire postérieure. Concernant le XIXe siècle Alain Bertho par exemple, le contraste est grand de ce point de vue entre les émeutes ouvrières et les émeutes paysannes. La révolte des Canuts de Lyon en novembre 1831, le soulèvement ouvrier de Juin 1848, la Commune de Paris de mars à juin 1871 ont certes été écrasés dans le sang et n’ont immédiatement rien fondé. Mais chacun trouve à posteriori sa place dans le grand récit de la naissance et de l’affirmation du mouvement ouvrier. La caractérisation des révoltes paysannes est beaucoup plus problématique et leur récit reste difficile. Cette violence en effet non seulement n’annonce pas une visibilité politique postérieure mais semble se jouer de la séquentialité introduite par la Révolution française et prolonger les « émotions » d’Ancien Régime (Corbin 1993). L’émeute, l’État de guerre et la construction de l’étranger Disjonction politique n Les émeutes urbaines de la mondialisation oscillent entre ces deux statuts. Certaines connaissent une assignation signifiante rapide (« question tibétaine » ou « émeutes de la faim ») qui les déréalisent au moment même où elles se trouvent légitimées dans l’espace public. Car la question n’est peutêtre justement pas de leur assigner un sens politique lisible et dicible. Que nous dit ce jeune interrogé lors d’une enquête sur les émeutes en 2006 ? A la question posée sur le sens politique de l’émeute, il répond : « Un sens politique ? (rire) Je comprends pas… Non parce que c’était direct. Ils ont visé direct l’État. Ils ne sont pas passés par la politique. » Un autre ajoute : « ça n’a rien de politique, c’est pour se faire entendre ». Et un troisième « Pas de politique dans la démarche, mais ils voulaient quand même revendiquer des choses. » (Zavala 2008). Propositions difficiles à assimiler pour ce qu’elles disent. Il le faut pourtant. Ces jeunes nous disent que la politique n’est pas (n’est plus ?) une médiation entre des gens et l’État. Ils nous disent que se faire entendre de l’État et revendiquer ne passe pas par l’instance de traduction qu’est la politique moderne mais passe par un face à face, souvent violent. Ils nous disent au fond qu’il n’y a pas de politique car il n’y a peut-être pas de traductibilité possible entre leur espace d’intellectualité et celui de l’État. Donc, l’origine de l’émeute n’est pas dans le monde social visible, mis en scène, analysé, débattu dans l’espace public mais dans ce qui n’est pas visible dans ce monde là : des gens, des situations, des souffrances et peut-être surtout, des façons de les nommer. 41 La politique aujourd’hui, dans nombre de pays se donne comme l’instrument privilégié de cette mise en visibilité. Elle mobilise, outre ceux qui en font directement métier, les journalistes et des savants pour un travail collectif de mise en mots du monde dans la périphérie de l’État, au rythme de son calendrier. Cette intellectualité du monde s’accorde sur ce qui n’y a pas sa place. Les émeutes nous révèlent la multiplicité subjective et intellectuelle du monde. La pensée populaire des situations n’a pas ni légitimité si même d’existence officielle. Cette disjonction et ce déni génèrent le télescopage périodique des deux mondes. L’émeute est une lucarne fugace sur un paysage subjectif illégitime et ignoré. Mais la subjectivité de l’émeute ne prend pas fin avec le retour au calme. Pour les jeunes concernés par les émeutes de 2005, les trois semaines de paroxysme ne sont pas une parenthèse dans le temps. C’est un moment de plus grande intensité et de plus grande visibilité dans une réalité, objective et subjective, qui dure inexorablement. Le miroir de l’État de guerre n L’émeute est donc un miroir tendu à l’État, à l’espace institutionnel dans son ensemble. C’est bien sûr un analyseur des dimensions répressives de l’État contemporain, de ses tendances à criminaliser le social ou à militariser l’ordre civil. Mais ce miroir permet aussi de donner plus de relief à l’esquisse quant à la structure symbolique de cet État et aux limites de l’espace public légitime. Sa structure est celle d’un espace assiégé. L’intégration de la communication de masse, de la finance, des institutions du savoir, de l’administration et de la force dans un réseau de pouvoir rassemblé dans un même mode de penser le monde n’a d’égal que sa difficulté à comprendre, voir simplement à connaître des pans entiers de ce monde. Intellectuellement auto référencé, juridiquement auto légitimé, cet espace étatique ne se fonde pas sur sa capacité à intégrer et à prendre en compte l’ensemble de l’espace social, l’ensemble des habitants d’un pays. Il fonde au contraire la légitimité de son pouvoir sur sa capacité à exclure. Ainsi le principe moderne énoncé en 1789, selon lequel tout citoyen à le droit de concourir à la formation des lois s’est renversé en un « ne sera citoyen que celui qui obéira aux lois ». La référence à la loi et à la règle tend à s’imposer en lieu et place de la référence aux droits et aux principes. Un espace autoréférencé n’a pas besoin de passeurs. Et lorsque des jeunes s’adressent à lui, ils le font sans intermédiaire. La politique moderne s’est constituée comme un espace, parlementaire ou non, de traduction du social dans l’espace de l’État. Ce que l’on nomme Politique en terme d’organisations, d’enjeux, de débats publics n’est plus en position de traduction, de passeur et donc de constructions d’énoncés et de mots. Elle est aujourd’hui entièrement dans l’espace de l’État. Tout se passe comme si la politique moderne, celle des XIXe et XXe siècles n’existait plus. L’émeute est le plus souvent un face à face des gens et de l’État sur la question des principes et des fondements de l’action publique. La réponse institutionnelle se construit alors sur le registre de la mise à l’écart : par la criminalisation (hors la loi) ou par l’exclusion civique (celle de l’étranger). Par deux fois en trois ans, un État européen a déclaré l’État d’urgence. Etait-ce face à une menace de guerre, d’invasion, de conflit social menaçant la paralysie du pays ou de l’État ? Etaitce une décision prise face à un adversaire à la mesure d’un État européen moderne ? Quand en Conseil des ministres le mardi 8 novembre 2005, est présenté un décret permettant d’instituer l’État d’urgence dans certains départements français, les émeutes qui ont commencé le 28 octobre sont dans une phase descendante. Qu’importe, le gouvernement présente lundi 15 novembre 2005 un projet de loi permettant de prolonger l’état d’urgence pour une durée de trois mois à compter du 21 novembre. Cette prolongation est votée par le parlement alors que les émeutes sont en train de s’arrêter. Le 42 Revue des Sciences Sociales, 2009, n° 42, « Étrange étranger » Gouvernement a mobilisé la loi du 3 avril 1955 créant le cadre juridique de l’État d’urgence dans un contexte de guerre coloniale en Algérie. Trois ans plus tard, vendredi 25 juillet 2008, le gouvernement de Silvio Berlusconi a décidé d’instaurer l’État d’urgence dans toute l’Italie, pour répondre à l’afflux persistant et exceptionnel de citoyens extracommunautaires. Il s’agit, au moment de l’afflux estival de boat people sur l’île de Lampedusa, d’augmenter de façon significative le nombre de centres d’internement dans le pays. Cette mesure est prise dans un contexte de criminalisation de l’immigration irrégulière et de fichage systématique de la population Rrom en Italie. Cela signifie que 4 000 soldats sont déployés dans les rues italiennes pour une durée d’au moins six mois. Un tel déploiement n’avait qu’un seul précédent, l’opération, baptisée « Vêpres siciliennes » en 1992, après les attentats qui avaient coûté la vie aux juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. La construction de l’étranger n Guerre aux frontières, ennemis à l’intérieur. Ennemis aux frontières, guerre à l’intérieur. La confusion des genres, la commutativité des propositions instaure un nouveau droit : le droit des autres, ceux qui ne font pas partie non pas de la Nation, mais tout simplement du peuple. Ici c’est la loi qui définit la Nation, voire le peuple. Il y a ceux qui ont des droits parce qu’ils sont dans la loi. Il y a ceux qui n’ont pas de droit parce qu’ils ne sont pas dans la loi. Parce que la loi les a mis hors de la loi. Le droit n’est plus la source de la loi, mais l’inverse. Cette inversion a une portée considérable. Quand la Déclaration des droits de l’homme d’août 1789 proclamait que « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation », on voit qu’ici c’est le principe de la Nation, voire du peuple comme entité légitime qui réside dans le bon vouloir d’un souveraineté législative parfois erratique. Alain Bertho La militarisation de l’action publique et la déqualification symbolique de pans entiers de la population peut ainsi se construire. C’est la logique adoptée par la politique du gouvernement français dès l’instauration de l’État d’Urgence et de façon encore plus nette après l’émeute de Villiers le Bel. La « peur des minorités » comme « l’incomplétude » identitaire des Nations dans la mondialisation qui la génère dont nous parle Arjun Appadurai s’incarneraient et se cristalliseraient dans les dispositifs étatiques eux-mêmes. Il semble que les tensions urbaines qui révèlent de façon paroxystique les émeutes nous donnent à voir un processus plus complexe encore : celui de la constitution en « minorité dangereuse » d’une subjectivité populaire délégitimée mais pas forcément minoritaire. Sa réification institutionnelle en altérité nationale (l’étranger), légale (sans papiers ou criminels) voire religieuse est un opérateur de division qui peut s avérer dévastateur lorsque l’État ne parvient plus à assumer sur rôle de régulateur social global. Une partie de ceux qui ne sont pas « calculés », qui on été mis en marge de l’espace de rationalité institutionnelle peuvent reporter sur leur voisin le plus proche l’action d’exclusion qu’ils subissent eux-mêmes. La dynamique subjective des émeutes xénophobes diffère peu de celles que nous avons évoquées à la différence que la cible est alors le voisin différent et pas seulement l’institution. Ainsi, à l’origine des émeutes d’Utrecht en mars 2007, on trouve une bavure policière banale. Le 16 mars, Rinie Mulder, 54 ans, exhibant le couteau qu’il vient de confisquer à un jeune du quartier d’Ondiep lors d’une altercation est tué par une jeune femme policière qui se croit menacée. Les deux jours d’émeutes anti policières qui suivent prennent pourtant une tournure particulière. Les expressions utilisées par la presse en ligne comme par des blogs en donnent à peu près l’esprit. On peut ainsi lire que « des émeutes ont lieu depuis deux jours (…) suite à la mort d’un hollandais d’origine par un officier de police musulman ».4 ou seulement « une L’émeute, l’État de guerre et la construction de l’étranger femme d’origine marocaine ». « Emeutes blanches à Utrecht »5 voire « émeutes de Paris à l’envers » menée par « les citoyens non immigrants »6, l’émeute urbaine est ainsi décrite comme celle de la colère des pauvres hollandais de souche contre la double menace de la police et de « l’immigration musulmane », de ces « jeunes allogènes » ou de ces « jeunes d’origine marocaine » dont « les habitants du quartiers se plaignent depuis des mois ».7 Et pourquoi pas des émeutes « dues à un meurtre anti-blanc » ?8 Les blogs d’extrême droite se déchaînent. Les barricades, les voitures brûlées, l’incendie d’un centre communautaire apparaissent alors comme une triple revanche : contre le pouvoir (qui laisse faire les délinquants « allochtones »), contre ces voisins qui ne sont pas d’ici et contre les autres émeutiers, ceux d’ailleurs, de France par exemple, qui ont osé sec révolter contre le sort qui leur était fait. La dynamique combinée des ressentiments est terrifiante. On la retrouve avec une limpidité similaire en Belgique quelque mois plus tard. Le 23 mai 2008 au soir, dans la commune d’Anderlecht (banlieue de Bruxelles) commencent des échauffourées à tonalité raciste marquée. A l’appel d’un blog d’extrême droite qui aurait invoqué la « nécessité » de « venger un viol », des « supporters du RSCA Anderlecht », le club de football, s’en prennent violemment aux personnes d’origine « visiblement » étrangère du quartier. L’affrontement tourne à la bataille rangée. 400 à 500 personnes de chaque côté et une police débordée entre les deux. Aux Pays-Bas et en Belgique, la lecture ethniciste des tensions urbaines est banale, presque en partage entre tous les acteurs. Après les événement d’Anderlecht, comme après ceux de Stolevaart l’année précédente, des associations de quartier mettent en scène la nécessaire tolérance sans remettre en cause une altérité prise comme une évidence. Ce sera « la marche des mamans » à Anderlecht fin juin comme cela avait été la manifestation festive de Stolevaart en octobre 2007, essentielle féminine et enfantine. C’est en Afrique du sud, en mai 2008 que des dizaines de milliers d’im- migrés effrayés par les violences xénophobes, ont fui le pays. Les violences dans Johannesburg, ont fait au moins 50 morts et des centaines de blessés en deux semaines. Les cibles sont les Mozambicains et Zimbabwéens, notamment les sans-papiers accusés de prendre des emplois et de créer de l’insécurité. Les violences, d’une ampleur jamais vue depuis les affrontements entre l’ANC et l’Inkhata de 1994, ont commencé le 11 mai dans le bidonville d’Alexandra, se sont étendues à toute la zone de Johannesburg puis à Durban, la deuxième ville du pays, puis dans les townships de Leslie et Embalenhle, près de la ville industrielle de Secunda. Il reste à éclaircir la responsabilité du « Slums Act », une loi visant à éradiquer les bidonvilles, dans l’explosion de violence. Le Slums act, comme dans d’autres pays, propose en quelque sorte de régler la pauvreté urbaine par l’expulsion manu militari des bidonvilles et la libération du marché foncier. Cette perspective, d’une grande violence pour une population dont la pauvreté le dispute au mépris des autorités peut toujours conduire à des explosions. Elle s’est ici dirigée contre le voisin le plus proche, le concurrent dans la pauvreté, l’autre, l’étranger. Conclusion n Ce qu’on appelle mondialisation est une rupture dans les modes d’intellectualité du contemporain qui se caractérise par la cohabitation dans le même temps et le même lieu de modes d’intellectualité disjoints et hétérogènes. De cette multiplicité émerge une opposition majeure entre une pensée institutionnelle (administrative et savante) qui est toujours dans l’espace intellectuel de la séquence qui s’achève et une pensée populaire installée dans le contemporain. La disqualification de cette subjectivité populaire contemporaine génère des tensions dont l’émeute est la manifestation paroxystique. Mais au-delà, cette disjonction intellectuelle et subjective abolit de fait les médiations entre société et État et déréalise l’espace de la politique comme espace de cette médiation. La 43 « vie nue » (Agamben 1997) affronte en direct l’institution. Ce face à face est doublement asymétrique. Si c’est une asymétrie militaire qui fait de l’issue de l’émeute une issue sans surprise, c’est inversement une asymétrie subjective qui met l’institution en difficulté. En effet, dans la multiplicité des intellectualités contemporaines et leur incommunicabilité, le populaire est bilingue. Il entend le langage de l’État quand ce dernier n’entend pas aisément le mode d’intellectualité populaire. Cette dissymétrie génère la colère muette d’un côté (l’émeute) et l’assignation ethnique de l’altérité comme menace de l’autre. La construction de l’étranger est donc d’abord la figure de l’incapacité étatique contemporaine à porter une conception englobante du peuple. Dans cette situation, l’État fonde sa légitimité sur sa capacité à exclure et non à intégrer. Mais cette construction de l’étranger est mouvante, instable suivant le moment, les échelles, les lieux. La définition de « l’alien » pour reprendre la terminologie nord-américaine, de celui qui n’est pas d’ici, de celui qui se différencie de façon irrémédiable du commun, va varier suivant qu’il s’agit de criminaliser des victimes, d’exclure des habitants du droit commun du logement dans une ville (SDF ou squatters), d’exclure des populations du droit commun du travail ou de la santé (Sans-papiers), d’agiter la menace identitaire (et religieuse par exemple). La réification de l’altérité peut prendre le visage de l’ethnicité mais ses voies sont multiples. En amont de la peur des minorités ou des petits nombres, il y a la nécessaire construction symbolique des dites minorités « surnuméraires ». Bibliographie Notes Agamben G. (1997), Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Seuil. Agamben G. (2008), Qu’est-ce que le contemporain ?, Paris, Rivages poche. Appadurai A. (2001), Après le colonialisme, les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot. Appadurai A. 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Un autre, touché à la tête s’effondre et meurt quelques heures plus tard. 3. J’ai personnellement recensé 54 situations d’émeutes dans le monde entre le printemps 2007 et l’été 2008, notamment en Chine, Algérie, Belgique, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso, Egypte, Canada, Inde, 4. http://lesalonbeige.blogs.com/my_ weblog/2007/03/emeutes_en_holl.html 5. h t t p : / / w w w . b r u s s e l s j o u r n a l . c o m / node/1976 6. h t t p : / / w w w . b r u s s e l s j o u r n a l . c o m / node/1976 7. http://fr.altermedia.info/general/emeutes-blanches-a-utrecht_10514.html 8. http://www.cawa.fr/emeutes-en-hollande-dues-a-un-meurtre-anti-blanc-article001018.html 44 Revue des Sciences Sociales, 2009, n° 42, « Étrange étranger » Alain Bertho L’émeute, l’État de guerre et la construction de l’étranger Annexe : émeutes référencées dans l’article année mois pays ville situation 2005 Octobre-Novembre France Emeutes à la suite de la mort de Zyed et Bouna à Clichy sous Bois 2006 Juin Chine Jiangxi Nanchan Scandale du à des faux diplômes. 2006 Juin Chine Henan Zhenzhou Doute sur la validité des diplômes 2006 Juin-Décembre Mexique Oaxaca Six mois d’état insurrectionnel 2007 Mars Pays Bas Utrecht Bavure policière et émeute raciste 2007 Juin Chine Henan Zhenzhou Brutalité policière envers une étudiante qui faisait de la vente à la sauvette 2007 Octobre Pays Bas Stolevart Mort d’un jeune déséquilibré dans un commissariat 2007 Octobre France Saint-Dizier Quartier du Vert-bois. Trente à quarante jeunes masqués attaquent une voiture de pompiers et un véhicule de la Brigade anti-criminalité (BAC). 2007 Novembre France Aulnay 2 au 6 novembre, affrontement suite au coma d’un jeune motocycliste poursuivi par la police 2007 Novembre France Villiers le Bel Emeute près la mort de Omar-Mohcine et Larani dont la moto a été heurtée ^ar un véhicule de police 2008 Janvier Juin Tunisie Redeyef Six mois de conflit très dur entre la population du bassin minier et l’État tunisien 2008 Février Algérie Timimoun Dans une cité de banlieue, colère contre le mépris, la « Hogra » dont sont victimes les jeunes.» 2008 Février Danemark Copenhague Cinq nuits de tensions après des brimades des policiers vis-à-vis de la population d’un quartier. 2008 Avril Algérie Chlef Violente émeute de plusieurs jours contre l’expulsion des réfugiés du tremblement de terre d’el Asnam. Spéculation foncière et corruption 2008 Avril Algérie Gdyel Attribution peu transparente de locaux commerciaux neufs 2008 Avril Algérie Tiaret L’enterrement de Harraga (jeunes candidats à l’émigration) tourne à l’émeute 2008 Mai Afrique du Sud Johannesburg Emeutes xénophobes 2008 Mai Algérie Oran Emeute après la défaite du club de football Mouloudia club d’Oran (MCO). 2008 Mai Belgique Anderlecht Affrontement raciste après match de football. 2008 Juin Maroc Sidi Ifni Affrontements violents à la suite d’un conflit social. La ville est en État de siège. 2008 Juin France Vitry le François Mort d’un jeune. quartier Rome-Saint-Charles. 2008 Juillet Chine Guizhou Weng’an Li Shufen, lycéenne de 15 ans retrouvée noyée (après viol). Soupçon sur les autorités locales. Attaque du poste de police 2008 Juillet Chine Zhejiang Kanmen Emeutes de Mingong après que l’un d’eux ait été battu par la police. Un millier de Mingong prennent d’assaut le poste de police pendant plusieurs jours 2008 Juillet Kenya Nairobi Emeutes étudiantes 2008 Août Canada Montréal Nord Après la mort du jeune Villanueva tué lors d’un contrôle de police. 2008 Septembre Espagne Roquetas del Mar Meurtre d’un jeune immigré 45